Compte rendu

Commission
des lois constitutionnelles,
de la législation
et de l’administration
générale de la République

 

 

 

 Suite de l’examen pour avis et vote des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » (Mme Blandine Brocard, rapporteure pour avis)                            2

 Audition de M. François-Noël Buffet, ministre chargé des Outre-mer, sur la politique du gouvernement dans les Outre-mer et sur les crédits de la mission « Outre-mer »                            7

 Examen pour avis et vote des crédits de la mission « Outre-mer » (M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis)  31


Mercredi
30 octobre 2024

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 12

session ordinaire de 2024 - 2025

Présidence de M. Florent Boudié, président

 


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La séance est ouverte à 16 heures 30.

Présidence de M. Florent Boudié, président.

La Commission poursuit l’examen pour avis des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » (Mme Blandine Brocard, rapporteure).

Après l’article 61 (suite)

Amendement II-CL209 de Mme Élisa Martin

Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Cet amendement quelque peu technique vise à lisser dans le temps les mécanismes financiers qui s’appliquent aux communes lorsqu’elles franchissent le seuil de 10 000 habitants.

Mme Blandine Brocard, rapporteure pour avis. Je demanderai le retrait de tous les amendements introduisant des modifications importantes de la dotation globale de fonctionnement (DGF). Même si j’estime qu’une réforme d'ampleur doit être amorcée rapidement, il ne me semble pas pertinent de procéder à certaines modifications par amendement, sans évaluer précisément leurs impacts.

À défaut de retrait, j’émettrai donc un avis défavorable, non pas parce que la question ne mérite pas d’être traitée, mais au contraire parce qu’elle doit l’être de manière plus approfondie.

Mme Élisa Martin (LFI-NFP). J’entends votre propos, mais certains mécanismes pourraient être activés rapidement sans bouleverser toute l’organisation.

Mme Blandine Brocard, rapporteure pour avis. La nécessité de traiter ce point de manière urgente n’est jamais ressortie des auditions que j’ai conduites.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL222 de M. Béranger Cernon

Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Bien que favorables à la coopération intercommunale, nous voulons prévoir tous les moyens nécessaires, y compris techniques, pour nous assurer que les communes sont d’accord pour mettre en commun certaines ressources. L’intercommunalité n’a de sens, à nos yeux, que si elle est pleinement choisie et construite par les élus municipaux.

Mme Blandine Brocard, rapporteure pour avis. Le dispositif que vous souhaitez supprimer est une simple possibilité laissée aux communes de permettre la perception et la mise en commun de la DGF au niveau de l'EPCI, l’établissement public de coopération intercommunale, qui la redistribue ensuite selon des critères de richesse. Il est purement volontaire et requiert l'aval des communes, qui ne sont ainsi obligées à rien.

Je suis donc défavorable à la suppression de ce dispositif, qui permet d’appliquer le principe de solidarité au niveau intercommunal.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL212 de M. Béranger Cernon

Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Il s’agit ici de prévoir une participation des élus aux débats sur l’attribution de la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL).

Mme Blandine Brocard, rapporteure pour avis. Cette question, que j’ai choisi de développer dans mon rapport pour avis, a, pour le coup, été soulevée à de multiples reprises au cours des auditions. L’idée consistant à s’inspirer, pour la DSIL, de la procédure d’attribution de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) en créant une commission d’élus fait partie des pistes, mais la question mérite d’être étudiée de façon plus globale. D’autres hypothèses peuvent être envisagées, comme un cadre pluriannuel renforcé ou une fongibilité entre les enveloppes correspondant aux différentes subventions.

En attendant que cette réflexion puisse avoir lieu, demande de retrait.

Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Dans quel cadre ce travail prendrait-il place ?

Mme Blandine Brocard, rapporteure pour avis. J’aimerais pouvoir vous répondre. Je formulerai en tout cas des remarques et propositions, dont je suis d’ailleurs ravie de constater que certaines semblent pouvoir faire consensus. Le véhicule législatif adapté pour les concrétiser reste à trouver, mais j’y travaillerai très volontiers avec vous.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

Article 62

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 62 non modifié.

Article 63

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 63 non modifié.

Article 64

Amendement de suppression II-CL223 de Mme Élisa Martin

Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Sans surprise, nous sommes opposés à la création du fonds de réserve prévu à l’article 64. Ce n’est pas aux collectivités qu’il revient d’organiser une péréquation entre elles : aucune n’est en position de faire preuve de solidarité vis-à-vis des autres puisque, à peu de chose près, toutes sont à l’os. Je songe par exemple à la ville de Grenoble, qui serait concernée alors qu’elle connaît de très grandes difficultés, dont témoigne la forte augmentation de la part communale de la taxe foncière que les élus ont été contraints de voter.

Nous préférerions que les recettes de l’État soient accrues par d’autres biais et réparties différemment entre les collectivités.

Mme Blandine Brocard, rapporteure pour avis. Il est vrai que certaines collectivités sont en difficulté, mais je ne partage pas votre constat selon lequel elles seraient toutes à l’os. Il me semble assez juste de prévoir que seules les plus importantes, qui jouissent d’une bonne situation financière, contribueront au fonds de réserve. Les efforts demandés préserveront les collectivités les plus fragiles.

Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Le fait de dépenser plus de 40 millions d’euros en frais de fonctionnement – puisque ce seuil fait partie des critères, même s’il n’est pas le seul – n’est pas un signe de bonne santé financière.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL194 de M. Ian Boucard

M. Ian Boucard (DR). L’article 64 prévoit la création d’un fonds dit de réserve fonctionnant sur le principe de l’autoassurance, dont les communautés d’agglomération qui n’étaient pas contributrices au fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (Fpic) l’année précédente seraient exonérées. Or de nombreuses communautés d’agglomération sont à la fois contributrices et bénéficiaires du Fpic. Je propose d’exonérer toutes celles qui ne sont pas contributrices nettes.

Mme Blandine Brocard, rapporteure pour avis. Sur le principe, il pourrait paraître normal que seuls les établissements publics territoriaux (EPT) dont l’ensemble intercommunal n’était pas contributeur net au Fpic soient exonérés du fonds de réserve, pour recentrer le prélèvement sur les communes les plus aisées. Je préférerais toutefois que l'impact de cette mesure soit chiffré, afin de déterminer combien d'EPT supplémentaires seraient exemptés du prélèvement et si celui-ci resterait soutenable pour les seuls contributeurs nets.

Dans le doute, je vous invite donc à retirer votre amendement le temps que ces estimations nous parviennent.

M. Ian Boucard (DR). Comme elles risquent fort de ne pas nous être transmises dans les temps, je le maintiens.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL195 de M. Ian Boucard

M. Ian Boucard (DR). Vingt conseils départementaux, sélectionnés en fonction de leur indice de fragilité sociale, ont été exonérés du prélèvement pour le fonds de réserve. Cette année, plusieurs conseils départementaux ont bénéficié du fonds de sauvegarde, car ils cumulaient fragilité sociale et insuffisance de ressources. Il paraît donc incohérent de leur demander de contribuer au fonds de réserve. Par exemple, l’an dernier, le Territoire de Belfort, dont 98 % des dépenses sont contraintes, était éligible au fonds de sauvegarde à hauteur de 3 millions d’euros ; cette année, l’État lui ponctionne 3 millions d’euros…

Mme Blandine Brocard, rapporteure pour avis. Je vous avoue avoir un peu de mal à comprendre votre amendement. L’article 64 prévoit que sont exonérés du prélèvement les vingt premiers départements éligibles au fonds de sauvegarde. Étant donné qu’ils sont actuellement quatorze, votre amendement est satisfait, à moins de considérer que le nombre de départements éligibles à ce fonds va notablement augmenter. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

M. Ian Boucard (DR). L’indice de fragilité sociale défini à l’article 64 ne prend pas en compte le fonds de sauvegarde pour 2024, si bien que le Territoire de Belfort, qui était pourtant éligible au fonds de sauvegarde, à l’instar de treize autres départements, ne fait pas partie des vingt départements exonérés du versement au fonds de réserve, pas plus que la Haute-Marne. Or ces deux départements ne peuvent pas attendre de rentrées financières de métropoles qu’ils n’ont pas. C’est pourquoi je propose de les exonérer au même titre que les vingt autres. Mon amendement n’aurait pas de réel effet sur les finances publiques.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 64 non modifié.

Après l’article 64

Amendement II-CL322 de M. Emmanuel Duplessy

Mme Sandra Regol (EcoS). Nous proposons de conserver les critères établis en 2024 du fonds de sauvegarde auquel quatorze départements ont été éligibles en raison de leur taux d’épargne brute et de leur indice de fragilité sociale. On compte parmi eux des départements ruraux en difficulté, tels que la Nièvre et la Creuse, des départements urbains, comme la Seine-Saint-Denis, et des départements d’outre-mer, comme la Guadeloupe et la Martinique. Le fonds de sauvegarde doit être abondé par l’État pour tenir compte de la hausse inévitable du nombre de ses bénéficiaires.

Mme Blandine Brocard, rapporteure pour avis. Le fonds de sauvegarde a été créé par la loi de finances initiale de 2020 et doté à l’origine de 53 millions d’euros. Son montant a été porté à 106 millions d’euros dans le cadre de la loi de finances pour 2024. Les modalités de répartition du fonds arrêtées en 2024 tiennent compte d’un prélèvement sur recettes (PSR) temporaire qui n’est pas reconduit en 2025. Je m’interroge sur la faisabilité technique de votre amendement. Avis défavorable.

M. Philippe Gosselin (DR). Au-delà de la question de la faisabilité technique, qu’il faudrait résoudre, les faits sont têtus. Un nombre croissant de départements sont en difficulté et la plupart ont tiré la sonnette d’alarme. Leurs dépenses de fonctionnement explosent, notamment dans le domaine social, et sont mal voire pas compensées par l’État. Alors qu’il y avait en 2024 une trentaine de départements en difficulté, dont une quinzaine en très grande difficulté, il y en aura soixante ou soixante-cinq en 2025. Il y a urgence à agir.

La commission adopte l’amendement.

Amendement II-CL273 de Mme Agnès Firmin Le Bodo

Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). Il serait intéressant que le Gouvernement remette au Parlement un rapport étudiant la pertinence d’une fusion de la DSIL et de la DETR, comme le réclament certaines collectivités territoriales et certains préfets. Nous veillerions bien sûr à préserver l’enveloppe globale. Cela permettrait de simplifier les demandes de subventions des collectivités territoriales. Peut-être pourrions-nous également travailler avec le Gouvernement sur la représentativité des élus au sein des commissions d’attribution.

Mme Blandine Brocard, rapporteure pour avis. Nombre d’élus et d’associations d’élus, quelle que soit la collectivité concernée et sa taille, semblent réclamer cette fusion. Je suis très favorable à votre demande de rapport afin d’augmenter la lisibilité et la sûreté des dotations aux collectivités. Lors de son audition, le 15 octobre, Catherine Vautrin s’était également montrée favorable à une telle réflexion.

M. le président Florent Boudié. Sans doute faudra-t-il créer un jour un service central de rédaction des rapports, car nous en demandons beaucoup…

M. Pouria Amirshahi (EcoS). Je n’ai, par principe, rien contre les demandes de rapport. Néanmoins, à l’heure du tout-économies, où l’on prend d’abord aux collectivités locales et où on les empêche de se déployer comme il le faudrait et de mener à bien leurs missions principales, je crains que la fusion de ces deux fonds ne conduise presque à coup sûr à une diminution du montant cumulé des deux dotations.

M. Philippe Gosselin (DR). Je partage un peu l’inquiétude de Pouria Amirshahi. J’aime bien les jardins à la française : on n’y voit qu’une tête, mais le jour où la tête tombe, il n’y en a plus. Autrement dit, je me méfie de ces regroupements qui auraient pour effet, le jour où l’on souhaitera faire baisser les crédits, de les écrêter davantage encore. On notera tout de même que la DSIL et la DETR n’ont pas les mêmes conditions de recevabilité, ce qui offre une certaine souplesse, appréciable. Le rapport, toutefois, pourrait permettre d’y voir plus clair. Il pourrait aussi être l’occasion de préciser les modalités d’une plus grande coopération entre les élus et l’administration.

La commission adopte l’amendement.

Amendement II-CL208 de M. Bérenger Cernon

Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Nous souhaitons également obtenir un rapport sur l’évolution des finances locales depuis 2012, autour de trois éléments principaux : les effets de l’accumulation des réformes – la compensation de la suppression de la taxe d’habitation par exemple ; l’évaluation du manque à gagner du fait des baisses des dotations ou de leur non-indexation sur l’inflation ; les conséquences des transferts opérés plus ou moins subrepticement – les communes organisent et financent désormais intégralement les temps périscolaires.

S’agissant des rapports, j’entends ce que vous dites en matière de mobilisation des services. Mais voilà les pauvres moyens dont disposent les députés pour essayer de contrôler un peu ce que fait le Gouvernement…

M. le président Florent Boudié. Nous pourrons demander un rapport d’évaluation sur les rapports demandés par chaque loi.

Mme Blandine Brocard, rapporteure pour avis. Il existe pléthore de rapports sur ce sujet, madame Martin : rapports annuels de la Cour des comptes sur les finances publiques locales, rapports de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales, rapport sur les finances locales annexé chaque année au PLF, sans compter les différents rapports parlementaires que l’on oublie trop souvent de lire. Pour avoir auditionné la direction générale des collectivités locales (DGCL), je sais qu’elle sera ravie de vous fournir tous les chiffres que vous souhaitez. Tous les chiffres sont d’ailleurs en libre accès et je vous souhaite bien du courage pour étudier un tel volume de données !

Mme Élisa Martin (LFI-NFP). D’une certaine manière, votre réponse me conforte dans ma requête. Dans cette forêt de chiffres, il faut rendre les informations lisibles et compréhensibles par tout un chacun, en particulier le pauvre député français qui n’a pas tant de moyens pour contrôler l’action gouvernementale.

La commission rejette l’amendement.

La séance est suspendue de 16 heures 40 à 16 heures 50.


Puis, la Commission auditionne M. François-Noël Buffet, ministre chargé des Outre-mer, sur la politique du gouvernement dans les Outre-mer et sur les crédits de la mission « Outre-mer » ;

M. le président Florent Boudié. Cette audition, la première depuis votre nomination, vous permettra de nous présenter les crédits de la mission Outre-mer ainsi que les grandes orientations de la politique du nouveau gouvernement concernant les outre-mer.

M. François-Noël Buffet, ministre chargé des outre-mer, . Le processus budgétaire actuel revêt un caractère à la fois normal et exceptionnel, notamment en raison des contraintes temporelles. Je vous propose d’examiner objectivement la mission outre-mer, en soulignant à la fois ses atouts et ses axes d’amélioration.

L’effort global de l’État en faveur des territoires ultramarins, tous ministères confondus, devrait atteindre 24,6 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 26,2 milliards d’euros en crédits de paiement (CP) pour l’année 2025. Il convient de noter, à ce stade des travaux, une légère baisse par rapport à 2024.

La mission outre-mer représente 15 % des dépenses de l’État dans ce domaine et la lettre plafond établie par le précédent gouvernement fixe les crédits pour 2025 à 2,8 milliards d’euros en AE et 2,5 milliards d’euros en CP. Cela représente une diminution de 7 % en AE et en CP par rapport au projet de loi de finances 2024, mais une augmentation de 2 % par rapport à 2023. La baisse est particulièrement marquée pour le programme 123, intitulé « Conditions de vie outre-mer », avec une diminution de 37 % des autorisations d’engagement, tandis que le programme 138, « Emploi outre-mer », enregistre une légère hausse, qui est entièrement due à l’augmentation du montant du remboursement des exonérations de charges sociales à la Sécurité sociale.

Tout d’abord, lors de l’examen du projet de loi de finances 2024, la mission outre-mer a bénéficié de plusieurs amendements, pour un total de 277 millions d’euros, augmentant les crédits initialement inscrits. Certaines de ces dépenses étaient destinées à être pérennisées, d’autres non. Les crédits inscrits au projet de loi de finances 2024, soit 2,9 milliards en AE et 2,7 milliards en CP, constituent donc des données de référence, mais il convient également de se référer au niveau des dotations de l’exercice 2023.

Ensuite, le plafond de la mission n’intègre pas l’éventuelle reconduction de l’aide exceptionnelle de 100 millions d’euros accordée au conseil départemental de Mayotte pour 2024, ce qui biaise en partie les comparaisons.

Face à la baisse annoncée des crédits de la mission outre-mer, nous avons adopté une position claire : renégocier ce montant et tenir les engagements de l’État, fondement d’une relation de confiance entre le gouvernement et les acteurs ultramarins. Notre objectif est de trouver un équilibre entre la contribution des outre-mer à l’effort national de redressement des comptes publics et la préservation des intérêts essentiels de nos territoires ultramarins. Notre budget devra tenir compte de ces efforts partagés.

Il est primordial que les crédits obtenus correspondent à la capacité des acteurs locaux de les dépenser efficacement. Les crédits budgétaires ne sont pas sous-consommés, mais il importe de vérifier que chaque euro est nécessaire et efficace pour honorer nos engagements. Une attention particulière doit également être portée à la consommation des fonds européens, qui complètent souvent les fonds nationaux et dont l’utilisation varie selon les territoires.

J’ai obtenu auprès du ministre en charge des comptes publics les crédits nécessaires pour assurer une fin de gestion pour l’année 2024. Ainsi, 220 millions d’euros en AE et 225 millions d’euros en CP ont été dégelés. En outre, nous avons obtenu de nouveaux crédits, soit 55 millions d’euros en AE et 33 millions d’euros en CP.

Ces montants permettent de progresser sur de nombreux sujets, dont le paiement du solde de l’aide exceptionnelle au conseil départemental de Mayotte voté pour 2024, à hauteur de 40 millions d’euros, le renforcement des capacités de la Sogefom à garantir des prêts bancaires aux entreprises de Nouvelle-Calédonie, le financement, dans ce territoire, de la poursuite des opérations prévues au contrat de développement, ou encore la prise en charge par l’État des navettes maritimes requises par le blocage de la route de Saint-Louis, dont la réouverture récente permet d’envisager la réorganisation. Enfin, une partie de ces crédits permet le remboursement des exonérations de charges auprès de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss).

Conformément aux engagements pris par le Premier ministre, nous souhaitons renforcer l’appui de l’État au développement des territoires et à la création de valeur. Soutenir l’investissement des collectivités et répondre aux attentes légitimes de nos concitoyens requièrent le portage de divers projets tels que des équipements routiers ou des centres de santé. La nouvelle génération des contrats de convergence et de transformation (CCT) a ainsi été signée et l’État s’est engagé à hauteur de 794 millions d’euros. La signature tardive de ces contrats, en 2024, a contraint le niveau de consommation de ces crédits, qui s’élèvent à 73 millions d’euros en AE et 59 millions d’euros en CP.

Dans les années à venir, il est impératif que les crédits mobilisés répondent à la capacité effective d’engagement des projets. Aussi, il convient de lisser les crédits des CCT sur une plus longue période, dont j’ai obtenu qu’elle soit limitée à six ans, à l’instar des contrats de plan État-région (CPER). Nous calculons au plus près des besoins le montant de l’annuité, en fonction, d’une part, de la montée en charge de ces nouveaux contrats et, d’autre part, du solde de la génération précédente.

De la même manière, le niveau de crédits du fonds exceptionnel d’investissement (FEI) est déterminé en fonction de ce qui apparaît soutenable pour les collectivités. Le montant de 160 millions d’euros adopté en 2024 n’a pas donné lieu à une programmation correspondante, traduisant sans doute un niveau trop élevé de ces crédits. C’est la raison pour laquelle 110 millions d’euros sont prévus en AE.

Par ailleurs, les communes les plus fragiles seront accompagnées dans l’assainissement de leurs finances, au titre des contrats de redressement outre-mer (Corom), dispositif dont je sais que nous partageons une appréciation très positive. Les crédits nécessaires à la mise en œuvre des douze contrats en cours s’élèvent à 8 millions d’euros, conformément aux engagements pris sur la période 2024-2026. Enfin, je souhaite que les moyens de l’Agence française de développement (AFD) dédiés tant au financement des collectivités territoriales qu’au soutien de l’ingénierie locale soient sanctuarisés.

Les dispositifs fiscaux portés par la mission outre-mer participent à cette croissance. La défiscalisation des investissements productifs est ainsi prolongée jusqu’en 2029. Je sais qu’il existe des tentatives de modifier à nouveau le seuil des chiffre d’affaires au-delà duquel une entreprise n’est plus éligible à la défiscalisation et doit recourir au crédit d’impôt. Ce système a des avantages, notamment celui de supprimer le recours à un monteur qui prélève une commission. En revanche, il présente d’autres inconvénients, tels que le préfinancement ou le délai pour obtenir le bénéfice du crédit d’impôt. C’est pourquoi, sans être fermé à des évolutions sur le curseur du dispositif, je souhaite que soient évalués les impacts d’une réforme plus profonde qui viendrait compromettre les projets nécessaires aux territoires ultramarins.

Nous voulons aussi donner des perspectives à la jeunesse. En effet, la jeunesse ultramarine est confrontée à des défis majeurs en matière de formation et d’insertion professionnelle. Les besoins sont considérables et les solutions multiples pour faire face à la croissance démographique à Mayotte et en Guyane, et à l’exode des populations de Martinique, de Guadeloupe ou de Wallis-et-Futuna. Pour répondre à ces enjeux démographiques, nous mobilisons 115 millions d’euros pour financer la construction, la rénovation et l’extension d’établissements scolaires à Mayotte, en Guyane et en Nouvelle-Calédonie.

Nous souhaitons également valoriser les talents et les parcours des jeunes ultramarins, notamment à travers le programme « Cadres d’avenir », qui accompagnera 110 talents vers l’excellence pour l’année scolaire 2024-2025. L’aide au retour des forces vives et l’accompagnement des étudiants seront au cœur des nouvelles mesures portées par l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité (Ladom). Au total, 22 millions d’euros financeront l’aide à la formation professionnelle, parmi lesquels 11 millions d’euros seront dédiés aux dispositifs locaux de formation des cadres.

Les moyens du service militaire adapté (SMA) s’élèveront à 73 millions d’euros en AE et 59 millions d’euros en CP. Ce dispositif d’insertion professionnelle pour les publics les plus éloignés de l’emploi a démontré son efficacité, avec un taux d’insertion supérieur à 75 % pour les 6 000 jeunes volontaires stagiaires.

En matière d’emploi, nous sommes particulièrement attentifs à l’efficacité du dispositif d’exonération des cotisations sociales prévu par la loi pour l’ouverture et le développement économique de l’outre-mer (Lodeom). Cet outil est passé de 1 milliard d’euros de compensation en 2018 à près de 1,8 milliard d’euros en 2023, reflétant l’amélioration du marché de l’emploi dans la plupart des territoires ultramarins, malgré des taux de chômage nettement plus élevés qu’en métropole. Aussi, la réforme nationale des exonérations de charges patronales devra être adaptée aux spécificités ultramarines. Le gouvernement a prévu un article d’habilitation à cet effet, nécessitant le recours à des ordonnances qui, dans ce cas, offriront le temps nécessaire pour analyser sereinement les conclusions attendues d’une mission inter-inspections.

Le pouvoir d’achat des ultramarins constitue une préoccupation majeure. Le protocole d’objectifs et de moyens de lutte contre la vie chère en Martinique, signé le 16 octobre dernier, vise à réduire de 20 % en moyenne le prix de 6 000 produits alimentaires importés parmi les plus consommés localement. L’adaptation de ce dispositif à d’autres territoires est à l’étude. Ces orientations complètent les outils existants, tels que l’appui à la négociation des boucliers qualité-prix et aux observatoires des prix, des marges et des revenus, dont les moyens d’étude s’élèveront à 600 000 euros en AE en 2025.

Nous souhaitons également améliorer les conditions de vie au quotidien. Concernant le logement, les crédits de la ligne budgétaire unique (LBU) s’élèvent à 260 millions d’euros en AE et 180 millions d’euros en CP. Bien que cela représente une diminution de 32 millions d’euros en AE par rapport à la loi de finances 2024, il s’agit d’une augmentation de 16 millions d’euros par rapport à la loi de finances 2023.

Cette évolution ne remet pas en question le niveau d’intervention de l’État ni la dynamique engagée en matière de soutien à la construction et à la réhabilitation de logements sociaux, qui a notamment permis de financer la construction et la réhabilitation de plus de 8 500 logements en 2024. Cette démarche sera renforcée dans le cadre du futur plan logement outre-mer 3, en cours de finalisation.

La continuité territoriale constitue un enjeu majeur d’équité et de solidarité envers nos concitoyens ultramarins. Grâce au relèvement du seuil de ressources, le nombre de bénéficiaires est passé de 38 879 entre 2018 à 78 810 en 2023. Il est souhaitable que ces moyens soient maintenus.

Pour répondre aux risques spécifiques des outre-mer, le plan séisme Antilles sera financé à hauteur de 600 000 euros en AE et en CP. S’y ajoutent les crédits du fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), dit fonds Barnier, qui, pour la Martinique, s’élèvent à 31,8 millions d’euros pour 2024-2027. Les abris anticycloniques en Polynésie française bénéficieront de 2,5 millions d’euros en AE et environ 1,5 million d’euros en CP.

Conscient de l’importance de ces dispositifs protégeant nos concitoyens, je m’engage à ce que ces crédits soient alloués aux projets les plus structurants, en cohérence avec la capacité de réalisation des acteurs. Les moyens de la sécurité civile ultramarine seront renforcés, passant de 400 000 euros en 2024 à 1,71 million d’euros en 2025. Enfin, je veillerai à ce que les crédits alloués aux plans chlordécone et sargasses, contenus dans le programme 162 « Cohésion des territoires », restent compatibles avec leur avancée.

Il est nécessaire d’adapter le niveau des crédits consacrés aux outre-mer aux spécificités de ces territoires. Au-delà des crédits du ministère chargé des outre-mer, de nombreuses missions portent les enjeux des politiques publiques ultramarines, et devront faire l’objet d’une attention particulière lors du débat parlementaire. Je pense en particulier à Mayotte, au regard de sa situation spécifique et des travaux en cours, et de la nécessité d’assurer sa convergence économique et sociale avec les dispositifs nationaux à un rythme adapté. Cette orientation s’inscrit dans la continuité du projet de loi Mayotte. Le gouvernement s’appuiera sur les travaux déjà menés et collaborera avec les principaux ministères concernés avant de revenir vers les élus mahorais.

M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Permettez-moi de poser un diagnostic clair sur le projet de budget du gouvernement pour nos outre-mer, mais aussi de rectifier certains de vos propos mensongers. Non, tout ne va pas bien, et non, le gouvernement n’en a pas pris conscience.

Après deux années de réduction des crédits en euros constants et loin des besoins de nos compatriotes ultramarins confrontés quotidiennement au coût élevé de la vie et à l’affaiblissement des services publics, le budget 2025 que vous défendez se révèle brutal et austère, injuste et méprisant.

Les crédits de la mission outre-mer accusent une baisse de 12,5 % en AE et de 9 % en CP par rapport à l’exercice précédent, compromettant ainsi les projets d’aménagement et les services de proximité dans ces territoires qui en ont pourtant cruellement besoin.

Le programme « Conditions de vie en outre-mer » subit la diminution la plus importante, avec une baisse de 36 % qui impactera négativement les politiques de logement, d’aménagement du territoire et de soutien aux collectivités. Ces enjeux sont pourtant essentiels pour améliorer les conditions de vie dans des territoires confrontés à d’immenses défis économiques et sociaux.

De nombreux amendements, émanant de divers bords politiques, s’opposeront à cette logique d’austérité qui traduit un manque de vision du gouvernement pour nos outre-mer et un mépris inacceptable envers nos compatriotes ultramarins. Je m’engage à soutenir toutes les initiatives cohérentes avec le projet de contre-budget du Rassemblement national.

Avec une telle proposition budgétaire, comment espérez-vous disposer des moyens nécessaires pour résoudre les crises que traversent nos Antilles, la situation institutionnelle en Nouvelle-Calédonie ou encore la dramatique dégradation des services publics à Mayotte ou en Guyane ?

En tant que rapporteur pour avis, j’ai choisi cette année de me concentrer sur Mayotte, comme je l’avais fait l’an dernier pour la Guyane, en examinant la situation migratoire, sécuritaire, économique et sociale de ce département. Je m’y suis rendu en septembre et j’y ai rencontré de nombreux acteurs politiques, économiques, associatifs, ainsi que des citoyens et des fonctionnaires qui font vivre Mayotte au quotidien malgré les difficultés. Je tiens d’ailleurs à leur rendre un hommage appuyé.

Mayotte a tout d’un bijou français au cœur de l’océan Indien, mais sa proximité avec les Comores a transformé ce petit paradis en un enfer que peu d’entre nous peuvent imaginer depuis la métropole. La situation migratoire y est telle que tout craque. Selon une étude de l’Institut national d’études démographiques (Ined) datant de 2018, 55 % de la population de Mayotte n’est pas native de l’île, contre seulement 12 % en 1985. Cette proportion continue d’augmenter, la croissance démographique étant désormais portée aux deux tiers par la natalité des mères d’origine comorienne.

L’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) qualifie la croissance démographique de Mayotte d’exceptionnelle : sa population a doublé en vingt ans et quadruplé depuis 1958, avec une accélération marquée depuis 2012. Chaque jour, des bateaux clandestins affluent depuis les Comores, qui refusent de reconnaître Mayotte comme département français, engendrant ainsi des tensions diplomatiques.

Certains de ces bateaux sont certes interceptés par les forces de l’ordre, mais nous sommes loin du « rideau de fer » promis par l’ancien ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin.

Les moyens de lutte contre l’immigration clandestine sont unanimement jugés insuffisants et obsolètes. Les radars de détection sont vieillissants et ne couvrent pas l’intégralité des côtes. La flotte d’intercepteurs est insuffisante, et sans navire de la Marine nationale dans les eaux internationales, la lutte contre l’immigration irrégulière est inefficace. C’est la raison pour laquelle j’exhorte le gouvernement à s’engager à remplacer rapidement les radars, à renforcer la flotte d’intercepteurs et à assurer la présence permanente d’un navire de la Marine nationale dans les eaux internationales.

À Mayotte, le lien entre insécurité et immigration est désormais incontestable. La population carcérale à Mayotte est composée en moyenne de 65 % d’étrangers. Ce département est le seul en France à connaître un couvre-feu de fait en soirée, en raison de l’insécurité générée par des bandes rivales s’affrontant quotidiennement dans de nombreuses communes. Les Mahorais subissent une délinquance quotidienne, alimentée en partie par des mineurs désœuvrés et de jeunes majeurs sans figure d’autorité.

Malgré leur détermination, les forces de l’ordre peinent à maîtriser cette situation et œuvrent dans des conditions dégradées, marquées par un manque de moyens matériels nuisant à leur sécurité et leur efficacité. Le gouvernement doit s’engager concrètement à améliorer les conditions de travail des forces de l’ordre en outre-mer, au-delà des simples promesses.

La situation migratoire à Mayotte impacte l’ensemble des services publics. Le système de santé, principalement assuré par le centre hospitalier de Mayotte, est au bord de la rupture. Conçu pour une population bien moindre, l’établissement, que les Mahorais surnomment l’« hôpital des étrangers », est en permanence saturé, avec des services sous-dimensionnés face aux besoins croissants. Cette situation entraîne des délais d’attente excessifs pour les patients, un épuisement du personnel médical et des difficultés de recrutement. À titre d’exemple, les urgences ne disposent que de trois médecins au lieu des trente nécessaires. Les Mahorais les plus vulnérables, notamment les enfants et les personnes âgées, sont parfois contraints se faire soigner à La Réunion, à 1 400 kilomètres, via des évacuations sanitaires coûteuses.

Le système éducatif mahorais est également sous tension. Les écoles font face à des effectifs surchargés, les classes de CP et CE1 ne sont pas correctement dédoublées, et aucune offre de restauration scolaire n’est proposée. Les infrastructures sont insuffisantes pour offrir un cadre d’apprentissage digne de l’école de la République. Le manque de ressources et de personnel enseignant affecte durablement l’avenir des jeunes générations. En 1976, Mayotte comptait 3 000 élèves ; aujourd’hui, ils sont près de 115 000. Il est courant de dire qu’il faudrait ouvrir chaque jour une nouvelle classe pour absorber l’immigration. Les services de l’Éducation nationale estiment que 50 % des élèves sont en situation irrégulière, avec des pics à 80 % dans certaines zones.

Les infrastructures essentielles au développement économique et à la qualité de vie à Mayotte souffrent également de cette pression démographique. Le logement en est un exemple frappant, avec le développement des bangas, ces habitations illégales de fortune, installées dans des zones inadaptées. La politique de logement social, sous la responsabilité directe du ministre, manque d’ambition. Le gouvernement se fixe un objectif bien peu ambitieux, d’ailleurs repoussé d’année en année, avec un délai moyen d’attente de quatorze mois et un ratio de pression sur le logement social de 6,1.

Pour répondre à ces difficultés, vingt-trois recommandations concrètes ont été formulées dans le rapport :

  1.     renforcer et généraliser le SMA, formidable outil d’insertion et de formation, ainsi que vous l’avez souligné et auquel vous retirez pourtant 8 millions d’euros dans le budget 2025 ;
  2.     organiser une conférence avec toutes les parties prenantes pour trouver des solutions viables et de définir des perspectives claires pour le futur aéroport de Mayotte ;
  3.     dans le cadre des projets de loi relatifs à Mayotte, élaborer une stratégie globale de développement des infrastructures de transport, en fixant des objectifs précis pour l’ensemble des infrastructures essentielles du département ;
  4.     positionner Mayotte comme base arrière du projet gazier du canal du Mozambique, porté par TotalEnergies et d’autres entreprises du secteur ;
  5.     adopter une diplomatie plus ferme avec les Comores en matière de lutte contre les trafics et l’immigration clandestine ;
  6.     conditionner la délivrance des visas pour Mayotte à l’acceptation par les pays tiers de la reprise de leurs ressortissants en situation irrégulière ;
  7.     accroître significativement et rapidement les moyens dédiés à la lutte contre l’immigration clandestine à Mayotte, notamment par le doublement de la flotte d’intercepteurs et l’acquisition de nouveaux radars couvrant l’intégralité des côtes ;
  8.     déployer un patrouilleur de la marine nationale dans les eaux internationales pour renforcer la lutte contre l’immigration clandestine ;
  9.     supprimer le droit du sol sur l’ensemble du territoire français, ou du moins à Mayotte ;
  10. rétablir le délit de séjour irrégulier et interdire toute naturalisation d’une personne ayant commis ce délit ;
  11. revoir les dispositifs d’indemnisation des fonctionnaires de police en mobilité à Mayotte afin de les rendre plus attractifs et les étendre aux personnels administratifs et policiers adjoints ;
  12. faciliter et généraliser le dispositif de prolongation des postes de gardien de la paix et des officiers à Mayotte au-delà de la durée maximale de six ans pour ceux qui souhaitent s’y établir ;
  13. créer des écoles de formation aux métiers de la sécurité dans les outre-mer pour favoriser le recrutement de Français d’outre-mer dans la gendarmerie, la police nationale et la police municipale ;
  14. lancer sans délai la construction du second établissement pénitentiaire à Mayotte ;
  15. instaurer un moratoire sur la prise en charge des enfants étrangers par l’école publique à Mayotte ;
  16. garantir le respect du dédoublement des classes de CP et CE1 dans les écoles publiques ;
  17. revaloriser les dispositifs d’indemnisation des enseignants fonctionnaires et contractuels de Mayotte en les alignant au minimum sur les régimes indemnitaires applicables à La Réunion ;
  18. recruter de nouveaux enseignants du premier degré en organisant des concours locaux complémentaires ;
  19. rétablir un plan pluriannuel de programmation pour renforcer l’offre de restauration scolaire dans le primaire et le secondaire, afin d’équiper toutes les écoles, collèges et lycées ;
  20. développer des services publics de transport scolaire sûrs et sécurisés pour les déplacements des enfants ;
  21. renforcer les heures d’enseignement du français à l’école primaire et au collège ;
  22. mettre en place des cours de français obligatoires et gratuits pour les parents d’élèves ne maîtrisant pas ou mal notre langue ;
  23. créer un grand ministère d’État de la France d’outre-mer et de la politique ultramarine.

Dans l’intérêt de nos compatriotes mahorais et malgré le peu d’intérêt que le président de la République semble porter à l’outre-mer, je vous exhorte à agir et à rompre avec le mépris affiché par vos prédécesseurs. Mayotte est française et fière de l’être. Les Mahorais, comme l’ensemble de nos compatriotes ultramarins méritent d’être entendus et de ne plus se sentir oubliés par Paris.

Mme Florence Goulet (RN). Alors que vous affirmez que des réformes structurelles sont indispensables en outre-mer, votre projet de budget de 2,5 milliards d’euros est marqué par une baisse de 250 millions d’euros de crédit par rapport à la loi de finances 2024. Nous prenons acte que le ministère des outre-mer retrouve enfin son statut de ministère de plein exercice, mais nous sommes encore bien loin du grand ministère d’État de l’outre-mer et de son domaine maritime proposé par Marine Le Pen depuis 2017.

Ce budget manque de volontarisme parce qu’il manque de vision. Vous faites le choix de poursuivre les orientations des années passées qui ont mené à des impasses, tout en diminuant drastiquement certains programmes pourtant majeurs. Que s’est-il passé, depuis 2017, pour améliorer la vie de nos compatriotes ultramarins ? Il faut rappeler que la situation sécuritaire, sociale, sanitaire, économique, environnementale et migratoire s’est aggravée et que leur quotidien n’a jamais été aussi difficile. Nos compatriotes ultramarins ont conscience qu’après tant d’années de mauvais choix politiques et budgétaires, tout n’est pas rattrapable d’un coup de baguette magique.

Vous ne pouvez pas leur demander de se serrer toujours plus la ceinture alors que ce budget 2025 ne s’attaque toujours pas à la racine de leurs problèmes. Qu’en est-il des chantiers à ouvrir pour que Mayotte, la Guadeloupe et la Martinique puissent disposer enfin d’une eau potable suffisante et de qualité, alors que vous diminuez les crédits destinés à financer les bonifications pour les investissements liés au traitement de l’eau ? Qu’en est-il de l’octroi de mer, ce chantier fiscal majeur qui devrait répondre à la question du coût de la vie en Guyane, en Martinique, en Guadeloupe, à La Réunion et à Mayotte ? Le Rassemblement national propose depuis longtemps d’ouvrir le débat sur sa reconfiguration. Qu’en est-il de la reprise des lois de défiscalisation, comme les lois Pons et Perben, qui avaient en leur temps largement contribué à l’activité économique et à l’emploi ?

Certes, le gouvernement a disposé de peu de temps pour préparer son budget dans un contexte de grande précarité financière, mais ces circonstances devraient l’amener à dépenser mieux. Or dans ce budget apparait, par exemple, une diminution de plus de 30 % du programme 123 concernant les conditions de vie en outre-mer, notamment le logement, la continuité territoriale ou le financement des TPE-PME.

Il est pourtant plus que temps de valoriser les atouts des territoires d’outre-mer en développant une économie bleue, une filière agricole digne de ce nom, une économie de service dans les domaines de l’information et de la communication, et des bases logistiques d’exportation vers les pays voisins. Cela suppose de mettre en œuvre des filières de formation innovantes, de moderniser les infrastructures portuaires, de mieux protéger et exploiter les ressources, notamment halieutiques, mais aussi minières et énergétiques, dans le respect de la biodiversité. Il s’agit également de soutenir et faire monter en gamme le secteur du tourisme, de s’attacher à la sécurité alimentaire en investissant dans une agriculture locale de qualité et des activités agroalimentaires associées à une agriculture tropicale exportatrice. En somme, tout ce que ce budget rabote ou empêche par manque d’investissement volontariste.

Au-delà des questions institutionnelles maintes fois débattues, le temps est venu de revoir le modèle économique des outre-mer et de tracer une voie d’avenir. C’est pourquoi le Rassemblement national réclame une grande loi de programme sur quinze ans, porteuse de réelles ambitions stratégiques pour les outre-mer, notamment pour sa jeunesse.

M. Moerani Frébault (EPR). Les crédits destinés aux territoires ultramarins sont actuellement répartis entre 32 missions et 105 programmes budgétaires, ce qui fragmente l’engagement de l’État et complique l’évaluation de l’impact réel des efforts déployés pour le rattrapage économique et social de ces territoires.

La mission outre-mer se voit allouer 2,8 milliards d’euros en AE et 2,5 milliards en CP. Nous saluons l’augmentation de 3,5 % des crédits pour l’emploi outre-mer, qui renforce notamment le régiment du service militaire adapté (RSMA). Cependant, ces avancées sont ternies par la réduction du programme 123 « conditions de vie outre-mer » de 36 % en AE et 34 % en CP. Cette baisse est difficilement justifiable au regard des indicateurs socio-économiques qui témoignent d’un retard persistant par rapport à l’hexagone. Elle affecte la continuité territoriale, le logement et l’aménagement du territoire.

Je vous invite à considérer les réalités concrètes derrière ces chiffres. En Martinique et en Guadeloupe, le prix des produits alimentaires est en moyenne 40 % plus élevé que dans l’hexagone. À La Réunion, 30 % des habitants vivent dans des logements précaires, un taux atteignant 50 % à Saint-Martin où la demande de logements sociaux est criante. À Mayotte, 70 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, tandis que le taux d’échec scolaire dépasse 50 %. En Guyane, un habitant sur trois ne dispose pas d’un accès fiable à l’eau potable. En Nouvelle-Calédonie, 20 % du PIB et 800 entreprises ont été détruits à la suite des émeutes, avec des répercussions jusqu’à Wallis-et-Futuna. À Saint-Pierre-et-Miquelon, la montée des eaux contraint déjà au déplacement de certaines familles. En Polynésie française, le coût de la vie est tel que le panier moyen est 50 % plus cher qu’en métropole, avec un taux d’emploi à peine supérieur à 55 % de la population en âge de travailler.

Ces chiffres reflètent la réalité quotidienne de centaines de milliers de nos concitoyens ultramarins. Ils traduisent une précarité persistante, un éloignement géographique aux lourdes conséquences économiques, des infrastructures parfois insuffisantes et une exposition accrue aux effets du changement climatique. Cette situation exige un engagement sans faille et des moyens budgétaires adaptés, faute de quoi les inégalités s’accentueront davantage.

Nous comprenons la nécessité d’optimiser l’utilisation des ressources, mais il est impératif que le budget alloué aux territoires d’outre-mer ne devienne pas une variable d’ajustement dans les efforts de réduction du déficit. Les répercussions de chaque coupe budgétaire se font sentir immédiatement dans nos territoires et dans la vie de nos concitoyens.

Nous saluons votre engagement et les actions déjà entreprises pour répondre aux besoins de nos territoires d’outre-mer. Mes collègues et moi-même sommes pleinement disposés à échanger et à apporter nos recommandations pour la mise en place de mesures pérennes et efficaces, en commission et dans l’hémicycle.

Nous accueillons favorablement l’annonce par le Premier ministre de la tenue d’un comité interministériel des outre-mer (Ciom) début 2025, et nous serons attentifs aux décisions qui y seront prises. Pouvez-vous nous préciser, monsieur le ministre, le calendrier et les modalités organisationnelles prévus pour ces travaux, ainsi que les mesures envisagées pour garantir l’efficacité et le suivi des propositions qui en découleront ?

Je vous remercie pour l’engagement que vous pourrez renouveler en faveur de nos territoires et de leurs habitants qui, plus que jamais, nécessitent une solidarité réelle et un soutien indéfectible de la part de l’État.

M. Perceval Gaillard (LFI-NFP). Ce budget 2025 constitue une véritable provocation envers nos territoires, qui s’enflamment sur la question de la vie chère et des ruptures d’égalité. Cela démontre une fois de plus que nos peuples et nos territoires servent de variables d’ajustement budgétaire et que le pouvoir central ne saisit toujours pas la situation réelle des outre-mer, ni ne mesure leur potentiel.

Les chiffres font froid dans le dos, puisque le budget prévoit une baisse de 76 % pour l’aménagement du territoire, c’est-à-dire les projets structurants portés par les collectivités territoriales à travers les CCT. Ces collectivités voient leur fardeau s’alourdir davantage avec une baisse de 38 % de leur dotation, notamment pour celles en difficulté à travers le dispositif Corom ; une baisse de 52 % pour le sanitaire et social, la culture, la jeunesse et le sport ; une baisse de 75 % pour la ligne budgétaire liée aux entreprises, notamment l’aide au fret ; une baisse de 18 % pour la continuité territoriale et de 19 % pour le fonds exceptionnel d’investissement. Si l’on ajoute les coupes dans le budget du logement social et de l’insertion professionnelle, ainsi que le report de la revalorisation des retraites, la cure d’austérité est totale.

Ces chiffres font d’autant plus froid dans le dos qu’au 1er trimestre 2024, le taux de chômage atteint 11,7 % en Martinique, 16,2 % en Guyane, 17,3 % en Guadeloupe, 18,9 % à La Réunion et même 34 % à Mayotte, contre 7,2 % en France hexagonale. Ils sont d’autant plus inquiétants que le besoin de logements s’élève à 110 000 dans l’ensemble des outre-mer. 80 % des ménages ultramarins sont éligibles au logement social, mais seulement 15 % en bénéficient. Le coût de la vie dans ces territoires est en moyenne de 19 % à 40 % plus élevé que dans l’hexagone, la grande pauvreté y est cinq à quinze fois plus fréquente, et les retraités les plus pauvres de France se trouvent notamment à Mayotte et à La Réunion.

En revanche, votre gouvernement a fait le choix d’augmenter les seuls dispositifs de défiscalisation pour les entreprises via les mécanismes d’exonération de cotisations sociales, sans qu’aucune évaluation de leur efficacité n’ait été fournie. Depuis plus de trente ans, les politiques de l’État central envers les outre-mer se résument à cela : de la défiscalisation sans la moindre évaluation. Face à ces inégalités criantes, les citoyens de plusieurs collectivités ultramarines font entendre leur voix, en Nouvelle-Calédonie-Kanaky, en Martinique, à La Réunion ou encore en Guadeloupe.

Le gouvernement doit cesser de répondre aux revendications de nos territoires par une politique de défiscalisation, par la répression comme en Martinique ou en Nouvelle-Calédonie et par le mépris. La seule réponse à la hauteur de nos attentes légitimes serait un budget tenant compte de nos besoins socio-économiques, lesquels sont bien connus à Paris, et depuis longtemps. Cela nécessiterait courage et vision politique, vertus qui ne sont pas parmi les plus courantes parmi les représentants de l’exécutif, et votre gouvernement ne fait pas exception à cette règle, monsieur le ministre.

Hier, dans l’hémicycle, en réponse à ma question, vous avez reconnu une baisse de 33 % du budget dédié à l’outre-mer. Confirmez-vous ce chiffre ? Et si oui, envisagez-vous de démissionner, étant donné que vous semblez vous-même en désaccord avec ces arbitrages budgétaires ?

M. Jiovanny William (SOC). Le budget de l’outre-mer s’appauvrit, avec une diminution d’environ 300 millions d’euros en CP et 400 millions d’euros en AE. Ces coupes budgétaires sont extrêmement déséquilibrées et semblent refléter une volonté délibérée.

En effet, vous assumez de mettre en péril l’ensemble des politiques publiques sociales spécifiques aux outre-mer en réduisant considérablement les crédits du programme 123, à hauteur de 470 millions d’euros en AE et 314 millions d’euros en CP. Vous ne tenez pas compte des enseignements tirés de la crise, notamment celle liée à la vie chère.

Concernant le programme 138, le gouvernement a choisi d’augmenter les crédits de l’action 1 d’un peu plus de 100 millions d’euros. Nous ne nous y opposons pas, mais nous refusons la politique consistant à déshabiller un programme pour en habiller un autre. Ainsi, l’action 2 subit une baisse de 6 millions d’euros en AE et de 15 millions en CP, alors que le programme 138 s’inscrit dans une réalité économique des territoires d’outre-mer marquée par un taux de chômage élevé. Nous constatons des trous dans la raquette, par exemple l’exclusion des sportifs de haut niveau, agréés et mineurs, qui ne perçoivent aucune aide à la mobilité bien qu’ils contribuent au rayonnement de la France.

Pour l’action 3, je note que les dépenses de fonctionnement du cabinet ministériel n’ont pas diminué. L’action 4, dédiée au financement de l’économie, est presque entièrement vidée, passant de 35 millions d’euros à 10 millions d’euros en AE et de 32,9 millions d’euros à 8 millions d’euros en CP. Cela entre en contradiction avec vos discours encourageant l’entrepreneuriat et la création de valeur, tout en réduisant drastiquement les dispositifs tels que le microcrédit outre-mer ou le prêt de développement outre-mer.

Concernant le programme 123, de nombreuses actions sont vidées de leur substance : logement social, accompagnement des collectivités locales, mesures en faveur de la continuité territoriale, solidarité nationale.

Le groupe Socialistes et apparentés désapprouve ce budget qui fragilise davantage les personnes, les ressources et les collectivités locales sur les plans social, économique et moral. Nous proposerons des amendements afin de tenter d’atténuer l’aigreur de nos populations.

Enfin, je note et je regrette la contradiction entre les propos tenus ici par le Rassemblement national et ce que nous voyons dans l’hémicycle.

M. Philippe Gosselin (DR). Votre engagement sincère envers les outre-mer est indéniable. Néanmoins, le budget actuel suscite une certaine insatisfaction.

Aujourd’hui, nous n’examinons que deux programmes de crédits de la mission outre-mer, ce qui offre une vision très partielle des moyens que l’État consacre à ces territoires. Il est important de rappeler que l’engagement global s’élève à environ 24 milliards d’euros, répartis dans 105 programmes et 32 missions. Le contexte actuel de crise et de malaise rend cette situation peu satisfaisante.

La situation à Mayotte est particulièrement préoccupante, bien que je ne partage pas tous les points de vue de notre collègue rapporteur. Nous constatons également la persistance de la vie chère dans les Antilles et en Guyane. En Nouvelle-Calédonie, des enjeux liés à l’ordre, à l’autorité et à la reconstruction nécessitent des crédits spécifiques. Une inquiétude se manifeste concernant la possible réduction de l’accès des jeunes à la formation au sein du RSMA, un service qui a prouvé son efficacité. Mon groupe souhaite se faire le porte-parole de cette amertume et de ces préoccupations.

Nos inquiétudes se prolongent au sujet du Ciom évoqué par le Premier ministre dans son discours de politique générale et annoncé pour le premier trimestre 2025. Il convient en effet de lui donner de la consistance, et s’assurer que les CPER soient respectés, avec un engagement affirmé de l’État.

Je souhaiterais également vous entendre sur les évolutions statutaires des outre-mer, que le président de la République avait évoqué il y a un an.

Enfin, bien que cela ne relève pas directement de la mission examinée aujourd’hui, je m’interroge sur les crédits qui pourraient être consacrés à la reconstruction en Nouvelle-Calédonie, tant sur le plan des infrastructures que pour accompagner la consolidation économique dont ce territoire a grandement besoin.

M. Pouria Amirshahi (EcoS). J’ai quitté l’Assemblée nationale en 2017, je la retrouve en 2024 et, en écoutant ces débats et en découvrant votre budget, je ressens une grande fatigue. Rien n’a fondamentalement changé. Pire, vous annoncez des baisses de crédit, alors même que je dois reconnaître que les intentions du grand plan de convergence de 2017 étaient assez ambitieuses et portées au nom de l’accomplissement de l’idéal révolutionnaire de 1789 qui voulait instaurer, où que l’on se situe en France, l’égalité. Nous en sommes loin désormais.

Le produit intérieur brut (PIB) moyen par habitant, qui est de 38 000 euros en hexagone, est de 11 000 euros à Mayotte, 15 000 euros en Guyane et d’environ 23 000 euros en Martinique et en Guadeloupe. D’autres critères, davantage évocateurs pour notre groupe politique parce qu’ils relèvent de l’indice de développement humain ou d’éléments très concrets pour la vie des gens, tels que le taux de chômage, l’accès à l’eau potable, la gestion des déchets, la pollution, le taux d’abonnement à la fibre ou encore les prix et les salaires, témoignent d’une catastrophe à tous les niveaux.

De manière très velléitaire, les grandes intentions, les grandes stratégies pour l’outre-mer s’accumulent, sans tenir compte des demandes locales, sans associer les populations et les élus locaux. Et, en guise d’aboutissement, on finit par décréter une forme d’impuissance traduite par des budgets revus à la baisse.

Or ces inégalités ont des conséquences dans la vie des gens. D’abord, elles renforcent la dépendance vis-à-vis de l’hexagone et obèrent les capacités de développement de ces territoires. Elles freinent les stratégies d’intégration régionale qui permettraient aux outre-mer de s’inscrire dans leur environnement. Elles accentuent des formes de dépendance énergétique inutiles. Il existe dans ces environnements des ressources naturelles qui pourraient favoriser le développement de la géothermie, de l’énergie solaire, de la biomasse, d’une autre gestion des déchets. Et pourtant, jusqu’à 95 % de l’économie et des habitudes de vie reposent encore sur les hydrocarbures.

Je pourrais citer bien d’autres exemples du contraste entre les intentions politiques affichées et l’absence d’un réel et sérieux pilotage politique soutenu par un budget à la hauteur de ces ambitions. Le groupe Écologiste et social déposera un certain nombre d’amendements en commission des finances et insistera sur certains aspects tels que la lutte contre la vie chère, les chèques alimentaires, la lutte contre l’habitat insalubre, la rénovation du parc social, l’emploi des jeunes, la lutte contre la pollution et pour la santé environnementale, la mise en place d’un plan d’infrastructures pour l’eau potable, d’un plan de gestion déchets, d’un plan de lutte contre la prolifération des sargasses, ou encore le soutien à la reconstruction de Kanaky.

Une colère profonde s’installe et, pire encore, une résignation et une grande fatigue devant tant d’impuissance.

M. Frantz Gumbs (Dem). J’espère que malgré l’austérité budgétaire, vous trouverez les moyens de nous rendre visite à Saint-Martin et Saint-Barthélemy, deux territoires qui n’ont pas encore été mentionnés aujourd’hui.

Dans le contexte budgétaire actuel, la mission outre-mer dispose de ressources insuffisantes au regard des retards économiques et sociaux que connaissent l’ensemble des territoires d’outre-mer. Les territoires ultramarins, par leur histoire, leur culture et leur richesse, font partie intégrante de l’histoire d’une France, indivisible selon sa Constitution mais certainement pas au regard de la réalité.

Ces territoires affrontent des défis spécifiques, notamment en matière de développement économique et social. Le budget 2025 de 2,55 milliards d’euros, en baisse de 8 %, soulève des interrogations. Si l’augmentation des crédits pour le soutien aux entreprises constitue une avancée, la diminution drastique de l’enveloppe allouée au programme 123 envoie un mauvais signal.

La vie chère demeure un fléau, impactant les biens de consommation courante, le logement, mais aussi les billets d’avion : cette année, certains étudiants ultramarins ne pourront pas passer Noël en famille. Les écarts de prix avec l’hexagone sont intolérables et engendrent des inégalités sociales inacceptables.

Le gouvernement annonce vouloir ajuster le budget par amendements. Certes, il s’agit d’une première étape. Il est cependant essentiel que cet ajustement soit significatif et durable. La mise en œuvre d’une politique discontinue, par à-coups, est préjudiciable tant pour nos compatriotes ultramarins que pour la crédibilité des paroles données et des politiques menées. Oui, la politique de l’urgence est dommageable, et il nous faut privilégier une vision à long terme pour les outre-mer, une vision qui place l’humain au cœur de nos politiques.

En dépit de cela, vos objectifs 2025, en toute responsabilité vis-à-vis de la situation du pays, peuvent être encouragés. Pour le soutien à la compétitivité des entreprises, les exonérations de cotisations sociales permettent une réduction du coût du travail, un levier important pour encourager la création d’emplois et la croissance économique. Je me réjouis à cet égard de l’adoption de la préservation en l’état des dispositions du régime dit Lodeom. Tous les groupes politiques s’y sont montrés favorables, et je forme le souhait que le gouvernement et le Sénat se joindront à cette unanimité.

En ce qui concerne le logement, des crédits importants, soit 184 millions d’euros, restent affectés aux logements sociaux et à la lutte contre l’habitat indigne. Les crédits dédiés à l’insertion professionnelle sont encourageants, ce qui contribuera peut-être à faire baisser le taux de chômage dans les collectivités d’outre-mer. Enfin, la hausse de 18,5 % du fonds exceptionnel d’investissement témoigne d’une volonté de soutien aux projets structurants pour le développement économique, social et environnemental.

Ainsi, ce budget, bien que marqué par des contraintes, manifeste tout de même une certaine ambition en allouant des ressources ciblées sur les besoins considérés comme prioritaires par le gouvernement.

Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). Le Groupe Horizon & Indépendants prend acte de la baisse des crédits proposée par le gouvernement. Si cette baisse est notable, de l’ordre de 12 % en AE et 9 % en CP par rapport à 2024, notre groupe souhaite rappeler qu’elle intervient dans un contexte budgétaire que l’on sait difficile, qui nous demande collectivement de faire des choix responsables.

Nous relevons toutefois le maintien de certains efforts ciblés à destination des outre-mer, notamment la hausse significative des crédits alloués au fonds exceptionnel d’investissement à hauteur de 18,5 % en 2025 pour atteindre 110 millions d’euros. Ce fonds permettra en effet d’accompagner les collectivités dans des investissements structurants pour leur avenir.

Par ailleurs, si l’action 2 du programme 184, portant sur l’aide à l’insertion et à la qualification professionnelle, est en baisse de 2 % en AE et de 5 % en CP, nous notons que la majeure partie des crédits de ce programme alloués au soutien aux entreprises est en hausse de 6 % par rapport à 2024.

Notre groupe accueille favorablement la proposition du gouvernement de garantir un soutien continu aux entreprises afin de favoriser la création d’emplois durables dans les outre-mer. Enfin, il est important de rappeler qu’en plus des fonds spécifiques alloués à la mission outre-mer, les territoires ultramarins bénéficient des crédits des autres missions thématiques du budget général de l’État, tout comme les autres territoires français.

Je vous remercie d’avoir souligné les efforts nécessaires à produire en faveur de l’accompagnement de la jeunesse de ces territoires. Nous avons pu constater les effets bénéfiques du SMA, et il importe de pérenniser ce système d’insertion.

Il me reste à souligner que le vote du budget intervient dans un contexte difficile pour les territoires d’outre-mer. En effet, la coupure de courant généralisé qu’a connue la Guadeloupe en fin de semaine dernière a conduit à plusieurs barrages et à un couvre-feu partiel afin de prévenir le risque de nouveaux troubles à l’ordre public. Nous souhaitons remercier les équipes d’EDF ainsi que les élus locaux pour leur mobilisation qui a permis de limiter l’impact d’une telle situation. En Martinique, alors que des actes de violence accompagnent les mobilisations contre la vie chère depuis plusieurs semaines, les habitants ont été pris au piège des barrages tenus par les émeutiers. Au nom de mon groupe, je tiens à souligner l’action des forces de l’ordre mobilisées pour permettre un retour au calme.

Enfin, s’agissant de la Nouvelle-Calédonie, l’Assemblée nationale examinera la semaine prochaine la proposition de loi organique votée ce jour en commission, visant à reporter le renouvellement général des membres du Congrès des assemblées de province. Notre groupe soutient pleinement ce texte, qui permettra de donner le temps aux partis prenants de trouver une solution concertée et globale.

Dans ce contexte, pouvez-vous nous dire votre ressenti au regard de votre déplacement en Nouvelle-Calédonie ? Dans quel délai la délégation interministérielle sera-t-elle nommée, et avec quelle feuille de route ? Quels moyens pourrez-vous apporter afin d’accompagner l’indispensable reconstruction de la Nouvelle-Calédonie ?

À Mayotte, les problèmes sont multiples. Que comptez-vous faire des travaux engagés par le précédent gouvernement ? Un projet de loi sur Mayotte est-il envisagée ?

M. Max Mathiasin (LIOT). En 2017, lors de l’adoption de la loi pour l’égalité réelle par le Parlement, je n’étais pas encore député. J’avais accueilli avec circonspection cette notion d’« égalité réelle », car la République, lorsqu’elle biaise et ironise, m’incite à la méfiance. L’ajout du qualificatif « réelle » au mot « égalité » me paraissait en effet masquer une ruse puisque, au pays de Descartes, l’égalité ne me semblait pouvoir n’être que réelle.

Aujourd’hui, j’aurais pu être rassuré en entendant monsieur le rapporteur déclamer un catalogue de vingt-trois propositions. Et si nous n’étions plus guidés par l’exhortation d’Aimé Césaire à cesser d’« être le jouet sombre au carnaval des autres », nous pourrions bien nous sentir rassurés et dormir tranquille, nous Guadeloupéens, Martinique, Guyanais, Mahorais et autres ultramarins, en pensant que nos problèmes allaient être réglés par ceux-là même qui les utilisent pour chasser les bulletins de vote.

Vous débutez votre mandat dans un contexte particulièrement difficile. La Martinique est en effervescence, la Guadeloupe bouillonne, Mayotte éprouve une inquiétude extraordinaire. En Guyane, territoire presque aussi vaste que le Portugal, l’État possède 90 % des terres. Comment justifier l’absence d’une réforme foncière qui aurait permis aux jeunes Guyanais de s’établir comme agriculteurs sur leurs propres terres ?

Pourquoi sommes-nous toujours à quémander sur la question de la continuité territoriale ? Soit la France est une et indivisible, et assume pleinement son statut de puissance maritime présente dans trois océans, héritage de son expansion passée, soit elle n’est pas en mesure de tenir sa promesse républicaine à l’égard de ses anciennes colonies. Comment expliquer, en effet, que nous ne bénéficions que de 20 à 25 euros d’aide à la continuité territoriale quand, en Corse, cette aide s’élève à 200 euros ?

Je n’aborderai pas la problématique du coût de la vie, sur laquelle tant a été dit, mais j’aimerais que soit évoquée celle de la sécurité des personnes. Car on assassine beaucoup chez nous, au nom du trafic de drogue et du trafic d’armes.

Enfin, j’aimerais vous demander si le prêt à taux zéro (PTZ) pour les maisons individuelles sera maintenu ou rendu applicable dès 2025 dans les outre-mer.

Mme Émeline K/Bidi (GDR). Ce matin, lors de l’examen de la proposition de loi sur le report des élections en Nouvelle-Calédonie, j’ai salué, une fois n’est pas coutume, le changement de méthode. Dans ce territoire meurtri, nous avons en effet constaté un changement radical par rapport aux décisions inconsidérées de vos prédécesseurs, monsieur le ministre. Je m’interrogeais cependant sur la généralisation de ce changement de méthode aux autres territoires ultramarins, et je dois vous dire qu’à cet égard l’exemple de la crise en Martinique n’était pas de nature à me rassurer. L’examen de votre budget, marqué par une baisse de 250 millions d’euros en AE et 400 millions d’euros en CP, a achevé d’anéantir mes espoirs et ceux des députés de mon groupe, composé pour moitié de députés ultramarins.

De manière générale, le groupe GDR est fortement opposé à l’idée selon laquelle la dette de la France doit être réglée par les ménages et les services publics. Nous pensons qu’un autre budget est possible, que de nouvelles recettes peuvent être identifiées du côté des plus riches, et qu’il n’est pas acceptable, dans un contexte d’inflation et de crise économique, de faire payer la dette par les plus pauvres. Or, en baissant le budget dédié à l’outre-mer, c’est aux très pauvres que vous vous attaquez.

Les indicateurs sociaux et économiques sont sans appel. Les territoires ultramarins figurent parmi les plus défavorisés de la République : retards de développement, inégalité persistante, taux de chômage record, écarts de prêts insupportables, mortalité infantile supérieure à l’hexagone, échecs scolaires deux fois plus élevés que la moyenne. Je vous épargne les chiffres, parce que vous les connaissez, et qu’ils cachent la vie d’enfants, de femmes et d’hommes dont le quotidien dépend de votre budget, de notre budget. Or c’est justement le programme « Conditions de vie outre-mer » qui subit l’une des baisses les plus importantes.

Au regard de la situation catastrophique en Nouvelle-Calédonie, des manifestations dans les Antilles contre la vie chère, de la crise du logement sans précédent à La Réunion, de la crise de l’eau à Mayotte et plus généralement de la situation terrible de ce territoire, j’avais tendance à penser que cette année, le budget outre-mer aurait dû être encore plus important que les années précédentes.

Il faudra faire mieux avec encore moins. Je comprends bien qu’il s’agit là du credo de votre gouvernement. Mais je crains, concernant les outre-mer, que vous n’y parviendrez pas. Le changement de méthode ne suffira pas. Il ne fera pas baisser les prix, il ne logera pas les milliers d’ultra-marins mal logés ou sans logement, il ne paiera pour de l’eau potable à Mayotte ou en Martinique, ni pour des routes en Guyane, ni pour la reconstruction de la Nouvelle-Calédonie, et encore moins pour la continuité territoriale en Polynésie.

La baisse du budget impliquerait d’établir des priorités, et j’estime que le coût de la vie, le travail, la lutte contre le chômage, le logement, la santé figurent parmi les plus pressantes. Mais prioriser suppose des sacrifices. Que faisons-nous de nos entreprises, de notre jeunesse, de nos associations, de nos collectivités ? À moins qu’il ne faille choisir, comme l’ont fait nos collègues du Rassemblement national, quel territoire aider en premier ? Ils ont choisi Mayotte. Monsieur Tjibaou choisirait sans doute la Nouvelle-Calédonie, d’autres la Martinique ou la Guadeloupe, et moi-même je choisirais très certainement La Réunion.

En vérité, ce coup de rabot sur le budget des outre-mer est une attaque intolérable portée aux territoires les plus pauvres de notre République. Vous dites avoir été oublié dans la première partie du projet de loi de finances, je dois dire, monsieur le ministre, que je regrette presque que vous ne nous ayez pas oubliés dans votre course effrénée aux économies.

Mme Brigitte Barèges (UDR). Je souhaite exprimer mon émotion et ma tristesse face aux interventions de mes collègues ultramarins, tant dans l’hémicycle qu’en commission. Vos propos, empreints de dignité malgré un désespoir et une résignation parfois perceptibles, m’ont profondément touchée. Je tiens à vous assurer que vous n’êtes pas seuls. Nous sommes nombreux, ici, à vouloir vous soutenir. Les enjeux, considérables, varient d’un territoire à l’autre. Je remercie monsieur le rapporteur d’avoir mis l’accent sur Mayotte, dont la situation s’avère particulièrement complexe en raison d’une croissance démographique exceptionnelle engendrant de multiples défis.

Il est impératif de trouver des moyens plus efficaces pour vous aider, vous qui êtes partie intégrante de la France. C’est dans cette optique que nous interrogeons la diminution des budgets. Cependant, la question financière n’est peut-être pas l’unique solution. Ne devrions-nous pas envisager un véritable plan Marshall ? L’intervention de M. Amirshahi sur la valorisation des richesses de vos territoires m’a particulièrement interpellée. Sommes-nous en mesure de vous accompagner efficacement dans l’exploitation et la mise en valeur de ces ressources ?

La présentation fragmentée des missions n’offre pas une vue d’ensemble sur ce sujet. C’est pourquoi il serait judicieux d’élaborer une réflexion d’ensemble, un plan ayant pour objectif de construire une approche de soutien pertinente aux outre-mer, et non de recourir en permanence à des perfusions – et je vous prie de me pardonner l’usage de ce mot, dont je ne voudrais pas qu’il vous choque. L’objectif serait de favoriser un développement économique autonome, basé sur des initiatives locales correspondant aux enjeux spécifiques de chaque territoire. Qu’il s’agisse des Antilles, de La Réunion, de Saint-Martin, de Saint-Barthélemy, de la Guyane, de la Nouvelle-Calédonie ou d’autres territoires, les problématiques sont distinctes. Vous êtes les plus à même de les appréhender et y répondre avec vos compétences, à condition que l’on vous en donne les moyens.

Le groupe UDR avait décidé de s’abstenir sur cette mission en raison de la baisse des budgets. Néanmoins, nous nous réservons la possibilité de voter en faveur des amendements, dans l’espoir qu’ils apportent des solutions adaptées à vos attentes. Je tenais à vous faire part humblement de mes réflexions, bien que ma connaissance de vos problématiques soit sans doute imparfaite. Soyez assurés, en tout cas, de notre détermination à vous soutenir.

M. François-Noël Buffet, ministre. Je souhaite en premier lieu m’adresser à M. le rapporteur pour avis de votre commission. Je suis fort étonné que, bien que nous ne connaissions pas, il ait entamé son propos par un procès d’intention sur le mensonge. Sachez que j’ai occupé de nombreuses fois votre place dans une autre commission et que je n’y ai jamais rapporté au nom de mon parti politique, mais toujours au nom de la commission. Je constate qu’ici, les choses sont différentes. Ce ne sont pas mes pratiques et, en tant que républicain convaincu souhaitant que chacun puisse s’exprimer librement pour construire ensemble, par principe, je ne qualifierai jamais quelqu’un de menteur. Voilà tout ce que j’avais à vous dire.

Applaudissements dans la salle.

Par ailleurs, j’ai été à plusieurs reprises le rapporteur de missions sur Mayotte et je connais également ce territoire. Je suis conscient que mon arrivée au ministère n’intervient pas dans les meilleures conditions pour obtenir vos suffrages. La situation est effectivement très complexe. Lorsque j’ai pris mes fonctions, il y a un mois, j’ai découvert une lettre de plafond du précédent Premier ministre entérinant une baisse de 37 % du budget des outre-mer, notamment pour le programme 123, « conditions de vie en outre-mer ». Ma première réaction n’a évidemment pas été l’enthousiasme.

J’ai examiné la situation, conscient du délai restreint et de l’impossibilité de revoir entièrement la politique ultramarine dans ce temps imparti. Mon objectif premier a consisté à identifier des pistes permettant de retrouver des crédits budgétaires et de rééquilibrer la situation. Je ne vous promettrai pas de revenir au niveau budgétaire de l’an dernier, ce serait irréaliste. Néanmoins, je m’efforce de progresser pour améliorer l’équilibre budgétaire.

Ce rééquilibrage passera probablement par des amendements gouvernementaux, mais peut-être aussi par d’autres moyens, afin de gagner en souplesse budgétaire. En excluant les 100 millions d’euros destinés à Mayotte, l’objectif est de récupérer un peu plus de 200 millions d’euros. À ce jour, nous avons déjà trouvé près de 60 millions d’euros. Le travail se poursuit, notamment lors des réunions interministérielles, et potentiellement en séance via vos amendements.

Je sais la fragilité de l’outre-mer, pour des raisons multiples et variées selon les territoires. Mais je suis également persuadé de leur capacité à surmonter ces difficultés, qui ne datent pas d’hier. Les problèmes financiers sont réels et l’État doit mener des politiques appropriées à cet égard. Mais il existe aussi des dysfonctionnements locaux, des difficultés d’ingénierie, d’optimisation et de portage de projets, notamment concernant l’utilisation des fonds européens comme j’ai pu le constater aux Antilles.

Augmenter les budgets ne suffira pas si nous ne sommes pas en mesure de les utiliser efficacement. Cela nous placerait dans une double difficulté : non seulement nous n’aurions pas réalisé les projets, mais nos compatriotes seraient considérés comme incapables de le faire, ce qui est bien évidemment faux. Il n’y a aucune raison que nos compatriotes ultramarins et les responsables des collectivités locales ou des départements et régions d’outre-mer (Drom) ne puissent pas mener à bien des projets. Or la complexité des procédures entrave la rapidité d’action. Par exemple, la construction d’un programme immobilier nécessite cinq ans entre la prise de décision et la livraison de l’immeuble. Cette lenteur ne s’explique pas uniquement par des questions financières, mais également par des problèmes de foncier, de procédures et d’autres facteurs. Il est impératif d’examiner ces aspects.

L’orientation à la baisse de la LBU tient compte de la consommation réelle des crédits, qui varie selon les territoires. Pourquoi ces crédits n’ont-ils pas été entièrement consommés ? Parce que leur consommation se heurte à des problèmes de foncier, à des recours, et à certaines normes qui perturbent les processus. Aussi, et je le dis sans réserve, l’État devra accompagner nos collectivités, nos Drom, nos élus dans la simplification des démarches et l’accélération des procédures. Chaque euro investi par l’AFD est en capacité de générer 10 euros. L’effet de levier est donc considérable, et il convient de l’exploiter au mieux et partout, comme il convient de soutenir le potentiel économique et les capacités de développement de l’outre-mer.

Sur le plan économique, le coût élevé de la vie représente évidemment un problème majeur. Il est incompréhensible que les prix en Martinique soient en moyenne 40 % supérieurs à ceux de l’hexagone. Cette situation est inacceptable au regard du devoir de la France de traiter équitablement l’ensemble de ses habitants.

Je suis convaincu que le système actuel est obsolète et doit être repensé. La révision de l’octroi de mer, qui suscite des tensions car cette imposition représente des recettes importantes pour les collectivités locales, ne peut s’effectuer hâtivement. Une approche globale s’impose : il faut restructurer le dispositif et entreprendre une réforme structurelle, en y adossant des projets de développement à moyen et long terme pour chaque territoire.

Sans une telle vision, nos débats resteront stériles. Certains réclameront davantage, d’autres jugeront les efforts insuffisants, et nous continuerons à parer au plus pressé avec les moyens disponibles. Ce n’est pas la solution pour les outre-mer.

La véritable solution réside dans l’élaboration de stratégies de fond à moyen et long termes, portées par les collectivités locales et accompagnées par l’État, lequel doit mener en parallèle ses propres projets. C’est dans ce cadre que le Ciom prend tout son sens. Le dernier date de 2023 et, dès à présent, nous devons évaluer ce qui a été engagé, ce qui peut être fait, et ce qui reste pertinent.

Je souhaite mettre en place rapidement ces évaluations, afin qu’au premier trimestre 2025, conformément aux déclarations du Premier ministre, nous puissions élaborer une stratégie solide et pérenne, y compris sur le plan financier. L’évaluation des politiques publiques menées, notre capacité d’action et l’efficacité de nos interventions sont, à mon sens, les axes primordiaux de notre réflexion. Je ne cherche nullement à vous leurrer, mais j’estime que chacune de nos initiatives doit viser l’efficacité immédiate, au bénéfice de nos concitoyens. Tout le reste n’est que rhétorique.

Par ailleurs, d’autres enjeux se présentent. Ainsi, l’inscription de nos territoires dans leur zone géographique est fondamentale, afin d’en finir avec cette relation bilatérale entre la France hexagonale et les territoires ultramarins. À ce titre, il est impératif que nos territoires participent aux discussions pour coexister harmonieusement avec leurs voisins. Nous devons parvenir à définir une position claire sur ce sujet, qui ouvre de nouvelles perspectives et devrait contribuer à réduire, sur certains aspects, le coût de la vie. Sur le plan de la formation professionnelle, je conçois aisément que les jeunes préfèrent travailler dans leur région, et la région d’un Néo-Calédonien, ce n’est ni l’Aveyron ou la Méditerranée.

En un mois, je n’ai naturellement pas été en mesure d’aborder tous les sujets relatifs aux outre-mer. En revanche, il conviendra de les appréhender tous une fois l’étape budgétaire franchie.

Chaque territoire recèle des atouts, chacun est porteur de valeurs et de réussite, chacun représente une opportunité pour tous. Je mesure votre scepticisme quant à mes propos, mais nous nous efforcerons de concrétiser nos objectifs en nous appuyant sur un principe fondamental : le respect de la parole de l’État. Et cela commence par honorer ses engagements financiers.

Le projet de loi sur Mayotte, envisagé par le gouvernement précédent, reviendra probablement à l’ordre du jour. Il comporte plusieurs volets : une partie constitutionnelle traitant du droit du sol et du droit du sang, une partie relevant d’une loi organique, et une partie plus générale. Des discussions ont déjà eu lieu avec les élus mahorais, et nous les reprendrons afin de rendre ce texte concret et de faire avancer la situation à Mayotte.

En matière de santé, je tiens à rappeler que 244 millions d’euros sont alloués à la modernisation du site de Mamoudzou. Le projet de second hôpital débutera en 2026. Des maisons de santé accueillant des spécialistes de La Réunion sont également en cours de développement.

Concernant le logement, Mayotte est le territoire qui consomme le plus de LBU. Malgré les efforts considérables et l’arrivée d’un second opérateur, les problèmes fonciers persistent. Mais si la situation demeure insatisfaisante, de nombreuses avancées ont été réalisées.

Sur le plan sécuritaire, des actions sont en cours, telles que le remplacement de radars ou la constitution d’équipages pour la protection maritime. La maison d’arrêt est actuellement surpeuplée, mais un projet de construction a été annoncé avec un début des travaux prévu en 2027. Nous veillerons à sa réalisation effective.

Des projets d’envergure sont à l’étude, notamment concernant l’aéroport, le traitement de l’eau et la désalinisation. Sur ce dernier point, je rappelle que le plan eau 2016-2023 a permis d’engager 411 millions d’euros prêtés par l’AFD, auxquels s’ajoutent 514 millions d’euros.

Vous m’avez interrogé, monsieur Frébault, sur le calendrier du Ciom. L’objectif est qu’il se tienne en mars, et je tiens à ce que cette date soit arrêtée dès à présent.

Monsieur Gaillard, je vous confirme que les engagements de l’État sur les contrats de convergence seront maintenus. Je préconise que la première annuité corresponde à la consommation réelle des crédits. La défiscalisation fait l’objet d’évaluations régulières, et un rapport de l’Inspection générale des finances (IGF) a d’ailleurs permis de mettre fin à des abus l’année dernière.

Les accords conclus sur la vie chère en Martinique permettront, dès le 1er janvier 2025, de réduire les prix des produits de consommation courante de 20 %. Certes, la parité avec l’hexagone n’est pas atteinte, mais cet objectif me paraît irréaliste. Néanmoins, des marges de progression subsistent, et cette approche pourrait être dupliquée dans d’autres territoires.

Concernant la continuité territoriale, notre objectif pour 2025 consiste à maintenir le niveau budgétaire de 2024, soit 76 millions d’euros, contre les 63 millions d’euros initialement prévus dans le projet de loi de finances. Des améliorations pourront être apportées à la faveur des débats.

Je vous annonce, monsieur Gumbs, que nous nous rendrons naturellement à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy. Ma dernière visite remonte à l’année dernière, mais la situation a évolué et requiert un renforcement budgétaire. La réalité de ces deux territoires diffère des autres collectivités, mais les enjeux demeurent majeurs, notamment en matière de préfecture et de justice.

La Nouvelle-Calédonie traverse une période charnière. Il est impératif de trouver les moyens de relancer l’économie, de créer des emplois et de stabiliser une population en déclin. Entre 2014 et 2023, 18 000 habitants ont quitté le territoire, auxquels s’ajoutent 6 000 départs au premier semestre 2024. Parmi eux, on compte un nombre alarmant de professionnels de santé. Les événements de mai dernier ont entraîné une perte de 15 % du PIB calédonien, soulevant des questions quant à la viabilité du territoire.

L’État s’est immédiatement mobilisé, au-delà des mesures de maintien de l’ordre public, dans un contexte de calme fragile. Nous avons débloqué 500 millions d’euros supplémentaires via l’AFD pour soutenir les collectivités locales, alloué 4 millions d’euros à la province Sud pour la mise en place d’un transport maritime contournant la route de Saint-Louis, et prolongé le chômage partiel jusqu’en décembre.

Il convient de rappeler que les transferts annuels de l’État en Nouvelle-Calédonie s’élèvent à 1,7 milliard d’euros. Entre les budgets 2024 et 2025, une aide supplémentaire d’environ 1,3 milliard d’euros sera allouée pour faire face à la crise. Nous prévoyons donc un budget conséquent pour les années à venir, s’inscrivant dans un projet à moyen et long terme pour l’avenir de la Nouvelle-Calédonie, élaboré en collaboration avec le président du gouvernement et le Congrès.

La question du nickel se pose avec acuité. L’usine de la province Nord est fermée, celle de Thio a été détruite par ses propres ouvriers, mettant 350 personnes au chômage, tandis que l’usine de la province Sud survit difficilement. Nous devons repenser l’avenir de cette industrie, indissociable de l’identité calédonienne, en concertation notamment avec le président de la province Nord.

Sur le plan institutionnel, tous les acteurs locaux ont exprimé leur volonté de collaborer. Aussi, je pense que le dialogue reste ouvert. Nous avons donc rétabli un processus qui débutera par la visite prochaine des présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat. Le Premier ministre sera l’interlocuteur politique principal, et le Président de la République interviendra si une réforme constitutionnelle s’avère nécessaire. Parallèlement, nous dépêchons une délégation de techniciens pour examiner l’utilisation des fonds alloués et faciliter le paiement des fournisseurs par les collectivités locales.

Sur l’aspect institutionnel encore, mais concernant les autres territoires, nous attendons le rapport de MM. Pierre Égéa et Frédéric Montlouis-Félicité sur l’évolution institutionnelle des outre-mer, qui devrait être finalisé courant novembre. Cependant, je tiens à souligner que cette question de la structure institutionnelle, si elle peut constituer un moyen d’évoluer, n’est pas la solution à tous les maux, qui sont avant tout d’ordre économique et de développement. Le gouvernement reste néanmoins ouvert à des discussions et des échanges libres, sans contrainte et en toute transparence.

Le PTZ, évoqué par M. Mathiasin, est actuellement applicable pour la construction neuve dans les Drom, uniquement pour le bâti collectif. L’extension du zonage prévue par le gouvernement sera appliquée, et j’envisage la possibilité de l’étendre au bâti individuel dans les Drom. Cette mesure répondrait non seulement à une demande de logement social, mais aussi à un besoin d’accession à la propriété. Je considère en effet qu’il est essentiel que les populations puissent s’inscrire dans un parcours résidentiel, quel que soit le territoire.

M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Je souhaite apporter quelques précisions concernant mes propos antérieurs. Vous m’avez reproché de vous avoir traité de menteur. Or les mots ont un sens, et je n’ai parlé que de « propos mensongers » dans votre intervention liminaire. C’est la langue de bois qui a mené les outre-mer dans l’état dans lequel ils se trouvent, et parfois il est essentiel de s’exprimer avec franchise.

Je me réjouis d’apprendre par votre voix que les travaux de la nouvelle prison à Mayotte commenceront en 2027. Cependant, je m’interroge sur la faisabilité de ce calendrier. En effet, ni le préfet ni l’administration pénitentiaire ne sont actuellement en mesure d’identifier le terrain destiné à accueillir cet établissement. Compte tenu des délais nécessaires pour l’acquisition foncière, les études environnementales et l’obtention du permis de construire, cette annonce me semble très optimiste. La situation est d’ailleurs identique pour le nouvel aéroport, pour lequel aucun terrain n’a encore été identifié.

Je salue l’arrivée annoncée de spécialistes au sein d’une maison médicale à Mayotte. Néanmoins, j’attire votre attention sur l’urgence de la situation sanitaire. À titre d’exemple, le service des urgences du centre hospitalier de Mayotte ne compte actuellement que trois médecins pour trente postes nécessaires, et n’en comptera plus qu’un seul en décembre.

Quant aux radars, nous partageons votre avis sur la nécessité de les remplacer. Cependant, l’installation des nouveaux dispositifs, promise en 2022 pour 2024, n’a toujours pas débuté. Aucune ligne budgétaire n’a été prévue et le cahier des charges n’est pas rédigé. Considérant les délais inhérents à la commande publique, il est difficile d’envisager l’arrivée de ces nouveaux radars avant plusieurs années.

En conclusion, je vous invite à ne pas vous éloigner des réalités de nos compatriotes mahorais et des difficultés auxquelles ils sont confrontés.

M. le président Florent Boudié. Nous passons aux questions des députés.

M. Davy Rimane (GDR). Je ne voudrais pas résumer vos propos à leurs accents incantatoires, mais je crains que la réalité nous rattrape dès demain, lorsque nous procéderons à l’examen détaillé de votre budget.

La baisse des crédits de certaines missions, notamment dans les domaines de la justice et de l’intérieur, est inquiétante. J’étais en Guyane récemment, et j’ai visité la sous-préfecture de Saint-Laurent-du-Maroni. Ce que j’y ai vu est tout simplement honteux. Le bâtiment se délabre sans que personne n’intervienne pour sécuriser les zones dangereuses ou ramasser les débris. Les usagers sont contraints d’attendre dehors, exposés aux intempéries. Cette situation est indigne de la République française : nos concitoyens ne devraient pas avoir à effectuer leurs démarches administratives dans de telles conditions.

Dans le cadre des lois d’orientation et de programmation des ministères de l’intérieur et de la justice, nous avions formulé des propositions adaptées aux réalités du terrain, mais elles n’ont pas été prises en compte. Or les chantiers à mener sur nos territoires sont dantesques. Dès lors, si votre gouvernement souhaite véritablement apporter des réponses concrètes, il est impératif que les décisions soient suivies d’actions. Dans le cas contraire, nous risquons une rupture inévitable entre les populations et la République. Alors, il sera bien difficile de reprocher à nos concitoyens une forme de violence tant leur situation résulte d’une accumulation de problèmes depuis des décennies.

Mme Anchya Bamana (RN). Nous constatons avec regret la réduction les crédits alloués aux outre-mer dans le budget. Cette diminution intervient alors que la situation à Mayotte se dégrade, notamment en raison de l’immigration illégale et de l’afflux quotidien de nouvelles populations.

Un contrat d’engagement a été conclu en 2023 entre l’État et le département de Mayotte. Il s’avère essentiel de soutenir ce territoire dans l’exercice de ses missions, particulièrement en matière de protection maternelle et infantile, d’aide sociale à l’enfance (ASE) et de transport scolaire.

Mayotte enregistre annuellement plus de 10 000 naissances, dont 75 % de mères étrangères. Sa maternité est la plus grande d’Europe. La protection maternelle et infantile (PMI) est donc fortement sollicitée, d’autant qu’elle prend en charge une proportion nettement supérieure de mères et d’enfants qu’en métropole : 60 % contre 20 %.

Pour permettre à l’ASE de répondre durablement aux défis auxquels elle est confrontée, le contrat d’engagement liant l’État et Mayotte doit être reconduit au minimum pour 2025, idéalement jusqu’en 2027. Rappelons qu’entre 2019 et 2022, les dépenses de l’ASE ont augmenté de plus de 90 %.

Le secteur du transport scolaire fait également face à une forte hausse des dépenses dans un contexte de grande insécurité. Le département ne dispose d’aucune visibilité sur le renouvellement de ses financements pour 2025, alors que l’immigration irrégulière continue de grever son budget.

Qu’en est-il de la reconduction de ces financements dans ce contexte de réduction budgétaire ? N’oubliez pas de conjurer le sentiment d’abandon des Mahorais.

M. Elie Califer (SOC). Monsieur le ministre, votre franchise face à l’ampleur de la tâche est louable, tout comme votre suggestion d’inscrire les outre-mer dans leurs zones géographiques respectives. Cette volonté est aussi la nôtre. Cependant, au vu du budget alloué à l’accompagnement régional, nos marges de manœuvre s’avèrent limitées. Si nous empruntons cette voie, un travail approfondi sur les normes s’impose, sujet que la commission des lois est particulièrement à même d’aborder.

Vous avez évoqué un possible déficit de technicité et d’ingénierie dans nos territoires. Permettez-moi d’apporter un éclairage différent sur ce point. En Guadeloupe, et plus précisément dans la commune que j’ai eu l’honneur d’administrer, l’État a mis en place un programme de logement il y a dix ans. Or, à ce jour, il n’a pas su le concrétiser.

Concernant la LBU, bien que les fonds soient fléchés, nous rencontrons de réelles difficultés pour les consommer. Les financements sont disponibles, mais les programmes ne se concrétisent pas faute de plans de financement complets.

Mme Sophie Blanc (RN). La situation en Guadeloupe et en Martinique est devenue intenable. Les prix de l’alimentation y dépassent de 40 % ceux de la métropole. Selon un rapport de la Cour des comptes, cet écart s’explique non seulement par des marges bénéficiaires importantes et une concurrence restreinte, mais aussi par l’octroi de mer. Cet impôt, vestige de l’Ancien Régime, alourdit gravement le prix des produits importés par voie maritime par des pays non-membres de l’Union européenne.

Les récents événements en Guadeloupe, marqués par des émeutes et des actes de vandalisme, révèlent un malaise profond et une frustration croissante face à une situation économique devenue insoutenable. Dans ce contexte, je tiens à rappeler les amendements que nous avons proposés pour renforcer le pouvoir d’achat des ultramarins dans le cadre de la première partie du projet de loi de finances. Nous préconisons notamment une réforme de l’octroi de mer. En exonérant les produits français et ceux de l’Union européenne, nous pourrions substantiellement améliorer le pouvoir d’achat des habitants des outre-mer. Quelle sera votre position concernant cet amendement qui n’a pas encore été examiné en séance ?

Nous avions également proposé un taux de TVA à 0 % sur un panier de 100 produits de première nécessité. Il est particulièrement regrettable que cet amendement soit tombé, car il aurait permis d’alléger significativement la charge financière pesant sur nos compatriotes ultramarins.

Concernant les dépenses budgétaires relevant de la seconde partie du projet de loi de finances, quelles mesures concrètes envisagez-vous pour lutter contre la vie chère ?

Mme Béatrice Bellay (SOC). Je m’inquiète pour vous car tous ceux qui ont fait montre de bonne volonté au poste que vous occupez n’y ont guère duré. Aussi, je vous souhaite longue vie à ce poste, parce que je pense que vous avez compris que le développement de nos pays des océans supposait un changement de vision. Je l’affirme : construire une vision décoloniale de ces territoires est impératif. Et je vous le dis également : votre parti, Les Républicains, doit se garder des chimères et des objectifs électoraux.

J’espère que nous serons unis dans le refus de la suppression de l’octroi de mer, qui nourrit aujourd’hui le service public et qui offre aux collectivités ultramarines la possibilité de décider de l’orientation de la fiscalité issue de la consommation des habitants des pays des océans.

Notre groupe a sollicité la baisse de la TVA dans tous les pays des océans par le biais d’un amendement qui a été adopté et qui était mieux-disant que celui du gouvernement, que nous avons quand même fait adopter. Nous souhaitons vous entendre sur votre accompagnement sur cette réduction de la TVA pour les biens et services.

Par ailleurs, nous requérons, à l’image du Medef, la mise en œuvre d’une véritable mesure de continuité territoriale qui serait de nature à faire baisser les prix.

M. Emmanuel Tjibaou (GDR). Je souhaite soulever la question de la traduction concrète, en termes budgétaires, de la solidarité exprimée dans le discours de politique générale du Premier ministre. Cette interrogation se justifie par la dégradation des services publics dans nos territoires, qui se trouvent aujourd’hui dans des situations critiques. Nous nous interrogeons également sur la capacité de la France à concrétiser ses ambitions dans la zone indo-pacifique sans disposer des moyens nécessaires.

Lors de cette séance, nous entendons beaucoup de paroles, mais peu d’actions concrètes. Nous ne sommes pas dupes, au vu de notre expérience avec le gouvernement précédent. Le délai qui nous est accordé pour restaurer un semblant de qualité de vie en Nouvelle-Calédonie dépendra largement des crédits alloués aux collectivités pour faire face à cette situation d’urgence.

Je suis originaire de la province Nord, où nous ne disposons que d’un médecin pour 50 000 habitants. Cette situation critique illustre une réalité qui va au-delà des chiffres : elle traduit l’aspiration de notre pays à prendre en charge son destin. Assumer cette responsabilité implique d’être comptable de nos actes.

Nous allons au-devant de discussions institutionnelles, mais il est impératif de répondre en premier lieu aux problématiques économiques. Sans cela, aucun dialogue institutionnel ne pourra reprendre dans un pays qui a faim.

M. François-Noël Buffet, ministre. Je confirme que la construction d’un nouveau centre pénitentiaire de 400 places et d’un centre de semi-liberté de 20 places est prévue à Mayotte et commencera en 2027. Actuellement, nous sommes à l’étape de recherche du foncier.

Concernant les autres questions de sécurité, l’État poursuit le renforcement des dispositifs de surveillance maritime. Un ensemble d’outils technologiques, comprenant des radars de détection et des drones de surveillance, a été déployé pour surveiller les côtes mahoraises. Une barge équipée d’un radar sera mise en service fin 2024 sur le lagon afin d’améliorer la couverture de détection. De plus, le financement du ponton de l’ilot de Mtsamboro a été sécurisé pour renforcer la présence des intercepteurs dans ce secteur sensible.

Je souligne, dans la continuité des propos de M. Rimane l’importance de l’état des bâtiments publics. Si la préfecture de Saint-Laurent-du-Maroni est en mauvais état, nous devons examiner le budget du ministère de l’intérieur alloué aux outre-mer pour garantir des services publics en bon état. Je rappelle qu’en Nouvelle-Calédonie, nous finançons à 100 % la reconstruction des bâtiments scolaires détruits et à 70 % celle des autres bâtiments publics.

À l’attention de Mme Bamana, qui a évoqué la continuité de l’État à Mayotte sur les questions de petite enfance et de santé, je rappelle que nous tentons de sanctuariser 100 millions d’euros et de les allouer de manière pérenne. Ces fonds seront en tout cas prévus pour 2025. Par ailleurs, la construction d’une maison départementale de l’enfance est prévue, avec la création de places en famille d’accueil, le développement de l’offre de garde, et la mise en place de bilans de santé et de vaccination.

Je ne fais aucune généralité, monsieur Califer, à propos des problèmes d’ingénierie. Mais je pense qu’un coup de pouce est parfois nécessaire, et je suis d’accord avec vous concernant l’impérative simplification des normes.

En réponse à Mme Blanc, qui m’a interpellé sur le coût de la vie, je souligne que l’accord trouvé en Martinique sur les prix est le fruit d’une concertation avec l’État, la collectivité territoriale de Martinique, mais aussi les professionnels du monde économique.

Concernant l’octroi de mer, je vous le redis, madame Bellay et madame Blanc, il est maintenu tel qu’il est en 2025. Si des évolutions doivent se produire, il faudra au préalable se donner le temps de la discussion. Il est naturellement inenvisageable de prendre une décision brutale, qui mettrait en difficulté les collectivités locales.

Monsieur Tjibaou, des avancées budgétaires sont en cours d’arbitrage pour la Nouvelle-Calédonie, et certaines ont déjà été annoncées. Des amendements seront portés par le gouvernement. Le texte que vous avez voté ce matin en commission des lois est extrêmement important pour le report des élections des membres du Congrès des assemblées de province. La date n’est de ces élections n’est pas fixée. Place maintenant à la discussion et, je l’espère, à des avancées positives pour la Nouvelle-Calédonie.

M. le président Florent Boudié. Je vous remercie, monsieur le ministre, pour vos réponses, et je souligne que nous avons été nombreux ce matin à souligner que ce report des élections, s’il était adopté la semaine prochaine en séance, ne serait pas une finalité, mais inaugurerait une nouvelle période.

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Enfin, la Commission examine pour avis les crédits de la mission « Outre-mer » (M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis).

Article 42 et état B : Crédits du budget général

Amendement II-CL263 de Mme Sandrine Nosbé

Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Nous proposons d’élaborer un plan de reconstruction de la Nouvelle-Calédonie, la crise provoquée par le précédent gouvernement ayant aggravé une situation sociale et économique déjà très difficile.

L’examen du projet de loi constitutionnelle portant modification du corps électoral pour les élections au Congrès et aux assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie a suscité de vives contestations. Le Caillou est alors tombé dans une situation explosive, et la suspension du texte n’a pas permis de mettre un terme à la crise. Le coût des dégâts causés aux infrastructures et aux commerces est estimé à pas moins de 2,2 milliards d’euros. La crise économique et sociale dans laquelle était déjà plongée la Nouvelle-Calédonie s’est aggravée. En raison des fermetures d’entreprises, 6 000 emplois ont été détruits, sur les 67 000 du secteur privé. Selon les dernières estimations, le chômage partiel toucherait 29 % de l’effectif salarié.

Il est temps que l’État prenne ses responsabilités. Les aides financières accordées jusqu’à présent sont limitées : elles s’élèvent à quelque 400 millions d’euros, dont des prêts et avances que la collectivité devra rembourser, en dépit de ses difficultés. Aussi reprenons-nous à notre compte la proposition formulée par le Congrès, qui consiste à mettre en œuvre un plan de reconstruction étalé sur cinq ans, doté de 4,2 milliards d’euros au total, soit 840 millions par an à partir de 2025.

M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Sur le fond, la demande du Congrès de la Nouvelle-Calédonie me paraît tout à fait légitime, d’autant que le financement d’un plan ambitieux de reconstruction des infrastructures et du tissu économique local contribuerait à restaurer la paix sociale dans l’archipel. Toutefois, cet amendement ne s’inscrit pas dans un contre-budget global. En toute responsabilité, je préfère donc m’en remettre à la sagesse de notre commission.

M. Philippe Gosselin (DR). Pour différentes raisons, nous aurons un peu de mal à voter cet amendement, qui a cependant le mérite de mettre en lumière de vrais besoins. On estime que la Nouvelle-Calédonie aura rapidement besoin de plus de 2 milliards d’euros ; de son côté, le Congrès a évalué à 4,5 milliards les crédits nécessaires au financement d’un plan de reconstruction soutenu par l’ensemble des forces politiques de la collectivité. En tout cas, le sujet est aujourd’hui sur la table, et il convient de rappeler avec force et de façon assez unanime que des mesures particulières devront être prises, même si elles ne le seront peut-être pas dans le cadre du présent budget.

M. le président Florent Boudié. Je confirme vos propos. Nous avons d’ailleurs adopté ce matin, lors de l’examen des crédits de la mission Relations avec les collectivités territoriales, un amendement de M. Delaporte allant dans ce sens.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-CL236 de M. Jean-Hugues Ratenon, II-CL283 de M. Yoann Gillet et II-CL329 de M. Christian Baptiste (discussion commune)

M. Perceval Gaillard (LFI-NFP). L’amendement II-CL236 vise à garantir un droit humain fondamental : l’accès à une eau potable, constante et abordable.

L’absence d’approvisionnement fiable rend insoutenable la vie quotidienne de milliers de familles, d’enfants et de personnes âgées. En mars dernier, l’Unicef a rappelé qu’un enfant sur trois vivant à Mayotte, en Guyane ou à La Réunion n’a pas d’accès garanti à l’eau. Une telle situation, alarmante, serait absolument inconcevable dans n’importe quel département de l’Hexagone. Pourtant, les citoyens ultramarins doivent composer avec ces manques au quotidien. Des écoliers voient même parfois leur journée de classe annulée faute d’eau potable à disposition.

Nous proposons donc d’allouer, dès 2025, une enveloppe de 500 millions d’euros à la réhabilitation des infrastructures vétustes en vue d’assurer un approvisionnement continu et abordable. Nous vous demandons d’adhérer largement à ce plan d’urgence, qui vise à rendre effectif, de manière immédiate et durable, un droit fondamental reconnu par une résolution adoptée en 2010 par l’Assemblée générale des Nations unies.

M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Manque d’assainissement, défaillance voire absence de réseaux d’adduction, contamination de l’eau : les problèmes rencontrés par nos compatriotes ultramarins sont nombreux et divers.

Selon le Conseil économique, social et environnemental (Cese), 31,7 % des Mahorais n’ont pas accès à l’eau courante dans leur logement. En période normale, 50 % de l’eau provient des rivières, mais en période sèche, ce taux chute à 25 %. Cela met en tension l’ensemble du réseau d’approvisionnement : la population doit faire face à des coupures pouvant durer plusieurs jours, ce qui provoque de graves problèmes sanitaires du fait de l’usage d’eau impropre à la consommation. En Guyane, entre 15 % et 20 % de la population est privée d’eau potable, alors que la région dispose de la troisième réserve d’eau au monde. À La Réunion, un habitant sur deux ne peut pas boire l’eau du robinet car elle est impropre à la consommation. Cette situation est totalement inacceptable dans la septième puissance économique mondiale, mais l’État reste très en retrait sur cette question.

Nous devons garantir l’accès à l’eau potable, qui est un droit reconnu dans de nombreux pays et par plusieurs organisations internationales auxquelles appartient la France. Aussi notre amendement II-CL283 vise-t-il à lancer un véritable plan d’urgence afin de rendre effectif le droit d’accès à l’eau dans les outre-mer. Nous montrerons ainsi à nos compatriotes ultramarins qu’ils sont respectés et considérés.

M. Jiovanny William (SOC). Afin de faire face à la crise de l’eau que connaît la Guadeloupe, l’amendement II-CL329 vise à augmenter de 10 millions d’euros la subvention exceptionnelle versée au syndicat mixte chargé de la gestion de l’eau et de l’assainissement dans cette région.

M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Je demande le retrait de l’amendement II- CL236 au profit de mon amendement II-CL283. S’agissant de l’amendement II-CL329, qui est un peu différent, je m’en remets à la sagesse de la commission.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-CL246 de Mme Sandrine Nosbé

Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Dans les territoires insulaires et éloignés, l’autonomie énergétique doit s’imposer comme un objectif prioritaire. Selon l’Agence de la transition écologique (Ademe), les collectivités d’outre-mer bénéficient en effet d’un environnement qui leur permettrait d’atteindre une telle autonomie, avec 100 % d’énergies renouvelables. Pourtant, elles importent encore largement une énergie très carbonée.

En mars dernier, le Cese a estimé que l’objectif d’une autonomie énergétique des régions ultramarines en 2030 serait « difficilement atteignable », car ces collectivités « dépendent encore en grande majorité de centrales thermiques fonctionnant au charbon et au fioul ». Il est donc nécessaire d’accompagner les outre-mer pour accélérer cette bifurcation. Aussi proposons-nous de créer, au sein de la mission Outre-mer, un nouveau programme dédié à l’« autonomie énergétique des collectivités ultramarines ».

M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Sagesse.

Mme Émeline K/Bidi (GDR). La situation est tendue à La Réunion, où les salariés de la société Albioma ont fait part des grandes difficultés auxquelles ils se trouvent confrontés. Alors que notre île pourrait utiliser le soleil, le vent, ses rivières pérennes et l’océan qui l’entoure afin d’être autonome en énergie, les deux tiers de sa production électrique sont assurés par deux usines qui fonctionnent avec des pellets de bois importés du Canada. Les investissements ne sont pas au rendez-vous, si bien que nous devons recourir à des accords internationaux qui ne sont absolument pas en faveur de notre population. Si ces deux usines s’arrêtent de fonctionner, La Réunion connaîtra une crise économique sans précédent. Notre île a pourtant tous les atouts qui lui permettraient d’être un laboratoire en matière d’innovation et de développement des énergies vertes.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-CL235 de M. Jean-Hugues Ratenon et II-CL323 de M. Christian Baptiste (discussion commune)

M. Perceval Gaillard (LFI-NFP). Une fois encore, la ligne budgétaire unique consacrée au logement dans les outre-mer est en baisse, de 10,93 % en autorisations d’engagement (AE) et de 5 % en crédits de paiement (CP). Par notre amendement II-CL235, nous proposons de la doubler.

L’an dernier, un amendement identique avait été adopté, à l’unanimité, en séance publique. Même les membres de l’ancienne majorité, qui participent à l’actuel « socle commun », avaient voté pour. Je me souviens que M. Gosselin avait pris la parole, dans l’hémicycle, pour soutenir cet amendement, qui a ensuite été rayé d’un trait de plume élyséen.

Il s’agit non seulement de répondre aux besoins fondamentaux de nos territoires en logements sociaux, mais également d’assurer le développement économique de nos collectivités en soutenant le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP). À La Réunion, en effet, la crise de cette filière a des répercussions sur l’emploi.

Je vous invite donc, mes chers collègues, à faire preuve de constance en votant cet amendement favorisant la justice sociale et le développement économique. Vous enverrez ainsi un signal très fort au pouvoir exécutif. Ensuite, l’Élysée, ou plutôt Matignon, fera ce qu’il voudra…

M. Jiovanny William (SOC). Je souscris entièrement aux arguments de M. Gaillard, qui valent également pour l’amendement II-CL323.

M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Ces deux amendements vont dans le même sens : ils visent à augmenter les crédits consacrés au logement. Je déplore la faiblesse de cette politique publique dans nos outre-mer ; vous avez d’ailleurs vous-mêmes rappelé, à juste titre, l’insuffisance des investissements de l’État dans ce domaine. Sur le principe, je ne peux donc qu’être favorable à une revalorisation des crédits concernés, mais pour la raison que je vous ai expliquée tout à l’heure, je m’en remettrai à la sagesse de notre commission. J’espère toutefois que notre vote incitera la Gouvernement à faire mieux – il n’est pas interdit de rêver…

Mme Émeline K/Bidi (GDR). À La Réunion, 50 000 habitants attendent un logement social, mais on n’en construit qu’à peu près 1 600 par an. À ce rythme-là, et à condition que le nombre de demandeurs reste stable, il faudrait trente-deux ans pour résorber la crise du logement. Or, dans ma région, le principal bailleur social est CDC Habitat, une filiale de la Caisse des dépôts, qui dépend elle-même de l’État. Si l’État accepte donc de se prêter à lui-même les 200 millions d’euros évoqués dans l’amendement II-CL235, nous n’aurons peut-être pas besoin de trente-deux ans pour régler la crise du logement !

M. Philippe Gosselin (DR). Je suis de ceux qui considèrent que la politique du logement est transversale : en encourageant la construction de logements, nous menons aussi une politique sociale, économique et familiale.

Ces dernières années, nous n’avons pas assez investi dans ce domaine. Depuis sept ans, au niveau national, nous construisons chaque année 100 000 logements de moins : cela fait donc 700 000 logements qui manquent à l’appel. Je montrerai une fois de plus la constance de mes engagements, sans pression mais en cohérence avec mes votes passés. Je suis donc tout à fait favorable à ces deux amendements.

La commission adopte successivement les amendements.

Amendements II-CL244 de Mme Sandrine Nosbé et II-CL327 de M. Jiovanny William (discussion commune)

M. Jiovanny William (SOC). Mon amendement II-CL327 est quasiment un amendement d’appel, car les 25 millions d’euros demandés ne permettraient d’assurer une continuité territoriale concrète que dans une seule collectivité. Il faudrait en réalité plus de 100 millions d’euros par an pour couvrir l’ensemble des territoires ultramarins.

M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Sagesse.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements II-CL247 de M. Jean-Hugues Ratenon et II-CL335 de M. Philippe Naillet (discussion commune)

M. Perceval Gaillard (LFI-NFP). Par notre amendement II-CL247, nous voulons appeler l’attention de l’ensemble de la nation sur le besoin de transports publics ferroviaires dans les outre-mer.

Jusque dans les années 1970, un train faisait le tour de l’île de La Réunion ; pour des raisons politiques et économiques, il a été abandonné au profit du tout-voiture. D’autres territoires ultramarins ont aussi besoin de transports ferroviaires, notamment de type tram-train, reliant les villes entre elles et permettant de circuler à l’intérieur de ces dernières. Si nous ne prévoyons pas d’enveloppe pour la réalisation de ces travaux, nos plaidoyers en faveur de la transition écologique ne sont que des mots creux.

M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. M. Ratenon a cité, dans l’exposé sommaire de son amendement, le bilan des états généraux des mobilités : 77 % des Réunionnais ont exprimé leur souhait de voir se développer un réseau ferroviaire dans leur île. Ces deux amendements visent donc à répondre à une demande des citoyens. Ils permettraient par ailleurs de contribuer aux efforts réalisés en vue de réduire la congestion routière. À titre personnel, je ne peux donc qu’y être favorable, mais pour les raisons que j’ai déjà expliquées, je m’en remettrai à la sagesse de notre commission.

Mme Émeline K/Bidi (GDR). Le Gouvernement a récemment annoncé son intention d’augmenter la taxe de solidarité sur les billets d’avion ; le produit de cette taxe est affecté à un fonds ferroviaire, lequel permet d’entretenir les lignes de chemin de fer existantes mais pas d’en construire de nouvelles. Or, chez nous, il n’existe pas de réseau ferroviaire : nous payons donc la taxe sur les billets d’avion sans bénéficier d’aucune contrepartie.

Il y a cinquante ans, un train circulait à La Réunion. Il n’y en a plus aujourd’hui, et ce n’est pas la politique menée par le Gouvernement qui nous permettra d’en retrouver un !

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-CL279 de M. Yoann Gillet

M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Les infrastructures des outre-mer sont dans un état déplorable. Certains logements sont insalubres. Les écoles et les hôpitaux sont sous pression. Les bibliothèques et les espaces culturels ou sportifs ne sont pas à la hauteur, non plus que les services d’urgence et d’action sociale. Le réseau routier est lacunaire et les transports publics demeurent très peu développés ; cette situation n’est pas tenable, car plusieurs heures sont bien souvent nécessaires pour parcourir quelques kilomètres. Nos compatriotes ultramarins ont trop souvent, à juste titre, le sentiment d’être oubliés.

Cette carence en matière d’infrastructures est d’autant plus criante que les territoires d’outre-mer font face à une forte croissance démographique. Au vu du très faible taux d’équipement scolaire, les collectivités ne peuvent répondre aux besoins de scolarisation. Au- delà du nombre insuffisant d’établissements, les syndicats d’enseignants et les associations de parents d’élèves dénoncent l’état de certaines infrastructures vieillissantes. Les hôpitaux sont saturés et souffrent du même manque de moyens.

Au regard des enjeux, le budget pour 2025 illustre le cruel manque d’ambition et de vision du Gouvernement pour ces territoires. Pire : il reflète un certain mépris. Un renforcement des crédits du fonds exceptionnel d’investissement pourrait permettre de soutenir davantage de projets ainsi que de répondre aux besoins d’ingénierie des collectivités.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-CL281 et II-CL286 de M. Yoann Gillet

M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. La forte augmentation du coût du fret a des effets importants sur le quotidien de nos compatriotes vivant dans les outre-mer, où la vie est déjà bien plus chère que dans l’Hexagone. Le PLF pour 2025 alloue à l’aide au fret une enveloppe de 4,37 millions d’euros en AE et de 2,38 millions en CP, ce qui apparaît très insuffisant au vu de la situation économique actuelle. Alors que le taux de chômage est proche de 30 % dans certains territoires et que le niveau de pauvreté est parfois cinq fois plus élevé qu’en métropole, l’État a le devoir d’agir. Aussi l’amendement II-CL281 vise-t-il à abonder de 20 millions d’euros les crédits relatifs à l’aide au fret maritime. Cela permettra de faire baisser le prix des biens de première nécessité et de favoriser la production locale.

Quant à l’amendement II-CL286, il vise à augmenter les crédits alloués à l’opération Harpie. La grande majorité des exploitations d’or en Guyane sont illégales ; or cet orpaillage illégal représente une production de 10 à 12 tonnes par an, contre 1 à 2 tonnes pour l’activité déclarée. Selon la Fédération des opérateurs miniers de Guyane, l’orpaillage illégal détournerait chaque année quelque 750 millions d’euros du PIB guyanais. Véritable fléau sécuritaire, mais aussi économique, sanitaire et environnemental, il concourt également au développement des trafics et de la délinquance. Les forces de l’opération Harpie ne sont pas épargnées par ces violences. Lors de mon déplacement en Guyane, il y a un an, j’ai rencontré ces gendarmes et légionnaires, et je peux vous dire l’inquiétude qui est la leur face à la montée des violences. Je veux d’ailleurs leur rendre hommage et saluer leur travail remarquable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements II-CL280, II-CL287, II-CL291, II-CL290 et II-CL288 de M. Yoann Gillet (discussion commune)

M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Les territoires d’outre-mer ne sont malheureusement pas épargnés par l’insécurité. Le département de Mayotte, plongé dans un climat de violences quotidiennes, en est un triste exemple. Vivre à Mayotte, c’est vivre un enfer ! Je m’y suis rendu il y a quelques semaines, et j’y ai vu une violence qu’aucun de nos compatriotes ne devrait jamais subir sur le territoire de la République. Je propose donc, par mon amendement II-CL280, de créer un fonds d’équipement et de sécurité à Mayotte.

Je formule la même proposition pour la Guyane, la Guadeloupe, la Martinique et La Réunion, qui font respectivement l’objet des amendements II-CL287, II-CL291, II-CL290 et II-CL288.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements II-CL234 de M. Jean-Hugues Ratenon et II-CL337 de M. Elie Califer (discussion commune)

M. Perceval Gaillard (LFI-NFP). Notre amendement II-CL234 vise à créer une agence de soutien à l’ingénierie locale des collectivités d’outre-mer – un sujet que M. le ministre a évoqué tout à l’heure. Nous nous inscrivons en faux contre cette assertion, que l’on nous renvoie souvent à la figure, selon laquelle les collectivités d’outre-mer ne seraient pas capables d’utiliser l’argent accordé par Paris. Il n’empêche que notre capacité à former des jeunes, et surtout à les garder sur place, une fois diplômés, pour qu’ils contribuent au développement de nos territoires, pose une vraie difficulté. La commission des affaires économiques a d’ailleurs adopté ce matin un amendement comparable au mien, visant à créer des instituts régionaux d’administration (IRA) ultramarins. La création de ce genre d’organismes me semble essentielle pour nous permettre de monter en gamme.

M. le président Florent Boudié. Je n’ai, quant à moi, monsieur Gaillard, pas compris de la même façon que vous les propos du ministre à ce sujet.

M. Elie Califer (SOC).  Le fonds outre-mer (FOM), piloté par l’Agence française de développement (AFD) pour le compte du ministère chargé des outre-mer, est un fonds d’assistance à maîtrise d’ouvrage visant à appuyer le renforcement des capacités des territoires ultramarins pour la réalisation de projets structurants. Par notre amendement II-CL337, nous demandons une augmentation de la dotation de ce fonds afin de renforcer l’ingénierie des collectivités d’outre-mer.

M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Sagesse.

M. Philippe Gosselin (DR). Je n’ai vu dans les propos du ministre aucune forme de condescendance. Avec Davy Rimane, dans le cadre de la délégation aux outre-mer, nous avons effectué au printemps une mission de six semaines dans l’ensemble des collectivités d’outre-mer : je peux vous assurer que cette question revenait à chaque fois. Sans vouloir faire de comparaison hasardeuse, j’ai été longtemps maire d’une petite commune rurale et je me trouvais aussi très démuni car je n’avais pas de capacité d’ingénierie.

Si cette question mérite d’être posée – à la délégation aux outre-mer, nous remettrons le sujet sur la table dans quelques petites semaines –, je ne suis pas sûr que la création d’une agence soit la réponse la plus adaptée. Ce genre d’organismes, dont nous essayons d’ailleurs de réduire le nombre, présente parfois l’inconvénient de cloisonner les choses.

M. Elie Califer (SOC). Il ne s’agit pas forcément de créer une agence : l’AFD est déjà compétente en la matière, mais il faudrait lui donner des moyens supplémentaires.

Il est vrai que les petites collectivités subissent une crise de l’ingénierie car on observe une sorte de fuite des compétences : tous les jeunes que nous formons trouvent ensuite des emplois au niveau national. Cependant, rassurez-vous, les assemblées départementales ou régionales ont toujours les moyens d’agir.

M. Philippe Gosselin (DR). J’ai parlé de la création d’une agence en réaction à l’amendement II-CL234. Effectivement, monsieur Califer, l’AFD agit déjà dans ce domaine.

J’observe, comme vous, ce phénomène d’aspiration des compétences. Encore une fois, je ne veux pas faire de comparaison hasardeuse, mais il me semble que les collectivités rurales sont confrontées au même problème : nous cherchons aussi le moyen de garder nos jeunes et nos compétences. Ultramarins et ruraux, même combat !

M. le président Florent Boudié. Je partage votre constat.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-CL334 de M. Elie Califer

M. Elie Califer (SOC). Il s’agit d’augmenter la dotation du fonds de secours permettant aux territoires ultramarins de faire face aux nombreux aléas naturels de forte intensité auxquels ils sont fréquemment exposés. Vous avez sans doute en tête quelques images d’événements terribles survenus récemment dans l’Hexagone ; sachez que les outre-mer ont subi, l’an dernier, au moins cinq phénomènes comparables, qui ont causé de gros dégâts.

M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Vous avez raison de rappeler les risques naturels auxquels sont confrontés nos territoires ultramarins – j’évoque d’ailleurs la situation de Mayotte dans mon avis budgétaire. Je confirme l’importance du fonds de secours pour les outre-mer (FSOM), que vous proposez d’abonder de 10 millions d’euros. À titre personnel, je suis favorable à votre amendement, mais en tant que rapporteur pour avis, je m’en remets à la sagesse de notre commission, pour des raisons déjà évoquées.

La commission adopte l’amendement.

Amendement II-CL332 de M. Philippe Naillet

M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Encore une fois, je m’en remets à la sagesse des commissaires.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL239 de Mme Sandrine Nosbé

Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). M. le rapporteur pour avis a évoqué tout à l’heure la situation d’urgence à Mayotte. Nous voulons y apporter des solutions concrètes.

M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Sagesse.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL328 de M. Elie Califer

M. Jiovanny William (SOC). Nous proposons d’allouer 25 millions d’euros supplémentaires à la recherche portant sur les sujets très importants liés au chlordécone.

M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Sagesse.

La commission adopte l’amendement.

Amendements II-CL285, II-CL284 et II-CL292 de M. Yoann Gillet (discussion commune)

M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Nos compatriotes ultramarins sont confrontés à des prix élevés, voire très élevés, dans les secteurs de l’alimentation, du logement et des transports. Les ménages les plus modestes sont en première ligne face au problème du coût de la vie, qui est 19 % à 38 % plus élevé dans les territoires ultramarins que dans l’Hexagone, selon les chiffres de l’Autorité de la concurrence. En Guyane, le prix d’un pack d’eau peut atteindre 18,50 euros et l’alimentation est 42 % plus chère qu’en métropole. Cette situation injuste frappe durement les familles les plus précaires.

Afin de combattre la vie chère, nous proposons, par notre amendement II-CL285, de créer un fonds exceptionnel visant à renforcer les aides alimentaires, notamment pour les familles les plus modestes des territoires ultramarins. La difficulté croissante à boucler les fins de mois appelle d’urgence une réponse forte de la part de l’État.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-CL243 de M. Jean-Hugues Ratenon

M. Perceval Gaillard (LFI-NFP). On l’a dit, le coût de la vie est 30 % à 40 % plus élevé dans nos territoires que dans l’Hexagone. Les causes de ce niveau des prix sont multiples : marges abusives, éloignement géographique, insularité, dépendance aux importations, risques naturels…

La prime de vie chère, instituée après la seconde guerre mondiale, visait initialement à attirer les fonctionnaires de l’Hexagone dans les anciennes colonies en compensant les difficultés liées au coût de la vie dans ces territoires. Ainsi, elle ne s’applique qu’aux fonctionnaires, ce qui exclut une grande partie de la population qui fait pourtant face aux mêmes difficultés, d’autant que plus de 21 % des ultramarins perçoivent le RSA. Notre amendement vise donc à étendre la prime de vie chère aux personnes les plus précaires, c’est-à-dire aux bénéficiaires des minima sociaux et aux travailleurs payés au Smic. Nous assurerons ainsi une justice économique et sociale face aux inégalités persistantes.

Nous inviterons bien entendu le Gouvernement à lever le gage.

Suivant l’avis du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement.

 

La séance est levée à 20 heures.

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Membres présents ou excusés

 

Présents. - M. Pouria Amirshahi, Mme Brigitte Barèges, M. Romain Baubry, M. Ugo Bernalicis, Mme Sophie Blanc, Mme Émilie Bonnivard, M. Ian Boucard, M. Florent Boudié, Mme Blandine Brocard, M. Vincent Caure, M. Jean-François Coulomme, Mme Agnès Firmin Le Bodo, M. Moerani Frébault, M. Yoann Gillet, M. Philippe Gosselin, M. Guillaume Gouffier Valente, M. David Guerin, M. Jordan Guitton, Mme Émeline K/Bidi, Mme Eliane Kremer, Mme Pauline Levasseur, Mme Élisa Martin, M. Stéphane Mazars, M. Ludovic Mendes, Mme Laure Miller, M. Jean Moulliere, M. Julien Rancoule, Mme Sandra Regol, Mme Béatrice Roullaud, Mme Andrée Taurinya, M. Michaël Taverne, Mme Céline Thiébault-Martinez, M Emmanuel Tjibaou, M. Antoine Villedieu, M. Jiovanny William

Excusés. - M. Marc Fesneau, M. Andy Kerbrat, Mme Naïma Moutchou

Assistaient également à la réunion. - Mme Anchya Bamana, Mme Béatrice Bellay, M. Elie Califer, M. Perceval Gaillard, Mme Florence Goulet, M. Frantz Gumbs, M. Sacha Houlié, M. Max Mathiasin, Mme Sandrine Nosbé, M. Davy Rimane