Compte rendu
Commission
des lois constitutionnelles,
de la législation
et de l’administration
générale de la République
– Suite de l’examen de la proposition de loi, adoptée par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, visant à sortir la France du piège du narcotrafic (n° 907) (MM. Vincent Caure, Éric Pauget et Roger Vicot, rapporteurs) 2
Vendredi
7 mars 2025
Séance de 9 heures
Compte rendu n°49
session ordinaire de 2024-2025
Présidence
de M. Florent Boudié,
Président
— 1 —
La séance est ouverte à 9 heures.
Présidence de M. Florent Boudié, président.
La Commission poursuit l’examen de la proposition de loi, adoptée par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, visant à sortir la France du piège du narcotrafic (n° 907) (MM. Vincent Caure, Éric Pauget et Roger Vicot, rapporteurs).
Article 21 quater (nouveau) (art. 344‑5 [nouveau] du code des douanes) : Réquisition des agents des douanes par commission rogatoire
La commission adopte l’amendement rédactionnel CL620 de M. Roger Vicot, rapporteur.
Elle adopte l’article 21 quater modifié.
Article 21 quinquies (nouveau) (art. 28‑1 du code de procédure pénale et art. 67 bis‑6 et 67 bis‑7 [nouveaux] du code des douanes) : Utilisation des techniques spéciales d’enquêtes par les agents des douanes
Amendements de suppression CL621 de M. Roger Vicot et CL74 de M. Ugo Bernalicis
M. Roger Vicot, rapporteur. Nous proposons de supprimer cet article qui étend aux agents des douanes la possibilité d’avoir recours aux techniques spéciales d’enquête et au procès-verbal distinct. Cela serait cohérent avec les votes intervenus hier.
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Cette extension à des agents qui n’ont pas de qualification judiciaire n’est pas nécessaire ; elle amoindrirait les garanties liées à la qualité d’officier de police judiciaire (OPJ). Restons-en au périmètre actuel.
M. Jocelyn Dessigny (RN). Il paraît important de conserver un minimum de pouvoir à nos forces de l’ordre et à nos douaniers. Nous voterons contre ces amendements.
La commission rejette les amendements.
Amendements identiques CL77 de M. Antoine Léaument et CL418 de M. Jérémie Iordanoff
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). C’est un amendement de repli, qui ne supprime que l’alinéa 7, qui porte sur le procès-verbal distinct. Nous avons supprimé le dossier coffre hier : continuons sur cette lancée.
Mme Sandra Regol (EcoS). Adopter cet amendement serait cohérent avec nos votes d’hier.
M. Roger Vicot, rapporteur. Avis favorable.
La commission rejette les amendements.
Elle adopte l’article 21 quinquies non modifié.
TITRE VI
LUTTE CONTRE LA CORRUPTION LIÉE AU NARCOTRAFIC ET CONTRE LA POURSUITE DES TRAFICS EN PRISON
Article 22 (art. L. 114-1, L. 114-3 [nouveau] et L. 263-1 du code de la sécurité intérieure, art. L. 5241-4-5, L. 5312-7, L. 5312-9, L. 5313-8, L. 5332-1, L. 5332-7, L. 5332-10, L. 5332-11, L. 5332-14, L. 5332-15, L. 5332-16 [nouveau], L. 5332-17 [nouveau], L. 5332-18 [nouveau], L. 5332-19 [nouveau], L. 5343-24, L. 5343-25, L. 6321-3-1, L. 6321-3-2, L. 6341-5 du code des transports, 17 et 17-1 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, 11-2-1 [nouveau] du code de procédure pénale) : Diverses dispositions renforçant la lutte contre la corruption
La commission adopte l’amendement rédactionnel CL602 de M. Vincent Caure, rapporteur.
Amendement CL606 de M. Vincent Caure
M. Vincent Caure, rapporteur. Cet amendement supprime la procédure de signalement par l’intermédiaire d’un point de contact unique, qui apparaît redondante avec les dispositions relatives aux lanceurs d’alerte.
La commission adopte l’amendement.
En conséquence, les amendements CL82 de M. Ugo Bernalicis, CL81 de M. Antoine Léaument, CL79 de M. Ugo Bernalicis, CL72 de M. Antoine Léaument, CL69 de M. Antoine Léaument et CL67 de M. Antoine Léaument tombent.
Elle adopte les amendements rédactionnels CL603 et CL604 de M. Vincent Caure, rapporteur.
Amendement CL607 de M. Vincent Caure
M. Vincent Caure, rapporteur. Il s’agit d’assurer l’application des dispositions de l’article 22 intégrées au code de la sécurité intérieure en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie, à Wallis-et-Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises.
La commission adopte l’amendement.
Elle adopte l’amendement de coordination CL608 et les amendements rédactionnels CL610 et CL611, tous de M. Vincent Caure, rapporteur.
Amendement CL61 de M. Antoine Léaument
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Il s’agit de supprimer les dispositions permettant à l’autorité administrative d’exiger, par voie de convention, la mise à disposition des images captées par les systèmes de vidéosurveillance des ports. Pour respecter les libertés publiques, le recours à la vidéosurveillance doit se faire sous le contrôle du juge.
M. Vincent Caure, rapporteur. Avis défavorable. La situation actuelle est sinon anarchique, à tout le moins très hétérogène, avec une grande liberté de pratique laissée aux opérateurs portuaires. L’encadrement prévu ici est bien plus respectueux du droit au respect à la vie privée et des libertés individuelles.
M. Jocelyn Dessigny (RN). Une fois de plus, on essaye d’entraver l’action de nos forces de l’ordre, qui doivent parfois intervenir rapidement et activer micros et caméras. Nous voterons contre cet amendement.
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Puisque, à l’heure actuelle, l’État fait à peu près ce qu’il veut, inscrivons la pratique dans la loi : voilà votre argument, monsieur le rapporteur. Ce n’est pas l’idée que nous nous faisons d’un cadre d’usage proportionné d’outils qui portent évidemment atteinte à la vie privée, puisqu’ils vous filment et vous enregistrent. S’il faut faire une enquête, il suffit de demander l’accord du juge.
Aujourd’hui, on envoie les accès à la vidéosurveillance de manière déportée un peu partout, dans tous les centres de commandement des hôtels de police. On a des caméras partout, la délinquance a-t-elle diminué ? Selon le Rassemblement national, non ! On pourrait en conclure qu’il n’y a toujours pas de corrélation entre le nombre de caméras installées et le niveau de délinquance. Cela n’améliore pas non plus l’efficacité des enquêtes : si la vidéosurveillance aide parfois à la résolution d’un cas, elle n’est jamais l’élément déterminant. La vidéosurveillance ne remplace pas les êtres humains.
L’idée qu’il faille en permanence pouvoir accéder à des images, par principe, est une lubie disproportionnée.
Mme Sandra Regol (EcoS). Il est déjà possible de demander à l’accès à certaines images. Cet article légitime certaines pratiques existantes : arrêtez de faire croire qu’en votant cet amendement, nous voterions contre des moyens d’action, car ils existent déjà en grande partie.
La commission rejette l’amendement.
Elle adopte les amendements rédactionnels CL613 et CL615 de M. Vincent Caure, rapporteur.
Amendement CL58 de M. Ugo Bernalicis
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Nous refusons d’attribuer davantage de pouvoirs de contrôle à des agents qui ne sont pas supervisés par un officier de police judiciaire ou un agent des douanes dans les ports.
Les ports constituent une zone de particulière fragilité en matière de trafic de stupéfiants. Mais il y a des moyens de lutte contre ce phénomène plus efficaces que ceux qui sont prévus ici. Le rapport que j’ai rédigé avec M. Mendes recommande ainsi la mise en place de scanners.
Nous avions également proposé d’instaurer une plateforme nationale de signalement de la corruption. Malheureusement, ces amendements ont été jugés irrecevables, alors même que des signalements par installation sont mis en place. Or je considère que les signalements locaux sont dangereux : les criminels sauront ainsi qui il faut corrompre pour obtenir des informations… Je m’inquiète de la mise en danger des personnes concernées.
M. le président Florent Boudié. Ces amendements ont été jugés irrecevables au titre de l’article 40 de la Constitution : je dois vous renvoyer vers le président de la commission des finances.
M. Vincent Caure, rapporteur. Avis défavorable. Ces dispositions amélioreront les opérations de contrôle. Elles s’inspirent d’ailleurs de ce qui existe déjà pour les agents privés de sécurité.
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Prenons les choses dans l’autre sens : si cela n’apporte rien, à quoi bon former des agents à la qualification judiciaire ?
On le voit depuis 2017 au moins : pour simplifier, on veut autoriser un maximum de personnes à faire un maximum de choses. Mais la qualification judiciaire garantit aux citoyennes et aux citoyens le respect du principe de sûreté, inscrit à l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Les agents formés chercheront l’équilibre, se demanderont si une atteinte aux libertés est disproportionnée ou pas. Le Conseil constitutionnel a déjà censuré des dispositifs qui donnaient des outils nouveaux à des agents qui ne disposaient pas de cette qualification : c’est là une garantie qui n’est pas superfétatoire.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL616 de M. Vincent Caure
M. Vincent Caure, rapporteur. Cet amendement précise les installations portuaires dans lesquelles l’accès est soumis à autorisation en supprimant la référence au parc à conteneurs, qui apparaît inopportune dès lors que celui-ci constitue une partie intégrante du terminal de conteneurs.
Par ailleurs, il est en pratique très difficile de délimiter les parcs à conteneurs et de contrôler leur accès.
La commission adopte l’amendement.
En conséquence, l’amendement CL437 de Mme Agnès Firmin Le Bodo tombe.
Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). Mon amendement CL437 était dans le même esprit, mais je m’interroge sur la nécessité de maintenir la notion de conteneurs « commerciaux ». Ne le sont-ils pas tous ? Quel est l’intérêt de cette précision ?
Amendement CL619 de M. Vincent Caure
M. Vincent Caure, rapporteur. Le présent amendement précise la rédaction des dispositions renforçant l’habilitation des agents accédant aux systèmes d’information des ports. Il prévoit que cet accès, pour lequel une habilitation est prévue, se fait sous la responsabilité des autorités portuaires ou des exploitants des installations portuaires.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CL622 de M. Vincent Caure
M. Vincent Caure, rapporteur. Cet amendement supprime le principe de la réalisation systématique des enquêtes administratives de sécurité pour les personnes accédant de manière temporaire aux zones à accès restreint des ports et prévoit la possibilité, pour l’autorité administrative compétente, de demander la réalisation de telles enquêtes sur les personnes accédant de manière temporaire à ces zones eu égard aux circonstances locales.
Il est en effet apparu au cours des auditions qu’une telle obligation entraînerait des contraintes importantes et parfois non nécessaires, notamment parce que de nombreuses personnes accèdent à ces installations pour moins de vingt-quatre heures.
Mme Sandra Regol (EcoS). Jusqu’à maintenant, vous vouliez renforcer tous les contrôles ; ici, vous voulez laisser un accès sans contrôle à des ports dont on sait qu’ils servent à importer des dizaines de tonnes de drogue.
Et nous venons d’offrir un argument formidable à tous les avocats qui voudront faire voler en éclats des procédures avec la distinction entre conteneurs commerciaux et non commerciaux.
Je ne comprends pas bien la succession des amendements.
M. Vincent Caure, rapporteur. Le contrôle demeure ; il relève de l’autorité portuaire. En revanche, la nécessité d’une autorisation précédée d’une enquête complète est laissée à l’appréciation de l’autorité portuaire. Un grand nombre de personnes accèdent à ces zones pour des durées très courtes : un contrôle systématique provoquerait une embolie de l’autorité chargée de diligenter ces enquêtes administratives.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CL440 de Mme Agnès Firmin Le Bodo
Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). Il est dans le même esprit que celui du rapporteur – je suis même surprise que l’adoption du précédent ne l’ait pas fait tomber.
Il s’agit de renforcer les contrôles, mais aussi de rendre nos règles opérationnelles.
M. Vincent Caure, rapporteur. L’amendement CL616 me paraît suffisant. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL438 de Mme Agnès Firmin Le Bodo
Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). M. Lecoq avait déposé un amendement similaire : on voit combien la sécurité des ports est importante.
Les règles de la procédure contradictoire figurant dans le code des transports doivent être comparables à celles du droit commun.
M. Vincent Caure, rapporteur. Avis défavorable, pas par principe, mais parce que la procédure d’agrément ou de retrait de l’agrément me paraît relever du règlement : la procédure est actuellement fixée à l’article R. 5332‑47 du code des transports.
Par ailleurs, la possibilité de citer des témoins me semble superflue.
Les agréments et habilitations doivent demeurer à la main de l’administration.
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Vous dites, monsieur le rapporteur, que vous seriez d’accord sur le plan des principes, mais vous nous renvoyez quand même au règlement : vous savez que nous défendons toujours, nous, les principes – qui ont d’ailleurs une efficacité propre.
L’amendement CL326, qui n’a malheureusement pas pu être défendu par nos collègues communistes, a été déposé par M. Lecoq, député du Havre, ville dont le maire est Édouard Philippe. Deux groupes politiques assez opposés ont donc déposé des amendements similaires : c’est inhabituel. La raison en est que ces amendements protègent les travailleurs des installations portuaires. On admet qu’une habilitation puisse être remise en cause – en raison d’un soupçon, d’un doute – mais, sans procédure contradictoire, le risque d’arbitraire est grand. Un travailleur qui perd son habilitation risque de perdre son emploi. Il doit pouvoir se défendre.
J’invite donc nos collègues de tous les bancs à adopter cet amendement finalement transpartisan.
Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). Mais oui, ce constat est partagé par plusieurs parlementaires.
Beaucoup d’habilitations devront être délivrées. Il faut protéger les travailleurs du port, mais aussi les employeurs. Ils seraient tous rassurés par l’adoption de cet amendement.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CL623 de M. Vincent Caure
M. Vincent Caure, rapporteur. Il s’agit d’assurer l’application des dispositions de l’article 22 insérées dans le code des transports en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et à Wallis-et-Futuna.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CL225 de M. Emmanuel Duplessy
M. Emmanuel Duplessy (EcoS). La commission d’enquête sénatoriale sur l’impact du narcotrafic en France et les mesures à prendre pour y remédier a mis en lumière un phénomène grandissant et encore mal documenté : celui de la corruption des agents privés et publics. Il importe que les risques auxquels les agents sont exposés soient étudiés avec sérieux.
Cet amendement vise donc à compléter les missions de l’Agence française anticorruption (AFA) pour qu’elle réalise chaque année une cartographie nationale des risques, afin de mieux identifier les facteurs qui expliquent la vulnérabilité de certains agents ainsi que les méthodes utilisées pour faire passer les marchandises dans les ports et les aéroports.
M. Vincent Caure, rapporteur. C’est une forme de demande de rapport déguisé !
L’objectif de l’amendement me semble largement atteint. Dans le cadre de son rapport d’activité annuel, l’Agence établit déjà un état des lieux du risque corruptif général ; dans le cadre de leurs obligations de conformité prévues par la loi Sapin 2, les acteurs vulnérables au risque de corruption établissent d’ores et déjà une cartographie actualisée de ces risques.
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). M. Mendes et moi avons constaté qu’aucun milieu n’est protégé de la corruption. Les trafiquants ont des objectifs concrets – faire passer des conteneurs, obtenir des badges d’accès… – et ils utilisent pour les atteindre les méthodes les plus efficaces, notamment celles du renseignement humain. Ils sont puissants : pour passer un badge, ils peuvent payer jusqu’à 100 000 euros. Mais si cette corruption commence par des transactions financières, elle devient souvent plus brutale par la suite : des familles sont menacées.
C’est pourquoi nous avions proposé une plateforme nationale de signalements des faits de corruption, qui permettrait de porter à la connaissance des autorités des phénomènes que l’on constate autour de soi, mais aussi des phénomènes dont on est soi-même victime. Des personnes qui le souhaiteraient pourraient ainsi sortir de la corruption et se protéger.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL224 de M. Emmanuel Duplessy
M. Emmanuel Duplessy (EcoS). Cet amendement vise à étendre les obligations de l’article 17 de la loi Sapin 2 aux collectivités territoriales de plus de 100 000 habitants et aux services de l’administration exposés, qui seraient ainsi tenus d’élaborer un plan de prévention de la corruption. Malgré leur vulnérabilité face à la criminalité organisée, les collectivités territoriales et les administrations publiques n’ont en effet pas de cadre suffisamment protecteur pour se prémunir des atteintes à la probité. Le présent amendement tient compte des constats dressés par l’AFA et les associations de lutte contre la corruption, mais aussi de l’existence d’une relation avérée entre risques de corruption et développement du narcotrafic.
Pour garantir que cette nouvelle exigence soit adaptée aux réalités de terrain, cet article instaure des seuils pour les collectivités territoriales et renvoie à un décret pris en Conseil d’État le soin de définir le spectre des secteurs ciblés pour les administrations concernées.
S’agissant du sort réservé à l’amendement précédent, je m’étonne qu’à l’heure où l’intelligence n’est pas loin d’être la première valeur économique dans le monde, vous refusiez de manière un peu dogmatique des cartographies, des rapports… qui permettraient d’accumuler de la connaissance.
M. Vincent Caure, rapporteur. Avis défavorable. L’AFA est d’ores et déjà chargée d’élaborer et de diffuser des recommandations destinées à aider les personnes morales de droit public à prévenir et à détecter ces faits.
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Je profite de cette occasion pour revenir sur une autre des recommandations du rapport que j’ai rendu avec M. Mendes, et qui porte sur la formation.
Ces mécanismes corruptifs sont parfois peu maîtrisés par les agents eux-mêmes. On peut mettre le doigt dans l’engrenage sans toujours en avoir conscience. J’estime, contrairement à M. Mendes, que cette formation devrait être obligatoire : tout le monde apprendrait à déceler ces mécanismes, et donc à s’en prémunir.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques CL624 de M. Vincent Caure et CL55 de M. Antoine Léaument
M. Vincent Caure, rapporteur. Cet amendement supprime la faculté pour le procureur de la République d’informer une administration des soupçons qui pèsent sur l’agent qu’elle emploie. Cela paraît excessif.
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Je me réjouis d’avoir déposé le même amendement que le rapporteur : cela montre qu’il est d’intérêt général !
Je souligne qu’il y a un autre problème dans le traitement judiciaire de la corruption : c’est précisément qu’il n’est pas traité. Il est difficile de démontrer un fait ou un mécanisme corruptif ; dès lors, les juridictions préfèrent user d’autres qualifications judiciaires. On a donc du mal à évaluer l’ampleur de la corruption dans notre pays.
M. Mendes et moi-même recommandions donc qu’une circulaire incite les procureurs à rechercher systématiquement les mécanismes corruptifs. Nous pourrions ainsi disposer de statistiques plus solides.
La commission adopte les amendements.
Amendement CL625 de M. Vincent Caure
M. Vincent Caure, rapporteur. L’amendement tend à reporter l’entrée en vigueur de certaines des dispositions de l’article 22 au 1er janvier 2026.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CL51 de M. Ugo Bernalicis
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Les agents, notamment ceux chargés de la sûreté portuaire et aéroportuaire, méconnaissant les mécanismes corruptifs, ils pourraient entrer dans un système de corruption sans en avoir conscience. Afin de les en protéger et de limiter la corruption, cet amendement tend à rendre obligatoire leur formation contre la corruption. Il y va de notre responsabilité de les former : si d’aventure ils se laissaient corrompre malgré tout, il faudrait alors les sanctionner.
Contre l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.
Amendement CL439 de Mme Agnès Firmin Le Bodo
Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). Cet amendement précise les modalités d’entrée en vigueur des dispositifs relatifs aux autorisations, agréments et habilitations prévus à l’article 22, sans retarder l’entrée en vigueur des autres dispositions.
M. Vincent Caure, rapporteur. L’application de l’exigence de renouvellement annuel des autorisations, agréments et habilitations emporte des contraintes opérationnelles fondamentales pour l’ensemble des acteurs de la chaîne portuaire. Je ne suis pas sûr qu’il soit nécessaire d’aller plus loin que ce qui est prévu dans l’amendement CL625, que nous venons d’adopter, mais j’émets un avis favorable à votre amendement, et nous regarderons ensemble d’ici à la séance s’il est nécessaire d’affiner davantage les choses.
M. Michaël Taverne (RN). Nous soutiendrons cet amendement.
Permettez-moi de rebondir sur le précédent : la formation des agents contre la corruption est effectivement nécessaire, ils la réclament d’ailleurs eux-mêmes. Conscient de la réalité du terrain, le Rassemblement national a donc soutenu l’amendement CL51 de M. Léaument – preuve que nous ne sommes pas sectaires, simplement responsables. Et je ne suis pas si surpris que les macronistes n’en aient pas fait autant, eux qui ont détruit la formation des forces de sécurité intérieure.
La commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte l’article 22 modifié.
Article 22 bis (nouveau) (art. 706-1-1 et 706-13 du code de procédure pénale, 445-2-2 [nouveau] du code pénal) : Renforcement des infractions de corruption
Amendement de suppression CL36 de M. Antoine Léaument
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). La corruption est évidemment un problème, mais notre droit prévoit déjà des sanctions. L’aggravation constante des peines, en toute matière et en tout temps, ne les rend pas plus efficaces, et en l’espèce, cela ne diminuera ni le nombre de personnes corrompues, ni le potentiel corruptif de ceux prêts à s’engager dans cette voie. De plus, la corruption implique généralement la constitution en bande organisée, infraction punie par d’autres articles du code pénal bien plus répressifs que ce que prévoit cet article.
En revanche, s’il a été question à l’article 22 d’une plateforme de signalement des agents corrompus ou soupçonnés de l’être, il n’existe aucun mécanisme permettant à des agents corrompus de se signaler : pour aller au bout de la logique, peut-être faudrait-il prévoir un statut similaire à celui du repenti, afin d’offrir à ces agents une issue et d’assurer leur protection ? Nous y travaillerons d’ici à la séance.
M. Vincent Caure, rapporteur. C’est justement parce que tous les agents, publics comme privés, sont exposés à la corruption, que nous ne pouvons pas nous priver du recours à des techniques spéciales d’enquête et qu’il est nécessaire d’aligner les régimes applicables aux agents publics et privés en matière de corruption. Je suis donc défavorable à la suppression de l’article.
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). J’y ai beaucoup réfléchi. Effectivement, la qualification de corruption en bande organisée n’existe pas pour les agents privés, empêchant le recours aux fameuses techniques spéciales d’enquête.
Mais avec cet article, on prend la question à l’envers. En réalité, s’il existe des mécanismes spécifiques aux agents publics, c’est parce qu’ils endossent une responsabilité supérieure aux agents privés – l’article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen dispose d’ailleurs que « la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration ». Le niveau de protection des agents et dépositaires de l’autorité publique est à la hauteur des exigences et responsabilités qui leur incombent, et des sanctions encourues : les policiers, par exemple, sont davantage protégés par la loi, mais aussi plus durement sanctionnés en cas d’infraction.
Plutôt que d’étendre aux agents privés les règles applicables aux agents publics, peut-être faudrait-il confier à nouveau au public des fonctions qui ont été privatisées à tort. Et vous pourrez alors avoir recours aux techniques spéciales d’enquête.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CL626 de M. Vincent Caure, rapporteur.
Elle adopte l’article 22 bis modifié.
Article 23 (art. 145-1, 145-1-1 [nouveau], 145-2, 148, 148-1-1, 148-2, 148-4, 148-6, 179, 187-3, 706-71, 706‑73‑1 et 706‑105‑2 [nouveau] du code de procédure pénale, art. L. 113-2 et art. L. 223-21, L. 223-22, L. 223‑23, L. 223-24 et L. 223-25 [nouveaux] du code pénitentiaire) : Dispositions relatives à l’incarcération des narcotrafiquants, à la détention provisoire et à la procédure applicables aux demandes de mise en liberté
Amendements de suppression CL34 de M. Ugo Bernalicis et CL327 de Mme Elsa Faucillon
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). L’article 23 pose plusieurs problèmes – à commencer par sa longueur : il aurait mieux valu le scinder, pour que l’on puisse examiner correctement toutes les dispositions qu’il prévoit.
Le problème le plus grave concerne peut-être l’allongement de la durée de la détention provisoire, une dérogation au droit commun susceptible de remettre en cause l’équilibre de ce régime. Je rappelle qu’une personne en détention provisoire n’a pas encore été jugée, et est donc présumée innocente – même s’il s’agit d’un grand méchant. Le principe, c’est la liberté, l’enfermement doit rester l’exception – a fortiori quand on n’a pas encore été condamné. Cela explique que les délais de détention provisoire doivent être très courts. J’alerte en outre sur le fait que plus de 20 000 personnes détenues dans les prisons sont en réalité des prévenus, qui participent donc largement de la surpopulation carcérale et de tous les problèmes qu’elle entraîne.
Cet article prévoit également la surveillance par drone et l’extension du recours à la visioconférence pour les audiences : faisons œuvre utile et supprimons-le.
Mme Émeline K/Bidi (GDR). Extension de la visioconférence, allongement des délais de détention provisoire, recours aux drones : cet article rogne sur les droits de la défense pour gérer la pénurie de moyens de la justice et sacrifie nos principes sur l’autel de l’efficacité. Nous proposons donc de le supprimer.
M. Vincent Caure, rapporteur. La modification des modalités de gestion de la détention et des dispositions liées à la détention provisoire prévues par l’article participent d’un même objectif : renforcer nos outils techniques et juridiques et nos armes procédurales pour faire face aux nouvelles menaces sécuritaires.
Sur un tel sujet, on ne peut pas se contenter de grands principes : il faut les concilier avec les réalités de la délinquance et des réseaux de narcotrafiquants. Cet article ne se contente donc pas de gérer la pénurie, mais offre un réarmement de nos capacités. S’il peut être amélioré – j’ai déposé plusieurs amendements pour préciser ou limiter le périmètre de certains dispositifs –, cet article s’inscrit dans la bonne logique.
Mme Pascale Bordes (RN). Nous voterons contre ces amendements de suppression.
Monsieur Bernalicis, l’alignement des délais de détention provisoire pour les faits de délinquance en bande organisée sur ceux applicables en matière criminelle est tout à fait justifié au regard de la gravité des infractions et de leurs conséquences – on vise le haut du spectre !
En outre, même si on ne peut que déplorer la surpopulation carcérale, due pour partie aux détentions provisoire, celle-ci ne saurait guider notre politique pénale, car cela reviendrait à renoncer d’avance.
Enfin, le recours à un avocat inscrit au barreau du ressort du tribunal judiciaire pour les demandes de mise en liberté – la postulation – existe déjà en matière civile : le texte ne vise qu’à l’étendre au pénal. Rassurez-vous, les délinquants et criminels auront toujours affaire à leur avocat ; seulement, celui-ci recourra aux services d’un postulant pour rédiger les demandes de mise en liberté.
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Cet article est un véritable fourre-tout : pour assurer un débat de qualité sur chacune des dispositions, mieux vaudrait le supprimer, et le réintroduire par voie d’amendement, morceau par morceau, en séance publique.
S’agissant des demandes de mise en liberté, le rapport que j’ai produit avec M. Mendes propose le déploiement d’un logiciel spécifique, voire d’agents spécialement dédiés à la rédaction de ces demandes dans les lieux de détention, ce qui améliorerait leur formalisme et garantirait le respect des droits des personnes présumées innocentes – j’y suis très attaché, et c’est donc une proposition que j’ajoute à titre personnel.
M. Pouria Amirshahi (EcoS). C’est une proposition pragmatique, car le caractère fourre-tout de cet article nous empêche d’avoir un débat éclairé et de travailler avec finesse. Or, une partie de l’Assemblée pourrait décider d’adopter certaines dispositions de l’article, à défaut de l’ensemble, puisque, en l’état, d’autres attentent à des libertés essentielles fondamentales.
Madame Bordes, à partir du moment où les conditions de détention obèrent l’efficacité des peines, favorisent la récidive et compromettent la sécurité, il me semble qu’elles doivent quand même, dans une certaine mesure, guider notre politique pénale. Au-delà de ce sujet qui devrait nous préoccuper, la détention préventive – donc avant tout jugement – est une atteinte grave aux libertés individuelles, et généraliser cette entorse à un droit fondamental est particulièrement inquiétant dans un état de droit.
En réalité, l’existence de surveillance sans contrôle de l’autorité judiciaire, inadmissible, justifie à elle seule la suppression de l’article.
Mme Colette Capdevielle (SOC). Le groupe Socialistes et apparentés souscrit à cette demande de suppression. Au motif de s’adapter à l’état catastrophique de nos juridictions, l’article 23 ne contient que des dispositions portant atteinte aux droits de la défense.
Huit points en particulier me semblent poser problème.
Premièrement, allonger les délais de détention provisoire pour les délits revient à l’apparenter à une détention criminelle, ce qui pose un problème de constitutionnalité.
Deuxièmement, allonger les délais durant lesquels les juridictions doivent statuer sur les demandes de mise en liberté compromet la célérité à laquelle les personnes en détention provisoire devraient avoir droit,
Il en va de même pour la suspension du délai de détention provisoire jusqu’à ce que la chambre de l’instruction ait statué sur une requête pendante, qui engendre des conséquences importantes sur le bon déroulé de la justice et contrevient à l’article 13 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui garantit le droit à un recours effectif. Cette mesure remet en cause l’état de droit, le rôle de l’avocat et la défense.
Quatrièmement, offrir à la chambre de l’instruction la possibilité de statuer sur une détention alors même qu’une remise en liberté d’office du fait d’un non-respect de délai devrait être prononcée est inconstitutionnel. Cela reviendrait à laisser la possibilité aux magistrats de ne pas respecter les dispositions légales résultant du code de procédure pénale, au détriment des droits de la personne détenue. C’est une difficulté importante.
Je développerai la suite de mon argumentaire en défendant mon amendement.
M. Vincent Caure, rapporteur. S’il figurait bien dans la rédaction initiale du texte, l’alignement des délais de détention provisoire en matière délictuelle sur ceux applicables en matière criminelle a ensuite été supprimé en séance. Reste que, comme vous, je considère que la rédaction issue des travaux du Sénat sur certaines des dispositions relatives à la détention provisoire n’est pas satisfaisante, et je vous proposerai donc plusieurs amendements pour l’améliorer et limiter le nombre de dispositions.
Nous sommes en revanche en désaccord s’agissant de l’extension du recours à la visioconférence en matière de détention provisoire, qui me semble justifiée au regard du profil des personnes concernées et de la matière infractionnelle. J’ai d’ailleurs défendu un amendement en ce sens, appelé en priorité.
Plutôt que de supprimer sauvagement la totalité de l’article ou de le saucissonner, discutons patiemment de chacune des mesures pour recentrer le texte sur les plus pertinentes – il y en a, je suis sûr que vous en conviendrez – et assurer un dispositif à la fois compréhensible et robuste sur le plan juridique.
La commission rejette les amendements.
Amendement CL104 de Mme Marie-France Lohro
M. Vincent Caure, rapporteur. Nous avons déjà pleinement les moyens de discuter avec l’administration pénitentiaire de ces sujets. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements CL219 de Mme Colette Capdevielle, CL32 de M. Antoine Léaument et CL 421 de M. Pouria Amirshahi (discussion commune)
Mme Colette Capdevielle (SOC). Cet amendement vise à supprimer les alinéas 4 à 50. Au-delà des raisons déjà exposées, j’ajoute qu’allonger de quatre à huit heures le délai durant lequel un référé détention peut être exercé par le Procureur de la République rend difficilement soutenable l’attente de la personne détenue avant de savoir si elle pourra être libérée ou non.
Ensuite, imposer à la personne détenue de communiquer les pièces au soutien de sa demande de mise en liberté au moins cinq jours avant la date d’audience est difficilement tenable en l’absence d’avocat. Il s’agit donc d’une atteinte aux droits de la défense, d’autant qu’aucun délai ne s’impose au ministère public s’agissant des réquisitions écrites.
En outre, imposer le recours à un avocat inscrit au barreau du ressort du tribunal judiciaire complexifie les demandes de mise en liberté.
Pour terminer, cet article permet de contourner le refus d’une personne de recourir à la visioconférence dans le cadre de la détention provisoire. C’est insupportable au regard du principe de liberté, et représente un dilemme pour l’avocat, qui doit alors choisir entre être aux côtés de son client ou près du juge.
Et tout ça pour pallier un manque de moyens humains et matériels : c’est très grave !
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Les délais de détention provisoire en matière criminelle sont déjà allongés par rapport à la matière délictuelle au nom de la gravité des peines encourues et de la durée des enquêtes : c’est donc une dérogation à la dérogation. Et on cherche à l’étendre encore pour se laisser davantage de temps ! Je le rappelle, tant qu’une personne n’a pas été jugée, elle est présumée innocente. Au reste, ce n’est pas parce qu’elle n’est pas en prison qu’elle peut disparaître dans la nature, si c’est ce qui vous inquiète : il existe d’autres mécanismes judiciaires pour l’éviter, comme le contrôle judiciaire, fondé sur des obligations. L’allongement des délais de la détention provisoire ne vise qu’à pallier un manque de moyens et l’allongement des durées d’enquête qui, bien souvent, est lui-même le fait d’un manque de moyens.
Madame Bordes, vous ne pouvez pas balayer d’un revers de main le problème de la surpopulation carcérale : source de tensions dans les lieux de détention, cette situation augmente le risque de violences sur les agents pénitentiaires. Nous sommes plusieurs à défendre l’idée d’un mécanisme de régulation carcérale, et beaucoup estiment qu’il ne faudrait pas prendre en compte la détention provisoire.
Quoi qu’il en soit, on ne peut pas garder aussi longtemps en détention une personne présumée innocente.
M. Pouria Amirshahi (EcoS). Pour renforcer réellement le contrôle et la surveillance des personnes suspectées d’être dangereuses ou jugées comme telles, donnons-nous-en les moyens !
Commençons par améliorer le ratio entre personnel pénitentiaire et nombre de détenus et arrêtons d’incarcérer à tout va, ce qui provoque un engorgement des prisons et entraîne des conditions de détention épouvantable Ce texte prévoit des mesures de privation de liberté très graves pour les détenus, comme l’interdiction des visites familiales. N’oubliez pas qu’au moment du covid, ce genre de dispositions avait déclenché des émeutes dans plusieurs prisons.
Au-delà des nombreux problèmes présentés par Mme Capdevielle, cet article allonge le délai accordé au juge pour motiver l’allongement de la durée de détention provisoire. C’est particulièrement gênant.
M. le président Florent Boudié. Monsieur Amirshahi, pendant le covid, le gouvernement a pratiqué une politique offensive de régulation carcérale, et ça s’est très bien passé.
M. Vincent Caure, rapporteur. Avis défavorable. Les dispositions sont limitées aux personnes mises en cause pour des infractions en lien avec la délinquance et la criminalité organisée, deux domaines dans lesquels il nous faut concilier nos principes et la réalité. Il faut du temps pour réunir l’ensemble des éléments nécessaires dans des affaires aussi complexes, d’où l’extension des délais de détention provisoire en matière délictuelle.
Par ailleurs, j’ai déposé des amendements visant à supprimer certaines dispositions, qui devraient répondre aux autres inquiétudes qui se sont exprimées.
M. Jordan Guitton (RN). Nous voterons contre ces amendements en discussion commune. Il nous semble nécessaire de créer des dispositifs juridiques spécifiques pour le narcotrafic, à l’image de ce qui a été fait il y a quelques années pour le terrorisme. En l’espèce, nous sommes favorables à l’allongement des délais de détention provisoire.
Allonger de huit à douze mois le délai dans lequel le juge est tenu de motiver l’allongement de la détention provisoire nous paraît également de nature à améliorer la fluidité du système juridique, qui souffre d’un manque de moyens humains pour faire face à des enquêtes complexes.
Je rappelle à nos collègues de gauche – en particulier aux socialistes –, qui étaient au pouvoir il n’y a pas si longtemps, qu’ils sont aussi responsables de l’état de notre système judiciaire. En abaissant largement ses moyens, vous avez empêché de recruter suffisamment de magistrats et de greffiers dans les tribunaux, avec les conséquences que l’on sait et que vous déplorez aujourd’hui.
Face à des bandes organisées, qui ont recours aux nouvelles technologies, comme l’intelligence artificielle, il faut laisser le temps à la justice de s’organiser et de mener l’instruction. À cet égard, allonger de quatre à six mois la durée de la détention provisoire nous semble nécessaire, à condition que cela reste limité à la gestion des affaires de narcotrafic.
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Certes, pendant le covid, on a fait sortir des détenus plus rapidement – ce qui est un des mécanismes de la régulation carcérale – et il y a eu moins d’entrants puisque les tribunaux fonctionnaient au ralenti – ce que, dans notre jargon politique, nous qualifierions de déflation pénale.
Mais pendant cette période, la durée de la détention provisoire a, elle, été prolongée, par ordonnance – que le Parlement n’a d’ailleurs jamais ratifiée –, alors qu’au titre de l’article 66 de la Constitution, seule l’autorité judiciaire, en la personne du juge, a le pouvoir de restreindre la liberté d’un individu ou de l’en priver. Autant vous dire que la Cour de cassation était « en PLS » (position latérale de sécurité » ! Je n’idéaliserais donc pas la période covid, monsieur le président.
M. le président Florent Boudié. J’ai simplement rappelé une réalité !
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). En revanche, les conditions de détention étaient effectivement moins pénibles, parce qu’il y avait moins de détenus. Or, ajouté à l’allongement de la durée moyenne des peines, celui de la durée de la détention provisoire participe de la surpopulation carcérale : il faut donc supprimer cette disposition, d’autant qu’il n’est pas besoin de la justifier – peut-être n’est-ce même pas constitutionnel, d’ailleurs.
La visioconférence pose aussi des difficultés : de quel côté de l’écran l’avocat doit-il être ? Avec le juge ? Avec son client ? J’ajoute que ce sera plus difficile encore de se déplacer dans les deux futures « narcoprisons », qui accueilleront aussi, sans nul doute, de simples prévenus.
Encore une fois, toutes ces entraves à la liberté ne servent qu’à pallier un manque de moyens : ce n’est pas acceptable.
Mme Sandra Regol (EcoS). Cette procédure tend une nouvelle fois à faire de l’exception une règle. Or, quand cela a lieu hors de toute justification et de tout cadre, on fragilise la règle. En quoi réduire le contrôle exercé par un juge sur la détention peut-il aider à lutter contre le narcotrafic ? En outre, c’est sans doute anticonstitutionnel.
Mme Colette Capdevielle (SOC). Je vous invite, chers collègues, à lire la tribune parue cette nuit dans Le Monde, signée par la plupart des hauts magistrats du Conseil d’État et de la Cour de cassation et intitulée : « Il ne faudrait pas découvrir la valeur de l’État de droit une fois perdu », en réponse notamment aux déclarations du ministre de l’intérieur, qui s’était permis de dire : « L’État de droit, ça n’est pas intangible ni sacré. » Ces hauts magistrats rappellent que tout le monde est concerné. La tribune est signée par le procureur général près la Cour de cassation, qui a 61 ans, par le vice-président du Conseil d’État, par le président de la section du contentieux du Conseil d’État, Christophe Chantepy, par un juge élu au sein de la Cour européenne des droits de l’homme et par le premier président de la Cour de cassation, Christophe Soulard, âgé de 67 ans. Elle tombe à point nommé pour rappeler à la commission des lois que l’on ne joue pas avec les principes du droit, avec les droits de la défense, les délais, la liberté et la présomption d’innocence. On se trumpise !
La commission rejette successivement les amendements.
Elle adopte l’amendement rédactionnel CL559 de M. Vincent Caure, rapporteur.
Amendements CL422 de M. Pouria Amirshahi et CL560 de M. Vincent Caure (discussion commune)
M. Pouria Amirshahi (EcoS). Nous nourrissons les plus grandes préventions contre l’article 23. Permettez-moi de revenir sur la question de la surpopulation carcérale pendant la crise du covid. Certains mécanismes avaient permis d’organiser une sortie massive, sauf pour les personnes en détention provisoire. La restriction des droits familiaux des personnes détenues avait conduit à des mutineries lourdes à Maubeuge, à Béziers, à Uzerche, à Draguignan, à Longuenesse et à Écrouves. Aggraver les conditions d’exécution de la peine ne permet en rien de s’attaquer au haut du panier et fait courir un risque à la sécurité des prisons. Au-delà de la nécessité de protéger nos droits fondamentaux, comme le disait très justement Colette Capdevielle, se pose aussi la question de l’efficacité.
M. le président Florent Boudié. Monsieur le député, vous signaliez que les mesures de régulation carcérales avaient été prises après un certain nombre d’émeutes, alors qu’elles l’avaient été avant.
M. Vincent Caure, rapporteur. Comme vous, monsieur Amirshahi, je considère que les alinéas 11 et 15 sont problématiques et peu clairs, de sorte que je proposerai de les supprimer. S’agissant de l’alinéa 19, je proposerai simplement une suppression des dispositions de nature réglementaire qui y figurent. En revanche, nos avis divergent sur l’alinéa 18 : l’allongement du délai me semble nécessaire.
Mme Pascale Bordes (RN). Les alinéas dont vous demandez la suppression sont pourtant très utiles aux magistrats, qui les attendent depuis de longues années – je parle de ceux qui ne sont pas membres du syndicat de la magistrature, car il en existe heureusement, même si la gauche les invisibilise. En effet, les délinquants et les criminels en matière de trafic de stupéfiants ont des cabinets d’avocats qui utilisent tous les artifices possibles pour emboliser les procédures.
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Nous sommes, pour notre part, favorables à une suppression des alinéas 11 à 18. J’ai envie que la justice soit efficace et que tous les magistrats sans exception puissent faire sereinement leur travail. En réalité, pourquoi les détenus peuvent se servir des demandes de mise en liberté pour entraver la justice ? Parce que la justice n’a tellement pas de moyens que ces manœuvres dilatoires l’embolisent. Si nous avions les moyens de traiter correctement ces demandes, ils ne s’en serviraient pas. On ne peut pas supprimer des droits faute de moyens ! Une fois que vous aurez réglé la question des demandes de mise en liberté grâce à des procédures expéditives, les personnes en détention trouveront un autre moyen d’emboliser la justice et vous serez obligés de réduire de nouveau les droits…
La commission rejette l’amendement CL422.
Elle adopte l’amendement CL560.
Amendement CL561 de M. Vincent Caure
M. Vincent Caure, rapporteur. Je propose de supprimer l’alinéa 15.
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Vous essayez de compliquer la demande de mise en liberté, avec des arguments que nous entendons. Bien sûr qu’il ne faut pas pouvoir formuler une nouvelle demande de mise en liberté si la précédente n’a pas été examinée. Mais c’est parce qu’il n’existe pas d’outil pour les recenser qu’une telle accumulation est rendue possible. Au‑delà des moyens humains nécessaires pour les traiter, le problème pourrait être résolu grâce à une plateforme ou à un logiciel, sans affaiblir les droits.
La commission adopte l’amendement.
Elle adopte les amendements rédactionnels CL562 et CL563, ainsi que l’amendement de coordination CL564 de M. Vincent Caure, rapporteur.
Amendements identiques CL565 de M. Vincent Caure et CL423 de M. Pouria Amirshahi
M. Vincent Caure, rapporteur. Je propose de supprimer les alinéas 20 et 28.
La commission adopte les amendements.
Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CL424 de M. Pouria Amirshahi.
Amendements CL566 de M. Vincent Caure et CL425 de M. Pouria Amirshahi (discussion commune)
M. Vincent Caure, rapporteur. Je propose de supprimer les alinéas 26 et 27, qui font courir certains délais de traitement des demandes de mise en liberté à compter de leur enregistrement.
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Malheureusement, cet article fourre-tout ne permet pas de débattre sujet par sujet. Il aurait été mieux de le supprimer et de le redéposer en séance.
Concernant les demandes de mise en liberté, on ne peut pas s’en prendre systématiquement à l’État de droit parce que l’on n’a pas mis les moyens suffisants dans la justice. C’est un peu comme si l’on disait que l’on n’a pas le droit d’être protégé contre les vols parce qu’il n’y a pas assez de policiers ou d’être protégé contre les agressions pour la même raison. Cela conduit à diminuer les droits petit à petit en l’absence des moyens nécessaires.
S’agissant de la justice, au prétexte que ces personnes n’ont pas respecté la loi ou qu’elles sont soupçonnées de ne pas l’avoir fait, on limite de plus en plus leurs droits. Selon John Rawls, on doit écrire la loi sous un voile d’ignorance, en se mettant à la place de celui qui pourrait être dans la situation dont on débat, sauf que l’on se met bien trop peu à la place des personnes prévenues, détenues ou jugées. Or cela nous permettrait d’éviter de limiter leurs droits.
Mme Naïma Moutchou (HOR). La densité de cet article est problématique. Il aborde beaucoup de sujets. Je suis mal à l’aise avec l’idée que les demandes de mise en liberté relèveraient de stratagèmes, notamment de la part des avocats. Il y a des critères. Il n’est pas dit qu’un juge fasse droit à une demande de mise en liberté. Les statistiques montreraient assurément que les refus sont majoritaires.
En vérité, cela révèle qu’il y a des failles dans l’arsenal judiciaire et législatif. Le problème est non pas celui des demandes de mise en liberté mais des moyens dont disposent notamment les magistrats et leurs équipes. Nous sommes plutôt favorables à un durcissement de certaines peines ou à une réflexion sur d’autres stratégies. On voit bien le discours, qui me déplaît, derrière ces attaques contre les demandes de mise en liberté.
M. Jocelyn Dessigny (RN). Monsieur Léaument, je suis assez d’accord avec vous sur le principe que ce n’est pas parce que l’on manque de moyens qu’il faut changer la loi. Toutefois, quand vos collègues nous expliquent qu’il ne faut pas mettre les gens en prison par manque de place, peut-être faut-il construire un peu plus de prisons pour éviter une justice à deux niveaux : certaines personnes seraient condamnées à des peines moindres quand les prisons sont pleines et d’autres à des peines normales quand il y a de la place, ce qui est un vrai scandale.
La commission adopte l’amendement CL566.
En conséquence, l’amendement CL425 tombe.
Amendement CL426 de M. Pouria Amirshahi
M. Pouria Amirshahi (EcoS). Nous proposons de supprimer l’alinéa 35.
M. Vincent Caure, rapporteur. Avis défavorable. Cet alinéa est déjà un compromis.
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Je ne vois pas en quoi c’est un compromis. Ces rédactions sont de véritables chausse-trappes, comme cela se pratique beaucoup dans la procédure civile et dont les avocats se plaignent d’ailleurs.
L’argument de la surpopulation carcérale n’est qu’un argument supplémentaire. Même sans cela, je suis contre le principe de l’allongement des délais de détention provisoire. Par ailleurs, l’argument du coût des prisons ne sera jamais mon argument numéro 1 : dans certains domaines, je pense qu’il est important de dépenser de l’argent – moi pour défendre des droits, vous pour les restreindre. L’objectif de cette loi est de lutter contre le narcotrafic ; or la surpopulation fait augmenter le risque corruptif pesant sur les agents.
Mme Naïma Moutchou (HOR). Je ne rejoins pas mon collègue sur l’argument de la surpopulation. En vérité, on incarcère de moins en moins mais de plus en plus longuement et de plus en plus tard. D’ailleurs, au sein de notre groupe, nous sommes favorables au retour des courtes peines, que nous défendrons dans notre niche.
Est-ce qu’on lutte contre le narcotrafic en supprimant la possibilité pour un avocat de faire une demande de mise en liberté par lettre recommandée ? Je n’en suis pas sûre. Je me demande ce que cachent ces dispositifs. Il me semble que le problème est pris à l’envers.
Mme Pascale Bordes (RN). En matière civile, il n’y a quasiment plus d’actes que les avocats fassent par courrier recommandé. Tout est dématérialisé. Je ne pense donc pas qu’il y ait d’arrière-pensée : il s’agit seulement d’uniformiser les procédures. Cela répond aussi à une demande des magistrats. Certains cabinets d’avocats, qui conseillent des trafiquants du haut du spectre, ont tendance à envoyer ces demandes en rafale, pas forcément aux bonnes adresses, ce qui crée des difficultés, du contentieux et participe à l’embolisation des juridictions. Qu’un avocat aille à La Poste pour adresser un courrier recommandé ou fasse une démarche au greffe pour faire enregistrer sa demande, cela ne va pas bouleverser les procédures tout en permettant de désengorger les juridictions.
Mme Sandra Regol (EcoS). Je ne comprends pas en quoi ces dispositifs aideront à lutter contre le trafic de stupéfiants et les bandes organisées. Le problème de la démultiplication des demandes de mise en liberté a été soulevé plusieurs fois au cours des auditions. Mais pourquoi supprimer un usage même désuet, alors qu’il existe tant de dispositifs désuets qui servent encore ? Je ne vois pas non plus en quoi cet alinéa est un compromis. Il ne fait que poursuivre la logique à l’œuvre.
Mme Colette Capdevielle (SOC). À l’heure où toutes les formalités passent par la voie électronique, notamment dans les cours d’appel et les juridictions de premier degré, on va complexifier la procédure. En réalité, c’est une nouvelle atteinte aux droits de la défense, notamment quand les personnes détenues n’ont pas d’avocat et qu’elles doivent faire elles-mêmes leur demande de mise en liberté. Le plus simple, pour éviter des déplacements à La Poste ou aux greffes, c’est la voie électronique. Dès lors qu’une demande serait déposée, toute autre deviendrait irrecevable, tant que la juridiction n’aurait pas tranché. L’appel est fait par le RPVA (réseau privé virtuel des avocats). De la même façon, les demandes de mise en liberté pourraient être déposées depuis n’importe quel lieu. La Chancellerie a, je pense, les moyens de mettre à disposition un logiciel pour recenser ces demandes. Votre dispositif ne rend pas service aux magistrats et encore moins aux greffiers.
M. Vincent Caure, rapporteur. Ce n’est pas à cause de sa désuétude que nous voulons supprimer cette disposition mais parce que, dans certains cas, elle fait partie de stratagèmes pour former des demandes de remise en liberté anticipée. J’entends vos arguments mais aussi ceux des magistrats avec lesquels nous avons discuté. C’est un compromis dans la mesure où la rédaction initiale imposait que l’avocat requérant soit inscrit à l’ordre des avocats du ressort du tribunal judiciaire compétent.
La commission rejette l’amendement.
Amendements CL427 de M. Pouria Amirshahi, CL390 et CL391 de M. Ugo Bernalicis (discussion commune)
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Supprimer une précision hallucinante ne fait pas de cet alinéa un compromis ! Vous supprimez la lettre recommandée parce que, une fois, dans un tribunal, quelqu’un n’est pas allé chercher le courrier. Or la même erreur peut se produire par voie dématérialisée : il peut arriver de ne pas lire un message non plus. Avec vous, c’est la punition collective.
Quant à l’amendement CL391, il vise à permettre à une personne détenue provisoirement de former une demande de mise en liberté par voie dématérialisée, accompagnée par un personnel du greffe. J’espère en effet qu’il sera toujours possible de ne pas passer par un avocat – je vois bien la tentation à l’œuvre. À titre expérimental, des tablettes sont d’ailleurs mises à disposition en cellule pour accomplir certains actes du quotidien ou de justice.
M. Vincent Caure, rapporteur. Une telle évolution présenterait de nombreux avantages, non seulement pour les personnes détenues, en facilitant leur démarche puis le suivi de leur demande, mais également pour les services judiciaires. Ce sujet a été évoqué lors de nos auditions. Cela se fait déjà parfois, grâce à des conventions locales conclues entre parquets et ordres des avocats. Toutefois, il semble difficile de précipiter une généralisation pour toutes les demandes de mise en liberté, au regard des implications techniques, notamment en matière d’authentification et de sécurisation des éléments reçus. Il sera intéressant d’avoir ce débat en présence du ministre, dans la mesure où cette question relève aussi de l’organisation du ministère et des moyens alloués à ce sujet. Demande de retrait.
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Je remercie Mme Moutchou d’avoir posé le débat dans les bons termes. C’est une question de droits humains à laquelle il ne faut répondre qu’avec précaution. Emprisonner des gens est tout de même très spécifique, surtout quand ils sont simplement soupçonnés et pas encore jugés. Nous proposons seulement que ces demandes de mise en liberté puissent être faites par les avocats sur le logiciel qu’ils utilisent déjà, sans l’imposer. Pour quelle raison ne voteriez-vous pas un tel amendement ?
Dans l’amendement suivant, nous proposons une expérimentation pour faire accompagner les personnes mises sous main de justice dans leur demande de mise en liberté. Si vous voulez être de gauche une fois dans votre vie, c’est le moment !
Mme Colette Capdevielle (SOC). Pourquoi nul ne peut disconvenir qu’il s’agit d’un progrès ? La voie électronique permet de vérifier la recevabilité de la demande et d’informer sans délai non seulement le juge d’instruction, mais aussi les victimes, qui ne le sont pas par l’envoi d’une lettre recommandée, pas davantage que l’avocat. Or, dans certaines affaires, la victime a son mot à dire sur une demande de remise en liberté.
Il s’agit d’un procédé de notre temps, simple d’utilisation, évitant tout déplacement, au bilan carbone nul et permettant à toutes les parties – greffe, parquet, parties civiles, avocats, juge d’instruction – d’être informées sans délai. Je n’en vois pas de meilleur, d’autant que le logiciel peut être bloqué tant qu’une décision n’a pas été rendue. Il s’agirait d’un grand pas en avant, sur lequel nous devrions échanger avec la Chancellerie.
M. Vincent Caure, rapporteur. Tout cela est exact, à ceci près que, dixit les services, l’authentification de la demande n’est pas complètement sécurisée. Toutefois, inscrire le principe du recours à une transmission dématérialisée dans la loi pourrait permettre une démarche d’« aller vers », ce qui m’amène à émettre un avis favorable à l’amendement CL427.
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Je consens à retirer l’amendement CL390, similaire à l’amendement CL427. Je maintiens l’amendement CL391, qui est mieux-disant tout en se contentant de prévoir une expérimentation entièrement à la main du gouvernement.
M. Vincent Caure, rapporteur. L’adoption de l’amendement CL427, en inscrivant le principe du recours à la transmission dématérialisée dans la loi, induira la mise en œuvre d’une expérimentation, ce qui satisfait l’amendement CL391.
L’amendement CL390 est retiré.
La commission adopte l’amendement CL427.
En conséquence, l’amendement CL391 tombe.
Amendements identiques CL567 de M. Vincent Caure et CL428 de M. Pouria Amirshahi
M. Vincent Caure, rapporteur. Les alinéas 39 et 40 de l’article 23 posent problème, dans la mesure où ils peuvent induire une durée illimitée de détention provisoire. J’en propose la suppression.
M. Emmanuel Duplessy (EcoS). Ces alinéas introduisent une incertitude majeure sur la durée effective de la privation de liberté. Comme d’autres dispositions que nous déplorons, ils consistent à restreindre, au nom de l’efficacité mais surtout en raison du manque de moyens de la justice, les droits pourtant fondamentaux de la défense. Il serait dangereux qu’une personne puisse être détenue pour une durée illimitée au seul motif qu’elle exerce son droit de contester la régularité de sa détention.
La commission adopte les amendements.
Amendements identiques CL31 de M. Ugo Bernalicis et CL429 de M. Pouria Amirshahi
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Il s’agit de s’opposer au recours à la visioconférence lors des audiences, lequel devient de plus en plus la norme en matière de criminalité organisée. La présence de la personne est nécessaire. Tout le monde ici est en mesure de le comprendre. On peut ignorer certaines données techniques ou ne pas avoir l’expérience de telle ou telle situation, mais la visioconférence, depuis la crise du covid, nous en avons tous l’expérience.
Selon que l’on est en visioconférence ou en présence, la discussion, a fortiori la défense d’un prévenu, n’est pas la même. Mettez-vous à la place des personnes qui passent en audience ! Demandez-vous si vous souhaiteriez vous défendre de vive voix ou en visioconférence ! Cela devrait vous inciter à adopter nos amendements.
M. Pouria Amirshahi (EcoS). Les dispositions prévues aux alinéas 44 à 47 sont graves. Comme l’ont rappelé nos collègues Léaument et Capdevielle, la rencontre avec un juge en sa présence dit des choses, langage corporel inclus. Le moment est particulier, non seulement grave et solennel, mais aussi chargé de tension et d’émotion. Le droit ne se réduit pas à la froideur implacable de la loi, il comporte aussi une dimension sensible.
Il y va de choix essentiels, sur l’enfermement ou la remise en liberté des gens. La rencontre avec le juge en sa présence est sacrée, dans la mesure où en avoir la possibilité ressortit aux fondamentaux de l’État de droit, au même titre que se déplacer pour déposer un bulletin de vote dans l’urne. Le sacré, en République, rassemble les droits essentiels.
De surcroît, l’alinéa 45 prévoit le recours à la visioconférence sans le consentement du prévenu. Il faut se rendre compte de ce que cela représente, en sus du problème que pose intrinsèquement le recours à la visioconférence. Il faut donc adopter nos amendements, quitte à rédiger cette disposition autrement en séance publique. Telle qu’elle est rédigée, elle est gravement attentatoire aux droits fondamentaux de la défense.
M. Vincent Caure, rapporteur. Ayant présenté au début de nos travaux un amendement portant article additionnel après l’article 23 visant à étendre le recours à la visioconférence, j’émets un avis défavorable aux amendements.
Les dispositions visées portent sur le placement en détention provisoire ou sa prolongation, non sur les audiences de jugement, comme l’ont affirmé certains orateurs. Dans ce cadre, le recours à la visioconférence est d’ores et déjà en vigueur. Il s’agit d’en faire la règle pour les profils dont l’extraction judiciaire présente un danger élevé. S’agissant du consentement du prévenu, il est n’est pas toujours nécessaire en l’état actuel du droit.
M. Michaël Taverne (RN). Une fois de plus, l’extrême-gauche apporte la preuve que sa philosophie consiste à faire preuve de toujours plus de compassion pour les auteurs d’infraction sans trop se soucier des victimes. J’ai à l’esprit les surveillants pénitentiaires abattus pour une minute et demie d’audition dans le bureau d’un juge. En Italie, le recours à la visioconférence est généralisé et fonctionne très bien.
Par ailleurs, les dispositions des alinéas 44 à 47 sont limitées au placement en détention provisoire ou la prolongation en détention provisoire. On ne peut pas mettre en péril des agents de l’administration pénitentiaire ou des policiers pour une minute dans le bureau du juge exigeant une extraction judiciaire de trois heures. Une fois encore, vous démontrez votre volonté de mettre en difficulté ceux qui assurent la sécurité dans ce pays.
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Monsieur Taverne, si vous aviez demandé le placement en détention provisoire du policier qui a tué Nahel par respect pour la famille de la victime, vos propos auraient quelque crédibilité. Hélas, ils varient selon que la personne porte ou non l’uniforme.
Dans le salon Casimir-Perier qui jouxte la salle des séances, deux bas-reliefs se font face : au-dessus du bronze de Dalou représentant Mirabeau à la séance des États généraux du 23 juin 1789, la loi protectrice ; côté cour, la loi vengeresse, entourée de gens brandissant des épées d’où émane une violence immense. L’une et l’autre surplombent la rencontre du juge et du prévenu : le juge a en face de lui la personne dont il doit décider de la prolongation ou de la suspension de la détention provisoire ; le prévenu se demande quel aspect de la loi l’emportera.
On nous accuse d’être des gauchistes, des laxistes d’extrême-gauche. Or c’est de la loi qui punit que nous parlons. Nous refusons qu’elle s’applique en visioconférence, comme une simple formalité.
Mme Colette Capdevielle (SOC). Mesdames et messieurs du Rassemblement national, vous avez tort de refuser ce qu’est un procès. Un procès, c’est un moment unique ; c’est une rencontre, une confrontation. Un homme ou une femme se trouve placé face à ses juges, face à sa victime ou à ses victimes évoquant la souffrance endurée et le préjudice subi, et face au procureur qui lui rappelle la loi. Cela suscite des moments uniques, notamment en raison de l’émotion qui affleure, inexistants en visioconférence. Qui imagine les débats de cette commission se tenir en visioconférence ?
Je vous invite à vous rendre dans les juridictions et dans les tribunaux pour voir ce qui se passe souvent à l’audience. Le prévenu, placé face à la réalité des faits, peut finir par les reconnaître et par prendre sa victime en considération ; celle-ci peut trouver une forme d’apaisement ; le juge, au moment de rendre sa décision, peut faire preuve d’une forme d’humanité dans la sanction qu’il prend et dans la façon dont il explique la décision du tribunal.
De tels moments ne s’observent qu’en présence des parties, lorsque les femmes et les hommes sont ensemble, dans la même pièce, d’autant que les salles d’audience des palais de justice présentent en règle générale une forme de solennité qui impose un respect du juge et de la justice. Supprimer tout cela déshumaniserait la justice, ce qui serait très grave.
M. Vincent Caure, rapporteur. Les alinéas 44 à 47 ne visent pas les audiences de jugement, mais le placement en détention provisoire ou la prolongation en détention provisoire.
La commission rejette les amendements.
La commission adopte l’amendement rédactionnel CL568 de M. Vincent Caure, rapporteur.
Amendement CL245 de M. Michaël Taverne
M. Michaël Taverne (RN). Heureusement que les députés du Rassemblement national sont là pour éviter que l’extrême gauche ne dénature le texte ! Le ministre de la justice a raison. Réveillez-vous, chers collègues macronistes ! Lutter contre les narcotrafics suppose d’être présent en commission pour éviter que le texte ne soit déstructuré. Vous pouvez remercier les députés du Rassemblement national, qui travaillent dans l’intérêt des Français.
Nous sommes en 2025 : il est temps de débattre de la visioconférence. Sans doute nos collègues d’extrême gauche, qui veulent nous ramener à l’âge de pierre, déposeront-ils un amendement visant à rétablir l’usage de la machine à écrire…
L’amendement CL245 vise à étendre le recours à la visioconférence à tous les crimes et délits commis en bande organisée. La visioconférence fonctionne très bien et offre, d’après les magistrats que nous avons interrogés, une sécurité, s’agissant non de petits voleurs de brioche, mais de membres du crime organisé parfaitement capables de mettre en œuvre des stratégies d’évasion de certains détenus.
M. Vincent Caure, rapporteur. Avis défavorable. La systématisation du recours à la visioconférence dans le cadre de la détention provisoire vise à éviter les transfèrements et les extractions judiciaires jugés dangereux. L’élargissement proposé est excessif. Il me semble préférable de s’en tenir aux infractions relevant de la criminalité organisée visée par l’article L. 706-73 du code de procédure pénale.
Mme Sandra Regol (EcoS). Plusieurs amendements de M. Taverne visent à étendre considérablement les dispositions de l’article, alors même que nous avons dû procéder à un toilettage significatif du texte adopté par le Sénat, qui comporte de nombreuses dispositions à la constitutionnalité incertaine ou susceptibles d’entraver l’action de la justice et de la police.
Monsieur Taverne, vous êtes prompts à affirmer que vous faites avancer nos travaux sur le texte ; vous les faites surtout avancer vers davantage d’inconstitutionnalité et une moindre capacité des forces de police et de justice à travailler contre le banditisme, notamment celui qui agit en bande organisée, en visant les têtes de réseau. Le camp républicain s’évertue, sous vos insultes, à faire tout le contraire pour assurer la sécurité des Françaises et des Français.
Mme Naïma Moutchou (HOR). Je m’adresserai à notre collègue Taverne, ayant voté contre ses précédents amendements – j’ignore si cela fait de moi un membre de l’extrême gauche, d’autant qu’on me rangeait hier à l’extrême droite.
Je défends depuis toujours l’idée que la visioconférence n’est pas une bonne solution. Pour avoir mené des auditions à distance et en présence des prévenus, je puis dire que la visioconférence prive le magistrat de nombreux éléments. La justice doit être certes ferme, mais aussi efficace.
S’il est exact que la visioconférence permet de pallier certaines carences dues au manque de moyens et d’éviter de procéder à une extraction si elle met en danger des personnels du ministère de la justice – et non du ministère de l’intérieur, ce qui est en soi un sujet –, nous ne pouvons pas aller toujours plus loin dans son usage. Il faut taper du poing sur la table, comme le font nos collègues d’extrême gauche. La visioconférence n’est pas la panacée, d’autant qu’elle n’est pas parfaitement au point techniquement.
Il faut donc veiller à maintenir son usage dans un cadre très strictement encadré. Tel qu’il est rédigé, l’article 23 n’est clairement pas constitutionnel. Nous pouvons toujours le voter, mais il ne passera pas la barre du contrôle de constitutionnalité.
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Je remercie la présidente Moutchou de ses propos – sauf ceux consistant à dire que nous sommes d’extrême gauche : nous sommes une version de la gauche qui était au pouvoir il y a une quarantaine d’années, décidant par exemple d’abaisser l’âge de la retraite à 60 ans et de procéder à des nationalisations.
La vision de la justice de nos collègues du Rassemblement national est la suivante : si vous êtes accusé, vous êtes coupable. Tenir un procès, demander une remise en liberté, discuter avec un juge en face-à-face : rien de tout cela n’est nécessaire. Si quelqu’un vous a attrapé, c’est que vous avez quelque chose à vous reprocher. On vous a jeté dans un lieu de détention, quelqu’un doit vous juger quelque part, éventuellement en visioconférence, et vous voilà en prison à vie, coupé de la société – plus rien ne bouge. Vous avez pété une vitre en tombant ? Votre procès a lieu en visioconférence et le son ne passe pas ? Rien de grave, puisque vous êtes en prison !
Si Mme Moutchou a une position si critique sur le recours à la visioconférence, c’est parce qu’elle l’a vécu comme praticienne du droit. Comme praticien de la visioconférence, je vous exhorte à ne pas l’utiliser pour les procès.
M. Sébastien Huyghe (EPR). Monsieur Taverne, les députés du socle commun sont présents en commission. Faute de majorité absolue, le sort des amendements dépend des effectifs lors de leur mise aux voix. Vous étiez sept tout à l’heure, vous êtes huit maintenant ; nous sommes douze. Le débat sur chaque amendement a lieu. Chacun contribue effectivement au sort du texte.
La commission rejette l’amendement.
Elle adopte l’amendement rédactionnel CL569 de M. Vincent Caure, rapporteur.
Amendement CL417 de Mme Sabrina Sebaihi
Mme Sandra Regol (EcoS). Il s’agit de se conformer aux dispositions en vigueur applicables à la détention des mineurs.
M. Vincent Caure, rapporteur. J’avais la même préoccupation, mais tel est déjà le cas : les mineurs sont exclus du champ de ces établissements. Selon l’avis que rendra le Conseil d’État, nous pourrons introduire une disposition, non pas à l’article 23 mais à l’article additionnel après l’article 23 quater résultant de l’adoption de l’amendement CL471 du gouvernement adopté au début de nos travaux. Demande de retrait ou avis défavorable.
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Monsieur le rapporteur, permettez-moi de vous poser la question soulevée par l’amendement : le ministre Darmanin ayant apparemment très envie de communiquer à ce sujet, comme il l’a fait hier au « 20 h », envisage-t-il de créer des quartiers spécifiques, au sein des établissements pénitentiaires pour mineurs, pour les auteurs d’infractions à la législation sur les stupéfiants ?
M. Vincent Caure, rapporteur. Rien ne me permet de le penser.
La commission rejette l’amendement.
Elle adopte les amendements rédactionnels CL570 et CL571 de M. Vincent Caure, rapporteur.
Amendements identiques CL28 de M. Antoine Léaument et CL180 de Mme Sandra Regol
Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Nous assistons à un recours accru à certaines technologies, dont la limite absolue et essentielle est le respect de la vie privée. Le développement de la technopolice soulève des problèmes de respect des libertés fondamentales, notamment celles d’aller et venir et d’expression. Des drones circulent déjà au-dessus et autour des prisons, sans que cela apporte de solution.
Notre difficulté est toujours la même : trouver le bon équilibre entre la protection des prisons et le respect des droits. Petit à petit, nous franchissons des seuils à effet de cliquet. Il nous semble nettement préférable de réfléchir à une embauche massive de personnels de l’administration pénitentiaire, adossée à une solide armature de formation, d’autant que la question se posera pour les super-prisons prévues pour les super-méchants.
Mme Sandra Regol (EcoS). Dans les établissements pénitentiaires, les caméras sont nombreuses, mais souvent hors d’usage, surtout à l’intérieur des locaux. La solution consiste à les protéger, ce qui suppose des budgets. Or des budgets, il y en a, l’acquisition de drones n’étant pas financièrement indolore.
Un drone, contrairement à une caméra, peut permettre de regarder à l’intérieur des cellules et des sanitaires. Quelle est l’utilité d’ajouter à la privation de liberté inhérente à ces établissements une privation d’intimité qui n’est prévue ni par la peine ni par les textes français et internationaux en vigueur ? En matière de prévention, l’utilité des drones est nulle. Il est plus utile, et plus conforme au droit, d’investir dans la protection des caméras de surveillance.
M. Vincent Caure, rapporteur. À l’heure actuelle, les drones que l’on voit circuler aux abords des prisons procèdent à des livraisons au bénéfice des personnes détenues. Renverser la perspective pour mettre les drones au service de l’administration pénitentiaire est sain et justifié.
Les caméras de surveillance sont fixes et, dans les établissements anciens, non exemptes d’angles morts. La technologie des drones peut efficacement concourir à l’action de l’administration pénitentiaire.
Leur usage est précisément encadré par l’article pour prévenir toute dérive vers une technopolice. Il vise notamment à la prévention des atteintes à la sécurité des personnes et à l’appui des interventions de maintien de l’ordre au sein des prisons. Il exclut la captation d’images à l’intérieur des cellules et prévoit, si elle a lieu, la suppression des images enregistrées dans un délai de quarante-huit heures. Le dispositif est robuste. Avis défavorable.
M. Michaël Taverne (RN). Je ne vois pas de quels drones parle Mme Martin, sinon de ceux utilisés par les voyous pour déposer au mieux des produits stupéfiants et au pire des armes, ce qui ne vous pose aucun problème, chers collègues d’extrême gauche, qui démontrez une fois encore que vous préférez protéger les voyous plutôt que ceux qui essaient d’assurer la sécurité de nos établissements pénitentiaires.
Lors de nombreuses évasions qui ne vous ont peut-être pas choqués, notamment celle de Redoine Faïd à Sequedin et celle d’Antonio Ferrara à Fresnes, il aurait été souhaitable que nous puissions utiliser les mêmes techniques que celles mises en œuvre par nos voisins européens, qui ne sont pas des dictatures fascistes mais de grandes démocraties, où la sécurité des abords des établissements pénitentiaires est assurée par des drones depuis plusieurs années. Cela permet de prévenir des évasions et des attaques à main armée.
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Je me suis suffisamment opposé à l’usage des drones tous azimuts prévu dans les lois précédemment examinées, notamment la loi « sécurité globale », pour savoir que, en l’état actuel du droit, la police peut d’ores et déjà faire voler un drone à proximité d’un établissement pénitentiaire pour prévenir la commission d’une infraction, à condition d’obtenir une décision écrite et motivée du préfet. Certains préféreraient qu’elle puisse en faire voler à sa guise.
Du point de vue pratique, à moins d’utiliser un drone entièrement automatisé, ce qui au demeurant ne va pas de soi, s’agit-il d’affecter un agent au pilotage d’un drone, voire de plusieurs, vingt-quatre heures sur vingt-quatre ? La fatigue guette, d’autant qu’il faut recharger la batterie du drone à intervalles réguliers ! La mise en œuvre pratique des dispositions de l’article est donc compliquée.
Les caméras fixes ont leurs avantages. Il est illusoire de croire que l’on mettra un terme définitif aux projections d’objets et à la corruption des agents pénitentiaires, sans laquelle aucun trafic n’est possible dans les établissements, et que des affaires judiciaires toujours plus nombreuses mettent en lumière.
L’usage de drones est disproportionné, dans la mesure où il porte atteinte à la vie privée des personnes détenues et à leur intimité, à laquelle elles ont droit. La porte de chaque cellule est équipée d’un œilleton permettant de regarder à l’intérieur. Il n’est pas utile d’en rajouter. Être privé de liberté ne prive pas de ses autres droits, à moins de s’affranchir de l’État de droit et de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen – nous la soutenons, vous non : tel est le problème fondamental de votre antirépublicanisme.
Mme Sandra Regol (EcoS). Monsieur Taverne, vous justifiez le recours à des drones par la possible survenue d’évasions. Or ces dernières concernent, par définition, l’extérieur de la prison, où il est déjà possible d’activer des drones – il est vrai que ces appareils peuvent aider à suivre la progression d’éventuels fugitifs, mais on aura plutôt besoin de personnes pour les appréhender.
L’article 23 concerne l’intérieur de la prison, qui est déjà censé être équipé de caméras. Vous avez indiqué, monsieur le rapporteur, que les drones permettraient de remédier aux angles morts. Ce n’est pas du tout ce qu’on nous a dit lors des auditions : on nous a expliqué que les détenus pouvaient neutraliser le matériel de surveillance existant et que l’utilisation d’un drone était plus pratique en cas d’émeute, parce que cela évitait d’envoyer des personnes. Sur quoi votre argument repose-t-il ?
La commission rejette les amendements.
Amendement CL110 de M. Yoann Gillet
M. Yoann Gillet (RN). Les établissements pénitentiaires sont de véritables terrains d’action pour les réseaux criminels. Les trafics, violences et menaces pèsent quotidiennement sur le travail des surveillants et l’État de droit. Rien qu’en 2022, plus de 18 000 saisies de stupéfiants – principalement du cannabis – ont été effectuées en prison, ce qui révèle l’ampleur des trafics qui sévissent derrière les barreaux. La circulation de ces substances s’accompagne de violences, d’intimidations et de règlements de comptes orchestrés depuis l’intérieur même des cellules. Les prisons ne sont plus seulement des lieux de détention : elles sont devenues des bases arrière du crime organisé. On peut s’étonner de la facilité avec laquelle ces substances circulent derrière les barreaux, alimentant des trafics internes et exacerbant les tensions. Les téléphones portables, omniprésents en prison, permettent aux détenus de poursuivre leurs activités criminelles depuis leurs cellules. Par ailleurs, les assassinats commandités depuis l’intérieur même des prisons témoignent de l’emprise des réseaux criminels sur le milieu carcéral.
Face à cette situation alarmante, il est impératif de renforcer les dispositifs de surveillance ; or l’article 23 limite l’utilisation de caméras embarquées sur des aéronefs aux établissements pénitentiaires jugés particulièrement exposés aux risques. Cette restriction paraît inadaptée à la réalité, alors que chaque prison est un foyer de violences et de trafics ou peut le devenir. Aussi proposons-nous de supprimer, à l’alinéa 56, le mot « particulièrement » afin d’étendre le champ d’application des mesures de surveillance à l’ensemble des établissements pénitentiaires.
M. Vincent Caure, rapporteur. J’invoquerai une nouvelle fois un enjeu d’équilibre. En supprimant ce mot, nous diminuerions en réalité les garanties offertes par l’article 23. Avis défavorable.
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Cette proposition de loi vise à « sortir la France du piège du narcotrafic ». Or l’essentiel des amendements déposés par les députés du groupe Rassemblement national l’ont été sur ce fameux article 23, qui est un peu l’article fourre-tout du texte et qui concerne principalement les personnes déjà incarcérées, qu’elles soient placées en détention provisoire ou déjà condamnées. Je ne comprends pas la logique : pour combattre le narcotrafic, nous devrions nous préoccuper bien davantage des trafiquants en liberté que de ceux qui se trouvent en prison.
Personne ne nie le fait qu’un certain nombre de ces détenus continuent de faire du narcotrafic ou commanditent des assassinats depuis leur cellule. C’est un problème qui nécessite que nous combattions aussi les mécanismes corruptifs au sein même des prisons. En effet, une partie de l’information obtenue par les détenus passe nécessairement par la corruption d’agents pénitentiaires ou par des manœuvres visant à tromper la vigilance de ces derniers.
Mais, dans cet article, vous agissez un peu en bout de course. Le texte manque donc de corps, y compris si l’on suit votre logique de durcissement : nous aurions pu nous opposer à des mesures en ce sens, mais vous ne les proposez même pas.
Pour notre part, nous avons essayé de déposer des amendements sur l’ensemble du texte afin de défendre les moyens qui nous paraissaient les plus efficaces pour lutter contre le narcotrafic. Encore une fois, si vous voulez empêcher l’introduction de produits stupéfiants en prison, faites de la prévention ! Essayez de faire sortir les consommateurs de la dépendance : ils ne voudront alors plus de drogue, ce qui sera tout de même plus efficace !
M. Yoann Gillet (RN). J’ai du mal à comprendre les arguments de M. Léaument. Tout à l’heure, pour lutter contre le trafic de drogue, il nous a appelés à légaliser celle-ci, ce qui ferait disparaître le problème. Après tout, on pourrait aussi légaliser les vols, les viols et les crimes afin qu’il n’y ait plus de problèmes en France… Cela n’a pas de sens !
Vous ne pouvez pas nier la présence de stupéfiants dans l’ensemble des établissements pénitentiaires français. Il faut tout mettre en œuvre pour permettre aux surveillants pénitentiaires de mieux lutter contre ce fléau. Allez à la rencontre de ces personnels : ils réclament, à juste titre, des moyens supplémentaires, une revalorisation de leur traitement et une meilleure considération de leur travail, qui est très difficile mais qu’ils accomplissent de manière remarquable.
Le problème est d’ailleurs bien plus large que le trafic de stupéfiants. Il est très facile de faire entrer tout et n’importe quoi en prison – même des armes, qui mettent en danger les détenus, mais aussi et surtout les surveillants. Certains quartiers de prison sont indéniablement devenus des zones de non-droit. Il faut se donner les moyens d’agir !
Encore une fois, au risque de me répéter, vous êtes du côté des délinquants, et non de ceux qui font respecter la loi. C’est aberrant !
La commission rejette l’amendement.
Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL572, CL573 et CL574 de M. Vincent Caure, rapporteur.
Amendement CL181 de Mme Sandra Regol
M. Vincent Caure, rapporteur. Par rapport au texte de la proposition de loi, cet amendement me semble mieux-disant sur un aspect mais moins-disant sur un autre. Je propose donc à ses auteurs de le retirer pour le retravailler en vue de la séance.
L’amendement est retiré.
La commission adopte l’amendement rédactionnel CL575 de M. Vincent Caure, rapporteur.
Amendement CL23 de M. Antoine Léaument
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Les avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) ne doivent pas être que des papiers qui serviraient à faire joli. Nous souhaitons que ceux relatifs à la surveillance par caméras installées sur des aéronefs soient des avis conformes, ce qui garantirait leur respect.
Je ne résiste pas à l’envie de répondre à nos collègues du Rassemblement national, qui répètent sans cesse que nous serions du côté des narcotrafiquants, des délinquants, et que nous n’aimerions pas les victimes. Vous me faites penser à un nazi bien connu qui s’appelait Joseph Goebbels et qui a dit un jour : « Un mensonge répété 10 fois reste un mensonge. Répété 10 000 fois, il devient une vérité. » C’est ce que vous faites en permanence. Pour ma part, je ne vous accuse pas de ne pas vouloir lutter contre le narcotrafic, mais de proposer pour ce faire de mauvaises méthodes. Voilà toute la différence entre vous et nous : alors que nous défendons des principes et des règles de droit qui s’inscrivent dans le cadre de la République, vous sortez de ce cadre et utilisez donc des arguments non républicains en accusant vos adversaires d’être du côté du crime.
Non, nous ne sommes pas du côté du crime, mais de ceux qui luttent contre le crime. C’est précisément pour rendre cette lutte contre les bandes organisées plus efficace que nous voulons accroître les moyens accordés aux services enquêteurs et à la justice, ainsi que renforcer la prévention afin de faire diminuer la consommation de stupéfiants et de tarir ainsi la source des profits des narcotrafiquants. Nous proposons des méthodes que nous estimons efficaces ; nous jugeons les vôtres inefficaces, sans toutefois remettre en cause votre volonté de lutter contre le crime, car, contrairement à vous, nous ne sommes pas dans une logique de mensonge.
M. Vincent Caure, rapporteur. Avis défavorable. L’avis de la Cnil est pris en compte lors de l’élaboration du décret en Conseil d’État : il ne me semble pas nécessaire de le rendre conforme.
M. Jocelyn Dessigny (RN). Monsieur Léaument, j’ai fait de votre stratégie une description factuelle. Vous n’avez pas besoin d’aller chercher des références que vous connaissez visiblement beaucoup mieux que nous – peut-être lisez-vous cet auteur plus régulièrement…
Vous déplorez, depuis trois jours, une insuffisance de moyens, mais vous ne votez pas les budgets quand ils sont présentés ; vous ne voulez donc pas que la justice et les forces de l’ordre aient les moyens de travailler correctement et de lutter efficacement contre le narcotrafic.
Vous parlez de prévention, de santé, et vous dites que vous avez déposé des amendements. Vous les avez visiblement mal rédigés, puisqu’ils ont tous été déclarés irrecevables ! Qu’avez-vous fait d’autre ? Vous avez rendu un rapport sur lequel vous avez travaillé un an et demi : c’est très bien, mais quelles conclusions en avez-vous tirées ? Où sont vos propositions de loi visant à lutter contre le narcotrafic ? La seule réponse que vous nous donnez, c’est qu’il faut légaliser. C’est facile : si on légalise tous les crimes, alors il n’y a plus de criminels !
Il faut savoir ce que vous voulez réellement. Quand on met les gens en prison, vous dites qu’il ne faut pas toucher à leurs petites libertés ; or, s’ils se trouvent dans un établissement justement qualifié de « lieu de privation de liberté », c’est parce qu’ils ont commis des crimes ou des délits. Il faut que leur peine serve à quelque chose : ils doivent rester en prison suffisamment longtemps pour que leur soit passée l’envie de recommencer. Si vous autorisez tout en prison, pourquoi n’y retourneraient-ils pas ? Pour de nombreux détenus, un séjour en prison ne sert qu’à avoir un galon de plus sur l’épaulette : quand ils en sortent, ils sont des petits caïds, et ils deviennent avec le temps des narcotrafiquants puissants, que vous protégez, puisque vous ne faites rien pour lutter contre ce phénomène.
M. le président Florent Boudié. Dans le cadre du contrôle de recevabilité des amendements au titre de l’article 45 de la Constitution, les présidents de commission et la présidente de l’Assemblée nationale ne sont pas chargés de valider la qualité rédactionnelle de ces amendements, mais de vérifier qu’ils ont bien un lien direct ou indirect avec le texte déposé.
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Merci, monsieur le président, d’avoir apporté cette précision : nos amendements peuvent être excellemment rédigés mais tomber sous le coup de l’article 45. Si la proposition est de mieux rédiger nos amendements de sorte qu’ils n’abordent plus le sujet souhaité, alors cela ne sert à rien !
Dans le passé, la Cnil a rendu des avis conformes, mais on lui a peu à peu retiré cette possibilité, de peur de donner à cette autorité administrative indépendante un vrai pouvoir en lui permettant de s’opposer à des projets de fichage ou de surveillance. Pour notre part, nous sommes favorables à ce qu’il y ait des avis conformes en la matière, car cela garantirait la protection des libertés individuelles.
Monsieur Dessigny, vous avez dû oublier que nous avons déposé des propositions de résolution tendant à la création de commissions d’enquête sur le suicide au sein des structures de la gendarmerie et de la police nationales et, plus récemment, sur l’échec de Scribe-XPN, le logiciel de rédaction des procédures pénales pour la police. Je me suis moi-même intéressé, dès 2018, à la lutte contre la délinquance économique et financière, et j’ai même rendu en 2019 un rapport d’information sur ce sujet, comportant tout un tas de propositions. J’ai ainsi pu étudier les circuits de blanchiment utilisés par les narcotrafiquants. En 2021, nous avons déposé une proposition de loi relative à la légalisation de la production, de la vente et de la consommation du cannabis sous le contrôle de l’État ; ce texte a été examiné dans le cadre de la niche parlementaire de notre groupe, ce qui a donné lieu à un débat sur la consommation de drogue, la prévention et même la répression, puisque nous avions aussi intégré cet aspect dans notre proposition de loi. Je pourrais vous exposer tout ce que nous avons fait, mais cela ne vous intéresse visiblement pas.
Quant à nous, nous nous intéressons à l’avancée du fascisme : c’est pourquoi nous examinons attentivement ce qu’a dit M. Goebbels à l’époque et ce que vous dites vous-mêmes aujourd’hui, et nous observons d’étranges convergences – certes, M. Retailleau fait aussi bien le travail…
La commission rejette l’amendement.
Elle adopte l’article 23 modifié.
Article 23 bis (nouveau) (art. 434-35-1 et 711-1 du code pénal) : Création d’une infraction d’intrusion sur le domaine affecté à un établissement pénitentiaire
Amendements de suppression CL21 de M. Ugo Bernalicis et CL321 de Mme Elsa Faucillon
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Il existe déjà des dispositions sanctionnant les intrusions dans les établissements pénitentiaires. L’article 23 bis entend aggraver la peine encourue, mais, comme toujours, cela ne dissuadera en rien les individus désireux de s’introduire ou d’introduire des substances en prison.
La solution la plus efficace serait d’installer des systèmes de sécurité périmétrique, mais on ne le fait pas car, là encore, cela nécessiterait des moyens. Par ailleurs, si l’on modifiait certains aspects du fonctionnement des établissements pénitentiaires, les problèmes liés à ces tentatives d’intrusion se poseraient peut-être moins.
M. Vincent Caure, rapporteur. Avis défavorable. Le droit pénal comporte déjà des dispositions permettant de sanctionner les intrusions dans les prisons, mais nous avons du mal à lutter contre les projections d’objets. C’est pourquoi l’article 23 bis vise à sanctionner le simple fait de s’introduire sur le domaine pénitentiaire.
M. Jordan Guitton (RN). Encore une fois, la gauche et l’extrême gauche refusent de sanctionner les personnes qui tentent de s’introduire sur le domaine pénitentiaire. Malgré les failles que comporte la législation à ce sujet, vous ne voulez pas alourdir les peines, arguant que cela ne servirait à rien. Qu’en savez-vous ? L’aggravation des peines encourues pourrait bien dissuader certaines personnes de s’introduire dans une prison, de même que le développement de la vidéoprotection et l’augmentation des moyens accordés aux surveillants et aux forces de l’ordre dissuadent parfois certains individus de commettre des crimes ou des délits. La dissuasion ne peut être mesurée par les statistiques du ministère de l’intérieur : il est par exemple impossible de connaître l’effet dissuasif d’une augmentation des moyens budgétaires ou technologiques accordée aux agents qui portent un uniforme et sécurisent notre pays.
Par ailleurs, il convient de protéger davantage les surveillants pénitentiaires, dont certains voient chaque jour leur vie menacée dans l’exercice de leur travail.
Permettez-moi enfin de souligner votre incohérence totale : vous prétendez qu’alourdir les peines ne sert à rien dans le domaine régalien ou sécuritaire, mais quand il est question d’écologie, vous trouvez visiblement que cela sert à quelque chose et vous ne vous privez pas d’augmenter toutes les peines pour embêter les Français ! Soyez donc un peu cohérents et arrêtez de trouver toujours des excuses pour ne pas protéger nos concitoyens ou le personnel pénitentiaire.
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Les projections d’objets constituent déjà une infraction ; parce que nous sommes dans un État de droit, il est cependant nécessaire de prouver l’intention de commettre un délit. Vous voulez maintenant que la simple présence d’un individu à un endroit suffise à l’incriminer. Or, tous les jours, des gens entrent et sortent du domaine pénitentiaire sans avoir, à première vue, de motif légitime pour le faire. Je pense par exemple à de nouveaux intervenants extérieurs, qui doivent marcher jusqu’à l’accueil pour expliquer la raison de leur présence. Voudriez-vous les interpeller en chemin ? L’article 23 bis ne prévoit pas d’exception si la personne passe par la porte d’entrée ! Imaginez qu’un parlementaire fasse usage de son droit de visite et qu’il ait une tête suspecte aux yeux des forces de l’ordre. Va-t-il se faire interpeller pour être là sans motif légitime ? Quand il sortira sa carte de député, il risquera d’être accusé d’outrage – j’ai moi-même vécu cette situation.
Je le répète : les auteurs de projections d’objets peuvent déjà être poursuivis. Il est certes parfois compliqué de rassembler des éléments de preuve, mais nous sommes dans un État de droit.
M. Jérémie Iordanoff (EcoS). J’écoute d’une oreille distraite ces discussions qui me semblent un peu compliquées.
J’aimerais dire à nos collègues du Rassemblement national qu’ils devraient mieux choisir leur argumentation. M. Guitton expliquait tout à l’heure qu’on ne connaissait pas l’effet produit par une augmentation des peines. En réalité, on le sait très bien, car il existe des rapports sur cette question : les peines ne sont dissuasives que jusqu’à un certain niveau. Si nous admettons que les peines servent à dissuader les justiciables de violer la loi – nous ne disons pas qu’elles sont inutiles –, nous rappelons cependant que les infractions doivent être prouvées et que l’inflation pénale ne peut à elle seule résoudre tous les problèmes. Sinon, pourquoi ne pas rendre un vol à l’étalage passible de la peine de mort ?
Ne dites pas que l’on ne sait pas : lisez les rapports publiés à ce sujet. Au-delà d’un certain seuil, l’alourdissement des peines n’a plus aucune utilité. Arrêtez donc de promouvoir l’inflation pénale ! C’est de l’affichage : vous vous faites plaisir, mais vous ne résoudrez en rien les problèmes de délinquance.
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Tout à l’heure, j’ai porté une accusation très grave contre les députés du Rassemblement national. Je les ai accusés d’utiliser les mêmes méthodes de propagande que Joseph Goebbels, et je maintiens mes propos : ils répètent 10 000 fois un mensonge pour en faire une vérité.
Vous en avez fait de nouveau la démonstration en répétant que nous ne souhaitions pas lutter contre les intrusions dans les prisons. C’est un mensonge. Nous disons, en revanche, que les intrusions et projections d’objets sont déjà punies, et qu’interpeller toute personne s’approchant d’une prison sans motif légitime sortirait du cadre du droit. Cela ne signifie pas que nous ne voulons pas protéger les prisons, mais que nous entendons préserver les libertés individuelles, par exemple le droit de nos concitoyens à rendre visite à un détenu. En effet, l’article 23 bis est mal écrit : sa rédaction est tellement large que toute personne s’approchant d’une prison pourrait être considérée comme suspecte du seul fait de se diriger vers la porte d’entrée.
Méfiez-vous : vous répétez à l’envi des accusations mensongères, mais vos électeurs sont aussi capables d’entendre notre défense et nos arguments. Je pense donc qu’ils vous sanctionneront aux prochaines élections.
M. Vincent Caure, rapporteur. Contrairement à ce que vous dites, cette nouvelle infraction ne concerne pas les visites, dès lors qu’elles sont justifiées par un motif légitime, comme le sont celles rendues par un avocat ou un membre de la famille d’un détenu. Il s’agit de sanctionner les personnes entrant sur le domaine pénitentiaire sans motif légitime, notamment pour projeter des objets à l’intérieur de l’établissement. C’est un phénomène qui existe et contre lequel nous avons du mal à lutter.
Par ailleurs, puisque vous avez évoqué le quantum des peines, je précise que celles déjà applicables pour sanctionner le fait de pénétrer dans un établissement pénitentiaire ou d'en escalader l'enceinte sans y être habilité sont plus élevées que celles prévues par le présent article.
La commission rejette les amendements.
Amendement CL577 de M. Vincent Caure
M. Vincent Caure, rapporteur. Il convient de compléter la définition de la nouvelle infraction en précisant que le domaine affecté à un établissement pénitentiaire doit être « matériellement délimité ».
La commission adopte l’amendement.
Elle adopte l’article 23 bis modifié.
La réunion est suspendue de onze heures quarante-cinq à douze heures cinq.
Après l’article 23 bis
Amendement CL246 de M. Michaël Taverne
M. Michaël Taverne (RN). Cet amendement vise à durcir la peine prévue en cas d’introduction de matériel au sein des prisons. Les objets auxquels je pense peuvent être très divers, des stupéfiants aux armes dans le pire des cas.
Il y a quelques années, le délit de parloir sauvage était puni d’une peine d’emprisonnement, remplacée depuis par une peine d’amende. La sanction prévue n’a dissuadé personne : aux dires des agents pénitentiaires, le phénomène prend de plus en plus d’ampleur, car les individus interpellés savent très bien qu’ils ne risquent quasiment rien. Pour les dissuader de commettre cette infraction, nous devons faire preuve d’une fermeté beaucoup plus grande, donc augmenter les peines encourues.
M. Vincent Caure, rapporteur. Nous partageons l’objectif d’empêcher la transmission de sommes d’argent, de correspondances, d’objets ou de substances de manière illicite. En revanche, nous sommes en désaccord s’agissant de la proportionnalité des peines encourues. Vous voulez faire passer celles prévues à l’article 434-35 du code pénal d’un à trois ans d’emprisonnement à l’alinéa 1, et de trois à six ans d’emprisonnement à l’alinéa 3. C’est trop ! Avis défavorable.
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Effectivement, le code pénal réprime déjà ce comportement ; c’est pourquoi nous nous sommes opposés tout à l’heure à la création d’un nouveau délit, qui nous semblait potentiellement discriminatoire et disproportionné.
Je précise par ailleurs à M. Taverne que ce qu’il qualifie de parloir sauvage est aussi réprimé, puisque l’alinéa 2 de l’article 434-35 du code pénal dispose : « Est puni des mêmes peines le fait, pour une personne se trouvant à l’extérieur d’un établissement pénitentiaire ou d’un établissement de santé habilité à recevoir des détenus, de communiquer avec une personne détenue à l’intérieur de l’un de ces établissements, y compris par la voie des communications électroniques, hors les cas où cette communication est autorisée […]. » Du reste, ces parloirs sauvages ne sont possibles que dans certaines circonstances : la prison doit être une petite maison d’arrêt, située en milieu urbain, où l’on peut communiquer depuis la rue. Dans les maisons centrales et les centres de détention où sont susceptibles d’être détenus de gros narcotrafiquants, un parloir sauvage paraît bien difficile à organiser.
Je me réjouis que le rapporteur soit attaché à la cohérence et à la proportionnalité des peines – il l’avait déjà dit hier – et qu’il admette que l’alourdissement de ces dernières n’est pas forcément efficace. Je l’invite donc à faire mieux pour les autres amendements ou articles allant dans la même direction.
M. Michaël Taverne (RN). Je n’ai pas dit que la peine encourue en cas de parloir sauvage et de projection de matériel n’existait plus, mais qu’elle n’était pas dissuasive. C’est pourquoi il convient de l’augmenter.
La commission rejette l’amendement.
Amendements CL125 et CL124 de M. Olivier Falorni
Mme Blandine Brocard (Dem). Il y a un peu moins d’un an, l’affaire d’Incarville a tragiquement montré que des criminels endurcis pouvaient, bien qu’emprisonnés, continuer de diriger leurs trafics et même organiser leur évasion depuis leur cellule grâce à des communications illicites.
En l’état du droit, seule la personne extérieure à l’établissement pénitentiaire est sanctionnée en cas de communication illégale avec un détenu. L’amendement CL125 vise à combler cette lacune en sanctionnant également le détenu qui communique de manière illicite avec l’extérieur ou avec une autre personne incarcérée. Il s’agit d’une mesure de bon sens, qui permettra de renforcer la sécurité en prison et de lutter contre la prolifération des téléphones portables et des objets dangereux en détention.
L’amendement CL124 crée un délit spécifique de détention d’objet introduit frauduleusement en prison, ce qui permettra de sanctionner plus efficacement les détenus en possession d’un téléphone, d’argent ou de substances interdites. Il réprime par ailleurs l’introduction illicite de tels objets, y compris lorsque leur remise directe à un détenu n’est pas établie – je pense notamment aux parachutages et aux retours de détenus après une permission de sortie.
M. Vincent Caure, rapporteur. Je comprends la logique de l’amendement CL125, qui s’inscrit clairement dans la lutte contre la criminalité organisée en ayant pour but d’empêcher les détenus de communiquer avec l’extérieur. Vous avez d’ailleurs rappelé les faits divers qui ont alimenté certaines de nos réflexions. Si votre amendement permet effectivement de réprimer les échanges avec l’extérieur, sa rédaction pose cependant un problème s’agissant des conversations entre détenus. Je vous demande donc de le retirer afin de le retravailler en vue de la séance.
J’en viens à l’amendement CL124. D’une part, le fait, pour toute personne, d’introduire des sommes d’argent, correspondances, objets ou substances quelconques au sein d’un établissement pénitentiaire est déjà en grande partie réprimé par le droit ; je ne suis donc pas certain que cette nouvelle disposition soit justifiée. D’autre part, le fait, pour un détenu, de dissimuler, détenir ou posséder ces mêmes éléments tout en sachant que ceux-ci ont été introduits frauduleusement dans l’établissement pénitentiaire peut déjà être sanctionné dans un certain nombre de situations. On peut réfléchir à un élargissement du droit, mais il me semble nécessaire de préciser la disposition que vous proposez pour nous assurer que nous savons de quoi nous parlons et pour la rendre plus robuste juridiquement.
Mme Blandine Brocard (Dem). Si je vous ai bien compris, vous considérez qu’il faut limiter le champ de l’amendement CL125 aux communications illicites d’un détenu avec l’extérieur, et qu’il faut en exclure les échanges entre détenus.
M. Vincent Caure, rapporteur. Absolument.
Mme Blandine Brocard (Dem). Je vais donc retirer cet amendement pour le réécrire dans ce sens en vue de la séance. Je maintiens en revanche l’amendement CL124, que vous jugez partiellement satisfait.
M. Michaël Taverne (RN). Nous voterons pour cet amendement, car les communications entre les détenus et l’extérieur posent problème – les exposés sommaires mentionnent à juste titre le drame d’Incarville.
Par cohérence, je vous inviterai à voter aussi pour notre amendement CL247, qui vise à intensifier les fouilles de certains profils de détenus, sans pour autant les rendre systématiques – elles seraient autorisées par les chefs d’établissement. Une telle mesure irait dans le même sens que l’amendement CL124, puisqu’elle empêcherait que des téléphones portables soient introduits en cellule pour permettre aux détenus de communiquer avec l’extérieur.
M. Vincent Caure, rapporteur. Je réitère ma demande de retrait de l’amendement CL124, qui mériterait d’être retravaillé en vue de la séance. Je comprends l’intention, mais il vise un champ de produits trop large – les denrées alimentaires, par exemple, pourraient être concernées – et instaure un quantum de peine trop élevé.
La commission rejette l’amendement CL124, l’amendement CL125 ayant été retiré.
Amendement CL247 de M. Michaël Taverne
M. Michaël Taverne (RN). Répondant à une demande des agents pénitentiaires, l’amendement vise à rétablir les fouilles, sous réserve qu’elles soient approuvées par le chef d’établissement.
On sait que des choses aussi diverses que des téléphones portables, de la drogue ou des armes sont introduites dans les prisons. La plupart des pays européens pratiquent des fouilles systématiques pour prévenir les troubles à l’ordre public. La France fait figure d’exception. Pourquoi les Belges, les Espagnols, les Italiens le font-ils, malgré la jurisprudence européenne, et pas nous ?
Les masques vont tomber. Si l’on tient à garantir la sécurité des agents pénitentiaires, il faut voter l’amendement, qui est proportionné.
M. Vincent Caure, rapporteur. Avis défavorable. La systématisation des fouilles pose problème. Le garde des sceaux l’a indiqué, elle peut être envisagée dans le cadre du régime carcéral, inspiré du modèle italien, qui s’appliquera au très haut du spectre dans les quartiers de lutte contre la criminalité organisée.
Sur un tel sujet, il me semble raisonnable d’attendre l’avis du Conseil d’État. Par principe, je suis plutôt enclin à restreindre les fouilles qu’à les généraliser.
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). La CEDH (Cour européenne des droits de l’homme) s’est déjà prononcée sur les fouilles systématiques sur les détenus. La France a été condamnée pour en avoir pratiqué, en dépit de la loi qui les encadre. Dans la mesure où l’amendement du ministre Darmanin sur les fameuses prisons prévoit des fouilles, le Conseil constitutionnel aura à se prononcer sur ce point.
Par ailleurs, il ne faut pas ignorer le recours à des mules dans les prisons – des détenus plus fragiles qui sont chargés d’y faire entrer des objets. Ce sont eux qui subiront des fouilles, il faut le dire, humiliantes et dégradantes – nous pouvons tous nous accorder au moins sur ce point ; j’invite les uns et les autres à les expérimenter, dans un autre cadre, mais pas à les faire subir aux autres…
Comprenez-le bien, cette pratique est carrément inhumaine. La proportionnalité doit donc être de rigueur dans son usage. Il n’est pas question de ne jamais faire de fouilles, mais de là à en faire tout le temps… Dans ce cas, un détenu, même s’il n’a aucune intention illicite, sera réticent à accepter un parloir sachant qu’il devra ensuite se soumettre à une fouille – soyons clairs : qu’on lui demandera de se mettre à quatre pattes et de tousser.
Il faut raison garder. Les prévenus restent des êtres humains. On ne peut pas se comporter comme des voyous à leur égard.
M. Michaël Taverne (RN). Êtes-vous sûrs d’avoir bien lu l’amendement ? Il n’y est pas écrit que les fouilles sont systématisées. La décision de procéder à une fouille doit être motivée.
Monsieur le rapporteur, le texte vise le haut du spectre, dites-vous, mais faut-il pour autant tolérer le trafic de stupéfiants et les téléphones portables dans les autres prisons ? Soyons cohérents. Pour l’instant, il n’est prévu que deux prisons de haute sécurité ; n’oubliez pas les autres établissements pénitentiaires.
Je le répète, l’amendement ne systématise pas les fouilles. Il est possible d’y déroger avec l’accord du chef d’établissement et selon le profil des détenus.
La commission rejette l’amendement.
Article 23 ter (nouveau) (art. L. 34-9-1 du code des postes et des communications électroniques) : Information de l’administration pénitentiaire en cas de construction ou de modification substantielle d’une installation radioélectrique à proximité d’un établissement pénitentiaire
La commission adopte l’article 23 ter non modifié.
Article 23 quater (nouveau) (art. L. 223-26, L. 223-27, L. 223-28, L. 223-29, L. 223-30 et L. 223-31 [nouveaux] du code pénitentiaire) : Autorisation de l’usage de caméras embarquées lors des missions de transfèrement et d’extraction conduites par les personnels pénitentiaires
Amendement de suppression CL19 de M. Antoine Léaument
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). L’amendement vise à supprimer l’usage des caméras embarquées par les personnels pénitentiaires, qui non seulement ne changera rien, mais risque même d’accroître les tensions.
Ces caméras ont vocation à être utilisés a posteriori pour établir un dysfonctionnement. Elles ne sont pas efficaces pour sécuriser les déplacements de détenus et protéger les agents, ce qui est pourtant le but affiché.
Le recours aux caméras pour constater un problème est un aveu d’échec. Notre logique est inverse : nous croyons encore à la prévention.
Les collègues du Rassemblement national nous reprochent de refuser de protéger les agents, mais les caméras ne les protègent pas. Vous vous donnez simplement bonne conscience en prévoyant d’en installer. Nous, nous voulons des moyens pour que les agents soient vraiment protégés.
M. Vincent Caure, rapporteur. Je suis défavorable à l’amendement.
Ce sont les agents pénitentiaires qui demandent l’équipement des véhicules avec des caméras, et jusqu’à preuve du contraire, ils sont les mieux placés pour savoir ce dont ils ont besoin pour être protégés. Certes, nous n’avons pas vocation à être une simple courroie de transmission des demandes et à faire droit à toutes, mais celle-ci est utile, en matière de prévention comme d’enquête.
M. Michaël Taverne (RN). Le groupe Rassemblement national s’opposera à l’amendement car la sécurité des agents est en jeu. Les caméras protégeront les convois.
Je rappelle ce qu’il s’est passé au péage d’Incarville : les fourgons ont été pris en étau. Les agents pénitentiaires ne pouvaient voir ce qui se passait dans leur dos. S’il y avait eu une caméra – on ne refait pas le monde avec des « si » et les agents ne sont malheureusement plus là pour le dire –, ils auraient peut-être pu voir qu’il y avait un problème à l’arrière et les techniques qu’ils apprennent leur auraient peut-être permis de limiter la casse.
Il faut en finir avec cette vision qui fait primer les libertés. Les policiers et les agents pénitentiaires utilisent les caméras d’abord pour leur sécurité ; ensuite, en cas de procédure judiciaire, les vidéos peuvent servir de preuve.
L’article permet simplement de positionner des caméras pour surveiller l’environnement et adapter la stratégie en cas d’attaque d’un convoi. Il faut arrêter de polémiquer pour rien.
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Il est fréquent de partir d’un cas d’espèce – en l’occurrence, l’attaque d’Incarville – pour légiférer. Je rappelle que le péage où a eu lieu l’attaque était équipé de caméras. Les assaillants étaient bien organisés et cagoulés, la présence de caméras dans les fourgons n’aurait rien changé. Ce sont d’autres techniques qui ont permis ensuite de suivre leurs traces.
Pourquoi les agents ont-ils été pris en étau ? Parce que le niveau d’escorte demandé pour M. Amra n’était pas le bon. L’escorte aurait dû être composée de services de police spécialisés, à l’instar du Raid, qui dispose de caméras embarquées et applique une autre doctrine en pareille situation.
Vous proposez un pis-aller plutôt que de remettre en cause les décisions de l’administration pénitentiaire. Il faut assumer le fait que les erreurs humaines existent et qu’on aurait pu mieux faire. Il y a eu une erreur dans l’appréciation de la dangerosité de cet individu pour déterminer le niveau de l’escorte. Personne, ni à La France insoumise, ni ailleurs à gauche, n’a contesté la nécessité d’un niveau d’escorte élevé pour les détenus les plus dangereux et du concours de services de police spécialisés pour garantir aussi la protection des agents.
À partir de ce drame, vous décidez d’installer des caméras embarquées, qui vont coûter de l’argent sans produire les effets escomptés, faute de remédier au problème posé.
La commission rejette l’amendement.
Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL578, CL579, CL580 et CL581 de M. Vincent Caure, rapporteur.
Elle adopte l’article 23 quater modifié.
Après l’article 23 quater
Amendement CL433 de M. Romain Baubry
M. Vincent Caure, rapporteur. Avis défavorable.
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Il s’agit de fouilles systématiques qui ne disent pas leur nom. L’amendement vise « toutes personnes extérieures à l’établissement pénitentiaire ». Elles sont tellement nombreuses – enseignants, représentants d’associations ou d’entreprises – que cela s’apparente à des fouilles systématiques.
Assumez de cautionner des pratiques inhumaines et attentatoires à la dignité humaine. Vous êtes favorables à ce que les détenus soient humiliés en permanence. Vous défendez à demi-mot une vision doloriste de la peine : vous voulez faire souffrir les gens. Vous pensez que la justice doit venger. Nous sommes en opposition totale sur ce point. Vous ne l’assumez pas, d’ailleurs, car vos électeurs se sentiraient peut-être dupés ; ils ne sont pas tous prompts à la vengeance et ils ont sans doute envie d’une autre société.
M. Jordan Guitton (RN). L’amendement est l’occasion d’ouvrir un débat intéressant, et jusqu’à présent escamoté, sur les fouilles intégrales.
On connaît les failles de notre système pénitentiaire, qui ne permettent pas d’empêcher la circulation d’objets dans les prisons, ni d’assurer la sécurité des détenus, dont la gauche parle souvent, et, surtout, celle des surveillants pénitentiaires.
Il faudrait autoriser les fouilles ou, au moins, augmenter les moyens pour empêcher des objets de toutes sortes d’entrer dans les prisons. Ce sujet doit absolument être mis sur la table.
La lutte contre le narcotrafic, puisque tel est l’objet de la proposition de loi, commence par le fait d’empêcher les prisons de devenir des passoires et certaines personnes d’y faire ce qu’elles veulent.
Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Qui sont les personnes susceptibles d’entrer, hormis les membres de l’administration pénitentiaire ? Les enseignants, qui, compte tenu de la difficulté de l’exercice, ne sont pas très nombreux à être volontaires ; le personnel médical. Vous proposez qu’ils subissent des fouilles. Il faut réfléchir non seulement à la proportionnalité d’une telle mesure, mais aussi à l’effet repoussoir qu’elle aura sur des personnes dont la présence en prison est absolument nécessaire. La méthode est à revoir.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL434 de M. Romain Baubry
M. Michaël Taverne (RN). Il s’agit d’un amendement de repli qui concerne les seules prisons de haute sécurité.
On sait que les portiques ne sont pas infaillibles – ils laissent passer des couteaux en céramique, notamment. Dans les prisons de haute sécurité, qui abritent des gens extrêmement dangereux, nous devons essayer de tendre vers le risque zéro. Pour la sécurité des agents pénitentiaires et des détenus, des fouilles intégrales y sont donc indispensables – c’est ce que font les Italiens.
M. Vincent Caure, rapporteur. Demande de retrait, sinon avis défavorable. L’amendement gouvernemental sur les quartiers de lutte contre la criminalité organisée permet déjà cette possibilité.
M. Yoann Gillet (RN). Le sujet mérite d’être abordé sérieusement, sans user d’arguments saugrenus.
Oui, il est impératif de vérifier que des personnes extérieures n’introduisent pas dans l’établissement des choses interdites. Évidemment, des fouilles doivent être pratiquées sur les familles qui viennent rendre visite à un détenu, mais il n’est pas choquant qu’elles concernent aussi, sous une autre forme, des intervenants extérieurs. Chers collègues, quand vous allez à un concert, un agent de sécurité vérifie que vous n’avez rien de dangereux dans votre sac ou votre pantalon. C’est du bon sens.
En ce qui concerne les prisons de haute sécurité, le ministre souhaite qu’elles soient équipées de scanners à ondes millimétriques. C’est une bonne chose, mais ces appareils ne détectent pas tout. Certes, a priori, les contacts directs entre le visiteur et le détenu au parloir ne seront pas autorisés. Des exceptions seront néanmoins prévues pour les enfants de moins de 10 ans ; il y a donc un risque que le petit qui vient voir son papa soit utilisé pour faire passer des choses interdites.
Les surveillants pénitentiaires se plaignent suffisamment, avec raison, que tout et n’importe quoi entre en prison, ce qui les met en danger, pour que nous nous décidions à agir.
La commission rejette l’amendement.
Article 24 (art. L. 22-11-1, L. 22-11-2, L. 213-3 et L. 213-4 [nouveaux] du code de la sécurité intérieure, art. 4 et 7 de la loi n° 89‑462 du 6 juillet 1989, art. L. 442-4-1 et L. 442-4-3 [nouveau] du code de la construction et de l’habitation) : Interdiction administrative de paraître sur les points de deal
Amendements de suppression CL17 de M. Ugo Bernalicis, CL153 de Mme Cyrielle Chatelain et CL323 de Mme Elsa Faucillon
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). L’article 24 institue un régime d’arbitraire, totalement disproportionné.
Il donne au préfet la possibilité d’édicter un arrêté d’interdiction de paraître sur une portion du territoire pour une durée d’un mois, visant une personne soupçonnée d’être impliquée dans un trafic de stupéfiants.
L’idée est d’interdire à des gens de paraître à un point de deal pendant un mois, plutôt que de prouver leur implication, en espérant que ledit point de deal disparaîtra comme par magie. C’est absurde.
Cette mesure est non seulement désastreuse sur le plan des libertés publiques – elles subissent une limitation considérable sans que la preuve ait été apportée d’une quelconque infraction –, mais aussi inefficace contre le trafic de stupéfiants. J’en reviens toujours à mon rapport d’information : tant que la drogue arrive sur une zone et tant que les trafiquants ont les moyens de renouveler leur personnel, vous pouvez prendre toutes les interdictions de paraître que vous voulez, il y aura toujours des gens pour tenir le point de deal. Sachez que les grands trafiquants sont capables de changer une ou deux fois par jour de personnel. Vous allez prendre des arrêtés d’interdiction de paraître à tour de bras et cela aura pour seul effet d’engorger l’administration.
Mme Sandra Regol (EcoS). Les raisons de s’interroger sur cet article sont nombreuses. D’abord, les contours de la rédaction sont particulièrement flous. Ensuite, on punit toute une famille pour les fautes de l’un de ses membres ; le deuxième parent et les enfants devront ainsi quitter le logement, ce qui n’est pas conforme à notre cadre constitutionnel ni aux conventions internationales qui régissent les droits des enfants.
Par ailleurs, la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs offre déjà énormément d’outils pour résoudre les problèmes réels posés par l’occupation par des trafiquants de drogue. Pourquoi en ajouter de nouveaux, de surcroît en pérennisant des dispositions qui avaient été conçues comme une réponse exceptionnelle aux révoltes urbaines ?
Monsieur le rapporteur, cet article ne passera pas le barrage constitutionnel en cas de recours.
Mme Elsa Faucillon (GDR). L’article ne vise clairement pas le haut du spectre. Il pérennise les suites données aux révoltes urbaines de 2023, ce qui en fait probablement un cavalier.
L’article met en danger les droits de l’ensemble des locataires, du parc social comme privé. Par ses contours flous, il confère au préfet un pouvoir discrétionnaire excessif, dont risquent de pâtir des personnes qui ne sont pas directement responsables des faits reprochés.
Dans les grandes métropoles, la crise est telle que nombre de personnes n’y ont pas accès au logement ou ne peuvent être relogées, même en cas de violences. Vous allez mettre à la rue des familles qui n’ont aucune responsabilité dans les points de deal.
Cet article n’a rien à faire dans le texte. En outre, les maires qui veulent vraiment expulser quelqu’un du parc social y arrivent.
M. Vincent Caure, rapporteur. L’article 24 introduit, dans le code de la sécurité intérieure, la possibilité pour le préfet de décider d’une interdiction de paraître en lien avec la lutte contre le trafic de stupéfiants. Il modifie, en outre, les obligations des locataires pour prendre en compte des agissements nuisibles aux abords du logement et, permet, le cas échéant, de saisir l’autorité judiciaire aux fins de résiliation du bail.
Il s’agit de deux mesures différentes, la première étant une mesure de police administrative, l’autre concernant les locataires.
Il est vrai que le texte vise le haut du spectre et l’immense majorité des articles correspondent à cet objectif. Il n’est toutefois pas illégitime de s’attaquer au bas du spectre.
La décision du préfet a pour objet de faire cesser un trouble à l’ordre public, ce qui est habituel en matière de police administrative, et elle s’appuie sur des éléments réunis par les services de police et les enquêteurs. Quelles que soient la typologie de la ville, sa taille ou sa topographie, il faut prendre en considération les conséquences quotidiennes de la présence d’un point de deal pour les habitants et les aider à retrouver une vie plus tranquille.
En ce qui concerne la possibilité de résiliation du bail, la loi de 1989 comporte déjà des dispositions autorisant une rupture du bail unilatérale en cas de non-respect de certaines obligations par le locataire à l’intérieur de son domicile. Il est ici proposé d’étendre cette possibilité aux obligations liées aux abords du logement – vous pouvez disposer d’un logement et participer à du trafic de drogue, par conséquent à un trouble à l’ordre public, à proximité de ce logement.
L’article vient donc compléter le dispositif qui existe depuis 1989 et confie la décision à l’autorité judiciaire. Compte tenu des enjeux de la lutte contre la délinquance liée au narcotrafic, ce dispositif me paraît justifié et proportionné.
M. Jérémie Iordanoff (EcoS). Monsieur le rapporteur, on peut être d’accord sur la finalité de la mesure de police administrative : faire cesser les troubles à l’ordre public. Mais n’oublions pas que cette mesure peut être prise « à l’encontre de toute personne à l’égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser qu’elle participe à cette occupation ou à ces activités ».
D’abord, qu’est-ce qu’une raison sérieuse ? Ensuite, cette disposition n’a absolument rien à voir avec l’objet de la proposition de loi – le haut du spectre. Non seulement elle laisse place à l’arbitraire, mais elle est à côté de la cible. Le Conseil constitutionnel y trouvera certainement à redire, n’en déplaise à nos collègues du Rassemblement national. On ne peut pas empêcher de manière arbitraire des personnes de paraître devant chez elles ! Cela peut mener à de graves dérives.
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Dans ma circonscription, il existe plusieurs endroits, qui ne sont pas des points de deal, où des jeunes se regroupent, dehors, parce qu’on a supprimé une partie des salles qui étaient à leur disposition ou des installations qui leur permettaient d’avoir des activités après les cours. Ils s’en sont d’ailleurs plaints auprès de moi lors de la campagne des législatives de 2022. En tant que député, je n’ai guère de moyens concrets d’agir dans ce domaine, mais je leur avais promis d’organiser, chaque année, au milieu du quartier, précisément là où ils se rassemblent – autour d’une table de ping-pong, au seul endroit où il est possible de s’asseoir –, la fête du 14 Juillet, laquelle, depuis, rencontre un vrai succès populaire.
La présence des jeunes dans l’espace public dérange : on les soupçonne toujours de préparer un mauvais coup. Les policiers font ainsi régulièrement des descentes, qui ne donnent rien. Eh bien, voyez-vous, je n’ai pas envie de donner aux préfets le pouvoir de prendre des mesures d’interdiction de paraître, car je sais qui en seront les victimes : les jeunes des quartiers populaires.
M. Jocelyn Dessigny (RN). Félicitations pour votre initiative, monsieur Léaument ! Mais ce n’est pas de ces jeunes que nous parlons. À la campagne, comme on n’a pas bénéficié des millions d’euros de la politique de la ville, on fait avec ce qu’on a : les jeunes se retrouvent sur un terrain de foot ou, là aussi, autour d’une table de ping-pong, et cela ne pose aucun problème. Les personnes visées par cet article sont celles qui participent à des trafics de drogue.
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Ça se voit, peut-être ?
M. Jocelyn Dessigny (RN). Oui : les clients s’arrêtent, les choufs sont présents pour avertir de l’arrivée de la police…
Dès lors qu’un lieu est identifié comme un point de deal par les forces de l’ordre, le préfet doit pouvoir en évacuer les personnes qui y stationnent et nuisent à la tranquillité et à la sécurité des habitants. Ces derniers en ont marre : ils ont le sentiment que la police ne sert à rien. De fait, elle n’a pas le pouvoir d’empêcher quelqu’un d’être sur la voie publique. Pour rétablir l’autorité sur le territoire, des mesures de ce type sont donc nécessaires, et on peut faire confiance aux préfets pour qu’elles ne visent pas n’importe qui.
M. Jean Terlier (EPR). L’interdiction de paraître ne vise pas le petit jeune qui joue au ping-pong ou au foot, mais celui qui est soupçonné de participer à un trafic de stupéfiants. Ce type de mesures existe depuis très longtemps dans notre droit.
J’ajoute, madame Regol, que le préfet doit, bien entendu, tenir compte de la vie familiale et professionnelle de la personne concernée. Ainsi est-il précisé que « le périmètre géographique de la mesure ne peut comprendre [le] domicile principal [de la personne concernée] ». Les garde-fous existent. J’invite donc nos collègues à retirer leurs amendements de suppression.
M. Vincent Caure, rapporteur. La police administrative a une dimension arbitraire intrinsèque. C’est pourquoi il faut être attentif à la définition de la mesure, aux modalités de son application et aux voies de recours. En outre, contre une mesure arbitraire, il sera possible de déposer un référé devant le tribunal administratif, et c’est normal : nous sommes dans un État de droit. Quant à l’existence d’un trafic de stupéfiants, elle peut être déduite d’un faisceau d’indices relevés par les policiers ou les gendarmes et transmis au préfet. J’ajoute qu’il existe déjà des interdictions de paraître ; je pense aux interdictions de stade, par exemple. Cette mesure n’est donc ni inédite ni contraire à l’État de droit.
La commission rejette les amendements.
Amendements identiques CL15 de M. Antoine Léaument et CL154 de Mme Cyrielle Chatelain
Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Il s’agit d’un amendement de repli. Le risque d’arbitraire est réel dès lors que la mesure d’interdiction de paraître peut être prise sur le fondement non pas de preuves établies, mais de simples « raisons sérieuses de penser ». Certes, un recours est possible, mais il est tout de même problématique de ne pas rédiger la loi de manière à réduire le risque d’arbitraire.
De surcroît, ceux qui organisent le trafic de stupéfiants et qui sont donc visés par la proposition de loi – puisque celle-ci tend à s’attaquer au haut du spectre – habitent rarement à proximité des points de deal et ne seront donc pas concernés par cette disposition. Seront essentiellement visés les jeunes gens. Encore une fois, on va vider la mer avec les mains : le jeune qui sera frappé d’une interdiction de paraître sera remplacé par un autre.
Enfin, je suis toujours inquiète de la manière dont ces mesures pourraient être appliquées dès lors que le gouvernement est très tenté de recourir à la reconnaissance faciale et que nous assistons au développement préoccupant de la technopolice.
M. Emmanuel Duplessy (EcoS). Que n’entend-on pas ! La police administrative dispose déjà largement des moyens de faire cesser les attroupements et les rassemblements qui troubleraient l’ordre public ou entraveraient la circulation. En outre, le dispositif proposé n’est pas cadré. Or nous ne vivons pas dans un monde idéal où l’État respecte toujours la loi : il est de plus en plus souvent condamné. De même que notre commission a tendance à proposer tout et parfois n’importe quoi quitte à s’en remettre ensuite au Conseil constitutionnel, de même vous nous proposez de laisser l’administration faire tout et parfois n’importe quoi et de compter sur la justice administrative pour, dans les cas les pires, rétablir le droit. C’est un très mauvais système ! La justice, si elle est bien administrée, ne doit avoir à trancher que des cas délicats et non ceux dans lesquels l’illégalité est manifeste.
Le risque d’arbitraire est, de fait, très important. Or les détournements de ce type de mesures ont été documentés. Je pense, par exemple, à des assignations à domicile arbitraires de manifestants ou de militants écologistes qui, dans la très grande majorité des cas, ont été annulées par la justice. Cette logique dénote une vision dangereuse de l’État de droit.
M. Vincent Caure, rapporteur. D’abord, s’attaquer au haut du spectre n’empêche pas de se préoccuper du bas du spectre : ils sont liés. De fait, on ne vit pas dans un monde idéal : demandez aux gens qui vivent à proximité de points de deal et qui sont gênés par les troubles à l’ordre public provoqués par les personnes qui se livrent au trafic de drogue sur la voie publique.
Quant aux « raisons sérieuses » de penser qu’une personne participe à un trafic de stupéfiants, ne méconnaissons pas la capacité des services de police de réunir des éléments qui permettront à l’autorité préfectorale de fonder sa décision.
M. Jordan Guitton (RN). La gauche et l’extrême gauche prétendent défendre la République mais ne font manifestement pas confiance à ses serviteurs, en l’espèce les policiers, les gendarmes et les préfets. Il arrive que les forces de l’ordre arrêtent à plusieurs reprises un individu sur lequel pèsent des soupçons graves mais qui ne sera pas incarcéré faute de preuves suffisantes. Ici, il s’agit non pas d’incarcérer, mais uniquement d’empêcher des personnes de se rendre à l’endroit où les soupçonne de se livrer au trafic de drogue, sachant que le périmètre où il leur sera interdit de paraître exclut leur domicile et leur lieu de travail.
Il n’y a là aucun arbitraire. J’ai confiance en ceux qui servent la République, notamment dans les préfets – même si certains, à l’extrême gauche, veulent supprimer ce corps. L’objectif du texte est de lutter contre le narcotrafic, ce qui suppose de s’attaquer au haut mais aussi au bas du spectre. Dès qu’il s’agit d’offrir aux forces de l’ordre le moindre moyen technique de protéger nos compatriotes dont la vie est pourrie par le trafic de drogue, la gauche n’est pas au rendez-vous !
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Ces derniers temps, notamment à l’occasion de manifestations, les préfets ont pris nombre de décisions manifestement illégales, qu’ils ont réitérées après chaque annulation par le tribunal administratif. Le recours contre l’interdiction de paraître n’est même pas suspensif ! La personne pourra faire, si tant est qu’elle en ait les moyens, un référé-liberté, mais c’est une démarche complexe et les tribunaux risquent d’être embouteillés.
Vous avez dit vous-même, monsieur le rapporteur, que les mesures de police administrative comportaient intrinsèquement une dose d’arbitraire. Ce n’est pas ainsi que les choses doivent fonctionner !
Enfin, je reviens sur les contrôles d’identité, notamment au faciès, que les policiers pratiquent par millions, selon une estimation de la Cour des comptes. Une étude scientifique révèle l’existence d’une corrélation entre les contrôles qui visent les jeunes des quartiers et une surconsommation de stupéfiants et d’alcool : plus on est contrôlé par la police dans sa jeunesse, plus on a une propension à consommer des stupéfiants par la suite. Pourquoi ? Parce que les jeunes qui se font injustement contrôler se défient de l’autorité et sont, de ce fait, en conflit avec la loi en général. Voilà ce que ne comprend pas le Rassemblement national : la sûreté et la préservation de l’État de droit garantissent la paix sociale.
M. Pouria Amirshahi (EcoS). On peut comprendre que l’on prenne des mesures coercitives pour lutter efficacement contre la délinquance ou prévenir les troubles graves à l’ordre public. Mais une liberté aussi fondamentale que celle d’aller et venir, consacrée par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, ne peut être restreinte que de manière exceptionnelle et après un contrôle préalable du juge. C’est bien le moins ! Or la mesure de l’article 24 ne satisfait pas à ces critères ; elle est donc exorbitante du droit commun.
Par ailleurs, en quoi cette disposition s’attaque-t-elle au haut du panier, c’est-à-dire aux têtes de réseau ? Je rappelle que l’on a tout de même déclaré irrecevables des amendements de M. Léaument au motif qu’ils avaient trait à la prévention.
La commission rejette les amendements.
Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL582 et CL583 du rapporteur.
*
* *
La séance est levée à 13 heures 05.
————
Membres présents ou excusés
Présents. - M. Pouria Amirshahi, Mme Léa Balage El Mariky, Mme Anne Bergantz, M. Ugo Bernalicis, Mme Pascale Bordes, M. Florent Boudié, Mme Blandine Brocard, Mme Colette Capdevielle, M. Vincent Caure, M. Jocelyn Dessigny, Mme Edwige Diaz, M. Emmanuel Duplessy, Mme Agnès Firmin Le Bodo, M. Yoann Gillet, M. Guillaume Gouffier Valente, M. Jordan Guitton, M. Sébastien Huyghe, M. Jérémie Iordanoff, Mme Marietta Karamanli, Mme Émeline K/Bidi, M. Antoine Léaument, M. Roland Lescure, M. Éric Martineau, Mme Élisa Martin, Mme Naïma Moutchou, M. Éric Pauget, M. Julien Rancoule, Mme Sandra Regol, Mme Béatrice Roullaud, M. Michaël Taverne, M. Jean Terlier, M. Roger Vicot
Excusé. - Mme Andrée Taurinya