Compte rendu

Commission
des lois constitutionnelles,
de la législation
et de l’administration
générale de la République

         Examen du rapport de la mission d’information sur l’avenir institutionnel de la Corse (M. Florent Boudié, président-rapporteur)                            2

         Examen de la proposition de résolution tendant à modifier le Règlement de l’Assemblée nationale afin de simplifier l’organisation de certains scrutins et l’examen des lois organiques (n° 1286) (M. Roland Lescure, rapporteur)                            20

         Examen de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative au droit de vote par correspondance des personnes détenues (n° 1163) (M. Jean Moulliere, rapporteur)                            30

         Informations relatives à la Commission............... 43

 

 

 

 


Mercredi
28 mai 2025

Séance de 9 heures

Compte rendu n° 69

session ordinaire de 2024-2025

Présidence
de M. Florent Boudié,
président


  1 

La séance est ouverte à 9 heures.

Présidence de M. Florent Boudié, président.

La Commission examine le rapport de la mission d’information sur l’avenir institutionnel de la Corse (M. Florent Boudié, président-rapporteur).

M. le président Florent Boudié. Depuis plus de quarante ans, la Corse a connu de nombreuses évolutions statutaires traduisant la reconnaissance progressive de ses spécificités par la République.

De la création de la collectivité territoriale en 1982, jusqu’à l’instauration de la collectivité unique le 1er janvier 2018, non seulement les réformes engagées n’ont pas pleinement répondu aux aspirations politiques exprimées en Corse – je rappelle les victoires en 2015, 2017 et 2021 des formations politiques dites nationalistes aux élections territoriales –, mais les évolutions statutaires successives ne sont pas non plus parvenues à surmonter les contraintes structurelles propres à la condition même de ce territoire insulaire.

C’est sur ces deux plans indissociables – l’enjeu de reconnaissance politique et celui de réponses concrètes à apporter aux conditions de vie en Corse – que la représentation nationale est une nouvelle fois sollicitée.

Alors que les projets de loi constitutionnelle de 2018 et 2019, dont certaines dispositions consacraient un statut de la Corse dans notre Constitution, n’ont pas été au bout du processus parlementaire, les événements dramatiques de mars 2022, consécutifs à l’agression mortelle d’Yvan Colonna en détention et marqués par de graves violences, ont joué le rôle de catalyseur politique – catalyseur des revendications autonomistes, et parfois indépendantistes. Ces événements ont conduit le Gouvernement à ouvrir un cycle inédit de discussions avec les forces politiques corses.

On peut regretter – il le faut, même – qu’il ait fallu attendre les événements du printemps 2022 pour réenclencher un dialogue qui, pour l’essentiel, était interrompu. Mais c’est un fait que le gouvernement, par la voix de son ministre de l’intérieur de l’époque, Gérald Darmanin, a ouvert un cycle inédit de discussions avec les représentants de la Corse, en prononçant pour la première fois le mot d’autonomie et en annonçant, dans une interview à Corse Matin le 16 mars 2022, « un processus à vocation historique de discussions ». Ces mots seront réaffirmés avec force par le président de la République lors de son déplacement en Corse le 28 septembre 2023. Ce « processus de Beauvau », entamé il y a plus de trois ans, a débouché, le 27 mars 2024, sur l’adoption par l’Assemblée de Corse d’un projet d’écriture constitutionnelle visant à consacrer « un statut d’autonomie au sein de la République ».

C’est dans ce contexte que la commission des lois de l’Assemblée nationale a souhaité s’emparer du dossier « Corse », après que mon prédécesseur Sacha Houlié avait constitué un premier groupe de travail portant sur ce même sujet. Elle a ainsi décidé de créer, le 3 décembre 2024, une mission d’information réunissant l’ensemble des groupes politiques, les quatre députés de la Corse et l’ancien président de la commission des lois.

Il s’agissait de la seconde mission d’information parlementaire sur la question de l’avenir institutionnel de la Corse, après que le Sénat avait constitué la sienne au printemps 2023. Les conclusions sénatoriales devaient être présentées en début d’année, mais la publication du rapport a été rejetée par la commission des lois du Sénat, signe que l’avenir institutionnel de la Corse fait débat. Cette non-publication d’un rapport de la commission des lois du Sénat est assez rare pour être soulignée. Je veux croire que nous ne subirons pas le même empêchement – nous avons fait en sorte, avec les membres de la mission d’information, que tel ne soit pas le cas.

Notre mission a mené ses travaux pendant près de six mois. Elle a procédé à plus d’une vingtaine d’auditions à l’Assemblée nationale. Elle s’est également rendue en Corse, du mardi 4 au vendredi 7 février. Elle a entendu plus de 110 personnes, parmi lesquelles des ministres ou des anciens ministres, le président du conseil exécutif de Corse, la présidente de l’Assemblée de Corse, des élus de toutes les sensibilités politiques, des hauts fonctionnaires, des juristes, des chercheurs, des représentants syndicaux, ainsi que des acteurs associatifs et du monde économique. Le rapport d’information que je vous présente reflète fidèlement les réflexions qui ont été collectées et qui ont animé les discussions entre les seize membres de la mission parlementaire. Vous aurez à décider de sa publication, puisque c’est la seule question qui vous est posée ce matin, et non celle de l’approbation.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, permettez-moi une parenthèse méthodologique, car s’agissant de l’avenir institutionnel corse, la méthode était fondamentale. J’ai assumé pleinement mon rôle de rapporteur, donc de rédacteur du rapport. J’ai néanmoins tenu à associer étroitement, et en permanence au cours des six derniers mois, l’ensemble des membres de la mission d’information à cette tâche. Chacun a pu faire part de ses observations qui ont, pour l’essentiel, été intégrées – et, lorsque ces observations entraient en contradiction, ces divergences sont signalées dans le corps du rapport comme dans ses conclusions.

De façon inédite, pour donner plus de force et de clarté à nos travaux, j’ai également fait le choix que chaque membre de la mission puisse se prononcer par un vote sur les conclusions du rapport, dont les résultats figurent sous chacune des recommandations composant ces conclusions, qui portent pour une large partie sur le projet d’écriture constitutionnelle issu du « processus de Beauvau ». 

Cette opération de transparence est la meilleure façon de préparer le travail du Parlement qui aura, je le souhaite, à débattre de l’avenir institutionnel de la Corse dans les prochains mois.

La première partie du rapport est consacrée aux spécificités historiques, culturelles, géographiques, sociales et économiques de la Corse. Il fallait partir de là, et c’est le socle de notre réflexion.

Cette première partie met en lumière la force du sentiment d’appartenance à la communauté insulaire, marquée par l’histoire et par l’affirmation de la culture corse – par exemple l’importance de la langue corse, qui constitue l’un des fondements les plus vivants de la culture insulaire. Sa préservation et sa transmission font l’objet d’une mobilisation active des élus corses et d’une attente forte de la société civile. Les seize membres de la commission, notamment ceux qui se sont déplacés en Corse en février, l’ont constaté.

Le rapport met également en exergue les contraintes structurelles propres à l’insularité corse : l’éloignement du continent, la dépendance aux flux commerciaux extérieurs, l’existence de surcoûts, notamment logistiques, dont les effets, en particulier sur les prix, impactent directement la vie quotidienne des Corses. Il n’est donc pas une réflexion juridique ou théorique.

À cela s’ajoutent des tensions foncières constantes, liées à la pression démographique et à l’essor, sans comparaison avec le continent, du marché des résidences secondaires qui met en péril l’accès au logement des habitants de l’île. Les effets d’éviction de l’accès au logement sont d’une particulière gravité, notamment sur le plan social.

Enfin, les spécificités insulaires renforcent le sentiment d’inadéquation entre les outils juridiques nationaux et les besoins de l’île. Je pense, en particulier, aux lois « montagne » et « littoral » dont des maires nous ont précisé à plusieurs reprises que l’application croisée, dans des communes très nombreuses à disposer à la fois d’une zone littorale et d’une zone montagneuse, aboutit à un casse-tête réglementaire qui n’est rien d’autre qu’un frein à l’action et au développement raisonné et durable, ainsi qu’un facteur d’affaiblissement du bloc communal. Dans ce domaine comme dans celui de la reconnaissance de la langue corse ou de l’accès à la terre et au foncier, des adaptations des normes nationales au contexte insulaire est une nécessité, et même une évidence – la question étant de savoir de quelle nature et jusqu’où.

Sur ce point, un constat est largement partagé par les membres de la mission d’information. Nous pourrions identifier, dans de nombreux territoires de la République, des caractéristiques et des problématiques communes à celles de la Corse. Les zones littorales de l’Hexagone sont ainsi toutes sujettes à la spéculation immobilière. Comme député de la Gironde, je sais qu’il n’est pas simple d’accéder à un logement sur la presqu’île du Cap Ferret, par exemple. Cette difficulté n’est pas propre à la Corse. La question de l’enclavement géographique ne l’est pas non plus : il existe des zones de montagne sur le territoire continental, tout comme il existe des territoires ruraux éloignés des métropoles, des villes moyennes et des réseaux de communication et de transport. En outre, bien des territoires connaissent des difficultés dans l’accès à un service public de proximité ou à une formation supérieure post-bac. Mais, ce qui singularise la Corse et qui est la conséquence directe de sa condition insulaire, c’est qu’elle concentre à elle seule, sur un territoire délimité, toutes les difficultés qui peuvent se rencontrer différemment sur le continent. C’est ce cumul de contraintes qui fait la singularité de la Corse et qui justifie nos débats.

Ainsi, au-delà de l’appartenance à une communauté insulaire qui plonge loin et profond ses racines culturelles, historiques et linguistiques, c’est la concentration des difficultés dans une « île montagne » qui explique la permanence des débats autour du statut particulier que devrait occuper la Corse dans notre organisation institutionnelle – avec une question centrale sur le plan juridique et sur le plan politique : faut-il créer les conditions d’un pouvoir normatif local permettant de répondre plus efficacement aux nombreux défis cumulatifs et exacerbés auxquels la Corse doit faire face ?

Interroger le besoin d’une évolution institutionnelle de la Corse, c’est questionner les mutations de son statut au cours des quarante dernières années, et revenir sur les éventuelles limites du droit existant à l’adaptation des normes législatives et réglementaires dont la Corse bénéficie déjà.

Depuis le 1er janvier 2018, la collectivité de Corse est une collectivité territoriale unique à statut particulier, au sens de l’article 72 de la Constitution, issue de la fusion de la collectivité territoriale de Corse et des conseils départementaux de la Corse-du-Sud et de la Haute-Corse.

Des dispositions spécifiques avaient certes été introduites dans notre droit dès 2002, en reconnaissant explicitement la faculté pour l’Assemblée de Corse de demander l’adaptation de normes de niveau législatif et réglementaire en raison des spécificités de l’île. Elles étaient venues s’ajouter à celles de l’article 37-1 de la Constitution sur le droit commun de l’expérimentation et à celles de l’article 72 de la Constitution propres aux collectivités territoriales. Mais, ce mécanisme d’adaptation créé pour la Corse et codifié à l’article L. 4422-16 du code général des collectivités territoriales s’est soldé par un échec cuisant : saisis à cinquante-sept reprises de demandes d’adaptation par l’Assemblée de Corse, les premiers ministres successifs, quelle que soit leur sensibilité, n’ont pratiquement jamais pris le soin d’y répondre et de motiver leur silence ou leur refus. Seules quatre de ces demandes ont été reprises. Depuis vingt ans, ce mécanisme de l’article L. 4422-16 à la fois inopérant et source de frustration a nourri les velléités de révision du cadre institutionnel de la Corse.

Au-delà des événements tragiques du printemps 2022, déclencheurs des discussions du « processus de Beauvau », c’est aussi et surtout dans ce contexte d’un pouvoir d’adaptation inopérant qu’est intervenu le projet d’écriture présenté et adopté par la quasi-unanimité par l’Assemblée de Corse le 27 mars 2024, après deux années de discussions entre les représentants de la Corse et ceux de l’État.

Ce projet de rédaction reconnaît un statut constitutionnel pour la Corse « qui tient compte de ses intérêts propres, liés à son insularité méditerranéenne et à sa communauté historique, linguistique, culturelle, ayant développé un lien singulier à sa terre ». Il ne s’agit pas de remettre en cause ou rompre l’indivisibilité, mais de reconnaître explicitement, dans la Constitution, que la Corse bénéficie d’un statut d’autonomie « au sein de la République ». Si elle était confirmée, cette évolution s’accompagnerait de l’octroi à la collectivité de Corse d’un pouvoir normatif de nature législative ou réglementaire, pouvoir par nature délégué par la Constitution, dans les domaines qui devront être délimités par la loi organique.

Le pouvoir normatif confié à la collectivité de Corse serait double. Il se traduirait, d’une part, par la possibilité d’adapter les lois ou les règlements aux réalités corses, d’autre part par la possibilité offerte à la collectivité de fixer elle-même les normes dans les matières qui relèvent de sa compétence.

Le texte prévoit également que le gouvernement pourrait, à titre subsidiaire, adapter par ordonnance des dispositions législatives qui ne relèvent pas des compétences de la collectivité.

Dans ce contexte, le projet d’écriture constitutionnelle prévoit plusieurs garanties ou garde-fous. Le premier garde-fou est le renvoi à la loi organique elle-même, laquelle devra fixer les matières dans lesquelles s’exercera le pouvoir normatif confié à la collectivité de Corse. La représentation nationale sera donc souveraine.

Le deuxième niveau de contrôle viendrait du fait que ce pouvoir autonome serait soumis au double contrôle juridictionnel confié au Conseil d’État et au Conseil constitutionnel, selon des modalités que le législateur organique devra préciser.

Enfin, le troisième niveau de garanties serait la création d’un principe d’évaluation obligatoire des normes locales adoptées et appliquées par la collectivité de Corse. Cela a été assez peu souligné, y compris en Corse, mais ce principe d’évaluation obligatoire serait une première. Il serait, en tout cas, sans équivalent pour les collectivités relevant de l’article 72 de la Constitution.

Si la révision constitutionnelle devait aboutir, le constituant et le législateur organique détiendraient un rôle central dans la mise en œuvre du statut d’autonomie. En effet, c’est au législateur organique que reviendrait la responsabilité de délimiter le périmètre du pouvoir normatif délégué par la Constitution, mais c’est aussi à lui qu’il reviendrait de préciser les procédures de contrôle et d’évaluation des normes prises localement. L’édifice proposé est donc à deux étages : la loi constitutionnelle fixerait les grands principes de l’autonomie de la Corse, quand le législateur organique déterminerait l’étendue de ces nouvelles prérogatives.

À l’issue de ce travail d’analyse du projet d’écriture constitutionnelle, qui mêle enjeux politiques et juridiques, le rapport présente une série de recommandations et de conclusions. La mission d’information défend, dans le corps du rapport, un peu moins d’une dizaine de recommandations portant sur des sujets complémentaires au projet de réforme institutionnelle de la Corse, mais dont l’importance a été soulignée par nos interlocuteurs au cours des auditions.

Je n’en citerai que quelques-unes, qui démontrent qu’il est temps de débattre, au Parlement, de la révision constitutionnelle.

Je pense à la nécessité d’aborder, dans le cadre de la future loi organique, la question centrale du statut de la langue corse, en vue notamment de sécuriser l’enseignement immersif qui concerne trente classes, soit 500 élèves, pour la rentrée de septembre.

Je pense aussi à la nécessité de renforcer la différenciation locale en matière d’urbanisme, à la nécessité de mettre en débat la question d’un statut de « résidence » – et pas de « résident », qui serait discriminatoire – pour permettre au pouvoir local de lutter contre la spéculation immobilière.

Je pense enfin à la question fiscale, qui ne fait pas toujours l’unanimité en Corse et qui ne fera probablement pas l’unanimité à l’Assemblée nationale, mais qui fait partie des éléments centraux de débat sur la différenciation territoriale de l’île.

Au-delà de ces recommandations, la mission d’information a adopté douze conclusions formelles regroupées en trois blocs et ayant chacune fait l’objet d’un vote de ses seize membres, ce qui est inédit. Il me semblait que c’était la meilleure façon d’aborder le sujet et de trouver un chemin commun.

Les membres de la mission d’information formulent d’abord des conclusions concernant le projet d’écriture constitutionnelle, base de nos discussions. Ce projet a été présenté devant l’Assemblée de Corse et constitue le compromis, pesé au trébuchet et dans lequel chaque mot compte, issu du « processus de Beauvau ».

Le premier point soumis au vote des membres de la mission était l’inscription de la Corse dans la Constitution en tant que collectivité à statut particulier à raison de ses spécificités géographiques, historiques, linguistiques et culturelles. Les groupes politiques composant notre assemblée ont unanimement reconnu la nécessité de créer un statut constitutionnel de la Corse.

Le deuxième point soumis au vote était plus délicat. Il concernait la qualification de ce statut constitutionnel d’autonomie au sein de la République. Cette qualification a recueilli l’unanimité moins une voix. J’observe, par conséquent, que l’intégration de la notion d’autonomie de la Corse dans la République rassemble très largement les sensibilités qui composaient la mission d’information.

Le troisième point concernait la consécration, dans le texte constitutionnel, de l’existence d’une « communauté historique, linguistique et culturelle en Corse ». Cette disposition a fait l’objet d’un vote unanime.

La quatrième question portait sur la reconnaissance, dans la Constitution, du « lien singulier » de la Corse à « sa » terre ou à « la » terre. Onze des seize membres de la mission d’information ont considéré qu’il était préférable d’utiliser l’article indéfini « la ». En droit, il n’y a jamais de hasard dans les termes choisis. Ce n’est donc pas un détail. Deux membres ont préféré l’adjectif possessif « sa » et trois députés se sont abstenus.

La cinquième question était celle, centrale, de la consécration dans la Constitution d’un pouvoir normatif accordé à la collectivité de Corse. Treize des seize membres de la mission d’information ont approuvé le projet d’écriture constitutionnelle sans modification.

La sixième question était celle de la place des compétences régaliennes dans le cadre du futur statut d’autonomie de la Corse. Si le projet d’écriture constitutionnelle résultant du « processus de Beauvau » ne prévoit aucune exclusion de principe des missions régaliennes, quinze des seize membres de la mission d’information ont souhaité les exclure formellement. Nos interlocuteurs – nationalistes compris – ayant systématiquement indiqué que l’autonomie de la Corse dans la République s’interprétait à l’exclusion des missions régaliennes, ces quinze membres ont considéré que puisqu’il y avait consensus, il était préférable de l’écrire dans la Constitution, en reprenant la lettre précise des dispositions relevant de l’article 73 de la Constitution.

La septième question concernait l’inscription dans la Constitution, à l’image de ce que prévoit le projet d’écriture issu du « processus de Beauvau », d’une procédure ad hoc de contrôle juridictionnel faisant intervenir le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel, contrôle qui s’exercera sur les actes pris en application du pouvoir normatif délégué par la Constitution. Douze des seize membres ont voté pour, trois ont voté contre et un s’est abstenu.

La huitième question posée aux membres de la mission d’information portait sur la possibilité pour le gouvernement d’adapter par ordonnance certaines dispositions législatives ne relevant pas de la compétence de la collectivité de Corse. Treize membres ont voté pour, un a voté contre et deux se sont abstenus.

Enfin, la neuvième question portait sur l’organisation d’une consultation des électeurs corses sur le projet de statut organique, après avis de l’Assemblée de Corse. La quasi-unanimité des membres de la mission d’information a validé la nécessité de cette consultation, tout en souhaitant la rendre obligatoire et non facultative – c’est une différence par rapport au projet d’écriture constitutionnelle. C’est une revendication forte, quelles que soient les sensibilités. Nous pouvons revenir sur cette consultation, qui pose notamment des questions de temporalité. Un débat à ce sujet s’est d’ailleurs tenu il y a quelques jours à l’Assemblée de Corse.

La mission d’information s’est également prononcée sur deux questions complémentaires, non directement rattachées au projet d’écriture constitutionnelle, mais qui sont apparues lors de nos échanges avec les acteurs corses.

La première était celle de la reconstitution d’un échelon intermédiaire entre le bloc communal et la collectivité unique de Corse, considérant que la disparition des conseils départementaux a créé, par nature, une distance. Un certain nombre d’acteurs publics corses, pas nécessairement politiques, considèrent qu’il faut renforcer le bloc intercommunal, donc le bloc communal, et qu’il conviendrait de réfléchir à la possibilité pour les deux grandes agglomérations de Bastia et d’Ajaccio d’obtenir non pas le statut de métropole – elles n’en ont pas la démographie –, mais des capacités d’action, donc des compétences de nature métropolitaine. Sept membres ont approuvé cette perspective, trois s’y sont opposés et six se sont abstenus.

La seconde question complémentaire était celle de l’évolution du mode de scrutin de l’Assemblée de Corse. Certains acteurs publics ou politiques souhaitent réintroduire une forme de territorialisation dans le mode d’élection des membres de l’Assemblée de Corse. C’est un débat ancien, en Corse. Plusieurs propositions ont été formulées, mais ont été rejetées à la majorité par l’Assemblée de Corse. Il ne s’agit pas de le trancher aujourd’hui, mais la question est posée. Onze des seize membres de la mission d’information ont voté pour cette hypothèse visant à territorialiser pour partie, dans une sorte de scrutin mixte, l’élection des membres de l’Assemblée de Corse. Deux ont voté contre et trois se sont abstenus.

Enfin, dans le cadre de la dernière question, l’unanimité des membres de la mission d’information a considéré que le débat parlementaire doit s’engager sans perdre une minute, plus de trois ans après l’amorce du « processus de Beauvau ». Nous souhaitons, par conséquent, que le projet de loi constitutionnelle puisse être déposé devant le Parlement à très court terme après avoir été présenté en Conseil des ministres. Notre souhait est que ce dépôt intervienne avant la fin de la session ordinaire.

Ce rapport ne prétend pas trancher le débat qui s’ouvrira, mais a pour objectif d’en éclairer les termes et de rappeler la réalité d’un territoire qui aspire à une reconnaissance renforcée de ses spécificités dans le cadre de la République. Nous l’avons rédigé avec sincérité et application, mais aussi humilité.

L’autonomie proposée pour la Corse à l’issue du « processus de Beauvau », soutenue largement, avec quelques nuances, par les membres de la mission d’information, serait moins une rupture qu’une adaptation juridiquement encadrée et relativement pragmatique.

Je remercie les personnes que nous avons entendues, en Corse et à Paris – je n’en citerai aucune, pour ne tordre aucune susceptibilité –, ainsi que les membres de la mission d’information et nos administrateurs.

Le chemin est encore long. Mais, en dépit du contexte politique et de difficultés presque structurelles, nos groupes politiques ont démontré qu’ils avaient pu travailler et cheminer ensemble pour doter la Corse d’un nouveau statut constitutionnel et peut-être même d’un statut d’autonomie au sein de la République.

Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Stéphane Rambaud (RN). Depuis plusieurs mois, l’exécutif cherche un projet de réforme constitutionnelle pour la Corse. Derrière les déclarations d’intention sur la reconnaissance des spécificités locales, c’est en réalité un processus de déconstruction de l’unité républicaine qui est engagé.

Certes, la Corse possède des particularismes évidents – son insularité, sa langue, sa culture, son histoire – et nous ne nous opposons pas par principe à leur reconnaissance constitutionnelle. Nous sommes favorables à ce que la Corse soit consacrée comme une collectivité à statut particulier. Un pouvoir d’adaptation des normes pourrait lui être accordé pour certaines compétences précises, à titre expérimental. C’est une position d’équilibre et de bon sens.

En revanche, nous refusons catégoriquement de franchir le seuil symbolique et politique qui ferait de la Corse une collectivité autonome au sein de la République. Car l’autonomie n’est pas une simple technique de gestion. C’est une rupture avec le principe d’unité, une brèche dans le fondement de notre République, une et indivisible. Chaque concession faite à des logiques autonomistes alimente une dynamique de repli, de défiance et de séparation.

Accepter l’autonomie pour la Corse, c’est ouvrir la voie à toutes les revendications – aujourd’hui la Corse, demain le Pays basque, la Bretagne et l’Alsace. Ce serait le début du démembrement silencieux de la nation française, d’une République à la carte dans laquelle chaque territoire choisirait ce qui l’arrange et se délesterait du reste.

La quête d’une paix superficielle est prête à tout concéder pour calmer des aspirations qui flirtent avec l’indépendantisme. Mais la paix achetée au prix de l’unité nationale n’est qu’une paix est fragile, une illusion de stabilité. Ce que l’on sacrifie au nom de la technique politicienne, on le paiera demain au prix de la cohésion nationale.

Le Rassemblement national défend une autre vision : celle d’une République enracinée dans ses territoires, mais debout, forte, cohérente, une République qui respecte les identités locales sans jamais renier son unité, une République qui dialogue, mais ne se divise pas ; celle d’un État fort, juste, capable de reconnaître les spécificités sans abdiquer ses principes.

Nous disons oui à l’adaptation, non à la séparation. Oui à la reconnaissance, non au désengagement de l’État. Oui à la fierté corse, non à l’exception permanente.

Quant à la volonté du gouvernement de renforcer le rôle des intercommunalités, nous la refusons fermement. La Corse, comme le reste de la France, a besoin de proximité et de démocratie locale, lesquelles passent par la commune, pas par des structures technocratiques éloignées des citoyens. C’est à l’échelon communal que bat le cœur démocratique de notre pays.

Enfin, concernant les modalités de représentation, nous serons vigilants à ce que la diversité des sensibilités politiques corses soit respectée. Le mode de scrutin devra garantir un juste équilibre entre les voix, et éviter toute confiscation de la démocratie locale par une majorité artificielle.

Notre ligne est claire. Respecter la Corse, oui ; céder à l’autonomie, non ; défendre la République, toujours !

M. Stéphane Mazars (EPR). Ce rapport constitue une nouvelle étape depuis l’engagement du « processus de Beauvau ». Après le meurtre d’Yvan Colonna en détention, en mars 2022, l’île a connu une explosion de violences et les revendications autonomistes, voire indépendantistes, ont été ravivées, notamment par la jeunesse.

Le « processus de Beauvau » a permis un dialogue étroit et constructif entre les élus corses de toute sensibilité et l’État. Il a permis, en mars 2024, l’adoption par l’Assemblée de Corse d’une délibération comportant un projet d’écriture relatif à la révision de la Constitution et proposant un statut d’autonomie de l’île au sein de notre République. Cette délibération est le fruit d’un large consensus, puisqu’une seule voix s’y est opposée.

Ce consensus nous oblige. C’est dans ce même esprit de responsabilité et de coconstruction que les travaux de la mission d’information se sont inscrits. Je salue le travail de notre président-rapporteur Florent Boudié, qui a tenu à dialoguer avec toutes les sensibilités politiques et forces vives de l’île, en respectant les différents courants politiques et idéologiques de notre assemblée. Durant quatre mois, ces travaux nous ont permis d’auditionner plus de 110 personnes. La mission s’est déplacée en Corse en février pour mesurer au plus près du terrain ses réalités géographiques et ses spécificités historiques et culturelles.

Ce sera aux parlementaires de décider de l’avenir institutionnel de la Corse, d’abord dans le cadre d’une loi constitutionnelle lui conférant un statut particulier, puis dans une loi organique définissant le périmètre et les modalités du pouvoir normatif confié à cette collectivité – étant acquis que le domaine du régalien restera dans les mains de l’État.

Le groupe Ensemble pour la République estime que ce rapport reflète l’esprit du « processus de Beauvau » et le cadre fixé par le président de la République lorsqu’il évoquait un statut d’autonomie au sein de la République. Aussi voterons-nous pour sa publication.

Pour terminer, permettez-moi d’exprimer l’émotion qui a été la mienne lors de la cérémonie d’hommage au préfet Érignac, qui s’est tenue à Ajaccio le 6 février et à laquelle j’ai eu l’honneur de participer, avec mes collègues députés membres de la mission d’information et aux côtés des élus corses. C’est à ce moment que j’ai le mieux mesuré l’impérieuse nécessité d’écrire une nouvelle page de l’histoire et de l’avenir de la Corse, au sein de notre République.

M. le président Florent Boudié. En effet, la commémoration du 6 février, durant laquelle nous avons honoré le nom du préfet Érignac au nom de la présidente de l’Assemblée nationale, a été un moment particulièrement fort.

Mme Gabrielle Cathala (LFI-NFP). Le rapport de la mission d’information marque la relance attendue d’un dialogue institutionnel interrompu par la dissolution de l’Assemblée nationale. La mission antérieure, conduite par notre collègue Jean-Félix Acquaviva, suivait une ambition plus large, dépassant la seule question du statut constitutionnel. Bien que le périmètre de la mission actuelle ait été plus limité, notre groupe parlementaire a pleinement contribué aux travaux engagés.

Au préalable, je veux rappeler l’attachement historique de notre mouvement politique à l’unité et à l’indivisibilité de la République. On nous caractérise souvent de jacobins, à juste titre. Mais souvent, on caricature le jacobinisme comme la toute-puissance de l’État central sur la démocratie locale. Ce sont pourtant les jacobins qui consacrent les libertés et la démocratie locale. Nous poursuivons l’idéal d’effectivité de l’égalité républicaine, dont nous pensons qu’elle peut s’obtenir par la subsidiarité et l’autonomie laissée au local sous le contrôle de l’État central. Notre groupe parlementaire s’inscrit dans une conception réaliste et vivante de la République, attentive à l’effectivité de sa devise Liberté, Égalité, Fraternité pour chacun, partout sur le territoire.

Depuis les années 1980, la Corse suit une trajectoire d’émancipation démocratique singulière, construite pas à pas. Cette évolution met en lumière les limites d’un modèle centralisé qui, malgré les réformes successives, s’est montré incapable de répondre efficacement aux défis structurels de l’île – coût de la vie élevé, faibles revenus, dégradation des établissements de santé, précarité du logement, inégalités sociales persistantes. La réalité appelle une réponse institutionnelle à la hauteur de ces enjeux.

Un moment charnière s’exprime en Corse, qui teste notre capacité collective à entendre des revendications légitimes et à faire fonctionner la République française dans sa diversité – une forme de créolisation territoriale.

Depuis 2015, les autonomistes corses disposent d’un mandat démocratique clair pour défendre et nourrir un dialogue institutionnel exigeant avec les gouvernements successifs. Ce mandat régulièrement renouvelé dans les urnes ne peut plus être ignoré. Le refus de reconnaissance ou le déni institutionnel s’apparente à une forme de maltraitance démocratique qui doit désormais céder la place à une solution politique nouvelle, ambitieuse et apaisée, car nul n’ignore les fortes tensions qui s’expriment sur l’île.

Je rends hommage à Pierre Alessandri, agriculteur corse assassiné en mars, dont l’engagement syndical contre les spéculations foncières, les fraudes et les pratiques mafieuses force le respect. Son combat pour une Corse juste, solidaire et enracinée dans la légalité républicaine ne doit pas être oublié.

Ne pas apporter de réponse, alors que l’histoire, la démocratie et les urgences sociales l’exigent, serait une faute politique, un acte d’abandon envers les habitants de l’île fièrement attachés à la République chère à Pascal Paoli, mais désireux qu’elle les reconnaisse pleinement.

L’évolution constitutionnelle du statut de la Corse s’impose comme une nécessité. Elle seule peut répondre aux spécificités culturelles, historiques et géographiques de l’île, ainsi qu’aux aspirations légitimes de sa population.

Malgré plusieurs réformes, le cadre institutionnel reste inadapté. Il ne permet ni un pilotage efficace du développement économique, social et environnemental ni une véritable autonomie d’action. Il est temps de franchir une nouvelle étape.

L’accélération du « processus de Beauvau » ne s’est pas faite de bon gré, mais en raison des suites de l’assassinat d’Yvan Colonna à la prison d’Arles, le 2 mars 2022. Il faut être lucide et honnête : trois ans plus tard, les braises d’un nouveau cycle de violences sont encore présentes si aucun débouché politique pacifié n’est apporté.

Le changement enverrait un signal fort en faveur de la démocratie locale, du respect des territoires et de l’efficacité de l’action politique. Il n’en reste pas moins que des points de vigilances doivent être énoncés de manière claire et responsable.

Toute évolution du statut de la Corse doit intégrer des clauses de non-régression sociale et environnementale, appuyées par des mécanismes juridiques solides garantissant la préservation et l’amélioration des acquis.

D’abord, cette exigence, conforme à l’esprit de la résolution « Autonomia », première proposition votée à l’Assemblée de Corse, vise à protéger les droits fondamentaux tout en respectant les cadres constitutionnel, européen et international. Nous ne voulons pas de dumping social ou fiscal. Pour nous, l’autonomie est une invitation à faire mieux.

Ensuite, nous restons sceptiques quant à la formulation proposée concernant l’attachement particulier à la terre. La transformation du possessif « sa » en l’article défini « la » nous convient mieux, car nous ne voyons pas la plus-value du rapport dans la précision du caractère insulaire de la Corse, qui évite toute interprétation potentiellement ethniciste du peuple corse.

Enfin, le fait que le domaine régalien ainsi que les contrôles du Conseil constitutionnel et du Conseil d’État ne soient pas délégués, dans la proposition d’écriture constitutionnelle, est une garantie importante de l’attachement de la Corse à la République.

Mme Valérie Rossi (SOC). Bien que députée des Hautes-Alpes, je suis une Corse de la diaspora, attachée à cette île et soucieuse de son avenir.

Le rapport aborde divers sujets, du statut de la langue corse au traitement des déchets, en passant par l’évolution de la collectivité de Corse, avec l’ouverture d’un droit renforcé à la différenciation. Si certaines de ses recommandations dépendent de l’adoption d’une loi organique, d’autres dépendent de celle d’une loi constitutionnelle.

Concernant les recommandations portant sur les dispositions du projet d’écriture constitutionnelle, notre groupe porte un intérêt à deux types de mesures : d’un côté, celles qui proclament l’existence d’une communauté historique, linguistique et culturelle, ou qui reconnaissent le lien singulier de la Corse à sa terre, résultant notamment des contraintes géographiques et foncières attachées à sa condition insulaire ; de l’autre, celles qui entendent tirer les conséquences de cette singularité en ouvrant le droit à la différenciation, soit la possibilité pour la collectivité de Corse d’adapter les lois ou les règlements dans ses domaines de compétence. Le groupe Socialistes et apparentés a déjà défendu des initiatives en la matière, notamment à travers l’engagement de Serge Letchimy.

Le principe d’indivisibilité de la République ne doit pas nous condamner à l’uniformité.

Par ailleurs, indépendamment de la qualité du travail conduit par la mission d’information, une question se pose quant à la temporalité de la consultation des électeurs corses. Votre rapport, monsieur le président, préconise une consultation après l’adoption de la loi constitutionnelle et avant celle de la loi organique. Pourtant, l’essentiel de la réforme sera dans le texte constitutionnel. Ce sujet a nourri une controverse, dont votre rapport s’est fait l’écho. Pour Paul-Marie Bartoli, maire de Propriano, la consultation des électeurs corses aurait davantage de sens si elle était organisée avant l’examen du projet de loi constitutionnelle, après l’avis du Conseil d’État sur le texte et avant le dépôt du texte au Parlement.

Puisque le rapport évoque la nécessité d’une consultation postérieure à la réforme constitutionnelle, quelle a été la motivation de ce choix ? Une autre temporalité est-elle envisageable ?

M. François-Xavier Ceccoli (DR). Le décentralisateur convaincu que je suis est, depuis fort longtemps, favorable à une évolution institutionnelle pour la Corse. Notre pays, c’est son histoire, est d’une culture centralisatrice et la décentralisation réclamée par nos territoires n’y progresse que trop lentement.

Le rapport tente d’apporter des réponses pour le futur statut de la Corse.

Le statut de résidence, et non de résident, permettra de favoriser la population vivant à l’année sur l’île et de ne pas entrer dans une sectorisation des habitants de la Corse – sujet qui concerne aussi d’autres territoires de la France –, sans remettre en cause le tourisme, qui représente 40 % du PIB de l’île.

Le rapport vise aussi la défense et la culture de la langue corses, qui en ont bien besoin à l’instar d’autres territoires de la République. Sans mettre en cause la langue nationale qui nous unit, nous avons besoin de cette richesse des langues qui parcourent notre territoire.

Il propose une modification du mode électoral, qui inclura une forme de territorialisation dont nous avons besoin avec la réforme des conseils départementaux, qui a fait disparaître toute proximité des habitants de la Corse avec leurs élus.

L’île gagnerait à se voir doter d’une liberté dans tous ces domaines. Néanmoins, il en est d’autres dans lesquels cette liberté d’agir interviendrait au détriment de la Corse et des Corses.

Transférer un pouvoir normatif ou, pire, législatif à la collectivité de Corse, sans le contrôle d’une émanation même simplifiée du Parlement, serait irresponsable. Les dérives mafieuses et la violence débridée à l’œuvre sur l’île entraîneraient des pressions terribles sur les élus ayant exercé cette responsabilité et dû prendre des décisions lourdes de conséquences pour leur population, parfois dans le seul intérêt d’une minorité. Ces dernières semaines, pour mémoire, un syndicaliste agricole, Pierre Alessandri, et une jeune femme de 19 ans, Chloé, vivant dans ma circonscription, sont tombés sous les balles de tueurs sanguinaires – sans compter les incendies, les destructions volontaires et les innombrables intimidations. Et ce, alors que l’État n’a jamais été aussi présent et que le procès des mis en cause du « Petit Bar » est en cours.

Les pouvoirs et prérogatives habituellement dédiés aux métropoles et qui seraient pour partie octroyés aux communes urbaines de Bastia et d’Ajaccio occasionneraient une rupture avec les autres territoires de l’île. Que resterait-il à nos territoires ruraux ? Que dirait-on à la population de l’intérieur, la plus pauvre et la plus âgée de l’île : qu’elle a été abandonnée dans l’intérêt des deux métropoles ? Plutôt que de corriger les effets délétères de la suppression des conseils départementaux, on aggraverait une fracture territoriale déjà bien établie, dans un territoire dont la topographie oblige à compter un temps de trajet plutôt qu’en kilomètres.

Notre rapport précise que la consultation des Corses doit être le préalable à la concrétisation de ce projet d’autonomie. Il ne peut en être autrement, et je félicite notre commission de l’avoir précisé. Je partage également les propos de ma collègue concernant la temporalité : le bon sens voudrait que l’on consulte les Corses avant que la Constitution ne soit modifiée.

Enfin, pour conclure sur un aspect positif, la clause de non-régression est de nature à rassurer les Corses, qui sont inquiets à l’idée que l’autonomie pourrait se traduire par un déclassement pour certains.

Pour toutes ces raisons, notre groupe s’abstiendra avec vigilance, pour ne pas fermer la porte à une réforme plus sécurisée et plus équilibrée que le Parlement déciderait dans l’intérêt de la Corse et des Corses.

M. le président Florent Boudié. Il ne s’agit pas de voter sur le contenu du rapport, ce que les membres de la mission d’information ont fait, mais sur sa publication.

Mme Sandra Regol (EcoS). Les îles européennes de Méditerranée ont toutes un statut particulier et d’autonomie, à l’exception de la Corse où les droits ne sont pas les mêmes qu’ailleurs. Les tentatives ont été nombreuses pour avancer – en 1982, en 1991, en 2022 – et accorder à cette dernière quelques pouvoirs supplémentaires. Mais le cycle de violence et de paix n’en finit pas de repartir et, malheureusement, c’est encore une fois un déferlement de violences qui a fait réagir le gouvernement. Ce cercle vicieux atteint directement les Corses, les appauvrit et les insécurise. Il est temps de parvenir à le briser.

La peur existe qu’en donnant plus de droits et de moyens, la France explose. Elle serait si fragile qu’en accordant des droits particuliers à certains, son unité et sa capacité à faire pays et à faire peuple exploseraient. Ceux-là ont sans doute une vision affaiblie de la France. Pour ma part, je la vois forte, fière et diverse.

Je suis une élue alsacienne qui parle avec l’accent du Sud. Si nos accents sont différents, c’est parce qu’ils sont fondés sur des langues locales - diversité. Si vous êtes fiers de vos régions, c’est parce qu’il existe une culture locale, que vous valorisez et qui n’est pas seulement celle de la France, mais aussi celle du lieu où vous habitez ou dans lequel vous avez été élu. C’est aussi cette fierté qui fait la publicité, le tourisme et l’attraction de notre pays. Bref, chers collègues, vous utilisez au quotidien cette diversité de la France plurielle. Vous en faites même un argument pour parler à vos électeurs. Aussi est-il dommage que, dès qu’il s’agit de la reconnaître, il n’y a plus grand-monde.

Au niveau européen aussi, la diversité est notre devise. C’est ce qui nous unit. C’est ce qui fait que nous sommes plus forts quand des pays comme la Russie ou les États-Unis tentent d’attenter à nos valeurs et à ce que nous sommes.

Du local au global, la diversité est plutôt une force qu’un facteur d’appauvrissement – sauf pour ceux qui en ont une faible idée. Ce rapport a d’ailleurs été élaboré dans l’écoute des différents avis, ce qui fait son intérêt. Son contenu n’est ni mon avis ni celui de mon collègue Ceccoli. Pourtant, nous y trouvons un peu de ce que nous défendons. De fait, le rapport se fonde sur un choix collectif : celui de l’Assemblée de Corse, qui a voté à l’unanimité pour une disposition qui permette enfin d’avancer. Il est temps de respecter cette notion collective.

Cette proposition va dans le sens de l’égalité et permettra de mieux respecter le peuple corse.

C’est aussi une avancée historique. La France est faite de ses révolutions. Or voilà bien longtemps qu’il n’y a pas eu de transformation vectrice de fierté. Donner un statut à la Corse, après ceux des îles situées hors du territoire européen, serait peut-être l’avancée qui nous manque.

Il ne s’agit ici que de valider la publication du rapport. Nous aurons tout le temps de nous battre ensuite.

Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). Je salue le travail rigoureux, mené dans un profond respect en mesurant les enjeux et les attendus de cette mission d’information.

Ce rapport est d’autant plus bienvenu qu’il apporte de la clarté là où il y avait, depuis des années, certaines ambiguïtés. Autonomie, pouvoir normatif, statut particulier : ces notions régulièrement invoquées dans le débat sur la Corse sont souvent restées floues, sujettes à interprétation, parfois même instrumentalisées ou caricaturées.

Le groupe Horizons & indépendants a toutefois besoin de précisions supplémentaires. J’associe à cette demande notre collègue Xavier Lacombe, député de Corse. D’abord, le rapport souhaite une avancée rapide des travaux. Auriez-vous des éléments relatifs au calendrier transmis par le gouvernement ? Ensuite, sur quoi la consultation des électeurs corses pourrait-elle porter : la seule reconnaissance constitutionnelle ou l’ensemble du projet, compétences incluses ?

Ce rapport constitue un travail précieux, qui trouvera toute sa place dans les discussions à venir. Notre groupe continuera d’y prendre sa part et votera pour la publication du rapport.

M. Paul Molac (LIOT). Le statut d’autonomie est réclamé par la société corse. En témoignent nos auditions du monde économique, des syndicats CGT et CFDT, des partis politiques et des élus, mais aussi le vote des citoyens.

Dans cette île qui cumule des difficultés géographiques, avec un littoral et des zones montagneuses, 38 % du PIB vient du tourisme. L’économie de la Corse est donc largement sous dépendance, avec un statut de centralisation. Contrairement à l’argument parfois avancé, ce statut n’a pas permis à l’île de résoudre ses problèmes, bien au contraire. Certains avancent aussi l’argument de l’égalité, mais il existe une différence entre l’égalité réelle et l’égalité de façade. Je veux l’égalité pour la Corse. Elle est demandée par les Corses.

Un dialogue a été organisé, qui a donné lieu à des propositions. D’aucuns trouveront qu’elles vont trop loin, d’autres pas assez. Mais, dès lors qu’un accord a été trouvé, il faut le valider.

L’autonomie n’est pas l’indépendance. Le statut d’autonomie est-il un objet politique non identifié ? C’est la règle en Europe occidentale. Tous les pays qui nous entourent sont soit des États fédéraux, soit des États qui fonctionnent avec des autonomies régionales. La Corse est donc une exception, dans la Méditerranée.

On nous dit que nous allons ouvrir la boîte de Pandore. L’Europe compte 124 nationalités, dont un certain nombre en France même si elles ne sont pas juridiquement reconnues. Or, à ma connaissance, seules deux demandes d’indépendance ont été formulées – par la Catalogne et par l’Écosse. Depuis, il semble que les choses se soient tassées. Donc dans cette boîte de Pandore, il n’y a visiblement rien ! En effet, les gens sont attachés tant à l’unité de leur pays qu’à l’unité européenne. Ainsi, ce qui est proposé dans le rapport est du bon sens, et permettra à la France de ne plus être une exception. En revanche, si nous bloquons la société corse, nous irons au-devant d’importants problèmes.

Concernant le changement de statut de la Nouvelle-Calédonie, nous avons pris un risque que j’aurais préféré que nous ne prenions pas. Il ne saurait y avoir une telle différence – pour ne pas dire un abîme – entre ce que veulent les Corses et ce que nous sommes capables d’entendre. Sinon, où est la démocratie ? Bien sûr, il faut des garde-fous. Ils sont prévus et nous pourrons les préciser dans la loi organique.

Notre groupe est favorable à la publication du rapport, que je conseille à tout le monde de lire : il ne comporte rien de révolutionnaire, il est de bon sens et ouvre la voie à des améliorations pour la Corse.

Mme Elsa Faucillon (GDR). Si la publication du rapport ne pose pas question, nous souhaitons que les débats sur l’avenir institutionnel de la Corse se poursuivent ensuite. Au sein du groupe GDR, la composante communiste et la composante ultramarine débattent aussi entre elles et continueront à le faire : cette transparence démocratique est importante.

Il existe aussi des points de convergence entre nous, comme la nécessité de ne pas ignorer la question sociale. En effet, la pauvreté, les inégalités croissantes, la spéculation de la violence, le chômage et les bas salaires touchent particulièrement les Corses. De grandes fortunes, parfois et même souvent mal acquises, s’étalent aussi avec insolence en Corse. Ce sont autant de questions dont nous souhaitons pouvoir débattre. Nous ne devons pas non plus ignorer celle de la criminalité organisée, qui entend continuer à investir les institutions.

Nous sommes également d’accord pour considérer qu’il est nécessaire d’associer l’ensemble de la population corse aux débats.

Par ailleurs, nous émettons des réserves concernant le statut d’autonomie – pas sur la spécificité de la Corse, qui est une réalité et que nous soutenons. À cet égard, je rappelle que les communistes de Corse ont contribué au développement de l’apprentissage de la langue corse dans les écoles publiques.

Enfin, nous tenons au principe de non-régression sociale, d’autant qu’il y a quelques années, un patronat corse avait souhaité instaurer un smic corse inférieur à celui du continent. Pour nous, c’est une ligne rouge.

Nous voterons pour la publication du rapport et nous sommes favorables à la poursuite du débat.

Mme Brigitte Barèges (UDR). À mon tour, je vous adresse un concert de louanges pour la qualité de ce rapport exhaustif et éclairant. Cela tient, je pense, au nombre d’auditions que vous avez conduites.

Néanmoins, ce rapport soulève des interrogations. Certes, la Corse présente des spécificités et il est juste d’adapter certaines politiques publiques à sa réalité insulaire, culturelle, linguistique et économique. Cela a été largement reconnu à travers les évolutions successives du statut depuis 1982. Mais nous observons un basculement. Derrière l’expression « statut d’autonomie au sein de la République », des transferts de compétences d’une ampleur inédite se profilent, avec une reconnaissance constitutionnelle différenciée et une consultation populaire. Cela ressemble moins à une adaptation qu’à une mise à distance du droit commun.

Dans un contexte de fortes tensions pesant sur l’unité nationale et de revendications identitaires dans d’autres territoires, nous devons être prudents et lucides. L’autonomie corse telle qu’envisagée ici interroge directement l’indivisibilité de la République, à laquelle nous sommes tous attachés dans cette enceinte et qui est inscrite à l’article 1er de notre Constitution.

Tout en reconnaissant la qualité du travail mené, notre groupe s’abstiendra, tant sur la publication que sur les recommandations du rapport, car nous ne voulons pas ouvrir une brèche que certains pourraient transformer en précédent.

M. le président Florent Boudié. Je regrette les abstentions sur la publication du rapport, qui dresse l’état des lieux de l’ensemble des points de vue. Tous se sont exprimés et les votes ont permis à chaque groupe d’affirmer la position de celui qui l’a représenté dans la mission d’information. C’est pousser loin la transparence. Il est d’ailleurs inédit, sous la Ve République, qu’une mission d’information fasse procéder au vote de ses membres sur ses conclusions, pour que la publication ne fasse pas débat.

Chaque position est exposée, visible, répertoriée. J’ai même accordé la possibilité à ceux qui avaient voté contre une disposition d’en expliquer la raison, car il ne s’agissait pas toujours d’un non définitif ou de principe.

Je ne peux donc, après vos nombreuses louanges, que vous encourager à voter la publication de ce rapport.

Mme Brigitte Barèges (UDR). Je retire notre position d’abstention concernant la publication du rapport.

M. le président Florent Boudié. Merci.

M. Stéphane Rambaud (RN). Est-il possible de changer de position de vote au sujet d’une des recommandations du rapport ?

M. le président Florent Boudié. C’est un peu gênant, d’autant que le vote s’est déroulé durant une dizaine de jours. Par ailleurs, la présentation des rapports des missions d’information ne fait habituellement pas l’objet de compte rendu, même si j’ai souhaité qu’il y en ait un aujourd’hui compte tenu de la sensibilité et de l’importance de la question de l’avenir institutionnel de l’île. Peut-être pouvez-vous préciser l’un de vos votes, si vous l’estimez nécessaire.

M. Stéphane Rambaud (RN). Je m’étais abstenu sur le point 5, car il était construit en deux parties : relatif au pouvoir normatif, il portait d’une part sur l’adaptation des normes, d’autre part sur celle des règlements. Finalement, c’était un vote contre et non une abstention.

M. le président Florent Boudié. Ce sera rectifié.

Nous en venons aux interventions des autres députés.

M. Michel Castellani (LIOT). Nous souhaitons que ce texte puisse poursuivre sa trajectoire législative, parce qu’il apporte une réponse à la situation particulière de la Corse – sur le plan géographique, mais aussi du fait de ses structures d’économie dominée, de sa spéculation galopante, de sa situation d’acculturation avancée, de ses difficultés sociales. Nous souhaitons améliorer cette situation. Nous ne sommes pas ici pour faire de la régression sociale. On a souvent opposé l’argument du confort moderne, mais si les réfrigérateurs étaient pleins, on ne serait pas en train de traiter de la question corse.

Aussi le texte constitutionnel et les lois organiques devront-ils prévoir de réelles compétences, de nature législative et réglementaire, aptes à améliorer les réalités économique, sociale et culturelle de l’île, dans l’esprit de la délibération adoptée par l’Assemblée de Corse.

Je ne m’exprimerai pas sur le mode de scrutin ou sur la métropolisation, vous connaissez ma position. En revanche, j’insiste sur le caractère profondément politique du sujet, qui naît du lien historique, continu et fusionnel du peuple corse avec sa terre. Nous avons une vie de militantisme, des générations entières qui ont fait tant de sacrifices pour que vive et survive ce peuple.

Je connais les réticences, les craintes et les oppositions que suscite toute idée de décentralisation. Nous sommes persuadés que la France ne serait en rien affaiblie par une reconnaissance plus concrète de sa diversité, qui fait sa richesse. Pour ce qui est de la Corse, par ce qu’elle est, par ce qu’elle représente et par ses particularités, la reconnaissance s’impose. La négation institutionnelle que nous avons connue jusqu’ici n’a apporté que des frustrations, de la violence et de la précarité sociale.

Alors que tant de sacrifices ont été consentis par tant de gens, depuis tant de temps, nous avons la volonté de voir reconnue la dimension éminemment politique de la question corse. Notre espoir est de voir, enfin, la Corse ouvrir un nouveau chapitre de sa longue histoire. Je vous demande, à tous, de vous imprégner de cet impératif, de la situation exacte de la Corse et de l’attente d’une majorité de Corses.

M. Paul-André Colombani (LIOT). Depuis plus de cinquante ans, la Corse cherche à faire reconnaître ce qu’elle est – cinquante ans de conflits politiques et armés, cinquante années marquées par trop de morts et de militants emprisonnés, et par un préfet assassiné. Les violentes émeutes qui ont suivi l’assassinat d’Yvan Colonna en prison nous ont douloureusement rappelé que seul le respect de l’aspiration démocratique des Corses permettra à tout le monde de sortir de ce conflit par le haut.

Le « processus de Beauvau » a permis de dégager un compromis politique inédit entre l’État et les élus de Corse. Le président Emmanuel Macron a tracé le chemin d’un statut d’autonomie dans la République. Ce chemin n’est pas une rupture. C’est la reconnaissance d’une réalité historique, culturelle, linguistique et géographique que nul ne peut contester. En tant que législateur, notre travail sera de réussir là où les statuts précédents ont échoué, et de créer un cadre juridique qui permette de répondre aux besoins quotidiens et aux aspirations des Corses.

Si la Corse veut décider de son développement, protéger sa langue, réguler le foncier et adapter son urbanisme, elle a besoin d’un véritable pouvoir normatif, pas d’une simple faculté d’expérimentation ou d’une adaptation à la marge qu’il n’a fait ses preuves nulle part. Cela, sans toucher aux compétences régaliennes, dont la société corse attend qu’elles soient pleinement exercées – entre autres pour éradiquer les phénomènes mafieux qui menacent la vie économique et sociale de l’île. Nous attendons que soit introduite dans la Constitution la possibilité d’un statut d’autonomie propre, avec des compétences définies par la loi organique.

Ce rapport reflète le point d’équilibre qu’a su trouver la mission d’information, dont je salue la qualité d’écoute. Nous avons l’occasion, à travers sa validation, de poser le premier jalon d’un avenir apaisé et démocratique pour la Corse.

Mme Gabrielle Cathala (LFI-NFP). N’ayant pas pu terminer mon intervention, je précise que notre groupe votera favorablement à la publication de ce rapport, qui n’est pas un aboutissement, mais s’inscrit lucidement comme une étape vers l’inscription d’un statut spécifique dans la Constitution. Ce serait un acte fort de reconnaissance.

Notre groupe parlementaire soutient et partage les douze propositions formulées par notre collègue et camarade Ugo Bernalicis.

M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Je souhaite apporter un élément de réflexion à ceux qui s’abstiendront en raison des principes républicains – que je comprends – d’unité et d’indivisibilité.

Je suis un défenseur acharné de la période révolutionnaire, dont procède l’Assemblée nationale, laquelle période a d’abord posé le principe de l’égalité en droits – pas seulement des citoyens, mais de l’humanité tout entière. Nous, Français, déclarons que « tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits » et que « les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune ». Ce point de vue républicain affirme que lorsqu’elle aboutit, notre égalité est celle des citoyens : une personne égale une voix. Ce qui nous fonde comme Français est notre égalité de citoyens dans la République. Que nous soyons corses, de La Réunion ou de n’importe où sur le territoire de la République, une personne égale une voix dans l’isoloir.

C’est ce principe qu’il faut être capable de conserver. Je partage aussi l’avis de ma collègue Faucillon, selon lequel on pourrait créer des droits sociaux différents, attachés à des logiques régionales. Le principe de la République une et indivisible est sauf quand la citoyenneté est une et indivisible. C’est précisément ce dont il est question. Le rapport ne pose pas de problème vis-à-vis de cette idée républicaine centrale.

Non seulement nous voterons pour sa publication, mais nous en partageons un certain nombre de réflexions institutionnelles.

M. Éric Martineau (Dem). Nous regrettons de ne pas être intervenus au nom du groupe, mais nous saluons ce travail transpartisan. Nous voterons pour la publication du rapport.

M. le président Florent Boudié. Gabrielle Cathala et François-Xavier Ceccoli soutiennent l’idée d’une clause de non-régression. J’ai essayé de la définir dans le corps du rapport, même si elle ne figure pas dans les conclusions soumises au vote des membres de la mission d’information. Il n’est pas simple de la définir et, si le débat a lieu au Parlement, l’équilibre devra être trouvé entre ce qui doit être une garantie et ce qui ne doit pas être un empêchement à agir, au moment où l’autonomie pourrait être accordée à la collectivité unique de Corse. C’est une réflexion et ce n’est pas, en soi, une préconisation.

Par ailleurs, Valérie Rossi et Agnès Firmin Le Bodo m’ont interrogé sur la temporalité de la consultation des électeurs corses. Je ne peux que prendre acte, avec les membres de la mission d’information, que cette consultation des électeurs inscrits sur les listes électorales de Corse serait prévue dans la Constitution, comme le propose le texte adopté par l’Assemblée de Corse. Elle ne pourrait donc pas intervenir avant la révision constitutionnelle.

Nous préconisons que cette consultation soit obligatoire, alors qu’elle serait facultative dans le projet d’écriture constitutionnelle. En outre, il nous semble indispensable qu’elle intervienne avant la loi organique. Il est difficile de dire sur quelle question précise elle porterait, mais ce pourrait être sur le statut qui résulterait de cette loi, en particulier le champ d’application du pouvoir normatif.

Concernant l’avancée des travaux, le Conseil d’État sera saisi dans les prochains jours. L’objectif, que je défends, est que le projet de loi constitutionnelle soit déposé devant le Parlement avant la fin de la session – ordinaire, c’est mon souhait, ou extraordinaire, ce qui serait un pis-aller mais me conviendrait aussi.

Enfin, la question des dérives mafieuses est importante. C’est la raison pour laquelle nous avons unanimement souhaité que les outils de lutte contre le crime organisé continuent à relever des missions régaliennes. À notre sens, cette question ne peut pas figurer dans les compétences de pouvoir normatif qui seraient exercées, le cas échéant, par la collectivité unique de Corse. Ces éléments majeurs, qui constituent le socle de la capacité d’action républicaine, doivent être maintenus dans le giron de l’État – donc dûment inscrits dans la Constitution, dans les termes identiques à ceux utilisés par l’article 73 pour les collectivités territoriales qui en relèvent.

Nous allons maintenant procéder au vote sur la publication du rapport de la mission d’information parlementaire sur l’avenir institutionnel de la Corse.

La commission émet un avis favorable à la publication du rapport de la mission d’information.

La réunion est suspendue de dix heures trente-cinq à dix heures cinquante.

*

*     *

Puis, la Commission examine la proposition de résolution tendant à modifier le Règlement de l’Assemblée nationale afin de simplifier l’organisation de certains scrutins et l’examen des lois organiques (n° 1286) (M. Roland Lescure, rapporteur).

M. le président Florent Boudié. La proposition de résolution que nous examinons aujourd’hui a été déposée par la présidente de l’Assemblée nationale le 17 avril dernier, à la suite d’un accord entre les présidents des groupes parlementaires. J’ai été associé à la réflexion en tant que président de la commission des Lois et j’ai également donné mon accord, à titre personnel.

La modification proposée, essentiellement technique, sera discutée en séance publique le 4 juin selon la procédure d’examen simplifié.

La commission des Lois est, par nature et par principe, chargée de l’examen des lois organiques, y compris lorsque leur champ d’application relève d’une autre commission permanente. Aussi m’a-t-il semblé qu’il n’était pas illégitime de considérer qu’il était plus justifié et pertinent, dans la plupart des cas, que les commissions permanentes concernées par le champ d’application des lois organiques puissent les examiner avant leur passage en séance.

M. Roland Lescure, rapporteur. Cette proposition de résolution visant à modifier le Règlement de l’Assemblée nationale a été déposée par la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, qui a présidé notre commission des Lois de 2017 à 2022.

Les présidents de groupes parlementaires se sont accordés pour adopter ce dispositif en l’état. Je salue ce travail. Si elle était adoptée, cette résolution rendrait le fonctionnement de notre assemblée plus efficace.

Les deux anciens présidents de la commission des Lois avec lesquels j’ai échangé, MM. Sacha Houlié et Jean-Jacques Urvoas, ont reconnu l’intérêt de cette disposition pour l’efficacité du travail parlementaire, même si l’un deux a regretté que la commission se départisse ainsi d’un monopole historique.

Même s’il ne s’agit pas d’une réforme d’ampleur de notre Règlement, nous continuons à faire évoluer nos règles lorsque c’est nécessaire, comme nous l’avons fait le 12 mars en adoptant à l’unanimité la proposition de résolution de la présidente de l’Assemblée et de notre collègue Sébastien Peytavie supprimant le vote par assis et levé.

La présente proposition vise à simplifier deux procédures prévues par notre Règlement : l’examen des lois organiques et l’organisation de certains scrutins publics.

Son article 1er supprime le renvoi systématique des projets et des propositions de lois organiques à la commission des Lois. Ce renvoi prévu à l’article 36 du Règlement s’avère parfois problématique, comme dans le cadre du pouvoir de nomination que le président de la République exerce, en application de l’article 13 de la Constitution, après avis des commissions permanentes compétentes de chaque assemblée. En effet, il est de nature à complexifier l’examen de ces textes qui ne sont souvent que la conséquence d’un texte ordinaire voté par une autre commission compétente sur le fond.

Sur les quatorze lois organiques modifiant la liste des fonctions et emplois visés par la loi organique du 23 juillet 2010, seules cinq portaient, à leur dépôt, sur des nominations relevant de la compétence de la commission des Lois – laquelle sera toujours amenée à se prononcer sur ces changements. Les neuf autres lui ont été renvoyées sur le seul fondement de sa compétence en matière de lois organiques.

Lorsque j’étais ministre de l’industrie et de l’énergie, j’ai suivi la fusion entre l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) : le projet de loi avait conduit la commission des Lois à se prononcer, alors qu’il aurait été plus pertinent de l’examiner en commission des affaires économiques, laquelle en avait été saisie au fond.

La situation est également problématique pour l’examen des lois organiques relatives aux finances publiques et au financement de la sécurité sociale, qui mène quasi-systématiquement à la création de commissions spéciales afin d’éviter que la commission des Lois se prononce seule.

Cette proposition de résolution permettra de simplifier ces procédures.

Ainsi, la modification de l’article 36 afin de supprimer la compétence systématique de la commission des Lois en matière de lois organiques conduira, en pratique, à renvoyer ces textes à la commission compétente en fonction de leur contenu, comme le fait le Sénat. Elle présentera aussi l’avantage de simplifier la constitution des commissions mixtes paritaires, jusqu’à présent un peu baroque avec des sénateurs membres de la commission au fond et des députés membres de la commission des Lois. Cette réforme n’aura donc pas d’impact significatif sur le volume d’activité de la commission des Lois et ne doit ainsi pas conduire à une réduction des moyens humains et matériels affectés à la commission.

Les articles 2 et 3 simplifient, quant à eux, l’organisation de certains scrutins publics en séance publique. Ils remplacent par un scrutin public électronique le vote par scrutin public actuellement effectué dans les salons, d’une part lors de la dernière lecture d’une loi organique, d’autre part lors d’un scrutin sur une déclaration du Gouvernement en application de l’article 50-1 de la Constitution. Sur ce dernier point, nous alignons les règles de notre assemblée sur celles du Sénat, qui procède à ce vote par scrutin public électronique.

Cette modification des articles 65 et 132 du Règlement réduira la durée de ces scrutins d’une trentaine de minutes à quelques secondes, grâce au recours aux boîtiers individuels de vote. Elle simplifiera drastiquement leur organisation, qui nécessitent actuellement l’édition et la distribution de bulletins de vote dans les salons, ainsi que la tenue des bureaux de vote par les secrétaires du bureau de l’Assemblée.

Continueront à être organisés à la tribune ou dans les salons les votes sur les nominations personnelles, qui sont secrets, ainsi que quelques scrutins publics – ceux visant à demander la réunion d’une session extraordinaire, en application de l’article 29 de la Constitution ; ceux effectués lorsque le Gouvernement engage sa responsabilité, en application de l’alinéa 1 de l’article 49 de la Constitution ; ceux sur le vote d’une motion de censure prévue aux alinéas 2 et 3 de l’article 49 de la Constitution ; ceux sur l’adoption d’une motion autorisant l’adoption par le Congrès d’un projet de loi autorisant l’adhésion d’un État à l’Union européenne.

Je remercie la présidente de l’Assemblée nationale et les présidents des groupes de s’être accordés sur cette proposition de résolution contribuant à simplifier nos règles et à moderniser notre institution.

M. le président Florent Boudié. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

Mme Marie-France Lorho (RN). Cette proposition de résolution s’inscrit dans une simplification de la procédure législative que le groupe du Rassemblement national juge salvatrice. Alors que le volume des normes a connu une escalade de 84 % en vingt ans, toute simplification législative est nécessaire.

Le 3 avril, lors des assises de la simplification au Sénat, le Premier ministre a appelé de ses vœux un retour à l’essentiel qui se devait d’être au cœur de la refondation de l’action publique. Pourtant, les statistiques communiquées par ses services contredisent cette aspiration. En un an, le nombre d’articles des textes en application – de la Constitution aux circulaires – a crû de 1,35 %. Il a grimpé de 20 % en dix ans et de 53 % en vingt ans. Aussi cette proposition de résolution est-elle en tout point opportune.

Son article 1er, qui entend supprimer la compétence de principe de la commission des Lois sur les textes organiques, semble pertinent dans la mesure où la redirection vers les commissions compétentes est équitable pour nos collègues, et judicieuse si les textes visés ne relèvent pas d’une commission spécialisée ou ne requièrent par les compétences des commissaires aux lois. Je partage votre constat quant à la complexité apportée par ce renvoi systématique, notamment quand l’examen effectué par deux commissions distinctes entraîne le dédoublement des rapporteurs et, éventuellement, deux commissions mixtes paritaires aux bureaux distincts.

Les articles 2 et 3, qui remplacent certains scrutins publics à la tribune ou dans les salons voisins de l’hémicycle par un scrutin public ordinaire électronique dans l’hémicycle, sont une manière légitime d’accélérer le processus législatif, quoiqu’ils fassent perdre de la solennité à l’adoption ou au rejet d’un texte. Eu égard au calendrier souvent chargé de notre assemblée, cette disposition nous semble de bon sens. Le Sénat, qui procède au scrutin public ordinaire par voie numérique à l’occasion des déclarations du Gouvernement, a déjà prouvé qu’une telle facilitation de la procédure législative était envisageable, voire souhaitable lorsqu’elle fait gagner à tous, membres de l’Assemblée comme personnel, une trentaine de minutes.

Cette proposition de résolution suscite l’adhésion dans les rangs du Rassemblement national et nous voterons en sa faveur.

De telles initiatives de simplification méritent de se multiplier, à condition qu’elles s’accompagnent d’une réflexion sur la rationalisation du travail législatif. L’inflation législative dévorante que nous connaissons, qui nous a conduits à voter 250 lois durant la XVe législature, ne devra en aucun cas être facilitée par une simplification du mode de scrutin.

M. Vincent Caure (EPR). Je salue le consensus réuni par la présidente de l’Assemblée nationale et l’accord des groupes concernant cette proposition de révision du Règlement. Cela n’a rien d’anodin dans ce contexte politique et cette composition de notre assemblée.

Si l’exercice de révision du Règlement est toujours délicat, il s’avère régulièrement utile et juste. Cette proposition de résolution a le plein soutien du groupe Ensemble pour la République. Elle apporte une simplification, sans réduction des droits et des garanties procédurales et sans affaiblissement de l’Assemblée nationale.

Concernant l’examen des lois organiques, cette proposition casse un monopole. Mais personne, dans cette commission, ne pourra dire que l’on manque d’activité – en matière tant de production normative que d’évaluation. Ce faisant, on se rapproche aussi de la pratique parlementaire générale de renvoi à la commission compétente au fond, que l’on retrouve historiquement au Sénat pour les lois organiques.

Il s’agit, par ailleurs, de ne plus pouvoir détourner notre propre Règlement, comme avec la création, pour les lois de finances ou de financement de la sécurité sociale, de commissions spéciales reproduisant des commissions au fond.

L’histoire de ces dernières années nous enseigne que la majorité des lois organiques continueront d’intéresser la commission des Lois et de lui être transmises pour un examen au fond. Deux garanties fondamentales ne changent pas, assurant la solennité qui doit assortir l’examen d’une loi organique en tant que prolongation de la Constitution : le délai incompressible de quinze jours entre le dépôt et l’examen, et le vote final dans l’hémicycle, qui ne nécessite pas une majorité simple, mais une majorité qualifiée des membres de l’Assemblée.

S’agissant des articles 2 et 3, relatifs à la modernisation des procédures de certains votes spécifiques, il sera difficile voire impossible de trouver, dans cette institution, des personnes s’y opposant de bonne foi. Au-delà de l’alignement sur la pratique sénatoriale, la pratique parlementaire de l’Assemblée nationale rattrape à la fois la technique, le bon sens et la logique. C’est une économie de temps, de moyens, d’impression de bulletins et j’en passe. Sans s’interroger sur la plus-value des débats en application de l’article 50-1 de la Constitution suivis d’un vote, on peut se réjouir de la modernisation de la procédure de vote.

Par ailleurs, pour ceux qui seraient nostalgiques, des votes solennels demeureront dans les salons, par exemple ceux prévus à l’article 29 de la Constitution pour les sessions extraordinaires ou pour les modalités d’engagement de la responsabilité d’un gouvernement prévues à l’article 49. Et quand le vote, en plus d’être personnel, devra être secret – pour les nominations et pour les désignations individuelles au bureau de l’Assemblée nationale –, il conservera la procédure actuelle.

Nous modernisons. Nous simplifions. Il y aura encore beaucoup à faire, dans le Règlement de l’Assemblée nationale. Nous avons commencé par petites touches, récemment pour le vote par assis et levé, et nous poursuivons cette tâche qui reçoit le plein assentiment et le plein soutien du groupe EPR.

M. Jean-François Coulomme (LFI-NFP). Bien que nous soyons favorables aux modifications proposées, des précisions et des éléments de contexte doivent être apportés concernant la volonté d’une réforme plus globale de la procédure législative par la présidence de l’Assemblée nationale.

D’abord, la suppression de l’automaticité de l’examen des lois organiques en commission des Lois est la bienvenue, même si l’engorgement des textes n’est pas particulièrement dû à ces dernières. Ce qui sature l’ordre du jour de notre commission est la vision uniquement répressive des problèmes, en ignorant les causes, sans y mettre les moyens financiers nécessaires et sans penser à la prévention, à l’accompagnement judiciaire des victimes ou à la réinsertion des auteurs d’infraction pénale. Cette inflation pénale nuit à la qualité du débat et au temps d’examen de nos textes.

Nous ne sommes pas favorables à l’objectif d’accélérer toujours plus les débats et d’augmenter toujours plus le nombre de textes examinés par an, au détriment de la qualité du débat et du droit d’amendement des parlementaires.

Ensuite, si nous sommes favorables à cette modification du Règlement, nous ne sommes pas naïfs quant aux motivations qui poussent Mme Braun-Pivet à réformer le fonctionnement de l’institution. Ainsi, elle a mis en avant d’autres idées de réforme du Règlement et de réorganisation des procédures de vote auxquelles nous nous opposons, comme la systématisation des votes solennels le mardi pour l’adoption des textes – ce qui risque de réduire le travail législatif aux votes du mardi et de dépolitiser nos travaux.

De manière générale, nous dénonçons toutes les propositions visant à bâillonner l’opposition, à limiter le droit des parlementaires et à rationaliser le Parlement, comme celle de Mme Braun-Pivet de faciliter le recours à la procédure d’examen simplifié ou de législation en commission avec une validation par une majorité qualifiée en conférence des présidents, ou celle de M. François Bayrou qui déplorait, dans une interview au Parisien le 6 avril, un « archaïsme de procédure », regrettant que le Parlement ne débatte que d’un texte à la fois, contrairement au Parlement européen qui examine plusieurs textes simultanément, dans des salles différentes, et regroupe tous les votes en une demi-journée. M. Bayrou pointait notamment le blocage généralisé lié aux amendements d’obstruction qui paralysent l’examen de certains textes en empêchant d’en inscrire de nouveaux – une « impuissance organisée » qui serait une « violence » !

Certains groupes, comme le groupe Démocrates qui a lancé un groupe de travail interne sur le Règlement, ont également émis l’idée d’interroger la pertinence des textes proposés en niche, « souvent dans l’expression de la ligne d’un groupe plus que dans la recherche de sujets de consensus ». On voit la limite de l’exercice, s’il consiste à dénier à un groupe politique la possibilité de déposer des propositions de lois. Le dépôt d’amendements et le pouvoir de décider de l’ordre du jour de la journée de niche parlementaire sont des droits parlementaires essentiels.

Nous voterons pour ce texte, dont les dispositions présentent un intérêt, quoique limité. En revanche, compte tenu des volontés de réforme évoquées par la présidence de l’Assemblée, nous vous alertons sur le risque de vider l’essence des droits parlementaires et le but premier du Parlement – qui est de parlementer – sans réglementer davantage la tenue du débat, aussi long soit-il, ce qui aurait des effets sur sa qualité et sur notre démocratie.

M. Paul Christophle (Soc). Cette proposition ne révolutionnera pas le fonctionnement de notre assemblée, mais permet quelques ajustements nécessaires.

La suppression du renvoi par principe des projets et propositions de lois organiques vers la commission des Lois, pour les concentrer vers la commission compétente en fonction de leur contenu, comme c’est déjà le cas au Sénat, ainsi que le recours au scrutin électronique pour certains scrutins publics sont des propositions de bon sens – il n’y aura, de notre côté, pas de nostalgie des votes dans les salons, cher collègue Caure. Ces propositions de modifications ont fait l’objet d’un accord unanime des présidents de groupe et nous les soutiendrons.

Toutefois, ces modifications ciblées ne doivent pas nous exonérer d’une réflexion globale sur le fonctionnement de notre assemblée, alors que les démocraties illibérales gagnent du terrain et que la confiance des électeurs dans la démocratie représentative s’érode. Parfois corsetée dans des procédures trop rigides qui l’empêchent de jouer pleinement son rôle, l’Assemblée nationale gagnerait à retrouver une forme de respiration en faisant émerger de nouvelles règles qui permettraient de dessiner les contours d’un parlement fort et de redonner de la vigueur à notre démocratie représentative. Gageons que nous pourrons mener cette réflexion dans les mois à venir, y compris de manière pointilliste.

Le groupe Socialistes et apparenté soutiendra cette proposition de résolution.

M. Jérémie Iordanoff (EcoS). Le texte que nous examinons poursuit un objectif largement partagé d’optimisation du fonctionnement de notre assemblée, en précisant certaines règles de répartition des textes entre commissions et en adaptant les procédures de vote qui, avec le temps, se sont révélées plus complexes et moins adaptées à la pratique.

Cette proposition de résolution s’inscrit dans une démarche de modernisation mesurée, peut-être trop mesurée, pour corriger quelques rigidités inutiles. La suppression du renvoi automatique en commission des Lois, en permettant une répartition fondée sur le fond, réintroduit de la cohérence dans la distribution des travaux. La proposition prévoit aussi que certains scrutins publics puissent être organisés par voie électronique dans l’hémicycle dans des cas précis, ce qui simplifiera concrètement leur tenue et réduira la charge logistique. Il s’agit d’une réponse simple à des contraintes matérielles et logistiques.

Ces évolutions techniques, limitées mais pertinentes, répondent à des besoins identifiés. C’est pourquoi le groupe Écologiste et social soutiendra ce texte.

Pour autant, ces ajustements ne doivent pas occulter des questions plus larges quant à notre organisation et à notre fonctionnement quotidien, marqué par des pratiques qui affaiblissent la qualité de nos travaux. Ainsi, l’usage de plus en plus courant des procédures accélérées réduit considérablement le temps du débat parlementaire, limitant du même coup la capacité des députés à mener un travail approfondi, à entendre les parties prenantes et à améliorer le fond des textes.

Par ailleurs, le fait que les réunions des commissions se tiennent souvent en même temps que la séance publique empêche les députés de participer à l’ensemble des travaux. Cela renvoie l’image de députés absents de l’hémicycle, alors que nous travaillons dans les commissions. Quant aux séances de nuit et aux changements de calendrier décidés au dernier moment, ils rendent notre travail peu lisible et difficile à suivre – pour nous, comme pour nos concitoyens.

Cette organisation confuse et instable traduit une forme de mépris du Parlement dans la Ve République. Il y aurait beaucoup à faire pour y remédier. Je ne vais pas esquisser toutes les pistes, mais je suggère, pour la prochaine réforme du Règlement de l’Assemblée nationale, d’allonger le délai de dépôt des amendements : trois jours ouvrables, c’est trop court pour travailler sérieusement. Un travail de qualité requiert du temps d’examen et de réflexion, y compris s’agissant des amendements.

Enfin, de nombreuses dispositions du Règlement ne sont pas appliquées ou sont mal appliquées. Un examen exhaustif serait nécessaire.

M. Éric Martineau (Dem). La proposition de résolution, déposée par la présidente de notre assemblée à la suite d’un accord unanime des présidents des groupes parlementaires et de la conférence des présidents, vise à simplifier l’organisation de certains scrutins et l’examen des lois organiques – un double objectif que nous soutenons, car il est important de faciliter le travail et de faire évoluer les règles de notre institution vers plus d’efficacité et de simplification.

L’article 1er, qui tend à supprimer le renvoi systématique des lois organiques à la commission des Lois pour les renvoyer à la commission compétente en fonction de leur contenu et non de leur type, comme cela se pratique au Sénat, n’induira pas de réduction des moyens humains ou matériels de la commission des Lois : une majorité des textes lui seront toujours renvoyés au titre de ses autres compétences. Cet article entend faciliter l’organisation du travail, alors que le monopole de la commission des Lois doit souvent être contourné par la création de commissions spéciales. Ce fut le cas pour la réforme de la loi organique relative aux lois de finances, pour laquelle une commission spéciale reproduisant le travail de la commission des finances a dû être créée. Il s’agit donc de simplifier l’examen des lois organiques dans un esprit de logique.

Les articles 2 et 3 visent à modifier la procédure de vote pour certains scrutins publics, pour réduire le nombre de votes à l’urne, à la tribune ou dans les salons voisins de l’hémicycle, lesquels rallongent la durée du scrutin en raison de l’édition et de la distribution des bulletins, et de la tenue des bureaux. À la place, ces scrutins publics pourront se tenir à l’aide de boîtiers électroniques, dans l’hémicycle, en quelques secondes seulement. Il est important de moderniser les pratiques, afin de gagner un temps précieux pendant les sessions parlementaires.

Cette proposition de résolution est nécessaire et utile. Toute mesure qui permettra de faciliter notre travail parlementaire est la bienvenue. Le groupe Les Démocrates votera donc en faveur de ce texte.

M. Jean Moulliere (HOR). Certaines révisions du Règlement de l’Assemblée nationale font consensus, car elles visent à renforcer l’efficacité de notre travail parlementaire. C’est le cas de cette proposition de résolution, comme en témoigne l’accord unanime des présidents de groupe pour son inscription à l’ordre du jour. Elle s’attelle à répondre à deux limites de l’organisation du travail de notre assemblée, identifiées de longue date.

D’une part, l’article 36 du Règlement prévoit la compétence exclusive de la commission des Lois pour l’examen des lois organiques. C’est problématique, notamment lorsqu’il s’agit de modifier la loi organique relative aux lois de finances ou la liste de certains emplois soumis à l’avis dss commissions parlementaires. La création de commissions spéciales est alors souvent nécessaire.

D’autre part, notre Règlement prévoit que le scrutin lors de la dernière lecture d’une loi organique par l’Assemblée nationale ou le scrutin sur une déclaration du Gouvernement sur le fondement de l’article 50-1 de la Constitution donne lieu à un vote à la tribune ou dans les salons voisins dans l’hémicycle. Il est toutefois admis que la procédure de vote dans les salons est trop longue et entraîne une forte mobilisation des services de l’Assemblée nationale – services dont je salue l’engagement quotidien pour la bonne conduite des travaux parlementaires.

Cette proposition de résolution vise donc à mettre fin au renvoi automatique des projets et propositions de lois organiques vers la commission des Lois, pour les orienter vers la commission compétente en fonction de leur contenu, rejoignant ainsi l’organisation du Sénat. Elle vise aussi à ce que les scrutins publics concernés aient lieu par procédé électronique dans l’hémicycle. Ce faisant, elle s’inscrit dans la continuité de ce que doit être notre travail de législateur : la simplification. Il reste d’ailleurs beaucoup à faire en la matière.

Le groupe Horizons & indépendants votera en faveur de cette proposition de résolution.

M. Paul Molac (LIOT). Cette proposition de résolution tend à mettre fin au monopole de notre commission des Lois sur les textes organiques. Ce monopole était déjà contourné par la création de commissions spéciales. En outre, dans un certain nombre de cas, la commission saisie pour fond est aussi compétente que nous. Cette évolution, voulue par tous, est donc la bienvenue.

Concernant le vote, les scrutins dans les salons sont très longs. Nous gagnerons du temps à employer les boîtiers que nous avons dans l’hémicycle. Qui plus est, ce vote sera public, ce qui n’est pas toujours le cas des votes dans les salons. Ceux qui le souhaitent pourront donc contrôler plus facilement encore les parlementaires.

Maintenir des modalités spécifiques pour le vote en lecture définitive d’une loi organique ou pour le vote sur une déclaration du Gouvernement n’engageant pas sa responsabilité ne nous semble pas nécessaire.

Aussi sommes-nous favorables à cette modification.

M. Davy Rimane (GDR). Cette proposition de résolution bénéficie d’un large consensus. Elle constitue une évolution pragmatique du Règlement de l’Assemblée nationale, à laquelle nous souscrivons.

La suppression des renvois automatiques des propositions et projets de lois organiques à la commission des Lois allègera la charge de travail de cette dernière et permettra une meilleure répartition des travaux.

De la même façon, la simplification des modalités de vote lors de la dernière lecture d’une loi organique ou d’un scrutin sur une déclaration du Gouvernement par le recours au vote électronique va dans le bon sens : ce vote est plus rapide et moins lourd à organiser.

Cependant, cette réforme ne doit pas occulter le problème structurel du manque de temps parlementaire, principalement dû à une inflation législative persistante. En ce sens, cette réforme technique ne répond pas à l’ampleur du défi posé. Elle devrait s’accompagner d’une réflexion plus large sur le rythme et sur la qualité de la production normative, ainsi que sur la revalorisation du Parlement. Il ne s’agit pas de gagner du temps à tout prix, mais de préserver un débat serein et de qualité, pour garantir la sincérité de nos débats.

L’inflation législative, la complexité croissante du droit, la multiplication des textes rédigés dans l’urgence, la réduction du temps de débat et la limitation des droits de l’opposition par le recours à des procédures dites de parlementarisme rationalisé nuisent à la qualité de la loi et à la confiance des citoyens.

Nos conditions de travail ne nous permettent pas de remplir la noble et exigeante tâche qui nous incombe. Il est indispensable d’améliorer les pratiques et de réformer le fonctionnement de l’Assemblée, non pour aller toujours plus vite dans l’examen des textes, mais pour mieux débattre, enrichir les textes de loi, éviter l’instabilité de la règle de droit et garantir la qualité rédactionnelle des lois.

Depuis 1958, toutes les réformes du Règlement visant à dégager du temps ont, paradoxalement, eu l’effet inverse. Le nombre de séances n’a cessé d’augmenter. Et pour cause, les projets de loi et les propositions de lois d’inspiration gouvernementale sont en inflation constante. Au lieu de libérer du temps, nous subissons un agenda gouvernemental surchargé, marqué par l’inscription à l’ordre du jour de textes dont les débats sont souvent fragmentés, voire jamais menés à leur terme. Notre responsabilité est de faire vivre la confrontation des idées, l’expression des divergences et la recherche du compromis.

Le débat parlementaire est un pilier de la démocratie. Il permet d’exprimer les aspirations citoyennes et de renforcer notre légitimité. En prenant le temps du débat, nous permettons aux citoyens de s’impliquer et de se réapproprier les enjeux politiques. La confiance des citoyens dans les institutions ne saurait être retrouvée si nous ne nous donnons pas le temps nécessaire pour faire vivre la démocratie.

Nous appelons de nos vœux une véritable revalorisation du Parlement, à l’opposé d’une logique de rationalisation excessive de la vie parlementaire et d’une conception managériale des institutions démocratiques, qui condamne les représentants de la nation à l’impuissance. Le temps du débat, de la réflexion et de la décision est un impératif pour que la démocratie demeure vivante et accessible à tous.

Mme Brigitte Barèges (UDR). Cette proposition de résolution marque une avancée bienvenue pour le bon fonctionnement de notre assemblée. Elle vise deux objectifs simples, mais essentiels : fluidifier l’examen des lois organiques et rationaliser l’organisation de certains scrutins parlementaires.

En premier lieu, mettre fin au renvoi systématique des textes organiques à la commission des Lois pour permettre leur examen par la commission compétente selon le fond du texte est une mesure de bon sens. Elle aligne notre fonctionnement sur celui du Sénat et permet de mieux mobiliser l’expertise des commissions permanentes. Ce n’est pas une remise en cause du rôle central de notre commission, mais un ajustement pour plus d’efficacité.

En second lieu, le passage au scrutin public électronique dans l’hémicycle pour la dernière lecture d’une loi organique et les déclarations du Gouvernement simplifie les procédures, évite les lourdeurs liées aux votes dans les salons voisins ou à la tribune, et renforce la lisibilité de nos travaux auprès des citoyens.

Ce texte, soutenu par l’unanimité des présidents des groupes, illustre notre capacité à améliorer ensemble les règles de notre travail parlementaire. Toutefois, compte tenu de ce qui s’est passé hier dans l’hémicycle à minuit, nous espérons pouvoir améliorer aussi le fonctionnement des séances et des prises de parole, pour éviter l’obstruction systématique par des rappels au Règlement réguliers et par des demandes de suspension de séance qui ne font que ralentir volontairement – nous ne sommes pas dupes – le jeu du débat.

Tout le monde est d’accord pour avoir des débats sereins, une qualité normative et des réflexions sur le rythme d’examen des textes, c’est-à-dire un travail de législateur, au lieu de s’invectiver, comme c’est souvent le cas, faute de temps pour exprimer au mieux nos positions. Il faut un Règlement plus ferme dans la tenue de la séance. Le président doit d’abord veiller à être impartial, ensuite faire en sorte qu’on ne retarde pas l’examen d’un texte quand on sait qu’il ne vous est peut-être pas favorable.

M. Roland Lescure, rapporteur. Je remercie l’ensemble des groupes pour leur soutien unanime à la proposition de résolution. Vous avez toutes et tous raison de souligner que celle-ci ne révolutionnera pas le travail parlementaire. Depuis quinze ans, douze scrutins portant sur une loi organique ont été organisés dans les salons de l’Assemblée et quinze sur une déclaration du Gouvernement : vingt-sept scrutins représentent une quinzaine d’heures gagnées pour le débat parlementaire en quinze ans, soit une heure par an – ce n’est pas cela qui va énormément accroître l’efficacité de notre travail.

Néanmoins, tout est bon à prendre. L’engorgement de l’Assemblée et particulièrement de la commission des Lois est réel. Cette situation découle des priorités gouvernementales et de la multiplication du nombre de groupes – onze actuellement –, donc de niches parlementaires. Depuis octobre dernier, la commission des Lois a examiné seize niches. D’autres sont annoncées dans notre commission et le total atteindra peut-être vingt pour la session ordinaire en cours.

Je souscris aux remarques plus générales sur les modifications du Règlement souhaitées par les uns et les autres. J’ai présidé une commission, j’ai été ministre et je suis désormais vice-président de l’Assemblée : cette expérience m’a permis de constater au jour le jour toutes les améliorations qui pourraient être apportées. J’ai participé aux derniers changements, opérés entre 2017 et 2022, lesquels ont constitué des progrès significatifs en matière de saisines pour avis, d’horaires des séances – celle du soir s’achevant désormais à minuit et non plus à une heure –, de délai entre la saisine de la commission et la séance publique, de procédure législative en commission. Monsieur Coulomme, les droits de l’opposition ont été renforcés par l’affectation mécanique de la première vice-présidence à l’un de ses membres et par la possibilité pour les groupes d’opposition qui demandent une commission d’enquête d’obtenir le poste de rapporteur. Les motions de rejet ont été exclues pour les niches parlementaires. Les débats sur ces évolutions ont été extrêmement longs, donc relancer la discussion sur une modification plus ample du Règlement reviendrait à ouvrir la boîte de Pandore.

Le Règlement de l’Assemblée doit ménager un équilibre subtil entre l’exigence d’efficacité collective et les droits individuels, en premier lieu ceux de l’opposition. Cet équilibre n’est pas facile à trouver. J’espère que nous continuerons à améliorer notre Règlement à la marge, suivant ainsi la démarche pointilliste vantée par notre collègue Paul Christophle. J’appelle de mes vœux une refonte en profondeur mais celle-ci me semble délicate à mener.

Je le redis, l’augmentation du nombre de groupes parlementaires contribue mécaniquement à l’engorgement des travaux. Elle rend également plus difficile la présidence des séances publiques.

Article 1er : (art. 36 du Règlement de l’Assemblée nationale) Suppression du renvoi par principe des projets et propositions de loi organique à la commission des Lois

La commission adopte l’article 1er non modifié.

Article 2 : (art. 65 du Règlement de l’Assemblée nationale) Simplification de la procédure de vote lors de la dernière lecture d’une loi organique ou d’un scrutin sur une déclaration du Gouvernement en application de l’article 50-1 de la Constitution

La commission adopte l’article 2 non modifié.

Article 3 : (art. 132 du Règlement de l’Assemblée nationale) Coordination résultant du vote par scrutin public ordinaire sur une déclaration du Gouvernement en application de l’article 50-1 de la Constitution

La commission adopte l’article 3 non modifié.

Elle adopte la proposition de résolution non modifiée.

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*     *

Puis, la Commission examine la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative au droit de vote par correspondance des personnes détenues (n° 1163) (M. Jean Moulliere, rapporteur).

M. Jean Moulliere, rapporteur. Je commencerai nos échanges par quelques brefs rappels concernant le droit applicable et ses évolutions récentes.

Les personnes détenues, dès lors qu’elles remplissent les conditions légales applicables à tous les citoyens, conservent leur droit de vote, sauf si une décision de justice les a spécifiquement privées de leurs droits civiques. Le droit de vote leur permet de participer à la vie démocratique de notre pays et c’est là un élément important qui fait partie de leur dynamique de réinsertion. Je préfère être clair : cette proposition de loi ne nie en rien l’importance de ce droit et de son exercice.

Jusqu’en 2019, les personnes détenues ne pouvaient exercer ce droit que de deux manières : soit par procuration, soit par une permission de sortir. De nombreux obstacles entravaient toutefois leur participation électorale : la procédure d’établissement d’une procuration était complexe et le choix d’un mandataire était limité. Les permissions de sortir sont quant à elles structurellement limitées. D’une part, les personnes placées en détention provisoire et certains condamnés, en fonction de la durée de leur peine, ne peuvent en bénéficier. D’autre part, ces permissions sont nécessairement accordées avec parcimonie par le juge, notamment pour éviter les risques d’évasion. Ces restrictions expliquent le faible taux de participation électorale des personnes détenues enregistré avant 2019, lequel peinait à atteindre les 2 % à chaque scrutin.

Pour remédier à cette situation et accroître le taux de participation électorale, la loi du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique a facilité l’établissement des procurations et a introduit une sorte de vote par correspondance pour les personnes détenues.

Cette dénomination de vote par correspondance est en réalité impropre. Il ne s’agit pas d’un vote traditionnel par voie postale comme cela a pu exister en France jusqu’en 1975, date à laquelle il a été interdit en raison des fraudes que le système permettait. Aujourd’hui, ce type de vote existe uniquement pour l’élection des députés représentant les Français de l’étranger et, comme me l’a indiqué le bureau des élections du ministère de l’intérieur, ce système continue de poser des difficultés, puisque 26 % des votes ont dû être annulés pour non‑respect de la procédure lors des élections législatives de 2017.

La modalité de vote créée en 2019 pour les personnes détenues consiste à reproduire en détention des bureaux de vote dans lesquels le personnel pénitentiaire organise, au cours de la semaine précédant le dimanche du scrutin, des opérations électorales classiques. Le détenu est extrait de sa cellule, le matériel de vote est mis à sa disposition sur une table, puis il passe dans un isoloir et dépose enfin son bulletin dans une urne. Celle-ci est scellée et conservée par le directeur de l’établissement, qui se chargera de la remettre, le jour du scrutin, au bureau de vote dérogatoire instauré au sein de la commune chef-lieu au sein duquel ces bulletins seront comptabilisés.

C’est sur ce point du bureau de vote de rattachement que le sujet se complique. En application de la loi de 2019, les personnes détenues doivent être inscrites dans la commune chef-lieu du département dans laquelle est implanté l’établissement pénitentiaire. Elles sont rattachées au bureau de vote qui comporte le plus d’électeurs inscrits sur les listes électorales.

Ce système d’inscription est imparfait pour deux raisons principales.

La première est théorique. Sur le plan des principes, il me semble tout à fait gênant que les personnes détenues se retrouvent à voter dans une commune avec laquelle ils n’ont aucun lien et qu’ils ne connaissent souvent même pas. Comment justifier qu’ils puissent alors se prononcer sur les enjeux locaux touchant aux écoles, aux maisons de retraite ou à la voirie ? D’ailleurs, dans son avis sur le texte devenu la loi du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique, le Conseil d’État avait considéré que cette disposition législative conduisait « à rompre tout lien personnel entre l’électeur et la commune d’inscription, ce qui méconnaît la tradition de notre droit électoral. »

La deuxième raison est d’ordre plus concret et numérique. La logique de rattachement retenue avait pour but de placer les bulletins des détenus dans des bureaux de vote où ils n’auraient pas d’impact quantitatif significatif sur le corps électoral. Or, cette disposition a été mal évaluée : le vote des détenus est, en réalité, susceptible d’altérer les équilibres démocratiques, portant ainsi atteinte au principe de sincérité du scrutin. Dans plusieurs chefs‑lieux de département, les personnes détenues représentent plus de 2 % des électeurs inscrits et parfois jusqu’à 5 % du corps électoral. Ces proportions, couplées à l’abstention, pourraient influencer voire faire basculer le résultat d’élections locales. C’est notamment le cas pour les scrutins municipaux, dont l’issue se joue parfois à quelques centaines voire à quelques dizaines de voix.

Il n’est démocratiquement pas acceptable que le résultat d’une élection locale puisse être déterminé par le vote de personnes qui n’ont pas de lien avec le territoire concerné. Il est donc nécessaire de corriger cette anomalie démocratique.

Pour ce faire, cette proposition de loi déposée par la sénatrice Laure Darcos procède à deux évolutions : elle élargit les possibilités d’inscription sur les listes électorales en permettant aux personnes détenues de s’inscrire sur les listes de la commune de résidence d’un descendant et elle modifie les modalités du vote par correspondance des personnes détenues.

Dans sa rédaction initiale, la proposition de loi transférait le vote par correspondance au sein des communes dans lesquelles les personnes détenues résidaient avant leur incarcération ou dans celle de résidence d’un ascendant ou d’un descendant. Cette conception était satisfaisante en théorie, mais tout à fait irréalisable en pratique. La commission des lois du Sénat a donc modifié la rédaction pour proposer un nouvel équilibre : elle a restreint le vote par correspondance aux seuls scrutins à portée nationale, excluant ainsi les scrutins locaux pour lesquels se posent de si nombreuses de difficultés.

Cette solution, retenue par nos collègues sénateurs, me semble équilibrée, car elle concilie le respect des droits civiques des détenus avec l’exigence d’équité démocratique. Elle garantit ainsi aux détenus l’accès au vote, tout en préservant la cohérence et la sincérité des scrutins locaux.

M. le président Florent Boudié. Nous en venons aux orateurs des groupes.

M. Philippe Schreck (RN). Le vote des personnes détenues s’effectuait historiquement dans le cadre de permissions de sortir ou par le biais de procurations. Afin de remédier à la faiblesse du taux de participation, la loi du 27 décembre 2019 a introduit la possibilité, pour cette population, de voter par correspondance. Depuis 2019, les personnes détenues ont plus de droits que les autres citoyens, puisque ces derniers, hormis les Français habitant à l’étranger dans certains cas, ne peuvent pas voter par correspondance. Elles ont ainsi plus de droits que les personnes hospitalisées ou que nos anciens placés dans un Ehpad (Établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes). Elles ont également plus de droit à voter que leurs victimes.

Élément positif, le dispositif de vote par correspondance a entraîné une hausse significative de la participation. S’il a parfois créé des effets de bord dans les chefs-lieux de département où sont comptabilisés les bulletins provenant des établissements pénitentiaires, ceux-ci me semblent limités : leur influence sur le résultat des scrutins n’est que potentielle. Le vote par correspondance contrevient toutefois au principe, inscrit dans notre droit électoral, du lien personnel entre l’électeur et la commune d’inscription.

La proposition de loi limite l’exercice du droit de vote par correspondance aux seules élections présidentielles, européennes et référendaires. Le texte élargit les possibilités pour les détenus de s’inscrire sur les listes électorales, ce qui contribuera à faciliter l’accès au vote par procuration.

Ainsi, le dispositif de la proposition de loi nous semble pertinent et notre groupe votera en faveur de son adoption.

M. Guillaume Gouffier Valente (EPR). À l’approche des élections municipales de 2026, nous examinons une proposition de loi portant sur le droit de vote par correspondance des personnes détenues. Depuis la réforme du code pénal de 1994, celles-ci peuvent continuer à voter, à condition qu’elles n’aient pas été déchues de leurs droits civiques. Près de 57 000 détenus possèdent le droit de vote dans notre pays. Ce droit fondamental s’inscrit dans une logique de réinsertion sociale des prisonniers. Comme le rappelait Guy Canivet, premier président de la Cour de cassation dans les années 2000, on ne peut réinsérer une personne privée de liberté qu’en la traitant comme un citoyen.

Le cadre juridique du vote des personnes détenues est défini à l’article L. 12-1 du code électoral. Un détenu est inscrit sur la liste électorale de la commune de son domicile. Par dérogation, il peut être inscrit sur la liste électorale de sa commune de naissance, celle de son conjoint, celle d’un parent au quatrième degré, celle d’un ascendant : la proposition de loi élargit ce périmètre à la commune d’un descendant. Un détenu peut voter par procuration ou grâce à une permission de sortir.

Compte tenu de la persistance d’un faible taux de participation des personnes détenues, lequel avoisinait 2 %, la loi du 27 décembre 2019 leur a ouvert la possibilité de voter par correspondance. Cette nouvelle faculté a entraîné une hausse importante du taux de participation électorale : celui-ci a atteint près de 20 %, ce qui est heureux. Aux dernières élections législatives, plus de 90 % des détenus ayant voté l’ont fait par correspondance.

Cette expérimentation a toutefois révélé des effets de bord risquant de déséquilibrer le résultat de scrutins locaux. En effet, en choisissant d’inscrire les détenus dans la commune chef-lieu du département ou de la collectivité d’implantation de l’établissement pénitentiaire, c’est-à-dire dans des endroits avec lesquels les détenus peuvent n’avoir aucun lien, le législateur a introduit une distorsion dommageable et assez inacceptable. Nous avons créé un système plus qu’imparfait. En effet, cette modalité de vote ne permet pas d’établir un lien de proximité entre l’électeur et la commune d’inscription. En outre, elle peut avoir un impact quantitatif sur le corps électoral. Les communes de Tulle ou d’Évry-Courcouronnes sont souvent prises en exemple, car les détenus pourraient y représenter près de 5 % du corps électoral. Dans mon département du Val-de-Marne, les personnes détenues à la maison d’arrêt de Fresnes votent pour l’élection municipale de Créteil, ce qui est assez surprenant. Cette surreprésentation des personnes détenues dans le scrutin semble inacceptable car elle pourrait faire basculer une élection municipale serrée.

Pour pallier cette distorsion, la proposition de loi sénatoriale propose de réserver la possibilité de voter par correspondance aux élections nationales, européennes et aux référendums, ces scrutins se faisant dans une circonscription unique. Elle préserve bien entendu le vote par procuration. Les personnes condamnées ne pourront plus voter par correspondance aux élections organisées dans des circonscriptions locales.

Si cette solution corrige le tir pour garantir la sincérité du scrutin, elle n’est pas totalement satisfaisante et nous devons réfléchir à d’autres modalités de vote pour permettre aux personnes détenues d’exercer légitimement leur droit. La centralisation des votes par correspondance au sein des bureaux des chefs-lieux de département a été justifiée par des raisons logistiques. Il était plus simple de tout centraliser, notamment l’envoi de la propagande et la collecte des votes. Si nous souhaitons favoriser la réinsertion des personnes détenues, cet argument logistique continue malheureusement de s’entendre : c’est ce qui ressort de l’ensemble des échanges et des auditions que nous avons eus. Aussi ne voterons-nous pas en l’état les amendements qui abordent le sujet de la décentralisation du vote par correspondance des détenus. Nous estimons en effet que la question doit être étudiée à nouveau dans les années qui viennent car nous ne sommes pas prêts.

Le groupe Ensemble pour la République votera en faveur de ce texte, afin qu’il puisse s’appliquer lors des prochaines élections municipales. Cela ne nous exonère toutefois pas de continuer à réfléchir à d’autres propositions destinées à améliorer l’exercice du droit de vote des personnes détenues. Dans un contexte de surpopulation carcérale, il s’agit d’un impératif démocratique.

M. Christophe Bex (LFI-NFP). Hier, l’Assemblée nationale a créé un nouveau droit pour nos concitoyens et nos concitoyennes, mais aujourd’hui, nous examinons une proposition de loi qui vise à enlever un droit à certains d’entre eux. Nous basculons en vingt‑quatre heures du positif au négatif.

Le texte adopté par le Sénat entérine un recul inquiétant et injustifié des droits civiques des personnes détenues. La rédaction initiale avait pour objet de restreindre les modalités d’inscription sur les listes électorales[AG1], mais des amendements ont supprimé purement et simplement la possibilité pour les personnes détenues de voter par correspondance aux élections locales et législatives : ils reviennent à exclure une partie de la population de notre démocratie et de notre République.

Les seules solutions alternatives restantes sont la procuration ou la permission de sortir, qui sont, de l’aveu même du rapporteur du texte au Sénat, complexes, incertaines et largement dissuasives. L’Observatoire international des prisons (OIP) l’a rappelé et les faits sont là. L’instauration du vote par correspondance, généralisé depuis 2021, a considérablement changé la donne : la participation a été multipliée par dix lors de l’élection présidentielle de 2022 par rapport à celle de 2017 et elle a atteint un peu plus de 20 %. Ainsi, 93 % des détenus ayant voté ont eu recours au vote par correspondance. Supprimer ce droit reviendrait à briser la dynamique et à renvoyer des milliers de citoyens dans l’invisibilité politique.

Certes, le dispositif reste imparfait, mais plutôt que de corriger ses défauts, la proposition de loi choisit la fuite en arrière. Pourquoi ? Pour des raisons électoralistes à l’approche des municipales. Or, le droit de vote n’est pas une variable d’ajustement selon les préférences politiques ou les échéances électorales. Ce texte régressif s’appuie sur de mauvais arguments. Les personnes détenues sont concernées par les politiques locales et elles participent à la vie du territoire, à travers l’emploi, la santé, les réseaux d’eau et d’électricité, les transports ou la justice. Elles ne doivent donc pas être exclues des élections locales.

L’instauration du vote par correspondance des personnes détenues était d’ailleurs une promesse du président de la République, faite en 2018. La majorité qui soutenait son action a fait adopter la loi de 2019 et elle ne doit pas revenir sur cette avancée aujourd’hui. Nous pensons au contraire que l’exercice des droits civiques favorise pleinement la réinsertion et la dignité des personnes. Il s’agit de respecter un droit fondamental : la citoyenneté ne doit pas s’arrêter aux portes des cellules.

Parce que cette proposition de loi affaiblit notre démocratie et prive de citoyenneté une partie de la population, le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire appelle fermement à rejeter ce texte.

Mme Marie-José Allemand (SOC). Depuis la réforme du code pénal de 1994, toute personne détenue peut exercer son droit de vote, à la double condition d’être inscrite sur une liste électorale et de ne pas avoir été privée de ses droits civiques. Il s’agit d’un droit important, qui permet aux détenus de conserver leur citoyenneté et qui constitue un facteur d’insertion dans le parcours d’exécution de la peine. Jusqu’en 2019, les personnes détenues pouvaient voter soit par procuration, soit en se rendant au bureau de vote en cas de permission de sortir. À ces deux modalités de vote s’en est ajoutée une troisième, le vote par correspondance, instituée en 2021 après une expérimentation aux élections européennes de 2019.

Le vote par correspondance a considérablement augmenté la participation électorale dans les prisons. Aux élections européennes et législatives de 2024, le taux de participation des détenus était respectivement de 22 % et de 19 %. Cette hausse de la participation est largement attribuable au vote par correspondance, modalité adoptée par plus de 90 % des détenus participant au scrutin.

Le principe retenu par le gouvernement d’une comptabilisation du vote par correspondance dans la commune chef-lieu du département ou d’implantation de la prison pose toutefois quelques difficultés. Dans son avis consultatif rendu en 2019, le Conseil d’État a estimé que ce principe pouvait conduire à rompre tout lien personnel entre l’électeur et la commune d’inscription, méconnaissant ainsi la tradition de notre droit électoral. Le Conseil a également observé que, dans quelques départements, le nombre théorique de détenus inscrits pouvait avoir un impact non négligeable sur le corps électoral de certaines communes, donc affecter le résultat du scrutin.

La présente proposition de loi vise à répondre à cette difficulté. Sa version initiale prévoyait que les votes par correspondance soient désormais comptabilisés dans la commune de résidence du détenu avant son incarcération ou dans celle d’un membre de sa famille, en lieu et place de la commune chef-lieu du département ou d’implantation de la prison. Cette solution présentait l’avantage de conserver le vote par correspondance tout en résolvant le problème qu’il pose.

Le texte a toutefois été largement amendé par le Sénat, dans un sens qui l’a fait dévier de son objectif initial. Ainsi, la rédaction qui nous est soumise maintient le vote par correspondance pour les élections présidentielles et européennes ainsi que pour les référendums, mais le supprime pour les élections locales et législatives. Seul subsisterait dans ce cas le vote par procuration ou dans un bureau de vote en cas de permission de sortir.

Si nous pouvions partager l’objectif initial de la proposition de loi, nous sommes opposés à la nouvelle rédaction, qui porte une atteinte disproportionnée à l’exercice du droit de vote des détenus. Son adoption constituerait un recul, dans la mesure où le vote par correspondance est plébiscité à une très large majorité. Nous proposerons donc de rétablir la proposition de loi dans sa rédaction initiale, afin de préserver le vote par correspondance tout en répondant à la difficulté née du mode de comptabilisation des bulletins.

M. Philippe Gosselin (DR). Ce sujet de citoyenneté est important. Les détenus, à condition de ne pas être privés de leurs droits civiques, doivent pouvoir exercer pleinement leur citoyenneté. Le droit de vote est un droit fondamental et nécessaire dont doivent bénéficier l’ensemble des citoyens.

La proposition de loi vise à revenir sur une partie du droit de vote par correspondance tel qu’il a été instauré il y a quelques années. L’idée était de favoriser la participation des détenus à la vie nationale et locale ainsi que l’engagement citoyen, mais les maires ont relevé certaines difficultés. Les chefs d’établissements pénitentiaires ont également alerté à plusieurs reprises sur les problèmes que créait le vote par correspondance. Les maires regrettaient que celui-ci puisse avoir un impact élevé sur le corps électoral.

Dans un souci de simplification, le texte a pour objet de restreindre le vote par correspondance aux élections dont le pays entier est la circonscription – élections présidentielles et européennes. S’agissant des alternatives, je reconnais que l’établissement d’une procuration est une procédure complexe pour un détenu, le statut de ce dernier déterminant l’obtention ou le refus d’une permission de sortir pour aller voter. Pour ces raisons, la proposition de loi paraîtra bancale aux yeux de certains, surtout par rapport à sa rédaction initiale.

Notre groupe le soutiendra toutefois, dans la mesure où son adoption résoudra certaines difficultés pratiques. En réservant le vote par correspondance aux scrutins tenus dans une seule circonscription et en conservant la procuration ou le vote dans un bureau en cas de permission pour les autres élections, le texte parvient à un équilibre et constitue une avancée.

Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). Notre débat touche au cœur même de notre pacte républicain, à savoir le suffrage universel. En faisant le choix, lors de la réforme du code pénal de 1994, de permettre aux personnes détenues de disposer, sauf décision judiciaire expresse, de leurs droits civiques, le législateur a manifesté sa volonté de reconnaître la dignité de chaque individu, y compris lorsqu’il est privé de sa liberté.

C’est à une réforme structurelle de l’administration pénitentiaire au service d’une véritable politique de réinsertion civique que nous devrions nous atteler. Hélas, au lieu de faire entrer la République dans les prisons, la proposition de loi vise à l’en exclure en supprimant la possibilité pour les détenus de voter par correspondance aux élections législatives et locales, et ce, non pas pour des raisons juridiques ou logistiques irréfutables, mais sous un paresseux prétexte organisationnel. Surtout, le texte, présenté à la veille d’élections municipales, obéit à des mobiles purement politiciens liés à des calculs électoraux à courte vue. Ce n’est pas acceptable !

Depuis qu’il a été instauré, le vote par correspondance a permis de décupler le taux de participation électorale des détenus. Quelque 93 % des votants en prison ont exercé leur droit de vote via cette modalité du vote par correspondance. C’est la preuve que, loin de fausser la démocratie, l’adaptation des modalités de vote à leur situation la renforce.

Le fait est que les deux autres modalités sont très inadaptées. Le vote par procuration suppose que le détenu désigne un mandataire à l’extérieur, ce qui n’est pas aisé ; s’il y parvient, la procédure est si lourde qu’elle en devient dissuasive. Quant à la possibilité de se rendre aux urnes à la faveur d’une permission de sortir, elle est réservée à des profils très spécifiques et exclut d’office les 19 000 personnes en détention provisoire. Qui plus est, cette permission reste soumise à l’appréciation d’un juge et, une fois accordée, elle est assujettie à des règles dissuasives.

Il est vrai que le choix fait en 2019 n’est pas pleinement satisfaisant. Les détenus qui choisissent le vote par correspondance étant rattachés à un bureau de vote spécifique situé dans le chef-lieu du département de leur établissement pénitentiaire, leur ancrage territorial peut être faible. Mais il n’est pas nul : les personnes détenues ont un lien concret avec les territoires où elles sont incarcérées : le département et la région sont compétents en matière de santé et d’insertion.

La solution initialement envisagée au Sénat – que nous reprenons en partie à notre compte dans l’amendement CL18 – était plutôt bonne ; elle visait à permettre à la personne détenue d’être inscrite dans la commune où elle avait élu domicile avant son incarcération ou dans celle d’un parent proche. Mais elle a été écartée par la commission des lois du Sénat, soucieuse de ne pas déstabiliser le corps électoral des villes chefs-lieux[AG2].

On nous propose donc de sacrifier le droit des personnes détenues de voter par correspondance aux élections locales et législatives sur l’autel de calculs électoraux C’est un renoncement très grave aux valeurs que nous sommes censés incarner. Que vaut en effet un droit si l’on empêche son exercice pratique ? Le groupe Écologiste et social s’opposera à ce texte.

Mme Blandine Brocard (Dem). La proposition de loi touche à un fondement essentiel de notre démocratie : le droit de vote. Il s’agit en effet d’adapter les modalités d’exercice de ce droit par les personnes détenues dans le souci de maintenir un équilibre entre inclusion civique et sincérité du scrutin local.

Depuis 2019, la loi permet aux détenus de voter par correspondance grâce à des bureaux de vote dérogatoires rattachés à la commune chef-lieu du département où se situe l’établissement pénitentiaire. Ainsi le taux de leur participation électorale est-il passé de 1 % en 2017 à 20 % en 2024. L’amélioration est incontestable au regard des dispositifs antérieurs – procuration ou permission de sortir –, qui étaient difficilement praticables.

Toutefois, le vote par correspondance a produit, sous sa forme actuelle, des effets de bord préoccupants. En rattachant mécaniquement les électeurs incarcérés à la commune chef-lieu du département, on rompt le lien entre l’électeur et son territoire d’inscription. Non seulement cette absence de lien va à l’encontre de notre tradition électorale, mais la part des détenus représente désormais jusqu’à plus de 10 % des suffrages exprimés dans certaines communes, ce qui risque de déstabiliser le corps électoral local et de compromettre l’égalité entre candidats. Soulever ce problème, ce n’est pas se livrer à des calculs électoralistes, c’est se préoccuper du respect de la sincérité et de la sérénité des scrutins.

La proposition de loi a donc pour objet de procéder à un ajustement mesuré et pragmatique. Elle maintient le vote par correspondance sous sa forme dérogatoire pour les élections à circonscription nationale – présidentielle, européennes et référendum – et l’exclut pour les scrutins territorialisés – municipales, départementales, régionales et législatives –, pour lesquels les personnes détenues pourront continuer à voter par procuration ou dans le cadre d’une permission de sortir. Par ailleurs, l’inscription automatique dans la commune chef-lieu du département est supprimée au profit du rattachement à une commune avec laquelle le détenu justifie d’un lien personnel réel.

Cette évolution ne marque en rien une régression : elle vise à préserver l’esprit de la loi de 2019 tout en corrigeant les déséquilibres constatés et en garantissant la sincérité des scrutins locaux. De surcroît, elle respecte les préconisations du Conseil d’État. Enrichi avec rigueur et cohérence par le Sénat, le texte remédie de manière claire à une difficulté bien identifiée, en conciliant l’universalité du droit de vote avec l’exigence de sincérité des scrutins et le respect du lien entre l’électeur et son territoire. Parce qu’elle est équilibrée et profondément républicaine, le groupe Les Démocrates votera pour cette proposition de loi.

M. Paul Molac (LIOT). Du fait des modifications qui y ont été apportées au Sénat, ce texte marque un véritable recul des droits civiques des personnes détenues puisqu’il tend à supprimer la possibilité qui leur était offerte de voter par correspondance aux élections locales et législatives. Il y a deux moyens de revenir sur un droit : soit la loi le supprime, soit on rend son exercice impossible. En l’espèce, c’est la seconde voie qui a été choisie.

Quelque 57 000 détenus sont concernés. Leur intérêt pour les élections est pourtant positif : il témoigne, d’une certaine manière, de leur volonté de se réinsérer et d’échapper à la récidive.

La loi de 2019 avait permis de porter le taux de participation des personnes détenues de moins de 2 % à 20 %. Il est vrai que les modalités du vote par correspondance étaient susceptibles de déséquilibrer le corps électoral d’environ six communes. Mais la version initiale du texte avait le mérite de proposer une solution équilibrée conciliant le droit de vote et le maintien du lien personnel avec le territoire d’inscription en permettant aux détenus de voter par correspondance dans leur commune de naissance, le cas échéant dans leur commune de résidence ou dans celle de leurs ascendants ou descendants.

Le Sénat a fait le choix de rompre cet équilibre au détriment des droits des détenus, pour des raisons liées à des difficultés logistiques. On nous dira que les détenus pourront toujours voter par procuration – mais cela n’a rien de très simple – ou bénéficier de permissions de sortir, lesquelles ne seront certainement pas accordées à la pelle – et on peut le comprendre.

Je défendrai donc un amendement cosigné avec Martine Froger qui vise à revenir à la version initiale du texte. S’il n’est pas adopté, nous voterons contre la proposition de loi.

Mme Elsa Faucillon (GDR). Si nous pouvons souscrire à certaines des dispositions de la proposition de loi initiale, je m’étonne que celle-ci nous soit soumise moins d’un an avant les prochaines élections municipales.

Par ailleurs, je relève que le Sénat a préféré supprimer un droit plutôt que d’aménager ses modalités d’exercice. Quant à la question de la résidence des détenus, elle est délicate lorsqu’on sait que, dans certains établissements pénitentiaires, 30 % à 40 % d’entre eux sont indigents et n’avaient pas de résidence avant leur incarcération. Je souhaiterais, du reste, que les élus se montrent toujours aussi scrupuleux à propos de la commune de résidence des électeurs.

Nous sommes très opposés au texte, car il marque un recul démocratique, non seulement pour les personnes détenues, mais aussi pour la République. Plutôt que d’encourager l’expression politique des prisonniers dans la perspective de leur réinsertion, on les réduit à leur état de détenus en niant leur statut de citoyens. Nous refusons que la prison soit un angle mort de notre démocratie. Le détenu n’est pas seulement un corps qui doit être surveillé ; il est aussi un citoyen à réinsérer.

À ceux de mes collègues qui soutiennent ce texte, je dis, d’une part, que s’ils souhaitent que les détenus votent dans leur commune de résidence, ils peuvent toujours recourir à la régulation carcérale, d’autre part, qu’il est hypocrite de s’en remettre aux permissions de sortir lorsqu’on cherche par ailleurs à limiter les extractions, qui pèsent sur un personnel pénitentiaire confronté à la surpopulation carcérale. Le Sénat, qui sait pertinemment que ces modalités de vote ne sont guère praticables, cherche en fait à revenir sur les progrès permis par la loi de 2019.

Nous nous opposons donc fermement à la proposition de loi, en rappelant à celles et ceux qui seraient tentés de l’approuver que le législateur se doit d’être fidèle à nos valeurs républicaines.

Mme Brigitte Barèges (UDR). La proposition de loi vise à corriger une anomalie démocratique identifiée depuis l’instauration par la loi de 2019 du vote par correspondance pour les personnes détenues. Cet ajustement technique a cependant des conséquences très concrètes.

Le fait que les détenus votant par correspondance soient systématiquement rattachés à la commune chef-lieu du département de l’établissement pénitentiaire crée un déséquilibre manifeste dans certaines circonscriptions, notamment lors des élections locales et législatives. Dans plusieurs communes, les voix des personnes détenues peuvent en effet représenter jusqu’à 5 % du corps électoral et sont donc susceptibles d’infléchir le résultat. La proposition de loi prend acte de cette difficulté et y apporte une solution pragmatique. D’une part, elle limite le vote par correspondance des personnes détenues aux scrutins de portée strictement nationale, pour lesquels cette centralisation ne créera pas de distorsion locale. D’autre part, elle étend les possibilités pour les détenus de s’inscrire sur les listes électorales des communes avec lesquelles ils ont un lien personnel ou familial.

Notre groupe votera donc en faveur de cette proposition de loi équilibrée, respectueuse du droit de vote et soucieuse de préserver l’intégrité du processus électoral local.

M. Jean Moulliere, rapporteur. Le fait que les personnes détenues représentent jusqu’à 5 % du corps électoral d’une commune peut être considéré comme un effet de bord limité. Mais à Lille, par exemple, les dernières élections municipales de Lille se sont jouées à 327 voix. Les 700 détenus rattachés à cette commune peuvent donc faire pencher la balance.

Mme Elsa Faucillon (GDR). Certes élargir le corps électoral peut changer un résultat, on disait la même chose du vote des femmes !

M. le président Florent Boudié. Écoutons le rapporteur. D’ailleurs, il aurait pu citer les résultats des congrès du parti socialiste, qui parfois se jouent également à quelques voix...

M. Jean Moulliere, rapporteur. J’ajoute que si les détenus sont nombreux à voter, ils représentent une part des suffrages exprimés d’autant plus importante que la participation au scrutin est faible.

Je voulais souligner le fait qu’un détenu qui n’a pas de lien avec une commune peut néanmoins influer de manière importante sur le résultat des élections.

Quant au « paresseux prétexte organisationnel » évoqué par Mme Balage El Mariky, les représentants du bureau des élections du ministère de l’intérieur et la direction de l’administration pénitentiaire m’ont confirmé que le vote par correspondance était très difficile à organiser, notamment pour des élections municipales – je pense en particulier à la distribution des professions de foi.

Enfin, nous ne supprimons pas un droit ; nous procédons à des ajustements pour prendre en compte les retours d’expérience et l’avis du Conseil d’État, qui insiste sur l’importance du lien personnel entre l’électeur et la commune où il est inscrit.

Article unique : (art. L. 12-1, L. 79 et L. 388 du code électoral) Modification des possibilités de vote pour les personnes détenues

Amendement de suppression CL6 de Mme Farida Amrani

Mme Farida Amrani (LFI-NFP). La proposition de loi porte au droit de vote des personnes détenues une atteinte que l’argument du lien entre l’électeur et sa commune d’inscription ne saurait justifier. Le texte marque un recul grave de nos droits fondamentaux et de notre démocratie.

En instaurant le vote par correspondance, la loi de 2019 a permis de décupler le taux de participation des détenus et cette modalité de vote a été utilisée par environ93 % des détenus ayant voté. Il s’agit donc d’un progrès net, d’ailleurs salué par l’ensemble des acteurs de terrain. Dès lors, pourquoi vouloir le supprimer, qui plus est à la veille d’échéances électorales ?

Quant au lien de proximité effectif, les détenus, qui travaillent au sein des centres pénitentiaires ou dans le cadre de missions extérieures, sont, de fait, des usagers des services publics locaux : eau, traitement des déchets, transports, écoles, hôpitaux et, pour certains, services sociaux. Ils sont des citoyens comme les autres, intéressés par les politiques publiques menées dans le territoire où ils vivent et attachés à celui-ci. Rappelons par ailleurs, que les citoyens élisent les députés de la nation et non des représentants d’une circonscription.

Le vote est un élément essentiel de la réinsertion. Au lieu de l’effacer à coups de calculs électoraux, comme on nous le propose, il nous faut encourager son exercice pour renforcer la citoyenneté. C’est pourquoi nous demandons la suppression de l’article unique.

M. Jean Moulliere, rapporteur. Nous sommes d’accord sur les progrès permis par la loi de 2019 en matière de participation électorale. Mais ce constat ne change rien au caractère insatisfaisant d’une modalité de vote qui rompt le lien entre l’électeur et le territoire concerné.

Je m’inscris en faux contre plusieurs de vos arguments. Le vote par correspondance n’est pas supprimé : son périmètre est restreint aux élections présidentielles et européennes ainsi qu’aux référendums. Cela ne signifie pas que nous hiérarchisons les élections. Nous considérons simplement qu’il n’est pas normal que des personnes n’ayant aucun lien avec une commune se prononcent sur des enjeux qui ne les concernent pas. Cela porte atteinte au sens même des élections locales.

L’exercice des droits civiques, notamment du droit de vote, est primordial pour la réinsertion de nos détenus. Il faudra donc, lors des élections locales, faciliter le vote par procuration, qui a d’ailleurs été simplifié puisque le mandataire doit désormais résider dans le même département, et non plus dans la même commune, que le mandant. En tout état de cause, l’administration pénitentiaire sera mobilisée pour accompagner les détenus dans l’exercice de leur droit de vote. Ces derniers pourront toujours participer aux scrutins locaux, mais dans des territoires avec lesquels elles ont des liens personnels concrets.

Pour ces différentes raisons, j’émets un avis défavorable.

Mme Elsa Faucillon (GDR). Je voterai pour cet amendement de suppression.

Vous tentez de nous convaincre que le texte ne marque aucun recul tout en admettant que le droit de vote des détenus sera entravé. Nous nous opposons à ce recul des droits civiques des détenus. De fait, il est possible de remédier aux problèmes pratiques par des aménagements, que nous étions prêts à accepter.

En réalité, la question qui se pose est celle de savoir pour qui votent les détenus. À certains moments, la réponse à cette question semblait convenir ; à présent, elle convient moins. Mais il ne viendrait à l’idée de personne de revenir sur le droit des femmes au motif qu’il a modifié les équilibres politiques. Faut-il remettre en cause le droit de vote des sans-abri au prétexte que leur lien avec la commune où ils sont domiciliés n’est pas établi ? Et qu’en est-il des électeurs qui se sont abstenus à quatre scrutins successifs ? Voilà le type de réflexions auxquelles nous conduisent vos arguments.

M. le président Florent Boudié. Je souhaiterais que nous achevions l’examen de la proposition de loi ce matin. En tout état de cause, nous ne reprendrons nos travaux qu’après la discussion, en séance publique, des amendements à l’article 15 du projet de loi de simplification de la vie économique.

M. Jean-François Coulomme (LFI-NFP). Nous faisons face à une immense hypocrisie. Le camp macroniste, qui légifère la plupart du temps sans tenir le moindre compte des études d’impact, veut supprimer le droit instauré par la loi de 2019 au motif que les détenus ne l’exercent pas de la manière qui lui convient. Je m’étonne, du reste, que le Rassemblement national se joigne à la curée alors que de nombreux détenus votent pour son camp.

Comment peut-on croire que le vote par procuration sera plus facile pour les détenus que pour les citoyens libres d’aller et venir ? Enfin, je peux dresser des listes complètes de personnes qui n’ont pas d’ancrage dans la commune où elles sont inscrites ; certaines n’y possèdent parfois qu’un garage. La visée électoraliste de ce texte nous déplaît fortement.

M. Guillaume Gouffier Valente (EPR). Nous nous opposons à l’amendement de suppression. Nous nous battons depuis plusieurs années pour renforcer les droits des détenus ; la réforme de 2019 en témoigne. Je précise que la proposition de loi vise, non pas à supprimer le droit de voter par correspondance, mais à l’exclure pour les élections locales, afin de corriger une erreur commise en 2019. En effet, du fait de leur rattachement, non à pas à la commune où se trouve l’établissement pénitentiaire, mais à la commune chef-lieu du département, les détenus n’ont aucun lien avec la collectivité où ils sont inscrits. Ainsi, les personnes détenues à la maison d’arrêt de Fresnes peuvent participer à l’élection municipale de Créteil, où elles ne se sont peut-être jamais rendues. C’est pourquoi il nous faut revenir sur cette mesure et, éventuellement, réexaminer les modalités pratiques du vote par correspondance.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article unique est supprimé et les amendements CL7 de M. Christophe Bex, CL16 de Mme Léa Balage El Mariky, CL1 de Mme Colette Capdevielle, CL4 de Mme Martine Froger, CL18 et CL19 de Mme Léa Balage El Mariky et CL12 de M. Christophe Bex tombent.

Après l’article unique

Amendements CL17 de Mme Léa Balage El Mariky, CL15 de Mme Élisa Martin, CL3 de Mme Colette Capdevielle et CL13 de M. Christophe Bex (discussion commune)

Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). L’amendement CL17 vise à permettre aux détenus de mieux exercer leur droit de vote en leur accordant des permissions de sortir.

Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Cela a été rappelé tout-à-l’heure, l’ancien premier président de la Cour de cassation, Guy Canivet, disait : « On ne peut réinsérer une personne privée de liberté qu’en la traitant comme un citoyen. » Je citerai aussi, de façon un peu cocasse, le président Macron, qui annonçait en 2018, dans un discours prononcé à Agen devant l’École nationale d’administration pénitentiaire, que l’un de ses objectifs était de donner à toute personne la possibilité de voter. Compte tenu de ces déclarations, qui rejoignent d’ailleurs l’article 3 de la Constitution, notre amendement CL15 vise à ajouter, dans le code de procédure pénale, le droit pour une personne détenue de sortir pour exercer son droit de vote.

M. Christophe Bex (LFI-NFP). L’amendement CL13 est une demande de rapport sur la possibilité d’accorder aux détenus des permissions de sortir pour aller voter.

M. Jean Moulliere, rapporteur. Les permissions de sortir ne peuvent être accordées qu’aux personnes détenues condamnées, sous certaines conditions, notamment de durée d’exécution de peine. Elles sont soumises à un contrôle de fond et de proportionnalité opéré par le juge compétent. Je suis donc défavorable à ces quatre amendements.

La commission adopte l’amendement CL17.

En conséquence, les amendements CL15, CL3 et CL13 tombent.

Contre l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement CL10 de Mme Farida Amrani. L’article 2 est donc ainsi rédigé.

En conséquence, les amendements CL2 de Mme Colette Capdevielle et CL9 de M. Christophe Bex tombent.

Contre l’avis du rapporteur, la commission adopte successivement les amendements CL8 de Mme Farida Amrani, CL14 de M. Christophe Bex, CL11 de Mme Élisa Martin et CL5 de Mme Martine Froger. Les articles 3 à 6 sont ainsi rédigés.

Elle adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

La séance est levée à 12 heures 40.

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Informations relatives à la Commission

 

La Commission a désigné :

 

        Mme Léa Balage El Mariky, rapporteure sur la recevabilité de la proposition de résolution de M. Laurent Wauquiez et plusieurs de ses collègues tendant à la création d’une commission d'enquête sur les liens existants entre les représentants de mouvements politiques et des organisations et réseaux soutenant l’action terroriste ou propageant l’idéologie islamiste (n° 1382) ;

        Mme Edwige Diaz, rapporteure sur la nomination de Bernard Stirn, dont la nomination en tant que président de la commission prévue à l’article 25 de la Constitution est proposée par le président de la République, ainsi que sur la nomination de la personne dont la nomination en tant que membre de la même commission sera proposée par la présidente de l’Assemblée nationale ;

        MM. Stéphane Delautrette et Didier Le Gac, rapporteurs sur la proposition de loi portant création d’un statut de l’élu local (n° 136).


Membres présents ou excusés

 

Présents. - M. Xavier Albertini, Mme Marie-José Allemand, M. Pouria Amirshahi, Mme Farida Amrani, Mme Léa Balage El Mariky, Mme Brigitte Barèges, M. Romain Baubry, M. Ugo Bernalicis, M. Christophe Bex, Mme Sophie Blanc, Mme Émilie Bonnivard, Mme Pascale Bordes, M. Florent Boudié, Mme Blandine Brocard, M. Michel Castellani, Mme Gabrielle Cathala, M. Vincent Caure, M. François-Xavier Ceccoli, M. Paul Christophle, M. Paul-André Colombani, M. Jean-François Coulomme, Mme Edwige Diaz, M. Emmanuel Duplessy, Mme Elsa Faucillon, Mme Agnès Firmin Le Bodo, M. Jonathan Gery, M. Yoann Gillet, M. Philippe Gosselin, M. Guillaume Gouffier Valente, M. Jordan Guitton, M. Jérémie Iordanoff, M. Philippe Latombe, M. Didier Le Gac, M. Antoine Léaument, M. Roland Lescure, Mme Marie-France Lorho, M. Olivier Marleix, M. Éric Martineau, Mme Élisa Martin, M. Bryan Masson, M. Stéphane Mazars, M. Ludovic Mendes, Mme Laure Miller, M. Paul Molac, M. Jean Moulliere, M. Éric Pauget, M. Thomas Portes, Mme Sandra Regol, Mme Sophie Ricourt Vaginay, M. Davy Rimane, Mme Béatrice Roullaud, M. Hervé Saulignac, M. Philippe Schreck, Mme Andrée Taurinya, M. Michaël Taverne, M. Jean Terlier, Mme Céline Thiébault-Martinez, M. Roger Vicot

Excusés. - M. Ian Boucard, Mme Colette Capdevielle, M. Moerani Frébault, M. Aurélien Lopez-Liguori, Mme Naïma Moutchou, M. Julien Rancoule, M. Antoine Villedieu, M. Jiovanny William

Assistaient également à la réunion. - Mme Martine Froger, M. Patrick Hetzel, M. Stéphane Rambaud, Mme Valérie Rossi


[AG1]Ce n’est pas du tout exact… la PPL initiale élargit l’inscription sur les listes électorales et transfère le vote par correspondance

[AG2]Ce n’est pas la raison (et c’est même contradictoire) ; ca a été écarté pour des raisons logistiques…