Compte rendu
Commission
des lois constitutionnelles,
de la législation
et de l’administration
générale de la République
– Suite de l’examen de la proposition de loi, adoptée par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, visant à sortir la France du piège du narcotrafic (n° 907) (MM. Vincent Caure, Éric Pauget et Roger Vicot, rapporteurs) 2
Jeudi
6 mars 2025
Séance de 21 heures
Compte rendu n°48
session ordinaire de 2024-2025
Présidence
de M. Florent Boudié,
Président
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La séance est ouverte à 21 heures.
Présidence de M. Florent Boudié, président.
La Commission poursuit l’examen de la proposition de loi, adoptée par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, visant à sortir la France du piège du narcotrafic (n° 907) (MM. Vincent Caure, Éric Pauget et Roger Vicot, rapporteurs).
Article 16 (suite) (art 194, 230-33, 706-95, 706-102-3, 706-104 et 706-104-1 [nouveaux] du code de procédure pénale) : Possibilité de recourir à un procès-verbal distinct
Amendements de suppression CL57 de M. Ugo Bernalicis, CL120 de M. Jérémie Iordanoff, CL215 de Mme Colette Capdevielle, CL319 de Mme Émeline K/Bidi et CL469 de Mme Naïma Moutchou
M. le président Florent Boudié. L’amendement CL57 a été défendu cet après-midi.
M. Jérémie Iordanoff (EcoS). Nous souhaitons la suppression de cet article qui introduit le dossier coffre, rebaptisé procès-verbal distinct. Le législateur ne s’honorerait pas de priver, pour certaines informations, la défense de ses droits liés au principe du contradictoire. Ce dernier est au cœur de notre système judiciaire, déjà déséquilibré au profit de l’État contre le mis en cause, et il n’est pas nécessaire, pour lutter contre des crimes et délits certes graves, de revenir sur les grands principes de notre justice. La rédaction issue de la séance au Sénat ouvre la voie à une trop grande facilité d’incrimination sur la base du procès-verbal distinct.
Mme Colette Capdevielle (SOC). Avec le dossier coffre, sont exclues du dossier de la procédure les informations relatives aux méthodes d’utilisation et au fonctionnement de certaines techniques spéciales d’enquête (TSE) dont la divulgation compromettrait à l’avenir l’efficacité opérationnelle, ainsi que les informations permettant d’identifier une personne ayant aidé à leur mise en place afin d’éviter tout risque pour son intégrité physique ou sa vie. Il en résulte un déséquilibre prononcé entre l’accusation et la défense. Les éléments dissimulés sont soustraits au principe du contradictoire et la défense ne peut effectuer aucun contrôle sur les techniques mises en œuvre, au détriment de ses droits et libertés. Le Conseil national des barreaux, organe représentatif de la profession d’avocat, s’est élevé contre le dossier coffre, dont nous doutons par ailleurs de la conventionnalité.
Mme Émeline K/Bidi (GDR). Alors que certaines organisations d’extrême droite désignent les avocats comme les complices de leurs clients narcotrafiquants, l’article 16 avalise cette théorie en rendant le dossier coffre inaccessible non seulement aux parties mais aussi à leurs avocats. Et tandis que nous cherchons à rétablir la confiance en la justice, vous créez un dossier caché qui éveille la suspicion sur la régularité de la procédure et sur les méthodes utilisées. De surcroît, les techniques spéciales d’enquête pouvant être utilisées sont parfaitement connues des malfaiteurs puisqu’elles sont prévues par la loi.
La création du dossier coffre représente un profond recul pour les droits de la défense, que nous ne pouvons pas tolérer. Les magistrats comme les avocats demandent d’ailleurs la suppression de l’article 16.
Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). L’amendement de suppression déposé par ma collègue Naïma Moutchou est un amendement d’appel : nous ne sommes pas contre le dossier coffre mais estimons que l’article doit être retravaillé.
M. Vincent Caure, rapporteur. Je signale d’emblée que j’ai déposé un amendement visant à réécrire une partie de l’article, dont j’espère qu’il répondra en partie aux craintes et aux doutes exprimés.
Le procès-verbal distinct est le fruit des travaux de la commission d’enquête sénatoriale sur l’impact du narcotrafic mais aussi des auditions d’enquêteurs et de magistrats que mes corapporteurs et moi-même avons menées. Il a pour objectif d’empêcher les narcotrafiquants et leurs réseaux de lire certaines informations tirées des comptes rendus ou procès-verbaux et qui peuvent mettre en danger les enquêteurs. Toujours sur décision du juge des libertés, il permet pendant l’enquête – à la demande du procureur – et pendant l’instruction – à la demande du juge d’instruction – de verser certains éléments dans un dossier soustrait au contradictoire.
Cela ne concerne bien sûr que le champ de la criminalité organisée, et uniquement des informations relatives aux techniques spéciales d’enquête qui sont déjà très encadrées : la date, l’heure et le lieu de la mise en place du dispositif, ainsi que les informations permettant d’identifier l’enquêteur, le policier ou le gendarme qui a participé à l’installation. Ce que l’on cherche à protéger, ce n’est pas la nature des techniques, lesquelles sont bien sûr connues des malfaiteurs, mais les modalités selon lesquelles elles sont utilisées.
Les auditions et les rapports attestent des capacités d’adaptation des réseaux de narcotrafiquants et de l’évolution de leur rapport à la violence. C’est pour en protéger les services d’enquête que nous souhaitons mettre le dossier coffre à disposition de l’État.
Je ne perds pas de vue l’équilibre entre les droits de la défense et l’efficacité du dispositif. Je vous proposerai donc une réécriture de certains alinéas visant à le restreindre et à le simplifier : la finalité sera limitée aux informations relatives à la mise en œuvre d’une TSE de nature à mettre gravement en danger la vie ou l’intégrité physique de celui qui la pose, ou de ses proches. Je vous proposerai de modifier également la procédure d’autorisation de versement en procédure des éléments obtenus, avec l’insertion dans le code de procédure pénale d’un nouvel article 706-104-2. Je vous rappelle aussi qu’à tout moment de l’enquête et de l’instruction, le dossier distinct sera accessible au procureur, au juge d’instruction, au juge des libertés et au président de la chambre de l’instruction.
La question de la conventionalité du dispositif a été soulevée. Je ne peux présager de la décision future d’une cour internationale, mais je peux lire celles qui ont été rendues par le passé, comme celle de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) – dont on sait qu’elle porte une attention particulière aux voies et garanties de recours – au sujet d’une disposition similaire en droit belge.
La rédaction finale de l’article que je vous propose prévoit bien des garanties : au-delà de la contestation du recours aux techniques spéciales d’enquête, prévue depuis l’introduction de celles-ci avec la loi Perben II, je propose que puisse être contesté devant la chambre de l’instruction le recours au dossier coffre.
Ces raisons de fond et de forme me conduisent à donner un avis défavorable à ces amendements de suppression, et à vous inviter à voter l’amendement ultérieur de réécriture.
M. Jocelyn Dessigny (RN). On voudrait mettre une cible dans le dos des policiers, on ne s’y prendrait pas autrement qu’en supprimant cet article ! Vous vous plaignez depuis deux jours, collègues, que l’on ne s’en prenne pas suffisamment aux gros bonnets, au haut du spectre. Avec cet amendement, vous leur donnez accès à toutes les techniques et les méthodes utilisées contre eux ! Que cherchez-vous exactement à faire ? Vous leur donnez toutes les cartes ! Les services que nous avons auditionnés ont besoin de garder confidentielles leurs techniques de travail. Ils ont tous souligné que cet article était crucial pour eux. Si vous le supprimez, cette proposition de loi ne servira plus à rien.
M. Pouria Amirshahi (EcoS). Notre objet est d’empêcher non pas le recours à des techniques spéciales d’enquête, mais la dissimulation de certains éléments. D’abord, cela constitue une entorse à la procédure et au principe du procès équitable. Ensuite, aucun magistrat ne nous a fait part de problèmes de procédure avec les techniques spéciales d’enquête.
Outre l’absence de contrôle, le simple fait de mettre de côté des éléments dits techniques de l’enquête risque de fragiliser celle-ci : parce que certains contenus auraient été recueillis selon une procédure non conforme, l’ensemble des éléments de l’enquête pourraient être mis en cause.
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). J’ajoute que les modalités d’utilisation des TSE – l’heure d’installation d’une balise, par exemple – peuvent constituer pour le mis en cause des éléments à décharge qu’il ne pourra pas mobiliser parce qu’il n’en aura pas connaissance.
Mme Colette Capdevielle (SOC). Vous ne pouvez contester, collègues du RN, que le contradictoire et les droits de la défense sont deux principes de l’État de droit. Ce que vous ne comprenez pas, c’est qu’il importe de pouvoir vérifier la légalité des méthodes employées, et que cette vérification sécurise la procédure elle-même. Les dispositions de l’article 16 sont très mauvaises pour la police, car elles sont de nature à poser des difficultés. Je ne comprends vraiment pas vos arguments.
M. Sébastien Huyghe (EPR). Cet article constitue le cœur du dispositif de protection des enquêteurs, mais aussi des repentis. Supprimer le dossier coffre, c’est mettre en péril l’ensemble de ceux qui auront permis d’arrêter des trafiquants de haut vol – répétons que c’est le haut du spectre qui est visé.
M. Vincent Caure, rapporteur. Encore une fois, je conviens que la rédaction de l’article issue des travaux du Sénat est perfectible, mais je crois à l’intérêt opérationnel du dossier coffre.
S’agissant du droit à un procès équitable, c’est justement à l’aune du premier paragraphe de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme que s’est prononcée la CEDH au sujet du dispositif belge. Les questions portaient sur la proportionnalité de la mesure en matière procédurale et sur les voies de recours. Or je vous ai rappelé que celles-ci existaient tant pour l’utilisation des TSE que, dans la réécriture que je vous propose, pour le recours au dossier coffre.
L’information concernant l’ouverture d’un dossier coffre étant versée au dossier accessible à l’ensemble des parties, les malfaiteurs sont bien sûr au courant du recours à une TSE. Mais ce que nous cherchons à préserver, encore une fois, ce sont les modalités concrètes de mises en œuvre de cette technique, dans le but de protéger les enquêteurs.
Je le répète : la rédaction que je proposerai resserre le dispositif en évacuant l’une des finalités prévues par le Sénat.
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Au lieu du rapport sénatorial, vous pourriez vous référer à celui que j’ai rédigé avec Ludovic Mendes, ici à l’Assemblée, dont les conclusions sont opposées ! Il y figure notamment un schéma illustrant la procédure d’autorisation du procès-verbal distinct, qui montre toute la complexité du dispositif : elle est telle qu’il risque d’être peu souvent utilisé.
Ce dispositif pose problème sur le plan du droit, sur celui des libertés fondamentales, et quant à sa mise en application. Nous avons aussi des doutes sur sa constitutionnalité, et nous engagerons d’ailleurs un recours devant le Conseil constitutionnel. Bref, c’est une mauvaise idée.
M. Jérémie Iordanoff (EcoS). Je ne suis pas non plus convaincu par les arguments du rapporteur. L’alinéa 16 dispose que les informations recueillies à l’occasion de la mise en œuvre d’une technique spéciale d’enquête – et non pas seulement les données relatives au jour ou à l’heure d’installation – sont placées dans le procès-verbal distinct et ainsi soustraites au principe du contradictoire. C’est un vrai problème.
M. Vincent Caure, rapporteur. Je plaide coupable, effectivement, de n’avoir pas lu votre rapport d’information dans son intégralité, monsieur Léaument. Mais, comme vous l’avez déjà souligné, le législateur ne doit pas être la courroie de transmission des personnes auditionnées ou qui ont des choses à demander. Il doit user de son libre arbitre, en l’occurrence pour déterminer les moyens à donner aux enquêteurs dans le respect des principes de droit. Je vous ai répété, à cet égard, que la rédaction issue du Sénat ne me convenait pas. La réécriture que je vous proposerai resserre à la fois la motivation du recours au dossier coffre et les modalités concernées, pour répondre aux exigences conventionnelles et constitutionnelles. Tirant, je l’espère, des leçons des jurisprudences passées, elle rend le dispositif robuste.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l’article 16 est supprimé et les autres amendements tombent.
Article 16 bis (nouveau) (art. 706-95-20 du code de procédure pénale) : Autoriser l’introduction dans des lieux privés pour la mise en place d’un dispositif d’IMSI-catcher
Amendements de suppression CL60 de M. Antoine Léaument, CL183 de Mme Sandra Regol, CL216 de Mme Colette Capdevielle et CL320 de Mme Émeline K/Bidi
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Cet article, ajouté par le Sénat, rend possible l’intrusion nocturne dans un domicile. Pourtant, l’inviolabilité du domicile est un principe constitutionnel très fort. Nous ne souhaitons pas qu’une possibilité aujourd’hui offerte aux magistrats à titre exceptionnel devienne la règle par défaut : ce serait une entorse disproportionnée à nos principes fondamentaux.
Mme Sandra Regol (EcoS). Très intrusifs, les Imsi-catchers captent les sons non pas seulement à l’endroit ciblé mais aussi aux alentours. Ils sont en outre volumineux, ce qui rend impossible leur installation en toute discrétion. Voilà deux bonnes raisons de supprimer cet article.
M. Vincent Caure, rapporteur. Cet article ne crée pas une technique spéciale d’enquête : il ne porte que sur une modalité d’utilisation d’un dispositif existant. La disposition qu’il contient, loin d’être novatrice, est même classique : la faculté de s’introduire, sur autorisation judiciaire, dans un lieu privé est par exemple prévue pour faciliter l’installation et la désinstallation des dispositifs de sonorisation et de captation d’images. Elle a simplement été dupliquée pour faciliter la pose et la dépose d’Imsi-catcher, qui servent à la captation de données des communications mobiles. C’est une modalité utile à nos services d’enquêtes, qui respecte les équilibres de notre procédure pénale. Avis défavorable.
M. Jocelyn Dessigny (RN). Nos collègues de gauche et d’extrême gauche nous font toucher le fond. Vous trouvez très drôle d’empêcher les forces de l’ordre d’être en mesure de faire leur travail, vous vous félicitez de les priver d’outils. C’est indécent. Tant que vous y êtes, supprimez-leur armes et uniformes et demandez-leur de rester à la maison ! Vos gentils petits narcotrafiquants pourront alors continuer leurs méfaits dans la rue. Vous disiez vouloir lutter contre le haut du spectre des trafiquants, mais vous retirez toutes les armes dont pourraient disposer nos forces de l’ordre pour le faire. C’est scandaleux.
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Monsieur Dessigny, votre groupe a trouvé très drôle hier soir de demander un scrutin nominal à chaque vote, faisant perdre beaucoup de temps à la commission. Il faut dire qu’il s’agissait de sujets sur lesquels il n’avait déposé aucun amendement… Il y a juste eu un petit moment de dissipation ce soir, qui peut s’expliquer par la tension accumulée après de longues journées de débats.
Nous ne voudrions pas donner des armes aux policiers ? Ceux qui ont demandé une commission d’enquête pour savoir ce qu’il est advenu du logiciel de rédaction des procédures pénales, ce sont les députés de la France insoumise, pas ceux du Rassemblement national. Ceux qui ont saisi le ministre de la justice de la question des logiciels qui permettent de lutter contre le blanchiment, ce sont les députés de France insoumise, pas ceux du Rassemblement national. Ceux qui veulent donner à la justice, à la police et à la gendarmerie des moyens pour lutter contre le narcotrafic, notamment grâce à des logiciels qui fonctionnent – cela commence par là – ce sont les députés de la France insoumise, pas ceux du Rassemblement national.
Vous avez beau jeu de prendre la parole sur nos amendements pour dire que vous y êtes favorables. Nous, nous travaillons, nous déposons des amendements, nous demandons la suppression de dispositions avec lesquelles nous sommes en désaccord et nous essayons d’en promouvoir d’autres. Si le texte fait désormais mention du logiciel de la police, c’est grâce à la France insoumise, pas au Rassemblement national.
M. Pouria Amirshahi (EcoS). Monsieur Dessigny, calmons-nous. C’est une discussion contradictoire : vous avez votre point de vue, nous avons le nôtre. Toute la grandeur d’un débat sur un sujet aussi grave est de se servir de différentes approches pour enrichir un texte. Certaines positions ont évolué : j’ai été amené à retirer certains de mes amendements et à voter pour ceux des rapporteurs ou de Mme Moutchou, auxquels j’étais initialement opposé. Nous avançons, les uns et les autres, en essayant de remplir au mieux notre devoir de législateur.
Il est nécessaire de doter nos magistrats et nos officiers de police judiciaire (OPJ) de moyens qui leur permettent d’établir la vérité dans ces affaires très graves, sans perdre de vue les principes qui servent aussi à protéger nos juridictions de mauvaises pratiques qui nuiraient à l’enquête et fragiliseraient les procédures. Nous avons essayé de justifier nos positions, sans vous convaincre. Qu’à cela ne tienne, c’est votre droit. Nous ne pensons pas qu’il suffit de s’en prendre aux petits délinquants pour taper le haut du panier, ou qu’il faut enfermer les gens pendant trente ans pour régler le problème du trafic. En tout cas, nous avons essayé de vous donner des arguments pour étayer nos positions. Vous avez le droit de ne pas être d’accord, mais, de grâce, ne vouez pas aux gémonies toute position différente de la vôtre. La démocratie n’en sortira pas renforcée.
La commission rejette les amendements.
Elle adopte l’amendement rédactionnel CL649 de M. Vincent Caure, rapporteur.
La commission adopte l’article 16 bis modifié.
Article 17 (art. 203-46, 706-32, 706-80-2, 706-81 et 706-106 du code de procédure pénale, art. 67 bis-1 A, 67 bis, 67 bis-1 et 67 bis-4 du code des douanes) : Précisions relatives à la notion d’incitation à la commission d’une infraction dans le cadre des actes autorisés au cours des enquêtes
Amendement CL514 de M. Roger Vicot
M. Roger Vicot, rapporteur. C’est un amendement rédactionnel.
La commission adopte l’amendement.
Elle adopte l’article 17 modifié.
Article 17 bis (nouveau) (art. 706-81 du code de procédure pénale, art. 67 bis du code des douanes) : Extension des rôles susceptibles d’être joués par les officiers ou agents de police judiciaire au cours d’une infiltration
La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL515 et CL516 de M. Roger Vicot, rapporteur.
Elle adopte l’article 17 bis modifié.
Article 18 (art. 706-32 du code de procédure pénale et art. 67 bis du code des douanes) : Modalités des opérations de « coups d’achat »
Amendement CL517 de M. Roger Vicot
M. Roger Vicot, rapporteur. Il supprime la possibilité pour les enquêteurs de procéder, dans le cadre d’une opération dite de coup d’achat, à des opérations de surveillance. Nos collègues sénateurs ont voulu faciliter la vie des enquêteurs, mais la disposition conduit à créer une confusion entre différents types d’opérations inscrites dans notre droit : les coups d’achat, prévus par l’article 706-32 du code de procédure pénale, et les opérations de surveillance, régies par les articles 706-80 à 706-80-2 du même code. En cas de besoin, il est possible de recourir à ces deux types d’opération de manière articulée, mais il convient de ne pas mélanger les deux. D’un point de vue opérationnel, le coup d’achat est une procédure simple et souple, destinée à lutter contre le trafic de stupéfiants de petite envergure – elle n’a pas vocation à démanteler un important trafic ou un réseau entier de blanchiment. Pour les enquêteurs eux-mêmes, le cadre des différentes techniques d’enquête doit être le plus clair possible.
M. Michaël Taverne (RN). Je reviens des services de la police judiciaire de la préfecture de police de Paris, où j’ai rencontré des policiers et des magistrats qui suivent nos débats. Ils sont sur le cul, si vous me permettez l’expression. En voyant nos discussions, de nombreux policiers n’ont qu’une envie, remettre leur habilitation d’OPJ au procureur de la République.
Ce qu’ils me disent, c’est que, face à des réseaux criminels très organisés, il leur est très difficile de remonter les filières et de démanteler les réseaux avec leurs techniques actuelles. Or, au lieu de leur faciliter la tâche, les politiciens – c’est ainsi que nous sommes qualifiés – leur mettent des bâtons dans les roues. Et certains magistrats sont très étonnés qu’il y ait un doute sur la constitutionnalité de l’article 15, compte tenu du caractère restreint de son périmètre d’application. Les réseaux criminels ont de beaux jours devant eux, concluent-ils.
Ce qui se passe ici est dramatique. Selon certains policiers, les meilleurs avocats des narcocriminels sont à l’Assemblée nationale : voilà l’image que nous donnons ! Oui, comme disait le garde des sceaux, il faut se réveiller pour lutter contre les réseaux criminels. Malheureusement, avec l’extrême gauche, nous allons continuer à dormir. C’est une très mauvaise soirée pour les Français.
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Ce qui apparaît ce soir, c’est le manque de travail du Rassemblement national sur ce dossier, qui conduit ses membres à ne faire qu’insulter leurs collègues. Ceux qui sont en désaccord avec eux seraient des gens qui mettent en danger la population et n’auraient rien à faire de la lutte contre le narcotrafic, voire qui voudraient que tout le monde se drogue et que les trafiquants mettent beaucoup d’argent de côté.
S’il y a bien des gens qui sont en train de prendre des risques ce soir, en défendant par exemple la légalisation du cannabis, c’est nous. Les narcotrafiquants ne sont pas d’accord avec la légalisation du cannabis. Ceux qui permettent aux narcotrafiquants de faire du profit sont ceux qui prohibent : les narcotrafiquants font de l’argent parce que leur activité est illégale, sinon ils seraient chefs d’entreprise. C’est l’illégalité qui leur permet de faire du profit.
Quand nous proposons la légalisation du cannabis, c’est pour taper les narcotrafiquants au portefeuille et faire sortir une partie du trafic de leurs mains. Vous, au contraire, vous faites rentrer de l’argent dans leurs poches. Quand on promeut la prévention et la baisse de la consommation, on veut faire perdre de l’argent aux narcotrafiquants. Quand on prône une politique de sortie du piège du narcotrafic, on parle de prévention, de lutte contre la consommation et la dépendance. Sur ces sujets, vous n’avez rien à dire. Votre seule idée est de mettre les gens en prison. Mais vous pourrez mettre autant de gens en prison que vous voulez : tant qu’il y aura une demande, vous n’aurez rien réglé ; tant qu’il y aura des gens qui produisent et sont capables de transbahuter leurs produits d’un bout à l’autre de la planète, il y aura du trafic de drogue et vous ferez gagner de l’argent aux trafiquants.
M. Pouria Amirshahi (EcoS). Monsieur Taverne, si vous aviez été présent parmi nous il y a quelques minutes, vous auriez pu entendre mes propos sur le caractère naturellement contradictoire de notre débat. Ce n’est pas le premier procès que vous nous faites. Passons sur les termes et le ton, et disons que nous sommes tous fatigués.
Dans ce débat sur la politique pénale à mener en matière de lutte contre les têtes de réseau du narcotrafic, nous avons mis toute notre énergie et nos arguments à défendre l’instauration d’un chef de file. Nous avons voté pour cette mesure. Nous avons fait de notre mieux pour border, sécuriser et clarifier les missions d’un nouveau parquet spécialisé, le parquet national anti-criminalité organisée. Nous avons pris part à tous les échanges sur la manière de garantir aux juges d’instruction et aux OPJ de travailler dans de bonnes conditions, ce qui a donné lieu à des avancées dont je ne vais pas vous dresser la liste. Avant que vous ne reveniez très contrarié d’une visite à certains professionnels qui semblent l’être tout autant, nous discutions des possibilités d’infiltration et de l’usage de fausses identités par les policiers. Ce que d’aucuns appellent la taqiya est autorisé pour les policiers eux-mêmes, ce qui est très bien puisqu’ils vont pouvoir dissimuler leurs actions et être davantage protégés. Nous venons aussi de faciliter les coups d’achat. Vous devriez vous réjouir du fait que nous donnons à nos enquêteurs les moyens d’agir.
M. Jérémie Iordanoff (EcoS). Ce n’est pas la première fois que notre collègue Taverne intervient avec beaucoup d’imprécision. Cela a déjà été le cas par exemple sur la question des balises. Mais nous sommes en train de faire la loi : nous ne pouvons pas laisser dire que les droits fondamentaux sont quelque chose de négligeable, et que nous faisons n’importe quoi. Nous étudions le texte, nous échangeons des arguments de fond. Faites preuve d’un peu de sérieux, concentrez-vous sur le fond et cessez de nous caricaturer, cela ne convainc personne d’autre que vous-mêmes.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CL513 de M. Roger Vicot
M. Roger Vicot, rapporteur. C’est un amendement quasi rédactionnel : il tend à supprimer de l’article 18, portant sur les coups d’achat, les modifications des dispositions au sein du code des douanes qui concernent les opérations d’infiltration.
M. Jocelyn Dessigny (RN). Il devient un peu fatigant d’entendre sans cesse MM. Léaument et Bernalicis décerner des appréciations sur le travail fourni par tel ou tel collègue. Monsieur Léaument, vous avez travaillé pendant un an et demi sur votre rapport d’information. Félicitations, nous sommes contents pour vous. Pour notre part, cela fait quarante ans que nous alertons sur les dangers du narcotrafic et la nécessité de le combattre. Une fois de plus, vous avez démontré aujourd’hui que vous vouliez donner toutes les armes aux narcotrafiquants pour qu’ils puissent poursuivre librement leurs méfaits. Si vous vouliez défendre les citoyens et faire cesser le narcotrafic, vous auriez voté pour le dossier coffre qui protège les méthodes des enquêteurs.
Vous avez raison sur un point : il faut faire de la prévention et soigner les personnes malades, car tant qu’il y aura de la demande, il y aura de l’offre. Mais vous enfoncez des portes ouvertes sans apporter aucune solution. La légalisation du cannabis est un échec : tous les gouvernements qui l’ont mise en place nous ont dissuadés de suivre cette voie – cela ne revient qu’à créer une autoroute de la drogue où les autres substances se trouvent diluées. Une fois de plus, vous n’avez rien compris.
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Monsieur Dessigny, pourriez-vous nous donner la liste des gouvernements qui vous ont dit que la légalisation du cannabis revenait à créer des autoroutes de la drogue ? Aucun des pays qui ont légalisé le cannabis n’étant revenu sur cette option, vos propos m’étonnent. Ces pays sont-ils sur la planète Terre ou sur Mars ?
En réalité, tous ceux qui pratiquent la légalisation constatent qu’au moins une partie du trafic quitte le marché noir. C’est vrai, certaines expériences sont moins réussies que d’autres : la part du trafic sortie du marché noir est moindre, la consommation ne baisse pas mais stagne, voire augmente. Mais que se passe-t-il quand la vente de cannabis n’est pas légalisée ? Les gens vont acheter du cannabis à des dealers qui vendent aussi de la cocaïne et de la MDMA. Si vous légalisez le cannabis, ils vont dans des boutiques qui ne vendent rien d’autre.
M. Roland Lescure (EPR). Pour sortir des caricatures, je suggère, monsieur le président, que vous conduisiez une mission constituée des députés qui souhaitent travailler sur le sujet. La légalisation du cannabis n’est pas une formule magique : certains pays qui la pratiquent ont échoué et d’autres ont réussi. La semaine dernière, je suis allé rendre visite à la Société québécoise du cannabis, entreprise d’État qui vend du cannabis à 60 % du marché. Depuis la légalisation, la consommation a légèrement baissé, les teneurs en cannabis se sont améliorées et l’État a gagné des milliards de dollars de recettes fiscales. Ce n’est pas la panacée : il y a des endroits où cela ne fonctionne pas. En tant que membres de la commission des lois, nous pouvons aborder le débat en évitant la caricature et en fondant notre réflexion sur des faits, afin de progresser ensemble pour traiter ce problème compliqué.
La commission adopte l’amendement.
Elle adopte l’article 18 modifié.
Article 19 (art. 15-6, art. 230-54 [nouveau] et art. 706-87-1 [nouveau] du code de procédure pénale) : Encadrement du recours aux informateurs
Amendements de suppression CL250 de Mme Émeline K/Bidi et CL457 de Mme Naïma Moutchou
M. Roger Vicot, rapporteur. Monsieur Taverne, personne ne nie votre expérience dans la police nationale. Cette expérience avérée ne justifie pas cependant que vous nous expliquiez en permanence que nous, nous ne connaissons pas le terrain ni les policiers. Surtout, elle ne vous autorise pas à considérer que vous comprenez mieux que tout autre les amendements en débat.
J’en viens à ceux qui sont proposés sur cet article 19. Je demande le retrait des deux amendements de suppression pure et simple de l’article et je vous propose de retenir le mien, qui tend à supprimer les seules dispositions concernant l’infiltration de civils. Vous allez sûrement me reprocher de chercher, une fois de plus, à couper les pattes des policiers en les privant d’une source d’infiltration utile. Or cette suppression nous est demandée par le ministère de l’intérieur lui-même : ces infiltrés ne seraient pas des professionnels – policiers, gendarmes ou douaniers –, mais des informateurs déjà impliqués dans des réseaux criminels, qui seraient de fait autorisés à commettre des actes de délinquance dans un cadre procédural. Cela pose un problème moral et éthique, même si le but est de permettre aux services d’enquêtes de la police, de la gendarmerie ou des douanes de démanteler des réseaux.
Les amendements sont retirés.
Amendement CL605 de M. Roger Vicot
M. Roger Vicot, rapporteur. Je viens de le défendre.
M. Pouria Amirshahi (EcoS). Cet amendement permet de sécuriser le renseignement humain, comme nous le souhaitions.
M. Jocelyn Dessigny (RN). Monsieur le rapporteur, votre amendement ne permet pas une meilleure rédaction de cet article et il supprime les dispositions relatives à l’infiltration civile, c’est-à-dire un moyen qui pourrait être utile aux enquêteurs.
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Sur le sujet, notre cœur balance. Nous avions décidé d’attendre l’avis de M. le rapporteur avant de nous positionner. Nous voyons les points faibles des infiltrations de civils, qui n’apportent pas les mêmes garanties que les fonctionnaires. Néanmoins, l’article permettrait aux services de renseignement extérieurs de recruter des civils et de les former avant de les envoyer sur le terrain ; de ce fait, ils deviendraient non pas des informateurs civils, mais des informateurs tout court, c’est-à-dire des agents publics. Vous me direz que j’ai trop regardé Le Bureau des légendes, mais je ne veux pas que nous nous fermions cette piste.
M. Sébastien Huyghe (EPR). Nous serons favorables à l’amendement de M. le rapporteur pour les raisons qu’il a évoquées lui-même.
M. Olivier Marleix (DR). J’avoue mal connaître les mécanismes en vigueur. Il existait traditionnellement au ministère de l'intérieur une enveloppe d’environ 10 millions d'euros destinée à couvrir les frais d’enquête, régie par un vieux décret pas très clair de 1920, qui servait à rémunérer les indicateurs ; une polémique était née lorsqu’on s’était aperçu qu’elle était devenue une source de rétribution annexe pour les fonctionnaires de police détachés en cabinet. Comment la police rémunère-t-elle aujourd'hui ses indicateurs ? Ne faudrait-il pas réfléchir à un statut plus solide ?
M. Roger Vicot, rapporteur. Il existe toujours des informateurs, identifiés et rémunérés de manière traçable. Ils se trouvent non pas au sein des réseaux de trafiquants, mais à leur périphérie immédiate ; il faut les distinguer des infiltrés de la gendarmerie, de la police nationale et des douanes qui travaillent sous couverture.
Vous nous accusez de retrancher des moyens aux forces de police, mais la suppression des infiltrés civils répond à une demande de ministère de l’intérieur.
La commission adopte l'amendement.
Elle adopte l’article 19 modifié.
Article 20 (art. 115, 171, 173, 198, 206, 385 et 591 du code de procédure pénale) : Modification du régime des nullités
Amendement de suppression CL251 de Mme Émeline K/Bidi
Mme Émeline K/Bidi (GDR). L’article 20 instaure une présomption de complicité, voire de culpabilité, à l’encontre des avocats. En revoyant le régime des nullités, il semble considérer que le respect de la procédure pénale n’est pas important. Nous avons été alertés sur le sujet par le Conseil national des barreaux, qui demande la suppression de l’article.
M. Roger Vicot, rapporteur. Avis défavorable. Le Sénat a adopté une rédaction plus ciblée qui vise à rationaliser les étapes de la procédure, en imposant l’information du juge d’instruction en cas de saisine de la chambre de l’instruction, ou la récapitulation des moyens de nullité dans le dernier mémoire présenté par la chambre de l’instruction.
La commission rejette l'amendement.
Amendements CL496 de M. Pouria Amirshahi et CL217 de Mme Colette Capdevielle (discussion commune)
M. Pouria Amirshahi (EcoS). Ce qui nous inquiète, c’est que l’article interdit aux personnes mises en cause pour des faits de criminalité, c'est-à-dire pas encore jugées, de désigner leur avocat ou l’avocat chef de file par courrier recommandé. Lorsqu’elles sont interpellées dans la ville où se trouve le tribunal compétent, elles peuvent facilement se saisir de leur conseil, mais sinon, on ne peut pas leur infliger un déplacement long pour cela. L'amendement vise à ce qu’elles puissent choisir leur avocat ou leur avocat chef de file par un courrier recommandé avec accusé de réception adressé au greffier, pour des questions évidentes d’égalité de traitement entre les justiciables.
Mme Colette Capdevielle (SOC). Nous demandons la suppression de l’alinéa 2. Supprimer la possibilité de désigner l’avocat par lettre recommandée avec accusé de réception impose au mis en examen libre ou placé sous contrôle judiciaire de parcourir le cas échéant des centaines de kilomètres pour informer le magistrat du choix d’un nouveau conseil. Du point de vue du bilan carbone, ce n’est pas fameux ! À une époque où l’on demande de plus en plus aux personnes si elles acceptent d’être prévenues par voie électronique, c’est contraire à toutes les règles du bon sens. Cette mesure incohérente et dérogatoire, que nous n’avions d’ailleurs pas adoptée pour le terrorisme, ne vise de toute évidence qu’à gêner la défense.
M. Roger Vicot, rapporteur. Je suis très séduit par les arguments de Mme Capdevielle et je demande à M. Amirshahi de retirer son amendement au profit du sien.
L’amendement CL496 étant retiré, la commission adopte l'amendement CL217.
En conséquence, les amendements identiques CL609 de M. Roger Vicot et CL243 de M. Michaël Taverne tombent.
Amendement CL465 de M. Sébastien Huyghe
M. Sébastien Huyghe (EPR). Mon amendement vise à permettre la transmission par voie dématérialisée de la copie adressée au juge d’instruction.
M. Roger Vicot, rapporteur. Avis défavorable. L'amendement rend obligatoire la voie dématérialisée, à l’exclusion de tout autre moyen. Je vous invite à le réécrire en vue de la séance publique.
M. Sébastien Huyghe (EPR). En effet, la voie dématérialisée doit seulement être une option.
L'amendement est retiré.
Amendement CL91 de Mme Pascale Bordes
Mme Pascale Bordes (RN). Il vise à ramener à trois mois le délai pour déposer une requête en nullité au cours de l’information judiciaire. Les travaux de la commission d’enquête sénatoriale sur l’impact du narcotrafic ont permis de repérer les failles juridiques utilisées par les narcotrafiquants, parmi lesquelles l’utilisation dolosive d’une partie des règles du code de procédure pénale. Le fait d’attendre le dernier jour pour déposer une requête en nullité concernant un acte d’information fait tomber de nombreuses procédures et retarde l’issue de l’information judiciaire en cours. Ce n’est pas admissible. Pour déposer une requête en nullité, point n’est besoin d’attendre six mois. L’avocat peut le faire dès la réception du dossier. Il est inutile d’allonger le délai.
M. Roger Vicot, rapporteur. Sauf que cela peut être utile dans certains cas. L’article 20 propose déjà plusieurs aménagements au régime de nullité. Vous proposez d’aller plus loin en ramenant le délai de six à trois mois, ce qui risque de porter une atteinte significative aux droits de la défense. Avis défavorable.
Mme Pascale Bordes (RN). Est-ce dans l’intérêt des narcotrafiquants, ou dans l’intérêt de la société et des éventuelles victimes ?
La commission rejette l'amendement.
Amendement CL238 de Mme Colette Capdevielle
Mme Colette Capdevielle (SOC). J’indique à Mme Bordes que la possibilité de faire constater la nullité d’une procédure est déjà très encadrée. Je me souviens d’une époque où il était possible de soulever ce moyen jusqu’à l’audience.
L'amendement vise à corriger les dispositions de l’article 385 du code de procédure pénale relatives à la compétence du tribunal correctionnel de constater la nullité des procédures qui lui sont soumises. Dans l’urgence, après une question prioritaire de constitutionnalité, nous avons adopté le 26 novembre 2024 la loi visant à sécuriser le mécanisme de purge des nullités, selon laquelle le constat doit être effectué « avant la clôture de l’instruction ou avant l’expiration des délais d’un mois ou de trois mois prévus à l’article 175 ». Cette formule est redondante, car le terme « clôture de l’instruction » couvre le délai d’un ou trois mois.
M. Roger Vicot, rapporteur. Avis extrêmement favorable.
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Nous attendions les débats en commission avant de fixer notre position sur cet article. Il faut trouver un équilibre entre l’efficacité du dispositif et le respect des droits et des libertés.
Madame Bordes, vous donnez l’impression que, si l’on n’est pas d’accord avec vous, on est pour le narcotrafic. Je ne vous accuse pas de cela, moi. Je pense que votre logique est mauvaise, mais je ne remets pas en cause votre volonté de lutter contre le narcotrafic. Vous n’admettez pas les avis différents. Vos électeurs devraient être très inquiets de la manière dont vous traiteriez les oppositions si jamais vous arriviez au pouvoir.
Les chiffres concernant la rémunération des informateurs demandés par M. Marleix figurent dans notre rapport d’information. Pour l’année 2021, au total 2,48 millions d'euros ont permis de procéder à 4 619 interpellations et de saisir 40,5 tonnes de cannabis, 2 tonnes de cocaïne et 283 kilogrammes d’héroïne. Le Rassemblement national s’est positionné contre ce dispositif pourtant efficace.
M. Michaël Taverne (RN). Je vous remercie pour l’hommage que vous m’avez rendu, monsieur le rapporteur. Il y a vingt-cinq ans, j’ai commencé ma carrière chez vous, à Lomme, à la brigade anticriminalité. Je répondrai à nos collègues d’extrême gauche que M. le rapporteur et moi-même avons travaillé le texte, contrairement à eux, puisque nous avons remarqué une erreur – les sénateurs s’étaient trompés d’article.
Il faut se mettre à la place des agents de la police judiciaire qui traitent le haut du spectre : ce sont des passionnés qui ont trente ans d’expérience et qui travaillent soixante-dix heures par semaine, et ils nous voient déposer des amendements complètement farfelus qui risquent de leur poser problème. Je me fais leur porte-parole, mais aussi celui des magistrats, puisque tout est centralisé au Bastion – si vous ne connaissez pas, je vous invite à vous y rendre pour un stage d’immersion qui sera très instructif.
Les magistrats ont bien indiqué que le régime des nullités était une faille largement utilisée par les organisations criminelles. Ils proposent un compromis qui fixe le délai à trois mois. C’est une très mauvaise soirée pour les Français et une très bonne soirée pour les organisations criminelles.
M. Pouria Amirshahi (EcoS). Nous sommes favorables à l'amendement de Mme Capdevielle.
La commission adopte l'amendement.
Elle adopte l’article 20 modifié.
Article 20 bis (nouveau) (art. 324-1 du code pénal) : Caractère nécessairement occulte de l’infraction de blanchiment
Amendements de suppression CL64 de M. Ugo Bernalicis et CL458 de Mme Naïma Moutchou
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). L’article vise à rendre occulte par nature l’infraction de blanchiment afin de reporter le point de départ du délai de prescription au jour où l’infraction est découverte. Cette ambition est déjà satisfaite par la jurisprudence.
M. Roger Vicot, rapporteur. Avis très favorable.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l’article 20 bis est supprimé.
Article 20 ter (nouveau) (art. 495-7 du code de procédure pénale) : Extension de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité aux crimes prévus en matière de trafic de stupéfiants
Amendements de suppression CL70 de M. Ugo Bernalicis, CL121 de M. Jérémie Iordanoff, CL218 de Mme Colette Capdevielle, CL252 de Mme Émeline K/Bidi et CL459 de Mme Naïma Moutchou
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Cet article, introduit au Sénat, prévoit d’étendre la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) aux crimes liés au trafic de drogue. Autant nous sommes favorables au statut des repentis, autant nous sommes opposés par principe à la CRPC. Depuis 2017, nous déposons régulièrement des amendements visant à la supprimer, d’une part parce qu’elle ne répond pas aux exigences qu’on devrait avoir pour une procédure pénale, d’autre part car la victime y tient une place annexe. Dans une CRPC, on invite la personne mise en cause à reconnaître les faits, même si tous les éléments ne sont pas réunis, en partant de l’idée qu’elle sera forcément condamnée plus lourdement à l’audience. Mais comment pourrait-on connaître par avance l’issue du débat judiciaire, a fortiori en matière criminelle ?
M. Jérémie Iordanoff (EcoS). Nous voulons supprimer la possibilité que la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité soit applicable à des crimes. En application de l’article 495-7 du code de procédure pénale, lorsqu’une personne poursuivie pour certains délits reconnaît les faits qui lui sont reprochés, le procureur de la République peut, d’office ou à la demande de l'intéressé, recourir à la procédure de CRPC. Si la personne accepte la peine que le procureur de la République lui propose, le président du tribunal judiciaire, ou le juge délégué par lui, est saisi d’une requête en homologation et lorsqu’il décide d’homologuer la peine, l’ordonnance d’homologation a les effets d’un jugement de condamnation et la personne condamnée peut interjeter appel.
Cette procédure n'est pas adaptée aux crimes. En la matière, on ne peut chercher à alléger les audiences et à diminuer les délais de jugement – justification qui avait été avancée pour la CRPC classique. Ce serait une grave dérive, alors que la soustraction de certaines infractions au jury populaire au profit de la cour criminelle départementale fait déjà débat. Les crimes doivent être jugés par une cour d'assises. Cela doit rester un principe. En aucun cas le parquet ne peut avoir d’autre compétence que celle de mettre en mouvement l’action publique et de requérir une peine à l’audience.
Mme Colette Capdevielle (SOC). J’ai dû relire le texte à plusieurs reprises. Comment l’idée a-t-elle bien pu venir aux sénateurs d’étendre la CRPC en matière criminelle ? Premièrement, c’est très irrespectueux vis-à-vis des victimes, dont les droits sont réduits ; d’ailleurs, souvent, on oublie qu’il y a des victimes. Deuxièmement, la CRPC est souvent une justice cachée pour les personnes importantes qui auraient commis des infractions pas trop graves en matière correctionnelle, comme la conduite en état d’ivresse. Si notre commission se penchait sur le sujet, elle aurait de sacrées surprises : dans certaines juridictions, en fonction de votre patronyme et de votre statut social, soit vous comparaissez lors d’une audience publique, soit vous négociez tranquillement une CRPC avec le parquet. Je l’ai vu moi-même. Proposer la même chose en matière criminelle, c’est délirant ! Plus l’infraction est grave, plus il faut garantir un débat contradictoire et le respect des droits de la défense.
Mme Elsa Faucillon (GDR). Nous sommes très surpris par l’idée qui est sortie de la tête des sénateurs. Plus la matière est compliquée et plus les faits sont graves, plus il faut renforcer le contradictoire. Nous avons voté ce matin la création d’une mission d’information sur l’évaluation des cours criminelles départementales, auxquelles on transfère des dossiers venant des cours d’assises, pour savoir si cela fonctionne bien. Et l’on voudrait maintenant aller chercher des affaires jugées en cour criminelle départementale pour les faire passer en CRPC ? C’est fou. Par ailleurs, je rappelle que les audiences accordent une place de qualité aux victimes et leur garantissent une bonne information.
M. Roger Vicot, rapporteur. M. Iordanoff a tout résumé en une phrase : un crime doit être jugé aux assises. Il n’y a aucune raison valable, dans le haut du spectre dont nous parlons, pour négocier une peine à la baisse sans que les victimes soient prises en compte. Je suis très favorable à la suppression de l’article.
Mme Pascale Bordes (RN). Nous sommes d’accord avec ces amendements de suppression. La CRPC a été créée pour désengorger le tribunal correctionnel ; le gros des troupes est formé par les conduites en état d’ivresse ou sous l’emprise de produits stupéfiants. Il n’est pas question que les crimes et délits liés au trafic de stupéfiants du haut du spectre, qui relèvent de la cour d’assises ou de la cour criminelle départementale, passent en CRPC. Je n’ose penser à quoi est due l’idée qui a traversé l’esprit des sénateurs. Autant dépénaliser la drogue, cela ira plus vite ! Et les juridictions correctionnelles et les cours d’assises n’auront plus une grande activité…
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l’article 20 ter est supprimé et les amendements CL73 de M. Antoine Léaument et CL122 de M. Jérémie Iordanoff tombent.
Article 21 (art. 689-11 du code de procédure pénale) : Compétence des juridictions françaises en haute mer pour la lutte contre le narcotrafic
Amendement de suppression CL612 de M. Roger Vicot
M. Roger Vicot, rapporteur. L’article 21, dans sa version initiale, permettait à un navire français d’arraisonner un navire suspecté de se livrer au trafic de stupéfiants, pour répondre à des difficultés opérationnelles identifiées par la commission d’enquête. Le Sénat a supprimé cette possibilité qui paraissait incompatible avec les conventions internationales régissant le droit de la mer. Dès lors, il semble que l’article 21 soit dénué d’intérêt pratique.
M. Michaël Taverne (RN). C’était une demande des policiers de l’Office français antistupéfiants. La plupart des pays du monde adaptent leur cadre juridique pour arraisonner les navires étrangers suspects. J’ai lu attentivement le rapport de MM. Léaument et Mendes, qui préconisent eux aussi une évolution du cadre juridique. Les organisations criminelles utilisent nos failles, et les aéroports secondaires et les voies maritimes sont des filières de passage importantes. Il est dommage de supprimer cette disposition plutôt que de la corriger.
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Nous voterons contre cet amendement de suppression, même si l’article 21 présente une difficulté puisqu’il donne au droit français un caractère extraterritorial.
On sait que les États-Unis vont parfois assez loin en matière d’extraterritorialité : après tout, nous pourrions nous en inspirer pour affirmer notre souveraineté. Néanmoins, Ludovic Mendes et moi-même avions plutôt recommandé dans notre rapport d’information de renégocier le cadre juridique international applicable aux opérations d’arraisonnement des navires suspects étrangers. C’est la méthode la plus efficace pour obtenir des résultats rapides.
M. Pouria Amirshahi (EcoS). Il me semblait que l’objet principal de l’article était d’arraisonner un navire sans prévenir l’État du pavillon. J’étais plutôt favorable à la réécriture effectuée par le Sénat, mais le rapporteur pourrait-il expliquer le rapport avec la notion d’exterritorialité ?
M. Olivier Marleix (DR). La loi Sapin 2 a déjà un aspect extraterritorial puisque les actes de corruption sont punissables en France si la personne est de nationalité française, si elle réside régulièrement en France ou si elle exerce une partie même infime de son activité sur le territoire national. N’y a-t-il pas un mécanisme à trouver qui permette d’arraisonner les navires, plutôt que de dire que les conventions internationales nous interdisent tout ?
M. Roger Vicot, rapporteur. Le droit international de la mer ne permet pas d’arraisonner un navire étranger sans demander l’autorisation à l’État du pavillon. Je maintiens donc mon amendement de suppression. Comme l’a dit M. Léaument, la meilleure solution consistera, dans un deuxième temps, à renégocier le droit de la mer.
La commission adopte l’amendement.
En conséquence, l’article 21 est supprimé et l’amendement CL76 de M. Antoine Léaument tombe.
Article 21 bis (nouveau) (art. 230-22 du code pénal) : Extension de la durée de conservation des données relatives à la criminalité et la délinquance organisées dans les logiciels de rapprochement judiciaire
La commission adopte l’amendement rédactionnel CL614 de M. Roger Vicot, rapporteur.
Amendement CL78 de M. Ugo Bernalicis
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Cet amendement propose que la conservation des données collectées soit limitée à neuf ans : cela laisse le temps nécessaire aux enquêtes, en gardant le principe d’une limite.
M. Roger Vicot, rapporteur. Certaines enquêtes particulièrement complexes peuvent nécessiter que les données soient conservées pendant plus de neuf ans. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Elle adopte l’amendement de coordination CL617 de M. Roger Vicot, rapporteur.
La commission adopte l’article 21 bis modifié.
Article 21 ter (nouveau) (art. 706-90 du code de procédure pénale, art. 64, 64 bis [nouveau] et 64 ter [nouveau] du code des douanes) : Extension des perquisitions et des visites douanières de nuit
Amendements de suppression CL80 de M. Antoine Léaument, CL239 de Mme Colette Capdevielle et CL419 de M. Pouria Amirshahi
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Nous proposons de supprimer l’extension des cas dans lesquels la perquisition de nuit au sein d’une habitation est autorisée lors d’une enquête préliminaire.
La seule fois où il m’a été dit lors d’auditions que les perquisitions de nuit pouvaient être utiles, c’était à propos de la Guyane : cette dernière étant située sur l’Équateur, à 6 heures tout le monde est déjà réveillé et les perquisitions sont peu efficaces.
Avec Ludovic Mendes, nous avions alors réfléchi au sujet mais nous avions conclu qu’élargir le champ des perquisitions de nuit irait trop loin par rapport au respect des droits et des libertés. Quand on organise une perquisition dans un logement la nuit, les enfants vont en être les victimes alors qu’ils n’ont rien à voir avec le trafic.
Mme Pascale Bordes (RN). Ils sont déjà victimes de leurs parents.
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). J’espère que vos électeurs n’entendent pas le genre de propos que vous tenez. Vous considérez que les enfants ont d’une certaine manière une part de responsabilité dans le trafic de stupéfiants. Vous allez vraiment très loin. Je ne sais pas jusqu’à quel point exactement, mais je suis très inquiet de ce que vous feriez si d’aventure vous arriviez au pouvoir.
M. Pouria Amirshahi (EcoS). Les perquisitions de nuit sont déjà possibles en cas de flagrance ou dans le cadre d’une information judiciaire, sur autorisation du juge d’instruction.
Cet article permet d’y recourir dans le cadre d’une enquête préliminaire. Cela risque de fragiliser le cadre procédural en rapprochant l’enquête préliminaire et l’instruction ; or cette dernière permet l’exercice du contradictoire. Il faut limiter les exceptions au principe d’interdiction des perquisitions de nuit. Nous sommes donc opposés à cet article.
M. Roger Vicot, rapporteur. Avis favorable.
Mme Edwige Diaz (RN). L’article que vous voulez supprimer étend les possibilités de procéder de nuit à des perquisitions, des visites domiciliaires et des saisies de pièces à conviction. Je précise que cette extension est prévue en cas d’urgence, notamment quand il s’agit d’un crime ou d’un délit flagrant, ou qu’il existe un risque immédiat de disparition des preuves.
Nous avons plusieurs raisons pour voter contre cet amendement. D’abord, il est très mal écrit. Il est indiqué dans l’exposé sommaire de l’amendement CL80 que « la nuit bénéficie d’une protection juridique renforcée ». Nous parlons de permettre aux policiers de pénétrer dans des lieux qui abritent potentiellement des délinquants ou des criminels ; la France insoumise, elle, parle de la nécessité de protéger la nuit – et les Français, eux, veulent simplement la paix.
Ensuite, cet amendement semble rédigé par le lobby des trafiquants. Je ne vois aucune trace de l’intérêt général, aucune volonté d’aider les enquêteurs. Ce qui est flagrant en revanche, c’est l’obsession de La France insoumise de laisser les suspects dormir paisiblement.
Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Nous, nous sommes du côté de l’État de droit, et c’est tout à notre honneur. Nous ne nous inscrivons pas dans la logique du « œil pour œil, dent pour dent ». On ne peut pas considérer, a fortiori en tant que législateur, que parce qu’on a affaire à de mauvaises personnes – ce qui est sans doute le cas –, il faudrait adopter leur conduite. C’est ainsi, et ça l’est depuis le début de l’histoire des gendarmes et des voleurs. Sinon, on aboutirait à quelque chose qui n’est plus l’État de droit auquel nous sommes attachés.
M. Roger Vicot, rapporteur. Mme Diaz a parlé du lobby des trafiquants. Pourrait-elle préciser qui le représente ? Comment ce lobby agit-il ? Sous quelle forme, avec quelles méthodes ?
Mme Edwige Diaz (RN). Depuis le début de l’examen de ce texte, on voit qui travaille au service des trafiquants.
M. Roger Vicot, rapporteur. Répondez de manière précise !
Mme Edwige Diaz (RN). Je suis en train de le faire mais vous semblez très embêté par ma réponse. Les Français se feront leur avis, monsieur le rapporteur. Nous, nous sommes du côté des forces de l’ordre alors que des députés de cette commission sont vraisemblablement d’un autre côté.
La commission rejette les amendements.
Amendement CL420 de M. Pouria Amirshahi
M. Jérémie Iordanoff (EcoS). Cet amendement de repli propose de supprimer les cinq premiers alinéas de l’article.
Il est important de défendre les libertés publiques et le principe de proportionnalité. Si l’on suivait l’argumentation de Mme Diaz, il faudrait complètement supprimer la notion de vie privée et permettre les perquisitions à tout moment. Or je rappelle que nous parlons en l’occurrence d’enquêtes préliminaires.
M. Roger Vicot, rapporteur. Avis favorable.
Mme Colette Capdevielle (SOC). À en croire les députés du RN, nous serions de grands laxistes. Nous souhaitons simplement rester dans un État de droit, ce qui signifie que ces perquisitions doivent rester encadrées.
Car ces perquisitions de nuit existent déjà. Elles sont prévues par l’article 706-89 du code de procédure pénale et se font sur demande d’un procureur de la République et sur autorisation d’un juge d’instruction, dans le cadre d’une information judiciaire ou en cas de flagrance. Dès lors, expliquez-nous en quoi cet article serait utile ?
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Nous continuons à défendre le principe de l’interdiction des perquisitions de nuit, quand bien même des exceptions existent dans notre droit.
Les députés du RN semblent outrés que l’on puisse reconnaître des droits à des gens qui ont commis des infractions, y compris lorsqu’elles sont extrêmement graves. C’est que, contrairement aux narcotrafiquants, nous respectons la dignité humaine – y compris la leur. Ne jamais céder sur ce point est un acquis fondamental des républicains et des humanistes. Si nous le faisions, nous ne vaudrions pas mieux que les criminels.
L’État ne doit pas se comporter comme un voyou, jamais. C’est l’essence même de l’État de droit et de la République. Nous défendrons toujours cette position, sans quoi nous serions dans un autre régime politique.
M. Yoann Gillet (RN). Depuis que nous avons commencé l’examen de ce texte, vous utilisez le prétexte des droits de la défense pour mettre un maximum de bâtons dans les roues des enquêteurs. Pour notre part, nous défendons la justice, les forces de l’ordre et les victimes.
Vous montrez votre vrai visage, et les Français commencent à le connaître. Vous êtes tout simplement du côté du mal et des forces obscures. Vous faites tout pour empêcher les enquêteurs, les forces de l’ordre, la justice d’agir pour le bien commun. Vous prétendez privilégier les droits de la défense, mais en réalité vous vous préoccupez du bien-être des délinquants et des criminels.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL244 de M. Michaël Taverne
M. Michaël Taverne (RN). Nos amendements résultent de notre travail sur ce texte. Les vôtres ne visent qu’à supprimer à tour de bras. Vous avez bien dit que votre stratégie était de dénaturer ce texte, qui vise tout de même à sortir du narcotrafic, et ensuite de voter contre. Cela vous amuse, et les Français le voient.
Vous n’allez pas nous apprendre le droit : nous savons très bien que les perquisitions de nuit sont possibles. Croyez-vous que les policiers et les gendarmes décident d’en faire une pour le plaisir ? Ils y procèdent bien entendu sous l’autorité d’un magistrat. Arrêtez donc de raconter n’importe quoi sur l’État de droit. D’ailleurs, cet article répond aussi à une demande des magistrats. Il faut les écouter.
Par ailleurs, on voit que vous n’avez jamais effectué une perquisition : pour ma part, je ne vois guère de différence entre 4 heures et 6 heures du matin.
Cet amendement propose d’étendre les perquisitions à l’ensemble des crimes et délits commis en bande organisée, ainsi qu’aux délits d’association de malfaiteurs les plus graves. Cela permettra aux forces de l’ordre de saisir de la drogue et des armes dès qu’elles ont une information et l’autorisation du juge.
M. Roger Vicot, rapporteur. Avis défavorable, pour les raisons que j’ai déjà évoquées.
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Je connais les perquisitions, j’en ai subi une dans le cadre de l’enquête sur les assistants parlementaires de La France insoumise, monsieur Taverne ! Les policiers sont arrivés à 7 h 30. Comme ils ne savaient pas exactement où j’habitais, ils ont toqué aux portes de tous mes voisins. Si vous effectuez des perquisitions à 3 heures du matin, vous allez embêter tous les gens alentour… À ce propos, j’attends toujours la suite de cette affaire : cela fait maintenant huit ans, et l’on ne sait pas où elle en est.
Essayons d’en venir au fond. Qu’est-ce qui provoque le trafic ? C’est la rencontre d’une offre et d’une demande. Vous vous focalisez sur l’offre – et encore traitez-vous le sujet d’une manière déplorable, car non, ce texte ne fera pas sortir la France du narcotrafic. Vous en restez au titre mensonger choisi par les sénateurs, alors que tout à l’heure, Mme Bordes est allée pratiquement jusqu’à les accuser de participer au trafic !
Je considère pour ma part que certaines dispositions sont utiles, notamment celles qui concernent les infiltrations – que vous n’avez pas votées. Se doter de moyens pour obtenir des informations et cibler le haut du spectre, cela, vous le refusez. Mais les peines de prison, les perquisitions de nuit et toutes ces choses qui ne servent à rien, vous vous précipitez pour les voter : cela vous permet de vous faire plaisir à peu de frais ! C’est lamentable.
M. Yoann Gillet (RN). Il faut quand même rappeler quelques vérités à l’extrême gauche. Qui a voté contre les lois de programmation en faveur de la justice et de l’intérieur ? C’est bien la gauche. Elles n’étaient pas parfaites, mais elles accordaient malgré tout des moyens supplémentaires.
Pourquoi faut-il assouplir les règles s’agissant des perquisitions ? Parce que tous ceux qui ont des choses à se reprocher en matière de stupéfiants les connaissent pertinemment. Dès lors, que se passe-t-il dans les quartiers totalement gangrenés par les trafics ? À partir de 5 heures et demie, les mêmes choufs qui officient en journée pour signaler l’arrivée de la police aux points de deal sont à pied d’œuvre pour donner l’alerte. Si vous allez sur le terrain, les membres des forces de l’ordre vous montreront à quel point les trafiquants sont organisés pour se prémunir des perquisitions.
Il faut faire confiance aux magistrats et aux policiers et leur donner les moyens de faire leur travail, qui consiste à éradiquer le trafic de stupéfiants.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL310 de M. Jocelyn Dessigny
M. Jocelyn Dessigny (RN). Il y a ceux qui travaillent pour ce texte qui veut lutter contre le narcotrafic, et ceux qui travaillent contre. Chacun pourra tirer ses propres conclusions.
Il y a des manques dans ce texte, notamment s’agissant de la lutte contre la consommation, de la prévention et des aspects médicaux. Il ne permettra donc pas de régler le problème de la demande, mais il contribuera quand même à traiter en partie celui de l’offre.
Pour notre part, à chaque fois que nous pourrons mettre des bâtons dans les roues des narcotrafiquants, nous le ferons. Nous donnerons à nos forces de l’ordre les moyens d’agir et d’entraver au maximum ce trafic. Vous, vous dites que vous voulez lutter contre la demande, mais que proposez-vous en pratique ? Où sont vos amendements sur le sujet ? Vous vous contentez de vociférer avec vos collègues de La France insoumise, monsieur Léaument.
Vous nous avez longuement parlé de votre rapport d’information, sur lequel vous avez travaillé pendant un an. Très bien. Nous, cela fait quarante ans que nous mettons en garde contre les dangers du narcotrafic. Et maintenant que nous y sommes, non seulement vous ne suggérez toujours rien, mais vous vous opposez au peu qui est proposé, même incomplet.
Mon amendement prévoit que l’autorisation de procéder de nuit à des perquisitions peut être donnée par le procureur de la République lorsque le juge des libertés et de la détention n’est pas immédiatement disponible. Car non, les trafiquants n’attendent pas six heures du matin pour supprimer des preuves : il faut parfois pouvoir agir vite.
M. Roger Vicot, rapporteur. Avis défavorable. La confusion entre les rôles des magistrats du siège et du parquet fait peser un risque évident d’inconstitutionnalité.
Mme Colette Capdevielle (SOC). Il faut dire à nos collègues du Rassemblement national qu’il y a toujours un magistrat du parquet ou un magistrat instructeur de permanence. Ils sont donc à tout moment en mesure de donner des autorisations de perquisition.
Ensuite, vous qui faites comme si une perquisition était un acte anodin qui n’a pas de caractère intrusif, demandez donc à Mme Le Pen ce qu’elle en pense depuis qu’elle a subi une perquisition – de jour – en 2016. Au lieu de respecter la loi, elle a défié les policiers et les a filmés. Quand ils s’en sont rendu compte et qu’ils lui ont demandé son téléphone, elle l’a placé dans son soutien-gorge. Cela n’a pas l’air très anodin.
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Mme Capdevielle rappelle un épisode assez lamentable : si mes souvenirs sont bons, Mme Le Pen avait effectivement caché son téléphone dans un endroit qui rendait difficile de le lui subtiliser. Pour ma part, n’ayant rien à cacher, j’avais laissé les policiers prendre tout ce qu’ils voulaient – et j’attends toujours de leurs nouvelles. Il y avait tout de même une difficulté, c’est qu’on nous empêchait de constater ce qui se passait durant la perquisition, ce qui pose problème s’agissant d’un groupe politique d’opposition.
Monsieur Dessigny, les amendements déposés par mon collègue Bernalicis et moi-même portant sur la prévention spécialisée, sur les éducateurs spécialisés et sur la légalisation du cannabis, ainsi que sur la création d’une plateforme nationale de signalement de la corruption, ont malheureusement tous été jugés irrecevables. Sinon, nous les aurions défendus. Respectueux des règles de la République, nous nous en remettons à la sagesse du président de cette commission, mais nous tenterons à nouveau notre chance pour la séance publique, en espérant que la présidente de l’Assemblée nationale manifestera plus de mansuétude.
M. le président Florent Boudié. Ce n’est pas certain.
M. Jocelyn Dessigny (RN). Monsieur Léaument, si vos multiples amendements n’ont pas été jugés recevables, interrogez-vous sur leur rédaction. Vous critiquez tout le monde, mais votre propre travail n’est visiblement pas très bon non plus. Quant aux attaques personnelles visant Mme Le Pen je n’y répondrai pas. Je constate seulement que c’est lorsqu’on ne parvient pas à attaquer sur le fond que l’on procède ainsi.
Madame Capdevielle, pour ce qui concerne les permanences des magistrats, je ne prendrai que l’exemple de ma circonscription : le parquet de Soissons, qui devrait normalement être composé de cinq magistrats, n’en compte plus que trois, ou plutôt deux en tenant compte du manque de procureur. On comprend donc qu’il faille chercher des solutions pour que les enquêtes soient menées et que la police puisse faire son travail. Enfin, c’est au Conseil constitutionnel, et pas à vous, qu’il revient de juger de la constitutionnalité de mon amendement.
La commission rejette l’amendement.
Elle adopte l’article 21 ter non modifié.
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La séance est levée à 23 heures 05.
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Membres présents ou excusés
Présents. - M. Pouria Amirshahi, Mme Léa Balage El Mariky, M. Ugo Bernalicis, Mme Pascale Bordes, M. Florent Boudié, Mme Blandine Brocard, Mme Colette Capdevielle, Mme Gabrielle Cathala, M. Vincent Caure, M. Jean-François Coulomme, M. Sébastien Delogu, M. Jocelyn Dessigny, Mme Edwige Diaz, M. Emmanuel Duplessy, M. Olivier Falorni, Mme Elsa Faucillon, Mme Agnès Firmin Le Bodo, M. Jonathan Gery, M. Yoann Gillet, M. Guillaume Gouffier Valente, M. Jordan Guitton, M. Sébastien Huyghe, M. Jérémie Iordanoff, Mme Marietta Karamanli, Mme Émeline K/Bidi, M. Antoine Léaument, M. Roland Lescure, M. Olivier Marleix, Mme Élisa Martin, Mme Danièle Obono, M. Éric Pauget, Mme Sandra Regol, Mme Béatrice Roullaud, M. Jean Terlier, M. Roger Vicot
Excusés. – Mme Naïma Moutchou, Mme Andrée Taurinya, M. Jiovanny William