Compte rendu

Commission
des lois constitutionnelles,
de la législation
et de l’administration
générale de la République

 

 

 

        Examen de la proposition de loi visant à assouplir les conditions d’expulsion des étrangers constituant une menace grave pour l’ordre public (n° 265) (Mme Edwige Diaz, rapporteure)                            2

        Examen de la proposition de loi tendant à l’instauration de peines planchers pour certains crimes et délits (n°  262) (Mme Pascale Bordes, rapporteure)                            19


Mercredi
23 octobre 2024

Séance de 9 heures

Compte rendu n° 9

session ordinaire de 2024 - 2025

Présidence
de M. Florent Boudié, président puis de M. Philippe Gosselin, vice-président

 


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La séance est ouverte à 9 heures.

Présidence de M. Florent Boudié, président.

La Commission examine la proposition de loi visant à assouplir les conditions d’expulsion des étrangers constituant une menace grave pour l’ordre public (n° 265) (Mme Edwige Diaz, rapporteure) ;

M. le président Florent Boudié. Nous examinons ce matin les propositions de loi relevant de la commission des lois inscrites à l’ordre du jour de la journée réservée au groupe Rassemblement national, le jeudi 31 octobre.

Mme Edwige Diaz, rapporteure. La philosophie qui anime ce texte est largement plébiscitée par les Français, puisque 85 % d’entre eux sont favorables à l’expulsion des délinquants et criminels étrangers ayant purgé leur peine de prison sur le territoire national. Toutes les auditions que j’ai pu mener confirment le caractère injustifiable de la situation. Les étrangers sont à l’origine d’une part considérable de la délinquance et de la criminalité et leur expulsion se heurte à beaucoup trop d’obstacles juridiques.

Pendant que la liste des personnes agressées, violées ou tuées par des étrangers sous obligation de quitter le territoire français (OQTF), parfois récidivistes ou multirécidivistes, ne cesse de s’allonger, le droit français est méprisé. Nos compatriotes sont les premières victimes de ce carnage quotidien permis par des règles trop contraignantes et impraticables.

Du fait de l’enchevêtrement des régimes d’exception et du manque de volonté politique en matière diplomatique, seules 5 à 10 % des OQTF sont exécutées. Les associations dites humanitaires sont devenues des machines à fabriquer des recours. En définitive, l’impunité règne et les Français subissent une barbarie croissante sans être protégés par le droit.

Comme la politique doit partir des faits, permettez-moi de vous les rappeler ! Les étrangers constituent 20 % des individus mis en cause par les forces de l’ordre, alors qu’ils ne représentent que 8 % de la population vivant en France. Ils totalisent 14 % des mises en cause pour violences sexuelles, 15 % pour escroqueries, 20 % pour trafics de stupéfiants, 30 % pour vols sans violence, 30 % pour vols violents avec arme, 35 % pour vols d’accessoires de véhicule et 37 % pour cambriolages de logement. Dans les transports en commun d’Île-de-France, 63 % des violences sexuelles sont commises par des étrangers. Dans un État de droit qui se respecte, c’est-à-dire où la primauté du droit est assurée, une situation aussi désastreuse qu’anti-juridique ne se produirait pas.

Pourtant présentée comme le pays des droits de l’Homme, la France permet à des étrangers notoirement violents, condamnés par la justice de façon définitive, de se promener sur son territoire en toute liberté et d’y multiplier les infractions, quand il ne s’agit pas d’abominations qui brisent des vies. Je salue d’ailleurs le courage et la détermination de Mme Claire Geronimi et de Mme Catherine Bargue, qui nous ont livré leurs témoignages lors des auditions.

Une humble proposition de loi comme celle que j’ai l’honneur de défendre ne résoudra pas l’intégralité du problème, fruit de décennies de laxisme et d’inertie politique. Par ce texte, nous souhaitons rendre systématique l’expulsion d’un étranger notamment condamné pour une infraction punie d’au moins trois ans d’emprisonnement et lever certains obstacles à l’expulsion qui ne nous paraissent pas justifiables. Toutefois, nous maintenons qu’une révision de la Constitution est nécessaire, dans la droite ligne du programme de Marine Le Pen.

La situation n’est absolument pas sous contrôle. Les centres d’hébergement d’urgence ne sont pas informés de l’identité réelle des personnes accueillies et ignorent la présence de délinquants dans leurs locaux. Les directions des centres d’accueil pour demandeurs d’asile ne sont pas prévenues des antécédents judiciaires des étrangers qu’elles accompagnent. La police aux frontières ne dispose pas de moyens suffisants pour mener à bien ses missions. Par ailleurs, certaines associations empêchent l’application du droit, agissant comme des milices, contre l’État et contre les Français. Enfin, le droit des procédures d’éloignement est illisible et insaisissable pour de nombreuses préfectures, comme pour les juridictions administratives ou judiciaires. Face à toutes ces défaillances, le Rassemblement national défend une ligne claire : tout étranger qui constitue une menace grave pour l’ordre public doit passer de la prison à l’expulsion sans passer par la case libération ! C’est une demande très forte de la part des Français et un impératif de justice contre tous ces drames, qui sont évitables. La France ne doit pas devenir un boulevard à marches blanches pour tous ces innocents sacrifiés sur l’autel de la soumission et de la passivité de l’État !

M. le président Florent Boudié. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Bryan Masson (RN). Il existe un pays dans lequel un étranger se voit offrir l’hospitalité, les soins gratuits, l’éducation de ses enfants et parfois l’hébergement. Il existe un pays dans lequel ce même étranger, s’il commet les pires crimes ou délits, peut faire l’objet d’une peine aménagée ou d’une remise de peine, voire ne jamais mettre les pieds en prison. Il existe un pays dans lequel cet étranger, après avoir récidivé plusieurs fois, est invité par l’administration à y rester pour préserver ses libertés fondamentales. Ce pays, c’est le nôtre.

Depuis une cinquantaine d’années, les gouvernements successifs ont empilé les dispositifs de protection des droits des étrangers, feignant de ne pas voir le lien entre immigration et insécurité. Plutôt que d’endiguer l’insécurité galopante, inséparable de l’immigration de masse, l’État a bâti une forteresse administrative visant à protéger les étrangers de l’expulsion, quel que soit leur degré de dangerosité. Au lieu de faciliter leur assimilation, ce fonctionnement a créé chez certains un véritable sentiment de toute-puissance, voire de défiance à l’égard des symboles de la République.

Le groupe Rassemblement national a, plus qu’aucun autre groupe, l’intention d’en finir avec cette spirale de la violence étrangère. Face à la dangerosité des propositions des députés d’extrême gauche, à l’inaction des macronistes et à l’insincérité des effets de manche des députés LR, il lui revient de proposer du changement aux Français, qui sont 85 % à souhaiter l’expulsion des criminels et délinquants étrangers. Son ambition est de retrouver un peu de bon sens dans la réponse de l’État face aux auteurs de délits et de crimes.

Pour rappel, 93 % des vols et 63 % des agressions sexuelles dans les transports franciliens sont le fait d’étrangers. Ces derniers sont surreprésentés, quels que soient les types de délits et de crimes ou les territoires. Ils représentent 25 % des prisonniers, soit au moins 15 000 personnes. Les expulser permettrait d’atteindre le double objectif de rendre de la sécurité aux Français et de libérer des places dans nos établissements pénitentiaires saturés.

Ces chiffres se traduisent malheureusement dans des affaires dont les Français se souviennent, comme l’assassinat de Philippine ou celui de la petite Lola. Il faut être aveuglé par l’idéologie pour ne pas tirer les conséquences de cette immigration anarchique, qui est un facteur aggravant de la délinquance. Croyez-moi, les Français, eux, sont loin d’être aveugles !

Pour toutes ces raisons, le groupe Rassemblement national propose d’assouplir les conditions d’expulsion des étrangers constituant une menace grave pour l’ordre public. Ce texte devrait faire l’objet d’une large approbation de la part des députés de cette commission, car il est indispensable pour rétablir l’ordre dans notre pays.

M. Vincent Caure (EPR). Je suis désolé de vous décevoir, mais votre texte n’obtiendra pas un soutien unanime – je mets dès à présent fin au suspense !

Votre proposition de loi vise à assouplir les conditions d’expulsion des étrangers dont la présence en France constituerait une menace pour l’ordre public, y compris les mineurs. Comme vous nous y avez habitués depuis longtemps, elle témoigne, dès l’exposé des motifs, de considérations excessives et mensongères et prône des solutions inhumaines.

L’expulsion d’un étranger qui porterait atteinte à l’ordre public est une faculté de l’administration et non une obligation. Cette expulsion n’est possible que sous certaines conditions relatives aux circonstances de la présence de l’étranger sur le territoire, comme le fait de justifier ou non d’une résidence habituelle en France depuis une longue période, de contribuer à l’entretien et à l’éducation de son enfant français mineur résidant en France ou, compte tenu du système de santé du pays de renvoi, d’avoir besoin d’une prise en charge médicale en France. Les articles L. 631-2 et L. 631-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda) rendent toutefois possible l’expulsion d’un étranger condamné pour un délit ou un crime puni de trois ans d’emprisonnement ou plus sans considérer les circonstances de sa présence en France. En revanche, l’article L. 631- 4 prévoit le principe de non-expulsion d’un étranger mineur.

Le texte qui est proposé vise à réécrire les articles L. 631-1 et L. 631-2, ainsi que l’article L. 252-1, et à supprimer les articles L. 631-3 et L. 631-4 ainsi que l’article L. 252-2 du même code. L’objectif est de rendre automatique l’expulsion d’un étranger, tant en situation régulière qu’irrégulière, même s’il est ressortissant d’un État de l’Union européenne, qui aurait été définitivement condamné pour la commission d’une infraction passible de trois ans d’emprisonnement. L’administration perdrait ainsi toute possibilité d’évaluer chaque situation individuelle et de prendre en compte les circonstances relatives à la présence de cet étranger en France. Par ailleurs, l’expulsion d’un étranger mineur de 16 ans ou plus deviendrait possible.

Or le Conseil constitutionnel a rappelé, dans sa décision du 13 août 1993, que la législation en matière d’expulsion devait respecter le droit à une vie familiale normale, principe énoncé à l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et reconnu comme ayant une valeur constitutionnelle. La Cour européenne des droits de l’homme a également estimé que la gravité de l’infraction n’était que l’un des critères à considérer pour justifier l’expulsion d’un étranger et que les circonstances familiales, telles que la situation des enfants et des époux, devaient être prises en compte. Enfin, dans sa décision du 4 octobre 2019, le Conseil constitutionnel a rappelé que les mineurs présents sur le territoire national devaient bénéficier de la protection légale attachée à leur âge.

Dans son article premier, le texte proposé par le Rassemblement national comporte donc des dispositions potentiellement inconstitutionnelles et inconventionnelles. Cette faiblesse juridique se double d’une faiblesse opérationnelle dans la prétendue lutte contre l’immigration illégale, puisque l’expulsion d’un étranger condamné est déjà largement possible et pratiquée. Par conséquent, le groupe Ensemble pour la République estime qu’une telle proposition de loi ne résoudrait en rien les problèmes liés à l’immigration dans notre pays.

Notre priorité reste d’améliorer la maîtrise de nos frontières. Pour cette raison, nous appelons de nos vœux la mise en œuvre du pacte européen sur la migration et l’asile. Le Rassemblement national propose un texte démagogique et inefficace. Sans surprise, le groupe EPR votera contre.

M. Paul Christophle (SOC). Je ne surprendrai personne en annonçant que le groupe socialiste à l’Assemblée nationale s’opposera à l’adoption de cette proposition de loi, comme de toutes les autres du Rassemblement national.

Au-delà du principe politique fondamental que constitue l’opposition au projet xénophobe d’un parti d’extrême droite – dont les débats sur la mission Immigration, asile et intégration du projet de loi de finances (PLF) hier soir et la discussion de cette proposition de loi ce matin sont la parfaite illustration –, nous considérons que ce texte est à la fois dangereux, démagogique et inutile.

Tout d’abord, ce texte est dangereux. Votre proposition de loi viserait, à en croire son titre mensonger, à assouplir les conditions d’expulsion des étrangers présentant une menace grave pour l’ordre public. En fait, au lieu d’un assouplissement, elle instaurerait une obligation d’expulsion qui retirerait toute marge d’appréciation à l’administration. Celle-ci ne pourrait plus prendre en compte le contexte propre à chaque individu, notamment le fait d’être en situation régulière et établi en France de longue date. En outre, le dispositif s’appliquerait en cas d’infraction passible d’une peine d’au moins trois ans de prison, même si la peine prononcée est bien inférieure. Or le fait de ne pas porter assistance à une personne en danger est passible d’une peine de cinq ans de prison. Quant au vol dans un supermarché, il est passible d’une peine de trois ans de prison. Voilà les menaces graves pour l’ordre public qui, selon vous, justifieraient une expulsion automatique ! Heureusement que vous êtes là pour protéger notre pays.

Ensuite, ce texte est démagogique. Les articles du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile que vous souhaitez amender ont déjà été modifiés en janvier par la loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, il y a seulement neuf mois. Changer sans cesse la loi affaiblit son exécution. Avant d’adopter de nouvelles dispositions, il faut évaluer les précédentes. Le rôle d’un député n’est pas de faire de la communication à partir de faits divers, mais de chercher à régler les problèmes de nos concitoyens, en se confrontant au réel sans mensonge, sans ignorance et sans peur. Vous avez choisi l’ignorance et la peur pour gouverner votre action, nous préférons la raison.

Enfin, ce texte est inutile. L’exécution des expulsions est tributaire de la coopération des pays de renvoi et votre proposition de loi est de toute façon contraire à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (DDHC), à la Constitution et aux conventions internationales que la France a ratifiées, en un mot contraire à notre État de droit.

Vous ne devriez pas gaspiller le temps de votre niche parlementaire pour traiter de sujets qui feront peut-être l’objet d’un prochain projet de loi du ministre de l’intérieur. Sur les bancs de la gauche mais également sur d’autres bancs, nous espérons que nous aurons à nos côtés suffisamment de républicains pour valoriser la chance qu’est l’immigration dans notre pays et ne pas laisser le gouvernement faire croire que sans les étrangers, tout irait mieux en France.

En matière d’étrangers criminels, un autre chemin est possible. Il suppose d’abandonner une ridicule politique du chiffre, qui fait de la France l’un des pays européens expulsant le plus, tout en ayant l’un des taux d’exécution des OQTF les plus faibles.

M. Éric Pauget (DR). Le 23 novembre 2022, j’ai eu l’honneur de défendre la proposition de loi n° 354 visant à assouplir les conditions d’expulsion des étrangers constituant une menace grave pour l’ordre public, qui avait été déposée par notre famille politique de la Droite républicaine. Deux ans plus tard, la proposition de loi n° 409 du Rassemblement national porte quasiment le même titre.

Ces deux propositions de loi, toutefois, ne sont pas identiques. Si la Droite républicaine souhaite depuis longtemps faciliter l’expulsion des étrangers pouvant représenter une menace grave pour les Français, elle est attentive à le faire avec raison, pour éviter une censure globale des avancées législatives par le Conseil constitutionnel. Sous peine de nullité, le texte ne doit pas s’apparenter à un réquisitoire à charge contre les étrangers. Il doit plutôt s’envisager comme un mémoire en défense qui permettra de protéger efficacement les Français.

C’est sans polémique, mais avec le sérieux et le pragmatisme indispensables à la conduite d’une politique migratoire efficace, que le ministre de l’intérieur vient d’expulser le fils d’Oussama Ben Laden et d’abroger la circulaire Valls qui permettait de régulariser les clandestins présents en France depuis plus de dix ans.

Pour la Droite républicaine, cette proposition de loi va dans le bon sens concernant les étrangers majeurs, puisqu’elle reprend les avancées proposées par notre groupe en 2022. Bien qu’elle comporte des mesures d’éloignement des mineurs présentant un risque d’inconstitutionnalité et pouvant déboucher sur une censure globale du texte, nous la voterons. Notre priorité est en effet de lutter contre une véritable bombe à retardement qui constitue une menace grave pour notre pays et nos concitoyens.

Comme nulle polémique ne vaut l’action politique, faisons de l’efficacité le principe cardinal de notre politique migratoire. C’est la condition de sa réussite, mais surtout de notre sécurité et de la crédibilité de la France. Elle sera au cœur du projet de loi sur l’immigration que prépare le ministre de l’intérieur Bruno Retailleau et qui, je l’espère, sera largement soutenu par les membres de notre commission.

Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). Nous examinons une proposition de loi inscrite dans la journée d’initiative parlementaire du Rassemblement national. Nous pouvions espérer un travail sérieux, documenté et innovant pour répondre aux besoins du pays. Or vous tombez dans vos propres pièges, ceux de la facilité, de l’étroitesse de vue et de l’incantation. Il ne suffit pas de répéter à l’envi « expulsion » pour que nos concitoyens soient en sécurité !

Votre proposition de loi coche toutes les cases de la fraude législative. Son inspiration est clairement xénophobe. Nous souffrons dès la lecture des premières lignes de l’exposé des motifs et plus encore en vous écoutant. Les étrangers sont tantôt décrits comme des personnes inadaptées à la société française, tantôt comme des délinquants commettant les pires crimes et délits. En réalité, vous rêvez d’éliminer du corps social celles et ceux qui ne vous ressemblent pas et tous les moyens sont bons pour y parvenir, même rédiger un texte fondé sur des mensonges.

Il n’y a jamais eu de laxisme de la part des préfets en matière d’expulsion. Les derniers chiffres en attestent. Quand vous prétendez le contraire, vous mentez ! Votre idée de transformer la faculté en une obligation ne repose sur aucune nécessité. À la malhonnêteté, vous ajoutez l’outrance. Pour plaire sur les plateaux télévisés, vous choisissez de trahir les principes républicains les plus élémentaires. Vous n’aimez pas la France !

Vous souhaitez supprimer les légitimes protections dont bénéficient certaines catégories d’étrangers contre l’expulsion. Celles-ci sont pourtant relatives. Ces personnes ne peuvent pas être expulsées pour avoir commis un petit larcin, mais elles peuvent l’être lorsque la menace est caractérisée.

Votre projet est de rendre l’expulsion automatique pour le moindre méfait et de créer un réflexe pavlovien de l’administration, dans le cadre d’une compétence liée. Pourtant, une condamnation pénale ne s’accompagne pas forcément d’une dangerosité pour la population. En outre, la double peine n’a pas de sens pour des personnes qui ont construit leur vie en France et qui n’ont pratiquement aucun lien avec leur pays d’origine.

Une nouvelle fois, vous prouvez votre inefficacité. Alors qu’il faudrait renforcer les moyens d’enquêtes de la police judiciaire, mieux lutter contre la récidive, éviter de fracturer la société et d’aggraver les tensions, vous proposez un texte destructeur des personnes et des familles. Vous oubliez également que la loi adoptée en janvier a déjà largement assoupli les conditions d’expulsion des étrangers. Ce n’est pas la sécurité des Français qui vous intéresse, ce sont vos coups de communication.

Vous supprimez d’un trait de plume le contrôle de proportionnalité entre la nécessité de l’expulsion et ses conséquences sur la situation personnelle et familiale des étrangers concernés. Pour vous, le discernement est une anomalie à neutraliser. Ce n’est pas la première fois que vous enfreignez la Convention européenne des droits de l’homme. Vous commettez même l’erreur fatale de vouloir rendre possible l’expulsion des mineurs. L’intolérance comme boussole, l’amateurisme comme méthode !

Évidemment, le groupe Écologiste et social votera contre cette proposition de loi.

Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Le vernis social que vous voulez vous donner ne résiste pas à l’examen de votre proposition de loi, fondée sur le racisme et la désignation d’un bouc émissaire.

Comme le ministre de l’intérieur et la Macronie de Gérald Darmanin lors de la dernière loi « immigration », vous n’avez de cesse de construire un ennemi de l’intérieur qu’il faudrait faire partir à tout prix, et ce malgré les condamnations des instances internationales comme la Cour européenne des droits de l'homme, qui reprochent à la France de ne pas traiter avec dignité les étrangers qui sont sur notre sol.

Vous refusez de voir les vrais enjeux : les inégalités abyssales, la catastrophe écologique, le monde au bord de la guerre, etc. Pour vous, le vrai problème, c’est l’étranger ! Pour garantir la sécurité des Français, il faudrait donc expulser en masse. Nous ne partageons pas cette analyse, qui alimente la vision xénophobe qui fait votre fonds de commerce.

Selon vous, l’ancienneté du séjour, l’état de santé, le droit à la vie privée et familiale ou le fait d’être victime de violences intrafamiliales ne devraient plus protéger des expulsions. Les ressortissants de l’Union européenne pourraient également être concernés. Certes, vous dites que vous ne ciblez que les criminels, mais vous vous appuyez sur la notion assez vague de troubles à l’ordre public. Vous avez en outre une conception assez étrange du rôle des préfets, qui deviendraient des commissaires chargés d’appliquer vos lubies xénophobes.

Vos propositions sont irréalistes et démagogiques, mais comme vous ne pouvez pas vous empêcher d’être dans la surenchère, vous voulez aussi vous attaquer aux enfants.

Contrairement à vous, nous pensons que la clandestinité favorise une délinquance de survie. Vous devriez relire Les Misérables de Victor Hugo. Les chemins de l’exil sont compliqués et violents. Permettre aux personnes qui ont vécu cette expérience de retrouver une certaine stabilité nous semble donc essentiel. Plus leur accueil sera organisé et structuré, moins nous serons confrontés à des difficultés.

Vous l’avez compris, nous n’aurons aucune hésitation à voter contre votre proposition de loi.

M. Éric Martineau (Dem). Vous nous avez expliqué que grâce à votre proposition de loi, les étrangers délinquants et criminels passeront de la prison à l’expulsion sans passer par la case libération.

Vous feignez d’ignorer la promulgation récente d’une loi qui améliore le dispositif d’éloignement des étrangers représentant une menace grave pour l’ordre public. Celui-ci prévoit notamment l’élargissement des possibilités de recours à l’expulsion d’étrangers ayant commis des infractions graves, la suppression des protections contre les décisions portant OQTF pour les étrangers en situation irrégulière ou la possibilité, dans certaines situations, de retirer ou de ne pas renouveler les titres de séjour pour des motifs supplémentaires sans avoir besoin de caractériser la menace à l’ordre public. Ces dispositions répondent déjà à l’objectif que vous poursuivez, à la différence près qu’elles respectent le cadre constitutionnel. Au-delà de l’effet de manche, quel est donc l’apport de votre texte ?

Nous sommes attachés aux principes conventionnels et constitutionnels fondamentaux, en particulier le respect du droit à la vie privée et familiale. Nous ne souhaitons pas en faire l’économie.

Vous entendez rompre avec un paradigme séculaire voulant qu’en matière de police administrative, les prérogatives du préfet soient discrétionnaires. Or instaurer une compétence liée aurait des conséquences importantes sur les contentieux et augmenterait la complexité des procédures d’expulsion, sans pour autant résoudre l’une des difficultés structurelles, qui est liée à la délivrance des laissez-passer consulaires. Par ailleurs, la référence à une menace grave à l’ordre public ne semble pas suffisante. Selon une jurisprudence constante, une condamnation pénale ne peut suffire à justifier une expulsion. Quant à la définition légale de la notion de menace grave à l’ordre public, elle se heurte au fait que le seuil de gravité peut varier, pour être durci dans un contexte terroriste ou, à l’inverse, assoupli quand la personne dispose de liens privés et familiaux étroits avec la France. Votre rédaction mentionne en outre l’adverbe « notamment », qui n’a pas de valeur juridique – argument que vous avez déjà utilisé dans d’autres textes. Enfin, des interrogations demeurent sur le sort réservé aux mineurs, avec d’importants risques constitutionnels et conventionnels.

Pour l’ensemble de ces raisons, et parce que l’éloignement des étrangers est un sujet qui mérite d’être traité dans le respect des conventions internationales, avec honnêteté, sans populisme ni démagogie, nous ne pourrons que nous opposer à votre proposition.

Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). Le groupe Horizons & Indépendants a toujours défendu une position extrêmement ferme en matière d’éloignement des étrangers menaçant gravement l’ordre public, en particulier lors de l’examen de la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration. Nous avons soutenu certaines dispositions proposées et définitivement adoptées, telles que la création de nouvelles exceptions aux protections dont bénéficient certains étrangers contre l’expulsion, l’élargissement du champ des infractions pour lesquelles le juge pourra ou devra prononcer une interdiction du territoire français ou la suppression de la liste des protections dont bénéficient certains étrangers contre l’OQTF. Nous avons également réitéré la pleine confiance faite aux préfets d’apprécier au cas par cas les éventuelles atteintes à la vie privée et familiale.

La présente proposition de loi du groupe Rassemblement national poursuit un objectif que nous partageons – avoir les moyens d’expulser les étrangers qui troublent gravement l’ordre public –, mais ses choix de mise en œuvre ne nous paraissent pas pertinents à plusieurs égards.

D’abord, ce texte contraindrait l’autorité administrative, en lui imposant de prendre des décisions d’expulsion contre tout étranger dont la présence en France constitue une menace grave pour l’ordre public. Cette disposition sous-entend une forme de défiance envers les préfets, qui n’utiliseraient pas les moyens juridiques mis à leur disposition pour préserver l’ordre public dans leur territoire. Or le groupe Horizons & indépendants est convaincu qu’ils sont les plus à même d’apprécier localement les situations et de prendre les décisions adéquates. Il tient d’ailleurs à leur apporter son plein soutien et toute sa confiance.

Ensuite, il supprimerait purement et simplement l’ensemble des protections dont bénéficient certains étrangers contre l’expulsion. En procédant ainsi, le Rassemblement national contrevient aux dispositions constitutionnelles qui protègent la vie privée et familiale, ainsi qu’à nos engagements européens et internationaux.

Enfin, cette proposition de loi prétend régler les difficultés d’éloignement des étrangers, mais, pour notre groupe, les préfets n’en sont pas responsables et la part d’étrangers qui ne peuvent pas être expulsés en raison des différentes protections existantes est minime comparée aux problèmes rencontrés dans l’exécution des décisions. Ces derniers sont liés à l’incapacité de la France à obtenir les laissez-passer consulaires permettant un retour effectif des étrangers dans leur pays d’origine. Or le texte qui est présenté n’apporte aucune solution dans ce domaine.

En conséquence, le groupe Horizons & Indépendants ne votera pas cette proposition de loi.

M. Paul Molac (LIOT). Certains essayent de nous convaincre que les immigrés sont responsables de ce qui ne va pas dans ce pays et nous proposent une énième loi sur l’immigration. Il est difficile de prétendre que rien n’est fait, alors qu’il s’agit de la vingt-neuvième loi sur ce sujet depuis 1980 et qu’un nouveau texte est présenté au Parlement pratiquement chaque année.

J’ai conscience des attentes de nos concitoyens en matière de sécurité. Certaines d’entre elles sont tout à fait légitimes et ont d’ailleurs trouvé un écho dans le vote par le Parlement d’une série de textes renforçant l’arsenal législatif de lutte contre l’immigration clandestine et dans les efforts faits au quotidien par les forces de sécurité intérieure présentes sur le terrain.

Vous semblez considérer que la suppression de toutes les protections dont bénéficient certains étrangers contre les expulsions serait la solution à tous nos problèmes. Pourtant, dans votre logique, il serait plus efficace d’augmenter le nombre de sorties du territoire, qui est d’environ 17 000 chaque année, plutôt que de se focaliser sur les seules expulsions, qui ne représentent qu’environ 300 cas.

Certains étrangers sont protégés parce qu’ils sont parents d’enfants mineurs ou qu’ils sont mariés à un Français depuis plusieurs années. La spécificité de leur situation est une réalité qui s’impose à nous. Les protections relatives ou quasi absolues traduisent un juste équilibre entre préservation de l’ordre public et protection de plusieurs droits fondamentaux, notamment celui de mener une vie familiale normale ou d’accéder aux soins.

La dernière loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration a déjà drastiquement réduit les protections dont peuvent bénéficier les étrangers. La protection relative peut être remise en cause par une simple condamnation à un délit passible de trois ans de prison, comme un vol dans un supermarché. Être expulsé parce qu’on a volé pour se nourrir me paraît un peu disproportionné !

En outre, cette loi n’est en vigueur que depuis janvier et tous les décrets ne sont pas encore publiés. Il est donc top tôt pour en constater et évaluer les premiers résultats. Vouloir à tout prix ajouter de nouveaux textes sans se préoccuper de leur application n’est que de la communication.

Vous prétendez que votre texte simplifierait les procédures, mais il semble, au contraire, que ces changements intempestifs paralyseraient en partie notre administration. En rendant obligatoire l’expulsion, celle-ci ne pourrait plus se concentrer sur les cas graves et dangereux.

Le principal défaut de cette proposition de loi est qu’elle ne tient pas compte de l’intégralité des moyens dont dispose l’administration. L’expulsion n’est qu’un outil, bien moins utilisé que l’OQTF. Or le régime de cette dernière a déjà été fortement simplifié par la dernière loi, qui a supprimé toutes les protections légales.

Notre groupe estime que l’enjeu n’est pas de modifier nos codes, mais de renforcer l’exécution des décisions d’éloignement, notamment les OQTF. Cela passe par la diplomatie et la négociation avec les autres États, qui ne sont pas obligés de récupérer des ressortissants ayant parfois quitté leur pays d’origine depuis vingt ou trente ans. Malheureusement, votre texte n’apporte aucune solution dans ce domaine. Notre groupe votera donc contre cette proposition de loi.

Mme Elsa Faucillon (GDR). Vous nous proposez une énième loi sur l’immigration, correspondant à l’obsession du Rassemblement national de placer un signe d’égalité entre immigration – ou plutôt étrangers – et délinquance. Malgré vos éternelles éructations, ce lien n’est vérifié par aucune réalité statistique, à la différence de celui qui existe entre le Rassemblement national et les condamnations pour racisme !

La récupération répugnante de l’effroyable féminicide de Philippine est, à mes yeux, ce qui exclut le Rassemblement national du combat pour le féminisme et plus largement de l’arc républicain. Dérouler une avalanche de sophismes dans l’hémicycle et dans les médias ne constitue pas une stratégie de défense efficace des droits des femmes. Vous ne dénoncez jamais la culture du viol et le fait que 98 % des viols sont commis par des hommes. Vous insistez systématiquement sur la figure de l’étranger et non sur celle de l’homme.

Puisque votre proposition de loi n’est qu’une mesure d’affichage, vous n’y faites preuve d’aucune rigueur. L’exposé des motifs demeure pauvre, du point de vue des statistiques comme du droit, mais ce n’est pas ce qui vous importe.

Cette proposition de loi a pour ambition de supprimer en partie les catégories protégées des expulsions du territoire français prévues aux articles L. 631 et suivants du Ceseda. L’expulsion est une mesure administrative visant à éloigner un ressortissant étranger du territoire. Elle est prononcée dans des situations très graves, liées à la protection de l’ordre public ou en cas d’atteinte à la sûreté de l’État. Il n’est pas nécessaire d’avoir fait l’objet d’une condamnation pénale. La menace est évaluée par l’administration en fonction du comportement de l’individu – violence, trafic de drogue, incitation au terrorisme, etc. La décision est prise par le préfet ou le ministre de l’intérieur et la personne concernée peut être renvoyée de force dans son pays d’origine ou dans un autre pays. La procédure est exceptionnelle, encadrée et doit être justifiée.

Ce que les députés RN prétendent vouloir instaurer existe déjà dans le droit positif, puisque les catégories protégées d’une expulsion ne le sont pas totalement. Ces protections sont d’ores et déjà contournées par l’autorité administrative, par exemple au motif d’atteinte à la sécurité publique. Cette proposition de loi politicienne n’apporte donc rien ! En revanche, elle s’attaque aux garanties procédurales et aux droits fondamentaux des étrangers. Son alinéa 11 modifie l’article L. 631-1 du Ceseda et confère un caractère automatique à la procédure d’expulsion. En outre, et c’est peut-être l’aspect le plus dangereux, elle porte atteinte aux droits des enfants, puisqu’elle abrogerait l’article L. 631-4, qui dispose qu’un étranger mineur de 18 ans ne peut pas faire l’objet d’une décision d’expulsion, et le remplacerait par une disposition autorisant l’autorité administrative à expulser tout étranger mineur de plus de 16 ans en cas de comportement de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l’État. La minorité ne constituerait donc plus une catégorie protégée. Seulement neuf mois après l’interdiction de placer des enfants dans les centres de rétention, leur expulsion deviendrait possible !

Pour toutes ces raisons, le groupe GDR votera résolument contre ce texte inique.

Mme Brigitte Barèges (UDR). Au-delà de nos oppositions partisanes, nous devons nous demander si les Français se sentent en sécurité. Les sondages démontrent que ce n’est pas le cas. L’actualité récente regorge de crimes, de viols et d’actes de barbarie ou de torture subis par des enfants ou des femmes. Vous avez évoqué la petite Lola ou Philippine, mais ces affaires sont malheureusement très nombreuses et mettent souvent en cause des étrangers sous OQTF ou en situation irrégulière.

Devons-nous rester les bras croisés ou essayer de faire évoluer le droit pour protéger toutes ces victimes présumées, ces enfants, ces femmes ou ces personnes âgées ? Certes, des lois existent, mais elles se sont complexifiées avec le temps et la multiplication des dérogations paralyse souvent l’administration. J’ai entendu vos propos faits de déni et d’exagération, alors qu’il n’est question ici que de meurtres, de tortures et de faits extrêmement graves. Nous devons faire confiance à l’administration et aux préfets pour évaluer les menaces à l’ordre public. Il n’est pas normal que des personnes condamnées à des peines lourdes bénéficient de dérogations leur permettant de rester sur le territoire français.

Il est temps de prendre ce sujet à bras le corps et d’oublier nos conflits politiciens – même si, compte tenu des interventions précédentes, je doute que nous y parvenions. Nous ne pouvons pas laisser des personnes dangereuses circuler librement dans nos rues. Quant aux mineurs, l’âge est parfois difficile à prouver, d’autant que la protection de l’enfance n’a pas les moyens de procéder systématiquement à des tests osseux. Pourtant, nous savons tous que certains mineurs non accompagnés (MNA) n’ont pas 15 ou 16 ans, mais plutôt 25. Nous le constatons tous les jours.

Le groupe Rassemblement national nous propose une loi qui simplifierait le droit. Les dispositions qu’elle prévoit sont, contrairement à ce que j’ai pu entendre, mesurées. Elles ne concernent que des faits très graves. Donnons des marges de manœuvre aux préfets et à l’administration et délivrons-les de toutes les dérogations qui leur sont imposées ! Nous devons nous emparer de ce sujet qui préoccupe les Français. Le ministre de l’intérieur s’y est lui-même engagé hier, dans cette commission, en annonçant un amendement augmentant le budget des reconduites à la frontière des personnes en situation irrégulière.

Beaucoup trop de drames se sont déroulés dans les dernières semaines et les derniers mois en France. Nous devons prendre des mesures fortes et celles de cette proposition de loi n’ont rien d’excessif. En conséquence, le groupe UDR la votera.

M. Sacha Houlié (NI). Au risque de vous surprendre, je trouve que cette proposition de loi présente un véritable intérêt. Elle démontre que le Rassemblement national a été le passager clandestin de la dernière loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration. Il n’a soit rien compris soit rien voulu comprendre. En effet, les dispositions qu’il propose d’introduire par la double peine figurent déjà, au moins en partie, dans les articles 35 et suivants de la loi du 26 janvier 2024. Ceux-ci permettent l’éloignement des étrangers qui ont commis des infractions graves sanctionnées d’une peine de prison d’au moins trois ans. Le ministre de l’intérieur de l’époque, M. Darmanin, avait suffisamment insisté sur le fait que 4 000 étrangers délinquants étaient concernés. Dans ces conditions, nul besoin de doter le ministre de l’intérieur du Rassemblement national d’un nouveau texte !

Cette proposition de loi constitue une véritable bouillie juridique au service de la communication politique. Tout d’abord, comme l’a rappelé mon collègue du groupe Les Démocrates, on ne crée pas un droit opposable à l’expulsion en plaçant l’administration en situation de compétence liée. Ensuite, le texte supprimerait la possibilité, qui existe aujourd’hui, d’expulser un étranger ayant commis une violation délibérée et d’une particulière gravité des principes de la République. Enfin, il ne permettrait plus aux préfets d’abroger une décision manifestement illégale. Tous ces éléments montrent que le Rassemblement national ne s’est jamais départi de son amateurisme et témoignent de son incapacité à proposer des solutions véritablement utiles aux Français et à l’ensemble de la population.

Mme Edwige Diaz, rapporteure. Je pensais être rue de l’Université et, en vous écoutant, j’ai plutôt eu l’impression d’être au 2 rue de Montpensier, entourée non pas de députés chargés de faire la loi, mais de sages du Conseil constitutionnel se prononçant sur un texte qui n’est même pas voté ! Je voudrais donc vous ramener à l’Assemblée nationale et vous rappeler que le rôle du législateur est, selon l’article 6 de la DDHC, d’exprimer la volonté générale.

Vous ne cessez de répéter que notre proposition de loi menacerait l’État de droit, mais vous faites preuve d’une incroyable mauvaise foi, allant jusqu’à trahir l’esprit de la Ve République que vous prétendez pourtant défendre, en oubliant que l’autocensure du législateur est inconstitutionnelle. Le rôle des députés est de répondre aux préoccupations et aux besoins des Français. Nous le faisons grâce à ce texte, puisque 85 % des Français souhaitent que les délinquants étrangers soient expulsés.

Monsieur Caure, vous considérez que notre proposition de loi est inhumaine. Pour notre part, nous considérons plutôt que ce qui est inhumain est le piétinement du droit à la sécurité et du maintien de l’ordre public en France. Vous prétendez par ailleurs que notre texte est potentiellement inconstitutionnel ou inconventionnel, mais ne faudrait-il pas commencer par le voter ? Ensuite, les Sages pourront se prononcer. Il est par ailleurs étonnant que vous envisagiez de régler le problème de l’immigration grâce au pacte sur l’immigration et l’asile voté au Parlement européen. Soutenu par Mme von der Leyen – mais pas par les eurodéputés du Rassemblement national –, celui-ci vise en effet à favoriser l’arrivée d’étrangers dans notre pays, sous peine d’une amende considérable, de l’ordre de 20 000 euros par personne refusée de mémoire. Votre raisonnement est donc pour le moins incohérent !

Monsieur Christophle, vous reprenez les habituels commentaires sur la prétendue xénophobie de l’extrême droite. Vous estimez que notre proposition de loi est dangereuse, alors les politiques que vous défendez permettent à des délinquants et des criminels étrangers de se déplacer en toute liberté dans notre pays et d’y commettre des actes graves. Vous nous accusez de démagogie, mais vous tenez des propos caricaturaux en qualifiant notre proposition de loi d’inutile. Comme d’autres, vous considérez que l’impossibilité d’expulser des délinquants étrangers est liée à l’absence de laissez-passer consulaires. Vous ne faites donc qu’entériner l’incapacité des précédents gouvernements à faire respecter la souveraineté du peuple français.

Je remercie notre collègue Pauget de faire preuve de cohérence, puisqu’il avait défendu une loi similaire à la nôtre. Les députés LR sont, hélas, souvent absents des débats, mais j’espère que nous pourrons compter sur leur présence le 31 octobre, afin que le texte soit adopté. Je compte sur vous, cher collègue Pauget, pour faire la démonstration de votre attachement à cette loi.

Madame Balage El Mariky, vos leçons de morale confinent au ridicule ! Personne dans ce pays ne considère que le Rassemblement national n’aime pas la France. Vous dites que notre proposition de loi aggraverait la situation et détruirait des familles. Pour nous, ce sont vos politiques qui détruisent des familles, en particulier des familles françaises, lorsqu’elles laissent des délinquants et des criminels étrangers commettre des actes qui auraient pu être évités.

Madame Martin, je ne sais même pas quoi vous répondre tellement vous êtes dans la caricature ! Vous soulignez le caractère trop vague de la notion d’ordre public. Or j’ai écrit un rapport très précis à ce sujet. Vous ne l’avez manifestement pas lu avant de venir dans cette commission, ce qui démontre une certaine impréparation et une forme de mépris à l’égard du travail parlementaire. Vous êtes sans cesse dans la culture de l’excuse. Pourtant, 75 % des Français sont favorables à un durcissement en matière de politique migratoire. Votre intervention traduit votre déconnexion à la fois des attentes des Français et de vos électeurs.

Le groupe Les Démocrates s’inquiète de la fragilité du dispositif. Cher collègue, vous n’êtes pas encore membre du Conseil constitutionnel, donc je vous invite à rester à votre place de législateur et à montrer aux Français que vous votez des lois conformes à leurs attentes ! S’agissant de la difficulté à obtenir des laissez-passer consulaires, vous vous contentez de constater l’échec de votre propre famille politique, qui n’a pas réussi, depuis sept ans que vous êtes au pouvoir, à inverser la tendance. Vous avez laissé la France devenir l’otage de la bonne volonté des autres pays. Marine Le Pen a des propositions pour les inciter fortement à délivrer ces documents, par exemple en limitant l’octroi des visas pour les étudiants, en conditionnant l’accès aux soins – très généreux – que nous offrons à leurs ressortissants ou en jouant sur le levier de l’aide au développement, qui représente tout de même 15 milliards d’euros par an. Nous avons là de bonnes bases de négociation, qui montrent que nous ne sommes pas condamnés à la fatalité. Ces commentaires s’adressent également à Mme Firmin Le Bodo, du groupe Horizons.

Monsieur Molac, vous avez indiqué que vingt-neuf lois sur l’immigration avaient été votées au cours des dernières années. Ces textes ont peut-être été aussi nombreux, parce qu’ils ne répondaient pas aux besoins. Avec Marine Le Pen, nous proposons de changer de paradigme et de rendre la parole au peuple en matière d’immigration. Nous souhaitons que le Président de la République organise un référendum constitutionnel, pour que les Français, trop peu consultés sur ce sujet, puissent enfin s’exprimer. Nous pourrons ainsi obtenir des avancées considérables. S’agissant du respect des droits fondamentaux et de la possible disproportion entre les actes commis et les peines que nous voulons infliger, nous sommes en effet favorables à la dissuasion. Les délinquants étrangers sont trop souvent galvanisés par un sentiment – malheureusement fondé – d’impunité. Nous voulons donc insister sur la certitude et la sévérité de la peine, pour que les Français ne subissent plus cette insécurité.

Madame Faucillon, il est toujours surprenant de voir un parti comme le vôtre se présenter comme détenteur de la vérité, alors qu’il est incapable d’obtenir plus de 3 % des suffrages à l’élection présidentielle ou aux élections européennes. Vous prétendez que nous voulons expulser des enfants, mais vous savez que ce n’est pas vrai. Nous voulons expulser des personnes qui, même si elles ont entre 16 et 18 ans, représentent un danger pour notre pays. Il est question d’actes terroristes par exemple, et non de petits larcins. La presse ne cesse de se faire l’écho de ce rajeunissement de la violence et vous ne pouvez l’ignorer. Pour ce qui est de l’appartenance du groupe Rassemblement national à l’arc républicain, je vous invite à respecter nos 11 millions d’électeurs. Enfin, s’agissant de votre combat prétendument féministe, comment pouvez-vous vous poser en défenseure des femmes, alors que vous êtes favorable à l’immigration, terreau du communautarisme et moteur de l’obscurantisme qui restreint aujourd’hui les droits des femmes dans notre pays ?

Monsieur Houlié, il est assez étonnant de vous voir défendre la loi « immigration » de M. Darmanin, alors que, lorsque vous étiez président de cette honorable commission, vous en avez dit pis que pendre et que, si ma mémoire est bonne, vous ne l’avez pas votée.

Enfin, je remercie notre collègue Brigitte Barèges du groupe d’Éric Ciotti, de faire preuve de bon sens et de montrer que le groupe des patriotes écoute les préoccupations des Français. Au Rassemblement national, nous souhaitons, comme vous, les prendre en compte et agir !

 

 

Article 1er (art. L. 252-1, L. 252-2, L. 253-1, L. 423-19, L. 426-4, L. 432-12, L. 630-1, L. 631-1, L. 631-2, L. 631-3, L. 631-4, L. 632-3, L. 632-4, L. 632-5, L. 632-6, L. 632-7, L. 651-7-1, L. 652-1, L. 653-1, L. 654-1, L. 655-1, L. 656-1, L. 731-5, L. 742-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et art. L. 773-11 du code de justice administrative) : Rendre obligatoire l’expulsion des étrangers dont la présence sur le territoire constitue une menace grave à l’ordre public et supprimer les régimes de protection contre l’expulsion

 

Amendements de suppression CL1 de M. Sacha Houlié, CL2 de Mme Élisa Martin, CL3 de M. Paul Christophle, CL6 de M. Paul Molac et CL7 de Mme Elsa Faucillon.

M. Sacha Houlié (NI). Mme la rapporteure n’a pas tout à fait compris mes propos ni ma position concernant la loi « immigration », notamment le fait que j’ai défendu à la fois l’expulsion des délinquants et la régularisation des travailleurs dans les métiers en tension. Je lui enverrai mes interviews à ce sujet.

Vous nous proposez de voter cette loi, puis d’attendre ce qu’en dira le Conseil constitutionnel. Le ministre de l’intérieur avait tenu le même discours s’agissant de la loi « immigration » et le texte a fait l’objet de trente censures, dont les amendements que la commission des lois avait considérés comme irrecevables. Le dénigrement dont vous faites part à l’égard du juge constitutionnel est assez éclairant. Nous ne sommes pas des juges constitutionnels, mais nous sommes des députés et, à ce titre, nous devons a priori respecter l’État de droit. Or l’un de ses fondements est la séparation des pouvoirs.

Nous vous avons signalé les nombreux errements juridiques qui ont parsemé la présentation de votre proposition de loi, qui constitue une violation manifeste du droit constitutionnel. Ces éléments justifient la suppression de cet article et le fait de ne pas voter le texte.

M. Thomas Portes (LFI-NFP). Mon amendement vise à supprimer totalement cette proposition de la loi, qui n’est qu’une énième tentative du Rassemblement national pour diffuser et légitimer la théorie du grand remplacement. L’extrême droite utilise cette idéologie raciste et conspirationniste pour semer la haine et justifier sa violence.

Cette nouvelle loi anti-immigration n’est qu’un coup de communication, une loi CNews, pour détourner l’attention du fait que le Rassemblement national ne répond pas aux véritables préoccupations des Français, comme en témoigne son récent vote contre l’abrogation de la réforme des retraites en commission des affaires sociales.

Nous nous opposons fermement à la criminalisation des étrangers, à la machine à expulser que vous voulez imposer. Vous instrumentalisez les faits divers et les émotions pour justifier la suppression des protections légales qui permettent de tenir compte de la situation personnelle des individus, comme leurs attaches familiales ou leur état de santé.

L’expulsion automatique d’un étranger condamné à trois ans de prison est une double peine discriminatoire. Une personne pourrait être punie deux fois pour le même délit, uniquement parce qu’elle n’est pas française, ce qui est en contradiction avec les principes d’égalité devant la loi et d’individualisation des peines.

Vous parlez beaucoup de la violence des étrangers qui ne devraient pas être sur le territoire et qui y commettent des actes horribles. En revanche, je ne vous ai pas entendu critiquer le laxisme de la justice quand celle-ci concerne vos amis du Groupe union défense (GUD), notamment Loïk Le Priol et Romain Bouvier, qui ont assassiné l’international de rugby argentin Federico Martín Aramburú dans la rue à Paris.

Pour nous, se préoccuper des questions migratoires nécessite d’agir sur les causes profondes de ces phénomènes, en l’occurrence les guerres impérialistes, le pillage capitaliste et la destruction climatique, qui poussent les individus à fuir leur territoire et à traverser la mer au péril de leur vie. Tous les jours, des morts sont retrouvés dans la Méditerranée et dans la Manche.

Votre proposition de loi est ignoble. Au Parlement européen, vous êtes inexistants ; à l’Assemblée nationale, vous êtes inutiles.

Mme Céline Thiébault-Martinez (SOC). Cette proposition de loi est contraire à nos principes constitutionnels et aux conventions internationales ratifiées par la France, en particulier la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

L’inspiration raciste de ce texte est manifeste, puisqu’il s’agit de nier l’étranger en sa qualité de personne. L’objectif est de permettre l’expulsion des étrangers qui bénéficient d’une protection en raison de leur situation personnelle. Or même après la loi scélérate de janvier 2024, cette décision est prise en tenant compte de la durée de présence sur le territoire, du contexte familial, de l’intégration dans la société et de l’intensité des liens avec le pays d’origine.

Rendre automatique l’expulsion sans prendre en considération la situation des personnes visées aboutirait à des absurdités. Un jeune de 18 ans soupçonné d’un vol simple commis pour se nourrir ou se vêtir devrait, même s’il est condamné de manière symbolique par un juge, faire l’objet d’une procédure d’expulsion, puisque la peine encourue est de trois ans de prison. Or celui-ci est peut-être arrivé en France à l’âge de 10 ans, a peut-être été confié à l’aide sociale à l’enfance (ASE) – et dans ce cas la République, responsable de son éducation, aurait manifestement failli – ou n’a peut-être conservé aucun lien avec son pays d’origine. Une mère de famille pourrait, elle aussi, être expulsée pour un vol simple, même si son conjoint et ses enfants sont français. Les individus placés dans de telles situations formeraient certainement tous les recours possibles, ce qui aurait pour effet d’encombrer les tribunaux administratifs.

Enfin, n’oublions pas que le texte prévoit d’introduire une exception remettant en cause le principe d’interdiction d’expulser les mineurs.

M. Paul Molac (LIOT). Je suis député d’une circonscription rurale dans laquelle se trouve la petite ville de Ploërmel, qui compte environ 10 000 habitants. La candidate du Rassemblement national a prétendu que la commune était submergée par une vague migratoire venue de Rennes. Certes, quelques habitants, qui travaillent principalement dans l’agroalimentaire, sont d’origine étrangère, mais ils ne sont pas pléthore. L’objectif de tels discours est de rendre paranoïaque le peuple français.

Vous cherchez à nous faire croire que les problèmes de délinquance sont liés aux immigrés, alors qu’ils ne sont le fait que de 4 % d’entre eux. Vous faites des généralités à partir de quelques cas, certes horribles, mais particuliers. Après vous être attaqués aux étrangers, qui viserez-vous ? Vous vous en prendrez à ceux qui ne sont pas français comme vous ? (Exclamations.)

Mme Elsa Faucillon (GDR). Notre amendement vise à supprimer l’article 1er, qui constitue l’essentiel de cette proposition de loi du Rassemblement national. Ce texte repose sur une vision extrêmement triste de notre pays, qui serait incapable d’inclure ou de réinsérer les personnes ayant commis des délits. Condamné au déclin, il ne pourrait plus être une terre d’accueil et d’égalité.

La rédaction du texte relève d’un certain amateurisme. Comme vous l’avez relevé, madame la rapporteure, nous ne sommes pas le Conseil constitutionnel. En revanche, nous sommes des législateurs et nous devons respecter le cadre juridique existant, à moins que vous ne pensiez, comme le ministre de l’intérieur, que l’État de droit n’est pas si important !

Pour gagner du temps et nous épargner de nouvelles éructations xénophobes, j’invite tous ceux qui considèrent que les droits des enfants sont à protéger avec encore plus de force à voter cet amendement de suppression.

Mme Edwige Diaz, rapporteure. Je ne suis qu’à moitié étonnée des égarements de nos collègues de la NUPES, qui viennent nous expliquer que le Rassemblement national serait contre l’abrogation de la réforme des retraites d’Emmanuel Macron. Non seulement ce n’est pas le sujet, mais les votes parleront d’eux-mêmes ! Que ferez-vous le 31 octobre ? Soutiendrez-vous le texte que nous proposerons ?

Tous ceux qui sont favorables à ces amendements de suppression feignent d’ignorer les avancées concrètes que comporte notre loi. Comme vous ne les avez pas comprises ou ne voulez pas les comprendre, je vais vous les réexpliquer.

Nous voulons supprimer les hypothèses légales qui permettent à un étranger qui représente une menace grave pour l’ordre public – que nous définissons notamment par la condamnation à un crime ou un délit puni d’une peine d’au moins trois ans d’emprisonnement – d’échapper à une mesure d’expulsion. Nous souhaitons rendre cette dernière systématique et la rendre possible pour les mineurs de plus de 16 ans en cas d’activité à caractère terroriste. Le régime applicable aux citoyens de l’Union européenne serait par ailleurs aligné sur celui prévu dans notre proposition de loi. Celle-ci abrogerait en outre le réexamen de la situation des étrangers tous les cinq ans et ne permettrait plus à l’administration de délivrer une carte de séjour temporaire à un étranger auquel la carte de résident permanent a été retirée. Toutes ces mesures me semblent répondre aux attentes des Français. Pourquoi refusez-vous d’écouter leurs revendications ?

Pour terminer, je relèverai que notre collègue socialiste a fait la démonstration de sa mauvaise foi ou de sa méconnaissance du droit. Si vous ne voulez pas vous ridiculiser, vous pourriez retirer votre amendement. En France, voler pour se nourrir constitue un état de nécessité qui est une cause d’exonération de responsabilité pénale et n’est donc pas passible d’une condamnation. Vous ne pourriez donc pas être expulsé pour ce genre de faits.

M. Yoann Gillet (RN). Dans leur très grande majorité, les Français estiment, à juste titre, que la France subit une immigration incontrôlée. Par la voix de notre collègue Edwige Diaz, le groupe Rassemblement national présente une proposition de loi de bon sens visant à assouplir les conditions d’expulsion des étrangers constituant une menace pour l’ordre public. En défendant un amendement de suppression, l’extrême gauche n’est pas du côté des Français !

Notre proposition de loi est très simple : vous êtes en France, vous respectez les lois de la République française ! Si ce n’est pas le cas, vous repartez dans votre pays d’origine !

Les Français savent que des délinquants étrangers restent sur notre sol, que les délinquants mineurs entre 16 et 18 ans ne sont pas expulsables et qu’il existe une exception pour les citoyens de l’Union européenne. Ils veulent du bon sens et de la fermeté, pour permettre à leurs filles de sortir le soir en toute sécurité. Vous ne pouvez nier qu’il existe un lien entre immigration et insécurité. Nos prisons accueillent 25 % d’étrangers, alors qu’ils ne représentent que 7 % de la population présente sur le territoire.

M. Jean-François Coulomme (LFI-NFP). Vous évoquez sans cesse le fantasme de la femme blanche qui serait victime du viol de l’homme noir. Vous adoptez les mêmes arguments que ceux utilisés par le Ku Klux Klan pour inciter à la haine raciale aux États-Unis dans les années 1930. Or, dans notre pays, 95 % des violences sexistes et sexuelles se produisent dans le cercle familial. Elles n’ont pas lieu dans l’espace public, que vous essayez de nous présenter comme une zone de guerre opposant les blancs et ceux qui ne le seraient pas.

Puisqu’elles sont principalement commises dans le cercle familial, votre parti est probablement touché par les violences sexistes et sexuelles. Vous préférez toutefois l’ignorer, pour stigmatiser une partie des personnes qui vivent sur notre sol et qui rendent service à notre nation. Vous auriez mieux fait de proposer une loi de régularisation pour tous ceux qui travaillent sans disposer d’un titre de séjour.

M. Romain Baubry (RN). Les explications apportées par l’extrême gauche sont totalement ridicules. Elle est prête à tout pour permettre à des individus dangereux ayant commis des crimes et délits de rester sur notre sol.

Tous ceux qui s’opposent à notre proposition de loi sont complices de la mise en danger quotidienne de nos compatriotes. Ils se moquent du souhait exprimé par la majorité des Français, qui est d’expulser de notre territoire les délinquants et criminels étrangers. Il n’existe aucune raison de faire preuve d’hospitalité envers des individus qui ne respectent pas les lois de la République et qui représentent plus de 25 % des détenus dans notre pays.

De l’extrême gauche au camp des macronistes, vous venez de nous faire la démonstration qu’en plus d’être antisémites, vous êtes immigrationnistes et antifrontiéristes !

M. Emmanuel Duplessy (EcoS). Le Rassemblement national prétend proposer une loi visant à assouplir les conditions d’expulsion. Or il s’agit en fait de systématiser l’expulsion. Soyez honnêtes ! Vous la conditionnez certes à l’existence d’une menace grave pour l’ordre public, mais vous définissez celle-ci de manière très large, puisqu’il suffit d’avoir commis un délit.

Madame Diaz, il n’est pas nécessaire d’être juge constitutionnel pour considérer que les mesures proposées sont disproportionnées et qu’elles ne respectent pas les principes fondamentaux de notre droit pénal. Vu la qualité de vos analyses juridiques, vous devriez monter en compétences ou gagner en modestie et faire preuve d’un peu d’humilité dans les invectives que vous adressez à cette commission, qui n’est pas uniquement composée de membres d’extrême gauche.

Votre texte traduit une incompréhension de ce qu’est la sanction pénale. Ce n’est pas parce qu’un délit est puni au maximum de trois ans d’emprisonnement et de  d’une amende de tel montant que la peine normale correspond à ce seuil maximum. Vous ne comprenez rien au droit pénal et à la République ! Vous n’êtes pas dans l’arc républicain, tout simplement parce que vous ne savez pas ce que c’est.

M. Hervé Saulignac (SOC). Je ne commenterai pas le fond du texte, mais je m’attarderai sur ma conception de notre rôle de législateur.

Madame la rapporteure, vous nous avez demandé de voter votre loi, puis d’attendre la décision du Conseil constitutionnel. Vous assumez donc de débattre de textes qui constituent des mensonges faits aux Français. Vous vous lancez dans des provocations, en sachant que vous ne respectez pas les règles qui fondent nos institutions. En quelque sorte, vous venez d’inventer la délinquance législative ! Je tenais à le dénoncer et j’espère que votre proposition de loi sera rejetée.

Mme Edwige Diaz, rapporteure. En tant que législateurs, notre rôle est de faire la loi et non de commenter ce qui est constitutionnel et ce qui ne l’est pas. Pour répondre à notre collègue Saulignac, je rappellerai toutefois que j’ai évoqué dans mon propos liminaire la nécessité d’une réforme constitutionnelle, comme la propose Marine Le Pen. Celle-ci est indispensable pour satisfaire pleinement les attentes des Français dans le respect du droit. Vous devriez être à nos côtés, et nous soutenir, quand nous demandons à Emmanuel Macron de permettre au peuple de s’exprimer en organisant un référendum sur l’immigration.

Monsieur Coulomme, votre intervention était totalement hors sujet. Contrairement à vous, nous ne hiérarchisons pas l’horreur. Nous ne minimisons pas les violences intrafamiliales – je vous épargnerai les illustrations qui me viennent en tête et qui sont le fait de membres de votre famille politique –, mais vous savez qu’elles ne concernent pas notre texte, puisque vous avez fait le choix de ne pas déposer d’amendement à ce sujet. Celui-ci aurait constitué un cavalier législatif, contraire à l’article 45 de la Constitution. Vous êtes uniquement dans la communication et les effets de manche.

Nos collègues de la NUPES nous demandent d’assumer notre proposition de loi. Je confirme donc que nous souhaitons systématiser l’expulsion des délinquants étrangers. Pour leur part, sont-ils prêts à assumer qu’ils sont du côté des délinquants étrangers, y compris face à des familles endeuillées ?

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 1er est supprimé et les amendements CL10, CL13, CL9, CL11, CL14 et CL12 tombent.

 

 

Article 2 : Création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs

 

Amendements de suppression CL4 de M. Paul Christophle et CL8 de Mme Elsa Faucillon.

M. Paul Christophle (SOC). Je vous propose un petit jeu de bingo. Madame la rapporteure, est-il possible, dans le cadre législatif actuel, d’expulser des étrangers en situation régulière ou non qui ne relèvent pas du régime de protection relative ou absolue en cas de menace grave pour l’ordre public ? Oui ! Est-il possible d’expulser des étrangers arrivés en France avant l’âge de 13 ans qui représentent une menace impérieuse pour la sûreté de l’État ? Oui ! Est-ce possible d’expulser des étrangers régulièrement installés en France depuis vingt ans s’ils portent une atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation ? Oui !

Mme Edwige Diaz, rapporteure. Je suis évidemment défavorable à ces amendements. Je constate que les socialistes considèrent que tout va bien. Alors que nous parlons d’un sujet grave, ils ont l’indécence de proposer une blague sur un bingo qui ne fait rire personne !

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 2 est supprimé.

 

La commission ayant supprimé tous les articles de la proposition de loi, l’ensemble de celle-ci est rejeté.

 

La réunion est suspendue de dix heures vingt-cinq à dix heures trente-cinq.

*

*     *

Présidence de M. Philippe Gosselin, vice-président de la commission

Puis, la Commission examine la proposition de loi tendant à l’instauration de peines planchers pour certains crimes et délits (n° 262) (Mme Pascale Bordes, rapporteure).

Mme Pascale Bordes, rapporteure. Le code pénal français de 1810 a créé des seuils minimaux et maximaux de peine. Ce mécanisme a été exporté par la France partout en Europe. Les peines minimales ont été supprimées en 1994.

Le législateur, par le biais de la loi du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs, dite loi Dati, a réintroduit des seuils minimaux de peines d’emprisonnement pour les crimes et délits commis en état de récidive légale. La loi du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (Loppsi) a étendu ces seuils minimaux à plusieurs délits graves dès la première condamnation.

Ces dispositions ont été abrogées par la loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales, dite loi Taubira, qui visait à rendre plus effective une recommandation du Conseil de l’Europe publiée en 2006 selon laquelle l’incarcération est une mesure de dernier recours. Mission accomplie : la prison deviendra ipso facto l’exception en raison de la modification de l’article L. 132-19 du code pénal disposant qu’une peine d’emprisonnement ferme ne peut être prononcée qu’en dernier recours.

Pour justifier ce changement brutal de paradigme, Christiane Taubira affirmait que les politiques pénales des années précédentes avaient aggravé la récidive et que son but était de lutter contre la surpopulation carcérale ainsi que contre la récidive. Après dix ans d’application de la loi Taubira destinée à lutter contre la récidive en faisant de la prison une exception – règle particulièrement respectée –, la France est plus que jamais en proie à une surpopulation carcérale et à la récidive, ce qui signe l’échec de la lutte contre la récidive. De fait, nous assistons, depuis l’adoption de la loi Taubira, à un abandon général du concept de sanction.

S’il est vrai que la pédagogie de la sanction suppose d’y inclure une forme de bienveillance, il faut bien constater que tel est massivement le cas depuis plusieurs années, à l’aune de l’impressionnant taux de classement sans suite des affaires pénales, qui est en France de 75 %, très largement supérieur à la moyenne européenne de 57 %. Le taux d’affaires pénales portées devant les tribunaux est de 14 % seulement, pour une moyenne européenne de 32 %. Aux Pays-Bas, le taux de classement sans suite d’affaires pénales est 31 %, et 43 % d’entre elles sont portées devant les tribunaux. Même la Turquie fait mieux que nous, avec 30 % d’affaires pénales portées devant les tribunaux ! Nous sommes, de loin, les mauvais élèves de l’Europe.

Tout cela doit nous inciter à changer de paradigme. Il faut que les délinquants et les criminels aient la certitude qu’ils seront condamnés à une peine si l’on veut enrayer la violence. Cesare Beccaria, philosophe italien des Lumières, écrivait en 1764 : « Ce n’est pas la rigueur du supplice qui prévient le plus sûrement les crimes, c’est la certitude du châtiment […]. La perspective d’un châtiment modéré, mais inévitable, fera toujours une impression plus forte que la crainte vague d’un supplice terrible, auprès duquel se présente quelque espoir d’impunité. » L’ouvrage dont ces phrases sont issues a été réédité à plusieurs reprises ; l’une de ses récentes rééditions a été préfacée par Robert Badinter.

Tel est le contexte dans lequel j’ai décidé, avec mon groupe, de présenter une proposition de loi instaurant, dans certains cas bien définis, des peines planchers. Cette décision est motivée par une évolution inquiétante de la criminalité : l’ultraviolence, qui pose problème au point de mettre en danger le contrat social.

Nous avons ciblé trois domaines. Le premier est le trafic de stupéfiants, qui se diffuse dans les territoires, jusques et y compris dans nos établissements pénitentiaires. Plusieurs drames récents démontrent que la violence liée à ce trafic s’accroît de façon exponentielle et ne connaît aucune limite. La procureure de Paris affirmait il y a plusieurs mois : « La lutte contre la haute criminalité organisée est un défi actuel, un défi majeur. » Le niveau de la menace est tel que l’on détecte des risques de déstabilisation de l’État de droit, de notre modèle économique et de nos entreprises à un niveau stratégique majeur.

Les organisations que nous affrontons n’ont aucune limite dans leurs moyens financiers, leurs frontières et leur champ d’action. La situation est grave. Si nous voulons éviter que notre pays devienne un narco-État, il faut réagir vite et fort. La réponse pénale doit être, en la matière, la plus ferme possible, au risque de vider la peine de son sens et de donner l’image d’un État très faible. À cet égard, je salue les récents travaux de nos collègues sénateurs, qui peuvent utilement guider le législateur dans l’adoption des mesures ô combien nécessaire pour faire face à ce défi majeur.

La proposition de loi cible également la récidive. Contrairement à M. Bernalicis, je considère qu’il s’agit d’un enracinement de la délinquance contre lequel il convient de lutter avec force.

La proposition de loi vise enfin les atteintes aux personnes dépositaires de l’autorité publique ou chargées d’une mission de service public, dans toute leur diversité, des forces de l’ordre aux agents des services de transport public de voyageurs et de la communauté enseignante à la communauté des professionnels de santé. Nous partageons cette préoccupation avec notre collègue Moutchou, qui a proposé en mars 2023 une disposition proche mais au périmètre restreint à la récidive délictuelle. Avec cette mesure, nous voulons casser la dynamique de la délinquance ciblant les représentants de l’État ou de l’autorité publique.

Face à cette situation, pourquoi recourir aux peines planchers ? Elles présentent plusieurs intérêts ; la progressivité – si vous êtes récidiviste, il est normal que vous soyez davantage sanctionné ; la certitude d’une peine excluant l’aléa ; la lisibilité pour le délinquant ou le criminel, qui sait qu’il encourt une sanction réelle, ce qui peut s’avérer dissuasif ; l’assurance pour la victime et ses proches, qu’il convient de ramener dans le procès pénal, que la sanction pénale atteindra un minimum de sévérité.

Ainsi, les peines planchers constituent une première étape pour retisser la confiance entre les citoyens et l’institution judiciaire. Si la sanction doit être en partie adaptée au profil du condamné, elle ne doit pas l’être au point de rendre le système imprévisible, voire arbitraire. À ce sujet, je déplore qu’aucune étude sérieuse n’ait été réalisée par le ministère de la justice sur l’effet des peines planchers de 2007 à 2014, à l’exception d’une étude statistique publiée en octobre 2012 dont les conclusions ne sont pas défavorables, loin s’en faut, au système des peines planchers.

Elles indiquent que les peines planchers ont été prononcées, en moyenne, dans 38 % des cas où elles étaient applicables, ce taux atteignant 84 % pour les crimes. L’étude constate également que, en matière délictuelle, le taux de peines minimales prononcées a bien augmenté, passant de 8,4 % entre 2004 et 2006 à 40,7 % entre 2008 et 2010. Cette évaluation relève un effet particulièrement important s’agissant des infractions à la législation sur les stupéfiants : le quantum de peine correspondant aux peines planchers est prononcé six fois plus souvent qu’avant leur entrée en vigueur.

J’évoque dès à présent une autre étude, que d’aucuns ne manqueront pas de convoquer, publiée en mars 2024 par l’Institut des politiques publiques (IPP), très proche de Sciences Po Paris, qu’on ne peut accuser de se situer à droite de l’échiquier politique. Cette note indique que, à moyen terme, l’application des peines planchers a induit une forte hausse des peines de prison infligées aux récidivistes et une baisse de la récidive de onze points. Il semble bien que les personnes visées par des peines planchers apprennent la lettre de la loi.

Je réponds par avance à ceux qui, depuis des années, sont dans l’incantation que, avant de clamer que les peines planchers ne servent à rien et n’ont pas démontré leur utilité, encore faudrait-il qu’ils disent pourquoi. Aucune étude sérieuse du ministère de la justice n’existe sur ce point à part celle que je viens de citer. S’il s’agit de dire qu’elles ne servent à rien parce que personne n’a prouvé qu’elles servent à quelque chose, nous sommes dans un domaine ressortissant à l’idéologie pure, voire à l’évanescence.

Je me permets de répondre par avance aux arguments fondés sur la surpopulation carcérale. Il ne faut pas prendre le problème à l’envers, comme nous le faisons depuis des années. Ce n’est pas la situation de l’administration pénitentiaire qui doit déterminer notre politique pénale, mais bien le contraire. Il n’est pas acceptable, comme je l’ai entendu dire lors des auditions que j’ai menées, que des magistrats se censurent dans le prononcé d’une peine parce qu’ils savent qu’ils risquent d’aggraver une situation pénitentiaire déjà tendue. Avec ce type de raisonnement par l’absurde, les trafiquants ont encore de très beaux jours devant eux.

Par ailleurs, en dépit de son intitulé, le texte ne vise pas tant à rétablir les peines planchers qu’à instaurer un nouveau concept de sanction pénale : la peine socle. Il s’agit de cibler les faits les plus graves et les plus répandus, que la société doit condamner sous peine de disparaître. Il y a un socle de ces valeurs sur lequel repose la République : les valeurs humaines, dont le respect implique que l’on ne touche pas à l’intégrité ni à la vie de la personne, lesquelles sont protégées par l’article 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qui oblige les États à prendre toute mesure nécessaire pour protéger la vie humaine.

S’agissant des dispositions de la proposition, le plancher de peine que nous prévoyons ne sera pas intangible. La juridiction pourra toujours y déroger par une décision spécialement motivée et à titre exceptionnel au regard des circonstances de l’infraction et de la personnalité de l’auteur.

J’ai choisi d’adjoindre à cette clause dérogatoire le mot « exceptionnel », ce qui représente un durcissement par rapport aux dispositions en vigueur de 2007 à 2014, afin de renforcer le caractère contraignant de la peine minimale. Je rappelle en effet que, d’après l’évaluation publiée en 2012, les juridictions ont choisi de déroger au seuil minimal de peine dans six cas sur dix. Outre la dérogation au seuil minimal de peine, la juridiction pourra toujours assortir la peine prévue du sursis total ou partiel. Elle tiendra également compte du trouble psychique ou neuropsychique ayant altéré le discernement de l’auteur ou entravé le contrôle de ses actes. Elle pourra prononcer l’une des nombreuses solutions alternatives à l’emprisonnement prévues par la loi en matière délictuelle.

Aussi ces dispositions sont-elles, me semble-t-il, pleinement en conformité avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel, notamment les décisions prononcées en 2007 et 2011, que je commente longuement dans le document qui vous a été transmis préalablement à la présente réunion. Le Conseil constitutionnel rappelle qu’il appartient au législateur de prévoir une répression effective des infractions et que le principe d’individualisation des peines n’implique pas que la sanction soit déterminée à l’aune de la seule personnalité de l’auteur. Les circonstances de l’infraction elles-mêmes comptent autant.

Je propose une solution équilibrée, qui cherche à améliorer la réponse pénale et sa lisibilité pour le citoyen tout en préservant l’exigence d’individualisation des peines, que je ne veux aucunement remettre en question. On ne peut donc pas raisonnablement soutenir que la présente proposition de loi porte atteinte au principe d’individualisation des peines.

Telles sont les raisons qui ont amené mon groupe et moi-même à vous proposer ce texte, auquel je souhaite apporter des modifications limitées, essentiellement de nature rédactionnelle.

M. Philippe Gosselin, président. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Michaël Taverne (RN). Nous examinons la présente proposition de loi, qui vise à rétablir les peines planchers pour les auteurs de certains crimes et délits en état de récidive, tandis que les Français nous regardent et nous attendent. Les victimes, totalement abandonnées, veulent des résultats.

Cette proposition de loi pleine de bon sens est validée par une très grande majorité de Français. D’après un sondage récent, 82 % de nos compatriotes veulent que les peines planchers soient rétablies. Parfaitement conscients de la situation d’impunité et de laxisme dans laquelle nous nous trouvons, ils veulent un sursaut judiciaire et sécuritaire.

Avec Marine Le Pen, nous donnons l’alerte, depuis des années, sur le ravage du laxisme judiciaire, en raison duquel la compassion est bien plus accordée aux voyous qu’aux victimes. D’après le sondage précité, 63 % des Français considèrent que l’on protège plus les coupables que les victimes. Il faut donc se poser les bonnes questions.

Ce laxisme a été conforté notamment par Mme Taubira et par sa culture de l’excuse, illustrée par ses demandes plus que contestables aux procureurs de n’opter pour la prison ferme qu’en dernier recours ou de faire de l’aménagement des peines une priorité de politique pénale. Il l’a également été par Emmanuel Macron, qui a déclaré : « Ce que notre nation vit, c’est un sentiment d’insécurité. » J’ai gardé le meilleur pour la fin : Éric Dupond-Moretti a indiqué, après avoir été acclamé par les taulards : « L’ensauvagement, c’est un terme qui développe le sentiment d’insécurité. »

Bref, les gouvernements qui se sont succédé ont fait de la France un eldorado pour les voyous et un enfer pour les victimes, par idéologie, par aveuglement et par incompétence. J’ai une pensée pour les policiers, les gendarmes, les sapeurs-pompiers, les surveillants pénitentiaires et les agents des sociétés de sécurité privée qui, chaque jour, au péril de leur vie, assurent la sécurité de nos compatriotes. Ils sont confrontés à des criminels et à des barbares qui ne reculent devant rien.

J’ai une pensée pour Éric Comyn et pour Mélanie Lemée, deux gendarmes tués par des multirécidivistes, et pour mes anciens collègues et amis Boris Voelckel et Cyril Genest, policiers de la BAC75N, tués en 2016 sur le périphérique parisien par un individu condamné à dix reprises. Des drames parmi tant d’autres !

Dorénavant, la règle est simple : vous vous en prenez physiquement à un représentant des forces de l’ordre, vous dormez en prison. Et que dire des agressions subies par nos professeurs, nos médecins, nos agents des transports publics ? Que dire des crimes et des délits liés au trafic de stupéfiants ? À cette situation alarmante, il faut mettre un terme.

Les auteurs de telles infractions pénales doivent être écartés de la société et condamnés à une peine de privation de liberté. Cela tombe très bien : tel est l’objet de la présente proposition de loi. Tandis que nous proposons le rétablissement des peines planchers, certains nous opposent qu’elles ne sont pas efficaces, qu’elles ne fonctionnent pas, que notre proposition de loi est démago et qu’elle ne fera pas reculer la délinquance. Comment peuvent-ils se satisfaire de la situation que nous connaissons ?

Les chiffres sont éloquents : 1 000 agressions physiques et 120 agressions au couteau par jour ; un refus d’obtempérer toutes les vingt minutes. Le ministère de l’intérieur a recensé 15 150 policiers blessés en 2023, soit plus de quarante quotidiennement, ce qui représente une augmentation de 4,1 % par rapport à 2022. La courbe ne fait que monter depuis trois ans. L’année 2024, malheureusement, n’échappera pas à la règle. Et que dire de ce chiffre effarant : plus d’une femme sur trois n’ose plus sortir seule le soir ? Bienvenue en France en 2024 !

Mes chers collègues, l’heure est venue de prendre vos responsabilités. Il faut enrayer l’engrenage de la violence et replacer la victime au centre de l’échiquier. Il faut écarter ceux qui représentent un danger pour notre société, surtout s’ils sont en état de récidive. Il faut écarter ceux qui agressent les représentants de l’État dans l’exercice de leurs fonctions.

Prononcer de belles paroles, c’est bien ; prendre des mesures de bon sens, c’est mieux. Nos forces de l’ordre ne cessent de réclamer des peines planchers, elles qui sont confrontées à la délinquance et à la violence matin, midi et soir. Elles nous regardent. Si vous ne votez pas la proposition de loi, vous leur aurez définitivement tourné le dos.

M. Ludovic Mendes (EPR). Nous débattons du retour des peines planchers par le biais d’une extension de la procédure instaurée en 2007 sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Les peines planchers ont été supprimées en 2014 sous la présidence de François Hollande. Nous avons à ce jour le recul nécessaire pour témoigner de leur inefficacité.

À moyen terme, les personnes condamnées à une peine plancher ont moins récidivé que par le passé. La probabilité de récidive a été réduite d’environ 10 %, mais uniquement pour les infractions passibles de peines plancher. Sur les autres, aucun effet notable n’a été observé. Les chiffres sont clairs.

Si la réforme introduisant des peines planchers a eu une faible efficacité sur la récidive, elle a en revanche pesé sur le système carcéral, en entraînant, de 2007 à 2014, 4 000 incarcérations supplémentaires et une augmentation de 50 % de la durée des peines infligées en cas de récidive, qui sont passées, en moyenne, de 180 à 280 jours d’après une note de l’IPP.

Dans le cadre de l’examen de la proposition de loi visant à mieux lutter contre la récidive, présentée par notre collègue Naïma Moutchou, nous avons obtenu les chiffres de la Chancellerie sur la sévérité des juges en matière délictuelle. Le taux de prononcé d’une peine d’emprisonnement ferme pour un majeur en récidive était 54,3 % pour la période 2001-2005, 55,7 % pour la période 2006-2010, 57,7 % pour la période 2011-2015 et 69 % pour la période 2016-2017, ce qui signifie que les juges ne sont pas plus sévères lorsqu’ils ont la possibilité d’appliquer des peines planchers. Tel est également le cas concernant la fréquence du recours à l’emprisonnement ferme : le taux de sursis total ou partiel est proche de 94 % que les peines planchers soient ou non en vigueur.

Contrairement à la loi Dati, la présente proposition de loi ne prévoit aucun aménagement spécifique pour les mineurs, traités de la même façon que les primo-délinquants s’agissant de certaines infractions. Par ailleurs, vous omettez de dire que la proposition de loi emporte un risque constitutionnel majeur s’agissant de peines planchers prévues pour certains délits sans condition de récidive légale. Je rappelle que la décision du Conseil constitutionnel n° 2011-625 DC du 10 mars 2011 sur la Loppsi 2 a censuré le principe de peines minimales applicables à des mineurs qui n’ont jamais été condamnés pour crime ou délit.

Il est regrettable d’ériger les peines planchers en totem censé résoudre les problèmes d’insécurité auxquels nous sommes confrontés. Nous reconnaissons quasi unanimement que des failles juridiques peuvent exister. Elles sont d’autant plus regrettables lorsqu’elles induisent des faits divers tragiques tels que ceux que nous avons connus récemment. Il est aisé de penser que la procédure des peines planchers est séduisante, compte tenu de la façon dont vous la présentez, en pointant du doigt un supposé laxisme de nos juridictions et en instaurant une solution simpliste pour le combattre. Je reconnais sans hésiter que vous êtes bons, au Rassemblement national, pour manipuler l’opinion sur des sujets aussi importants en jouant sur le sentiment d’insécurité des Français et en leur annonçant que, avec le système des peines planchers, vous résoudrez leurs problèmes.

Les solutions magiques n’existent pas. L’effet dissuasif des peines planchers n’existe pas. Nous avons le recul nécessaire pour le dire. Par ailleurs, le mécanisme des peines planchers va à l’encontre de plusieurs valeurs fondamentales de la justice française. Outre la violation du principe d’individualisation des peines à laquelle vous vous livrez, vous exposez votre méfiance à l’encontre des magistrats du siège, dont le pouvoir d’appréciation et de modulation des peines est le corollaire de leur indépendance.

Pour les raisons juridiques, morales et statistiques que j’ai présentées, nous ne pensons pas que la réintroduction des peines planchers est opportune pour notre justice et pour notre pays. Le groupe Ensemble pour la République votera contre le texte.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Je commencerai par justifier notre opposition aux peines planchers en évoquant les principes constitutionnels, non pour dire que le texte n’est pas conforme à la Constitution – de nos jours, avec les Sages, on n’est jamais sûr de rien –, mais pour rappeler certains principes constitutionnels, notamment issus de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Les principes de proportionnalité et d’individualisation des peines forment un bloc avec le principe de nécessité des peines.

La peine doit être nécessaire pour garantir la paix et l’ordre publics. Si l’on pénalise et condamne trop, la peine n’a plus de sens, ce qui sape la possibilité même de la paix publique. Il ne faut jamais oublier que les principes constitutionnels encadrant les peines sont fondés sur la notion d’efficacité. Les rédacteurs de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen n’ont pas adopté ces principes parce qu’ils en ont eu l’idée géniale un matin, mais parce qu’ils emportent une efficacité avérée. Ceux qui y sont attachés le sont pour cette raison.

Nous disposons d’éléments d’appréciation de votre proposition de loi, les peines planchers ayant été en vigueur de 2007 à 2014, d’abord pour les récidivistes, ensuite pour les primo-délinquants et certains criminels ayant commis quelques infractions bien identifiées. Il est exact que nous disposons de peu d’études, hormis celle d’Infostat Justice publiée en octobre 2012. D’après cette étude quantitative, il n’y a pas de conséquences majeures notables des peines planchers sur la prévention de la récidive. Il y en a eu une, en revanche, sur l’augmentation de la durée moyenne des peines, notamment des peines de prison.

Nous pourrions même remonter avant 1994, lorsque des peines planchers étaient prévues pour tous les délits et les crimes, ce qui exigeait d’exciper de circonstances atténuantes pour y échapper. Je ne suis pas certain que la délinquance était moins forte qu’elle ne l’est de nos jours. Par ailleurs, de 1994 à 2024, une baisse tendancielle de la délinquance a été observée, sans qu’il soit possible d’établir une corrélation avec les variations des quanta de peine.

Sur le fond, les peines planchers ne préviennent ni la récidive ni le premier passage à l’acte. Les gens ne commettent pas une infraction un code pénal à la main, sauf peut-être les délinquants financiers. Ce que l’on sait, c’est que l’accentuation de la durée moyenne des peines est sans efficacité, et que la prison favorise la récidive, à hauteur de 65 % en moyenne. En somme, vous voulez jeter davantage de gens en prison, ce qui favorisera la récidive. C’est sans fin !

Je laisse de côté l’argument fondé sur la surpopulation carcérale, pour ne pas vous offrir l’occasion de plaider en faveur de la construction de places de prison. Pour ma part, je considère que celle-ci est elle-même un problème en raison de son inefficacité. Au demeurant, vous êtes en partie exaucée. Les dispositions relatives au bloc peine de la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice ont eu pour effet d’accroître la durée moyenne des peines. Nous n’avons jamais cessé d’augmenter la durée moyenne des peines, nous pénalisons de plus en plus, et pourtant ni la récidive ni le nombre de passages à l’acte ne diminuent. Cette approche ne fonctionne pas.

De 2009 à 2014, vingt-neuf des trente-quatre États américains ayant inséré des peines planchers dans leur législation relative aux stupéfiants les ont abrogées. Nul ne peut suspecter la justice américaine de faire preuve d’angélisme ; ils se sont simplement dit : « Cela ne marche pas, remplit nos prisons pour rien et pourrait même coûter cher ».

Alors on ne fait rien, me direz-vous ? Pas du tout. Il y a deux choses à faire : mettre le paquet sur la prévention spécialisée ; privilégier les peines de probation, notamment la contrainte pénale introduite par Christiane Taubira, qui fonctionne en dépit de l’insuffisance des moyens qui lui sont consacrés.

En conclusion, les peines planchers sont une lubie bas de plafond.

Mme Colette Capdevielle (SOC). Encore un faux remède du Rassemblement national ! La question des peines planchers en cas de récidive est un serpent de mer qui revient régulièrement, par pure démagogie, faute de réfléchir sérieusement, par-delà les faits divers que vous exploitez éhontément, à une politique pénale ambitieuse et réellement efficace. Encore une très mauvaise réponse du Rassemblement national à la vraie question de la sécurité !

Avec le temps et le recul nécessaire dont nous disposons, nous savons que les peines planchers sont une réponse très populiste, inutile, inefficace et contre-productive. Il s’agit d’un affichage politique – encore un leurre que vous nous proposez ! En 2007, dans l’urgence et sans étude d’impact, Rachida Dati, garde des sceaux du président Sarkozy, a imposé les peines planchers pour se rendre compte immédiatement que non seulement elles ne règlent rien mais, pire, elles remplissent les prisons. Rapidement, elle a rétropédalé et prévu des aménagements de peine pour les condamnations inférieures à deux ans de prison ferme.

Dans l’étude publiée en mars 2024, l’IPP conclut que la loi Dati a eu un effet dissuasif nul à court terme et très limité à moyen terme. Si le législateur les a supprimées en 2014, c’est parce qu’elles se sont avérées inutiles et inefficaces. Nous sommes tous d’accord sur la nécessité de forger les bons outils de politique pénale permettant de prévenir la récidive. Or aucune étude scientifique sérieuse n’établit une quelconque corrélation statistique entre la durée d’une peine prononcée et le taux de réitération ou de récidive. Au demeurant, votre proposition de loi ne repose sur aucune étude scientifique.

Même si l’opinion publique, pour de multiples raisons, n’en a pas conscience, la réponse pénale a été considérablement durcie et aggravée depuis vingt ans. La violence sur les personnes
a-t-elle diminué en proportion ? Absolument pas. L’état pitoyable de nos prisons les rend totalement criminogènes. Elles sont une fabrique de délinquants et de criminels, en raison de leur incapacité à faire du temps de détention un temps utile et surtout à préparer la sortie de prison, qui finit toujours par arriver.

Par ailleurs, les peines planchers contreviennent aux principes cardinaux du droit français que sont les principes d’individualisation et de personnalisation des peines. Il ne s’agit ni d’une lubie ni de laxisme, mais d’une exigence juridique et morale de notre droit. Surtout, qui mieux que le juge pénal est en capacité d’adapter la peine non seulement aux faits poursuivis mais à l’ensemble des éléments de la personnalité de l’auteur ?

S’ils souhaitent vraiment prononcer une peine sévère, les juges n’ont pas besoin des peines planchers ; ils ont un instrument qui s’appelle le code pénal, énumérant la panoplie des peines. Votre texte est une dérangeante marque de défiance de votre parti politique à l’endroit de nos magistrats et du travail de dentelle qu’ils sont contraints de faire, dans des conditions difficiles.

Enfin, votre proposition de loi est réellement contre-productive. La loi Dati a eu pour effet d’augmenter le nombre d’incarcérations, avant que le législateur, en toute hypocrisie, ne prévoie l’aménagement des peines inférieures à deux ans de prison ferme, faisant sortir par la porte de derrière ce qu’il venait de faire entrer par la porte de devant. Quelle hypocrisie ! Au demeurant, la France est régulièrement condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) et les magistrats vous ont alertée sur le stock très important de personnes détenues en attente de jugement.

La vérité oblige à dire que vous mentez à nos concitoyens. Nous voterons contre la proposition de loi.

M. Jérémie Iordanoff (EcoS). La proposition de loi vise à rétablir, pour certains crimes et délits, des peines minimales, dites planchers, qui avaient été instaurées par la loi du 10 août 2007 pour les cas de récidive, avant d’être abrogées en 2014. Leur application ne se limite au demeurant pas, ici, à la récidive. L’exposé des motifs prend appui sur le droit à la sûreté, consacré par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, mais ses auteurs feignent de ne pas comprendre que ce droit, en 1789, visait à protéger les citoyens contre l’État en proscrivant les lettres de cachet et autres arrestations arbitraires. Il ne s’agissait pas alors de conférer à l’État plus de facultés d’emprisonner, mais tout l’inverse.

Le principe de notre droit pénal est que la sanction doit être modulée afin de correspondre à la gravité des faits et notamment à la personnalité de son auteur. Ainsi, la juridiction peut librement choisir la nature de la peine. Il est très bien que cela reste ainsi et que la justice pénale demeure indépendante.

La philosophie de la peine plancher, qui tourne le dos aux principes qui sont les nôtres depuis 1789, révèle en réalité une méfiance envers les juges, supposés trop laxistes, qu’il faudrait contraindre à devenir des machines à prononcer des peines. La peine plancher est le contraire du principe de valeur constitutionnelle d’individualisation des peines qui guide notre droit pénal.

La lutte contre la récidive est essentielle mais, bien loin de combattre ce phénomène, les peines planchers contribuent en réalité à le renforcer. Le bilan de la loi de 2007, qui figure dans l’étude d’impact de la loi du 15 août 2014, atteste en effet que le dispositif n’a pas fonctionné. Les évolutions montrent que le taux de prononcé des peines minimales pour les délits commis par des majeurs a diminué d’année en année. Par ailleurs, la loi du 10 août 2007 n’a pas entraîné un recours plus important aux peines d’emprisonnement, ce dernier étant resté proche de 94 %. Surtout, comme l’indiquent les données de l’Insee et du ministère de la justice, la part des récidivistes n’a pas diminué entre 2007 et 2014. L’une des causes bien documentée de la récidive est la surpopulation carcérale, contre laquelle il faut lutter sans relâche. Le groupe Écologiste et social veut continuer à faire entendre, dans le débat public, la nécessité d’instaurer un mécanisme de régulation carcérale, qu’Elsa Faucillon et Caroline Abadie avaient courageusement défendu lors de la précédente législature.

Nous souhaitons également développer davantage les peines alternatives. La surpopulation carcérale rend nos prisons criminogènes, là où les peines alternatives sont efficaces. Mais cela, le Rassemblement national n’en a que faire. Surveiller et punir, tel est son credo. Plusieurs textes de loi, votés ces dernières années, ont accru la répression de certains crimes et délits, sans résultat, faute d’une véritable politique de prévention. L’inflation pénale ne saurait constituer une politique efficace.

Cette proposition de loi constitue l’application du populisme pénal, caractérisé par des mesures démagogiques et inefficaces. Face à la violence, bien réelle et parfois spectaculaire, le Rassemblement national n’a pas d’autre solution à proposer que le retour à une mesure phare de Nicolas Sarkozy votée il y a dix-sept ans, et qui n’a pas fonctionné : quel manque d’imagination !

Le groupe Écologiste et social votera résolument contre ce texte, qui constituerait un ajout inutile et dangereux à notre droit.

M. Éric Martineau (Dem). La lutte contre la délinquance et la criminalité est un enjeu qui nous préoccupe tous. La récidive renvoie notre système pénal à son échec et constitue un sujet central pour notre société et un axe fondamental de nos politiques pénale et pénitentiaire. Ces dernières années, nous avons renforcé les sanctions prononcées en cas de violences commises contre les forces de sécurité intérieure et en cas de refus d’obtempérer. Nous avons également limité la durée des réductions de peine pour les auteurs de violences graves contre les personnes investies d’un mandat public. Ce durcissement du code pénal s’est accompagné d’une politique pénale de la Chancellerie visant à améliorer l’efficacité et la réactivité de la justice. Entre 2009 et 2023, le taux de poursuite a augmenté de 10 points et les circulaires ont incité les magistrats à recourir davantage aux déferrements et aux procédures rapides pour réduire les délais de jugement. Enfin, pour lutter contre la récidive, le taux de peines d’emprisonnement prononcées est déjà très élevé.

Nous avons aussi cherché, dans les dernières lois de programmation de la justice, à mieux préparer la sortie de prison, à encourager le recours à la justice restaurative et à favoriser la réinsertion.

Pourtant, vous dressez le constat de la persistance de la récidive et de l’augmentation continue de la violence et de la délinquance. Nous ne le contestons pas mais nous ne partageons pas, pour autant, votre solution. L’instauration de peines planchers pour les crimes et délits commis en état de récidive, relatifs au trafic de stupéfiants ou commis sur des personnes dépositaires de l’autorité publique ne nous semble pas adaptée, pour plusieurs raisons.

Le bilan de ce mécanisme, qui s’est appliqué entre 2007 et 2014, montre qu’il n’a eu qu’un faible effet dissuasif sur la récidive et aucun effet sur la réinsertion. L’augmentation générale du quantum des peines, qui a commencé avant 2007 et s’est poursuivie après 2014, illustre également le fait que le durcissement des peines de prison ne parvient pas à enrayer la récidive.

Les études mettent aussi en évidence que les peines planchers n’ont pas eu d’impact sur le nombre de peines d’emprisonnement prononcées par les juges. Ceux-ci ont même choisi de ne pas infliger de peines planchers dans 60 % des cas. C’est bien le signe que ce n’est pas le quantum des peines qui est trop faible, et que le fait de fixer des peines minimales n’est pas la solution.

L’instauration de peines planchers, ou de peines socle, comme vous le dites, engendrerait également un coût non négligeable pour l’institution judiciaire. Rappelons, à cet égard, que l’augmentation de la population carcérale entre 2007 et 2014 aurait coûté 146 millions d’euros par an.

La France est en outre régulièrement condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) pour la surpopulation carcérale et les mauvaises conditions de détention que nous infligeons aux détenus. Il conviendrait de s’atteler à la réduction du nombre de détenus, en commençant par appliquer le plan « 15 000 places de prison ».

Notre groupe est très attaché à ce que l’on vote des lois conformes à notre Constitution. Votre proposition de loi ne semble pas non plus remplir ce critère, dans la mesure où elle porte atteinte au principe cardinal de notre droit pénal qui est l’individualisation des peines. Vous manifestez, ce faisant, une certaine défiance à l’égard des juges. Si vous laissez au juge la possibilité de déroger à la peine plancher, vous n’écartez pas les mineurs du champ d’application de votre dispositif et portez ainsi atteinte au principe de l’excuse de minorité.

Par souci d’efficacité et de proportionnalité de la réponse, par respect pour nos juges, pour le principe d’individualisation des peines et pour notre Constitution, le groupe Les Démocrates ne votera pas ce texte.

Mme Naïma Moutchou (HOR). Le groupe Horizons et indépendants est favorable aux peines planchers dans leur principe – ce n’est pas un secret – mais il est défavorable à l’application qui en est proposée par le Rassemblement national dans ce texte, que nous rejetterons.

La sécurité est une préoccupation des Français et, donc, une priorité pour nous. La récidive, qui est en réalité le principal problème sur lequel nous devons concentrer nos efforts, reste d’une grande actualité. Plus de 40 % des condamnés, en 2021, étaient des récidivistes ou des réitérants. C’est un enjeu de justice et de protection de nos concitoyens. L’un des moyens dont nous disposons pour réduire la récidive est de nous appuyer sur le caractère dissuasif de la peine, mais celui-ci ne doit pas être employé n’importe comment. La rigidité, qui caractérise cette proposition de loi, ne fonctionne pas en matière judiciaire. Les peines planchers que vous proposez s’appliqueraient à un large éventail de crimes et de délits, pas seulement en cas de récidive.

Pour ma part, je m’intéresse aux résultats. Le bilan des sept ans d’application de la loi de 2007, votée sous la présidence de Nicolas Sarzoky, qui avait institué les peines planchers, est plutôt mauvais. Les chiffres dont nous disposons montrent que, contrairement à ce que vous avez affirmé, l’effet dissuasif de ces peines n’était pas au rendez-vous, notamment en matière criminelle, où les peines minimales étaient en deçà de celles prononcées par les cours d’assises. Cela traduit une forme d’échec qui a été vécu comme une marque de défiance à l’égard de l’autorité judiciaire. Il faut le rappeler, car ce n’est pas anodin.

Je reste persuadée qu’un autre équilibre est possible, à savoir un dispositif ciblé et proportionné qui sera compris et praticable précisément parce qu’il n’est pas général.

Nous considérons que l’un des visages les plus intolérables de la récidive est la violence commise contre ceux qui exercent des missions de service public et qui contribuent au bien commun. Policiers, gendarmes, pompiers, enseignants, élus, soignants, gardiens d’immeuble, chauffeurs de bus, pour ne citer qu’eux, sont trop souvent pris pour cible. Jeudi dernier, encore, deux policiers ont été roués de coups à Marseille. Il y a quelques jours, un autre policier était agressé au couteau au commissariat de Saintes. Hier, une enseignante était rouée de coups par un jeune élève. À Tourcoing, une autre enseignante était agressée et menacée. Et je ne cite là que les événements les plus récents.

La proposition de loi que j’ai défendue avec mon groupe en mars 2023 visait à lutter contre la récidive en instaurant une peine minimale d’un an d’emprisonnement pour les violences commises en récidive contre les personnes exerçant une mission de service public. Je proposerai, dans le même esprit, un amendement de réécriture qui vise à instaurer, non des mesures simplistes – la politique pénale étant un équilibre fragile – mais un dispositif ciblé, efficace, dans l’intérêt général.

Mme Martine Froger (LIOT). Face aux attentes toujours plus grandes des citoyens vis-à-vis de notre système judiciaire, notre groupe appelle au pragmatisme et rejette toute vision idéologique sur la question de la récidive. À la lecture de la proposition de loi, je constate que le groupe Rassemblement national ne dissimule pas son hostilité à l’égard des juges, qu’il estime trop cléments. Cette accusation en laxisme est sans fondement et éloignée de la réalité, comme en témoigne d’ailleurs la surpopulation carcérale, qui bat chaque année des records.

L’application des peines planchers, entre 2007 et 2014, s’est soldée par un bilan médiocre. Je regrette votre vision idéologique et simpliste, qui remet en cause le fonctionnement de notre système pénal. Votre discours, loin d’apporter des solutions concrètes, ne fait que nourrir la défiance des citoyens à l’égard de notre justice pénale.

Au fond, que proposez-vous ? Les deux articles de votre proposition de loi généralisent les peines planchers à tous les délits et les crimes commis en récidive, ce qui nous renvoie dix ans en arrière. Vous auriez gagné à vous pencher sur le bilan de l’expérience menée entre 2007 et 2014, qui dresse deux constats. D’une part, les peines planchers n’ont pas accru la sévérité des décisions. En matière délictuelle, le taux de condamnations à de la prison ferme pour un majeur récidiviste était de 57 % au cours de la période 2011-2015 et de 69 % au cours des années 2016-2020 : les décisions ont donc été plus sévères après l’abrogation des peines planchers. D’autre part, ces peines n’ont pas permis non plus de faire baisser la récidive : pour le délit de vol, le taux de récidive est passé de 13,9 % en 2007 à 18,5 % en 2014.

En réalité, un juge n’a nullement besoin d’une peine minimale pour se montrer plus sévère face à un délinquant. Lorsqu’on modifie aussi brutalement notre droit, il faut consulter les principaux intéressés. Quand on parle de la peine plancher à un juge ou à un avocat, il commence par rappeler qu’elle constitue une atteinte directe au principe d’individualisation des peines. Cela explique que votre proposition de loi fasse l’unanimité contre elle parmi les professionnels du droit.

Loin de vos positions démagogiques, notre groupe souhaite une politique pénale qui réponde aux problèmes de notre société – et non pas une politique pénale qui se nourrisse de ceux-ci. La justice doit certes punir, mais elle doit aussi insérer ; il faut lui en donner les moyens. Elle doit pouvoir offrir des conditions de détention dignes et être en mesure de prononcer des peines alternatives. Les services de probation doivent pouvoir jouer leur rôle – qui est essentiel –, tant pour accompagner les détenus que pour appuyer les juges.

Pour l’ensemble de ces raisons, notre groupe votera résolument contre ce texte.

M. Ian Boucard (DR). Il ne vous surprendra pas que la Droite républicaine soit favorable, par principe, aux peines planchers, qui avaient été créées par le président Nicolas Sarkoky et lancées par la garde des sceaux Rachida Dati, qui plus est dans un contexte où nos concitoyens demandent une justice plus ferme pour faire face à la montée de la violence. Les statistiques récentes montrent en effet une hausse des crimes graves, qu’il s’agisse de meurtres, de tentatives d’homicide ou de violences volontaires, lesquels justifient une réponse judiciaire plus ferme.

Cette proposition de loi répond, du moins en apparence, à l’exigence de la restauration de l’ordre public et de la protection de nos concitoyens contre une délinquance qui ne cesse de croître.

Le texte cible spécifiquement les récidivistes, ce qui permet de lutter contre ce type de comportements. D’après la lettre « Infos rapides » du ministère de la justice du 30 avril 2024, 40 % des personnes condamnées en 2019 étaient en état de récidive ou de réitération : cela concernait 8 % des personnes condamnées pour un crime et 40 % de celles condamnées pour un délit – 14% au titre de la récidive légale et 26 % au titre de la réitération. Les récidivistes doivent savoir que la justice ne fermera plus les yeux. Trop souvent, des peines symboliques ou des aménagements de peine encouragent un sentiment d’impunité ; cela diffuse aussi une image trompeuse de la justice, qui pourrait paraître laxiste même quand elle ne l’est pas. Un même délinquant est parfois condamné cinq, six ou sept fois sans faire de prison ferme. La proposition de loi a le mérite de clarifier les marges de manœuvre de la justice.

Les personnes dépositaires de l’autorité de l’État et chargées d’une mission de service public, à l’image de nos forces de l’ordre, de nos soignants, de nos enseignants – pour ne citer qu’eux – devraient, selon nous, être beaucoup mieux protégées. Je regrette que, lors de l’examen de la proposition de loi du groupe Horizons, en 2023, nous n’ayons pas été entendus, alors qu’un consensus régnait entre nos deux groupes. Le texte a malheureusement été bloqué par le garde des sceaux et le président de la commission des lois de l’époque. Nous avions là l’occasion d’avancer nettement sur cette question ; si nous avions adopté cette bonne proposition de loi, nous n’aurions pas à revenir sur le sujet aujourd’hui.

Renforcer la protection des agents de l’État victimes d’une agression ou d’un crime devrait être une priorité pour chacune et chacun d’entre nous. Cela nous éviterait les débats que nous tenons régulièrement sur les refus d’obtempérer, les agressions sur nos soignants ou sur nos enseignants.

Le texte prévoit la possibilité de déroger aux peines planchers en cas de circonstances exceptionnelles, ce qui offrirait au juge une certaine flexibilité. Cela ne signifie pas, pour autant, que la loi passerait sans encombre l’écueil du Conseil constitutionnel, qui formulerait nécessairement des réserves, comme l’a montré le précédent de la loi de Rachida Dati.

Le groupe de la Droite républicaine est plutôt favorable à la proposition de loi mais se réserve le droit de participer activement au débat, car il nous paraît nécessaire d’améliorer substantiellement la rédaction de certains passages.

Le groupe Rassemblement national a affirmé que cette question constituait sa priorité, mais la place à laquelle il a inscrit le texte dans le cadre de sa journée réservée du 31 octobre laisse penser qu’il a peu de chances d’être discuté dans l’hémicycle. Cela conduit à s’interroger sur les priorités des uns et des autres.

Mme Émeline K/Bidi (GDR). Collègues de l’extrême droite, nous vous savions nostalgiques d’un ancien temps. Par ce texte, vous nous ramenez près de vingt ans en arrière, plus précisément à la loi du 10 août 2007 qui avait introduit les peines planchers dans notre droit pénal, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, et dont les dispositions ont été abrogées par la loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales. Pendant sept années, nous avons expérimenté les peines planchers : sept années qui n’ont vu disparaître ni la délinquance, ni les crimes, ni la récidive. Si les chiffres avaient sensiblement baissé, il y aurait matière à discussion, mais il n’en est rien. En 2006, les statistiques du ministère de la justice indiquaient un taux de récidive de 2,9 % pour les condamnations à des crimes et 6,5 % pour les condamnations à des délits. En 2013, juste avant que les peines planchers ne soient abrogées, ces taux avaient doublé.

En voulant garantir que tout délinquant ou tout criminel récidiviste effectuera une peine minimale déterminée par la loi, vous promettez une sécurité automatisée aux Français. Or cela ne fonctionne pas. Les peines planchers ne sont ni efficaces pour lutter contre la délinquance, ni utiles pour limiter la récidive, comme l’ont établi de nombreux rapports que, manifestement, vous n’avez pas lus. Il n’existe donc pas de résultats probants attestant un effet positif de la détention sur la prévention de la récidive. Au contraire, de nombreuses études démontrent que la détention entraîne un risque accru de récidive, ce qui conduit le Conseil de l’Europe à rappeler continuellement que le recours à l’emprisonnement doit rester une réponse exceptionnelle.

Non seulement cette mesure ne remplirait aucun de ses objectifs, mais elle nuirait au bon fonctionnement de notre système judiciaire. Les peines planchers ont en effet pour conséquence d’entraîner une forte hausse des peines de prison ferme, ce qui conduit à une surpopulation carcérale délétère. Cette dernière entraîne des conditions de détention indignes qui valent régulièrement à notre pays d’être condamné par la Cour européenne des droits de l’homme. À La Réunion, où je suis élue, la surpopulation atteint 160 % au quartier des femmes, où mineures et majeures sont incarcérées ensemble, en toute violation de notre droit. Le rétablissement des peines planchers aggraverait considérablement cette situation.

Si le respect des droits humains n’a jamais été l’une de vos préoccupations majeures, pensez au moins aux conditions de travail des agents pénitentiaires. À Majicavo, dans le département de Mayotte, le directeur du centre pénitentiaire vient de démissionner, après la prise d’otages de nombreux agents pénitentiaires consécutive à une émeute, pour donner l’alerte sur la surpopulation carcérale, qui dépasse 180 %.

L’idée d’instaurer des peines planchers découle de la volonté d’assurer une justice automatisée, déshumanisée. La proposition de réinstauration de ces peines nourrit clairement la défiance envers les juges, accusés d’être laxistes, voire militants, par les dirigeants du Rassemblement national, ceux-là mêmes qui sont poursuivis pour détournement de fonds publics. On comprend votre volonté de décrédibiliser la justice.

La proposition de loi s’inscrit plus largement dans une remise en cause des principes fondamentaux de la justice, de la procédure pénale et de l’État de droit. Pour notre part, nous restons fermement attachés aux principes constitutionnels d’individualisation des peines et au principe du procès équitable.

Pour son inefficacité, ses effets regrettables sur le système carcéral déjà en souffrance et la publicité mensongère de votre idéologie rance, nous voterons contre ce texte.

Mme Brigitte Barèges (UDR). Tout d’abord je voudrais faire un petit rappel historique : des rédacteurs de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 avaient déjà instauré les peines planchers.

Je fais partie, dans cette assemblée, des ex-UMP qui avaient voté, le 10 août 2007, la loi instituant ces peines, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, Rachida Dati étant alors garde des sceaux. Jean-Paul Garraud avait aussi fait voter, à la suite d’un rapport d’Éric Ciotti, la création de 24 000 places de prison, portant le total des places à 80 000 : mesure qui, avec les peines planchers, fut l’une des premières à être abrogées, par pur dogmatisme, par le nouveau garde des sceaux, Christiane Taubira. On ne dira jamais assez les désordres et les résultats catastrophiques qu’a engendrés l’abrogation de quasiment toutes les lois que nous avions votées sous la présidence de Nicolas Sarkozy dans les domaines de la sécurité et, plus généralement, de la justice.

Les adversaires de ce texte nous disent de concert que la prison serait inutile et inefficace, qu’elle ne préviendrait pas la récidive, que ces dispositions seraient démagogiques. Pour ma part j’ai choisi, depuis longtemps, un autre camp : j’ai fait le choix de protéger les victimes. Pendant que ces délinquants particulièrement dangereux, récidivistes, condamnés à des peines lourdes sont en prison, ils ne commettent pas de crimes ou de délits supplémentaires. Aujourd’hui, n’en déplaise aux détracteurs de cette proposition de loi, la délinquance a explosé. C’est une violence que l’on n’a jamais connue. On fait face à des actes de barbarie, à de l’antisémitisme, à un cortège de crimes et de délits de plus en plus graves et de plus en plus dangereux pour notre population.

Je voterai cette proposition de loi des deux mains, naturellement, mais il nous faut aussi voter, parallèlement, l’augmentation du nombre de places de prison. La surpopulation carcérale est de fait, indécente. Si l’on veut permettre la réinsertion des détenus, leurs conditions de détention doivent être bonnes ; il faut pouvoir préparer un retour à la vie normale, éventuellement l’apprentissage d’un métier.

M. Sacha Houlié (NI). On note trois types d’arguments justifiant l’opposition à la réinstauration des peines planchers. D’abord, des arguments philosophiques, qui tiennent au respect de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et, en particulier, au principe d’individualisation de la peine. Selon ce principe, la peine doit être juste et adaptée, et le juge qui la prononce doit être libre d’en déterminer le quantum comme la raison. Ce principe reposait aussi sur la confiscation du droit à la vengeance, qui a mis fin à l’arbitraire sous la Révolution. En outre, comme cela a été rappelé lors de l’examen de la précédente proposition de loi, on cherche à protéger l’État de droit par l’application du principe élémentaire de la séparation des pouvoirs, en vertu duquel le législateur n’impose pas sa réflexion au juge.

Ensuite, il y a un argument pragmatique, qui est l’inefficacité totale des dispositions relatives aux peines planchers. Cela concerne tant le nombre de peines prononcées – qui était plus élevé lorsque les peines planchers ne s’appliquaient plus – que le quantum des peines – qui est plus sévère depuis l’abrogation de la loi de 2007.

Enfin, on relève des arguments contextuels : un certain nombre de lois ont été adoptées depuis 2021 – pour s’en tenir à cette date. On peut citer la loi pour la confiance dans l’autorité judiciaire, qui a supprimé les remises de peine automatiques pour les agresseurs des personnes chargées d’une mission de service public ; la loi de 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure, qui définit des incriminations spécifiques réprimant les actes de violence à l’encontre de ceux qui assurent la sécurité dans l’espace public ; et la loi confortant les principes de la République, qui introduit les délits de séparatisme et de mise en danger de la vie d’autrui par la diffusion d’informations personnelles. Cette proposition de loi est donc inutile.

Pour toutes ces raisons, il convient de s’opposer à ce texte.

Mme Pascale Bordes, rapporteure. Nombre d’entre vous ont évoqué le principe d’individualisation de la peine et ont affirmé qu’il s’agissait d’un droit sacré du délinquant. Je n’en disconviens pas, mais aucun de ceux qui m’ont opposé cet argument n’a rappelé que nos concitoyens ont un droit imprescriptible à la sécurité. On a l’impression que la sécurité de nos concitoyens ne vous importe pas, que vous vivez tous dans une bulle où il ne se passe jamais rien. Vous pouvez crier, mais ça ne changera rien aux faits, aux chiffres de la délinquance, qui sont en pleine explosion. La société est devenue extrêmement criminogène. Pour votre part, vous vous moquez éperdument des victimes. Vous parlez de démagogie, mais il me semble que c’est plutôt vous qui êtes devenus maîtres en la matière.

Monsieur Mendes, vous dites disposer de suffisamment de recul pour avoir la preuve de l’inefficacité de peines planchers. Pourtant, peu d’études ont porté sur leurs effets. L’une, menée par l’Institut des politiques publiques, proche de la gauche voire de l’extrême gauche, reconnaît certaines vertus à ce dispositif, dont l’augmentation de la durée de détention des délinquants. À titre personnel, cela me ravit que des personnes qui ont commis des crimes et des délits aient été mis plus longtemps hors d’état de nuire, chose qui ne semble pas vous satisfaire, vous qui vous désintéressez du sort des victimes. Un bulletin d’information statistique du ministère de la justice publié en 2012 souligne, par ailleurs, que ces peines ont eu un certain succès, de courte durée, hélas, puisque la loi Taubira est venue détricoter ce dispositif et ouvrir les portes des maisons d’arrêt et des centres de détention.

Vous affirmez que les peines planchers auraient conduit à augmenter la population carcérale, mais notre politique pénale n’a pas à s’adapter à la situation des prisons. C’est schizophrénique : ce serait parce qu’il y a trop de monde en prison, parce que vous n’avez pas su, pendant plus de dix ans, gérer la situation, que nous ne pouvons plus rien faire ! Il y a désormais tellement de monde en prison, nonobstant l’abrogation des peines planchers, que vous avez la solution miracle avec la régulation carcérale. Cette fois, non seulement nous arrêtons d’envoyer des gens en prison mais, en plus, nous en faisons sortir ceux qui y sont déjà. Nul doute qu’avec votre solution magique, les trafiquants de stupéfiants et autres criminels ont de beaux jours devant eux.

Monsieur Bernalicis, vous avez insisté sur le respect de la Constitution et du principe de proportionnalité des peines. Si vous étiez allé au-delà de la première page de la décision du Conseil constitutionnel, dont la longueur appelle certes quelques efforts, vous auriez pu constater qu’elle rappelle qu’il appartient au législateur le soin de fixer des règles assurant une « répression effective des infractions » et que le principe de l’individualisation des peines n’implique pas qu’il faille déterminer la sanction au regard de la seule personnalité de l’auteur. D’autres paramètres doivent en effet être pris en compte, notamment les intérêts de la société comme de la victime.

Vous insistez, vous aussi, sur l’augmentation de la durée moyenne des peines de prison, déplorant ce qui, moi, me ravit. Vous prétendez par ailleurs que les peines planchers n’influeraient pas sur la récidive. Sur quelle étude du ministère de la justice vous appuyez-vous ? Il n’y en a pas ; peut-être en recevrons-nous un jour. Vous lisez peut-être dans le marc de café ou les boules de cristal ; pour ma part, je m’en tiens aux méthodes scientifiques. Vous pouvez toujours rire, je m’appuie sur des chiffres et des comparaisons. Le niveau de la délinquance entre 2007 et 2014 n’a rien à voir avec celui qu’on observe depuis la loi Taubira. Nous avons assisté à une explosion des phénomènes criminels, en particulier du trafic de stupéfiants.

Madame Capdevielle, ce texte serait, d’après vous, démagogique, domaine dans lequel la gauche est experte. Vous affirmez encore que mon groupe exploite les faits divers. Nombre de familles de victimes apprécieront à leur juste mesure ces propos écœurants. Ce ne sont pas des faits divers, ce sont des faits de société. Ce sont des vraies personnes qui ont été violées et qui sont mortes. Rappelons ce qui s’est passé en l’espace de seulement deux jours : à Grenoble, hier, un gamin de 15 ans a été tué, sur fond de trafic de stupéfiants et un véhicule de police a été attaqué au mortier ; à Mulhouse, ce matin, une ambulance transportant un blessé a été attaquée par des tirs de mortier. Que faites-vous face à cela ? Vous affirmez que ce texte est démagogique. J’attends que la Chancellerie nous transmette des études scientifiques, nous en discuterons ensuite.

Comme d’autres, vous voyez dans notre proposition de loi une forme de défiance à l’égard de la magistrature. À titre personnel, j’ai un respect immense pour la justice en tant qu’institution mais, je n’ai pas honte de le dire, j’en ai beaucoup moins pour certains syndicats de magistrats d’extrême gauche, qui n’ont eu de cesse de torpiller l’institution judiciaire ces dernières années.

Monsieur Iordanoff, ce texte vise à protéger la société contre les auteurs des faits les plus graves. Sur le principe de l’individualisation des peines, auquel mon groupe est viscéralement attaché, le Conseil constitutionnel s’est prononcé à deux reprises, en 2007 et 2011, et nous nous sommes conformés à ses préconisations. Je note toutefois que vous êtes plusieurs à en avoir une conception à géométrie variable. Vous vous en réjouissez quand il s’agit pour le magistrat de ne pas condamner un pauvre délinquant à la peine maximale encourue. En revanche, je ne vous ai pas entendu sur l’autocensure que s’appliquent les juges pénaux pour ne pas prononcer de condamnations à des peines de prison ou bien les juges de l’application des peines, devenus de véritables gestionnaires de stocks de places de prison. Que penser de la situation du magistrat se voyant obligé de revenir sur la décision de trois ans d’emprisonnement qu’il a prise en son for intérieur après avoir entendu le prévenu, son avocat et les parties civiles, car son chef de juridiction reçoit tous les jours des notes sur l’état des prisons et lui fait passer le message subliminal de prendre en compte l’état de la population carcérale ? Vous ne trouvez peut-être rien à redire à ces pratiques que nous ont rapportées des magistrats auditionnés ; moi, elles me choquent.

Monsieur Martineau, j’aimerais revenir sur les chiffres relatifs à la récidive. En 2023, d’après la commission européenne pour l’efficacité de la justice (Cepej), seules 14 % des affaires ont fait l’objet de poursuites pénales, un des taux les plus bas d’Europe – même la Turquie fait mieux que nous avec un taux de 30 %. Et si, comme vous l’affirmez, le taux de poursuites pénales a augmenté de 10 points entre 2009 et 2023, est-ce à dire qu’il n’était que de 4 % auparavant ? Ajoutons à cela que 75 % des affaires ont fait l’objet d’un classement sans suite. Est-ce digne d’une démocratie de l’Europe de l’Ouest ?

Dix ans après son application, il est temps de faire le bilan de la loi Taubira. La prison est devenue l’exception et vous voulez, grâce à la régulation carcérale, ouvrir les portes des établissements pénitentiaires, trop remplis car les effets de cette loi en matière de récidive et de délinquance ont été très négatifs. Il ne faut pas oublier que la criminalité et la délinquance ont changé depuis une dizaine d’années. Je vous renvoie aux travaux du Sénat sur le trafic de stupéfiants. Notre pays est à deux doigts de devenir un narco-État et de voir ses institutions torpillées : les trafiquants ne craignent plus rien ni personne. Dotés de moyens exceptionnels, ils peuvent même commanditer des assassinats depuis leurs cellules et acheter un contrat de tueur à gage auprès d’un mineur de 14 ans. Cela, nous ne l’avions pas du temps de la loi de Mme Dati sur les peines planchers. Sortez donc dans la rue, allez dans les cités. Vous verrez ce qu’est la réalité de la criminalité aujourd’hui.

Madame Moutchou, j’ai bien noté que vous approuviez le principe des peines planchers mais que vous ne voteriez pas notre proposition de loi. Je tiens à rappeler qu’elle cible un nombre réduit d’infractions : récidive, trafic de stupéfiants et atteintes aux personnes détentrices de l’autorité publique et assimilées. Visiblement, une partie des membres de cette commission ne partagent pas les valeurs républicaines qui sont les nôtres. Nous voulons assurer une double protection : d’une part, à l’égard de tous nos concitoyens contre les trafiquants de drogue, d’autre part, à l’égard des personnes exerçant une mission de service public, qu’il s’agisse de la communauté des soignants, des enseignants ou des forces de l’ordre. Pour des salaires peu élevés, elles mettent leur vie en danger tous les jours pour notre sécurité et notre bien-être et méritent tout notre soutien. Refuser de voter ce texte, c’est leur cracher à la figure.

Madame Froger, la démagogie n’est pas forcément là où on le croit mais l’idéologie, nous savons bien là où elle est – à gauche, vous avez même atteint en la matière un stade de perfection. Les attaques de Mulhouse et Grenoble montrent à quoi cela nous mène.

M. Philippe Gosselin, président. J’appelle les membres de la commission au calme et Mme la rapporteure à la concision.

Mme Pascale Bordes, rapporteure. Selon vous, les professionnels du droit seraient unanimement opposés au texte. Pour ma part, j’ai l’impression inverse. Si vous pensez aux membres du syndicat de la magistrature, je n’en dirai pas plus. Quant à mes collègues du Syndicat des avocats de France, je les mets dans le même sac.

Monsieur Boucard, je n’aurais pas dit mieux que vous et je compte sur vos contributions pour améliorer cette proposition de loi. Je sais que vous pouvez faire œuvre créatrice.

Madame K/Bidi, si ce sont vos seuls arguments, je ne perdrai pas mon temps à vous répondre. Tout ce qui est excessif est insignifiant. Quant à votre raisonnement en matière de traitement de la délinquance, il est schizophrénique mais je n’en dirai pas plus.

Je suis ravie de compter Mme Barèges parmi les députés qui se soucient du sort des victimes et veulent les protéger.

Enfin, monsieur Houlié, j’ai déjà répondu au sujet de l’individualisation de la peine et de l’efficacité de nos mesures.

Article 1er (art. 132-18-1 [nouveau] du code pénal) : Seuils minimaux de peine pour les crimes commis en état de récidive légale, pour les crimes prévus en matière de trafic de stupéfiants et pour les crimes commis sur une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public

 

Amendements de suppression CL3 de M. Jérémie Iordanoff, CL4 de M. Ugo Bernalicis, CL7 de Mme Colette Capdevielle, CL9 de Mme Martine Froger et CL11 de Mme Émeline K/Bidi

M. Jérémie Iordanoff (EcoS). Je m’étonne du ton très condescendant et désagréable qu’a employé Mme la rapporteure, qui n’a pas avancé un seul argument susceptible de justifier l’efficacité des peines planchers. Comme le texte précédent, cette proposition de loi n’est que de pur affichage. La politique pénale et la protection de nos concitoyens demandent du sérieux. Arrêtons ici la discussion.

Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Le mécanisme des peines planchers est d’une apparente simplicité qui peut laisser croire qu’il ferait économiser du temps aux magistrats. L’individualisation de la peine est un principe mais aussi une façon de rendre la justice de la manière la plus efficace possible. Calibrer la sanction en fonction des infractions ou des délits, c’est apporter la réponse la plus réparatrice possible et limiter la récidive. De surcroît, rien ne permet d’affirmer que les peines planchers ont fonctionné.

Ce texte a le même caractère démagogique que votre autre proposition de loi. Les justifications qu’avancent ses défenseurs ne détonneraient pas dans un bistrot. Tout simplifier, c’est ne plus pouvoir agir.

Mme Colette Capdevielle (SOC). Ce que demandent les magistrats, à quelque syndicat qu’ils appartiennent, c’est qu’on les laisse travailler tranquillement et que l’on mette un terme à l’inflation législative. Cessons de voter des lois qui se contredisent les uns après les autres.

Selon vous, les peines planchers assureraient une progressivité. Or, celle-ci peut être garantie par d’autres moyens. Lorsque les faits sont graves, le juge a toute latitude pour prononcer une lourde peine, après avoir pris en compte divers éléments d’appréciation – gravité des faits, contexte de leur commission, mode opératoire, personnalité et antécédents judiciaires du prévenu, conséquences subies par la victime.

Les peines planchers permettraient d’avoir la certitude qu’une peine soit prononcée, dites-vous encore. Les magistrats sont des professionnels : si les faits sont constitués, il y a une condamnation pénale ; si ce n’est pas le cas, il y a acquittement ou relaxe.

Quant aux victimes, ce qu’elles veulent, c’est être indemnisées à l’issue de procédures rapides et être respectées. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons qu’elles soient assistées dès le début par des avocats et accompagnées dans le processus d’indemnisation. Surtout, elles n’aiment pas se voir instrumentalisées. La manière dont vous exploitez leur sort est très indélicate.

Mme Émeline K/Bidi (GDR). J’ai déjà indiqué les raisons de mon opposition aux peines planchers : elles sont inefficaces, comme les études l’ont démontré après sept ans d’application ; elles contribuent à la surpopulation carcérale, alors que nous n’avons pas d’autre solution pour faire face à cette crise que la régulation qui se situe à l’opposé de ce dispositif ; elles portent atteinte au principe constitutionnel de l’individualisation des peines ; elles affectent l’image des juges et de la justice en les faisant apparaître comme laxistes. À ma démonstration, Mme la rapporteure n’a répondu que par deux insultes : « insignifiant » et « schizophrénique ». Quand on n’a pas d’arguments, c’est que l’idée n’est pas bonne.

Mme Pascale Bordes, rapporteure. J’ai déjà répondu à la plupart des arguments. Pour lutter contre la surpopulation carcérale, vous dites, madame K/Bidi n’avoir pas de solution, ce qui est dommage car cela fait dix ans que votre idéologie triomphe dans le domaine judiciaire. Je m’inquiète donc pour les années à venir, compte tenu des défis que nous avons à relever.

Madame Capdevielle, je suis entièrement d’accord avec vous : les magistrats demandent à travailler tranquilles. Ils ne veulent plus recevoir de notes les invitant à ne pas prononcer de peine d’emprisonnement ni voir les juges de l’application des peines détricoter les décisions qu’ils ont prises, au motif qu’il faudrait vider les prisons.

Avis défavorable.

M. Pouria Amirshahi (EcoS). Au lieu de nous donner des leçons, madame la rapporteure, vous feriez mieux de prendre en compte la réalité du droit. Tous les leviers juridiques existent. L’individualisation de la peine tient compte non seulement de la personnalité du prévenu mais aussi des circonstances dans lesquelles l’infraction a été commise, en particulier de la récidive. Dans la phase du jugement, le juge peut aggraver une sanction ou l’atténuer, par exemple, lorsqu’il s’agit d’un mineur. Au cours même de l’exécution de la peine, le juge a également la capacité d’aggraver la peine ou bien de l’atténuer, par exemple, en cas de bon comportement.

Deuxièmement, contraindre les décisions du juge constitue une atteinte grave à la séparation des pouvoirs. C’est au juge d’évaluer la peine, avec discernement, après une audience équitable et contradictoire. Ce principe, qui fait partie de notre droit depuis 1789, est intangible.

Troisièmement, l’application des peines planchers aurait pour conséquence immédiate de gonfler la population dans les prisons, écoles de la récidive, contre laquelle vous prétendez lutter. Vous ne ferez qu’enfler le flot de la colère avec votre culture idéologique de la vengeance, qui est bien loin de servir la République.

M. Stéphane Mazars (EPR). Madame la rapporteure, à tous ceux qui ont mis en avant le grand principe constitutionnel de l’individualisation des peines, vous vous êtes contentée d’opposer le « droit imprescriptible des victimes à la sécurité ». Vous n’avez pas véritablement développé d’argumentation. C’est un écueil rédhibitoire à nos yeux.

Une peine n’a pas à être sévère ou ferme, elle doit être juste. Le juge la prononce au cas par cas, en usant de son discernement, comme l’a très bien dit Mme Capdevielle. Il prend en compte de multiples éléments comme la situation de la victime, la personnalité de l’auteur, l’ordre public au niveau local, certaines infractions n’étant pas punies de la même manière dans l’Aveyron et en Seine-Saint-Denis, mais aussi au niveau national, s’il s’agit d’un fait divers ayant un retentissement dans les médias.

Je dirai enfin mon souhait que nous parvenions à un consensus sur l’enjeu que constitue la motivation des jugements. Pour faire œuvre de pédagogie auprès de nos concitoyens, il importe de pouvoir expliquer pourquoi telle ou telle décision a été prise et en quoi elle a été plus ou moins sévère.

M. Antoine Léaument (LFI-NFP). J’aimerais revenir sur le comportement des membres du groupe Rassemblement national. Comme hier, leurs propos agressifs, brutaux, insultants provoquent un grand désordre au sein de notre commission et constituent un aperçu de ce qui nous attend si d’aventure le RN arrivait au pouvoir. Nous avons eu de beaux exemples du pire qu’il était possible de dire, peut-être parce que ses députés se sentent ici moins observés. Nous ne manquerons pas de diffuser l’intégralité de leurs interventions.

Au cours des auditions que j’ai menées dans le cadre de la mission d’information visant à évaluer l’efficacité de la politique de lutte contre les trafics de stupéfiants, créée voici un an, je n’ai vu aucun membre du RN. Contrairement à ce vous prétendez, lutter efficacement contre ce trafic ne semble donc pas vous intéresser.

Madame la rapporteure, vous nous invitez à aller dans les cités et dans les campagnes mais savez-vous que ce sont des territoires où nous faisons campagne et si les gens dans les quartiers populaires votent pour nous et non pour vous, c’est qu’ils préfèrent les solutions de La France insoumise. Et cela tient à une raison simple : le RN a tendance à les stigmatiser dans leur ensemble en les tenant pour responsables de l’insécurité dont ils sont pourtant les premières victimes. Vous devriez venir dans ces quartiers pour vous rendre compte que leurs habitants en ont assez que vous les dénonciez en bloc au lieu de viser les délinquants.

Enfin, il y a une certaine ironie à constater que la seule étude que vous ayez citée souligne que les peines planchers ont été inefficaces, avec 4 000 personnes incarcérées de plus, pour un coût annuel de 146 millions !

Mme Naïma Moutchou (HOR). Par principe, pour laisser le débat aller jusqu’à son terme, nous ne voterons pas les amendements de suppression.

Je trouve presque drôle que certains collègues fassent de l’individualisation des peines l’alpha et l’oméga de la justice pénale alors qu’ils sont capables sans sourciller de voter voire de proposer des peines complémentaires automatiques qui reviennent à imposer une décision aux juges.

C’est ainsi que Mme Santiago, membre du groupe Socialistes et apparentés, prévoyait lors de la précédente législature, dans sa proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes de violences intrafamiliales, un retrait automatique de l’autorité parentale, dans certaines circonstances, et sa suspension automatique pour des personnes n’ayant même pas encore été jugées, donc présumées innocentes. Ajoutons que, lors de l’examen de la proposition de loi de la majorité présidentielle visant à étendre le champ d’application de la peine complémentaire obligatoire d’inéligibilité pour des auteurs de crimes et délits, des membres du groupe GDR avaient même proposé des peines planchers en cas de récidive.

Le principe de la personnalisation de la peine est donc à géométrie variable pour certains groupes, qui estiment qu’il existe des récidives moins graves que d’autres.

M. Michaël Taverne (RN). Dans cette commission, nous voyons bien combien certains sont déconnectés de la réalité. L’extrême gauche insulte les policiers du matin au soir et nous avons encore la preuve que certains ont plus de compassion pour les auteurs des faits que pour les victimes. Une alliance se dessine entre l’extrême gauche et les macronistes, qui se satisfont du fait qu’aucune réponse pénale ne soit apportée face à des individus condamnés une trentaine, voire une quarantaine de fois.

J’ai une pensée particulière pour les policiers et les gendarmes qui, agressés chaque jour, nous disent faire face à des individus n’ayant plus peur de la justice, tant ils ont un sentiment d’impunité. Et s’il y a des démissions au sein de la police judiciaire, c’est que ses fonctionnaires sont las de revoir des individus à l’arrestation desquels ils ont consacré des moyens colossaux, pendant de longs mois, en sacrifiant parfois leur vie familiale, revenir en liberté, prêts à d’autres forfaits, alors qu’ils ont commis des infractions pénales punies de peines d’emprisonnement.

Écoutons ce que nous disent les Français : 80 % d’entre eux se disent favorables au rétablissement des peines planchers. Arrêtez de gouverner contre la volonté du peuple. La peur doit changer de camp.

M. Ian Boucard (DR). Je m’efforcerai de parler avec apaisement, tant chacun semble survitaminé sous l’effet de la proposition de loi, dont le moins que l’on puisse dire est que sa rapporteure n’est pas diplomate. Nous voterons contre les amendements de suppression de l’article 1er, car nous sommes favorables aux peines planchers et pour que le débat ait lieu.

En affirmant qu’une écrasante majorité des habitants des quartiers populaires ne sont pas des délinquants, M. Léaument dresse un juste constat. C’est pourquoi il faut les protéger, bien mieux que nous ne le faisons. Vous prétendez être le défenseur des classes populaires, des classes ouvrières, des habitants des quartiers populaires : défendez-les vraiment !

Dans les quartiers Nord de Marseille où le narcotrafic règne en maître, qui est embêté ? Les braves gens, les citoyens, ceux qui travaillent, ceux dont la voiture est incendiée, ceux dont les enfants risquent de mourir parce qu’il y a des tirs de mitraillettes entre voyous. Voilà ceux qui sont embêtés ! Chaque fois que nous discutons des moyens de les protéger, vous votez contre ! Quand il y a des émeutes, vous défendez les émeutiers contre les honnêtes gens, qui voudraient que leurs voitures ne soient pas brûlées. Quand il s’agit d’introduire des peines planchers, vous êtes contre.

Vous êtes contre nos forces de l’ordre, ce qui est un vrai problème. Qui, dans ces quartiers, n’est pas embêté ? Ceux que vous appelez les bourgeois vivant dans leurs châteaux, qui ont des agents de sécurité, et non les honnêtes gens qui travaillent, vivent dans des HLM et doivent rentrer avant 20 heures faute de quoi les dealers leur barrent l’entrée de leur immeuble. Quel problème avez-vous à les défendre ?

Pourquoi ne les défendez-vous pas ? Je pense, pour ma part, qu’il faut plus de sévérité et moins de laxisme. Je pense qu’il faut donner plus de moyens aux forces de l’ordre pour lutter contre les trafics, qui empoisonnent la vie des braves gens que vous prétendez défendre mais qu’en réalité, dans cette assemblée et dans cette commission singulièrement, vous ne défendez jamais.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 1er est supprimé et les amendements CL15, CL18 et CL16 tombent.

 

Article 2 (art. 132-19-1 [nouveau] du code pénal) : Seuils minimaux de peine pour les délits commis en état de récidive légale, pour les délits prévus en matière de trafic de stupéfiants et pour les délits commis sur une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public

 

Amendements de suppression CL5 de M. Ugo Bernalicis, CL8 de Mme Colette Capdevielle, CL10 de Mme Martine Froger et CL12 de Mme Émeline K/Bidi

M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). S’il est vrai qu’il existe peu d’études sur les peines planchers en France, il en existe, fort heureusement, à l’étranger. Dans les pays ayant mis en pratique les peines planchers, il y a une littérature scientifique nourrie. Ses conclusions sont les mêmes que celles des maigres études françaises : les peines planchers n’emportent pas les conséquences que ceux qui les défendent voudraient obtenir. Elles ne réduisent pas la récidive et n’ont aucun effet dissuasif sur la commission d’infractions par les primo-délinquants. Je veux bien, madame la rapporteure, que l’on excipe de la science, mais encore faut-il lire les études qui sont publiées, parfois aussi longues que les décisions du Conseil constitutionnel, je vous l’accorde.

En plus d’être inefficaces, les peines planchers, qui coûtent cher, ont contre elles une circonstance aggravante : les prisons, surpeuplées, ne remplissent pas leur office en matière de prévention de la récidive. Sur la question de savoir si la prison produit de la récidive, il existe une littérature française et internationale nourrie, démontrant que la prison est criminogène, notamment parce qu’elle désocialise les individus au profit d’une forme de socialisation carcérale avec des gens bien insérés dans la délinquance ou le crime.

Je veux bien faire semblant que tout cela n’existe pas, mais ce n’est pas possible. Il existe même des études selon lesquelles les solutions alternatives à l’incarcération et les peines de probation sont plus efficaces et produisent moins de récidives, rendez-vous compte ! Ce n’est pas ce que vous proposez.

Je commence à en avoir un peu ras-le-bol d’entendre, à l’Assemblée nationale, en 2024, à l’heure où nous disposons d’une telle littérature scientifique, des défenseurs de l’obscurantisme.

Mme Colette Capdevielle (SOC). De 2007 à 2014, les juges ont écarté les peines planchers dans 60 % des cas où elles étaient applicables, ce qui signifie qu’elles n’étaient pas adaptées. La proposition de loi va au-delà de la loi voulue par Sarkozy en prévoyant deux conditions pour ne pas les appliquer : une décision spécialement motivée ; des circonstances exceptionnelles. Ce que vous voulez, c’est que les peines planchers soient appliquées quasi systématiquement. Avec une telle rédaction, vous portez délibérément atteinte au principe d’individualisation des peines, en imposant deux conditions – tel n’était pas le cas de la loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs, dite loi Dati.

Mme Martine Froger (LIOT). La justice doit certes sanctionner, mais aussi insérer. S’agissant des cas délictuels, laissons agir les services de probation et les aménagements de peine avant de prononcer des peines qui s’avéreront inopérantes et risqueront plutôt d’aggraver la situation de la personne.

Mme Pascale Bordes, rapporteure. J’ai longuement exposé ma position et n’en dirai pas plus. Je note toutefois que celle de M. Bernalicis évolue, avant peut-être d’évoluer encore d’ici à l’examen du texte dans l’hémicycle. De « il y a tout un tas d’études » au début de cette discussion, nous sommes passés à « il y a peu d’études ». Si vous continuez comme cela, peut-être n’aurons-nous plus d’études du tout. Avis éminemment défavorable.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Lors de la discussion générale j’ai fait part de mon faible degré de confiance dans le Conseil constitutionnel pour faire respecter les principes tout en expliquant que je défendais les principes de la nécessité, de l’individualisation et de la proportionnalité de la peine. J’ai fait référence à quelques études, qui montrent toutes l’absence d’efficacité des peines planchers. Cela étant, vous touchez du doigt un sujet intéressant. L’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice a été démantelé le 1er janvier 2021. La recherche sur les questions de sécurité et de justice est plus faible, dans notre pays, que dans de nombreux autres États, en particulier ceux de l’OCDE. Il faudrait lui affecter des moyens supplémentaires car nous avons besoin de ces enquêtes et de ces études pour nourrir notre réflexion et guider notre action, au lieu de faire des textes de loi en fonction de lubies, de faits divers ou de sondages d’opinion, lesquels, rappelons-le, ne nous disent pas ce que pensent vraiment les gens. Dans les enquêtes d’opinion, les gens se disent favorables, en général, à une plus grande sévérité des peines mais, lorsqu’on leur soumet des cas concrets et qu’on les invite à prendre la décision eux-mêmes, ils sont beaucoup moins répressifs qu’on ne le croit – je sais que cela vous embête, mais c’est ainsi.

Mme Naïma Moutchou (HOR). L’argument tiré de la personnalisation de la peine ne tient pas la route. On ne peut pas crier haro sur les peines planchers au motif qu’il appartient au juge de décider de la gradation de la peine et, dans le même temps, proposer des peines automatiques. C’est de la schizophrénie, à moins qu’il ne s’agisse d’un prétexte, qui témoigne d’un carcan idéologique. Cela étant, dans une démarche constructive, je vous propose, par l’amendement CL13, d’instaurer une peine minimale d’un an d’emprisonnement – qui est proche de la moyenne actuelle de neuf mois – pour les violences commises en état de récidive légale sur tous ceux qui permettent la vie en collectivité : policiers, enseignants, pompiers, agents pénitentiaires, médecins, etc. On ne peut pas s’indigner, comme on le fait régulièrement dans notre assemblée, lorsqu’un policier, un enseignant, un médecin est agressé ou menacé, tout en ne faisant rien par ailleurs. Nous ne voterons pas les amendements de suppression pour que le débat ait lieu ; si notre amendement n’était pas adopté, toutefois, nous rejetterions l’article 2

M. Pouria Amirshahi (EcoS). Encore une fois, ce qui favorise la récidive, c’est la prison. Le durcissement des peines, indépendamment de son efficacité très discutable – expérience Sarkozy-Dati à l’appui – ne réglerait pas le problème de la récidive ; au contraire, il l’aggraverait. Il existe une littérature abondante à ce sujet. La Contrôleure générale des lieux de privation de liberté a estimé, à l’issue de ses missions de terrain, que des peines de probation éviteraient les dérives liées à l’enfermement, les risques de mise en danger de la société comme des intéressés. Nous pourrions nous inspirer, une fois n’est pas coutume, des dispositifs appliqués en Allemagne, qui consistent à mettre au travail 75 % des détenus – contre 20 % chez nous. Cela changerait notre approche des choses. La justice est là pour juger et, le cas échéant, sanctionner les délinquants mais il faudrait essayer de sortir de la culture de la vengeance, de changer notre angle de vision et de nous pencher sur ce qui fait du bien à la société. Il s’agit de faire en sorte que, lorsqu’on sort de prison, on en sorte mieux, moins violent et plus soucieux de vivre en société que lorsqu’on y est entré. Tel est l’objectif que nous devrions nous assigner.

Mme Aurore Bergé (EPR). Je m’étonne des arguments qui ont été échangés. D’abord, M. Bernalicis a jeté le doute sur le Conseil constitutionnel. On ne peut pas vouloir, matin, midi et soir, s’ériger en défenseur absolu de l’État de droit et, en commission des lois, considérer que le Conseil constitutionnel, par principe, faillirait à sa mission. Le juge constitutionnel est le gardien de notre Constitution et du respect que nous devons lui porter, en notre qualité de parlementaires.

Ensuite, on ne peut pas identifier un problème, à savoir que l’incarcération ne remplirait pas sa mission, et proposer une solution qui consisterait à éviter cette même incarcération, sous peine de tomber dans une pensée circulaire qui échouerait à résoudre les difficultés auxquelles sont confrontés nos concitoyens. Il y a des enjeux liés à la surpopulation carcérale, aux modalités d’application des peines et, surtout, de sortie des peines, mais l’existence de ces difficultés ne justifie pas que l’on affirme, par principe, que l’incarcération ne peut et ne doit jamais être la réponse. Elle en est évidemment une parmi d’autres. Je m’étonne que des parlementaires considèrent qu’elle ne doit pas être retenue.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 2 est supprimé et les amendements CL6, CL13, CL20, CL19 et CL17 tombent.

 

L’amendement CL14 de Mme Pascale Bordes, rapporteure, sur le titre, n’a plus d’objet.

 

La commission ayant supprimé tous les articles de la proposition de loi, l’ensemble de celle-ci est rejeté.

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La séance est levée à 12 heures 25.

 

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Membres présents ou excusés

 

Présents. - Mme Marie-José Allemand, M. Pouria Amirshahi, Mme Léa Balage El Mariky, Mme Brigitte Barèges, M. Romain Baubry, Mme Aurore Bergé, M. Ugo Bernalicis, Mme Sophie Blanc, Mme Émilie Bonnivard, Mme Pascale Bordes, M. Ian Boucard, M. Florent Boudié, Mme Colette Capdevielle, Mme Gabrielle Cathala, M. Vincent Caure, M. Paul Christophle, M. Jean-François Coulomme, Mme Edwige Diaz, M. Emmanuel Duplessy, Mme Elsa Faucillon, Mme Agnès Firmin Le Bodo, M. Moerani Frébault, Mme Martine Froger, M. Jonathan Gery, M. Yoann Gillet, M. Philippe Gosselin, M. Guillaume Gouffier Valente, Mme Monique Griseti, M. David Guerin, M. Jordan Guitton, M. Sébastien Huyghe, M. Jérémie Iordanoff, Mme Émeline K/Bidi, M. Philippe Latombe, M. Antoine Léaument, M. Roland Lescure, Mme Pauline Levasseur, M. Aurélien Lopez-Liguori, Mme Marie-France Lorho, M. Olivier Marleix, M. Éric Martineau, Mme Élisa Martin, M. Bryan Masson, M. Stéphane Mazars, M. Ludovic Mendes, Mme Laure Miller, M. Paul Molac, Mme Naïma Moutchou, Mme Danièle Obono, M. Éric Pauget, M. Marc Pena, M. Thomas Portes, M. Julien Rancoule, Mme Sandra Regol, Mme Béatrice Roullaud, M. Hervé Saulignac, M. Philippe Schreck, Mme Andrée Taurinya, M. Michaël Taverne, M. Jean Terlier, Mme Céline Thiébault-Martinez, Mme Sophie Vaginay, M. Roger Vicot, M. Antoine Villedieu, Mme Caroline Yadan

Excusés. - Mme Blandine Brocard, M. Marc Fesneau, Mme Marietta Karamanli, M. Andy Kerbrat, M. Laurent Marcangeli, M. Jiovanny William

Assistaient également à la réunion. - M. Mickaël Bouloux, M. Sacha Houlié, Mme Eliane Kremer