Compte rendu
Commission
des lois constitutionnelles,
de la législation
et de l’administration
générale de la République
– Examen, selon la procédure de législation en commission, de la proposition de loi visant à créer une croix de la valeur des sapeurs-pompiers volontaires et professionnels (n° 255) (M. Stéphane Viry, rapporteur) 2
– Examen, selon la procédure de législation en commission, de la proposition de loi visant à lutter contre la pédocriminalité (n° 369) (M. Christophe Naegelen, rapporteur) 13
– Information relative à la Commission................ 25
Mercredi
7 mai 2025
Séance de 9 heures
Compte rendu n° 66
session ordinaire de 2024-2025
Présidence
de M. Florent Boudié, président
— 1 —
La séance est ouverte à 9 heures.
Présidence de M. Florent Boudié, président.
La Commission examine, selon la procédure de législation en commission, la proposition de loi visant à créer une croix de la valeur des sapeurs-pompiers volontaires et professionnels (n° 255) (M. Stéphane Viry, rapporteur).
M. Stéphane Viry, rapporteur. Cette proposition de loi, à la valeur symbolique mais civique, est née d’un constat simple, partagé avec les sapeurs-pompiers des Vosges et la fédération nationale qui les représente : malgré leur engagement quotidien au service de nos concitoyens, malgré les risques qu’ils encourent et le dévouement dont ils font preuve, les sapeurs-pompiers ne bénéficient toujours pas d’une distinction professionnelle spécifique valorisant pleinement leur bravoure et leur abnégation. C’est à cette carence que le texte entend remédier.
La France compte près de 250 000 sapeurs-pompiers, dont environ 43 000 professionnels et 198 000 volontaires. Ces femmes et ces hommes constituent l’un des piliers de notre modèle de sécurité civile, reconnu à l’échelle européenne pour son efficience et sa résilience. Ils sont la première ligne de défense en temps de paix, dans notre quotidien comme en cas de crise. Chaque jour, ils répondent présent, avec courage et détermination, pour protéger nos concitoyens et sauvegarder nos biens.
Or, contrairement à d’autres corps civils et militaires, ces serviteurs de la République ne voient leur bravoure, leurs sacrifices et leur dévouement exemplaire valorisés par aucun ordre national. Cette situation paradoxale mérite d’être corrigée, non pour les faire bénéficier de privilèges ou de distinctions ostentatoires, mais parce que la nation doit manifester sa reconnaissance envers ceux qui, quotidiennement, risquent leur vie pour protéger la nôtre. À l’heure où la société s’interroge sur le sens de l’engagement et où les vocations se font parfois rares, il nous appartient, en tant que représentants de la nation, de réaffirmer que nous accordons toute notre attention à l’engagement des sapeurs-pompiers, qu’ils soient professionnels ou volontaires.
Leur courage – c’est un constat largement partagé – n’est pas suffisamment reconnu et valorisé par la nation, particulièrement lorsqu’ils accomplissent des actes exceptionnels sur le terrain sans mettre leur vie en danger. Cette carence a dû être comblée par la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF), qui a créé une distinction associative spécifique, la médaille de la reconnaissance fédérale, laquelle n’a toutefois pas de statut réglementaire.
Il existe certes plusieurs décorations officielles destinées aux sapeurs-pompiers, notamment des médailles d’honneur, créées il y a plus d’un siècle, mais leur examen attentif révèle des lacunes que la proposition de loi vise à combler. La médaille d’honneur récompensant l’ancienneté, d’abord, ne peut être décernée qu’après dix ans d’engagement. La durée moyenne d’activité d’un sapeur-pompier volontaire étant d’environ onze ans, nombre d’entre eux achèvent donc leur mission sans pouvoir prétendre à cette marque de reconnaissance. Ne serait-il pas légitime, pourtant, de pouvoir distinguer un engagement remarquable avant son terme ?
Chaque année, 1 600 à 2 000 sapeurs-pompiers se voient par ailleurs remettre la médaille d’honneur pour services exceptionnels, dite aussi médaille avec rosette. L’analyse de la distribution montre toutefois que cette distinction valorise davantage l’implication dans l’organisation des services et des opérations que les actes courageux sur le terrain, si bien qu’elle n’est décernée qu’à une minorité de sapeurs-pompiers professionnels du rang.
En outre, ces médailles occupent respectivement les trentième et trente et unième places dans le tableau des ordres et décorations de la Grande Chancellerie, soit un rang protocolaire inférieur à des décorations plus récentes, comme la médaille des réservistes volontaires de défense et de sécurité intérieure.
Les sapeurs-pompiers peuvent certes recevoir d’autres décorations non spécifiques à leur corps, comme la médaille d’honneur pour acte de courage et de dévouement, mais celle-ci n’est remise que dans des cas respectant des critères très restrictifs, incluant la mise en danger avérée de la vie du récipiendaire. Un sapeur-pompier réalisant une opération complexe, psychologiquement ou physiquement éprouvante et sortant du cadre de ses missions habituelles, peut ainsi se voir refuser cette médaille au motif que sa vie n’a pas été directement menacée. Quant à la médaille de la sécurité intérieure, créée en 2012, elle récompense, comme son nom l’indique, l’ensemble des acteurs de la sécurité intérieure : sur les 12 000 médailles remises en 2024, seules 1 100 à 1 200 l’ont été à des sapeurs-pompiers. Ses critères d’attribution correspondent d’ailleurs davantage aux missions de sécurité intérieure stricto sensu qu’à celles des sapeurs-pompiers.
La présente proposition de loi vise donc à créer une nouvelle décoration spécifique, dénommée « croix de la valeur », destinée aux sapeurs-pompiers et qui serait un pendant à la croix de la valeur militaire. Cette distinction témoignerait de la reconnaissance des Français et de la République envers les sapeurs-pompiers et permettrait de reconnaître les risques qu’ils prennent en accomplissant leurs missions, tout en valorisant symboliquement le temps qu’ils consacrent à cette activité essentielle pour notre cohésion nationale. Contrairement aux médailles existantes, cette croix ne serait pas conditionnée à l’ancienneté. À la différence de la médaille d’honneur pour acte de courage et de dévouement, elle récompenserait les actions particulièrement notoires et courageuses, même si ceux qui les ont accomplies n’ont pas explicitement risqué leur vie.
Cette proposition n’amoindrirait en rien la valeur des décorations existantes et ne créerait évidemment aucune charge publique supplémentaire. Elle comblerait simplement une carence et offrirait une flexibilité accrue, en permettant une attribution locale, au plus près des centres de secours, dans une logique de proximité avec le terrain. Pour l’Association nationale des directeurs et directeurs adjoints des services d’incendie et de secours (ANDSIS), qui s’est montrée favorable à cette initiative, cette distinction constituerait un outil supplémentaire pour valoriser l’action des sapeurs-pompiers au niveau local et un outil de management additionnel pour fidéliser leurs troupes. Il reviendrait naturellement au pouvoir réglementaire de fixer les conditions d’attribution précises d’une telle décoration, les règles de promotion qui s’y appliqueraient et sa place dans l’ordre protocolaire.
À l’heure où notre sécurité civile est confrontée à des défis majeurs, où les catastrophes naturelles se multiplient sous l’effet du dérèglement climatique, où l’engagement citoyen constitue plus que jamais un pilier de notre résilience collective, ce geste symbolique envers les sapeurs-pompiers dépasse largement le cadre d’une simple décoration honorifique. Je ne peux d’ailleurs m’abstenir de rappeler que les sapeurs-pompiers attendent toujours le décret d’application de la bonification de leur retraite, dont le ministre de l’intérieur avait promis la parution en début d’année 2025 devant nos collègues sénateurs.
Il s’agit de réaffirmer la reconnaissance de la nation envers ceux qui, chaque jour, par tous les temps et dans les circonstances les plus périlleuses, incarnent les valeurs d’abnégation qui fondent notre pacte républicain. C’est pourquoi je vous invite à adopter ce texte, afin de rendre aux sapeurs-pompiers l’hommage qu’ils méritent et à valoriser leur engagement au service de l’intérêt général.
M. le président Florent Boudié. Je précise que la journée réservée aux textes du groupe LIOT aura lieu le 15 mai et que ses membres ont demandé que les deux propositions de loi débattues ce matin soient examinées selon la procédure de législation en commission (Plec).
Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
M. Antoine Villedieu (RN). Les sapeurs-pompiers, qu’ils soient professionnels ou volontaires, occupent une place essentielle dans notre dispositif de sécurité civile. Leur engagement quotidien, au cœur de l’action et souvent au péril de leur vie, mérite plus qu’une gratitude silencieuse : il appelle à une reconnaissance à la hauteur de leur courage.
À ce jour, leur dévouement n’est reconnu que par des médailles d’ancienneté, classées parmi les plus basses distinctions nationales. Rien, dans notre système honorifique, ne souligne la valeur intrinsèque de leur action, leur héroïsme face au danger, ni les sacrifices qu’ils consentent parfois au détriment de leur vie personnelle et familiale. En 2019, une médaille a pourtant été créée pour récompenser l’engagement des réservistes de défense et de sécurité intérieure ; elle occupe une place honorable dans le tableau des décorations. Alors que les femmes et les hommes du feu ne disposent toujours pas, malgré leur rôle déterminant, d’un insigne propre pour saluer leur engagement opérationnel exceptionnel, ce précédent crée un déséquilibre.
Le texte vise donc à instituer une croix de la valeur des sapeurs-pompiers, qui reconnaîtrait la bravoure, la ténacité, les actions décisives sur le terrain et les blessures parfois endurées en intervention. Elle constituerait un marqueur fort de reconnaissance, un levier de fierté et un encouragement dans les moments de doute. Cette distinction trouverait naturellement sa place entre la croix du combattant et la médaille de la reconnaissance française, ce qui représenterait une avancée majeure. Nous saluons également le caractère universel de cette décoration, qui concernerait tous les sapeurs-pompiers, volontaires comme professionnels, unis par une même exigence de courage, de compétence et de dévouement.
C’est donc avec conviction que le groupe Rassemblement national soutient cette proposition, qui vise à combler un vide symbolique et à rendre justice à ceux qui, chaque jour, agissent sans attendre d’autre récompense que le sentiment du devoir accompli.
Mme Emmanuelle Hoffman (EPR). Valoriser l’engagement exceptionnel des sapeurs-pompiers est bien plus qu’un simple geste symbolique : c’est un acte de justice et de reconnaissance envers celles et ceux qui incarnent chaque jour le courage, la solidarité et l’altruisme au service de tous. Les sapeurs-pompiers, qu’ils soient professionnels ou volontaires, sont les premiers à intervenir lors de situations d’urgence – incendies, accidents, catastrophes naturelles, crise sanitaire. Leur mission consiste à protéger les personnes, les biens et l’environnement, souvent au péril de leur vie. Ils sont formés pour faire face au danger, agissent avec sang-froid dans des contextes extrêmes et montrent un dévouement sans faille qui en fait de véritables héros du quotidien. Leur engagement contribue à la sécurité et à la cohésion de la société, et mérite d’être reconnu à sa juste valeur.
Dans ce contexte, il est essentiel de rappeler que la reconnaissance ne se limite pas à la dimension matérielle : elle passe aussi par une valorisation symbolique, qui témoigne du respect et de la gratitude de la nation. Créer une croix de la valeur pour les sapeurs-pompiers, c’est adresser un message clair et fort : leur engagement exceptionnel ne doit jamais être banalisé ni oublié. C’est aussi un encouragement à chacun d’entre eux, un soutien moral dans les moments de doute et un hommage à celles et ceux qui ont parfois sacrifié leur intégrité physique, voire leur vie, pour sauver autrui.
Permettez-moi, à ce titre, de saluer le travail exceptionnel des sapeurs-pompiers de Paris, dont le siège se trouve dans ma circonscription du 17e arrondissement. Leur mobilisation récente lors de l’incendie du centre de tri des déchets du boulevard de Douaumont, qui a nécessité l’engagement de près de 200 pompiers et de 60 engins, illustre une fois de plus leur professionnalisme et leur efficacité, au service des Parisiens et de la nation tout entière. Leur action exemplaire nous honore et mérite notre reconnaissance. J’ai aussi une pensée émue pour leur intervention exceptionnelle lors de l’incendie de Notre-Dame.
C’est pourquoi, au nom de mon groupe, j’apporte un soutien résolu à cette proposition de loi. Valoriser l’engagement des sapeurs-pompiers, c’est renforcer le lien de confiance entre la République et celles et ceux qui la servent avec honneur.
M. Laurent Alexandre (LFI-NFP). Le changement climatique entraîne une accélération des phénomènes naturels extrêmes – mégafeux, tempêtes –, à l’image du terrible orage de grêle ou des fortes inondations qui ont touché ma circonscription l’année dernière. Chaque fois, les forces de sécurité civile, dont les sapeurs-pompiers, sont en première ligne pour secourir les citoyens. Je les remercie chaleureusement pour leur engagement.
Le texte propose de créer une croix de la valeur pour les sapeurs-pompiers volontaires et professionnels, afin de récompenser leur engagement continu et de longue date au service de la nation. Cette médaille serait aussi une source d’encouragement dans les moments de doute, une incitation à persévérer et un hommage pour service rendu. Cette reconnaissance est la bienvenue et nous la voterons.
Je tiens toutefois à alerter sur la crise profonde que traverse le corps des sapeurs‑pompiers et qui se traduit notamment par la baisse des effectifs professionnels et par la hausse dramatique des suicides. Si la nation doit reconnaissance à ses pompiers, elle se doit aussi de tout faire pour leur faciliter la tâche. Or, cette année, les crédits consacrés à la sécurité civile baissent de 5,68 % et le budget Bayrou prive les collectivités, qui financent très majoritairement ces missions, de 5,6 milliards d’euros. Pour faire face à la hausse de leur activité, les Sdis – services départementaux d’incendie et de secours – auraient pourtant besoin de voir leurs moyens augmenter. Il faudrait aussi renforcer, plutôt que de les menacer, les organes d’anticipation des risques que sont Météo-France, l’Entente Valabre ou l’ONF – Office national des forêts –, que certains ici voudraient supprimer alors que leur rôle est essentiel pour soutenir les sapeurs-pompiers dans leurs missions. Ceux qui prétendent soutenir les pompiers tout en défendant ces coupes à la tronçonneuse mériteraient la médaille de l’incohérence.
Je rappelle également qu’un soldat du rang au premier échelon touche à peine le Smic et que les volontaires atteignent difficilement un taux horaire net supérieur au salaire minimum. Les pompiers ne bénéficient pas non plus d’une véritable médecine du travail alors même que, face aux mégafeux et à l’augmentation du risque en milieu industriel, leur santé est plus que jamais menacée. Un seul chiffre suffit à l’illustrer : la prévalence du cancer chez les pompiers de 35 à 39 ans est supérieure de 323 % à celle observée dans la population générale.
Il est urgent d’agir pour remédier à ces problèmes. C’est pourquoi nous avions proposé, par amendement, des mesures urgentes et réclamées par les pompiers eux-mêmes, pour améliorer leurs conditions de travail et leur rémunération, mais aussi pour prendre enfin en compte leur santé en créant une fiche de suivi sanitaire et individuel éditée et remplie après chaque intervention à risque, qui aurait pu être complétée par une banque de données visant à assurer le suivi épidémiologique des pompiers. Ces amendements ont malheureusement été jugés irrecevables. C’est une occasion manquée.
Toutefois, en votant cette proposition de loi, nous soutenons une initiative qui apporte une juste reconnaissance de la nation aux pompiers de notre pays. Nous continuerons néanmoins d’être force de proposition pour améliorer concrètement les conditions d’exercice de leur indispensable mission au service des Français.
M. Hervé Saulignac (SOC). Ce texte mérite évidemment d’être considéré avec bienveillance. Au-delà de son caractère transpartisan, il rappelle en effet la reconnaissance de la nation rassemblée à l’égard d’un corps qui le mérite amplement. Alors qu’ils sont parfois critiques à l’endroit des services publics, 95 % des Français ont une bonne image des sapeurs‑pompiers, qui incarnent les valeurs universelles de dévouement, de courage, de devoir, d’humilité, et bien d’autres. Par conséquent, il est légitime que cette reconnaissance se traduise par la remise d’une croix de la valeur qui ne distingue pas simplement l’ancienneté, mais bien la bravoure et l’engagement opérationnel de ces femmes et de ces hommes.
Les sapeurs-pompiers, qu’ils soient volontaires ou professionnels, consacrent leur temps et leur énergie et, malheureusement, donnent parfois leur vie pour protéger et sauver. Je crains que leur engagement soit mis à l’épreuve de manière croissante dans les décennies à venir. Par conséquent, tous les signes témoignant de notre attachement à leur égard sont les bienvenus.
Je ne doute pas que nous saurons trouver une unité pour saluer ce modèle de service public inédit et voter ce texte, mais je fais aussi le vœu que nous soyons au rendez-vous dans quelques mois, quand il s’agira de remettre à plat le financement des Sdis, de revoir la répartition de la TSCA, la taxe spéciale sur les conventions d’assurance, ou de reconsidérer les critères de classement des services d’incendie et de secours en différentes catégories, qui sont parfois tout à fait contestables – sans parler du statut des pompiers volontaires, qui doit être préservé. Je serai toujours très honoré de participer à des cérémonies de décoration de ces femmes et de ces hommes qui œuvrent pour notre sécurité, mais je le serai plus encore quand nous aurons traité ces grands sujets : ce serait le meilleur témoignage de notre reconnaissance à leur égard.
Naturellement, notre groupe soutiendra cette proposition de loi.
Mme Émilie Bonnivard (DR). La France compte 247 000 sapeurs-pompiers, dont 197 000 volontaires et 50 000 professionnels, qui réalisent chaque année plus de 4,7 millions d’interventions, soit une toutes les sept secondes, le plus souvent pour des opérations de secours à la personne, mais aussi en réponse à des incidents majeurs, de graves accidents routiers, des inondations, ou encore des catastrophes industrielles. Les pompiers interviennent donc dans des contextes de risques particulièrement élevés, sans parler des répercussions physiques et psychiques qu’eux-mêmes et leurs familles peuvent subir. Ce sont des héros du quotidien, des exemples d’engagement et de valeur morale. Comme les militaires, ils sont susceptibles de risquer chaque jour leur vie en intervention, même si leur grand professionnalisme et leur expertise leur permettent de s’en préserver au maximum.
J’ai une pensée pour Robert Sandraz, pompier volontaire dans ma circonscription, qui est décédé alors qu’il essayait de sauver une famille, ainsi que pour Marine Godard, jeune sapeur-pompier volontaire à Saint-François-Longchamp, actuellement traitée en centre de rééducation après avoir été grièvement blessée lors d’une explosion. Plus généralement, je tiens à saluer l’implication de tous les sapeurs-pompiers de Savoie.
Cet engagement, pourtant vital, n’est reconnu qu’en fin de carrière, par une médaille d’ancienneté peu valorisée dans l’ordre protocolaire des distinctions. Si des médailles existent pour récompenser l’engagement des sapeurs-pompiers, elles ne leur sont en effet pas propres. La proposition de notre collègue Viry, que je salue, vise à créer une croix de la valeur afin de pallier cette absence de reconnaissance à part entière. L’objectif est de récompenser l’engagement opérationnel exceptionnel des pompiers, leur bravoure, leur disponibilité et leur sacrifice personnel par une décoration spécifique et valorisante, à l’image de celles qui existent pour d’autres corps, comme ceux des militaires et des gendarmes. Cette croix permettra d’honorer les actes héroïques accomplis en situation exceptionnelle.
Elle sera un vecteur de reconnaissance morale, un symbole puissant d’appartenance à un corps reconnu par la nation, elle incitera à l’engagement et favorisera la fidélisation des sapeurs-pompiers. Alors qu’on perd chaque année 5 000 pompiers volontaires, tout ce qui concourt à valoriser leur engagement et à offrir une reconnaissance aux familles qui les soutiennent est important, même si une distinction de ce type ne sera jamais l’alpha et l’oméga de leur démarche.
Notre groupe votera évidemment pour cette proposition de loi.
Mme Sandra Regol (EcoS). Tout le monde aime les pompiers, qui sauvent des vies, soutiennent les territoires et font énormément pour la communauté. Seulement, dès qu’il s’agit de témoigner de cette reconnaissance, les choses deviennent beaucoup plus difficiles. Les pompiers ont ainsi été les grands oubliés de la Lopmi – loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur – qui, alors qu’elle était censée les prendre en considération, ne les mentionne que dans ses annexes. Malgré le lancement du Beauvau de la sécurité civile, censé permettre de débloquer enfin les budgets votés mais non concrétisés, on reste encore loin d’une reconnaissance réelle de la nation, malgré des améliorations notables dans leur quotidien.
Alors que le travail des pompiers est rendu plus difficile par le réchauffement climatique et la multiplication des catastrophes naturelles, et malgré les heures cumulées – certains professionnels exercent sous le statut de pompier volontaire pour pouvoir travailler davantage – ils sont toujours présents sur le terrain pour faire face aux plus grands feux, aux plus grands cyclones, aux plus grandes inondations. Les remercier, c’est certes les valoriser – les médailles, c’est important –, mais ce n’est qu’un outil parmi d’autres, même si les journées de niche parlementaires ne nous permettent malheureusement pas d’aller beaucoup plus loin. Cette reconnaissance pourrait également inciter les pompiers à s’engager plus longtemps, en leur montrant qu’ils comptent pour la nation.
Les médailles déjà existantes ne couvrent pas toutes les situations. Rien ne permet par exemple de récompenser, ni même simplement de remercier, les pompiers qui se sont fortement mobilisés à Mayotte. Nous ne devrions pas avoir à traiter de telles questions, qui relèvent du domaine réglementaire. Seulement, comme personne ne fait rien, et surtout pas ce gouvernement, qui n’avance décidément pas beaucoup – même si le ministre Buffet a annoncé vouloir se saisir de la question, nous sommes toujours dans l’attente –, vous avez pris les choses en main, ce dont je vous remercie.
Au-delà des oubliés de la Lopmi, je veux aussi évoquer les oubliés du Beauvau, c’est-à-dire toutes celles et ceux qui travaillent autour des pompiers, notamment les associations de la protection civile, et qui restent désespérément ignorées, loi après loi.
Merci, donc, monsieur le rapporteur, de tenter de corriger cette situation. J’espère que nous pourrons nous retrouver lorsqu’il s’agira de poursuivre cet effort. En attendant, nous voterons ce texte.
M. le président Florent Boudié. En tant qu’ancien rapporteur de la Lopmi, je rappelle tout de même que ce texte fut le premier, depuis vingt ans, à traiter de la sécurité civile, et pas uniquement dans ses annexes : il lui consacrait des articles spécifiques, comme à l’ensemble des forces du ministère de l’intérieur. Pour ce qui est de la programmation budgétaire, même s’il est vrai qu’elle a été très légèrement érodée dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2025, les crédits alloués à la suite des mégafeux survenus en Gironde à l’été 2022 s’établissaient à 1,5 milliard d’euros.
Mme Blandine Brocard (Dem). Au-delà des mots, des symboles et des décorations, cette proposition de loi affirme une chose fondamentale : la reconnaissance envers ces femmes et ces hommes qui, chaque jour, se lèvent avec pour seul objectif de protéger nos vies, nos familles et nos territoires, parfois au péril de leur propre vie. Les sapeurs-pompiers, qu’ils soient volontaires ou professionnels, font partie de ces visages familiers de la République que l’on croise sans toujours les voir, dans la rue, après un accident, dans le feu de l’action, là où souvent, leur présence est la seule chose qui nous sépare de l’irréparable, dans le silence des drames et l’urgence des catastrophes.
Ces femmes et ces hommes incarnent des valeurs fondamentales : le dévouement, la bravoure, le sacrifice, mais surtout cette solidarité sans laquelle notre société serait bien plus fragile. Ils sont là, toujours, en première ligne, lorsqu’un incendie éclate, lorsqu’un accident se produit, lorsqu’une inondation menace ou lorsqu’un drame humain frappe un foyer. Ils sont là inlassablement, souvent les premiers à répondre, à intervenir, à risquer leur vie, avec une constance et une humilité qui forcent notre respect et notre admiration.
Certes, il existe déjà des décorations, des médailles, des honneurs pour saluer cet engagement, mais la croix de la valeur qui nous est proposée va plus loin. Elle ne se substitue pas à ce qui existe déjà, mais elle complète, elle précise, elle honore autrement. Elle distingue quelque chose d’essentiel : l’exceptionnel dans l’ordinaire, l’acte au-delà du devoir, parfois le sacrifice suprême. Cette croix de la valeur permet d’honorer à leur juste mesure ces femmes et ces hommes, non pas simplement parce qu’ils sont pompiers, mais parce qu’ils ont, à un instant donné, fait preuve d’un courage, d’une bravoure, d’une fraternité exceptionnels.
Depuis plusieurs années, à chaque Sainte-Barbe, dans chaque caserne, je pose aux sapeurs-pompiers la même question, à laquelle ils sont bien en peine de répondre : « Êtes-vous fous ? » À une époque où l’individualisme semble prendre toujours plus de place, où les liens sociaux se distendent, où chacun semble céder au repli personnel, il y a en effet quelque chose d’incompréhensible – de fou – à donner son temps, son énergie, parfois même sa vie pour des inconnus, sans attendre quoi que ce soit en retour. Cet engagement sans faille est précieux, et même vital, car il donne corps à cette fraternité qui est la base même de notre République.
Soutenir cette proposition de loi, c’est réaffirmer que la République sait reconnaître ceux qui la servent, sait reconnaître que le don de soi, le courage, l’abnégation méritent d’être honorés. C’est une manière de dire à ces femmes et à ces hommes : « Vous n’êtes pas seuls. Nous vous remercions et nous vous rendons hommage. Que la nation soit sans réserve à vos côtés, vous qui êtes inconditionnellement aux côtés de nos concitoyens. »
Conscient que les sapeurs-pompiers ont aussi d’autres attentes légitimes auxquelles il nous faudra répondre, notre groupe, fidèle à ses valeurs de reconnaissance, de solidarité et d’engagement républicain, soutiendra cette proposition de loi avec conviction.
M. Jean Moulliere (HOR). Les sapeurs-pompiers contribuent à des missions majeures pour la sûreté de chacun. Qu’ils soient professionnels ou volontaires, ils conduisent des opérations multiples : secours à la personne, lutte contre les incendies, interventions après un accident de circulation, protection de l’environnement. Ils adaptent leurs compétences et domaines d’action aux spécificités locales et aux besoins de chaque région.
Ces missions variées ont un seul objectif : protéger les populations. À travers l’engagement de plus de 150 000 sapeurs-pompiers, c’est le modèle de la sécurité civile de notre pays qui est en action. Selon les chiffres partagés par les sapeurs-pompiers de France, ces derniers ont réalisé en 2021 plus de 4,6 millions d’interventions, soit 13 000 sorties quotidiennes – une intervention toutes les sept secondes. Les moyens humains déployés pour garantir la conduite d’autant d’interventions témoignent d’un engagement remarquable. En moyenne, 14 000 sapeurs-pompiers sont de garde en journée et 11 000 la nuit. Chaque jour, 19 300 d’entre eux sont d’astreinte pour renforcer les effectifs mobilisés. Ils sont encore plus nombreux la nuit : 31 700 pompiers sont prêts à être appelés. Leur dévouement et leur efficacité sont tels qu’en moyenne, il s’écoule moins de quinze minutes entre l’appel au secours et leur arrivée sur les lieux. Cette implication est d’autant plus louable qu’environ 80 % des sapeurs-pompiers sont bénévoles. Sans eux, c’est toute l’architecture de notre modèle de sécurité civile, dont ils constituent le socle, qui serait bouleversée.
Pourtant, à ce jour, l’investissement des sapeurs-pompiers n’est pas récompensé par une médaille spécifique. Pourquoi ne pas prévoir de récompense pour ces femmes et ces hommes qui s’engagent quotidiennement pour la sûreté et la protection de leurs concitoyens, souvent au péril de leur vie ? C’est d’autant plus nécessaire que les médailles accordées aux citoyens en récompense de leur engagement au service de la collectivité ne sont pas des récompenses individuelles : avec elles, c’est l’ensemble de la nation qui peut témoigner de sa reconnaissance pour les actes de bravoure réalisés par les sapeurs-pompiers lors d’interventions particulièrement complexes.
Aussi, l’initiative du groupe LIOT est bienvenue et recevra le soutien de notre groupe.
M. Yannick Favennec-Bécot (LIOT). Les députés de notre groupe font partie de ceux qui, depuis de nombreuses années, plaident pour une meilleure reconnaissance des sapeurs-pompiers, ces hommes et ces femmes qui œuvrent au quotidien pour la sécurité de nos concitoyens. C’est d’ailleurs le sens du combat que nous avions mené, avec d’autres, pour la valorisation des points de retraite des pompiers volontaires, qui a été inscrite dans la loi mais reste toujours suspendue à la publication des décrets d’application.
Pour toutes ces raisons, nous avons choisi d’inscrire ce texte à l’ordre du jour de notre journée de niche parlementaire. Je salue le rapporteur pour cette initiative et pour le travail conduit au cours des nombreuses auditions organisées. Ce texte permettra à notre nation d’exprimer sa reconnaissance pleine et entière à l’égard des 43 000 sapeurs-pompiers professionnels et des près de 199 000 sapeurs-pompiers volontaires qui assurent au quotidien la protection de la population, la sécurité des territoires et la gestion des crises – je le mesure chaque jour dans mon département de la Mayenne.
La création d’une croix de la valeur dédiée au corps des sapeurs-pompiers doit aussi traduire l’attachement de tous les citoyens à l’égard de ceux qui constituent un maillon indispensable de notre modèle de sécurité civile. Rappelons que les sapeurs-pompiers exercent leurs missions dans un cadre de plus en plus contraint : face à la multiplication des interventions, ils sont plus que jamais confrontés au risque. On dénombrait près de 5 millions d’intervention en 2021, soit une hausse de 30 % par rapport à 2002. Dans le même temps, les sapeurs-pompiers sont confrontés aux risques liés au changement climatique, à l’intensification des feux de forêt, mais également à des agressions inacceptables.
La loi Matras du 25 novembre 2021 avait permis de renouveler notre modèle de sécurité civile en prévoyant des mesures symboliques, notamment la création d’une mention « mort pour la République », mais sans aborder la question des décorations. En l’état, il n’existe pas de croix dédiée à ce corps, à l’image de la croix du combattant ou de celle de la valeur militaire. Notre groupe souhaite pallier cette lacune. Cette croix permettra de récompenser la bravoure et l’engagement exceptionnel des sapeurs-pompiers. Elle a bien entendu une portée symbolique forte : c’est une manière de dire et de redire aux sapeurs-pompiers que nous avons conscience de leur engagement au plus près de nos concitoyens et que nous leur en sommes infiniment reconnaissants. La FNSPF y est pleinement favorable : lors de son audition, son représentant a indiqué que les décorations actuelles, en raison de leurs critères d’attribution, ne permettent pas de récompenser certains actes courageux ou la participation à certaines missions.
Cette croix permettra de récompenser le temps consacré à des missions difficiles – je rappelle que les sapeurs-pompiers volontaires s’engagent sur leur temps personnel, voire pendant leurs congés. Encore récemment, les sapeurs-pompiers ont été mobilisés pour aider la population en Nouvelle-Calédonie ou à Mayotte. Leur engagement doit être récompensé à sa juste valeur. C’est naturellement avec enthousiasme que notre groupe votera ce texte, dont nous espérons qu’il sera adopté à l’unanimité.
Mme Émeline K/Bidi (GDR). Merci de nous permettre de parler des sapeurs-pompiers et de leur témoigner la reconnaissance qu’ils méritent et qui doit s’exprimer plus concrètement que, par exemple, les applaudissements adressés aux soignants pendant le covid. Ce texte nous permet surtout de nous saisir de la question et d’affirmer clairement qu’une médaille, c’est bien, mais qu’il y a beaucoup d’autres choses à améliorer.
Je viens d’un département, La Réunion, où les sapeurs-pompiers jouent un rôle social essentiel, qui va donc bien au-delà de la sécurité. Ils sont énormément sollicités, comme ce fut le cas encore dernièrement à la suite des cyclones Chido à Mayotte et Garance à La Réunion. Outre leur mission de sauvetage, ils ont participé à la reconstruction, ce dont nous leur en sommes très reconnaissants.
Je connais des sapeurs-pompiers contraints d’acheter eux-mêmes leur tenue lorsqu’elle est déchirée ; qui ne peuvent intervenir car leurs véhicules sont hors d’usage ; qui réclament la révision du tableau des maladies professionnelles dans la mesure où ils sont trois fois plus exposés au risque de cancer ; qui ne comprennent pas que l’on fasse appel à toujours plus de volontaires quand le corps des pompiers professionnels, lui, n’augmente que très peu ; qui demandent la concrétisation de la promesse de revalorisation de leur retraite ainsi que l’augmentation de leur salaire et de leurs moyens.
La création de cette médaille consacrera la reconnaissance réelle de la nation pour le travail qu’ils accomplissent – et Dieu sait que ces hommes et ces femmes qui s’engagent au péril de leur vie pour sauver les autres en ont besoin. Le groupe GDR y est donc bien évidemment favorable, mais je tenais à profiter de ce moment pour rappeler qu’il faudra faire plus. D’autres l’ont dit, il y a des départements où le manque de moyens est criant et nous ne pourrons nous contenter de cette distinction si nous voulons véritablement faire progresser notre sécurité civile.
Mme Sophie Ricourt Vaginay (UDR). Le groupe UDR tient à manifester son indéfectible appui à cette proposition de loi. Loin d’être un simple ornement symbolique, elle s’impose comme un acte fort de reconnaissance républicaine. Elle rend justice à l’engagement héroïque de ces femmes et de ces hommes qui, chaque jour, affrontent le péril pour préserver nos vies. Jusqu’ici, leur courage n’était salué que par des médailles d’ancienneté, reléguées aux marges du protocole. Une telle discrétion était indigne du rôle essentiel qu’ils tiennent, au cœur de notre modèle de sécurité civile. Leur donner accès à la croix de la valeur réparerait cette omission, en consacrant la bravoure, l’abnégation et la fidélité sans faille de ces serviteurs de l’ombre.
Sans peser sur les finances publiques, dans la mesure où elle n’ouvre droit ni à une pension, ni à une indemnité, cette distinction aura, pour ceux qui la recevront, la valeur inestimable de la reconnaissance. En ces temps où l’élan du volontariat faiblit et où l’esprit d’engagement vacille, elle pourrait devenir un puissant ferment de mobilisation citoyenne. C’est donc avec conviction et esprit de justice que mon groupe apportera son suffrage à cette initiative.
M. le président Florent Boudié. Nous en venons à une intervention à titre individuel.
M. Philippe Gosselin (DR). L’examen de cette proposition de loi est l’occasion de saluer unanimement le travail et l’engagement des sapeurs-pompiers : je crois qu’il s’agit de la volonté du rapporteur et que c’est ce qui ressort de nos débats. Je pense bien sûr aux sapeurs‑-pompiers professionnels, dont le métier n’est pas comme les autres puisqu’au service de la société, au service de ceux qui sont à sauver, à encadrer et à soutenir. N’oublions pas en effet qu’ils n’interviennent pas que lors des feux et que leur première activité est de secourir les personnes. Et je pense aux près de 200 000 pompiers volontaires, qui permettent de compléter un maillage territorial assez exceptionnel et que beaucoup de pays nous envient.
Ce maillage peut néanmoins s’essouffler, la question du financement étant prégnante. Nombre de conseils départementaux et de Sdis ont besoin de moyens pour moderniser ou construire des centres de secours, et les agglomérations sont parfois appelées au secours pour apporter une obole supplémentaire. Ce point ne doit pas être éludé.
J’ajoute que l’attente est forte et ancienne s’agissant de la publication du décret relatif à l’octroi, sous certaines conditions, d’un trimestre supplémentaire en vue de la retraite.
Nous le rappelons lors de la fête de la Sainte-Barbe, il est évident que les sapeurs-pompiers ne travaillent pas pour une distinction, ni pour une reconnaissance : leur geste est bien plus altruiste. Ce texte est néanmoins l’occasion de joindre les actes à la parole et de les assurer de la reconnaissance de la nation, au travers de cette croix de la valeur. Je tenais à y apporter tout mon soutien.
M. Stéphane Viry, rapporteur. Je vous remercie sincèrement pour votre soutien unanime et pour vos propos. Vous avez, les uns et les autres, rendu hommage et exprimé une reconnaissance forte à l’égard du corps des sapeurs-pompiers. Vous avez évoqué leur efficacité, la diversité de leurs interventions et leur réalité.
Vous l’avez compris, cette proposition de loi, si elle vise à créer une distinction spécifique et symbolique, est avant tout un texte d’appel. Depuis quelques années, nous réfléchissons à un véhicule législatif adapté pour consolider, renforcer, mieux reconnaître et moderniser le corps des sapeurs-pompiers. Certes, la loi Matras a conforté leur statut, mais le Beauvau de la sécurité civile, qui est en cours, illustre bien les préoccupations touchant aux conditions d’exercice des missions, aux conditions de travail ou encore à la santé de ces professionnels. Je serais donc très heureux que cette proposition de loi, au-delà de la nécessaire reconnaissance symbolique, permette d’enclencher ou de consolider une démarche de fond.
Je crois que vous en avez pris la mesure : à l’instar de nos militaires, nos sapeurs-pompiers sont dans l’attente d’une reconnaissance particulière. Quand on porte un uniforme, qu’on a le sens de l’engagement et qu’on est fier d’appartenir à un corps, arborer une médaille peut être quelque chose de profondément symbolique. Comme la poignée de main du chef ou de l’officier quand on rentre de mission, il s’agit d’un élément éminemment important, en matière de management, mais pas seulement.
Je le répète, la croix de la valeur compléterait les distinctions existantes : elle ne bouleverserait pas l’ordonnancement des différentes décorations que la nation accorde. Je vous remercie de votre soutien et de votre confiance.
Article 1er : Création d’une croix de la valeur pour les sapeurs-pompiers professionnels et volontaires
Amendement CL7 de M. Antoine Villedieu
M. Antoine Villedieu (RN). Il est des engagements qui transcendent le simple exercice d’une fonction. Celui des sapeurs-pompiers, qu’ils soient militaires, professionnels ou volontaires, relève de cette catégorie d’engagements silencieux et absolus qui, parfois, conduisent jusqu’au sacrifice ultime. C’est pourquoi nous proposons d’ajouter la possibilité d’attribuer la croix de la valeur à titre posthume, alors que ce geste est actuellement laissé à l’interprétation du pouvoir réglementaire. Sur un plan strictement normatif, cette précision vise à sécuriser l’application du dispositif et à assurer son uniformité. Elle permettrait d’inclure sans ambiguïté, parmi les bénéficiaires, ces hommes et ces femmes tombés dans l’exercice de leur mission. Une telle mesure serait cohérente avec la finalité même de la décoration : distinguer ceux dont le courage ne laisse parfois d’autre trace que le souvenir.
En tant qu’ancien sapeur-pompier de Paris affecté à la 10e compagnie d’incendie, j’ai une pensée émue pour nos deux camarades tombés lors d’un incendie rue Riquet, le 16 novembre 2007 : Ludovic Martin et Matthieu Mercier, qui avaient 21 et 23 ans. Ces deux dernières années, onze sapeurs-pompiers ont perdu la vie en service. Cet amendement vise à ne pas oublier ceux qui sont allés au bout de la devise « sauver ou périr ».
M. Stéphane Viry, rapporteur. Je partage naturellement votre souhait. La reconnaissance de la nation doit pouvoir être accordée à titre posthume pour les défunts et leurs familles. Avis favorable.
La commission adopte l’amendement.
Elle adopte l’amendement rédactionnel CL8 de M. Stéphane Viry, rapporteur.
Elle adopte l’article 1er modifié.
Article 2 : Compensation des charges pour l’Etat
La commission adopte l’article 2 non modifié.
La commission adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée. (Applaudissements.)
M. Stéphane Viry, rapporteur. Je vous remercie d’avoir compris le sens de cette proposition de loi. Je forme désormais le vœu qu’elle soit adoptée dans l’hémicycle.
La réunion est suspendue de 9h50 à 10h05.
*
* *
Puis, la Commission examine, selon la procédure de législation en commission, la proposition de loi visant à lutter contre la pédocriminalité (n° 369) (M. Christophe Naegelen, rapporteur).
M. Christophe Naegelen, rapporteur. La pédocriminalité est malheureusement un phénomène particulièrement massif dans notre pays. L’ancienne cheffe de l’Office mineurs (Ofmin), Mme Gabrielle Hazan, que j’ai sollicitée dans le cadre de mes travaux, a relevé que la France était le quatrième plus grand hébergeur de contenus pédophiles au monde. En 2023, l’Office a d’ailleurs reçu 318 000 signalements pour des faits ou des contenus relevant de la pédocriminalité, soit 870 par jour en moyenne, ce qui représente une augmentation de 12 000 % en dix ans.
Nul besoin de le rappeler : la pédocriminalité en ligne est extrêmement grave. Lutter contre ce phénomène, c’est protéger, hors ligne, les mineurs d’atteintes potentiellement plus graves. De quelle manière agir ?
Le législateur a d’abord créé plusieurs infractions. Conscient du continuum existant entre pédocriminalité en ligne et hors ligne, il a cherché à punir les comportements le plus en amont possible. La loi réprime ainsi le délit de corruption de mineur qui, selon la Cour de cassation, correspond à la « volonté de pervertir la sexualité d’un mineur », les atteintes sexuelles sur mineur, ainsi que la production et la diffusion de contenus pédopornographiques, en particulier lorsque ceux-ci sont susceptibles d’être vus par un mineur.
Cependant, ces délits ne suffisent pas pour incriminer les comportements et les contenus pédocriminels, qui se sont massivement développés en ligne. La loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance punit ainsi le fait de consulter habituellement des contenus pédopornographiques en ligne. Quant à la loi, promulguée ce même 5 mars 2007, relative à la prévention de la délinquance, elle a créé un nouveau délit de proposition sexuelle faite à un mineur de 15 ans ou à une personne se présentant comme telle. C’est d’ailleurs cette dernière infraction qui a inspiré la présente proposition de loi – j’y reviendrai. Plus récemment, la loi du 21 avril 2021 visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels de l’inceste a introduit les délits d’incitation d’un mineur à commettre tout acte de nature sexuelle, ainsi que de sollicitation auprès d’un mineur de la diffusion ou de la transmission de contenus à caractère pornographique dudit mineur, ce qui couvre notamment les cas de sextorsion.
L’arsenal législatif s’est donc étoffé afin de mieux lutter contre les différents comportements pédocriminels en ligne, mais il s’agit d’un phénomène mouvant, complexe aussi bien à constater qu’à imputer d’un point de vue légal. C’est dans cette optique que s’est développée l’enquête sous pseudonyme. Autorisée par la loi relative à la prévention de la délinquance, puis généralisée par la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, elle peut s’appliquer aux crimes et aux délits punis d’emprisonnement. Dans ce cadre, les enquêteurs, spécialement habilités à cette fin, sont autorisés à réaliser certains actes en ligne. Ceux-ci ne doivent pas constituer une provocation à commettre une infraction et certains d’entre eux doivent être spécifiquement autorisés par le magistrat conduisant l’enquête. Très concrètement, afin de constater une infraction pédocriminelle, les policiers peuvent se faire passer pour des mineurs.
Le présent texte vise à remédier à plusieurs oublis, en étendant la possibilité de recourir à ce type d’enquête pour constater des infractions qui pourraient utilement être poursuivies lorsqu’elles sont commises à l’encontre d’un majeur se faisant passer pour un mineur : en l’occurrence, il s’agit des délits de corruption de mineur, d’incitation d’un mineur à commettre tout acte de nature sexuelle et de sollicitation de contenu pédopornographique auprès d’un mineur. Le but est de constater des faits répréhensibles par nature, commis à l’encontre d’une personne présumée mineure.
La proposition de loi est le fruit de nombreux échanges que j’ai eus avec des enquêteurs de terrain, qui regrettent que certaines infractions ne puissent être réprimées de façon autonome dans le cadre d’une enquête sous pseudonyme. Elle vise tout simplement à compléter notre arsenal judiciaire et à apporter des précisions pénales de nature à faciliter certaines enquêtes et à améliorer la détection des personnes se livrant à des actes pédocriminels en ligne.
M. le président Florent Boudié. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
Mme Sandra Delannoy (RN). Avec l’explosion des usages numériques, la pédocriminalité connaît une recrudescence sans précédent. Comme l’ont rappelé M. le rapporteur ou encore Mme Véronique Béchu, cheffe du pôle stratégique de l’Office mineurs, les signalements ont bondi de 12 000 % en dix ans. En 2022, 88 millions d’images et de vidéos à caractère pédopornographique ont été signalées à travers le monde.
Face à cette réalité alarmante et en perpétuelle mutation, les enquêteurs ont dû adapter leurs méthodes. Depuis 2007, ils peuvent utiliser des techniques de cyberinfiltration, ce qui consiste à se faire passer pour un mineur sur les réseaux sociaux et plus largement sur internet afin d’identifier et d’interpeller des pédocriminels qui pensent s’adresser à des proies.
Or un vide juridique persiste. Si un adulte propose un acte sexuel à un enquêteur majeur se faisant passer pour un mineur, il n’encourt pas nécessairement de sanction. Ce décalage compromet la pleine efficacité de l’action des forces de l’ordre : un vide que la proposition de loi entend combler. L’urgence d’ajouter les mots « ou [d’]une personne se présentant comme telle » après le mot « mineur » au sein des articles 227-22, 227-22-2 et 227-23-1 du code pénal est donc évidente. Il y va de l’efficacité de la lutte contre les infractions que sont la corruption de mineur, l’incitation de mineur à commettre un acte sexuel et la sollicitation d’images pornographiques auprès d’un mineur. Ainsi, tout auteur d’actes pédocriminels convaincu de s’adresser à un mineur, même s’il s’agit en réalité d’un enquêteur adulte, pourra être poursuivi et sanctionné d’une même peine que s’il avait effectivement ciblé un mineur.
Une telle modification ne ferait que renforcer la cohérence et l’exhaustivité de notre arsenal législatif. Elle s’inspire de l’article 227-22-1 du code pénal, qui sanctionne toute proposition sexuelle faite à un mineur ou à une personne se présentant comme telle. En adoptant cette proposition de loi, nous affirmerions que ce qui compte est l’intention de l’auteur et sa dangerosité manifeste à l’égard du mineur. Nous donnerions aussi aux enquêteurs un levier juridique solide pour sécuriser les procédures et empêcher l’impunité.
Dans un monde où le contrôle parental sur internet n’est pas toujours effectif et dans lequel les parents mettent parfois eux-mêmes leurs enfants en danger en les surexposant sur les réseaux sociaux, il est de notre devoir de parlementaires d’anticiper et de prévenir la malveillance, ainsi que de punir les comportements déviants qui mettent nos enfants en danger. Le groupe Rassemblement national soutiendra donc ce texte. Protéger les enfants des prédateurs sexuels du quotidien et sur internet, et plus largement protéger l’enfance dans son ensemble, doit rester une priorité absolue pour notre République.
Mme Gabrielle Cathala (LFI-NFP). Cette proposition de loi porte sur un sujet de premier plan et d’une profonde gravité, la pédocriminalité : les affaires Bétharram et Le Scouarnec en témoignent.
Derrière la froideur des chiffres, il faut prendre la mesure de ce que rapporte la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) : 3,9 millions de femmes et 1,5 million d’hommes ont été confrontés à des violences sexuelles avant l’âge de 18 ans ; une femme sur dix commence sa vie sexuelle par un rapport contraint, c’est-à-dire un viol.
Ce ne sont pas à proprement parler contre ces violences que le texte entend agir, mais plutôt contre la grande nébuleuse de la corruption des mineurs sur internet qui les entoure. Les réseaux brassent, à l’échelle européenne, 88 millions d’images pédopornographiques, lesquelles génèrent, en France, 800 signalements par jour. Ces chiffres parlent d’eux-mêmes : le défi est colossal.
Pardonnez-moi mais, pourtant, vous choisissez de vous y attaquer avec une petite cuillère. En reconnaissant comme victimes les adultes se faisant passer pour des mineurs, votre texte permettra peut-être – je dis bien peut-être – d’augmenter à la marge le nombre de poursuites, étant rappelé que la jurisprudence de la Cour de cassation penche en réalité déjà en ce sens. Ainsi, face à la montagne des infractions pédocriminelles, vous accouchez d’une souris, le texte n’apportant qu’un complément de rédaction au code pénal.
La souris est d’autant plus inoffensive que la mesure s’inscrit dans le double contexte de l’effondrement des moyens des services publics chargés de la lutte contre la pédocriminalité et des scandales, qui révèlent une omerta d’une ampleur nationale sur les actes pédocriminels commis dans les écoles privées catholiques, pourtant sous contrat avec l’État, chargé de les contrôler. Ce sont deux versants qui se réunissent autour d’un seul homme, François Bayrou, homme de l’austérité budgétaire ainsi que du silence, du mensonge et de l’inaction sur le scandale pédocriminel de Bétharram.
Que pourra votre texte alors que le gouvernement a encore rogné par décret 140 millions d’euros sur le budget de la justice il y a dix jours, après l’avoir déjà amputé l’an dernier par 49.3, et alors qu’il a supprimé cette année 5 000 postes au sein de la police judiciaire, qu’il manque des centaines de juges des enfants, d’éducateurs, de psychologues, et de places d’hébergement pour protéger les 160 000 enfants violentés sexuellement chaque année ? Que pourra votre texte alors que nous manquons tellement de places d’accueil que des enfants passent des castings pour obtenir un lit en foyer, comme nous l’apprend un juge des enfants du tribunal de Lille ? Nous regrettons que le texte n’y change rien.
J’en viens à l’autre versant de la montagne : les institutions qui couvrent les violences sexuelles sur mineur. Pourquoi n’évoquez-vous pas les différents scandales en cours, éléphants au milieu de la pièce ? Pourquoi, alors que vous êtes tout à coup très concernés par la pédocriminalité, n’appelez-vous pas à la démission d’un premier ministre qui a menti devant l’Assemblée nationale et qui persiste à couvrir ces institutions ? Les 200 plaintes, dont 90 pour violences sexuelles, liées à l’affaire Bétharram ont libéré la parole partout en France. Le silence se brise et des centaines de plaintes affluent contre des criminels sexuels couverts par l’Église, avec la bénédiction de M. Bayrou et de l’éducation nationale, qui n’a diligenté aucune enquête dans ce lycée pendant trente ans.
Nous devons prendre conscience de la gravité de ces affaires et de leur caractère systémique. Et si j’évoque ces violences pédocriminelles, c’est parce que je m’inquiète que le numérique fasse oublier celles commises physiquement et qu’en réduisant votre texte à la cybercriminalité, vous en oubliiez les systèmes qui couvrent les agressions. L’urgence doit-elle être d’adopter un texte marginal ou d’agir contre l’incroyable scandale du financement, par de l’argent public, d’institutions protégeant les violeurs et les agresseurs partout en France ?
À Notre-Dame de Bétharram, il y avait des enfants : de jeunes garçons par centaines à qui les adultes jouèrent des tours de passe-passe dégueulasses. Parler, pour un garçon, comme c’est difficile… S’avouer victime de violences sexuelles, plutôt mourir, disent-ils parfois. En prenant leur courage à dix mains, alors qu’ils n’ont pas pu prendre leurs jambes à leur cou, ils ont parlé, dans l’espoir de se faire entendre. Pour reprendre la formule de Judith Godrèche, « tout le monde savait », et plus encore celui qui gouverne aujourd’hui le pays. Il savait et que dit-il ? Je vous invite à ne pas cesser d’y penser.
M. Pierre Cazeneuve (EPR). La pédocriminalité est un fléau qui a pris une ampleur particulière avec l’avènement d’internet et les nouvelles technologies. Comme le soulignent les travaux du rapporteur, l’Office mineurs indique que l’on peut trouver 88 millions de photos et vidéos à caractère pédopornographique en ligne et que 870 signalements de ces contenus ont lieu chaque jour en France auprès de la plateforme d’harmonisation, d’analyse, de recoupement et d’orientation des signalements (Pharos) – ce qui représente une hausse de 12 000 % en dix ans. Ces chiffres sont évidemment très préoccupants et par ailleurs probablement sous-estimés, sachant que les évolutions à venir, tel que le déploiement de l’intelligence artificielle, appellent une vigilance redoublée.
La protection des mineurs et la répression des prédateurs ne doivent souffrir d’aucun retard de la part des pouvoirs publics en ce qui concerne les nouvelles technologies et ses nouveaux usages. Pour faire face à la pédocriminalité en ligne, des enquêteurs peuvent recourir à l’infiltration sous pseudonyme, technique par laquelle ils se font passer pour des mineurs sur les réseaux sociaux, forums, chats ou jeux en ligne, afin de piéger des prédateurs, de les identifier, de récolter des preuves et même de procéder à des interpellations. Ces techniques sont explicitement permises par le code de procédure pénale et par la jurisprudence, tout en étant encadrées.
L’infiltration sous pseudonyme participe de la réussite de certaines opérations d’envergure, à l’instar de l’opération Horus, qui a permis l’interpellation de soixante-quatre personnes sur tout le territoire entre la fin novembre 2023 et la mi-février 2024. Cette technique est désormais indispensable pour traquer et punir ceux qui échangent des contenus pédopornographiques ; ceux qui ciblent des mineurs et profitent de leur vulnérabilité sur internet à des fins sexuelles.
Vos travaux, monsieur le rapporteur, ont mis en lumière un vide juridique qu’il convient de combler rapidement. Vous l’avez rappelé, des infractions comme la corruption de mineur, l’incitation d’un mineur à accomplir un acte de nature sexuelle et l’extorsion d’images pornographiques à un mineur ne sont caractérisées que lorsqu’elles sont effectivement commises sur un mineur. L’interprétation stricte du droit empêche les poursuites lorsque les faits sont commis sur un enquêteur participant à une cyberinfiltration. D’autres comportements infractionnels doivent ainsi être constatés afin de pouvoir poursuivre le pédocriminel concerné devant la justice pénale.
Il est de la responsabilité du législateur d’écarter tous les obstacles à la protection des mineurs en ligne et à la répression efficace de la pédocriminalité : c’est tout le sens de cette proposition de loi, qui permettra donc de traduire devant les tribunaux les prédateurs qui sollicitent des majeurs infiltrés en pensant s’attaquer à des mineurs. Le groupe Ensemble pour la République soutiendra donc ce texte, qui facilitera le travail de nos enquêteurs et de la justice.
Nous appelons également de nos vœux une réflexion plus large, dans un futur proche, sur certains enjeux connexes. Premièrement, outre les enquêteurs assermentés, dont c’est le métier, nous savons que des citoyens procèdent aussi à des infiltrations sous pseudonyme pour détecter les pédocriminels. Cette pratique doit être encadrée et éventuellement intégrée au présent dispositif. Deuxièmement, sous peine d’être dépassés par les nouveaux usages, nous devons progresser en matière de prévention, d’éducation à la vie affective et numérique, de protection contre les deepfakes, d’intelligence artificielle et de traitement algorithmique. Sanctionner plus sévèrement certains comportements ne doit plus être tabou.
Mme Colette Capdevielle (SOC). Protéger les enfants des prédateurs sexuels est une priorité absolue. Un pays capable de voter des mesures dérogatoires pour lutter contre le narcotrafic doit avoir la même ambition et la même volonté pour protéger ses enfants.
Les chiffres de la pédocriminalité en ligne, vertigineux, reflètent l’ampleur du phénomène. En 2021, cela a été dit, 85 millions d’images et de vidéos pédocriminelles ont été découvertes dans le monde. En dix ans, le nombre de ces contenus a augmenté de 6 000 % dans le monde, tandis que l’Europe, ainsi que l’a dit le rapporteur, en est devenu le principal fournisseur : plus de 60 % d’entre eux y sont hébergés.
L’augmentation du temps passé devant les écrans, notamment depuis les confinements, a fait des enfants et des adolescents des cibles de choix pour les pédocriminels. Internet est devenu leur moyen privilégié d’assouvir leurs pulsions. C’est une porte dérobée sans verrou, qui leur donne directement accès aux enfants.
Selon Véronique Béchu, avec qui j’ai, moi aussi, échangé récemment, en 2024, 170 000 signalements – j’insiste sur ce chiffre – de contenus pédocriminels en ligne avaient été transmis à l’Office mineurs, ce qui signifie qu’environ 465 enquêtes devraient être ouvertes chaque jour en France. J’en profite pour saluer le travail exceptionnel, précis, engagé et minutieux de l’Ofmin, tout en rappelant qu’il ne compte que 18 personnels spécialisés, contre 52 aux Pays-Bas et 321 au Royaume-Uni. Le nombre d’enquêteurs est donc insuffisant.
C’est aussi un travail de prévention et de sensibilisation qui doit être mené. Les parents n’ont en effet aucune conscience de l’impact de leurs propres pratiques. Les photographies d’enfants partagées par leurs parents sur les réseaux sociaux sont utilisées et détournées grâce à l’intelligence artificielle pour créer des contenus pédocriminels. De même, nos enfants doivent être sensibilisés, dans le cadre des programmes scolaires, sur l’importance de protéger eux-mêmes leur image et sur les risques associés à l’intelligence artificielle. Enfin, notre législation doit s’adapter pour lutter efficacement contre la pédocriminalité en ligne. En 2007, le législateur a renforcé les prérogatives des officiers et agents de police judiciaire – les fameux cyberpatrouilleurs – en leur permettant de se faire passer pour des mineurs sur les réseaux sociaux ou sur les sites de discussion pour piéger les pédocriminels.
Cette possibilité n’existe que pour une seule infraction, définie à l’article 227-2-1 du code pénal et vous proposez fort opportunément de l’étendre à d’autres délits, ce qui permettrait d’enfin renforcer l’efficacité des enquêtes sous pseudonyme. Le groupe SOC votera donc évidemment cette proposition de loi.
Nous regrettons néanmoins qu’elle ne soit placée qu’en sixième position de votre niche parlementaire. Le texte ne souffre d’aucun débat et fait l’unanimité. Eu égard aux chiffres exposés, son utilité est évidente : la protection de nos enfants doit être une priorité nationale. La mobilisation collective et transpartisane devra donc, plusieurs collègues l’ont dit, se poursuivre, car les pédocriminels sont très rusés pour utiliser toutes les évolutions technologiques. Et n’oublions pas l’engagement de la France à l’échelle européenne pour contraindre les plateformes à détecter les contenus pédocriminels.
M. le président Florent Boudié. J’en profite pour indiquer que nous ferons le compte, à l’issue de la session parlementaire, de toutes les propositions de loi qui, inscrites dans le cadre des journées réservées aux groupes, n’auront pas été discutées en séance publique après leur examen complet en commission. Il va de soi que ni les rapporteurs, ni les textes ne sont en cause : c’est l’organisation de nos travaux qui pose problème.
Mme Émilie Bonnivard (DR). Depuis une dizaine d’années, internet et les réseaux sociaux sont devenus les principaux vecteurs d’approche des mineurs par les prédateurs sexuels. C’est un fléau qui touche notre société. Les chiffres de l’Office mineurs sont alarmants : des signalements en hausse de 12 000 % en dix ans, 88 millions de contenus pédopornographiques signalés dans le monde en 2022. Les criminels s’adaptent et utilisent le numérique comme outil pour assouvir leurs pulsions. Leurs techniques sont sophistiquées : manipulations émotionnelles, sextorsion, utilisation de forums cryptés ou du dark web.
La protection des plus vulnérables, à commencer par nos enfants, étant évidemment notre mission première, je remercie le groupe LIOT et le rapporteur d’avoir déposé cette proposition de loi, dont l’objectif principal est de combler un vide juridique et de mettre notre code pénal en cohérence, afin de pouvoir poursuivre pénalement et efficacement les individus qui sollicitent sexuellement des mineurs, ou des forces de l’ordre se présentant comme telles dans le cadre de cyberinfiltrations. Il s’agit de sécuriser le travail des enquêteurs ainsi que les procédures judiciaires.
Depuis 2007, les cyberinfiltrations sont légales pour certains crimes graves, parmi lesquels les infractions sexuelles contre les mineurs. Cependant la jurisprudence opère une stricte interprétation du terme « mineur », le réservant à une personne réelle. Autrement dit, les enquêteurs se faisant passer pour des mineurs afin de traquer et de piéger les prédateurs – ce qui est une technique efficace – ne sont pas reconnus comme des victimes, ce qui fragilise évidemment tout l’édifice juridique.
J’y insiste : le numérique a modifié la criminalité et il est impératif que notre droit évolue au même rythme. En comblant un vide juridique, nous soutenons concrètement les forces de l’ordre dans leurs cyberinfiltrations. Nous leur donnons les moyens de mieux protéger nos enfants face aux prédateurs en ligne.
Au-delà de ce texte, qui ne porte que sur un seul aspect, il convient, autant que possible, de réaffirmer l’autorité de l’État dans la sphère numérique, qui est une zone de non-droit. C’est un défi considérable face auquel nous peinons à avancer concrètement et efficacement. Nous devons nous adapter aux nouvelles pratiques en étendant notre législation. C’est d’autant plus essentiel s’agissant de l’exploitation de nos enfants à des fins pédopornographiques, d’images de cette nature et de pédophilie en ligne. Évidemment, le groupe Droite républicaine votera ce texte.
Mme Sandra Regol (EcoS). Cela a été répété, le nombre de signalements de contenus pédopornographiques en ligne auprès de Pharos a explosé, tandis que la France est le cinquième hébergeur de contenus pédocriminels en Europe et le neuvième dans le monde. Tout ceci devrait nous effrayer. On estime à 750 000 le nombre de pédocriminels actifs sur internet chaque jour dans le monde. Or 52 % des consommateurs de ce type de contenus estiment que cet usage pourrait aboutir à l’agression d’un enfant. À cet égard, ce sont 160 000 enfants qui sont victimes de violences sexuelles chaque année dans notre pays, soit un toutes les trois minutes.
Internet et les réseaux sociaux sont devenus un espace de traque pour les prédateurs sexuels. Les affaires qui bousculent la France, qu’elles soient liées à la télévision, au cinéma, ou encore aux écoles privées, à l’image de l’affaire Bétharram, qui permet enfin aux victimes d’être entendues, nous rappellent cruellement combien l’inaction est criminelle en ce domaine. Face à l’intensification de ce fléau dans l’espace numérique, nous ne pouvons donc pas attendre.
La proposition de loi tend à clarifier le droit, en consacrant dans la loi la jurisprudence selon laquelle il est possible de poursuivre des personnes qui pensent s’adresser à des mineurs, même si cela signifie qu’il n’y a pas de victime réelle. Ce faisant, nous préviendrions tout revirement jurisprudentiel et renforcerions la sécurité juridique des enquêtes menées dans le cadre de cyberinfiltrations.
Cependant, la lutte contre la pédocriminalité ne saurait se cantonner à une légère modification de notre arsenal législatif. Elle doit devenir une priorité nationale et ne pas se limiter à une réponse pénale.
Comme je l’ai dit à Stéphane Viry, rapporteur du précédent texte examiné par notre commission, j’ai bien conscience que les journées d’initiative parlementaire ne nous permettent pas de travailler sur des textes d’envergure. Il s’agit néanmoins d’un outil pour appeler au développement d’actions de prévention auprès des mineurs pour leur permettre de repérer les comportements pédocriminels, qu’ils aient lieu dans la réalité ou en ligne. L’éducation à la vie affective et sexuelle, qui permet aux enfants de comprendre quand un adulte joue avec eux pour tenter d’abuser d’eux, peut nous y aider, tout comme la formation à une utilisation responsable des outils numériques. Bref, nous devons outiller les mineurs pour qu’ils puissent se protéger, alerter et qu’ils se sentent légitimes à exprimer leur refus, leurs doutes, leur non-consentement.
Ces formations sont prévues dans le code de l’éducation, mais ne sont que trop rarement dispensées dans les établissements, faute de moyens essentiellement. Nous serions d’ailleurs enclins à soutenir, au sein d’une loi-cadre contre les violences sexuelles, les préconisations des associations en faveur d’un entretien individuel annuel pour tous les enfants, afin de repérer les violences le plus tôt possible. Une fois de plus, nous ne disposons pas des moyens afférents, alors qu’il s’agirait d’un outil majeur.
Nous encourageons enfin la sensibilisation à la ligne d’écoute Stop – service téléphonique d’orientation et de prévention –, ainsi que le développement de la justice restaurative pour prévenir les passages à l’acte et les récidives.
Le groupe Écologiste et social votera cette proposition de loi, tout en appelant de ses vœux une politique bien plus ambitieuse de lutte contre la pédocriminalité – mais je ne doute pas que c’est aussi votre cas, monsieur le rapporteur.
M. Éric Martineau (Dem). Cette proposition de loi vise à renforcer l’arsenal pénal pour lutter contre la pédocriminalité. Elle part du constat que le développement des technologies de l’information et de la communication s’accompagne d’une forte recrudescence des images et vidéos à caractère pédopornographique. Sur des sites et des plateformes, des majeurs entrent en contact avec des mineurs pour la diffusion ou la transmission d’images à caractère pornographique, voire les incitent à commettre un acte de nature sexuelle. Alors que les signalements auprès de l’Office mineurs ont augmenté de 12 000 % en dix ans, nous devons redoubler d’efforts pour lutter contre ce fléau qu’est la pédopornographie.
La procédure pénale et les techniques d’enquête se sont déjà beaucoup adaptées. La police et la gendarmerie sont désormais capables de rechercher des preuves numériques sur internet, grâce à des cyberinfiltrations. Cette technique d’enquête, de plus en plus utilisée pour appréhender les pédocriminels qui sévissent en ligne, permet d’enquêter sous pseudonyme, en se faisant passer pour un mineur, afin de donner rendez-vous au pédocriminel. Mais, face à l’ampleur de la menace, nous ne devons pas nous arrêter là.
Notre devoir de législateur est de garantir aux enfants la meilleure protection contre la pédopornographie en nous assurant que, dans le cadre d’une cyberinfiltration, les pédocriminels pourront être condamnés même s’ils s’adressent à une personne majeure, si leur intention était bien de s’adresser à un mineur. Actuellement, seul l’article du code pénal relatif au grooming – ou pédopiégeage, soit le fait, pour un adulte, de proposer, par le biais des technologies de la communication et de l’information, une rencontre à un mineur dans le but de commettre une infraction sexuelle – couvre le cas d’un pédocriminel sollicitant un enquêteur adulte se faisant passer pour un mineur.
Pour d’autres infractions sexuelles commises contre les mineurs – notamment celles de corruption de mineur, d’incitation d’un mineur à commettre un acte sexuel et de sollicitation auprès d’un mineur de la diffusion ou de la transmission d’images et de vidéos à caractère pornographique –, le code pénal ne couvre pas les faits, s’ils concernent un policier ou un gendarme se faisant passer pour un mineur. Le présent texte doit nous permettre de combler ce vide juridique et de nous assurer que les pédocriminels seront condamnés pour leurs actes. Le groupe Les Démocrates votera en faveur de ce texte, qui apporte des précisions utiles pour la lutte contre la pédocriminalité.
Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). Les infractions sexuelles commises contre les mineurs sont désormais réprimées par le code pénal comme elles doivent l’être, à la hauteur de ce que ces actes représentent pour les victimes : des atteintes inacceptables à l’intimité de leur corps et, plus largement, à leur dignité. Les sanctions relatives aux actes de pédocriminalité ont en effet été renforcées au fil des années, tandis que de nouvelles infractions ont été créées par le législateur, par exemple dans la loi du 21 avril 2021 visant à protéger les mineurs et délits sexuels et de l’inceste, à l’origine de l’article 227-23-1 du code pénal qui sanctionne « le fait pour un majeur de solliciter auprès d’un mineur la diffusion ou la transmission d’images, vidéos ou représentations à caractère pornographique dudit mineur » de « sept ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende ».
Les chiffres de la pédocriminalité connaissent toutefois depuis dix ans une inquiétante tendance à la hausse, parallèlement à un courageux mouvement de libération de la parole des victimes, notamment d’inceste. Les nouvelles technologies et les réseaux sociaux ont contribué à cette explosion des chiffres. Ainsi, alors que l’Office mineurs avait reçu en 2013 3 200 signalements de contenus pédocriminels échangés en ligne, ce service de police judiciaire chargé de lutter contre les infractions les plus graves commises à l’encontre des mineurs en a reçu 318 000 en 2022, soit une haute du nombre de signalements de 12 000 %. Ce chiffre et toutes les douleurs individuelles, familiales et collectives qu’il représente doivent nous appeler à un sursaut de mobilisation. Dans ce contexte grave, toutes les initiatives visant à renforcer les sanctions de ces comportements intolérables ne peuvent être que les bienvenues.
C’est pourquoi la présente proposition, inscrite à l’ordre du jour par le groupe LIOT dans le cadre de sa journée d’initiative parlementaire, est la bienvenue. Elle vise à étendre les infractions de pédocriminalité aux actes visant une personne « se présentant comme » mineure, comblant le vide juridique auquel font face les enquêteurs qui ne peuvent faire avancer certains dossiers. Alors que les cyberinfiltrations sont autorisées depuis 2007, elles ne peuvent conduire à des condamnations effectives, puisqu’actuellement, les auteurs des actes sont punis par la loi s’ils s’adressent à un mineur mais non s’ils s’adressent à un majeur se faisant passer pour un mineur. Une évolution du droit pénal semble dès lors nécessaire. Le groupe Horizons & indépendants votera donc en faveur de cette proposition de loi.
M. Paul Molac (LIOT). La sphère du numérique est devenue un terrain de chasse pour les prédateurs sexuels. La cyberpédocriminalité s’intensifie, en passant par toutes les voies de communication électronique – réseaux sociaux, messageries cryptées, plateformes en ligne, darknet. Les chiffres qui révèlent l’ampleur de ce phénomène sont glaçants. En 2023, l’Office mineurs faisait état de près de 320 000 signalements contre 3 200 il y a dix ans. Cela représente 870 signalements par jour. Derrière ces chiffres, il y a des millions de victimes. En France, chaque année, on estime que 160 000 enfants subiraient des violences sexuelles. Nous avons amélioré notre arsenal juridique, en permettant la cyberinfiltration et ses vastes coups de filet. Nous sanctionnons les actes de grooming, grâce à des enquêteurs se faisant passer pour des mineurs. Toutefois, il reste des trous dans la raquette : les actes visant des enquêteurs se faisant passer pour des mineurs ne sont pas couverts pour d’autres infractions. Les policiers déplorent cette lacune.
Cette proposition de loi, comme toutes celles présentées dans le cadre des journées d’initiative parlementaire, a par définition un objet limité. Elle ne réglera donc pas tout le problème. Toutefois, elle répondra à une demande des professionnels réprimant la pédocriminalité.
Le champ des infractions de corruption de mineur en ligne, d’incitation en ligne d’un mineur à commettre un acte sexuel, mais aussi de sollicitation en ligne d’un mineur pour obtenir des images ou vidéos à caractère pédopornographique sera ainsi étendu. Cette avancée permettra de redonner toute leur efficacité aux enquêtes en ligne des policiers et de garantir que les enquêteurs obtiendront des condamnations à la hauteur des infractions. Nous remercions le rapporteur pour son implication en faveur de ce texte que nous voterons.
Mme Émeline K/Bidi (GDR). Selon une étude de l’association e-Enfance sur les premiers pas des enfants sur internet, 46 % des enfants sont équipés d’un smartphone avant leurs 10 ans et, en moyenne, les enfants commencent à utiliser internet avant l’âge de 6 ans. Puisque nous ne pouvons pas empêcher les enfants d’aller sur internet, il faut déplacer les dispositifs de protection sur internet. Protéger les enfants d’internet implique de s’attaquer aux pédocriminels en ligne – ce que vous faites avec cette proposition de loi, qui n’est pas simplement un texte de coordination.
Les chiffres font froid dans le dos : 870 signalements de contenu pédocriminel ont été transmis chaque jour en 2023. La France est le quatrième pays au monde pour la quantité de contenus pédocriminels hébergés, juste derrière les États-Unis, la Russie et les Pays-Bas. En dix ans, les signalements ont augmenté de 12 000 %.
Pour s’attaquer à ce fléau, nous multiplions les enquêtes sur internet, notamment avec la technique d’infiltration sous pseudonyme. Le droit en vigueur permet aux enquêteurs, non pas d’inciter à la commission d’infraction, mais de se faire passer pour des mineurs, dans le cadre d’enquêtes judiciaires, notamment en matière de cyberpédocriminalité. Toutefois, à cause du manque de moyens des ministères de la justice et de l’intérieur, les autorités peinent à traiter la masse croissante des signalements. Elles se heurtent en outre à quelques lacunes législatives.
Votre proposition de loi permettra de combler certaines d’entre elles, en étendant le nombre d’infractions pour lesquelles il est possible à recourir à des enquêtes sous pseudonyme, qu’elles soient menées par des professionnels ou par des citoyens engagés. De fait, des collectifs se constituent pour aider les enquêteurs à faire face à ce fléau – par exemple, la Team Moore, créée à La Réunion en 2019, qui compte plus de cinquante membres, actifs dans cinq pays, dont la France, a permis 75 interpellations et 36 condamnations de prédateurs sexuels en trois ans. Le travail de ces citoyens engagé doit être salué, même si les enquêtes sur la pédocriminalité sont dangereuses et ne doivent pas être prises à la légère.
Nous voterons cette proposition de loi sans réserve et nous saluons le travail accompli.
Mme Sophie Ricourt Vaginay (UDR). Notre groupe soutiendra sans réserve cette proposition de loi. Bien que brève, celle-ci comblera une brèche insupportable dans notre édifice pénal. Un adulte cherchant à piéger un enfant peut encore échapper à toute poursuite sous prétexte que le mineur auquel il croyait s’adresser était un policier infiltré, dissimulé derrière un écran et une fausse identité. Ce vide juridique revenait à confondre l’apparence et le réel, à ignorer l’intention criminelle, à laisser impunis des actes d’une extrême gravité.
Ce texte corrige l’absurde. Il affirme que l’intention de corrompre un mineur doit être jugée indépendamment du fait que la personne visée soit effectivement mineure. Il étend le champ de plusieurs infractions pour couvrir les sollicitations adressées à des majeurs se présentant comme mineurs et renforce ainsi la cohérence de notre droit, dans la lignée de l’article 227-22-1 du code pénal.
Surtout, ce texte donnera aux enquêteurs les moyens d’agir, de prévenir, d’infiltrer les réseaux, les forums, les plateformes où rodent les prédateurs. Dans un monde où les criminels se déplacent à la vitesse d’un clic, notre droit ne peut rester figé. Ce texte constitue un sursaut de lucidité face aux dangers du numérique, et un sursaut de responsabilité envers les plus vulnérables, nos enfants. En attendant d’aller plus loin, le groupe UDR le votera avec détermination.
M. le président Florent Boudié. Nous en venons à une intervention à titre individuel.
M. Olivier Marleix (DR). Profitons de l’examen de cette proposition de loi – que nous ne pouvons que soutenir – pour revenir sur la question des messageries chiffrées, abordée lors de la discussion de la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic. Certains ici ont défendu ces messageries envers et contre tout, refusant le bras de fer avec leurs gestionnaires prévu par la proposition de loi. Pourtant, les messageries chiffrées sont le refuge des pédocriminels, des terroristes et des gros trafiquants de drogue.
Les mineurs sont souvent piégés en amont sur des réseaux ouverts, avant que les données ne soient partagées sur des réseaux cryptés. Ce combat doit encore être mené. Je me réjouis que notre commission ait l’ambition d’avancer à ce sujet.
M. le président Florent Boudié. Dans quelques instants, dans le cadre de la réunion du bureau de la commission, j’évoquerai la création, à très court terme, d’un groupe de travail informel sur le déchiffrement des messageries chiffrées, auquel chacun des groupes qui le souhaite pourra être associé. Nous verrons si des conclusions communes sont possibles à court terme.
M. Christophe Naegelen, rapporteur. Oui, madame Capdevielle, le présent texte est placé en sixième position de l’ordre du jour en séance publique le 15 mai, mais nous comptons ajuster cet ordre du jour au cours des débats pour nous assurer de son adoption – de fait, grâce à la procédure de législation en commission (Plec), l’examen du présent texte ne devrait pas excéder une dizaine de minutes.
C’est vrai, Madame K/Bidi, cette proposition de loi est plus qu’un texte de coordination, même si elle en est aussi un, car elle permet de coordonner des articles du code pénal. Pour nous assurer de l’adoption du texte pendant notre niche, nous avons renoncé à aller plus loin.
Madame Cathala, dans un tel cadre, il ne serait pas possible de défendre un texte de cinquante articles traitant de manière complète la pédocriminalité. La loi a déjà beaucoup évolué. Actuellement, ce sont surtout les moyens qui manquent pour l’appliquer.
Selon vous, avec le présent texte, nous nous attaquerions au problème « avec une petite cuillère ». De fait, ce texte ne vise à combler qu’un trou dans la raquette. Il y en a sans doute d’autres. S’il permet toutefois à des enquêteurs d’empêcher certains prédateurs de faire des victimes, j’en serai satisfait.
Article unique (art. 227-22, 227-22-2 et 227-23-1 du code pénal) : Répression des infractions sexuelles sur mineur lorsque celles-ci sont commises à l’encontre d’une personne se présentant comme un mineur dans le cadre d’une enquête sous pseudonyme
Amendement CL5 de M. Christophe Naegelen
M. Christophe Naegelen, rapporteur. À la suite de mes échanges avec le ministère de la justice, je propose ici des aménagements rédactionnels pour sécuriser juridiquement l’extension de la définition des infractions de la pédocriminalité en ligne.
M. Pierre Cazeneuve (EPR). Vous avez mentionné les nombreux citoyens engagés à titre bénévole dans la traque de pédocriminels. Ils utilisent également les techniques d’enquête sous pseudonyme, en lien ou non avec le ComCyberGend – commandement de la gendarmerie dans le cyberespace –, l’Anssi – Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information – ou autres.
À l’époque où nous ne disposions pas d’enquêteurs spécialisés en matière de pédocriminalité, certains mouvements étaient déjà très impliqués dans ces questions. Pouvez-vous nous assurer que cette proposition de loi protégera les enquêteurs citoyens, même s’ils n’ont pas les mêmes prérogatives que les enquêteurs professionnels ? Les infractions qu’ils constateront seront-elles couvertes grâce à ce texte ?
M. Christophe Naegelen, rapporteur. Comme toute modification du code pénal, l’extension prévue des infractions bénéficiera indirectement à ces enquêteurs.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CL1 de Mme Julie Ozenne
M. Emmanuel Duplessy (EcoS). L’article 227-28-3 du code pénal réprime « le fait de faire à une personne des offres ou des promesses ou de lui proposer des dons, présents ou avantages quelconques » afin qu’elle commette certains crimes et délits de proxénétisme ou de corruption de mineurs, de pédopornographie ou d’atteinte sexuelle à des mineurs. Il vise ainsi des infractions qui entrent dans le périmètre de cette proposition de loi, et dont le champ devrait également être étendu.
M. Christophe Naegelen, rapporteur. L’extension que vous proposez n’est pas adaptée. En effet, l’article 227-28-3 du code pénal ne vise pas spécifiquement les actes en ligne, qui sont l’objet du présent texte.
En outre, l’article 227-28-3 permet déjà de réprimer le fait, pour un individu, d’inciter une personne à commettre un délit ou un crime contre un mineur, même lorsque cette incitation n’a conduit ni à la commission de l’infraction, ni à une tentative de la commettre. Il permet donc de couvrir les incitations qui seraient adressées à un enquêteur majeur se présentant comme mineur. Ainsi, la précision demandée créerait simplement de la confusion. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL6 de M. Christophe Naegelen
M. Christophe Naegelen, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination avec les outre-mer, usuel en matière pénale.
La commission adopte l’amendement.
Elle adopte l’article unique modifié.
Après l’article unique
Amendement CL2 de Mme Julie Ozenne
Mme Sandra Regol (EcoS). Un rapport sur les risques de l’intelligence artificielle (IA) en matière de pédocriminalité en ligne serait utile.
M. Christophe Naegelen, rapporteur. Avis favorable. La question est intéressante au vu du développement de l’IA, même si je n’aime pas beaucoup les demandes de rapport – il faudrait comparer le nombre de rapports produits et le nombre de ceux qui sont lus.
Mme Sandra Regol (EcoS). De nouveaux outils permettent de réaliser des images truquées de haute qualité, qui associent aux visages d’adultes ou d’enfants des corps dénudés. Puisque ces questions sont d’une haute technicité, nous avons besoin d’outils supplémentaires.
Mme Colette Capdevielle (SOC). Nous voterons en faveur de cet amendement, en espérant qu’il aura une vertu pédagogique. Il faut alerter les parents qui ne voient pas de mal à la diffusion massive des images de leurs enfants sur les réseaux sociaux. Or ces photos de famille sont sexualisées par l’intelligence artificielle puis diffusées dans le monde entier et, une fois que les pédocriminels ont été interpellés, les images – qui concernent des mineurs de plus en plus jeunes, parfois des enfants de moins de 3 ans, des bébés – restent en ligne.
Cet amendement permettra un travail transpartisan sur un phénomène effroyable dont nous mesurons aujourd’hui l’ampleur. En tant que parlementaires, nous devons exercer un rôle de sensibilisation de nos concitoyens en la matière.
La commission adopte l’amendement.
La commission adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.
*
* *
Information relative à la Commission
La Commission a désigné M. Ugo Bernalicis rapporteur sur la proposition de nomination, par le Président de la République, de M. Christian Charpy en tant que président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP).
La séance est levée à 11 heures.
————
Membres présents ou excusés
Présents. - M. Laurent Alexandre, Mme Marie-José Allemand, M. Pouria Amirshahi, Mme Anne Bergantz, Mme Émilie Bonnivard, M. Florent Boudié, Mme Blandine Brocard, Mme Colette Capdevielle, Mme Gabrielle Cathala, M. Vincent Caure, M. Pierre Cazeneuve, Mme Edwige Diaz, M. Emmanuel Duplessy, Mme Agnès Firmin Le Bodo, M. Jonathan Gery, M. Yoann Gillet, M. Philippe Gosselin, M. Jordan Guitton, M. Patrick Hetzel, Mme Emmanuelle Hoffman, M. Sébastien Huyghe, Mme Émeline K/Bidi, M. Antoine Léaument, Mme Pauline Levasseur, M. Aurélien Lopez-Liguori, Mme Marie-France Lorho, M. Olivier Marleix, M. Éric Martineau, M. Ludovic Mendes, Mme Laure Miller, M. Paul Molac, M. Jean Moulliere, M. Christophe Naegelen, M. Éric Pauget, M. Julien Rancoule, Mme Sandra Regol, Mme Sophie Ricourt Vaginay, Mme Béatrice Roullaud, M. Hervé Saulignac, M. Philippe Schreck, M. Jean Terlier, Mme Céline Thiébault-Martinez, M. Roger Vicot, M. Antoine Villedieu, M. Stéphane Viry, Mme Caroline Yadan
Excusés. - M. Xavier Albertini, Mme Léa Balage El Mariky, M. Ugo Bernalicis, Mme Sophie Blanc, Mme Pascale Bordes, M. Ian Boucard, M. Moerani Frébault, M. Jérémie Iordanoff, Mme Marietta Karamanli, M. Andy Kerbrat, M. Philippe Latombe, Mme Élisa Martin, Mme Naïma Moutchou, Mme Andrée Taurinya, M. Michaël Taverne, M. Jiovanny William
Assistaient également à la réunion. - Mme Sandra Delannoy, M. Yannick Favennec-Bécot, M. Jean-Luc Warsmann