Compte rendu

Commission
des lois constitutionnelles,
de la législation
et de l’administration
générale de la République

 Examen de la proposition de résolution tendant à modifier le Règlement de l'Assemblée nationale afin de supprimer le vote par assis et levé (n° 925) (M. Sébastien Peytavie, rapporteur)                            2

 Examen de la proposition de loi créant une dérogation à la participation minimale pour la maîtrise d’ouvrage pour les communes rurales (n° 132) (M. Jean Moulliere, rapporteur)                            10

 Examen de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, visant à assouplir la gestion des compétences « eau » et « assainissement » (n° 466) (M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur)                            19

 Informations relatives à la Commission................ 41

 

 


Lundi
3 mars 2025

Séance de 15 heures

Compte rendu n° 41

session ordinaire de 2024-2025

Présidence
de Mme Pascale Bordes,
Vice-présidente


  1 

La séance est ouverte à 15 heures.

Présidence de Mme Pascale Bordes, vice -présidente.

La Commission examine la proposition de résolution tendant à modifier le Règlement de l'Assemblée nationale afin de supprimer le vote par assis et levé (n° 925) (M. Sébastien Peytavie, rapporteur).

M. Sébastien Peytavie, rapporteur. Nous avons célébré, le mois dernier, le vingtième anniversaire de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Cette loi, dont les promesses étaient ambitieuses, a redéfini nos politiques publiques à l’égard des personnes handicapées. Elle actait en effet l’accès des 12 millions de personnes handicapées de notre pays au droit commun tout en adaptant celui-ci lorsque cela était nécessaire, dans le but de garantir une égalité de traitement dans tous les domaines. Elle garantissait également le droit à la scolarité en milieu dit « ordinaire » pour les enfants en situation de handicap et fixait des obligations et des objectifs majeurs pour l’accessibilité des bâtiments et des transports.

Mais la déception qu’a entraînée le retard considérable pris dans la mise en œuvre de cette loi, tant en matière d’accessibilité que d’inclusion, est à la mesure de l’espoir qu’elle avait suscité. Je m’attacherai à en dresser un bilan complet dans le cadre de la mission d’évaluation de la loi du 11 février 2005, dont je suis co-rapporteur avec ma collègue de la commission des affaires sociales Christine Le Nabour.

L’Assemblée nationale, ce vieux bâtiment du XVIIIe siècle, n’échappe malheureusement pas aux retards accumulés en matière d’accessibilité et d’inclusion, malgré des progrès notables. Jusqu’à la précédente législature, il n’existait pas de place dans l’hémicycle qui soit accessible aux personnes à mobilité réduite. Il n’en existait pas non plus dans l’hémicycle du Congrès, à Versailles. C’est aujourd’hui le cas – bien que le nombre de places demeure limité –, mais des progrès restent à accomplir pour que la maison du peuple ne soit pas excluante à l’égard des personnes en situation de handicap. Une partie significative des locaux n’est toujours pas accessible et nous nous heurtons encore bien souvent, lorsqu’il s’agit d’en garantir l’accès à tous, à des normes patrimoniales.

Notre institution n’est pas non plus exemplaire en matière d’emploi de personnes en situation de handicap : celles-ci ne représentent que 4,7 % du personnel, un taux en deçà de l’objectif légal de 6 % et de la moyenne de 6,89 % atteinte dans la fonction publique territoriale.

Le Règlement de notre assemblée conserve également des dispositions pouvant nuire à l’inclusion des personnes à mobilité réduite ; la proposition de résolution que nous examinons aujourd’hui a pour objet d’y remédier. En effet, son article 63 dispose que les votes s’expriment soit à main levée, soit par assis et levé, soit au scrutin public ordinaire, soit au scrutin public à la tribune. L’article 64 précise que le vote se fait normalement à main levée et que c’est en cas de doute quant au résultat qu’il est procédé au vote par assis et levé.

Le Règlement permet au président de séance de procéder directement à un scrutin public ordinaire sans procéder au vote par assis et levé lorsque la première épreuve à main levée est déclarée douteuse. Il ne dispose toutefois pas de cette possibilité pour clore une phase de discussion. L’article 57 dispose en effet que le vote par scrutin public ne peut être demandé pour statuer sur la demande de clôture d’une phase de discussion ; seul le vote par assis et levé permet alors de lever un doute. Il en va de même en matière de peines disciplinaires : l’article 72 prévoit ainsi que la censure simple et la censure avec exclusion temporaire, qui sont prononcées à l’encontre d’un député par l’Assemblée sur proposition du bureau, le sont par assis et levé.

En pratique, le recours au scrutin public ordinaire est généralement privilégié en cas de doute sur le résultat d’un vote à main levée, sauf dans les deux cas où le Règlement ne prévoit pas d’alternative au vote par assis et levé.

Ainsi, l’application stricte ou sans discernement du Règlement de l’Assemblée peut priver de la possibilité de participer à un scrutin les personnes qui se trouvent dans l’incapacité de se lever. Cette situation n’a rien de théorique : le 28 mai dernier, lorsque l’Assemblée a dû se prononcer sur la censure avec exclusion temporaire d’un député, j’étais présent dans l’hémicycle mais n’ai pas pu prendre part au scrutin. De façon assez absurde, je n’ai pas non plus pu voter à deux reprises lors de l’élection de la présidente de l’Assemblée le 18 juillet dernier, parce que l’on refusait de descendre l’urne située en haut des escaliers.

Cette proposition de résolution est l’occasion de reconnaître que la rigidité des normes qui régissent notre fonctionnement est excluante, empêchante, et que nous devons y mettre fin.

Afin d’y remédier, l’article unique de la proposition de résolution supprime, aux quatre articles du Règlement que je viens d’évoquer, les modalités de vote par assis et levé. Plus précisément, il prévoit que dans les cas de droit commun, si un scrutin à main levée est déclaré douteux, il est directement procédé à un scrutin public ordinaire. Il prévoit la même chose pour la clôture d’une phase de discussion. Pour les sanctions disciplinaires que sont la censure simple et la censure avec exclusion temporaire, le vote à main levée devient la modalité de vote de droit commun, à la place du vote par assis et levé.

Je tiens à remercier la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, d’avoir signé avec moi cette proposition de résolution. Le vingtième anniversaire de la loi du 11 février 2025 est l’occasion pour notre Assemblée de montrer l’exemple en allant vers des modalités de prise de décision moins excluantes. Je forme le vœu que ce texte puisse inspirer nos collègues sénateurs à l’occasion de l’examen en séance publique, le 8 avril prochain, de la proposition de résolution tendant à renforcer les moyens de contrôle des sénateurs, conforter les droits des groupes politiques, et portant diverses mesures de clarification et de simplification, qui vise à modifier le Règlement du Sénat.

Mme Pascale Bordes, présidente. Je vous remercie, monsieur le rapporteur, d’avoir fait état des rigidités encore présentes dans notre Règlement et des situations d’exclusion auxquelles il convient de remédier.

Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Emeric Salmon (RN). Merci de m’accueillir dans votre commission.

J’espère que cette proposition de résolution recueillera l’unanimité des voix. La prise en compte de la situation de handicap est en effet indispensable et l’Assemblée nationale ne doit pas échapper à cette obligation. Comme vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur, des efforts ont été faits depuis juin 2022 : une place a été aménagée pour vous et des boutons de vote en braille ont été installés pour notre collègue José Beaurain, qui bénéficie également d’une tolérance s’agissant de son temps de parole, puisqu’il lit en braille. Ce sont des sujets auxquels l’ensemble de la représentation nationale doit toujours rester sensible et j’espère que la proposition de résolution ne fera pas débat.

Ne serait-il pas possible d’introduire, à l’article 12 du Règlement ou après cet article, la possibilité pour le bureau, lors de sa constitution, de prendre toute disposition visant à tenir compte d’un handicap quel qu’il soit, sans qu’il soit nécessaire de modifier à nouveau le Règlement pour cela ni de faire la liste de tous les handicaps ? Cela permettrait à tout député d’exercer son rôle quel que soit son éventuel handicap.

Je vous remercie pour votre proposition, monsieur le rapporteur, à laquelle notre groupe est évidemment favorable.

M. Jean Terlier (EPR). Cette proposition de résolution bienvenue met en lumière la contradiction à laquelle nous avons été confrontés durant les Jeux paralympiques : alors que nous glorifiions nos athlètes, nous constations malheureusement la persistance des problèmes d’accessibilité dont souffrent les personnes en situation de handicap. Il faut avouer qu’en dépit d’évolutions constantes, l’Assemblée nationale n’est pas encore tout à fait à la hauteur de l’idéal d’égalité que nous avons gravé au fronton de la République. Nous sommes toutes et tous concernés. C’est pourquoi je vous remercie, monsieur le rapporteur, de nous donner l’occasion de faire évoluer le Règlement de notre assemblée.

La date est bien choisie : nous fêtons non seulement les vingt ans de la loi sur le handicap du 11 février 2005, mais aussi les cinquante ans d’un texte fondateur, la loi d’orientation du 30 juin 1975 en faveur des personnes handicapées. Le handicap concerne 12 millions de Françaises et de Français et leurs 8 millions d’aidants. Il nous faut donc avancer point par point, faire l’économie des discours convenus et lever chacune des barrières qui, au quotidien, empêchent encore des personnes en situation de handicap d’accéder à leurs droits et de participer pleinement à la vie de la société.

Le droit à la compensation du handicap est le premier droit des personnes handicapées ; il est inscrit dans notre corpus juridique. Le groupe Ensemble pour la République votera sans réserve en faveur de cette proposition de résolution, qui supprime le vote par assis et levé pour lui substituer un autre mode de votation lorsque cela n’est pas déjà prévu par le Règlement. Il est bienvenu que notre assemblée montre l’exemple ; c’est un pas de plus vers une société plus inclusive et solidaire.

M. Thomas Portes (LFI-NFP). « Les hommes naissent […] libres et égaux en droits » : c’est ce qu’affirme l’article 1er de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Pourtant, nombre de nos concitoyennes et de nos concitoyens sont encore exclus de cet universalisme républicain. Alors que près de 15 millions de Français se déclarent concernés par le handicap, celui-ci reste en tête des motifs de réclamation pour discrimination auprès de la Défenseure des droits.

Nous avons fêté le 11 février dernier le vingtième anniversaire de la loi de 2005, dont l’objectif essentiel était de favoriser l’accès à l’autonomie des personnes en situation de handicap ; or nous ne pouvons que constater que l’on est encore loin du compte. Alors que les textes internationaux nous rappellent que le handicap n’est pas une caractéristique individuelle mais qu’il est provoqué par l’inadaptation de l’environnement, notre société continue d’exclure les citoyens vivant avec un handicap. Des lois sont venues affaiblir les ambitions de 2005, comme la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite « loi Elan », qui a réduit à 20 % seulement le quota de logements neufs accessibles. Les sanctions à l’encontre des établissements qui ne remplissent pas leurs obligations sont insuffisantes : plus de la moitié des bâtiments restent inaccessibles. La prochaine revalorisation de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) ne permettra toujours pas d’atteindre le niveau du seuil de pauvreté.

Rappelons enfin que l’accès à la citoyenneté passe par une éducation de qualité. Or la précarité entretenue des accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) ne permet pas de rendre l’école publique réellement accessible. Un chiffre doit particulièrement nous alerter : une personne en situation de handicap sur trois n’est pas inscrite sur les listes électorales. Toutes les associations s’accordent à dire et à répéter qu’il n’adviendra jamais de société pleinement inclusive si nous ne faisons pas preuve de volontarisme politique.

Notre collègue Sébastien Peytavie nous propose une mesure simple. Elle consiste à supprimer de notre Règlement le vote par assis et levé qui, de fait, exclut toute personne n’ayant pas la capacité de se lever. C’est une proposition tellement simple que l’on est en droit de se demander pourquoi il aura fallu attendre 2025 pour en discuter et la voter. Certes utile, elle revêt aussi un caractère symbolique. Or, pour aboutir à une société réellement inclusive, nous ne pourrons pas nous contenter de symboles.

Nous voterons évidemment en faveur de cette proposition. Nous espérons cependant qu’elle ne sera pas le gage de bonne conscience qui invisibilisera les mesures restant à prendre : celles-ci sont indispensables pour bannir la ségrégation sociale à l’égard des personnes en situation de handicap, encore trop fréquente. Nous y veillerons.

Mme Marie-José Allemand (SOC). Le groupe Socialistes et apparentés soutient bien entendu cette proposition de résolution.

La loi du 11 février 2005 avait une grande ambition : ériger en principe l’égalité des droits et l’accessibilité à la vie citoyenne des personnes en situation de handicap. Vingt ans après, malgré des avancées incontestables et significatives, de nombreux obstacles subsistent. Au quotidien, dans bien des situations, l’accessibilité et l’inclusion des personnes en situation de handicap reste entravée. Quelques chiffres suffisent à s’en convaincre. L’objectif de 100 % de logements adaptés au handicap dans les constructions collectives neuves a été réduit à 20 % en 2018. Au sein des 112 000 entreprises assujetties à l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés, ceux-ci représentent 3,6 % des effectifs, loin des 6 % imposés par la loi de 2005. L’inclusion scolaire a certes progressé, avec 470 000 élèves en situation de handicap accueillis en milieu ordinaire en 2024 – deux fois plus qu’il y a dix ans –, mais leurs conditions d’accueil restent très insatisfaisantes, du fait, notamment, des pénuries de personnel accompagnant. Vingt ans après, le handicap demeure vecteur d’inégalités et un long chemin reste à parcourir.

L’Assemblée nationale n’échappe pas à ces retards et certaines de nos règles ne sont plus adaptées. La suppression du vote par assis et levé relève du symbole, mais il y a des symboles qui comptent. Je crois nécessaire que l’Assemblée montre l’exemple en garantissant des modalités de vote qui n’excluent aucun de ses membres.

Je souhaite remercier notre collègue Sébastien Peytavie, qui, depuis son élection en juin 2022, a mis en lumière à plusieurs reprises le manque d’accessibilité de notre institution, nous forçant à prendre conscience du chemin qu’il reste à parcourir pour assurer la pleine égalité des personnes en situation de handicap.

La proposition de résolution contribue à cet objectif ; c’est pourquoi le groupe Socialistes et apparentés la soutiendra et la votera sans réserve.

Nous souhaitons aussi que l’Assemblée poursuive ce travail en faisant évoluer d’autres règles peu inclusives. Il serait par exemple souhaitable de modifier le vote à la tribune de l’hémicycle, auquel il est recouru notamment pour l’élection de notre président, afin que chaque député puisse déposer lui-même son bulletin dans l’urne.

M. Olivier Marleix (DR). Pour des yeux extérieurs, cette modification du Règlement de l’Assemblée n’est peut-être pas le Grand Soir. Pourtant, les exemples édifiants que vous avez donnés, monsieur le rapporteur, montrent que la suppression du vote par assis et levé – une initiative dont je ne sais pas si elle émane de la présidente de l’Assemblée ou de vous-même – est une mesure non seulement hautement symbolique, mais aussi pratique. Elle contribuera à lutter contre l’une des discriminations ordinaires qui persistent dans notre pays et nous empêchent de construire la société véritablement inclusive que nous devons aux personnes atteintes d’un handicap.

On peut regretter le décalage entre la puissance normative, y compris celle de la loi de 2005, et le manque de bon sens, de discernement et de simplicité dont on fait preuve lorsqu’il s’agit de trouver des solutions favorisant l’inclusion. Je ne peux m’empêcher de penser aux commerces que l’on a préféré condamner à la fermeture plutôt que de trouver des solutions dérogatoires. Notre société a d’abord besoin de plus d’humain. La preuve : dans ce temple de la démocratie où a été votée la loi de 2005, on avait oublié des évidences et l’on pratiquait des discriminations ordinaires.

Je vous remercie, monsieur le rapporteur, pour cette avancée utile.

M. Pouria Amirshahi (EcoS). Je tiens moi aussi à remercier notre collègue Sébastien Peytavie pour sa proposition de résolution. Ne pouvant mieux que lui décrire les difficultés et les obstacles que rencontrent à l’Assemblée nationale les personnes en situation de handicap, j’étendrai le propos à la problématique générale des discriminations auxquelles elles sont confrontées.

Que nous soyons encore en train d’en débattre en 2025 montre le chemin qu’il reste à parcourir. Au fond, l’enjeu est de reconnaître et d’admettre l’existence sociale des personnes en situation de handicap. Le fait qu’en ce temple de la République, l’égalité des droits ne soit pas complète est révélateur. Le système de vote par assis et levé révèle que tout est pensé par les valides, qui seraient les seuls à même de prendre des décisions.

La loi de 2005 avait suscité beaucoup d’espoirs, mais a entraîné de nombreuses déceptions, notamment parce que certaines promesses n’ont pas été tenues. Même à Paris, une capitale qui devrait être à la pointe de l’accessibilité et de l’inclusion, le constat est accablant : obstacles partout, transports inadaptés, voirie impraticable, bâtiments publics difficilement accessibles. Et je n’évoque que ce qui concerne le handicap physique, alors qu’il y aurait beaucoup à dire sur le handicap mental. Trop souvent, c’est aux personnes en situation de handicap de contourner les obstacles, de quémander un accès, un droit, une place. C’est inadmissible, car l’égalité, ce n’est pas leur demander de faire des efforts supplémentaires ni d’accepter une injustice comme une fatalité ; c’est reconnaître qu’elles ont les mêmes droits et donc adapter nos règles, nos infrastructures et nos façons de penser afin qu’elles ne soient plus invisibilisées.

Le handicap est depuis plusieurs années le premier motif de saisine du Défenseur des droits en matière de discriminations ; selon son rapport annuel d’activité, il a ainsi représenté 21 % des saisines en 2023. Ce chiffre à lui seul est le reflet des obstacles qui entravent encore aujourd’hui le quotidien des personnes en situation de handicap pour accéder aux services publics, suivre une scolarité dans des conditions dignes ou simplement exercer une activité professionnelle. Refuser cette évidence, c’est perpétuer un système dans lequel certaines et certains doivent lutter pour obtenir ce qui est accordé aux autres naturellement. C’est nier le fait que nous sommes toutes et tous concernés aujourd’hui et demain, et ne pas prendre en compte les milliers de proches aidants familiaux. Pourtant, combien doivent encore se battre ? Combien sont encore empêchés d’accéder aux droits fondamentaux ? Combien même sont exclus des débats qui les concernent ? Cette proposition de résolution aurait-elle jamais vu le jour si elle n’avait été défendue par Sébastien Peytavie, lui-même en fauteuil ?

Comme le dit avec justesse l’athlète de tennis fauteuil et militante Pauline Déroulède : « Sauver des vies, c’est permis ! » Devenue paraplégique après un accident en 2018, elle incarne le combat quotidien contre les barrières invisibles. Il ne s’agit pas simplement de survivre, mais de vivre pleinement sans que des obstacles entravent ce droit fondamental. L’inclusion n’est pas un privilège accordé sous conditions, mais un droit garanti à toutes et à tous. Pour bâtir une société pleinement inclusive, il est essentiel de repenser nos institutions, nos lois, nos politiques, et d’éliminer les obstacles à l’égalité. La République, en effet, c’est l’égalité, ou ce n’est pas la République.

Nous voterons donc pour cette proposition de résolution.

Mme Anne Bergantz (Dem). Le Règlement de l’Assemblée nationale obéit à un principe clair : fixer un cadre qui garantisse à chaque député la possibilité d’exercer pleinement son mandat. Or la proposition de résolution que nous examinons met en lumière une limite à ce principe. Vingt ans après l’adoption de la loi de 2005, nous prenons tardivement conscience du fait que subordonner le pouvoir de vote d’un parlementaire à sa capacité à se lever peut se révéler discriminatoire. Comment justifier que des membres de notre assemblée soient exclus en raison d’une situation de handicap de l’une des modalités de délibération inscrites dans notre Règlement ?

En 2019, plus d’un million de Français utilisaient régulièrement un fauteuil roulant – un chiffre loin de résumer le sujet du handicap. Disons-le avec force : être en situation de handicap ne doit jamais devenir une entrave à la participation citoyenne ni à la possibilité de s’exprimer et de délibérer, à plus forte raison ici, à l’Assemblée nationale. C’est pourquoi cette proposition de résolution, même si sa portée peut sembler symbolique, revêt une grande importance.

Nous devons acter le fait que notre société progresse en matière de reconnaissance des situations de handicap et donner l’exemple dans notre institution en supprimant le vote par assis et levé. Cela n’entravera ni le fonctionnement de notre assemblée ni la fluidité de nos débats, car cette procédure pourra aisément être remplacée par le recours au scrutin public ordinaire.

Pour toutes ces raisons, le groupe Les Démocrates soutiendra évidemment la révision du Règlement proposée et votera pour cette proposition de résolution.

Mme Naïma Moutchou (HOR). L’Assemblée nationale légifère souvent sur l’égalité des droits, mais elle n’est pas toujours à la hauteur de ses propres principes. C’est un fait, il faut l’assumer ; l’usage du vote par assis et levé en est une illustration. Depuis vingt ans, nous affirmons vouloir rendre la société accessible à tous, mais, dans les faits, cet objectif est encore loin d’être atteint. L’accessibilité reste un parcours d’obstacles parfois visibles, souvent insidieux. Combien d’enfants en situation de handicap commencent encore l’année scolaire sans accompagnant ? Combien de nos concitoyens renoncent encore à un emploi faute de pouvoir accéder à leur lieu de travail ? Combien se heurtent à des bâtiments inadaptés ou à des transports impraticables ?

Dans l’hémicycle, nous avons laissé perdurer une pratique qui, dans les faits, exclut des députés du processus parlementaire. Le vote par assis et levé leur impose soit de solliciter une exception, soit de renoncer à leur droit de vote. Mais une démocratie où l’on doit demander l’égalité n’est pas une démocratie exemplaire. On nous dira que c’est un détail, que l’Assemblée nationale a toujours fonctionné de cette manière, mais l’argument de l’habitude est l’ennemi du progrès. À chaque fois qu’une règle empêche la pleine participation d’un député, elle doit être changée. Quand il s’agit d’égalité, la question n’est pas de savoir si nous avons toujours fait ainsi mais si nous faisons bien. Supprimer le vote par assis et levé, ce n’est pas seulement corriger une imperfection, c’est réparer une anomalie. C’est refuser qu’un député soit réduit à son handicap dans l’exercice de son mandat, et c’est aussi adresser un message clair : l’inclusion ne se proclame pas, elle s’applique.

Notre collègue Sébastien Peytavie nous le rappelle avec force à chacune de ses prises de parole. Par sa présence et par son engagement, il nous oblige à regarder en face les contradictions de notre propre institution. Il mène ce combat avec une détermination qui force le respect et qui ne nous laisse pas indifférents. Je le remercie et salue son action, qui mérite notre reconnaissance.

Le groupe Horizons & indépendants votera évidemment en faveur de cette proposition de résolution – une avancée essentielle –, parce qu’un droit ne se quémande pas et parce que l’égalité ne doit jamais être une concession.

Mme Émeline K/Bidi (GDR). La modification du Règlement de l’Assemblée que la présente proposition de résolution tend à opérer relève de l’évidence. Pourtant, il a fallu attendre 2025 pour que nous pensions à l’adopter, peut-être parce que notre assemblée n’est pas si représentative de la nation – elle n’est pas paritaire et ne reflète pas la diversité des communautés, ni des cultes. Notre assemblée est imparfaite, mais nous pouvons la changer. Par ce texte, monsieur le rapporteur, vous nous donnez les moyens de le faire rapidement – plutôt rapidement, si l’on considère que vous êtes élu depuis 2022. En France, quelque 600 000 personnes sont équipées d’un fauteuil roulant ; vous êtes le premier député dans ce cas. Les membres du groupe GDR voteront ce texte qui fait du bien.

Il nous oblige aussi à réfléchir à d’autres difficultés. Je pense à Mme Karine Lebon, députée d’outre-mer : lorsqu’elle était enceinte, ne pouvant prendre l’avion, elle devait demander à être placée en arrêt maladie pour avoir le droit de voter par procuration ; cela l’obligeait à arrêter également son travail en circonscription, alors que ce n’était pas nécessaire. L’entrée des femmes à l’Assemblée nationale ne date pas, elle, de 2022, mais nous devrons attendre encore quelques mois pour parfaire le toilettage du Règlement.

Mme Pascale Bordes, présidente. S’il en était besoin, l’ensemble des interventions montre combien notre système est perfectible ; les propositions de cette nature contribuent à le bonifier et à nous grandir.

M. Sébastien Peytavie, rapporteur. J’en ai parlé, la mission d’évaluation de la loi du 11 février 2005 est en cours ; en juillet, nous ferons des propositions d’amélioration.

La France a ratifié en 2010 la Convention de l’Organisation des Nations unies (ONU) relative aux droits des personnes handicapées, qui donne une tout autre définition du handicap : au-delà des considérations médicales, celui-ci est provoqué par un environnement inadapté.

Là est le cœur de la question. La loi Elan, par exemple, a remis en débat le besoin d’adapter les logements. À chaque demande d’amélioration de l’accessibilité, on nous oppose le coût. Mais le coût de l’accessibilité, c’est celui du respect des droits. Souvent, aussi, l’argument du patrimoine est avancé, ici comme dans ma circonscription de Dordogne, où se trouve par exemple la ville de Sarlat, pour empêcher des travaux.

Monsieur Marleix, vous avez évoqué le nombre des commerces obligés de fermer parce qu’ils ne s’étaient pas mis aux normes, mais il faudrait lui comparer le nombre de commerces dont les propriétaires ont bénéficié d’une dérogation parce qu’ils sont installés dans un bâtiment ancien, sans réfléchir aux modifications qu’ils pouvaient apporter, à défaut de mettre le bâtiment aux normes – parfois, à cause d’une seule petite marche, des personnes en situation de handicap en sont exclues. Il y a là quelque chose d’intolérable.

Si l’argument du coût peut s’entendre – et encore –, une modification de Règlement comme celle qui nous occupe ne coûte rien. On pourrait dresser la liste des améliorations qui n’ont pas été faites, alors qu’elles ne coûtent rien. En vingt ans, seuls 3 % des sites internet utiles aux Français ont été rendus accessibles. Toutes vos publications sur internet sont-elles accessibles à tous ? Aucune formation n’est dispensée aux nouveaux élus pour s’assurer qu’elles le soient. Combien de permanences de député, combien de sièges de parti politique sont accessibles ? Il ne faut pas nous étonner que si peu d’élus soient en situation de handicap : ainsi se fabrique l’exclusion – voilà où nous en sommes.

Vous l’avez dit, la proposition que je défends est simple et symbolique, mais son adoption enverrait un message fort. Je vous assure que le 18 juillet, quand je n’ai pas pu monter à la tribune pour voter, le message était pathétique. En circonscription, nombreux sont les élus à se désoler que l’endroit où l’on écrit la loi n’ait pas fait l’effort qu’eux-mêmes ont consenti en faveur des bâtiments publics, en particulier les petites mairies.

Le texte que nous examinons nous permet de nous rattraper, mais également de montrer que toutes les institutions peuvent faire de même, gratuitement, simplement en modifiant leur règlement. Les Jeux olympiques et paralympiques (JOP) ont donné l’exemple lors de la diffusion des hymnes, en demandant aux spectateurs de se lever, s’ils le pouvaient : tout le monde peut reprendre cette formule et gagnerait à le faire.

Je vous remercie pour votre soutien et vous invite, dans vos publications, au sein de vos partis, en circonscription, à promouvoir ce message. Les vingt ans de la loi de 2005 nous offrent l’occasion de nous interroger à nouveau sur ce qui fait société, de nous demander si nous voulons laisser de côté 12 millions de personnes – 16 % de la population –, ne pas leur donner accès aux mêmes droits que les autres sous prétexte de coût ou de difficulté.

 

 

Article unique (art. 57, 63, 64 et 72 du règlement de l’Assemblée nationale) : Suppression du vote par assis et levé

La commission adopte l’article unique non modifié.

L’ensemble de la proposition de résolution est ainsi adoptée.

*

*     *

La réunion est suspendue de quinze heures quarante à quinze heures quarante-cinq.

Puis, la Commission examine la proposition de loi créant une dérogation à la participation minimale pour la maîtrise d’ouvrage pour les communes rurales (n° 132)
(M. Jean Moulliere, rapporteur).

M. Jean Moulliere, rapporteur. Je salue M. Dany Wattebled et Mme Marie-Claude Lermytte, élus du Nord, qui ont déposé la présente proposition de loi au Sénat, où, sur le rapport de M. Hussein Bourgi, elle a été adoptée le 24 février 2024.

L’article 76 de la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales (RCT) a encadré la participation financière de plusieurs personnes publiques à un même projet d’investissement – on parle communément de « financements croisés ».

Ceux-ci permettent aux collectivités disposant de faibles ressources financières de lancer des projets d’investissement qu’elles ne seraient pas en mesure de financer seules. Néanmoins, ils présentent des inconvénients : ralentir des projets en multipliant les acteurs ; contribuer à réaliser des ouvrages dont la collectivité gestionnaire ne pourra pas assumer les coûts de fonctionnement ; participer au saupoudrage des financements publics, susceptibles de nuire à la lisibilité de l’action publique ; instaurer une forme de tutelle de fait d’une collectivité sur une autre, maître d’ouvrage mais dispensée de participation financière.

Pour ces raisons, l’article L. 1111-10 du code général des collectivités territoriales, créé par la loi RCT, dispose que toute collectivité territoriale ou tout groupement de collectivités assurant la maîtrise d’ouvrage d’un projet d’investissement devra contribuer à son financement à hauteur d’au moins 20 % des financements publics ; le cumul des subventions publiques est donc limité à 80 % du coût total.

La loi prévoit toutefois que le préfet de département peut accorder des dérogations pour les monuments protégés et, à certaines conditions, pour le patrimoine non protégé, ainsi que pour des projets structurants, comme les ponts et les ouvrages d’art, les équipements pastoraux, la défense extérieure contre l’incendie, les centres de santé, la réparation des dégâts causés par des calamités publiques, la restauration de la biodiversité ou la rénovation énergétique des écoles, des collèges et des lycées. La loi prévoit également un taux minimal de participation réduit pour certains projets en Corse et une exemption générale en outre-mer.

Néanmoins, une participation minimale de 20 % reste disproportionnée pour certaines petites communes rurales. Les dérogations sont très peu appliquées. J’ai auditionné la direction générale des collectivités locales (DGCL) : en 2022, seules quelques dizaines de projets en ont bénéficié. En effet, leur existence est trop peu connue, notamment des élus locaux ; les motifs d’octroi ou de refus ne sont pas explicités et ils semblent ne pas être partout les mêmes ; les dossiers sont complexes, tandis que les communes rurales ne disposent que d’une faible ingénierie financière. Ces difficultés conduisent parfois les communes à différer leurs projets d’investissement, voire à y renoncer, ce qui peut engendrer des coûts supplémentaires par la suite, notamment dans le cas de la rénovation du patrimoine ou des routes et des ponts – on parle dans ce dernier cas de « dette grise ».

La présente proposition de loi vise à remédier à ces difficultés. Dans sa version initiale, l’article unique exemptait toutes les communes rurales d’une participation minimale au financement des projets dont elles assurent la maîtrise d’ouvrage. Il est apparu que ce n’était pas la meilleure solution : d’une part, une exemption totale risque d’ôter aux communes la responsabilité de leurs propres projets ; d’autre part, un financement minimal est nécessaire pour s’assurer que la commune pourra par la suite financer les éventuels frais de fonctionnement.

La commission des lois du Sénat a donc modifié le texte pour abaisser à 5 % le taux de financement minimal ; elle a également restreint le bénéfice du dispositif aux seules communes de moins de 2 000 habitants.

Lors de l’examen en séance publique, le Sénat a limité cette dérogation aux projets les plus structurants pour les communes concernées, à savoir ceux concernant les rénovations patrimoniales et énergétiques, l’eau potable et l’assainissement, la protection contre les incendies, la voirie, les ponts et les ouvrages d’art. Il s’agit de projets qui n’entraîneront que peu de frais de fonctionnement, voire pas du tout ; la rénovation énergétique des bâtiments permettra même de les réduire.

Par ailleurs, le Sénat a encore réduit le périmètre des communes rurales éligibles, afin de cibler celles qui en ont le plus besoin – soit celles dont le potentiel financier par habitant est inférieur à deux fois le potentiel financier moyen par habitant des communes de moins de 2 000 habitants.

Ce dispositif est équilibré. Je vous propose donc d’adopter conforme la proposition de loi pour qu’elle entre rapidement en vigueur dans l’intérêt des communes rurales. La modifier risquerait de retarder son adoption définitive : au Sénat, le groupe Les Indépendants-République et Territoires, auquel appartiennent ses auteurs, ne pourront plus inscrire de texte à l’ordre du jour pendant cette session.

Mme Pascale Bordes, présidente. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Frédéric-Pierre Vos (RN). En abaissant le seuil de participation des collectivités, la présente proposition de loi répond à une nécessité. La participation minimale de 20 % en vigueur fait supporter directement une partie de l’investissement aux collectivités maîtres d’ouvrage sans recours possible aux financements croisés et aux subventions. Le seuil n’est toutefois pas adapté aux petites communes rurales, qui n’ont pas les moyens de l’autonomie que le dispositif est censé favoriser. Après une décennie de diminutions des ressources propres, décidées par les gouvernements qui se sont succédé, les communes peuvent à peine financer les services quotidiens – pour les plus petites, l’électricité est devenue une charge majeure. Dans ces conditions, les chantiers essentiels prennent un retard considérable. Quant aux dérogations, elles sont insuffisantes. Selon la DGCL, pour 22 000 projets d’investissement engagés en 2022, une centaine seulement aura été accordée.

Ce texte permet donc de faire un pas dans la bonne direction pour que les communes rurales bénéficient d’un soutien conforme à leurs capacités financières réelles. Plus qu’ailleurs, les élus locaux y sont les relais de l’action publique dont tous les Français sont en droit d’attendre qu’elle ne les abandonne pas. Le reste à charge de 5 % est justifié : il préserve la responsabilité des conseils municipaux dans le choix des projets à financer – quand il restera de l’argent pour le faire.

La présente proposition de loi recevra les suffrages des membres du groupe Rassemblement national.

M. Jean Terlier (EPR). Ce texte vise à remédier à un problème que nous connaissons tous : malgré les dispositifs de soutien, de nombreuses communes rurales peinent à financer leurs projets.

Face au recours excessif aux financements croisés, la loi RCT a instauré en 2010 une participation minimale obligatoire, que la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (Maptam) a augmentée en 2014, afin de responsabiliser les collectivités territoriales. Il s’agissait de rendre l’action publique plus lisible, tout en réglant les problèmes de transparence, de complexification administrative et de dépendance aux financements extérieurs.

Cependant, cette exigence a créé des difficultés majeures pour les communes les plus modestes : trop souvent, faute de moyens, elles renoncent à des projets essentiels pour leur développement et la qualité de vie de leurs habitants. Pour assurer l’équité territoriale, il faut reconnaître que toutes les collectivités n’ont pas les mêmes capacités financières et adapter les règles en conséquence. Des dérogations existent, notamment en outre-mer, ou lorsque le préfet de département estime que la participation minimale du maître d’ouvrage est disproportionnée au regard de sa capacité financière.

Le texte offre aux territoires ruraux une souplesse adaptée. L’allégement de la participation obligatoire ne concernera que certains projets prioritaires. Ces ajustements sont nécessaires pour garantir que les communes rurales bénéficient d’investissements structurants. La participation des collectivités est essentielle, mais il faut l’ajuster aux réalités locales.

Les membres du groupe Ensemble pour la République voteront donc pour cette proposition de loi pragmatique.

M. Christophe Bex (LFI-NFP). Merci de m’accueillir dans votre commission.

Nous saluons ce texte, qui concerne 86 % des communes : celles comptant moins de 2 000 habitants. Dans une France où tous les regards sont fixés sur Paris, où la métropolisation aspire toutes les activités, où les grandes régions invisibilisent les départements, il nous offre une belle occasion de parler de ces 30 000 communes. Au cœur de la vie locale, elles assurent des services publics indispensables.

Pour elles surtout, le taux minimal de 20 % constitue une barrière insurmontable. En effet, elles sont prises dans un étau financier, entre la raréfaction de leurs ressources, conséquence de la suppression de la taxe professionnelle puis de la taxe d’habitation, et la forte hausse des dépenses, d’énergie et de fonctionnement en particulier. Le constat est sans appel : en 2022, seuls 0,45 % des projets ont bénéficié d’une dérogation. Cela montre la rigidité du système, la méconnaissance du dispositif et la complexité des démarches, notamment pour les communes qui ne disposent pas de l’ingénierie pour en faire la demande.

La présente proposition de loi constitue donc une avancée. Toutefois, nous regrettons les modifications apportées au texte initial, qui prévoyait une exonération totale, sans restriction ni périmètre financier. Les collectivités territoriales consentent 64 % de l’investissement public : sans elles, pas de rénovation des bâtiments publics, à l’origine de 76 % de la consommation énergétique des communes rurales et de près de 27 % des émissions de gaz à effet de serre – donc pas de transition énergétique. Il est urgent de leur donner les moyens d’agir.

Nous défendons la nécessité de diminuer encore le reste à charge des communes concernées, afin qu’aucun projet ne soit laissé de côté faute de financement. Nous nous opposons à la baisse des dotations, qui doivent être à la hauteur des missions transférées aux collectivités ; nous soutenons l’indexation de la dotation globale de fonctionnement (DGF) sur l’inflation et le rétablissement graduel de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), dont la suppression, voulue par le Président de la République, est une cause majeure de la situation budgétaire catastrophique des collectivités territoriales et du pays en général.

En fonction du sort réservé aux amendements, nous appellerons ou non à l’adoption de cette proposition de loi, afin de garantir la justice territoriale et de permettre aux communes rurales de continuer à jouer pleinement leur rôle au service des citoyennes et des citoyens.

Mme Marie-José Allemand (SOC). Nous sommes régulièrement interpellés au sujet des difficultés que rencontrent les élus locaux pour mener à bien les projets d’investissement dont leurs communes ont besoin. Les communes rurales en particulier, dont les budgets sont plus resserrés, souffrent de cette situation. Cela s’explique par la contraction des ressources financières des collectivités ainsi que par l’introduction, avec la loi RCT, de règles trop rigides. Le reste à charge, disproportionné pour de nombreuses communes rurales, les contraint à renoncer. Des dérogations peuvent être accordées au cas par cas dans certains domaines précis ; néanmoins, elles ne suffisent pas à résoudre les difficultés, d’autant que leur attribution est discrétionnaire, qu’elles sont largement sous-utilisées et qu’elles ne concernent qu’un nombre restreint de projets : les travaux de voirie et de rénovation énergétique des bâtiments publics sont exclus de leur bénéfice, alors qu’ils constituent une part importante des travaux d’investissement.

La présente proposition de loi vise à résoudre ces difficultés. Lors de son examen en première lecture, le Sénat a jugé utile de conserver un reste à charge minimal de 5 % afin de responsabiliser les collectivités quant au choix des investissements. II a également fait le choix de réserver le dispositif aux communes de moins de 2 000 habitants qui connaissent les difficultés financières les plus grandes et à une liste de projets, comme les travaux de voirie, de rénovation énergétique et les investissements relatifs à l’eau potable et à l’assainissement.

Même si ce texte ne remédiera pas à toutes les difficultés financières des communes rurales, les membres du groupe Socialistes et apparentés y souscrivent. Nous défendons une adoption conforme, afin qu’il soit rapidement adopté.

Mme Émilie Bonnivard (DR). La présente proposition de loi vise à soutenir les petites communes rurales, dont les ressources financières sont limitées, en réduisant le reste à charge pour les projets d’investissement. Dans ma circonscription, j’ai été témoin à plusieurs reprises de l’abandon de projets pourtant fondamentaux en matière d’aménagement du territoire, comme ceux qui concernent l’eau et l’assainissement ou la protection contre les incendies. Ainsi, la commune du Pontet, en Savoie, a dû renoncer à la rénovation énergétique de la mairie faute de pouvoir en financer 20 % – c’était le seul projet du mandat. Petit à petit, les bâtiments publics et le patrimoine, religieux en particulier, des territoires ruraux se détériorent. Le service public se dégrade ; ce texte tend à rétablir un équilibre, pour que l’État accompagne équitablement les communes et les citoyens, en fonction de leurs besoins et de leurs moyens : il est bienvenu.

Lors des précédentes réformes, je me suis beaucoup battue pour les dérogations. Je suis élue d’un territoire de montagne qui fait l’objet d’une prédation forte. En raison du retour imposé du loup, on a demandé aux communes de financer des abris de berger alors qu’elles n’en avaient pas les moyens. La dérogation dans ce domaine a le mérite d’exister, ce qui nous a permis d’avancer, mais ce n’est pas suffisant.

Nous voterons cette proposition de loi.

M. Emmanuel Duplessy (EcoS). Cette proposition de loi est bienvenue, car elle rend automatique une dérogation que les préfets de département n’attribuaient qu’au cas par cas, s’agissant notamment de la rénovation des monuments protégés, de la réparation des dégâts causés par les calamités naturelles, des opérations relatives au patrimoine non protégé, des ponts et des ouvrages d’art, des équipements pastoraux, etc. Les dérogations restaient assez rarement demandées soit parce que les communes rurales n’en connaissaient pas l’existence, soit parce qu’elles n’en faisaient pas une priorité, la complexité administrative étant déjà ce qu’elle est.

Les élus locaux nous font régulièrement part de leurs difficultés à lancer des projets d’investissement pourtant indispensables. C’est particulièrement le cas des communes rurales qui, malgré leurs budgets contraints, ont besoin, comme les plus grandes, d’équipements et d’aménagements. La raréfaction des ressources fiscales et financières ainsi que la complexification des dispositifs rendent les finances locales de plus en plus imprévisibles et illisibles, ce qui entrave la capacité des élus à piloter leur budget et à programmer des investissements. Trois ressources fiscales ont disparu en quinze ans : la taxe professionnelle, la taxe d’habitation et la CVAE. Cette perte d’autonomie fiscale met à mal la libre administration des collectivités.

Outre ces aspects financiers, les communes rencontrent des obstacles en matière d’ingénierie : sans personnel technique capable de concrétiser les projets et sans aide extérieure, il leur est difficile de mener à bien des investissements pertinents. À cet égard, il est aussi nécessaire de pérenniser des ressources telles que la DGF : comment investir dans un équipement qu’on n’a pas les moyens de faire fonctionner, ni d’entretenir ?

L’autonomie financière des collectivités voudrait, selon l’adage, que « qui paie décide ». Est-il normal que les collectivités territoriales aient besoin de l’argent des autres pour exercer leurs compétences souveraines et assumer des missions aussi importantes que la protection contre les catastrophes naturelles ? La multiplication des fonds à tous les échelons – préfecture, département, région, intercommunalité – conduit à nous interroger sur leur autonomie financière réelle. Quand une commune voit un de ses projets intégralement financé par des subventions publiques, on peut se demander si elle a décidé de son opportunité et de sa mise en œuvre.

Pour finir, je déplore qu’une large part des amendements déposés sur ce texte aient été jugés irrecevables, alors qu’ils portaient sur le périmètre des dérogations et la taille des communes concernées. J’espère que nous aurons ce débat en séance.

M. Éric Martineau (Dem). La proposition de loi vise à favoriser l’investissement des communes rurales, qui sont pénalisées par les règles en vigueur. Il s’agissait, dans sa rédaction initiale, de les exonérer de l’obligation de participation minimale aux opérations dont elles assurent la maîtrise d’ouvrage, sur le modèle de l’exonération intégrale et permanente dont bénéficient déjà les collectivités ultramarines. Les lois RCT et Maptam limitent les cumuls de subventions et les financements croisés : toute collectivité maîtresse d’ouvrage d’une opération d’investissement doit assurer une participation minimale de 20 % à son financement ; ce seuil est porté à 30 % pour les collectivités cheffes de file, dont le taux de participation est également apprécié au regard des financements apportés par des personnes publiques.

Cette règle paraît disproportionnée pour les communes rurales, qui ont des budgets très contraints et ne peuvent, en conséquence, lancer les projets dont elles ont besoin. Des dérogations sont certes accordées au cas par cas par les préfets de département – notamment pour la rénovation des monuments protégés, les opérations relatives au patrimoine non protégé, les ponts et les ouvrages d’art, les équipements pastoraux, la défense extérieure contre les incendies ou encore la construction, la reconstruction, l’extension et la réparation des centres de santé –, mais elles restent rares. Elles sont méconnues, complexes à obtenir, et leur champ est trop restreint – il n’inclut pas les projets touchant à la voirie, par exemple, dont le reste à charge atteint parfois 70 % à 80 % du montant total. Au-delà des freins que constituent la complexité administrative et la lourdeur des dossiers de dérogation, nombre de communes peinent à accéder à l’ingénierie. Elles sont alors contraintes de différer certains projets d’équipement, voire d’y renoncer.

La commission des lois du Sénat a remplacé l’exonération des communes rurales de l’obligation de participation minimale, prévue initialement, par une participation minimale de 5 %, et circonscrit la mesure aux communes de moins de 2 000 habitants. Les sénateurs ont ajouté un critère en séance publique : les communes concernées doivent également avoir un potentiel financier par habitant deux fois plus faible que celui des autres communes de taille similaire. Enfin, seuls sont visés les projets les plus structurants.

Malgré ces changements, la proposition de loi nous semble aller dans le bon sens, car elle offre aux communes rurales des solutions pour conduire plus facilement leurs projets. Il est important de leur donner les moyens de réaliser les investissements dont elles ont besoin, qui participent à leur dynamisme économique, social et culturel. C’est pourquoi le groupe Les Démocrates soutiendra la proposition de loi.

M. Jean-Michel Brard (HOR). En 2010, le législateur a choisi d’encadrer le cumul de subventions par les collectivités territoriales. Il a ainsi consacré le principe de participation minimale des collectivités et de leurs établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre au financement des projets dont ils assurent la maîtrise d’ouvrage. Cette participation a été fixée à 20 % du montant total des financements apportés par des personnes publiques.

Ces mesures ont porté leurs fruits, puisqu’elles ont limité la pratique des financements croisés, qui présente plusieurs inconvénients : une faible transparence de l’action publique ; la multiplication des acteurs mobilisés et, par conséquent, l’allongement des délais de réalisation des opérations ; la maîtrise insuffisante de la dépense publique ; la déresponsabilisation des collectivités territoriales dans les choix d’investissement. L’initiative du législateur était donc bienvenue ; elle l’est encore davantage dans le contexte budgétaire contraint que nous connaissons.

Toutefois, l’introduction de principes structurants au niveau national n’est jamais sans effet de bord pour certaines collectivités. C’est pourquoi des dérogations ont été prévues. Certaines collectivités d’outre-mer en bénéficient de façon automatique, intégrale et permanente, comme la Guadeloupe, La Réunion, Mayotte ou Saint-Martin ; pour les autres, c’est au cas par cas.

Dix ans d’expérience ont montré que le principe de participation minimale pouvait affecter de manière disproportionnée les communes rurales, souvent en proie à des difficultés budgétaires, qui doivent différer, voire abandonner, des projets d’équipements pourtant indispensables. Trop peu de dérogations leur sont accordées : d’après la DGCL, seule une centaine a été octroyée en 2022 sur 22 000 projets d’investissement lancés.

L’introduction d’une nouvelle dérogation pour les communes rurales est donc pleinement justifiée. Le groupe Horizons & Indépendants salue les travaux engagés par les sénateurs Dany Wattebled et Marie-Claude Lermytte et se réjouit de l’adoption d’amendements recentrant la dérogation sur les communes qui en ont le plus besoin et sur les projets les plus structurants. Nous remercions le rapporteur Jean Moulliere de s’être saisi aussi rapidement de cette proposition de loi, que nous voterons.

M. Paul Molac (LIOT). Les dotations des métropoles étant sans commune mesure avec celles des petites communes, il paraît justifié d’accorder à ces dernières un bonus sous conditions, comme le propose le texte. C’est en quelque sorte une mesure d’aménagement du territoire et de rééquilibrage. Les petites communes peuvent avoir à gérer un patrimoine important, comme des châteaux, des forteresses n’ayant plus d’utilité militaire, ou encore des ouvrages d’art et des routes, peu subventionnés, qui pèsent lourdement sur leur budget.

La proposition de loi semble tout à la fois équilibrée et responsabilisante, puisqu’elle porte la participation minimale des communes rurales de 20 % à 5 %. Le critère du potentiel financier moyen par habitant paraît toutefois trop complexe ; en effet, une commune de 150 habitants a beau être un peu riche, elle ne compte jamais que 150 habitants et ne dispose que de ressources très faibles. Certaines communes dont quelques résidents ont un potentiel fiscal élevé se retrouvent contributrices sans que ce soit véritablement justifié – j’en connais dans ma circonscription. Il me semblerait plus juste de retenir le critère du nombre d’habitants et de se concentrer sur certains types de projets. Le groupe LIOT est néanmoins favorable à la proposition de loi.

M. André Chassaigne (GDR). Je suis très impressionné de siéger de façon éphémère dans votre commission, tout comme je suis impressionné par les interventions fouillées que je viens d’entendre – le compte rendu écrit de nos débats, qui a toute son importance, en témoignera. Permettez-moi une confidence : moi qui ai été conseiller municipal dès 1977 et maire pendant vingt-sept ans, j’ignorais qu’une dérogation permettait de dépasser 80 % d’aide publique dans certaines circonstances. On en apprend toujours !

Comme nombre d’entre vous, j’ai coupé beaucoup de rubans. Depuis quelques années, je ne rencontre plus guère de maires qui bombent le torse, comme nous le faisions autrefois, fiers d’avoir réuni 80 % de subventions publiques. Quand, tels des druides auvergnats ou bretons revêtus de leur robe blanche et de leur cape rouge, ils partent collecter des subventions dans leur panier d’osier, ils reviennent le plus souvent bredouilles ; et quand ils en trouvent suffisamment, la première est déjà périmée et ils doivent reprendre leur parcours du combattant. La dérogation est donc fort utile.

Cette proposition de loi est une belle musique – nous la voterons évidemment –, mais, comme j’aime à le dire, il ne faut pas poéter plus haut que son luth ; en d’autres termes, elle a une portée extrêmement limitée. A-t-elle fait l’objet d’une étude d’impact ? Méfions-nous des lois s’apparentant à des couteaux sans manche qui auraient perdu leur lame ! En l’espèce, combien de communes satisfont aux critères retenus ? Je l’ignore. Je suis donc bien en peine de mesurer la portée du texte, en dépit de ses qualités.

Il reste beaucoup à faire. Un nombre croissant de départements ne peuvent plus apporter aucune aide aux communes, y compris aux plus petites, pour les aider à assumer les compétences qui leur sont assignées ; les projets sont donc bien loin de dépasser les 80 % de subventions publiques.

Mme Sophie Ricourt Vaginay (UDR). Ce texte vise à alléger la contrainte pesant sur les communes rurales en matière de participation financière aux projets dont elles assurent la maîtrise d’ouvrage. Cette mesure de bon sens contribue à redonner aux collectivités des moyens d’agir, au moins financièrement, en respectant le principe de subsidiarité et en affirmant la place centrale des maires, y compris des petites communes, dans la conduite des politiques publiques.

Depuis des années, l’État ne cesse d’étendre son emprise sur la gestion des collectivités territoriales en diminuant leurs marges de manœuvre financières. Trop souvent, les maires sont contraints par des normes tatillonnes, des mécanismes bureaucratiques et une recentralisation rampante qui réduisent leur pouvoir d’action. Il est temps d’inverser la tendance. Nous avons toujours affirmé que les collectivités étaient les mieux placées pour décider de ce qui était bon pour elles. Ce texte va donc dans le bon sens.

Les communes rurales assument des services de proximité indispensables pour nos concitoyens ; elles préservent notre identité territoriale, notre culture et notre art de vivre. Pourtant, elles sont trop souvent délaissées par les politiques publiques, qui privilégient les grands ensembles urbains au détriment de la ruralité. Le texte apporte une réponse pragmatique à cette fracture territoriale. Les communes dont la participation minimale sera ramenée de 20 % à 5 % pourront investir dans des infrastructures essentielles : rénovation d’écoles, mise aux normes d’équipements publics, développement de projets agricoles ou environnementaux, réfection de la voirie… autant de réalisations concrètes qui amélioreront la vie quotidienne de nos concitoyens et renforceront l’attractivité et la compétitivité des territoires.

Contrairement à l’État, qui multiplie les dépenses et accumule les dettes, les maires assurent une gestion rigoureuse de leur budget. La présente réforme est d’autant plus nécessaire que l’État n’a cessé de réduire les dotations des collectivités ces dernières années, tout en leur imposant de nouvelles charges. Cette situation est intenable. Il est urgent d’assouplir les contraintes pour permettre aux communes d’investir, d’innover et de dynamiser leur territoire. En soutenant cette proposition de loi, nous affirmons notre volonté de replacer les communes au cœur de la République. Il est temps de reconnaître que la France ne se résume pas à ses grandes métropoles et qu’elle est avant tout une somme de territoires riches de leur diversité et de leur dynamisme.

M. Jean Moulliere, rapporteur. Je vous remercie pour vos interventions, qui démontrent que nos communes rurales nous rassemblent ; c’est un signal fort pour les élus locaux qui se démènent afin de rassembler un maximum de subventions et qui ne connaissent pas toujours l’existence des mécanismes de dérogation à la participation minimale. Le régime général qu’instaurera ce texte leur simplifiera la vie.

Le critère du potentiel financier par habitant peut paraître technique, voire technocratique, mais, en réalité, il concerne la quasi-totalité des communes de moins de 2 000 habitants : selon la DGCL, 28 500 communes y répondent sur les 29 000 communes de moins de 2 000 habitants. Les 500 communes restantes sont, pour l’essentiel, très touristiques et jouissent d’un potentiel financier élevé.

Certains amendements de La France insoumise, visant notamment à étendre le dispositif aux communes de moins de 5 000 habitants, ont été jugés irrecevables par le président de la commission des finances Éric Coquerel en application de l’article 40 de la Constitution. Les sénateurs me semblent toutefois avoir trouvé un juste équilibre en se concentrant sur les communes de moins de 2 000 habitants, qui sont nombreuses.

Je vous remercie d’être favorables à un vote conforme. Il permettra aux communes de bénéficier de la mesure dès le mois d’avril prochain. Elles n’atteindront certes pas toutes 95 % de subventions publiques, sachant qu’il est déjà difficile d’en obtenir 80 %, mais les quelques points supplémentaires les aideront à réaliser de petits projets : construire un bout de trottoir en plus, aménager le cadre de vie… Comme cela a été souligné, les maires doivent parfois renoncer à des projets de quelques dizaines de milliers d’euros en raison de la règle de participation minimale. Dans ma circonscription du Nord, certaines communes rurales n’ont pas pu profiter du fonds de relance créé par le département à la suite de la pandémie de covid-19, qui accordait à chacune quelque 70 000 euros, car elles ne pouvaient abonder les 20 % restants. La proposition de loi remédiera à ces situations. Il me paraît cependant important de maintenir un reste à charge minimal, en vertu du principe « qui décide paie » ; cela contribuera à responsabiliser les élus dans les projets d’investissement. J’ajoute que les investissements visés concernent plutôt la rénovation que la création d’équipements structurants ; ils n’alourdiront donc pas les coûts de fonctionnement des communes, voir les allégeront en cas de rénovation énergétique des bâtiments.

Enfin, nous allons examiner des amendements émanant de membres du groupe Socialistes et apparentés même si j’ai cru comprendre que le groupe souhaitait un vote conforme et je l’en remercie.

Article unique (article L. 1111-10 du code général des collectivités territoriales) : Abaissement de la participation financière minimale des collectivités territoriales maîtres d’ouvrage pour les communes rurales

Amendements CL8, CL9 et CL10 de Mme Sophie Pantel (discussion commune)

Mme Sophie Pantel (SOC). Merci de m’accueillir dans cette commission.

Cette proposition de loi constitue un premier pas vers la reconnaissance de la spécificité des territoires, en particulier pour les petites communes qui n’ont pas les moyens de contribuer à certains projets. Je regrette toutefois que le Sénat y ait apporté des restrictions. L’investissement des petites communes est essentiel pour l’exercice de leurs missions de service public, mais aussi pour la commande publique qui en découle.

Mes amendements visent à combler certaines carences. Ainsi, il est dommage que les vingt-deux départements hyper-ruraux ou montagnards, où les investissements dits de centralité sont souvent réalisés par des centres-bourgs de plus de 2 000 habitants, soient exclus du dispositif. Je retire cependant mes amendements afin que le texte soit voté conforme et entre en vigueur dès le mois d’avril.

Les amendements sont retirés.

M. Jean Moulliere, rapporteur. Je remercie Mme Pantel pour le retrait de ses amendements. Bien qu’il aille dans le bon sens, ce texte n’est pas la panacée. L’article L. 1111‑10 du code général des collectivités territoriales mériterait d’être toiletté et le code ne donne pas de définition précise des communes hyper-rurales.

La commission adopte l’article unique non modifié.

L’ensemble de la proposition de loi est ainsi adoptée.

La réunion est suspendue de seize heures trente-cinq à seize heures quarante.

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*     *

Puis, la Commission examine la proposition de loi, adoptée par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, visant à assouplir la gestion des compétences « eau » et « assainissement » (n° 466) (M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur).

Mme Pascale Bordes, présidente. La proposition de loi, adoptée par le Sénat le 17 octobre 2024, est très attendue. Inscrit à l’ordre du jour de la commission au mois de décembre, son examen a été ajourné en raison de la censure du gouvernement de Michel Barnier.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Souffrant aujourd’hui d’une extinction de voix, je vais résumer mon propos : ce texte en effet très attendu vise d’abord à restaurer la liberté des communes tout en garantissant le respect des élus et leur responsabilité. Je proposerai également de préserver le pouvoir d’achat des habitants, en supprimant les contrôles systématiques du service public d’assainissement non collectif (Spanc) lorsqu’ils sont inefficaces.

Mme Pascale Bordes, présidente. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Philippe Schreck (RN). La rédaction initiale du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (Notre) ne prévoyait pas de transfert automatique des compétences eau et assainissement aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Des amendements dépourvus d’étude d’impact et n’ayant fait l’objet d’aucune concertation, qui visaient à prévoir un transfert obligatoire dans certains cas, ont été adoptés lors de la discussion du texte. Certes, le bilan est parfois positif, mais souvent, ce transfert à marche forcée a suscité de l’incompréhension et s’est accompagné d’une bureaucratie accrue et d’une hausse du budget de fonctionnement. Il s’est révélé inadapté aux contraintes ou aux caractéristiques de certaines communes rurales.

À plusieurs reprises, on a tenté d’assouplir ce dispositif pour rendre une part de liberté aux communes en leur redonnant de l’autonomie dans la gestion de l’eau et de l’assainissement. Le transfert automatique a été reporté au 1er janvier 2026.

Dans un premier temps, le Sénat a adopté un texte revenant sur l’automaticité du transfert, qui devenait optionnel et réversible. En raison de notre fort attachement au principe de libre administration des collectivités territoriales, nous avons soutenu le texte inscrit à l’ordre du jour de la journée réservée au groupe LIOT, qui a été détricoté lors de son examen en commission. Du reste, en séance, certains ont joué la montre pour éviter son adoption. Il en a résulté une perte de temps et un report de certains investissements, car l’attribution des financements et des subventions était, de manière plus ou moins avouée, liée au transfert de compétences au profit des communautés de communes.

La proposition de loi assouplit le droit en vigueur, répondant aux demandes légitimes et aux attentes de nombreux élus, notamment de communes rurales. Elle reconnaît le rôle central des maires et du conseil municipal dans la gestion des politiques publiques et dans l’aménagement du territoire. Ils gèrent les ressources depuis des décennies et connaissent les sources, les lieux de captage, les réseaux, les écosystèmes, ainsi que les besoins des agriculteurs, des entrepreneurs et des industriels. Les élus des communes rurales ou des petites communes sont les plus à même d’apprécier s’ils doivent transférer certaines compétences, si leur commune doit rester membre d’une communauté de communes ou s’ils doivent récupérer leurs compétences eau et assainissement au cas où le transfert serait un échec.

En l’état, la proposition de loi ne permet pas aux communes qui ont transféré ces compétences de les récupérer ; elle s’arrête aux deux tiers du gué. Nous soutiendrons donc les amendements qui visent à subordonner la restitution des compétences à l’absence d’investissements significatifs dans les réseaux, notamment par les communautés de communes. Cela dit, nous voterons en faveur de ce texte, car il est temps de cesser d’affaiblir les communes et les maires, et de leur envoyer un message de confiance.

M. Christophe Marion (EPR). Nous sommes enfin sur le point d’apaiser l’inquiétude ressentie depuis dix ans par les élus locaux, née du transfert des compétences eau et assainissement des communes vers les communautés de communes et d’agglomération.

L’intercommunalisation obligatoire fait débat depuis longtemps au Sénat comme dans notre assemblée. La commission des lois s’est déjà exprimée à ce sujet en mai 2023, à l’occasion de l’examen de la proposition de loi du sénateur Jean-Yves Roux. Les députés du groupe EPR ont toujours été très impliqués dans ces discussions, car ils entendent dans leurs circonscriptions, encore aujourd’hui, les craintes des élus locaux qui les alertent sur la spécificité de certains territoires.

Nous demeurons toutefois convaincus que le transfert aux intercommunalités des compétences eau et assainissement est souvent bénéfique : il permet d’assurer un meilleur entretien des réseaux, de préserver la ressource en eau et de garantir sa qualité. L’intercommunalisation permet la mutualisation des moyens humains, techniques et financiers que, seules, les communes, notamment rurales, ne peuvent réunir. Or la gestion de l’eau se complique alors même que le dérèglement climatique nous impose de réagir. Nous nous devons d’améliorer le rendement des réseaux, parfois anciens et fuyards, et de mettre un terme à la distribution d’eau non conforme. Les investissements nécessaires pour répondre à ces besoins sont colossaux. La mutualisation des compétences et des moyens est une première réponse efficace, que complète sensiblement le plan Eau, doté de 180 millions d’euros par an pour lutter contre les fuites.

De nombreux élus locaux partagent ce point de vue : la compétence eau est déjà exercée par 50 % des intercommunalités, couvrant plus de 80 % de la population française, et la compétence assainissement par 56 % d’entre elles, qui en couvrent 84 %. Néanmoins, les inquiétudes qui subsistent sont légitimes. Les territoires ne se ressemblent pas et la mutualisation à marche forcée des communes classées en zone de montagne, initialement visées par la proposition de loi, ne serait pas pertinente. Il est indispensable d’écouter les élus locaux, qui connaissent finement leur territoire et leur réseau, ainsi que le niveau de coopération locale – intercommunalité ou bassin de vie – qui assurera la meilleure gestion de l’eau et de l’assainissement.

Les députés du groupe EPR l’ont toujours fait, en adoptant plusieurs assouplissements au principe du transfert obligatoire. En 2018, nous avons soutenu la loi Ferrand, qui a permis de repousser le transfert du 1er janvier 2020 au 1er janvier 2026, à condition de réunir une minorité de blocage. Lors de l’examen de la loi du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, nous avons voté l’introduction d’un mécanisme de délégation de tout ou partie des compétences d’une intercommunalité à l’une de ses communes membres ou à un syndicat infracommunautaire. Puis nous avons voté en faveur des améliorations apportées par la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale (loi « 3DS »), telles que la pérennisation des syndicats de gestion des eaux existants.

Cependant, ces assouplissements n’ont pas dissipé toutes les appréhensions et ont même parfois suscité de la confusion, à l’instar des conventions de délégation. C’est pourquoi le président de la République et le gouvernement se sont engagés à faire un nouveau pas. Notre groupe y est favorable et soutiendra la proposition de loi, qui garantit l’équilibre entre mutualisation et différenciation.

L’article 1er ne remet pas en cause le transfert des compétences eau et assainissement lorsqu’il a eu lieu et évite donc un retour en arrière déstabilisateur et juridiquement problématique. En rétablissant le caractère facultatif de l’intercommunalisation de ces compétences, il redonne aux élus le choix de l’organisation la plus adaptée à leur territoire.

Par son article 3 bis, qui impose une réunion annuelle de la CDCI (commission départementale de coopération intercommunale), le texte assouplit l’organisation des compétences sans les fragmenter, en prévoyant une évaluation et une coordination de la gestion de l’eau et de l’assainissement. Enfin, l’article 4 permet à un autre échelon – les départements – d’intervenir en matière de gestion et d’approvisionnement en eau potable et autorise la création de syndicats mixtes associant les intercommunalités et les départements.

L’examen de cette proposition de loi nous donne l’occasion de remercier les communes et les intercommunalités qui, depuis dix ans, ont réalisé avec succès le transfert de leurs compétences. En ma qualité d’ancien maire et vice-président d’agglomération chargé de la mutualisation, je sais l’énergie qu’il a fallu déployer pour relever ce défi. Il est indispensable que les élus locaux qui appliqueront les mesures de souplesse introduites dans ce texte poursuivent le travail entamé ces dernières années, en réalisant notamment des études patrimoniales pour préparer pour après-demain un transfert de compétences de plus en plus essentiel.

M. Gabriel Amard (LFI-NFP). Mieux vaut tard que jamais. Cela fait dix ans que les communes, notamment rurales, entendent faire respecter leur connaissance des sources, des réseaux, des captages, de la distribution de l’eau dans leur bassin de vie. Dans un contexte de dérèglement climatique et de sécheresse, elles ne souhaitent pas transférer leurs compétences eau et assainissement à une intercommunalité toujours plus éloignée. Au lieu de lutter contre la pollution émergente du bassin de vie, celle-ci propose parfois des réponses techniques coûteuses, notamment pour les usagers, consistant à puiser de l’eau plus loin.

La proposition de loi est examinée avant l’échéance fatidique du 1er janvier 2026. L’Association des maires ruraux de France a bataillé pour garantir la souveraineté communale en la matière. Chaque fois qu’un texte propose une mesure de souplesse, le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire, qui est attaché à la libre administration des communes, veille à ce que la liberté communale soit respectée.

L’approche est petit bras. L’Assemblée doit être plus ambitieuse eu égard aux nombreux enjeux en matière d’eau et d’assainissement auxquels sont confrontées les communes tant urbaines que rurales, qu’il s’agisse de la gestion de l’eau, qui, lorsqu’elle est déléguée à des opérateurs privés gourmands, est plus coûteuse pour les usagers, des fuites ou du renouvellement des réseaux d’eau potable. Il faut accompagner, et non se contenter d’assommer, les usagers qui subissent des opérations de renouvellement plus régulières compte tenu du gaspillage d’eau lors de son transport dans des réseaux fuyards ; notre commission des finances devrait s’en préoccuper.

Par ailleurs, au sein de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, Jean-Michel Brard et moi-même menons une mission flash sur les conséquences pour les collectivités territoriales de la transposition et de la mise en œuvre de la directive du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2020 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine. En effet, tant la pollution aux PFAS (substances per- ou polyfluoroalkylées) que les difficultés d’accès à l’eau représenteront des enjeux financiers considérables pour les autorités organisatrices des services d’eau et d’assainissement ; nous devons donc nous saisir de ces sujets et accompagner les collectivités.

Les réponses apportées à l’échelle communale sont souvent moins coûteuses et plus adaptées. Par ce texte, restaurons la souveraineté de la commune s’agissant de ce commun, indispensable à la vie et au vivant, qui peut aisément être protégé à l’échelle communale !

Mme Marie-José Allemand (SOC). La proposition de loi suscite une forte attente des élus locaux, particulièrement dans le département des Hautes-Alpes. Voilà maintenant près de dix ans que la loi Notre a été votée. Pas une année ne s’écoule sans que le transfert obligatoire des compétences eau et assainissement aux communautés de communes ne fasse l’objet de nombreux débats parlementaires et de vives contestations de la part des élus locaux.

Les difficultés sont connues : de nombreux territoires, notamment ruraux, font valoir que l’échelon intercommunal ne serait pas le plus adapté eu égard aux caractéristiques de la ressource, à la répartition de la population, au périmètre des infrastructures, aux contraintes financières ou à l’absence de correspondance entre les périmètres intercommunaux et les bassins hydrographiques.

Face à ces difficultés, le législateur a adapté le dispositif pour les communautés de communes. D’une part, il a reporté l’échéance du transfert au 1er janvier 2026 pour les communes réunissant une minorité de blocage et, d’autre part, il a autorisé les communautés de communes à déléguer les deux compétences à un syndicat infracommunautaire.

Malgré ces adaptations, la situation actuelle démontre l’ampleur du blocage. D’après les derniers chiffres communiqués par la DGCL – direction générale des collectivités locales –, au 1er octobre 2022, seules 29 % des communes avaient transféré la compétence eau à leur communauté de communes tandis que 71 % d’entre elles exerçaient la compétence seule ou dans le cadre d’une structure syndicale. Dans les Hautes-Alpes, ce sont même 78 % des communes qui ont conservé l’exercice de la compétence eau – un record.

Par ailleurs, ni ce texte ni la loi Notre de 2015 ne répondent à court terme à certains enjeux, tels que l’anticipation de la raréfaction de la ressource en raison de l’accélération du changement climatique, le coût croissant du traitement et de la dépollution, notamment du fait des intrants agricoles et des PFAS. Alors que la date butoir du 1er janvier 2026 approche à grands pas, nous devons répondre à une question très simple : voulons-nous obliger les communes à transférer coûte que coûte ces deux compétences à leur intercommunalité ? Dans les années à venir, nous devrons mener une réflexion plus large pour y répondre.

Le groupe Socialistes et apparentés défendra une position pragmatique. Si la mutualisation à l’échelon intercommunal est efficace dans de nombreux cas, il serait contre-productif de l’imposer à l’ensemble des communes. Nous sommes donc ouverts à des adaptations spécifiques dans la mesure où l’architecture de la loi Notre est préservée. La proposition de loi a été largement modifiée lors de son examen au Sénat. En l’état, elle mettrait fin au transfert obligatoire des compétences eau et assainissement vers les communautés de communes pour les seules communes qui n’ont pas encore transféré ses compétences. Pour celles qui, en revanche, ont déjà procédé au transfert, aucun retour en arrière ne serait possible.

Dans le département des Hautes-Alpes, de nombreuses communes – à l’exception de celles qui composent la communauté d’agglomération Gap-Tallard-Durance – n’ont pas transféré ces compétences et pourraient donc bénéficier de cette dérogation. Si nous préférons voter un texte conforme pour débloquer rapidement la situation, les modifications rédactionnelles et la refonte de l’article 3 bis proposées par le rapporteur sont les bienvenues. Par conséquent, notre groupe soutiendra cette proposition de loi.

Mme Émilie Bonnivard (DR). Cela fait dix ans qu’une partie des communes attendent ce texte : 3 600 communes et certains syndicats exercent seuls ces compétences. Il est la conclusion d’un long combat mené par les élus locaux, les sénateurs et les députés.

De très nombreuses propositions de loi, à l’initiative de groupes politiques différents, ont été déposées ces dix dernières années afin de supprimer l’obligation de transfert des compétences eau et assainissement des communes aux intercommunalités. Cette disposition avait été introduite dans le projet de loi Notre par voie d’amendement de manière cavalière, en pleine nuit. Lorsqu’une erreur est commise, il convient de la corriger.

Je tiens ainsi à remercier Michel Barnier qui, à l’écoute des maires, a mis ce sujet à l’ordre du jour cet automne. Les attentes sont très fortes car la date butoir du 1er janvier 2026 approche. Je remercie le rapporteur et le gouvernement qui ont fait droit à cette nécessaire évolution.

La proposition de loi du sénateur Jean-Michel Arnaud, rapportée par Alain Marc, permet de répondre à la diversité des territoires, de respecter le choix des élus locaux sans toutefois remettre en cause ce qui a été fait. En effet, cela fragiliserait le tissu des collectivités territoriales – les communes et intercommunalités. La force de ce texte de compromis est qu’il repose sur trois principes fondamentaux.

Premier principe : un cours d’eau ne se limite pas à un périmètre administratif. Il relève de l’hydrographie et de l’organisation des bassins versants qui existe depuis des décennies. L’égalité n’est pas l’uniformité territoriale. La gestion de l’eau est différente en Savoie, dans les Landes ou en Île-de-France. Pour garantir une gestion optimale de la ressource, la loi doit tenir compte de la réalité territoriale du bassin-versant et également de l’historique de la gestion.

Deuxième principe : respecter la démocratie locale. Pour garantir la gestion la plus pertinente possible de la ressource, l’État doit faire davantage confiance aux élus et à l’intelligence collective locale, qui prennent des décisions bien plus éclairées que ne le sont les décisions bureaucratiques centralisées. Dans ma circonscription de montagne, il y a autant de maires, de situations, de communes que d’avis sur le transfert des compétences dont nous parlons ; celui-ci est parfois nécessaire, parfois opportun, et parfois pas du tout. Chacun a pour partie raison. Le présent texte permet de respecter cette diversité, de laisser la liberté aux maires et aux communes de transférer ou non ces compétences aux intercommunalités.

Troisième principe : éviter les augmentations de prix constatées lors du transfert qui ne se sont pas traduites par une amélioration du service. Le cœur du sujet, ce sont les investissements en matière d’eau et d’assainissement nécessaires à la modernisation des réseaux ; et, en cette matière, nous devons mettre fin à la politique du bâton : à l’heure où les communes, notamment rurales, font face à un mur d’investissement, on les menace d’être privées des subventions de l’agence de l’eau si elles ne transfèrent pas les compétences. Nous devons être unanimement contre cette infantilisation insupportable des acteurs de la démocratie locale.

Nous devrons aussi débattre du financement des réseaux. Les agences de l’eau doivent avoir pour priorité le financement du renouvellement des réseaux, la création de raccordements aux réseaux d’assainissement existants, quelle que soit la collectivité compétente – commune, syndicat ou intercommunalité ; il ne peut y avoir de politique de financement à deux vitesses. Les communes ne doivent pas consentir seules à ces investissements.

Notre vote en faveur du texte dépendra du rétablissement de l’article 2 qui, supprimé par le Sénat, prévoyait la création de nouveaux syndicats infracommunautaires compétents en matière d’eau et d’assainissement.

Mme Marie Pochon (EcoS). Dans ma circonscription – 240 communes aux confins du Vercors et des baronnies provençales – comme dans les vôtres, la grande majorité des petites communes réclament depuis des années une modification de la loi Notre afin de conserver, si elles le souhaitent, les compétences eau et assainissement. Par la voix de leurs élus, elles expriment la volonté d’avoir le choix à l’heure où, souvent, les transferts de compétences ne s’accompagnent pas d’une juste compensation, où les sources de financement et d’autonomie communale ont été recentralisées, et où la verticalité jupitérienne a abîmé tant de corps intermédiaires.

Ces communes demandent de la cohérence : la compétence eau serait obligatoirement transférée aux communautés de communes alors même que les périmètres intercommunaux ne correspondraient pas aux bassins versants. Par exemple, dans la communauté de communes des Baronnies en Drôme provençale, on compte soixante-sept communes, cinq vallées et trois bassins versants.

Elles demandent de la maîtrise et de la constance pour relever l’un des plus grands défis auxquels notre génération et celles à venir feront face : l’inégalité d’accès à une eau de qualité, dans un contexte de bouleversement climatique inédit et de niveau de pollution des eaux très élevé.

Alors que nous examinons cette proposition de loi quelques mois seulement avant le transfert obligatoire des compétences, il y a urgence. Je pourrais évoquer la politique de l’eau sous-financée, les réseaux vieillissants et usagés, les budgets des agences de l’eau qui diminuent alors que les besoins augmentent. Je pourrais vous parler de ce quart du territoire métropolitain dont les systèmes aquifères contiennent, de manière chronique, une quantité d’eau insuffisante eu égard aux besoins.

Dans un contexte où la ressource devient rare alors que la demande s’accroît, nous avons déposé deux amendements qui visent à accompagner les communes dans l’élaboration d’un diagnostic et en cas de dysfonctionnement de la gestion de l’eau.

Derrière cette proposition de loi, le véritable enjeu est celui de la confiance entre les assemblées qui votent les lois de la République et les élus locaux – celles et ceux qui les appliquent dans ces petites républiques. Il faut parler du temps perdu, de la confiance qui s’étiole, des craintes immenses sur les compétences qui se perdent, de la voracité d’acteurs privés qui s’approprient l’eau, ce bien commun.

Nous, écologistes, sommes profondément attachés au fédéralisme et au principe de subsidiarité qui place l’action publique au plus près de celles et ceux qu’elle concerne. Les élus locaux doivent pouvoir agir en toute autonomie et dans un esprit de responsabilité. Or la fracture entre la République et les élus des territoires fragilise notre capacité à répondre collectivement aux crises sociales et environnementales. Telle est la question démocratique que soulève cette proposition de loi.

Nous, écologistes, sommes également profondément convaincus que demain, nous devrons mutualiser et œuvrer de manière concertée et collective pour faire face aux défis de ce siècle. Telle est la question de solidarité que soulève cette proposition de loi.

Démocratie, solidarité, subsidiarité : ces dynamiques existent déjà dans les territoires. Au sein des syndicats des eaux et des syndicats de rivières, les élus locaux s’organisent et coopèrent. Les moyens sont déjà mutualisés. Par exemple, dans la communauté de communes du Diois, il existe des espaces de concertation et d’aide à la décision sur la base du volontariat qui préservent la liberté de chaque territoire. Démocratie, solidarité, subsidiarité : il y aurait tant à faire, il y aura encore tant à faire après cette proposition de loi. Au nom de ces enjeux, nous la voterons.

Mme Anne Bergantz (Dem). L’eau et l’assainissement sont des compétences essentielles pour nos territoires. Leur gestion conditionne l’accès de nos concitoyens à des services de qualité, la préservation de l’environnement et l’organisation même des collectivités.

Le texte garantit aux élus locaux la possibilité d’organiser cette gestion au plus près des réalités du terrain, tout en assurant une stabilité nécessaire à son bon fonctionnement. Le groupe Les Démocrates soutient pleinement cette avancée car elle repose sur un principe essentiel, la confiance dans les élus locaux.

Il est juste et nécessaire que chaque commune puisse décider, selon ses spécificités et ses besoins, de conserver ou non ses compétences. Cette souplesse est une réponse pragmatique aux attentes des élus et des habitants qui connaissent mieux que quiconque les réalités de leur territoire. Nous devons reconnaître la diversité des communes et leur donner les moyens d’adapter leur organisation en fonction des enjeux locaux.

Toutefois, nous devons être cohérents et responsables. Revenir en arrière n’aurait aucun sens en ce qui concerne les collectivités qui ont déjà transféré les compétences ici visées. Cela créerait de l’instabilité, complexifierait l’organisation des services et fragiliserait l’action publique. Nous savons à quel point la gestion de l’eau et de l’assainissement repose sur des investissements de long terme, une planification rigoureuse et des infrastructures qui ne peuvent être ballottées au gré d’allers et retours institutionnels. Notre responsabilité est donc double : garantir aux communes qui le souhaitent la liberté de choix, tout en assurant une stabilité indispensable pour celles qui ont déjà transféré ces compétences au bloc intercommunal.

Ce texte est un compromis équilibré qui respecte la diversité des territoires tout en garantissant une gestion stable et efficace des services de l’eau et de l’assainissement. C’est une approche pragmatique et responsable que nous devons défendre. Le groupe Les Démocrates votera donc en faveur de ce texte et restera vigilant à ce que son équilibre soit préservé tout au long des débats. Nous serons particulièrement attentifs à ce qu’aucun amendement ne vienne remettre en cause cette avancée qui concilie souplesse et stabilité au bénéfice des collectivités et de nos concitoyens.

M. Jean-Michel Brard (HOR). La question de la gestion de l’eau est essentielle à l’heure où le réchauffement climatique s’accélère. L’épisode de sécheresse sans précédent de l’été 2022 en témoigne : plus de 1 000 communes ont connu une rupture complète d’approvisionnement en eau potable, environ 2 000 communes ont été en tension et sur le point de connaître une rupture. Dans ce contexte, une réflexion sur la répartition des compétences eau et assainissement est indispensable pour instaurer un cadre permettant une gestion efficace de ces services publics.

Le groupe Horizons & Indépendants a conscience qu’en établissant une répartition des compétences eau et assainissement le législateur est conduit à mettre différents intérêts en balance. D’une part, certains élus soutiennent la nécessité d’un transfert obligatoire de ces compétences aux communautés de communes et d’agglomération. Selon eux, une telle mutualisation permettrait non seulement de réduire les coûts grâce à des économies d’échelle, mais également d’assurer les investissements nécessaires à l’entretien et à la pérennité du réseau, estimés à 10 milliards d’euros par an durant les trente prochaines années. Ce mur d’investissement est nécessaire pour sécuriser les installations existantes et éviter de graves problèmes d’épuisement de la ressource et de sécurité sanitaire dans les années à venir.

D’autre part, certains élus, notamment ruraux, craignent d’importants effets de bord en cas de transfert obligatoire : outre l’augmentation du coût pour les usagers et la hausse parallèle des dépenses de fonctionnement des communes, ils redoutent à juste titre l’affaiblissement du lien entre le maire et ses administrés ainsi qu’une absence de correspondance entre les périmètres intercommunaux et les bassins hydrographiques.

Enfin, il paraît indispensable de ne pas permettre le retour en arrière des territoires ayant mutualisé les compétences eau et assainissement. Il faut conforter les structures existantes en encourageant la création ou le maintien de syndicats départementaux.

Le législateur doit être à l’écoute des intérêts, craintes et objections de chacun pour trouver une solution qui réponde à tous les enjeux. Des assouplissements successifs ont été adoptés après la loi du 3 août 2018, qui a ouvert une possibilité de report au 1er janvier 2026 dont les modalités ont été facilitées par la loi « engagement et proximité » du 27 décembre 2019. Toutefois, la superposition des mesures a créé une complexité qui satisfait peu les élus locaux, quelle que soit leur position. De plus, ces textes ne proposent pas de solution pérenne. Alors que l’échéance du 1er janvier 2026 se rapproche, une réflexion s’impose en vue de trouver un point d’équilibre.

Le groupe Horizons & Indépendants salue les nombreux travaux parlementaires réalisés en vue de trouver ce point d’équilibre, notamment au Sénat. Ils ont rassuré les maires des communes rurales et de montagne en indiquant que le législateur ne cherche pas à les déposséder de leurs compétences essentielles, mais bien à créer un cadre permettant de s’adapter aux évolutions du cycle de l’eau. Nous sommes convaincus que les travaux de notre assemblée permettront d’aboutir à ce point d’équilibre tout en restant à l’écoute des élus locaux, et notamment des maires ruraux.

M. Paul Molac (LIOT). Au pays de la centralisation, la vieille pyramide bonapartiste consiste à définir la règle en haut pour l’appliquer ensuite de manière uniforme sur tout le territoire. C’est bien gentil, en théorie, mais la France est sans doute le pays le plus divers qu’il y ait en Europe. De ce fait, traiter de façon uniforme des situations différentes revient tout simplement à créer des inégalités.

Le groupe LIOT propose une autre méthode : faire confiance aux maires et aux élus municipaux. Pour une fois, la proposition de loi va leur demander leur avis, et c’est tant mieux. Nous avions inscrit le sujet à l’ordre du jour de notre niche parlementaire à deux reprises ; malheureusement, pour des raisons ne dépendant pas de notre volonté, mais tenant à des questions de censure et de dissolution, l’examen des textes n’a pas pu aller à son terme. Ce nouveau texte prévoit un dispositif équilibré qui permettra de sortir de l’impasse et d’offrir aux élus locaux une solution à la hauteur des enjeux de la gestion de l’eau dans notre territoire.

La question du transfert des compétences eau et assainissement n’a que trop duré. Ne nous y trompons pas : sous l’apparence d’un sujet technique, ces compétences touchent à des questions du quotidien pour les élus et pour les citoyens telles que l’efficacité de la gestion de l’eau ou le maintien d’une tarification acceptable. Depuis 2015, les communes sont contraintes de céder leurs compétences dans ce domaine aux communautés de communes. Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce transfert forcé n’a pas emporté l’adhésion : la résistance locale s’est organisée et l’on a attendu en traînant les pieds et en essayant de faire changer les choses.

Depuis la loi Notre, on entend régulièrement parler de ce problème dans les régions de montagne. Dans d’autres territoires, la chose est déjà réglée : dans le mien, par exemple, le transfert aux communautés de communes a déjà été effectué car cela nous convient. Mais la Bretagne n’est pas le Dauphiné, ni Savoie ou le Jura, où certaines communes estiment devoir garder pour elles cette compétence – je pourrais aussi parler des Baronnies ou du Vercors.

Seulement 239 communautés de communes sur 992, soit 33 % au total, exercent la compétence eau. C’est bien la preuve que ce transfert obligatoire a du mal à se mettre en place. À plusieurs reprises, les parlementaires ont tenté de revenir sur cette contrainte en reportant la date butoir à 2026 et en apportant de la souplesse aux communes. Notre groupe estime qu’il faut aller plus loin : la seule manière de mettre fin à ce débat en répondant aux attentes des élus locaux est de rendre le transfert optionnel. Derrière ce dossier se trouve la préservation du principe de libre administration des communes. Le transfert de compétences n’a pas vocation à instaurer une tutelle entre les collectivités. C’est pourquoi l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF) s’est opposée avec constance au transfert obligatoire.

Notre groupe considère que le consentement plein et entier des élus municipaux est nécessaire pour qu’une intercommunalité réussisse. Cette proposition de loi, en replaçant les compétences eau et assainissement au niveau des transferts optionnels, garantira la liberté de choix. De plus, en refusant d’ouvrir la faculté d’un retour en arrière et d’une redistribution des compétences, le texte évite de déstabiliser ce qui existe déjà. Nous le soutiendrons.

Mme Émeline K/Bidi (GDR). Alors que s’ouvre ce débat sur la gestion de l’eau et de son assainissement, ma première pensée va à mon île, La Réunion, qui a connu la semaine dernière le passage d’un cyclone dévastateur qui a coûté la vie à cinq personnes et a durement frappé les habitations et les réseaux, notamment les réseaux d’eau potable. Dans les territoires d’outre-mer, où l’accès à l’eau potable n’est pas toujours garanti – je pense à Mayotte, à la Guyane et à la Guadeloupe –, la gestion des compétences eau et assainissement revêt une importance primordiale. La proposition de loi, qui freine le dispositif prévu par la loi Notre du 7 août 2015, y a donc fait l’objet d’une attention particulière.

La loi Notre a imposé le transfert de la gestion des compétences eau et assainissement des communes aux intercommunalités, puis des communes aux communautés d’agglomération. Ce transfert avait fait l’objet de vives contestations au sein du Parlement, puisqu’il avait été décidé à la seule initiative du gouvernement, par voie d’amendement et sans aucune étude d’impact, rompant avec une tradition de municipalisation de l’eau qui avait vu le jour en 1890. Les communes ont ainsi été privées des compétences eau et assainissement. La contestation était donc compréhensible et fondée.

Plusieurs initiatives parlementaires ont tenté de revenir sur cette compétence arrachée dès 2017, puis en 2018, 2022 et 2023 par des propositions de loi qui ont permis quelques assouplissements du dispositif mais dont la superposition a conduit à une véritable confusion, à une complexification importante de la gestion de l’eau et à l’affaiblissement du lien entre le maire et les administrés, qui ne comprennent plus qui gère quoi. Beaucoup y voient également une des raisons de l’augmentation des factures pour les usagers.

Dans les communes où le transfert a déjà eu lieu, souvent le couteau sous la gorge, on interroge l’efficacité du transfert de compétences. À La Réunion, par exemple, la topographie du territoire implique la captation de l’eau dans les hauteurs de l’île pour une redistribution vers l’ensemble des communes en aval et un basculement de l’eau de l’est vers l’ouest. Chaque commune est donc tributaire de l’autre. Pourquoi pas un transfert de compétences, me direz-vous ? Eh bien, il suffit d’un seul différend politique dans une seule intercommunalité – et l’île en compte plusieurs – pour que la gestion de l’eau devienne un véritable périple pour chaque commune et pour les citoyens. Un exemple supplémentaire que le ruissellement ne fonctionne pas toujours !

Le dispositif de la loi Notre n’a pas emporté l’adhésion escomptée par le gouvernement. Peu de communes ont transféré leurs compétences. Nous saluons donc cette initiative qui, en revenant sur le transfert automatique, constitue un premier pas. Un jour, peut-être, nous reviendrons totalement sur la loi Notre, que de nombreuses communes ne se sont pas appropriée. Ce sera complexe, car réparer une erreur est souvent plus compliqué que de la commettre.

M. Sacha Houlié (NI). S’il est un serpent de mer législatif, c’est bien la question de la gestion des compétences eau et assainissement. Et s’il faut à la commission des lois un défenseur de la loi Notre et du transfert de ces compétences aux intercommunalités, je serai celui-là.

Chers collègues, j’ai entendu vos arguments, mais je ne les partage pas. Ils ne se vérifient pas, en grande partie, dans mon territoire et dans d’autres. Les compétences eau et assainissement ont été mutualisées à l’échelle départementale il y a cent ans dans la Vienne, avec des résultats extrêmement probants sur la gestion de l’eau, sa qualité et sa distribution pour les populations, y compris par la réduction des fuites du réseau. La mutualisation fonctionne aussi pour les territoires en difficulté : c’est la raison qui a poussé le législateur à créer une société avec la collectivité de Guadeloupe pour se substituer aux communes, confrontées à d’énormes problèmes de captage et de distribution de l’eau en raison d’un mauvais entretien du réseau.

La mutualisation du bien commun qu’est l’eau est une bonne solution. Elle a connu plusieurs aménagements : en 2018, avec un report en 2026 du transfert obligatoire des compétences, et en 2019, avec la possibilité de déléguer la compétence transférée à un syndicat infracommunautaire qui réglait de nombreux problèmes. Cette possibilité a été maintenue dans la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite 3DS, de 2022.

Le Sénat a pris acte de la spécificité des zones de montagne, qui nécessitent peut-être une nouvelle intervention. En effet, les bassins versants n’ont pas été pris en compte lors de la construction des intercommunalités. La proposition de loi vise donc à revenir sur le transfert obligatoire pour les communes de montagne qui l’auraient effectué par un mécanisme de restitution des compétences, ce qui se justifie totalement. En revanche, je ne vois pas pourquoi cette possibilité serait ouverte à toutes les communes, comme cela a été proposé en séance au Sénat, sachant que des mécanismes de sous-délégation étaient prévus aux articles 2 et 3, eux aussi supprimés en séance par le Sénat. La volonté de revenir sur ce dispositif me semble dogmatique. Je suis bien triste que tous les parlementaires y souscrivent sous la pression des élus locaux.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Plusieurs amendements visent à permettre aux communes de reprendre leurs compétences. Ce n’est pas l’équilibre prévu par le Sénat. C’est pourquoi je vous appellerai à repousser tous les amendements qui proposent de faire marche arrière. Il n’est pas question de retirer leurs compétences aux métropoles et aux communautés urbaines qui les ont toujours exercées, aux communautés d’agglomération qui les exercent depuis 2020 ou aux communautés de communes qui les exercent déjà, parfois depuis le 1er janvier 2020 ; ce serait une source d’instabilité. Je propose de rendre la liberté aux communes qui n’auraient pas transféré leurs compétences et par mon amendement, de leur permettre de choisir de transférer, totalement ou partiellement, la compétence « assainissement ». Je n’aurai donc pas d’objection à l’amendement CL1 de M. Descoeur qui permet la création de syndicats intercommunaux dérogatoires au schéma départemental de coopération intercommunale (SDCI).

Avant l’article 1er

Amendement CL1 de M. Vincent Descoeur

M. Vincent Descoeur (DR). Je vous remercie de m’accueillir dans votre commission. L’amendement tend à réintroduire expressément la possibilité de créer des syndicats intercommunaux infracommunautaires en matière d’eau et d’assainissement. La proposition de loi initiale déposée au Sénat prévoyait cette possibilité à l’article 2, mais celui-ci a été supprimé au cours des débats.

Un certain nombre de communes réfléchissent à la mutualisation de leurs services d’eau potable ou d’assainissement dans le cadre de syndicats infracommunautaires, mais il subsiste une incertitude juridique quant à la possibilité de créer de tels syndicats. Deux conditions cumulatives sont posées à l’article L. 5111-1 du code général des collectivités territoriales pour toute création de syndicat : l’autorisation des services préfectoraux et la compatibilité avec les schémas départementaux de coopération intercommunale (SDCI), lesquels peuvent proposer la suppression, la transformation ainsi que la fusion de syndicats sans prévoir la possibilité de créer des syndicats intercommunautaires, hormis dans les domaines du scolaire, de la petite enfance et de l’action sociale.

L’amendement vise à ajouter les domaines de l’eau et de l’assainissement à ces exceptions. La référence explicite à la possibilité de créer des syndicats d’eau et d’assainissement lèverait les incertitudes juridiques et éviterait que les communes ne se trouvent demain dans l’incapacité de mutualiser leurs moyens pour mener à bien des opérations indispensables de sécurisation de leur ressource en eau.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Avis favorable.

M. Gabriel Amard (LFI-NFP). Le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire votera pour cet amendement qui respecte la souveraineté communale et la communauté de projet : les communes conservent leurs compétences, mais celles qui le souhaitent pourront constituer puis adhérer à un syndicat pour un projet en commun dans le bassin de vie. Nous y sommes totalement favorables.

Je souhaite cependant répondre à M. le rapporteur qu’il n’est pas normal d’employer le terme de « marche arrière ». Dans bien des cas, les communes qui ont transféré leurs compétences en respectant le calendrier, c’est-à-dire avant le 1er janvier 2020 – la dérogation permettant un report en 2026, obtenue par l’Association des maires ruraux de France, étant arrivée tardivement –, l’ont fait pour respecter une obligation légale. Au nom de quoi leur refuserait-on soudain la faculté de créer une communauté de projet dont jouirait la commune voisine ? Conservons cette belle idée qu’est la liberté communale en matière d’eau et d’assainissement.

Mme Émilie Bonnivard (DR). Je me réjouis de l’avis de M. le rapporteur et j’espère qu’il sera suivi par le gouvernement. Comme l’a dit Vincent Descoeur, le texte créait une distorsion. Les syndicats infracommunautaires existants ont la possibilité de garder leurs compétences ; pour les communes qui n’auraient pas transféré les leurs et qui souhaiteraient se regrouper en syndicat, la possibilité d’en créer un était nécessaire. La mutualisation va dans le sens de l’histoire, mais encore faut-il qu’elle soit pertinente. L’amendement permet de traiter les communes de façon identique en fonction de leur situation. C’est positif.

Par ailleurs je m’interroge sur l’article 4, qui donne l’impression de forcer la départementalisation de la gestion de l’eau. Les départements sont-ils au courant de la nouvelle charge qui leur est ainsi transférée ?

M. Pouria Amirshahi (EcoS). Comme on l’a vu dans le débat sur les substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS), la gestion de l’eau est un enjeu de souveraineté nationale, mais aussi de souveraineté populaire. Après des siècles d’industrialisation accélérée, on a dépassé la simple construction de voies de canalisation ou d’assainissement pour traiter de la santé publique. Il est bien normal que l’État, c’est-à-dire non seulement la représentation nationale, mais aussi les collectivités concernées par ces infrastructures au plus près des habitants, décident de la façon dont elles souhaitent que celles-ci soient gouvernées.

Il ne s’agit pas simplement d’une loi technique. Bien sûr, il est nécessaire de clarifier le schéma avant le 1er janvier 2026. Vous entendez ici donner suite à une demande des communes qui, n’ayant pas transféré leurs compétences à la communauté à laquelle elles adhèrent, souhaitent s’administrer librement. Or la libre administration, c’est aussi la libre association des communes. Je souscris donc pleinement à cette proposition qui permettra une gestion communalisée par voie d’association syndicale, a fortiori si les compétences eau et assainissement ne sont pas transférées par défaut.

Tout l’enjeu est de ne pas laisser aussi les communes livrées à elles-mêmes. Je rappelle que le président du conseil général des Landes, Henri Emmanuelli, avait décidé, en précurseur, de conditionner une partie des aides publiques aux communes à un mouvement de municipalisation de l’eau. Cette décision avait été contestée en justice. Heureusement, le département des Landes a obtenu gain de cause. Le tribunal a considéré qu’il était tout à fait fondé à prendre ce genre de disposition de salut public – je pèse mes mots – et que cela ne faussait absolument pas la concurrence, contrairement à ce que prétendent certains opérateurs privés de gestion de l’eau. La démonstration a été faite à Lyon, à Montpellier, à Grenoble, à Paris et dans d’autres villes que la gestion municipalisée de l’eau est une vertu.

M. André Chassaigne (GDR). Depuis 2015, on a entendu dans l’hémicycle de nombreuses interventions laissant penser que les élus locaux, autrement dit les maires des petites communes, n’ont pas l’intelligence suffisante pour élaborer des réponses en matière d’alimentation en eau, qu’ils ont pas le sens des responsabilités ou encore qu’ils manquent de connaissance de leur territoire. On l’entend même quelquefois en commission. Un peu de respect pour les élus des petites communes, qui auraient beaucoup de leçons à donner à d’autres !

Qu’est-ce qui justifie cet amendement ? Précisément les réponses que peuvent apporter les élus qui connaissent le territoire. J’ai une certaine expérience dans la circonscription dans laquelle je suis élu et où des solutions sont trouvées dans la finesse en tenant compte de la gravité, de l’altitude et de l’alimentation en eau des communes. Certaines communes ont beaucoup d’eau ; en dessous, une autre en manque ; finalement, la connexion se fait et l’eau se vend, quelquefois se donne entre les communes. Elles pourront désormais créer un syndicat, ce qui fonctionnera bien mieux qu’un regroupement informel.

La politique de transfert des compétences est actuellement conduite à marche forcée. Je pourrais citer certains propos tenus par les représentants de l’État, qui ne sont pas loin de considérer que les élus sont incapables de remplir leurs responsabilités, mais cela me mettrait en colère. Pour l’heure, reconnaissons à chacun la faculté de trouver les meilleures solutions en votant cet amendement.

La commission adopte l’amendement.

Article 1er (art. L. 5214-16 du code général des collectivités territoriales, art. 1er [abrogé] de la loi n° 2018-702 du 3 août 2018 relative à la mise en œuvre du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes, art. 14 de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, art. 30 de la loi n° 2022-17 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale) : Caractère facultatif du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes

Amendements CL7 et CL8 de Mme Sophie Pantel, amendement CL2 de M. René Pilato et amendement CL11 de M. Sacha Houlié (discussion commune)

M. Joël Aviragnet (SOC). L’amendement CL7 reprend pour partie le dispositif proposé par le Sénat dans sa version initiale qui permet, sous conditions, de revenir sur le transfert des compétences eau et assainissement déjà opéré. Cette faculté serait réservée, sous certaines conditions, aux communes, aux communautés de communes et aux communautés d’agglomération n’ayant pas encore engagé de dépenses relatives à des investissements structurants permettant le transfert, lesquels seraient définis par décret. La restitution des compétences eau et assainissement, qui pourraient être considérées indépendamment l’une de l’autre, se ferait avec l’accord des conseils municipaux et communautaires.

M. René Pilato (LFI-NFP). Notre amendement vise à revenir à la réaction initiale de la proposition de loi n° 954 défendue par le groupe LIOT lors de sa journée de niche parlementaire en 2023. La rédaction de la proposition de loi actuelle diffère de la version votée en commission en 2023, laquelle prévoyait l’abrogation pure et simple du transfert de compétences. L’article 1er prévoit que la communauté de communes exerce de plein droit, en lieu et place des communes, les compétences eau et assainissement. Les députés du groupe LFI-NFP sont favorables au transfert optionnel de ces compétences. C’est pourquoi ils proposent de revenir à la version adoptée à l’Assemblée en juin 2023 afin de garantir une plus grande liberté aux communes.

Par ailleurs, il paraît nécessaire de rendre possible la restitution des compétences eau et assainissement aux communes qui les auraient transférées, puisque la loi Notre prévoyait leur transfert obligatoire aux établissements publics de coopération intercommunale.

M. Sacha Houlié (NI). Mon amendement vise à rétablir le texte initial du Sénat pour limiter la restitution des compétences eau et assainissement aux communes de montagne, où les bassins-versants ne coïncident pas avec les communautés de communes. Leur restitution généralisée enverrait aux élus locaux le signal qu’il ne faut pas respecter la loi dans le temps imparti. Ce serait une prime aux mauvais élèves.

Par ailleurs, je veux répondre à André Chassaigne que tous les élus connaissent leur territoire, mais que les réalités sont différentes de l’un à l’autre. Si le Sénat a étendu la maîtrise d’ouvrage pour les départements à l’article 4, c’est précisément parce que la mutualisation de la compétence eau à l’échelle supracommunale a un sens du point de vue de l’économie, de la répartition de l’eau et de la transition écologique. Je pense sincèrement que nous ferions une erreur en adoptant le texte issu de la séance publique du Sénat. C’est la raison pour laquelle je propose de revenir à la version de la commission.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Par réalisme, le Sénat propose de ne pas faire marche arrière et de ne pas permettre la restitution des compétences déjà transférées. Il n’est pas question de remettre à plat l’organisation des communautés d’agglomération qui exercent ces compétences depuis 2020. L’intérêt général veut que nous votions cette loi le plus rapidement possible. La ligne de crête que nous avons trouvée consiste à laisser aux communes qui ne l’auraient pas encore fait la liberté de ne pas transférer ces compétences. J’émets donc un avis défavorable à ces quatre amendements dont l’adoption ferait tomber le mien, qui donne la liberté aux communes qui n’ont transféré qu’une partie de la compétence « assainissement » de transférer ou non l’autre partie.

M. Philippe Schreck (RN). L’adoption de l’amendement CL7 n’aboutirait nullement à retirer une compétence aux communautés de communes. La restitution ne concernerait que quelques cas car une condition est posée : aucune dépense relative à des investissements structurants permettant le transfert ne devra avoir été engagée. Cela limite les effets d’aubaine consistant, pour les communes, à profiter d’un investissement financé par l’EPCI pour reprendre ensuite leur compétence. Si l’on veut favoriser la liberté d’administration des collectivités territoriales – au cœur, me semble-t-il, de la proposition de loi du groupe LIOT – et éviter toute intercommunalisation à marche forcée, nous devons adopter le principe de réversibilité des transferts.

M. Gabriel Amard (LFI-NFP). Dans l’amendement CL2, il ne s’agit pas de remettre en cause le transfert des compétences tel qu’il a été prévu dans la loi de 2020 pour les communautés d’agglomération. La question de la liberté d’exercice de ces compétences se pose surtout pour les communes rurales et je demande au rapporteur si, dans la perspective de la séance, nous ne pourrions pas travailler de manière transpartisane à un assouplissement pour les communautés de communes.

M. André Chassaigne (GDR). Pour que le transfert d’une compétence soit considéré comme effectif, il faut que toutes les communes formant l’intercommunalité l’aient approuvé. Si tel est le cas, il me semble compliqué d’ouvrir la voie à une possible restitution de la compétence. Cela créerait tensions et déséquilibres au sein des EPCI, même si certaines communes ont donné leur accord le couteau sous la gorge. En revanche, j’aimerais savoir ce qu’il en est quand une partie seulement des communes s’est prononcée en faveur du transfert.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Nous avons la confirmation que les communautés de communes ayant déjà mené des études préalables au transfert sans qu’il y ait eu de décision unanime en faveur du transfert ne sont pas considérées comme ayant transféré la compétence.

Quant à l’amendement CL7, il concerne non pas les communautés de communes mais les communautés d’agglomération, qui n’entrent pas dans le champ de la proposition de loi. C’est la raison pour laquelle j’y suis défavorable.

Sur le reste, intellectuellement, je n’ai pas de blocage : je veux bien que nous recherchions une solution ensemble. André Chassaigne a avancé un bon argument : les élus savent ce qu’ils font quand ils votent. Il me semble que nous pouvons partir du point d’équilibre suivant : ouvrir aux communes n’ayant pas donné leur accord pour le transfert à la communauté de communes la possibilité de reprendre l’exercice des compétences relatives à l’eau ou à l’assainissement ou bien celle de ne transférer qu’une partie de ces compétences. Elles auraient la faculté, par exemple, de transférer seulement la compétence eau à une communauté de communes ou à un syndicat, ou bien encore de distinguer assainissement collectif et assainissement non collectif.

Cette proposition de loi entend donner de la liberté aux communes sans pour autant opérer de marche arrière en revenant sur les transferts vers les communautés d’agglomération.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CL20 de M. Jean-Luc Warsmann

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Il s’agit d’établir la liberté de transfert pour partie de la compétence « assainissement ».

M. André Chassaigne (GDR). Une commune pourra donc soit conserver sa régie, soit intégrer un syndicat intercommunal, soit transférer sa compétence à un EPCI. Nous espérons que ces changements législatifs contribueront à lever les blocages actuels. Certains préfets refusent à des communes de rejoindre des syndicats intercommunaux et les agences de l’eau menacent des petites communes de les priver de subventions si elles conservent leur régie.

M. Sacha Houlié (NI). Ces blocages sont en partie artificiels. La loi de 2019 a donné la possibilité aux communes ayant opté pour un transfert à une intercommunalité de sous-déléguer à des syndicats intercommunaux.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL18 et CL19 de M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur.

Amendement CL16 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon (EcoS). Dans un contexte de dérèglement climatique et de fragilisation de la ressource, anticiper est souvent la clef d’une gestion fine, adaptée aux besoins locaux. Cet amendement, en donnant aux communes ayant conservé la gestion des compétences eau et assainissement la possibilité de mener des études conjointes avec les EPCI et les autres communes de leur bassin versant, leur permettra de mieux comprendre l’évolution de la ressource en eau sur le plan tant qualitatif que quantitatif, d’évaluer les risques et de sécuriser l’accès aux financements intercommunaux. Cette mutualisation contribuera à prévenir les crises et à garantir un approvisionnement aux habitants.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Cet amendement me semble largement satisfait par l’amendement CL21 que j’ai déposé à l’article 3 bis. Dans les six mois suivant les élections municipales, il rend obligatoire au sein de chaque conseil municipal, de chaque organe délibérant d’EPCI, de chaque commission départementale de coopération intercommunale (CDCI) l’organisation d’un débat, fondé sur une étude fournie par l’État, sur les enjeux relatifs à la qualité et à la quantité de la ressource en eau à l’échelle de la commune et du département et sur les perspectives d’évolution sur dix ans. Les élus seront donc pleinement informés, notamment en matière de risques, et pourront prendre chacun position – un simple conseiller municipal d’une commune de cent habitants est bien capable de comprendre quelles menaces pèsent sur son captage d’eau. Ils pourront alors user de la liberté qui leur est donnée et faire des choix : conserver la compétence, la transférer à l’intercommunalité ou bien rejoindre le syndicat intercommunal avec d’autres communes du bassin versant. Cette solution puissante va dans le sens de l’intérêt général. Sur l’amendement CL16, je m’en remettrai à la sagesse de notre commission.

M. André Chassaigne (GDR). Dans la perspective du transfert obligatoire au 1er janvier 2026, on peut penser que la totalité des EPCI ont déjà mené des études. Nous devons toutefois veiller à ce que les dispositions que nous adoptons ne créent pas de clivages entre communes ayant accepté le transfert à l’EPCI et communes l’ayant refusé ou ayant préféré l’adhésion à des syndicats intercommunaux. Il ne faudrait pas que celles-ci soient montrées du doigt comme des brebis galeuses et qu’on leur demande de se débrouiller pour leurs études. Il importe d’assurer que chaque commune dispose d’une vision globale de la ressource en eau à l’échelle du bassin versant et de favoriser une réflexion collective et des apports mutuels. Nous voterons donc pour cet amendement.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CL3 de M. Gabriel Amard

M. Gabriel Amard (LFI-NFP). Monsieur le rapporteur, vous n’avez répondu ni à André Chassaigne ni à moi sur les communautés de communes dont les membres n’ont pas tous accepté le transfert, cas qui ne semble pas pris en compte par votre dispositif. Il faudrait prévoir des assouplissements supplémentaires pour les communes n’ayant pas encore délibéré.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Je serai défavorable à votre amendement CL3 qui tend à rétablir le caractère optionnel du transfert pour tous les EPCI, y compris les communautés urbaines, les communautés d’agglomération et les métropoles.

Quant à votre question, je vais regarder plus précisément d’ici la séance.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 1er modifié.

M. André Chassaigne (GDR). Monsieur le rapporteur, s’il n’y a pas de vote conforme, je crains que ce texte ne soit jeté aux oubliettes. Pouvez-vous nous assurer que l’adoption par notre assemblée d’une rédaction différente de celle retenue par le Sénat donnera lieu à une commission mixte paritaire dans des délais rapprochés ? Un « tiens » me paraît toujours mieux que deux « tu l’auras ».

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Avec tout le respect que je dois à nos collègues sénateurs, des amendements étaient nécessaires : la rédaction qu’ils ont adoptée méritait d’être un peu perfectionnée. Toutefois, nous pourrons aboutir très rapidement à une version finale grâce à une CMP. Il n’y aura pas de nouvelle lecture car le gouvernement a engagé la procédure accélérée.

Après l’article 1er

Amendement CL4 de M. René Pilato

M. René Pilato (LFI-NFP). Nous demandons que le gouvernement remette un rapport au Parlement sur les modalités de suppression des délégations de service public relatives aux compétences eau et assainissement.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Je me suis toujours opposé aux amendements portant sur des demandes de rapport, y compris lorsque j’étais président de la commission des lois.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL5 de M. Gabriel Amard

M. Gabriel Amard (LFI-NFP). Tous les usages de l’eau ne se valent pas, et c’est ce qui justifie la mise en place d’une tarification progressive et différenciée. M. Macron l’avait même fait figurer dans son plan Eau mais, depuis son lancement, il y a eu peu d’avancées. Nous proposons que le gouvernement remette au Parlement un rapport à ce sujet.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Article 2 (supprimé) (art. L. 5214-16 du code général des collectivités territoriales, art. 14 de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique) : Assouplissement des modalités de délégation, par les communautés de communes, des compétences eau et assainissement à des syndicats infracommunautaires

La commission maintient la suppression de l’article 2.

Article 3 (supprimé) (art. 1er [abrogé] de la loi n° 2018-702 du 3 août 2018 relative à la mise en œuvre du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes) : Faculté de transfert direct des compétences eau et assainissement à un syndicat infracommunautaire avant le 1er janvier 2026

La commission maintient la suppression de l’article 3.

Article 3 bis (art. L. 5111-45-1 [nouveau] du code général des collectivités territoriales) : Dialogue sur l’organisation de l’exercice des compétences eau et assainissement dans le cadre de la commission départementale de coopération intercommunale

Amendement CL21 de M. Jean-Luc Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. J’ai déjà présenté cet amendement qui porte sur les réunions de la CDCI, des conseils municipaux et communautaires.

La commission adopte l’amendement et l’article 3 bis est ainsi rédigé.

En conséquence, l’amendement CL15 de Mme Marie Pochon tombe.

Article 4 (art. L. 2224-7-8 et L. 2224-7-9 [nouveaux] du code général des collectivités territoriales) : Capacité d’intervention des départements en matière de gestion de l’approvisionnement en eau destinée à la consommation humaine et en eau brute

Amendement de suppression CL6 de M. René Pilato

M. René Pilato (LFI-NFP). Les députés du groupe LFI-NFP demandent la suppression de l’article 4, reprise de l’article 18 du projet de loi d’orientation agricole, car il va à l’encontre de l’objectif de la proposition de loi : donner davantage de liberté aux communes dans la gestion de l’eau et de l’assainissement.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. L’article 4 reprend en effet le texte de l’article 18 du projet de loi d’orientation agricole, que nous proposons de modifier dans notre amendement CL26 à des fins de coordination légistique. Je serai défavorable aux amendements CL6 et CL9.

Mme Émilie Bonnivard (DR). L’article 4 donne aux départements de nouvelles missions : « Les départements peuvent recevoir un mandat, conclu à titre gratuit, de maîtrise d’ouvrage en vue de la production, du transport et du stockage d’eau destinée à la consommation humaine ou en vue de l’approvisionnement en eau. » En sont-ils informés ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Oui, cela a été voté dans le cadre de la CMP sur le projet de loi d’orientation d’agricole. Celle-ci a procédé rapidement et des coordinations s’imposaient.

M. Gabriel Amard (LFI-NFP). Pourquoi un texte de loi ne pourrait-il pas défaire un autre texte de loi ? À quoi servirait, sinon, d’avoir un débat ici ?

Nous sommes favorables à ce que la CDCI se réunisse aussi souvent que nécessaire pour débattre, sous l’autorité du préfet, des enjeux liés à la quantité et la qualité de l’eau. En revanche, nous ne comprenons pas pourquoi vous tenez à faire figurer dans ce texte le niveau départemental. Rappelons qu’il existe des syndicats mixtes dans lesquels les départements siègent et que des syndicats départementaux participent déjà à des maîtrises d’ouvrage. Ont été cités le syndicat des eaux et de l’assainissement Alsace-Moselle et le syndicat des Landes. Ce dernier ne couvre pas la totalité du département car certaines communes n’ont pas souhaité participer à la départementalisation de la politique de l’eau et leur souveraineté a été respectée.

L’article 4 va à l’encontre des assouplissements que doit favoriser la liberté communale, selon le principe qui a motivé le dépôt de cette proposition de loi.

Mme Marie Pochon (EcoS). Le groupe Écologiste et social votera pour cet amendement de suppression de l’article 4, lequel s’oppose à l’esprit de la proposition de loi du Sénat. Ce serait aussi pour nous l’occasion de revenir sur l’un des écueils du projet de loi d’orientation agricole, dont nous avons débattu très rapidement dans le cadre de la CMP, après seulement une lecture devant notre assemblée.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. La suppression de l’article 4 ne changerait rien. Les dispositions de l’article 18 sont désormais inscrites dans notre droit positif.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 4 est supprimé et les amendements CL26 de M. Jean-Luc Warsmann et CL9 de Mme Sophie Pantel tombent.

Après l’article 4

Amendement CL25 de M. Jean-Luc Warsmann et sous-amendement CL27 de M. Philippe Schreck

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Cet amendement prévoit que le maire d’une commune confrontée à une pénurie d’eau puisse demander au maire de la commune voisine de lui fournir gratuitement une partie de son eau, si elle est excédentaire. La commune déficitaire supporterait les frais d’acheminement et la commune donatrice serait exemptée de toute contribution sur l’eau ainsi transférée.

Pour répondre aux objections soulevées pendant les auditions, notamment celle de l’AMF, nous posons une limite : ce don ne saurait être un bonus offert aux communes irresponsables ; il ne doit intervenir qu’une fois tous les cinq ans pour traduire une véritable solidarité intercommunale.

M. Gabriel Amard (LFI-NFP). Rappelons que les préfets sont responsables de la quantité et de la qualité de l’eau distribuée. Quant aux maires, ils ont une responsabilité en tant que représentants de l’État, et non en tant que présidents ou présidentes du conseil municipal. Le pouvoir de réquisition existe donc déjà.

Il n’existe pas de bassin de vie où un voisin pourrait refuser de partager ses ressources en eau, même si j’en ai repéré un en Martinique qui s’amuse à cela. Il est regrettable que l’État local ne fasse pas pleinement usage de son pouvoir de réquisition pour contraindre un opérateur ou une autorité organisatrice voisine à assurer l’approvisionnement en eau. Trois jours sans eau et tout le monde est mort.

M. Philippe Schreck (RN). Il me semble pertinent de réaffirmer le principe de solidarité intercommunale, même si la gratuité de l’approvisionnement est relative, car la commune bénéficiaire doit tout de même payer les frais de transport de l’eau.

Dans ma circonscription, nous avons connu des épisodes de stress hydrique majeurs, notamment en 2023. Les collectivités qui ont dû y faire face ne sont pas de mauvaises élèves puisque l’eau manquait totalement. Il n’y avait rien à faire. Bien que ces situations, que peuvent connaître l’arc méditerranéen et l’outre-mer, ne représentent qu’un volume marginal, il faut les prendre en compte et ne pas limiter cette solidarité intercommunale à une seule occurrence tous les cinq ans.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. L’amendement a pour objectif de construire les bases d’une étape intermédiaire avant d’en arriver à une réquisition préfectorale.

Il envoie un beau signal aux collectivités en réaffirmant la solidarité dans la gestion de l’eau sans les inciter à compter sur cette solidarité ad vitam aeternam. La mise à disposition de l’eau est gratuite en soi, hormis les coûts liés au pompage. Il n’y a pas de taxe additionnelle. Cependant, si une commune connaît des difficultés récurrentes en matière de captage, il faut trouver une solution durable. L’amendement me paraît donc équilibré.

Avis défavorable au sous-amendement.

Mme Émilie Bonnivard (DR). Je voterai contre cet amendement car il risque de favoriser des conflits d’usage au niveau territorial.

Par exemple, dans ma région, certaines stations de montagne disposent de retenues collinaires. Celles-ci font l’objet d’une instrumentalisation politique qui crée des tensions très fortes. Grâce à cet amendement, les autorités de l’État, les associations et les juridictions disposeraient d’arguments supplémentaires pour soutenir des recours contre les retenues collinaires.

Je pense qu’il est préférable d’être prudent et de conserver la situation actuelle. Introduire une nouvelle réglementation risquerait d’alimenter des conflits sur l’utilisation de la ressource en eau et de fragiliser des écosystèmes économiques entiers.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. L’amendement ne crée aucune obligation. Il prévoit simplement qu’un maire, en cas de pénurie, puisse solliciter une commune voisine disposant d’une ressource suffisante. Celle-ci peut choisir de ne pas la taxer, mais la commune bénéficiaire doit payer le coût du transport. Ce dispositif ne peut être activé qu’une fois tous les cinq ans. L’objectif est d’instaurer une étape intermédiaire avant que le préfet ne doive prendre une décision de réquisition.

Mme Émeline K/Bidi (GDR). Je suis favorable à la solidarité pour l’eau, et d’ailleurs elle est déjà largement pratiquée. Je comprends les inquiétudes concernant les abus sur les tarifs, mais la formulation de l’amendement me pose question. Il est indiqué que la commune déficitaire « peut demander » de l’eau à une commune voisine, qui la fournit gratuitement. Cela laisse entendre que la commune sollicitée est obligée de répondre favorablement à la demande, sans préciser à partir de quel niveau d’excédent. De plus, la notion de gratuité est à interroger, car rien n’est jamais totalement gratuit, même en l’absence de taxe.

Le dispositif ne me paraît donc pas abouti.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Si besoin, nous pourrons ajuster la rédaction en séance publique pour clarifier ce point.

Successivement, la commission rejette le sous-amendement et adopte l’amendement.

Amendement CL23 de M. Jean-Luc Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Cet amendement vise à corriger une disposition législative qui ne fonctionne pas.

La loi prévoit qu’en cas de vente d’un bien immobilier situé dans une zone sans assainissement collectif, où l’eau est gérée par un Spanc, l’acheteur doit effectuer une mise aux normes dans l’année qui suit l’acquisition. Cependant, pour les autres biens immobiliers, il n’existe aucune obligation similaire.

Actuellement, les Spanc peuvent décider de contrôler les installations à une fréquence variable, mais dans un délai qui ne peut excéder dix ans. Ces contrôles sont facturés aux usagers, mais sans réelle obligation de mise en conformité. Certains y voient – j’ai entendu ce mot sur le terrain – du « racket ».

Nous devons respecter l’intention du législateur et instaurer un contrôle effectif de la mise aux normes en cas de vente, même si cela prendra des années ; mais un contrôle non assorti d’une mise aux normes obligatoire n’a guère de sens ; d’où cet amendement de simplification et de pouvoir d’achat au profit des habitants des zones rurales.

M. Gabriel Amard (LFI-NFP). Vous avez tort de vouloir respecter l’esprit initial du législateur lorsqu’il a créé les Spanc. Il faut plutôt tout faire pour que le caractère commun du sol et des nappes soit reconnu, que le bassin de vie soit desservi par un assainissement collectif ou non collectif. Pourquoi n’est-il pas possible aujourd’hui, au nom de ce caractère commun, qu’une seule redevance ou un même budget annexe puisse embrasser toute la question de l’assainissement en général ?

Je rappelle que 12 millions de nos concitoyens et 5 millions de foyers ne sont pas raccordés à un réseau collectif. On leur dit que les coûts sont trop élevés et on les laisse se débrouiller avec un Spanc, qui peut les assommer avec un diagnostic qui leur sera facturé. En l’absence de terrain dans la commune, ils devront se doter d’un dispositif de phytoépuration à 5 000 euros voire d’une mini-station d’épuration particulière qui peut coûter jusqu’à 15 000 euros et se retrouver avec un reste à charge important car les subventions ne sont pas suffisantes. Souvent, les choses ne se font donc pas et la pollution continue à se répandre.

Vous proposez cet amendement pour éviter que les propriétaires continuent à se refiler la patate chaude, mais il est pénalisant pour des personnes qui n’ont pas les moyens de faire face aux enjeux écologiques et sanitaires.

Je propose que nous menions un travail transpartisan afin que l’assainissement en général soit pris en charge par une même autorité organisatrice financée par une seule redevance.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

 

La séance est levée à 18 heures 25.

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Informations relatives à la Commission

 

La Commission a désigné M. Jean-Paul Mattei, rapporteur sur la proposition de loi visant à réformer le mode d'élection des membres du Conseil de Paris et des conseils municipaux de Lyon et Marseille (n° 451).


Membres présents ou excusés

 

Présents. - Mme Marie-José Allemand, M. Gabriel Amard, M. Pouria Amirshahi, Mme Anne Bergantz, M. Christophe Bex, Mme Sophie Blanc, Mme Émilie Bonnivard, Mme Pascale Bordes, M. Vincent Caure, M. André Chassaigne, M. Emmanuel Duplessy, Mme Martine Froger, M. Jonathan Gery, M. Yoann Gillet, M. Guillaume Gouffier Valente, Mme Émeline K/Bidi, M. Christophe Marion, M. Olivier Marleix, M. Éric Martineau, M. Paul Molac, M. Jean Moulliere, Mme Naïma Moutchou, M. Sébastien Peytavie, M. René Pilato, Mme Marie Pochon, M. Thomas Portes, M. Julien Rancoule, Mme Sophie Ricourt Vaginay, M. Philippe Schreck, M. Jean Terlier, Mme Céline Thiébault-Martinez, M. Jean-Luc Warsmann

Excusés. - Mme Brigitte Barèges, M. Florent Boudié, M. Moerani Frébault, M. Jiovanny William

Assistaient également à la réunion. - M. Jean-Michel Brard, Mme Gabrielle Cathala, M. Vincent Descoeur, M. Sacha Houlié, Mme Sophie Pantel, M. Emeric Salmon, M. Frédéric-Pierre Vos