Compte rendu
Commission
des lois constitutionnelles,
de la législation
et de l’administration
générale de la République
– Examen du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, de programmation pour la refondation de Mayotte (n° 1470) (M. Philippe Vigier, rapporteur général, M. Philippe Gosselin, Mme Agnès Firmin Le Bodo et Mme Estelle Youssouffa, rapporteurs) et du projet de loi organique, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relatif au Département Région de Mayotte (n° 1471) (Mme Estelle Youssouffa, rapporteure) : audition de M. Manuel Valls, ministre d’État, ministre des Outre-mer, et discussion générale, commune avec la commission des affaires économiques 2
Mardi
10 juin 2025
Séance de 16 heures 30
Compte rendu n° 73
session ordinaire de 2024-2025
Présidence
de M. Florent Boudié,
président, et de M. Pascal Lecamp, vice-président de la commission des affaires économiques, puis de Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques
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La séance est ouverte à 16 heures 35.
Présidence de M. Florent Boudié, président, et de M. Pascal Lecamp, vice-président de la commission des affaires économiques, puis de Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques.
La Commission auditionne, conjointement avec la commission des affaires économiques, M. Manuel Valls, ministre d’État, ministre des Outre-mer, et procède à la discussion générale sur le projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, de programmation pour la refondation de Mayotte (n° 1470) (M. Philippe Vigier, rapporteur général, M. Philippe Gosselin, Mme Agnès Firmin Le Bodo et Mme Estelle Youssouffa, rapporteurs) et sur le projet de loi organique, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relatif au Département Région de Mayotte (n° 1471) (Mme Estelle Youssouffa, rapporteure).
M. le président Florent Boudié. Le projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte est un texte majeur. Présenté en Conseil des ministres le 21 avril 2025, il a reçu une très large approbation lors de sa première lecture au Sénat, avec 17 voix contre, 95 abstentions et 226 voix pour. Il est surtout très attendu par la société civile comme par les élus mahorais et je ne doute pas qu’il sera examiné dans notre commission avec la gravité qu’imposent les défis exceptionnels auxquels ce territoire de la République est confronté.
Département-région d’outre-mer depuis 2011, Mayotte est littéralement à terre après les ravages causés par le cyclone Chido en décembre 2024 et par la tempête Dikeledi en janvier 2025. Avec des rafales à plus de 200 kilomètres à l’heure, à l’origine de destructions massives d’habitats, du déplacement de milliers de personnes, de réseaux d’eau et d’électricité sinistrés, d’établissements scolaires et hospitaliers partiellement hors service, ces deux tempêtes ont – c’est le moins que l’on puisse dire – bouleversé la vie quotidienne des Mahorais et révélé l’extrême vulnérabilité du département.
Face à l’ampleur de ces chocs, le Parlement a déjà adopté un projet de loi d’urgence pour Mayotte, promulgué le 24 février dernier, qui a permis de mobiliser les premiers moyens exceptionnels de soutien et de reconstruction : mesures de relogement provisoire, simplification en matière d’achat public, possibilité de réquisition des bâtiments vacants et prolongation de certaines prestations sociales. Ce texte, adopté dans l’urgence, était un premier pas.
Mais au-delà de l’urgence, Mayotte est confronté à une situation structurelle absolument hors norme : une pression démographique sans équivalent, bouleversée par une poussée migratoire dont les causes sont à la fois socio-économiques et géopolitiques, à laquelle s’ajoutent des fragilités profondément enracinées. Ainsi, plus des trois quarts de la population mahoraise vit sous le seuil de pauvreté et un tiers des logements sont insalubres.
Le texte que nous abordons a vocation à s’inscrire dans la durée, en traçant le chemin d’une réponse structurelle globale et d’une programmation, notamment budgétaire, figurant dans le rapport annexé au projet de loi.
La commission des lois, saisie au fond, a fait le choix de déléguer aux commissions qui le souhaitaient, en l’occurrence la commission des affaires économiques et la commission des finances, les articles les concernant. Je remercie Mme Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques, qui va nous rejoindre, et M. Coquerel, président de la commission des finances, qui ne pourra être présent cet après-midi car il est retenu par les débats en séance, de l’avoir accepté.
Je rappelle que le droit d’amendement en commission ne s’exercera que devant la commission concernée. S’agissant des articles délégués, le débat aura donc lieu dans les commissions citées, la commission des lois se bornant à ratifier leur position.
M. Pascal Lecamp, président, suppléant Mme la présidente Aurélie Trouvé. À la suite du cyclone Chido, qui a dévasté Mayotte et causé plusieurs dizaines de victimes en décembre 2024, la commission des affaires économiques a été conduite à examiner et à adopter en janvier 2025 un projet de loi d’urgence pour Mayotte. Cette loi a été promulguée le 24 février.
Durant la crise qui a suivi cette catastrophe, nombre d’habitants ont manqué de tout : eau, nourriture, logement, électricité, moyens de communication. Nous savions que cette loi d’urgence ne suffirait pas à résoudre l’ensemble des problèmes de cette collectivité et de la population mahoraise, qu’il s’agisse de la destruction des bâtiments et infrastructures ou des ravages causés aux exploitations agricoles et à l’environnement. La présidente Aurélie Trouvé, les vice-présidents Charles Fournier, Jean-Pierre Vigier et moi-même avons pu le constater en nous rendant sur place au mois de février 2025. Ce déplacement fut très instructif.
Monsieur le ministre d’État, vous nous avez alors annoncé que des initiatives complémentaires pourraient être prises dans un second texte législatif, pour conduire une reconstruction en profondeur de Mayotte et répondre aux besoins pressants de ses habitants. Ces derniers aspirent à un développement plus durable, à davantage de sécurité et de solidarité et ont l’impression que, trop souvent, les promesses de soutien et d’égalité n’ont pas été tenues.
Les défis à relever sont immenses. Nous avons pu le mesurer sur place. Ainsi, la capacité maximum de production d’eau est de 40 000 mètres cubes, mais seuls 25 000 mètres cubes sont produits, alors qu’il en faudrait 45 000 pour qu’il n’y ait plus de tour d’eau et que les besoins des populations soient satisfaits. Des investissements très importants sont nécessaires pour répondre à ce besoin primaire : que chacun ait tous les jours de l’eau à son robinet.
Le présent projet de loi doit, selon son intitulé, proposer non seulement une programmation pour assurer à Mayotte un meilleur avenir, mais aussi une refondation de la collectivité. Je rappelle qu’il a été déposé au Sénat le 22 avril 2025 et adopté par les sénateurs le 27 mai.
Vous nous expliquerez, monsieur le ministre d’État, en quoi devrait consister la refondation proposée par le Gouvernement et comment elle pourra réellement répondre dans la durée aux aspirations de nos concitoyens de Mayotte.
La commission des affaires économiques, qui a désigné notre collègue Frantz Gumbs rapporteur pour avis, examinera dans le cadre d’un avis avec délégation au fond les articles 10, 19, 19 bis, 19 ter, 20, 21, 21 bis, 23 et 24. Ces articles comportent des mesures relevant de différents domaines et s’inscrivant, pour la plupart, dans le prolongement de la loi d’urgence de février dernier. Ils concernent les opérations de reconstruction, la question de l’eau, la lutte contre les habitats informels, le projet de création d’un nouvel aéroport à piste longue, attendu depuis plus de dix ans et nécessaire au développement économique de Mayotte, les marchés permettant de bâtir des écoles et des constructions temporaires, certaines modalités de reconnaissance de la propriété, le classement de Mayotte en quartier prioritaire de la politique de la ville, ou encore la structuration de la filière pêche, qui demeure très faible et dépend de la chambre d’agriculture.
Je rappelle par ailleurs que la commission des finances, compétente en matière de fiscalité, est saisie par délégation au fond du volet relatif à la création d’une zone franche globale.
M. Manuel Valls, ministre d’État, ministre des outre-mer. Voici quasiment quatre mois, l’Assemblée nationale adoptait le projet de loi d’urgence pour Mayotte et je terminais alors mon discours sur les conclusions de la commission mixte paritaire par une promesse et une seule : ne pas laisser tomber Mayotte.
Trois mois ont passé et beaucoup de choses ont changé. Les caméras de télévision ont quitté l’archipel. D’autres crises, mais aussi tout simplement le quotidien, ont progressivement détourné de Mayotte le regard de l’opinion publique nationale. Certaines choses sont toutefois restées intangibles : les préoccupations et les angoisses de nos compatriotes mahorais, la mobilisation de l’État. En écho à mon engagement et même si les défis demeurent immenses, je le dis sans détour : nous n’avons pas laissé tomber Mayotte.
Je me suis rendu sur place à quatre reprises en quatre mois, dont la dernière fois aux côtés du président de la République. Le Parlement a adopté à l’unanimité une loi d’urgence, promulguée le 24 février dernier. J’échange très régulièrement avec l’ensemble des élus du territoire. Vos collègues députées Estelle Youssouffa et Anchya Bamana peuvent en témoigner, même si nous ne sommes pas d’accord sur tout. J’ai échangé encore hier à Nice avec le président du conseil départemental et le président de l’Association des maires mahorais.
La mission dédiée, rattachée à mon cabinet et dirigée par le général Pascal Facon, est quotidiennement à la tâche pour accélérer la reconstruction de l’île et penser sa refondation.
J’ai, depuis mon entrée en fonctions, identifié trois phases de réponse à la crise : la gestion des urgences vitales, la reconstruction et la refondation.
L’engagement sans faille des services de l’État et des élus, qui se poursuit sans relâche à un rythme soutenu, a permis de stabiliser la première phase : nous avons rétabli les capacités en eau, en électricité et en télécommunications.
Vous avez, monsieur Lecamp, évoqué la question de l’eau. Sachez que le niveau de remplissage des deux retenues collinaires s’est amélioré à la fin de la saison des pluies. Près de 2 millions de bouteilles d’eau ont été livrées et quelque 2 millions de litres d’eau acheminés par voie maritime au cours du mois de mai. La capacité de production habituelle a été récupérée, à hauteur de 38 000 mètres cubes par jour. Nous ne pouvons toutefois nous en satisfaire, puisque cela correspond à la capacité d’avant le passage de Chido et qu’un écart évident entre l’offre et la demande persiste. C’est pourquoi, avant même le projet de loi de refondation, nous commençons à voir plus loin. Plus de 900 fuites d’eau ont déjà été réparées par le génie militaire, mais il va nous falloir définir un mode opératoire pour résorber les fuites après compteur dans les foyers. La première pierre de la future station d’épuration de Mamoudzou a été posée le 7 mai et l’arrêté d’autorisation des travaux pour la partie terrestre du chantier de reconstruction de l’usine de dessalement d’Ironi Bé a été signé par le préfet il y a un mois environ. Ces ouvrages ne fonctionneront toutefois pas dans les prochaines semaines, c’est le moins que l’on puisse dire. Nous engageons donc une réflexion parallèle sur des dispositifs innovants et un appel à projets a été lancé afin de faire émerger des solutions nouvelles. Le déploiement de fontaines atmosphériques est par exemple en cours d’organisation. Il nous faut, sur cette question de l’eau, rester extrêmement vigilants.
L’objectif de résorption complète des dépôts de déchets post-Chido d’ici août 2025 sera atteint. Grâce au second casier de l’installation de stockage de déchets non dangereux inauguré début avril, nous évacuons plus de 800 tonnes de déchets par jour. Mais, là aussi, il reste beaucoup à faire.
En matière de santé, qui constitue l’un des points les plus délicats, plus de mille professionnels ont été projetés sur place. L’hôpital est à plus de 80 % de son activité et connaîtra, à condition que les marchés aillent à leur terme, d’importants travaux de réparation et de sécurisation qui viendront s’ajouter à ceux prévus avant Chido, pour une fin courant 2026. Sept dispensaires sur huit sont ouverts, celui de Sada, très endommagé par le cyclone, étant encore en travaux. Tous les centres médicaux de référence ont également rouvert et une nouvelle maison de santé a été inaugurée à Passamainty. L’arrivée récente de six professionnels, dont des infirmiers libéraux et des médecins généralistes, va également permettre de renforcer l’offre de soins dans ce secteur. Il est évident qu’au-delà de l’ouverture d’espaces à l’hôpital ou de centres de santé, l’essentiel réside dans la présence de professionnels pour répondre à l’attente des patients.
Les rentrées scolaires de mars et mai ont eu lieu, ce qui n’était pas évident. Dans le premier degré, 95 % des élèves sont rescolarisés, dans les mêmes conditions, évidemment insatisfaisantes, qu’avant Chido. Tous les établissements du second degré sont ouverts, avec des rotations dans deux lycées, qui se poursuivront jusqu’à l’achèvement des travaux à l’automne. Plusieurs parlementaires m’avaient légitimement alerté sur la question des fournitures et du mobilier scolaires. Trois navires ont donc été affrétés entre avril et mai. Je n’ai toutefois aucun doute sur le fait que tout est loin d’être parfait. Comme dans le domaine de l’eau, nous sommes revenus à la situation d’avant Chido : la phase de gestion de crise est terminée, mais nous ne pouvons bien évidemment pas nous satisfaire de cette situation. Les rotations scolaires sont inacceptables. Le rapport annexé au projet de loi prévoit d’en finir à l’horizon 2031. Cet objectif devra être atteint.
Alors que nous approchons des six mois post-cyclone Chido, nous pouvons affirmer que l’impression générale renvoyée par le territoire est celle d’une stabilisation, voire, sur certains plans, d’une amélioration de la situation. Je reste néanmoins lucide.
Cette évolution est visible physiquement lorsque l’on se rend sur l’archipel. La végétation se régénère rapidement, ce qui ne signifie pas qu’il ne faille pas penser à la reconstruction de la forêt. Les axes routiers ont été rétablis et une voie du Caribus, prévue depuis un certain temps déjà, a été inaugurée. Les commerces ont rouvert progressivement, la chaîne portuaire et logistique fonctionne et les collectivités parviennent à concrétiser certains projets structurants. Ainsi, le réseau de wifi territorial développé par la communauté de communes de Petite-Terre et soutenu à 80 % par l’État vient d’être inauguré.
Nous sommes toutefois encore loin du compte. Les problèmes d’eau, de gestion des déchets, de l’école ou de déplacements entre Petite-Terre et Grande-Terre restent par exemple criants.
Par ailleurs, 7 escadrons de gendarmerie, 760 gendarmes et 770 policiers permettent de faire face aux défis de la sécurité, de la violence, de la fraude et de l’économie illégale, qui prospère notamment par l’exploitation d’une main-d’œuvre clandestine. Petite‑Terre a récemment connu des phénomènes de violence et d’affrontements entre des bandes rivales au collège et au lycée de Pamandzi. Le préfet de Mayotte a d’ailleurs pris un arrêté relatif à l’instauration d’un couvre-feu pour les mineurs non accompagnés d’un adulte. Je ne doute pas que les députés aient en tête d’autres exemples de cette dégradation de la situation.
La mise en place de la mission dirigée par le général Facon et la promulgation de la loi d’urgence pour Mayotte ont permis de déployer les premiers outils et les premières actions concrètes de la deuxième phase de réponse à la crise, celle de la reconstruction. Un bataillon de reconstruction composé de 326 militaires reste mobilisé au quotidien. Il répond à la demande très forte d’une intervention rapide de l’armée et s’attache à réparer et à reconstruire les bâtiments publics. Il participe activement à la remise en état des routes et des cours d’eau, à la sécurisation des bâtiments et au soutien logistique. Il a notamment œuvré au bénéfice des écoles et des équipements sportifs, notamment du plateau sportif de Mtsapéré, ou, plus récemment, de la maison des jeunes et de la culture de ce même village. Des chantiers de reconstruction sont engagés et mobilisent, comme la loi d’urgence l’a prévu, des entreprises mahoraises. La SIM (Société immobilière de Mayotte) a ainsi entrepris la rénovation des logements sociaux endommagés par Chido, notamment à Passamainty.
Enfin, même si je sais que l’État peut faire mieux, son soutien financier est au rendez-vous. Dans le contexte difficile que nous connaissons, l’État a agi, sans compter, allais‑je dire, bien que ces mots ne soient sans doute pas appropriés dans la période que nous traversons. Quelque 500 millions d’euros de dépenses d’urgence ont ainsi été engagés en décembre 2024 et janvier 2025. Le fonds d’amorçage a été déployé à hauteur de 100 millions d’euros pour les collectivités territoriales et 15 millions d’euros de fonds de secours outre-mer ont été alloués à la filière agricole. L’engagement de l’État s’est également traduit par une aide de 22,8 millions d’euros aux entreprises. L’important est toutefois que les montants arrivent aux intéressés.
Je pense également à toutes les mesures que vous avez votées dans le cadre de la loi d’urgence. Cela concerne notamment l’activité partielle, avec 1 311 demandes d’indemnisation validées pour 996 138 heures à hauteur de 9,1 millions d’euros. Je pense enfin au prêt à taux zéro (PTZ), désormais disponible dans l’ensemble des établissements bancaires habilités pour aider les particuliers à reconstruire leur toit. La France a en outre reçu une avance de 23,7 millions d’euros dans le cadre du Fonds de solidarité de l’Union européenne.
Le soutien aux entreprises mahoraises affectées par le cyclone se poursuit. J’ai d’ailleurs annoncé récemment que l’aide exceptionnelle visant à compenser la perte de chiffre d’affaires qui avait été versée en décembre 2024 et janvier 2025 était prolongée pour les mois de février et mars.
Si le cyclone a ravagé Mayotte, il a surtout révélé et exacerbé des difficultés structurelles préexistantes. Je l’ai dit d’emblée : il est hors de question de se contenter d’un travail de reconstruction qui ferait revenir au mieux à la situation très insatisfaisante de l’avant-Chido. C’est pourquoi, dès le 30 décembre 2024, le premier ministre, sur place, s’est engagé lors de la présentation du plan Mayotte debout à ce qu’un projet de loi plus structurel soit élaboré pour redéfinir l’avenir de l’archipel. Avec le présent projet de loi, le gouvernement tient parole.
Avant de revenir sur ses principales mesures, je souhaite dire un mot de la méthode qui a été la mienne. Le texte a été élaboré, conformément à la demande du premier ministre, en concertation avec les élus et la société civile dans le cadre de nombreux échanges, à Mayotte et à Paris. Nous avançons ensemble, même lorsqu’il existe des désaccords. Ces échanges ont permis d’enrichir et de modifier le texte, y compris par rapport à la version initialement transmise au Conseil d’État. Cela concerne notamment l’article 19, facilitant la prise de possession anticipée des terrains pour accélérer la réalisation des infrastructures essentielles, dont le champ a été fortement restreint à la demande des élus. Je ne doute pas que cet article fera débat. J’y reviendrai.
Le projet de loi comprend désormais quarante-et-un articles, contre trente-quatre dans le projet initial, répartis en six titres.
Au titre 1, l’article 1er approuve un rapport annexé au projet de loi. Ce rapport présente, pour l’ensemble des politiques publiques, les priorités de l’État pour garantir la reconstruction et la refondation du territoire. Il mentionne notamment les engagements du gouvernement ne nécessitant pas directement de mesures législatives ou concernant les infrastructures à réaliser prioritairement. Je sais que le rapporteur général veille à l’équilibre de ce rapport annexé, sur un sujet qu’il connaît parfaitement pour avoir été ministre des outre-mer.
Le rapport comporte également des éléments de programmation financière, qui s’élevaient à l’origine à 3,2 milliards d’euros sur sept ans et que le gouvernement a choisi d’affiner et de compléter au Sénat pour les porter à quasiment 4 milliards d’euros.
Puisque j’en suis à la question des infrastructures, je veux évoquer le dossier de l’aéroport. Lors de son voyage officiel du 21 avril dernier, le président de la République a écarté l’option de Petite-Terre et indiqué que la piste longue devrait être réalisée à Grande-Terre, hypothèse technique privilégiée par la direction générale de l’aviation civile. J’ai souhaité, à la suite de cette décision, que le comité de pilotage de l’aéroport se réunisse rapidement, le 28 mai. L’accent a alors été mis sur deux points importants : l’accompagnement des agriculteurs et la mise en place d’un comité pour l’avenir de Petite-Terre, qui sera installé en ce mois de juin et aura pour mission d’élaborer un plan d’attractivité.
Le Sénat a adopté deux amendements proposés par le gouvernement. Devenus les articles 19 bis et 19 ter, ils ont pour vocation d’accélérer la démarche et de commencer les travaux deux ans plus tôt que selon une procédure classique. Ils prévoient une procédure ad hoc de concertation du public, sans bien évidemment remettre en cause le principe constitutionnel d’information de ce dernier, et l’extension du champ de la DUP (déclaration d’utilité publique) réserve foncière, procédure d’ailleurs employée pour le second site hospitalier.
J’observe que des amendements ont été déposés en commission des affaires économiques pour en proposer la suppression. Or, sans l’adoption de ces dispositifs adaptés à l’urgence de la situation de l’aéroport à Mayotte, les travaux ne pourront pas démarrer avant au moins fin 2028 et tous les aléas entraînés par l’état de la piste actuelle perdureront d’autant. Je ne peux ainsi que vous inviter à bien réfléchir avant de voter la suppression de ces deux articles, qui conduirait à ce que les Mahorais subissent de plein fouet les conséquences des débats parisiens, alors qu’ils attendent depuis très longtemps la réalisation de cette piste, qui a déjà fait l’objet de nombreux engagements.
Le titre 2 regroupe des mesures de lutte contre l’immigration clandestine et l’habitat illégal – les deux fléaux sous lesquels Mayotte ploie depuis de trop nombreuses années. Concernant le volet migratoire, le texte durcit à l’article 2 les conditions d’accès au séjour pour l’immigration familiale, en les adaptant à la situation particulière de Mayotte. Il améliore, aux articles 3 à 5, les dispositifs de lutte contre les reconnaissances frauduleuses de paternité et de maternité. Il étend l’aide au retour volontaire à Mayotte à l’article 6, prévoit la possibilité de placer un étranger accompagné d’un mineur dans une unité de vie familiale à l’article 7 et le retrait des titres des parents lorsque leurs enfants constituent une menace pour l’ordre public à l’article 8. Il conditionne en outre, à l’article 9, les flux financiers depuis le département à la vérification préalable de la régularité de séjour du client par les intermédiaires chargés d’opérer les transferts.
Sans doute aurons-nous des débats relativement vifs sur ces sujets. C’est pleinement votre rôle. J’accepte évidemment le débat, mais souhaite éviter quelques procès d’intention que j’anticipe.
Les articles 2, 7 et 8 ont été considérés comme conformes à la Constitution et à nos engagements internationaux par le Conseil d’État. L’article 2 ne faisant en rien obstacle au pouvoir de régularisation du préfet, il ne peut en aucun cas être considéré comme contraire à la CEDH (Convention européenne des droits de l’homme).
L’article 7, quant à lui, permettra de mettre en œuvre l’interdiction de rétention des mineurs, tout en inventant un nouveau placement beaucoup moins contraignant et pour une durée extrêmement limitée, de quarante-huit heures maximum. C’est indispensable compte tenu de la situation particulière de Mayotte. Je rappelle que nous avons avancé sur ce sujet sans même attendre le projet de loi. Ainsi, le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution, le 7 mai dernier, la proposition de loi visant à renforcer les conditions d’accès à la nationalité française à Mayotte, qui exigent désormais qu’au moment de la naissance les deux parents de l’enfant résident en France de manière régulière depuis au moins un an.
L’article 10 permet de mieux lutter contre les bidonvilles en facilitant les opérations de résorption de l’habitat informel. Le Sénat en a amélioré l’équilibre pour tenir compte de l’avis du Conseil d’État.
Concernant la lutte contre l’immigration irrégulière et l’habitat illégal, il m’apparaît nécessaire de souligner trois points fondamentaux.
Ce combat est d’abord une question d’effectifs et de moyens pour nos forces de sécurité intérieure. Nous montons déjà en puissance et allons continuer à le faire. J’ai fait le choix que les parlementaires puissent être informés et associés à ces décisions. C’est pourquoi cet aspect est abordé dans le rapport annexé au projet de loi.
La lutte contre l’immigration irrégulière à Mayotte dépend aussi d’un rapport plus ferme aux Comores. De même, j’ai voulu associer les parlementaires à cette dimension diplomatique en l’évoquant dans le rapport annexé.
Le resserrement de notre arsenal juridique, qui sera très utile, ne doit pas laisser croire que nous n’agissons pas déjà. Début avril, nous avons par exemple détruit soixante-treize constructions illégales localisées à Dzoumogné afin de mettre fin à des conditions de vie indignes et de libérer des parcelles destinées à la construction d’une nouvelle école communale.
Le titre 3 revêt une dimension sécuritaire, puisqu’il renforce le contrôle des armes dans les articles 11 et 12 et améliore la lutte contre l’emploi d’étrangers sans titre en facilitant la traversée des bidonvilles à l’article 13.
Le titre 4 comprend une série de mesures économiques et sociales ou favorisant l’aménagement durable du territoire. L’article 15, chère Agnès Firmin Le Bodo, est particulièrement déterminant, puisqu’il habilite le gouvernement à légiférer par ordonnances pour accélérer la convergence sociale en vue d’une effectivité au plus tard en 2031, avec une trajectoire progressive soutenable. Il s’agit d’une mesure légitimement attendue par les Mahorais depuis des années et qui permettra de progresser enfin vers l’égalité réelle. J’ai, comme vous le savez, missionné le préfet Bieuville et le général Facon afin qu’ils mènent les concertations indispensables pour préciser le calendrier. La première réunion a eu lieu le 22 mai. Le rapport annexé vous livre les premières indications et un rapport sur le sujet a – enfin – été remis au Parlement en application de l’article 36 de la loi d’urgence pour Mayotte.
Cher Frantz Gumbs, l’article 19, dont le champ a été restreint à la suite de la concertation avec des élus mahorais, doit faciliter la prise de possession anticipée de terrains pour accélérer la construction des infrastructures essentielles. Le périmètre des infrastructures concernées ayant été élaboré avec les élus mahorais, je ne souhaite a priori ni l’élargir, ni le restreindre. Là encore, je mets en garde très modestement contre une suppression sèche. On ne peut réclamer à la fois davantage d’investissements et d’infrastructures à Mayotte, crier à l’injustice et au retard et ne pas aider l’État à accélérer la démarche, dans le respect total des libertés fondamentales et du droit à la propriété – même si je n’ignore pas la sensibilité qui existe sur le sujet à Mayotte.
L’article 22 crée une zone franche globale à Mayotte, suivant ainsi l’engagement du premier ministre.
Enfin, un chapitre entier est consacré à l’accompagnement de la jeunesse de Mayotte – prise en charge par Ladom (L’Agence de l’outre-mer pour la mobilité) des jeunes Mahorais mineurs à l’article 26, création d’un fonds de soutien au développement des activités périscolaires à l’article 27. Les articles 28 et 29 favorisent l’attractivité du territoire pour les fonctionnaires en prévoyant une bonification d’ancienneté et une extension de la priorité légale de mutation.
Le titre 5, chère Estelle Youssouffa, conforte le statut de collectivité unique de Mayotte, qui prendra le nom de département-région de Mayotte, et révise le mode de scrutin afin de prévoir l’élection des conseillers à l’assemblée de Mayotte à la représentation proportionnelle dans le cadre d’une circonscription électorale unique, composée désormais de treize sections, selon le souhait du Sénat. Compte tenu du risque constitutionnel que représente ce passage de cinq à treize sections, le gouvernement soutiendra les amendements visant à revenir à l’écriture initiale.
Le projet de loi organique procède quant à lui à une série de coordinations, afin d’accompagner la modification des dispositions institutionnelles électorales prévues par le projet de loi ordinaire.
La présentation de ce projet de loi si longtemps attendu, qui constitue une étape importante pour engager la reconstruction de Mayotte, témoigne de l’engagement du gouvernement pour l’archipel. Je sais qu’il reste beaucoup à faire, mais ne doute pas un seul instant que les travaux de l’Assemblée nationale permettront d’enrichir, d’améliorer et de conforter ce texte.
(Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques, remplace M. Pascal Lecamp à la présidence.)
M. Philippe Vigier, rapporteur général et rapporteur pour le titre 1er du projet de loi de programmation. Vous l’avez dit, monsieur le ministre d’État, Mayotte est le territoire de tous les enjeux et de tous les défis. Département depuis 2011 seulement, il est à la fois le plus pauvre et le plus jeune de France. Il y a énormément à faire et les attentes sont très grandes.
Le titre Ier a pour objet de définir non seulement les objectifs que se fixe l’État à Mayotte, mais aussi l’ensemble des moyens financiers qu’il s’engage à mobiliser pour les atteindre. Il faudra naturellement veiller à ce qu’ils se traduisent chaque année dans les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale.
Vous l’avez souligné, ce texte est attendu depuis très longtemps. Chacun a conscience du fait que sa présentation moins de six mois après la loi de reconstruction constitue un signe très fort pour ce territoire si souvent oublié.
Le projet de loi aborde l’immigration et l’intégration, sujets cruciaux pour la sécurité des Mahorais, la convergence sociale, débat extrêmement lourd qu’il convient de mener tous ensemble, mais aussi l’évolution institutionnelle : le département de Mayotte souhaitant être une région, pourquoi ne le serait-il pas, comme les autres DROM (départements et régions d’outre-mer) ?
Il évoque également les attentes en matière d’infrastructures. Il faut tout d’abord reconstruire ce qui a été détruit. Nous avons tous en mémoire les images de la violence du cyclone Chido et, dans une moindre mesure, de la tempête Dikeledi, en janvier 2025. Il faut redonner de l’espoir et susciter la confiance. Sans confiance, rien ne se fera.
La mission interministérielle confiée au général Facon, que nous avons auditionné, a conduit en seulement six mois un travail exceptionnel pour préfigurer le nouvel établissement public, que nous avions imaginé voici dix-huit mois et qui va être opérationnel dans les prochaines semaines.
J’insiste sur l’article 19, dont l’examen a été délégué à la commission des affaires économiques. Il faut avoir conscience qu’il ne sera pas possible de construire des infrastructures sans maîtrise du foncier par des établissements publics et parapublics. Il faut donc trouver des voies de passage pour cela. Je sais que de nombreuses questions se posent, auxquelles nous répondrons certainement lors des débats en commission puis dans l’hémicycle, afin que le mot de spoliation ne puisse pas être employé, que l’on donne des assurances sur la capacité à bâtir ensemble un véritable cadastre dans un contexte où le droit coutumier s’applique, afin que les personnes bénéficiant de ces terrains ne soient pas spoliées et puissent les transmettre à leurs enfants.
À la suite d’un amendement du gouvernement au Sénat, le rapport annexé acte le choix de Grande-Terre pour la construction du nouvel aéroport. Là encore, quelle Arlésienne ! Le calibrage à 1,2 milliard d’euros tient compte des coûts de réactualisation, pour aboutir en 2035 grâce à des financements suffisants.
De même, le port de Longoni doit permettre de construire une véritable zone d’attractivité économique. On souhaite qu’il devienne un grand port maritime, à l’image de la situation existant dans tous les autres territoires ultramarins.
Il ne faudra en outre pas oublier le désenclavement de Petite-Terre, une urgence absolue.
Dans le rapport figurent plusieurs tableaux d’investissements prioritaires. Tout d’abord, 300 millions d’euros doivent soutenir les collectivités territoriales dans la reconstruction des bâtiments publics détruits par le cyclone. Quelque 400 millions d’euros sont destinés aux établissements scolaires. Des crédits sont également prévus pour financer la construction d’un second hôpital, promis dans les années 2018-2019 : il faut aller au bout du chemin. Environ 730 millions d’euros sont en outre programmés jusqu’en 2031 pour résoudre la question de l’eau. Cela passe par la création d’une troisième réserve et la stabilisation définitive des usines de désalinisation.
Face à ces enjeux, mes collègues rapporteurs et moi ferons preuve de la plus grande exigence pour vous aider, monsieur le ministre d’État, à stabiliser les financements. Il est en effet hors de question d’annoncer des sommes qui ne soient pas mobilisables. Les Mahoraises et les Mahorais ont besoin qu’on leur apporte un soutien, mais sans ingénierie derrière le financement, les dossiers n’avanceront pas.
Il importe par ailleurs de revoir le schéma régional d’aménagement et de développement. On n’imagine pas un aéroport sans vie autour. Comment relier Petite-Terre et Grande-Terre ? Comment imaginer les mobilités de demain ? Tout cela doit être réfléchi en amont. L’un des amendements que nous proposons concerne ainsi l’accompagnement des équipes sur place et l’aide à l’ingénierie, en l’absence à Mayotte de capacités suffisantes pour bâtir ce schéma en vingt-quatre mois comme nous le souhaitons.
Notre commission se penchera par ailleurs sur l’article 2, relatif aux conditions de délivrance des titres de séjour pour motif familial, dont Philippe Gosselin est rapporteur. Il s’agit d’un outil indispensable pour lutter contre l’immigration clandestine.
L’article 15, qui relève d’Agnès Firmin Le Bodo, concerne notamment la convergence sociale. Le véhicule de l’ordonnance n’étant pas, selon nous, le plus sécurisé, il conviendra de donner dès 2026 des signes très forts, en matière par exemple de smic ou d’allégements de charges sociales.
L’article 31 comporte une évolution institutionnelle, puisqu’il prévoit une modification du mode de scrutin dans ce département devenu région. Ce changement attendu renvoie également à l’attribution au département de Mayotte de compétences qu’il devrait détenir, sur le modèle de ce qui a cours dans l’Hexagone et dans pratiquement tous les autres territoires ultramarins.
Je remercie toutes celles et ceux qui se sont mobilisés pour ce dossier, parmi lesquels les équipes du ministère des outre-mer, celles de l’ensemble des ministères impliqués et celles de l’Assemblée nationale.
M. Philippe Gosselin, rapporteur pour les titres II et III du projet de loi de programmation. Le projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte est un étage supplémentaire de la fusée. Un premier texte d’urgence avait été publié au mois de février à la suite du cyclone Chido, mais il fallait absolument aller plus loin. Par ailleurs, ce qui nous est proposé aujourd’hui reprend des éléments très attendus depuis 2017-2018. Le cyclone Chido n’a pas été le facteur le plus catastrophique, même s’il a causé beaucoup de dégâts : c’était un révélateur ou un catalyseur de la situation difficile et même extraordinaire de Mayotte, où rien n’est classique, au-delà de l’insularité de ce territoire assez étroit. Sa population, qui est en difficulté, a fait le choix de la France et la départementalisation, en 2011, a définitivement arrimé ce territoire à la République. Cet attachement, fruit d’une histoire singulière, doit se traduire dans des actes et des textes.
Les titres II et III du projet de loi de programmation portent sur des éléments très importants. Il existe deux fléaux à Mayotte, l’insécurité et l’immigration, entre lesquels un lien est souvent faisable. Je ne réduis pas l’immigration à l’insécurité, mais quand l’habitat est insalubre et illégal et que 50 % de la population est d’origine étrangère, dont plus de trois quarts – il est même question de plus de 80 % – de personnes en situation irrégulière, il existe clairement des difficultés particulières. Nier cette réalité serait contre-productif. Le Conseil constitutionnel vient d’ailleurs de considérer, comme il l’avait déjà fait en 2018, que la situation de Mayotte constituait des conditions particulières permettant une réforme du code de la nationalité. C’était attendu, mais ce n’est pas le seul élément du puzzle.
Au sein du titre II, l’article 2 concerne la délivrance des titres de séjour pour motif familial, ce qui est un point très important. À Mayotte, 80 % de l’ensemble des titres de séjour sont délivrés pour ce motif. Il faut donc envoyer un message clair : il n’y aura pas de prime à l’entrée et au maintien de manière illégale à Mayotte dans l’espoir d’une régularisation ultérieure. Il est important de le marteler, de l’inscrire dans la loi et de faire en sorte que cela devienne effectif.
Les articles 3 à 5 portent sur la reconnaissance frauduleuse de paternité. La commune de Mamoudzou servira de centre de coordination pour la lutte en la matière – j’en ai encore parlé ce matin avec le maire. Il faudra évidemment améliorer la détection des actes frauduleux et donner des moyens à Mamoudzou pour s’en occuper. Je rappelle que l’état civil est une compétence régalienne, le maire exerçant deux formes de compétence, au nom de l’État et en tant qu’exécutif local.
L’article 6, comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre d’État, ouvre l’aide au retour volontaire à Mayotte pour les ressortissants en provenance de l’Afrique continentale et des Grands Lacs.
L’article 7 tend à créer un dispositif ad hoc de rétention des familles.
L’article suivant comporte un dispositif inédit de retrait des titres de séjour des parents étrangers dont l’enfant cause un trouble à l’ordre public. C’est également un élément essentiel.
L’article 9 renforcera le contrôle des flux financiers depuis Mayotte afin de prévenir le financement de réseaux de passeurs ou d’autres réseaux criminels.
Face à la prolifération des armes sur le territoire de Mayotte, le titre III instaure un régime de visites domiciliaires, octroie des pouvoirs nouveaux au préfet et, point très important, facilite le contrôle des lieux à usage professionnel pour lutter contre le travail illégal d’une manière un peu plus spécifique.
Pour conclure, il s’agit de donner à Mayotte une loi lui permettant d’avoir enfin une trajectoire adaptée : c’est une chance unique de compléter le volet de la départementalisation de 2011. J’hésite à parler d’acte II, mais c’est évidemment un moment majeur. Chido, je l’ai dit, a été un révélateur, mais n’est pas la cause de notre engagement. Tout autant que d’assurer la reconstruction effective de bâtiments et de services publics, il s’agit d’apporter des réponses aux défis sécuritaires, économiques et migratoires actuels. Pour cela, il faudra des moyens financiers, comme l’a dit le rapporteur général, et des moyens humains, mais aussi une volonté politique forte : ici plus qu’ailleurs il faudra tenir compte des particularités locales, et nous avons une obligation non seulement de moyens, matériels et humains, mais de résultats.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, rapporteure pour le titre IV du projet de loi de programmation. Mayotte est le territoire de tous les défis. Quelques mois après l’adoption du projet de loi d’urgence faisant suite au cyclone Chido, nous sommes réunis pour travailler sur la refondation de Mayotte. Notre commission examine au fond une partie du titre IV, intitulé « façonner l’avenir de Mayotte » et qui comporte plusieurs mesures concernant la santé, la convergence sociale, le sport et la culture, ainsi que l’attractivité du territoire pour les fonctionnaires.
Le chapitre Ier du titre IV, qui vise à « garantir aux Mahorais l’accès aux biens et aux ressources essentiels », débute par un article 14 – très attendu – relatif au recensement. Il est nécessaire parce qu’il ouvrira des perspectives de développement pour le territoire. Début 2024, l’Insee estimait la population de Mayotte à environ 320 000 personnes. Le dernier recensement exhaustif datant de 2017, ce chiffre est très contesté. Un nouveau recensement intégral permettra d’obtenir un chiffrage fiable de la population et d’adapter en conséquence les dotations et les services publics. Un sujet d’inquiétude est cependant apparu au cours des auditions à propos du financement du recensement, qui doit être assuré par les communes et compensé seulement en partie par l’État au moyen d’une dotation. Je présenterai un amendement qui propose un versement anticipé pour que les communes mahoraises n’aient pas à avancer les fonds. Monsieur le ministre d’État, il convient de faire un geste en faveur de ces communes afin de leur permettre de préparer le recensement sereinement, sans difficultés de trésorerie.
L’article 15 poursuit la mise en œuvre de la convergence sociale attendue par les Mahorais depuis la départementalisation, en habilitant le gouvernement à prendre par ordonnances des mesures en ce sens. Mon collègue Philippe Vigier a qualifié de peu sécurisé cet article, qui me paraît effectivement imprécis quant au calendrier et au rythme de la convergence, explicités dans l’étude d’impact et le rapport transmis par le gouvernement en application de la loi d’urgence – alignement des prestations sociales et du smic d’ici à 2031, et des cotisations sociales d’ici à 2036. Monsieur le ministre d’État, vous savez que les parlementaires n’aiment pas trop les ordonnances. Nous suivrons de très près le respect des différents engagements pris par le gouvernement, afin de nous assurer que la promesse républicaine d’égalité est tenue. Je proposerai à cet effet des amendements, avec le soutien d’une partie de mes collègues. L’un vise à assurer une information précise et régulière du Parlement sur les mesures de convergence prises chaque année. Trois autres amendements tendent à inscrire dans la loi elle-même quelques mesures qui nous semblent particulièrement importantes et urgentes : une revalorisation du smic brut dès le 1er janvier 2026, une revalorisation exceptionnelle des retraites actuellement servies et des mesures au service de la compétitivité des entreprises.
Au sujet des retraites, je précise que l’article 16 prévoit une mesure pour les régimes complémentaires des contractuels de droit public à Mayotte.
Le texte traite ensuite de deux points importants en rapport avec l’amélioration de l’offre de soins et l’organisation des soins de ville.
Tout d’abord, les conditions pour ouvrir des pharmacies d’officine ne sont pas les mêmes à Mayotte que dans l’Hexagone. À Mayotte, une licence autorisant l’ouverture d’une pharmacie d’officine est accordée par tranche entière de 7 000 habitants dans les communes d’au moins 15 000 habitants. Dans les communes de moins de 15 000 habitants, cette tranche peut être appréciée au niveau du territoire de santé, Mayotte constituant actuellement un seul et même territoire de santé.
L’article 17 tend à permettre l’ouverture de pharmacies d’officine dans les communes qui ne comptent pas 7 000 habitants si elles sont comprises dans une intercommunalité de plus de 7 000 habitants selon les chiffres du dernier recensement officiel. Je pense qu’il est préférable d’en rester à l’échelle du territoire de santé, le directeur de l’ARS (agence régionale de santé) pouvant autoriser dans ce cadre, par dérogation, l’ouverture de nouvelles pharmacies, après avoir recueilli un avis simple de l’Ordre national des pharmaciens.
J’insiste sur le fait que la réglementation relative à l’ouverture de nouvelles pharmacies doit évoluer en parallèle d’un changement dans les circuits de distribution des médicaments à Mayotte. Ces derniers continuent à être distribués dans les centres médicaux de référence, à partir de l’hôpital, et au centre hospitalier : 80 % de la distribution de médicaments reposent sur le budget de ce centre, ce qui n’est pas normal. Je vous proposerai d’adopter deux amendements à ce sujet.
L’article 18 traite de la représentation des professionnels de santé de Mayotte dans l’Union régionale des professionnels de santé de l’océan Indien. Le nombre de médecins et d’autres professionnels de santé libéraux exerçant à Mayotte est faible. Cependant, maintenir des unions régionales de professionnels de santé (URPS) communes à La Réunion et à Mayotte n’a pas paru souhaitable à nos collègues sénateurs, quand bien même la représentation des professionnels de Mayotte serait améliorée. Il est important de prendre en compte la situation particulière de ce territoire et ses problématiques de santé propres. Les sénateurs ont donc souhaité créer des unions régionales de professionnels de santé de Mayotte. Je proposerai par amendement de créer une union interprofessionnelle des professionnels de santé de Mayotte afin qu’il n’y ait qu’une seule URPS, qui constituera l’interlocuteur de l’ARS et réunira des représentants des dix professions de santé concernées. Il nous faudra aussi réfléchir, vous l’avez dit, monsieur le ministre d’État, monsieur le rapporteur général, à des mesures relatives à l’accès aux soins en médecine de ville.
Le texte vise aussi, à l’article 27, à créer un fonds de soutien en faveur des communes et des établissements publics de coopération intercommunale.
Enfin, les articles 28 et 29 cherchent à améliorer l’attractivité de la fonction publique en créant une priorité légale de mutation pour les fonctionnaires de l’État ayant accompli au moins trois années de service effectif dans un emploi à Mayotte – je proposerai d’étendre cette mesure à la fonction publique hospitalière – et en accordant aux fonctionnaires de l’État et hospitaliers à Mayotte un avantage spécifique en matière d’ancienneté.
Je me joins aux remerciements adressés à toutes les équipes, des ministères et de l’Assemblée, qui nous ont accompagnés.
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure pour les titres V et VI du projet de loi de programmation, rapporteure du projet de loi organique. Mayotte n’a jamais eu de loi de programmation pour structurer son développement : il ne s’agit donc pas de reconstruire, mais de construire. Notre département est en alerte rouge cramoisi à tous les niveaux et l’était bien avant les cyclones Chido et Dikeledi. Ce projet de loi de programmation n’est pas un luxe : nous le voyons comme une loi de rattrapage – enfin.
Je dis « enfin » parce que nous n’avons pas accès, à Mayotte, aux droits fondamentaux. Pas d’accès normal à l’eau du robinet, disponible seulement quelques heures tous les deux jours. Pas d’accès à la santé, et notre désert médical se traduit par huit années d’espérance de vie en moins. Notre unique hôpital a été largement détruit et ne fonctionne actuellement que grâce à la réserve sanitaire. Seuls deux postes d’urgentistes sont pourvus, sur quarante ouverts. Les assurés sociaux que nous sommes doivent prendre l’avion à leurs frais pour aller se faire soigner à La Réunion ou dans l’Hexagone. Pas d’accès non plus à l’éducation : alors que les enfants étaient en rotation dans les salles de classe depuis des années, beaucoup n’ont plus que deux heures de cours par jour depuis Chido et l’examen du brevet a été annulé. Pas d’accès à nos droits sociaux : seules 50 % des prestations sociales françaises existent à Mayotte, pour 50 % du montant national, alors que le coût de la vie est de 150 % plus élevé que dans l’Hexagone s’agissant du panier alimentaire. De même, l’accès au sport et à la culture est plus que limité. On ne mène pas à Mayotte une vie normale, on est dans la survie, dans une logique permanente d’urgence, pour assurer ses besoins vitaux. D’autre part, personne n’ignore les flux migratoires qui déstabilisent notre île, ni les ingérences comoriennes. Plus de la moitié de la population est étrangère à Mayotte. Dire que notre territoire fait face à des défis hors du commun n’est donc pas exagéré. Les cyclones Chido et Dikeledi ne sont que d’énièmes calamités qui l’accablent.
Après les visites présidentielle et ministérielles, force est de constater que, malgré les grandes annonces et les promesses, l’État n’est pas à la hauteur. Six mois après Chido, pas un seul chantier de reconstruction n’a commencé. S’il faut se réjouir que certaines réparations aient été entreprises, la reconstruction n’a pas débuté. L’établissement public qui en est chargé n’est toujours pas opérationnel et Mayotte attend sous des bâches. Six mois après Chido, les services de l’État n’ont toujours pas payé les collectivités et les entreprises qui ont œuvré au déblaiement et au nettoyage de notre île. Les trois quarts des salariés de Mayotte sont au chômage technique. Si les entreprises ont survécu au cyclone, l’inertie de l’État les tue.
Mayotte trouve malgré tout, malgré une adversité inouïe, l’énergie pour se battre. Notre territoire a connu depuis plusieurs décennies une succession de crises sociales et de violences au cours desquelles ont été réclamées à cor et à cri l’égalité, la pleine citoyenneté et la dignité, pour vivre normalement, comme nos compatriotes. Nous ne lâcherons rien dans ce combat républicain. Ce projet de loi Mayotte 2 est très insatisfaisant, mais nous arracherons toute avancée possible et nous nous battrons pour l’étoffer, en gardant à l’esprit qu’il ne s’agit pas d’un projet de loi de finances et qu’il ne nous dit en détail ni comment, ni par qui, ni dans quel délai seront financées la construction de Mayotte et la convergence sociale promise, puisqu’il ne comporte pas d’étude d’impact, ni d’échéancier financier, ni de tableau précis des recettes et des dépenses. Nous entamons donc nos travaux avec détermination et vigilance.
Vous m’avez fait l’honneur de me désigner rapporteure pour les derniers articles du projet de loi de programmation et pour la loi organique, c’est-à-dire le toilettage institutionnel de Mayotte. Ces articles ont trait au statut de la collectivité et à son assemblée délibérante. À Mayotte, régie par l’article 73 de la Constitution, le département a également les compétences d’une région.
L’article 30 du projet de loi de programmation a pour ambition d’élaborer le statut législatif de Mayotte et d’inscrire pleinement dans le droit son statut de collectivité d’outre-mer départementale et régionale, à l’instar de la Guyane et de la Martinique, sous la dénomination « département-région de Mayotte ». Il s’agit d’une codification à droit constant, ou presque, c’est-à-dire à l’exception de la fusion de deux conseils consultatifs. Cet article ne donne donc aucune compétence supplémentaire à la collectivité et ne résout pas le problème du sous-dimensionnement des dotations qui lui sont versées.
Je vous proposerai d’adopter un amendement qui fixe un horizon clair pour le transfert de compétences non exercées par le département de Mayotte à l’heure actuelle. En raison de l’interdiction qui nous est faite de créer des charges financières nouvelles, je ne peux que vous alerter, très fortement, sur le sous-financement structurel du département-région de Mayotte, les transferts financiers étant négociés de gré à gré avec l’État et une opacité totale régnant sur les charges indues. Nonobstant les questions posées par l’orthodoxie de la gestion du conseil départemental, l’absence de visibilité financière de la part de l’État empêche le département-région de Mayotte de développer une vision stratégique ou même une quelconque planification pluriannuelle, ce qui serait pourtant fondamental pour le développement de notre île. Ni cette question ni celle d’une dotation de rattrapage, dont les gouvernements précédents avaient pourtant noté l’importance, ne sont traitées dans le cadre du toilettage institutionnel qui est prévu.
Depuis plus de dix ans, le conseil départemental fait part de son souhait que le mode de scrutin change, pour rapprocher son assemblée d’une assemblée régionale, et que le nombre de conseillers augmente afin de refléter ce qu’on appelle pudiquement le dynamisme démographique de Mayotte. L’article 31 s’y emploie. Le choix a été fait par le gouvernement de découper la circonscription en cinq sections afin de répartir les cinquante-deux sièges de l’assemblée de Mayotte, avec une prime majoritaire de 25 %. Le Sénat a profondément changé les modalités, d’une manière qui peut créer des risques d’inconstitutionnalité. Je vous proposerai donc de revenir au découpage prévu par le gouvernement – cinq sections, une répartition des sièges entre elles à la proportionnelle, avec un minimum de cinq sièges.
Je vous proposerai aussi de réduire la prime majoritaire à dix sièges sur cinquante-deux, soit environ 20 %. Il s’agit d’assurer la pluralité politique sans hypothéquer la stabilité de l’assemblée de Mayotte.
Enfin, je vous proposerai de traiter par amendement la question de l’écart considérable entre la population recensée et le nombre d’inscrits sur les listes électorales. Seulement 30 % des habitants sont inscrits sur les listes à Mayotte, contre environ 70 % dans l’Hexagone. Cet écart reflète la jeunesse de la population, mais aussi la forte proportion de personnes étrangères sur notre île. Aux termes de mon amendement, dès lors que cet écart est supérieur à 60 %, la répartition des sièges se fonde sur le nombre de personnes inscrites sur les listes électorales et non sur la population totale. Cette dérogation au droit commun me semble parfaitement justifiée par la situation très particulière de Mayotte, qui fait face à des revendications et à des ingérences organisées par les Comores ainsi qu’à une instrumentalisation des flux migratoires.
Enfin, les articles 32, 33 et 34 procèdent à des modifications rendues nécessaires par la transformation du département de Mayotte en département-région.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis du projet de loi de programmation. La population de Mayotte attend ce projet de loi de programmation depuis trop longtemps – bien avant les désastres causés par le cyclone Chido. Trop souvent, la promesse d’égalité républicaine est restée lettre morte pour Mayotte. J’en donnerai un seul exemple. L’article 23 du projet de loi de programmation propose un zonage qui classe la totalité de l’île en quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV), mais Mayotte est le territoire où le montant des crédits de cette politique rapporté au nombre d’habitants est le plus faible en France, alors que le taux de pauvreté y est le plus élevé. Cette situation n’est évidemment plus tolérable. La reconstruction de l’île doit être l’occasion d’engager un réel rattrapage en matière d’équipements publics, de droits sociaux et de vitalité économique.
J’en viens aux neuf articles délégués au fond à la commission des affaires économiques.
L’article 10 vise à faciliter les opérations de résorption de l’habitat informel dangereux pour la population, en ramenant d’un mois à quinze jours le délai minimum pour ordonner une évacuation de l’habitat informel motivée par l’existence de risques graves pour la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques ; en assouplissant l’obligation pour le préfet d’annexer une proposition de relogement ou d’hébergement d’urgence à l’arrêté d’évacuation et de démolition ; en réformant les modalités des opérations de flagrance pour permettre de réagir rapidement à la constatation de l’édification de bangas, en particulier par l’extension à de nouvelles catégories d’agents de la possibilité d’effectuer les constats et par l’allongement du délai de flagrance de quatre-vingt-seize heures à sept jours.
L’article 19 a pour objet de faciliter la prise de possession anticipée de terrains dans le cadre des expropriations pour cause d’utilité publique. Cette facilité serait accordée pour certains projets d’équipements publics et pour ceux de reconstruction pilotés par le nouvel établissement public. Il s’agit de gagner plusieurs mois de procédure et d’éviter l’occupation des terrains par des bangas. Nous connaissons tous le caractère très sensible de la question du foncier à Mayotte, et nous devons donc éviter par tous les moyens de donner l’impression aux Mahorais qu’ils sont dépossédés de leurs terres pour des projets qui ne seraient pas clairement définis. La pédagogie est essentielle en la matière.
Les articles 19 bis et 19 ter ont pour objectif de gagner de deux à trois ans de procédure pour la construction du nouvel aéroport de Mayotte, sur le site de Bouyouni. Il s’agit d’abord de recourir à la procédure de la réserve foncière pour commencer à prendre possession des terrains sans attendre que l’ensemble des études aient été achevées, ensuite d’engager une consultation du public ad hoc au lieu de lancer de nouveaux débats publics. Un changement d’emplacement est devenu indispensable à la suite de la naissance d’un volcan au large de Petite-Terre.
L’article 20 permettra utilement d’accélérer les régularisations foncières sur l’île, en réduisant rétroactivement le délai d’usucapion, fixé à dix ans dans les outre-mer, et en repoussant le terme du dispositif des actes notariés renforcés.
L’article 21 me semble également important, dans la mesure où il permettra d’accélérer la construction d’écoles. Il vise à proroger jusqu’au 31 décembre 2030 l’expérimentation permettant de passer des marchés globaux de type conception-réalisation pour la construction d’établissements du premier degré et de l’étendre à ceux du second degré, aux résidences universitaires et aux bâtiments affectés à l’enseignement supérieur public.
L’article 21 bis, issu des travaux du Sénat, tend à exonérer de l’obligation de publicité la passation des marchés relatifs à la construction temporaire de bâtiments scolaires et d’enseignement supérieur, pour les ouvrages dont la valeur est estimée à moins de 3,5 millions d’euros hors taxes.
L’article 23 permettra, je l’ai dit, de classer la totalité de l’île en QPV. C’est une nécessité, mais il convient que les crédits du programme budgétaire Politique de la ville augmentent pour Mayotte ; sinon, cette mesure ne servira à rien.
Enfin, l’article 24 vise à étendre les possibilités de délégation des compétences en matière de pêche et de conchyliculture relevant de la chambre d’agriculture, de la pêche et de l’aquaculture de Mayotte, afin de les transférer à une structure préfigurant un comité régional des pêches maritimes et des élevages marins, dans l’optique de favoriser la structuration de ces filières à Mayotte.
Nous qui n’avons pas vécu là-bas ne pouvons pas prétendre avoir la même compréhension que celles et ceux qui endurent dans leur chair, depuis trop longtemps, des situations extrêmes. Chido n’est qu’un épisode parmi d’autres, certes plus intense, mais malheureusement pas isolé. Tout ce que je pourrais dire à propos de ce projet de loi doit être apprécié à l’aune de mon propre parcours de vie : je suis, moi aussi, ultramarin ; j’ai vécu, moi aussi, un cyclone dévastateur ; je suis confronté, moi aussi, dans mon territoire, à une situation foncière compliquée. Je tenais à le dire.
Mme la présidente Aurélie Trouvé. Nous en venons aux interventions des oratrices et orateurs des groupes.
Mme Anchya Bamana (RN). En 2015, le plan Mayotte 2025 : une ambition pour la République ; en 2016, le plan sur la sécurité ; en 2018, le plan Girardin, « L’action de l’État pour votre quotidien » ; en 2023, l’opération Wuambushu ; en 2024, l’opération Place nette ; fin 2024, le plan Mayotte debout. Depuis la départementalisation, en 2011, les Mahorais voient se succéder des plans pour Mayotte, ils entendent des promesses sociales, en matière éducative, de santé, d’infrastructures, de sécurité, d’accès à l’eau, de souveraineté, etc.
Aujourd’hui, à cause de Chido ou grâce à lui, nous héritons d’un énième plan pour Mayotte. La future loi réglera tous les problèmes : il faut l’espérer, car Emmanuel Macron l’a dit, même si le ministre d’État, ministre des outre-mer, est ensuite venu expliquer à Mayotte que l’État n’avait pas d’argent – cette phrase résonne encore dans les oreilles des Mahorais. Il faut évidemment tout reconstruire, faire redémarrer les institutions et l’activité économique, mais nous avons cinq priorités.
La première est de stopper l’immigration illégale qui déferle chez nous. Tant que la vague migratoire actuelle ne s’arrêtera pas, tout plan sera vain. Je profite de cette tribune pour demander au gouvernement de démanteler le camp de plus de 500 migrants qui vivent dans des conditions inhumaines à Tsoundzou.
La seconde priorité est la lutte contre l’insécurité, comme le veut l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Il n’est pas normal, sur le territoire de la République, que les bus scolaires se fassent caillasser et que les routes soient prises en otage régulièrement par des délinquants.
La troisième priorité est de permettre aux Mahorais d’avoir accès à l’eau du robinet tous les jours. Le gouvernement vient de nommer un troisième préfet « eau » depuis 2023. Or la seule réponse proposée aux Mahorais reste les coupures d’eau. Des solutions ont été présentées au gouvernement, mais en vain. Le droit à l’eau potable figure pourtant dans le code de l’environnement.
Quatrième priorité : il faut une régularisation du foncier. Des moyens doivent être donnés à la Commission d’urgence foncière pour permettre aux Mahorais de devenir propriétaires de leurs terres. Mayotte doit enfin passer du système coutumier de contrôle de la propriété au système cadastral du droit commun. L’article 19 du projet de loi de programmation montre le mépris dans lequel est tenue la volonté des Mahorais, après la suppression du même article dans la loi d’urgence : nous ne voulons pas de dérogation au droit commun en matière d’expropriation.
Cinquièmement, il faut assurer enfin l’égalité sociale. En 2015, le plan Mayotte 2025 la promettait à une échéance de dix ans. Nous y sommes, monsieur le ministre d’État, mais le gouvernement repousse la question à 2031 et vous continuez à parler de convergence sociale alors que les Mahorais revendiquent l’alignement des droits sociaux.
Au-delà de ces urgences, les Mahorais ont le sentiment amer que le projet de loi de programmation est une manœuvre de reconditionnement de promesses anciennes non tenues, sans réelles ambitions ni engagements financiers inédits. L’absence de calendrier précis et de chiffrage des mesures à portée sociale ainsi que la non-ventilation des financements par source empêche toute lecture fiable du projet de loi. Ce flou fait craindre un pilotage politique à vue de cet outil législatif, qui est loin de correspondre à une impulsion nouvelle pour ce département en très grande difficulté. Les Mahorais craignent que ce texte retombe comme un soufflé. Je vous remercie de répondre à leurs cinq préoccupations.
Mme Brigitte Liso (EPR). En décembre 2024, nous l’avons tous en mémoire, la France, à Mayotte, était confrontée à un drame d’une violence extrême. Le cyclone tropical Chido a eu des conséquences désastreuses – des milliers de morts, des bidonvilles rasés, des milliers de vies bouleversées et une catastrophe écologique. La loi d’urgence pour Mayotte du 24 février dernier a été un premier pas important, celui de l’urgence absolue, comme le nom de ce texte l’indique. Le projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte va au-delà de la réponse d’urgence : il engage l’État dans une action structurelle et durable. Ce texte s’inscrit dans la continuité du travail amorcé en février dernier tout en apportant des réponses de fond en matière de lutte contre l’immigration clandestine, de renforcement de la sécurité et de développement économique et social. Composé de six titres, le projet de loi aborde des enjeux cruciaux pour ce département français.
En voici quelques exemples. Le titre II propose des outils renforcés pour lutter contre l’immigration clandestine, notamment en matière de reconnaissance frauduleuse de paternité et de maternité et d’éloignement des personnes en séjour irrégulier. Le titre III consacre la possibilité de visites domiciliaires pour la recherche d’armes. C’est une mesure forte dans un contexte où la violence et l’insécurité ne cessent d’augmenter, menaçant la paix sociale et la cohésion des territoires. Le titre IV comporte des mesures sociales, économiques et éducatives qui sont attendues et indispensables à la prospérité de Mayotte – nous ne pouvons donc que les saluer. Je pense à l’harmonisation des prestations sociales – maternité, invalidité, perte d’autonomie, RSA et smic –, au soutien à l’implantation de pharmacies d’officine et à l’accompagnement des jeunes par la création d’un fonds pour le développement des activités périscolaires et par la prise en charge des frais de déplacement des élèves du deuxième cycle de l’enseignement supérieur en cas d’absence de formation à Mayotte.
S’agissant de la convergence des droits et des prestations, monsieur le ministre d’État, plusieurs échéances ont été avancées, notamment 2031. Pouvez-vous préciser la position du gouvernement ? Considérez-vous, en particulier, que l’objectif est atteignable à cette date ? Par ailleurs, disposez-vous d’un calendrier plus détaillé en ce qui concerne la mise en œuvre ? L’harmonisation de certaines prestations sera-t-elle traitée prioritairement ? Enfin, quelles seront les principales difficultés concernant des prestations spécifiques telles que le smic et les retraites ? Nous ne pouvons pas laisser les Mahorais seuls face à la précarité et à l’insécurité. Ce département mérite une attention particulière et des réponses adaptées aux réalités locales. Nous ne pouvons tolérer que des inégalités territoriales subsistent.
Au vu de l’ensemble des éléments que j’ai mentionnés, le groupe Ensemble pour la République votera en faveur du projet de loi de programmation.
M. Aurélien Taché (LFI-NFP). Depuis le début de l’année, c’est le troisième texte que nous examinons concernant Mayotte. Après des décennies de quasi-abandon, et alors que le cyclone Chido a littéralement dévasté les îles mahoraises, nous devrions nous réjouir d’une telle effervescence législative. Avec trois textes déposés en six mois, nous aurions espéré que le nouveau ministre des outre-mer, dont, à défaut de partager les options, nous saluons le dynamisme, en particulier sur le dossier kanak, et les convictions républicaines affichées, se batte pour que Mayotte devienne enfin, après tout ce que les Mahorais ont enduré, un département à part entière et intègre définitivement la République.
Mais il faut croire que Mayotte ne souffrira jamais assez : une fois encore, l’archipel est sacrifié sur l’autel de l’obsession migratoire du gouvernement et à sa volonté d’en faire un laboratoire de destruction du droit commun.
Le projet de loi présenté en janvier, dont l’objectif était de reconstruire le département en urgence, a surtout entériné une reconstruction au rabais, qui n’a d’ailleurs même pas commencé. La proposition de loi de notre collègue Philippe Gosselin qui l’a suivi a constitué une attaque sans précédent contre le droit du sol, alors que ceux qui arrivent sur l’île en ce moment fuient, pour la plupart, la guerre au Congo – à propos de laquelle la France s’illustre par son silence – et viennent demander l’asile et non la nationalité.
Le texte qui nous est présenté devait concerner le développement de Mayotte et lui permettre de rattraper son retard sur le plan économique et des services publics, seule manière de s’attaquer vraiment aux problèmes de l’archipel, qui a fait l’objet d’un sous-investissement chronique depuis 1946. Certes, au milieu de nombreux articles qui s’attaquent aux droits fondamentaux des personnes vivant à Mayotte, ce texte contient la promesse d’un nouvel hôpital – le département n’en compte qu’un seul – et d’un aéroport. Toutefois, pas un centime n’est prévu pour les financer. Et qu’est-il envisagé en faveur de l’école, de l’emploi, de l’insertion des jeunes ou d’une politique du logement digne de ce nom ? Absolument rien ! Pire, les mesures dont nous pensions nous être débarrassés en janvier, permettant d’exproprier les Mahorais de la manière la plus brutale qui soit, sont finalement réintroduites. Enfin, il faudra attendre 2031, au mieux, pour espérer aligner le smic et les prestations sociales sur les montants appliqués partout ailleurs en France ; personne n’y croit !
En revanche, ce texte engage un recul tous azimuts des libertés et des droits : création d’une condition de résidence habituelle de sept ans pour obtenir la carte de séjour au titre des liens personnels et familiaux, ce qui empêchera de nombreux Mahorais de retrouver leurs proches ou de vivre avec eux, y compris pour leur apporter une assistance médicale alors que le système de santé est en ruine ; délai de résidence à Mayotte porté à cinq ans pour obtenir la carte de parent d’enfant français – c’est une véritable honte ! Cette mesure plongera des milliers d’enfants dans une précarité familiale inédite, les privant du droit à une vie normale. Il en est de même des dispositions qui visent à empêcher l’attribution d’une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » aux parents d’un enfant français sur critère de ressources – c’est scandaleux. Dans le département le plus pauvre de France, dont le taux de chômage est de 40 %, cette mesure revient tout simplement à priver un nombre incalculable d’enfants de l’un de leurs parents. Dans la droite ligne du précédent texte sur le droit du sol à Mayotte, vous vous attaquez aux enfants de Mayotte, monsieur le ministre.
Et que dire des dispositions qui visent à expulser les gens de leur abri de fortune dans un délai de quinze jours, sans même imposer à l’État une obligation de relogement ? À part faire exploser le nombre de sans-abri sur l’archipel, vous n’avez rien trouvé de mieux en six mois ? Là encore, c’est une véritable honte !
Une fois encore, ce texte ne réglera rien des problèmes des Mahorais. Il constitue, en revanche, une vraie mine d’or pour le Rassemblement national qui y trouvera tout ce qu’il faut pour actualiser son programme. Nous nous demandons d’ailleurs si vous ne finirez pas par gouverner avec ce parti et si vous croyez encore un tant soit peu à la vertu des services publics et de l’égalité sociale.
À quand la fin du visa territorialisé ? À quand un plan d’urgence pour les écoles ? À quand une politique globale du logement ? Sur tous ces points, ainsi que sur le rétablissement des droits des Mahorais, les Insoumis feront des propositions. Si elles sont rejetées, nous n’aurons d’autre choix que de nous opposer à ce texte nauséabond.
M. Philippe Naillet (SOC). Plan de développement de Mayotte 2006-2010, schéma d’aménagement régional de Mayotte en 2011, agenda social de Mayotte en 2013, Mayotte 2025 : une ambition pour la République en 2015, contrat de convergence et de transformation pour la période 2019-2022, plan de relance spécifique à Mayotte en 2021, plan Mayotte debout en 2024 et, enfin, refondation de Mayotte en 2025 : disons-le sans détour, les Mahoraises et les Mahorais sont épuisés par les annonces de plans successifs qui s’accumulent depuis vingt ans.
Après le cyclone Chido, qui a accentué les fractures existantes, rappelons que le bilan matériel et humain a été aggravé par le sous-développement de l’île.
Le projet de loi dont nous entamons l’examen n’est donc pas anodin. Un texte qui ne traiterait pas véritablement des difficultés croissantes auxquelles sont confrontés nos concitoyens à Mayotte ne ferait que s’ajouter à la litanie des annonces faites en grande pompe et non suivies d’effet et à la liste des promesses aussitôt enterrées.
Le dernier-né des départements français est de très loin le plus pauvre de France : 77 % de sa population vit sous le seuil de pauvreté et les inégalités ne cessent d’augmenter fortement. L’île manque de tout, comme je l’ai constaté en me rendant sur place, début mai, avec une délégation de parlementaires conviés par la CGT locale. À l’hôpital de Mamoudzou, les files d’attente se prolongent jusque dans les couloirs, les toits portent encore les stigmates du cyclone et les agents travaillent dans des conditions matérielles inacceptables – le service de médecine du CHM (centre hospitalier de Mayotte) ne compte que 55 lits pour 350 000 habitants. En matière d’éducation, les cours sont organisés de manière alternée dans la moitié des 221 écoles de l’île. L’accès à l’eau potable pour tous les Mahorais est impossible.
Ces réalités – on pourrait multiplier les exemples – justifient d’adopter des dispositifs ciblés, chiffrés et assortis d’un calendrier opérationnel. Or, si le projet de loi prévoit bien des orientations, il ne les traduit que partiellement en engagements concrets. Doté d’un volet programmatique et assorti d’un engagement budgétaire de 4 milliards d’euros, le texte contient certains éléments porteurs de transformations qui semblent aller dans le bon sens.
Toutefois, il présente également d’importantes lacunes, notamment en matière de concertation locale et de lisibilité budgétaire, en particulier dans son volet migratoire, qui soulève de sérieuses préoccupations en matière de droits humains et de droit supérieur de l’enfant.
Les mécanismes implicites d’exclusion que contient encore le texte ou qu’il laisse subsister contredisent l’esprit de départementalisation souhaité. Soyons clairs : les Mahorais ne demandent pas de traitement de faveur ; ils veulent l’application du droit commun, en vertu de l’égalité républicaine. L’absence de calendrier d’alignement des prestations sociales, la persistance de dispositifs dérogatoires injustes, le flou autour des moyens alloués aux services publics, ou encore l’instrumentalisation de la question migratoire ne sont pas à la hauteur de la justice et de l’égalité que réclame le territoire.
Enfin, il faut compléter les mesures en matière de lutte contre l’habitat indigne et de construction de logements et renforcer l’ambition concernant l’offre de soins, la jeunesse et la relance économique, laquelle ne pourra se limiter à l’instauration d’une zone franche globale.
Vous l’avez compris : les députés Socialistes et apparentés abordent l’examen du projet de loi avec responsabilité et gravité ; notre groupe souhaite améliorer la copie du Sénat, dépasser les incantations vaines et mettre en œuvre l’égalité réelle. Voilà non pas la promesse à faire, mais l’objectif à atteindre pour que, partout, la République se tienne debout ; debout à côté de ses habitants, debout à côté des Mahoraises et des Mahorais.
M. Olivier Marleix (DR). Le groupe Droite républicaine soutiendra ce texte, nécessaire pour accélérer la reconstruction de Mayotte. Cependant, ne nous racontons pas d’histoires : un sujet central conditionne tout le reste, celui de l’immigration non contrôlée, voire hors de contrôle, qui submerge l’île et crée des problèmes insolubles dans tous les domaines. En matière de scolarisation des enfants, tout d’abord : le maire de Mamoudzou m’a expliqué devoir ouvrir une salle de classe par jour – quel autre maire en France serait capable de réagir face à un tel défi ? En matière sanitaire, ensuite, avec des centres de santé totalement submergés – permettez-moi d’exprimer notre admiration à l’égard des médecins et des soignants qui y travaillent. En matière de logement, également, ce qui se traduit par une précarité indigne du territoire de la République – la quasi-totalité des personnes décédées durant le cyclone se concentraient dans les bidonvilles. En matière d’insécurité, enfin : la violence est malheureusement partout dans l’île. Cette situation ne peut que faire honte aux représentants de la nation que nous sommes.
Nous ne changerons rien si nous n’opérons pas une rupture fondamentale en matière de contrôle de l’immigration, sujet qui est, pour moi, au cœur de la reprise en main et de l’avenir du territoire. Qu’en est-il, monsieur le ministre d’État, du « rideau de fer » maritime et de la mobilisation des moyens de la marine nationale annoncée depuis trois ans pour barrer physiquement l’accès à Mayotte ? Et qu’en est-il du radar de la base navale, en panne depuis plusieurs années, qui permettait de détecter l’arrivée des embarcations comoriennes ? Qu’attendons-nous pour en installer un nouveau, notamment sur l’îlot de Mtsamboro, afin de donner une longueur d’avance aux forces chargées d’intercepter les bateaux ?
Venons-en au titre de séjour territorialisé, par lequel nous acceptons ce que nous n’accepterions nulle part ailleurs sur le territoire de la République – ce qui est révoltant pour nos compatriotes mahorais. Qui accepterait en effet qu’un titre de séjour assigne les arrivants à rester dans le territoire de la Seine-Saint-Denis ou de l’Essonne, par exemple ? C’est inconcevable et contraire au principe républicain d’égalité. Rappelons qu’un visa était nécessaire pour venir des Comores jusqu’en 1990, date à laquelle il a été supprimé par le président Mitterrand ; la droite l’a ensuite rétabli en 1995 ; en 2014, vous avez vous-même créé, monsieur le premier ministre, ce titre territorialisé, qu’il est désormais temps d’abroger, conformément aux engagements du président de la République il y a quelques semaines, lorsqu’il s’est rendu sur place. Nous prouverons ainsi que nous nous donnons les moyens de contrôler enfin l’immigration.
Dans cette attente, il faut durcir son attribution. Chaque année, entre 10 000 et 14 000 titres de séjour sont délivrés, soit 100 000 à 140 000 en dix ans : ne nous étonnons pas que la population soit composée pour moitié de personnes étrangères, sans parler des clandestins – à tel point, d’ailleurs, que les autorités reconnaissent leur incapacité à dénombrer la population qui vit à Mayotte. C’est le seul territoire dans lequel le préfet se sent obligé de délivrer un titre de séjour pour les parents d’enfants nés sur le territoire de la République, au prétexte qu’ils ont vocation à devenir un jour français ; c’est une aberration totale. Se pose aussi la question de la vérification des documents fournis pour obtenir ce titre de séjour : une fois encore, la vigilance est moins grande à Mayotte que pour n’importe quel titre de séjour dans le territoire métropolitain – comme si cela n’avait que peu d’importance du moment que les arrivants restent à Mayotte. Cela traduit un mépris insupportable. Il faudrait, en attendant son abrogation, qu’une circulaire précise les conditions de délivrance strictes de ce titre de séjour, ce qui n’est pas très compliqué.
Mme Dominique Voynet (EcoS). Permettez-moi d’exprimer un regret, monsieur le ministre : nous avons eu peu d’occasions de vous entendre depuis l’examen du projet de loi d’urgence pour Mayotte, après engagement de la procédure accélérée, alors même que les bangas dans les bidonvilles étaient pratiquement reconstruits. Je mesure la lourdeur de votre agenda et si c’est pour parachever un accord en Nouvelle-Calédonie, je vous pardonne. Mais tout de même : que penser de cette audition, qui intervient à quelques heures du début de l’examen du texte, pour lequel le gouvernement a également engagé la procédure accélérée ? Nos amendements ont été déposés dans le brouillard, sans que nous puissions tenir compte de ce que vous alliez nous dire. Il ne nous aura pas non plus été possible de prendre en compte l’audition du préfet de Mayotte, également postérieure à la date de clôture du dépôt des amendements. Nous nous rattraperons, ou pas, en séance publique ; néanmoins, cette situation montre, encore une fois, que nous légiférons mal et c’est préoccupant. Voilà pour la méthode.
Dans ce texte, vous faites le choix de cibler à nouveau la population étrangère en situation irrégulière. Après la loi d’urgence examinée en janvier, dont aucune disposition ou presque n’a vu le jour, après la proposition de loi examinée en avril qui durcit les conditions d’accès à la nationalité française et grignote le droit du sol, voilà qui fera plaisir au collectif de Safina Soula, mais ne résoudra rien sur le fond.
Sans chercher à polémiquer, j’exprime un désaccord sur le diagnostic posé concernant les motivations des personnes qui franchissent, au péril de leur vie, le bras de mer qui sépare Anjouan de Mayotte : elles viennent non pas pour obtenir un titre de séjour à l’usure ou, un jour, un passeport français, mais pour manger, travailler et pour que leurs enfants aillent à l’école, parce que la situation qui leur est faite aux Comores est encore plus misérable et précaire que celle qu’ils connaissent à Mayotte.
Nous reviendrons, article par article, sur les dispositions envisagées, dont certaines portent atteinte à plusieurs droits fondamentaux et ont été dénoncées par la Défenseure des droits. Mais, sans attendre, nous apportons notre soutien aux élus mahorais de tous bords qui militent pour la fin des titres de séjour territorialisés. Nous aurions aimé disposer d’un bilan lucide des évacuations effectuées, grâce au doublement des effectifs de police et de gendarmerie, dans le cadre de l’opération Wuambushu en 2023, puis de Place nette – quel terme odieux ! – en 2024. France Info nous apprend que 700 bangas auraient été détruits en deux mois au cours de la première, au prix de la reconstitution d’un quartier de bangas à Combani, et que 1 300 l’auraient été un an après, au cours de la deuxième. Quel bilan tirez-vous de ces opérations spectaculaires, coûteuses et largement médiatisées ?
Nous aurons l’occasion de débattre de la méthode, qui me paraît robuste, de l’établissement public de reconstruction de Mayotte, de la stratégie quinquennale pour la reconstruction – terme sans doute plus lucide que celui de refondation –, de ses trois grands axes et de ses quatre domaines transverses. Nous examinerons le rapport annexé au projet de loi et les engagements financiers qu’il comporte. Néanmoins, le bilan des plans antérieurs a-t-il été dressé ? Il y eut le plan Mayotte 2025 : une ambition pour la République, adopté après les émeutes de 2011 et de 2016, puis la déclinaison pour Mayotte du plan de relance post-covid France 2030, sans compter les plans sectoriels pour l’eau, l’école ou les petites et moyennes industries (PMI). Comment ne pas reproduire les mêmes échecs ni s’exposer aux mêmes déconvenues ? Comment rétablir la confiance ? Je vous pose la question, monsieur le ministre, comme à chacun et à chacune d’entre nous. Je poserai ultérieurement deux autres questions sur l’aéroport et sur l’hôpital.
Mme Blandine Brocard (Dem). Parler de Mayotte, ce n’est pas simplement commenter un texte et des dispositions législatives ; c’est porter une part de la douleur, de la colère et des attentes d’un territoire français et de nos compatriotes, les Mahorais, qui appellent la République à tenir parole.
Il y a quelques mois, le cyclone Chido a frappé Mayotte de plein fouet. Ce n’était pas seulement une catastrophe naturelle, mais l’effondrement d’une situation déjà très précaire – des toitures arrachées, des écoles inondées, des familles sans abri, des services démunis – et l’exacerbation des crises et des urgences accumulées dans les domaines sanitaire, social et institutionnel.
Ce projet de loi est important. Il constitue l’acte 3 de la réponse de l’État, après les mesures d’urgence adoptées en février dernier. Surtout, il marque un changement de méthode : nous passons d’une gestion de crise à une programmation durable. Le gouvernement engage, pour la première fois, une loi de programmation, dotée d’une trajectoire budgétaire de 4 milliards d’euros jusqu’en 2031. Certes, il faudra que nos débats nous éclairent sur la lisibilité de ces budgets, leur temporalité et les engagements concrets auxquels ils correspondent. Une programmation annuelle des investissements est prévue dès 2025 et un comité de suivi, rattaché au premier ministre, en assurera le pilotage. C’est donc bien la première fois qu’un tel niveau d’engagement est consenti pour Mayotte.
Le texte repose sur trois piliers : le droit, l’action sur le terrain et la refondation institutionnelle.
Le droit, tout d’abord. Mayotte fait face à une pression migratoire exceptionnelle. Ce n’est ni une exagération ni un tabou, mais un fait. Il ne peut y avoir de solidarité nationale sans capacité à faire respecter le droit. Et ceux qui, ici, s’en offusquent de manière grandiloquente et caricaturale ne connaissent pas la réalité du territoire. Le texte durcit, à juste titre, les conditions de séjour ; il encadre plus strictement le regroupement familial en excluant les logements illégaux ; il permet le retrait du titre de séjour en cas de manquement éducatif grave ou d’atteinte à l’ordre public par un mineur sous responsabilité ; il lutte aussi contre les fraudes à la filiation en centralisant les reconnaissances de paternité à Mamoudzou. Ces mesures de fermeté constituent aussi des mesures de justice, tant réclamées par les Mahorais eux-mêmes.
L’action sur le terrain, ensuite. Ce sont 730 millions qui seront consacrés à l’eau et à l’assainissement, 407 millions aux hôpitaux ; 1 200 salles de classe qui faisaient défaut avant le cyclone sont prévues – et 4 000 d’ici à 2031 ; il faudrait, en effet, en créer une par jour. Enfin, une nouvelle piste longue à l’aéroport est planifiée, selon des procédures accélérées – c’est aussi une attente de nos compatriotes.
Mayotte a non seulement besoin d’infrastructures, mais aussi de sécurité juridique. L’article 19 facilite les procédures d’expropriation pour les constructions dangereuses ou illégales. C’est un levier d’aménagement, mais non sans garanties ni un encadrement précis, et il s’appliquera dans le respect des droits des personnes concernées. J’espère que nos débats nous permettront d’avancer encore à ce sujet.
La refondation institutionnelle, enfin. Le texte pose les bases d’une collectivité unique, sur le modèle de la Guyane ou de la Martinique : une nouvelle assemblée, élue au scrutin de liste par section, une gouvernance plus représentative, plus claire et plus stable. Ensuite, il répond à une attente très forte, que nous partageons : la convergence des droits sociaux. L’article 15 habilite le gouvernement à légiférer par ordonnances afin de rapprocher les droits en matière de santé, de famille, de retraite et d’emploi de ceux applicables dans l’Hexagone. La convergence ne doit pas être floue ni symbolique. Elle doit être planifiée, financée et effective. Le Parlement doit naturellement y être associé, car l’égalité sociale est une condition de l’égalité républicaine.
À Mayotte, l’attente n’est pas technique, elle est vitale. Le groupe Les Démocrates votera ce texte avec responsabilité. L’archipel ne réclame pas un traitement d’exception, mais la République : rien de plus, rien de moins.
M. Jean Moulliere (HOR). Mayotte est une île à la grande vulnérabilité, confrontée à des difficultés migratoires et sécuritaires comme aucun autre territoire français. Elle connaît également une situation économique et sociale qui se traduit par une précarité tristement inédite : un taux de chômage de 30 %, contre 7,4 % dans l’Hexagone, un niveau de vie médian sept fois plus faible qu’au plan national, des habitats informels qui représentent 30 % de l’habitat total, une très forte insécurité, avec la survenue régulière de bagarres à la machette et de rixes mortelles, ou encore une pénurie de l’offre de soins, en particulier libérale. Les chiffres parlent d’eux-mêmes.
Mayotte est aussi le département le plus sujet à la pression migratoire et à l’immigration illégale. Sur une population estimée à 310 000 habitants, près d’un tiers – soit entre 100 000 et 200 000 personnes – serait en situation irrégulière. Ces personnes vivent dans des situations de grande précarité et d’insécurité, ce qui n’est plus possible.
C’est dans ce contexte déjà très difficile pour les Mahorais que le cyclone Chido, puis la tempête Dikeledi, ont frappé l’île en plein cœur. En raison de ces événements météorologiques extrêmes, l’urgence s’est ajoutée à l’urgence. Aux nombreuses difficultés quotidiennes déjà rencontrées par les Mahorais se sont ajoutés des dégâts humains, matériels et environnementaux sans précédent. L’État a répondu par des mesures fortes : la loi du 24 février 2025 d’urgence pour Mayotte a ainsi entériné de nombreuses avancées visant à faciliter le rétablissement des conditions de vie des Mahorais grâce à l’adaptation des règles de construction, d’urbanisme ou de commande publique, tout en prévoyant des mesures de soutien aux habitants et aux entreprises sur le plan économique et social.
L’État doit désormais recourir à des mesures structurelles pour construire de manière pérenne un cadre de vie à la hauteur des exigences de la République : rétablir l’ordre public, promouvoir la prospérité de l’île, assurer l’accès aux soins. Il le doit aux Mahorais. En effet, l’urgence ne se règle pas seulement sur le court terme ; elle appelle des mesures structurelles fortes, afin de mieux prévenir et gérer les difficultés sur le long terme.
Le groupe Horizons & indépendants soutient bien évidemment cette démarche, ainsi que les mesures prévues dans le projet de loi : lutter contre l’immigration clandestine illégale, lutter contre l’habitat illégal, garantir le respect de l’ordre public grâce à un renforcement du contrôle des armes et de la lutte contre l’emploi d’étrangers sans titre, renforcer l’accès aux soins ou encore moderniser le fonctionnement institutionnel de la collectivité. Ces dispositions apporteront des solutions tangibles aux difficultés rencontrées par nos compatriotes.
Notre groupe prendra toute sa part au débat parlementaire afin d’apporter un soutien concret et des moyens renouvelés à nos compatriotes mahorais, ainsi qu’aux services de l’État qui œuvrent sur place sans relâche. Mayotte est et continuera d’être une île d’avenir. C’est la promesse du présent projet de loi. Faisons en sorte qu’elle se transforme en actes pour les Mahoraises et les Mahorais.
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). En 1841, Mayotte est devenue française, de haute lutte, après que le sultan Andriantsouli a vendu notre île au commandant Passot pour la protéger des assauts de ses voisins. En 2011, elle a accédé à la départementalisation, qui a marqué définitivement son ancrage dans la République, fruit de plusieurs décennies de combat des élus mahorais et de la population. J’espère qu’en 2025 elle obtiendra enfin les moyens d’atteindre l’égalité réelle, sans distinguo, sans excuse d’exception, sans dérogation qui seraient de nature à la faire sortir du champ national et à la maintenir hors du droit commun.
Depuis mon engagement dans le collectif des citoyens, en 2018, et depuis le premier jour de mon premier mandat, en juin 2022, je me bats pour une loi de programmation en faveur de Mayotte, en ayant trois priorités en tête : égalité des droits, développement économique et des infrastructures, lutte contre l’immigration clandestine et les ingérences comoriennes. Ces deux projets de loi constituent une étape pour atteindre ces objectifs ; car nous partons de très, très loin.
Certes, Chido et Dikeledi ont tout dévasté, mais cela fait des décennies que les retards de Mayotte s’accumulent, en raison de l’inaction d’un État qui a fui ses responsabilités. Plusieurs points me font réagir dans votre copie, monsieur le ministre. Le gouvernement a réussi l’exploit de déposer un projet de loi de programmation sans programmation. Aucune trajectoire budgétaire n’est présentée dans le texte, contrairement à ce que l’on trouve dans d’autres lois de programmation, dans les domaines militaire ou de la justice. Pour Mayotte, vous nous renvoyez à un rapport annexé qui sera vite oublié, malheureusement. Les auditions menées dans le cadre du budget nous ont fait comprendre qu’il n’y avait pas, a priori, de trajectoire claire. C’est une manière de faire des promesses sans vous engager. Pourquoi ce traitement différencié alors que la trajectoire devrait être inscrite dans la loi pour en garantir l’effectivité, quoi qu’il arrive, en ces temps d’austérité budgétaire ?
J’en viens à la question migratoire. Le gouvernement ouvre enfin les yeux sur l’immigration qui frappe Mayotte par l’intermédiaire de flux déstabilisateurs en provenance des Comores. Après avoir laissé les bidonvilles détruits par Chido se reconstruire et s’étaler sans agir, il semble enfin décidé à prendre des mesures radicales. La réalité est que Mayotte ne peut plus accueillir d’étrangers. La solidarité de la nation doit jouer : il faut appliquer la continuité territoriale et mettre fin au visa territorialisé. C’était une promesse du gouvernement l’an dernier ; la parole donnée doit être tenue.
L’article 19, qui facilite les expropriations, constitue un autre point d’alerte. Nous ne pouvons pas accepter que l’État prenne nos terres de manière dérogatoire. La propriété est un droit constitutionnel, fondamental, inscrit dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Notre terre est tout ce qu’il nous reste. Le Parlement s’était opposé à cette demande de l’État dans le projet de loi d’urgence. J’espère qu’il se fera de nouveau la voix des Mahorais contre cette prédation officielle. Rien n’empêche l’État de réaliser les grands projets nécessaires à Mayotte, où l’expropriation est déjà possible. Mais il n’est pas question et rien ne justifie de prendre possession de nos terres sans avoir indemnisé au préalable les propriétaires, comme cela se fait ailleurs. Tous les élus, tous les acteurs syndicaux, économiques et de la société civile de Mayotte ont unanimement dénoncé cet article, dont je réclame la suppression.
Le dernier point concerne l’égalité sociale, mère des batailles et urgence républicaine. Les Mahorais continuent de subir une inégalité de traitement dans tous les domaines de notre pacte social – santé, famille, retraites, emploi, prestations sociales, droits, salaire minimal. Nous avions voté, dans la loi d’urgence, une demande de rapport du gouvernement sur les prestations sociales, avec une étude d’impact sur les écarts de niveau de vie des Mahorais et un calendrier d’alignement concerté des prestations sociales sur celles de l’Hexagone. Ce rapport, qui devait être remis trois mois après la promulgation de la loi d’urgence, nous aurait été bien utile pour nos travaux. Où en est-il ?
Le gouvernement propose des ordonnances sans cadrage précis, sans calendrier définitif. Encore une fois, vous vous engagez mais vous refusez de nous communiquer des chiffres. J’ajoute que le général Facon, déjà chargé de la reconstruction et dont nous attendons qu’il entame les travaux, ne peut pas piloter en plus les négociations lancées par le gouvernement sur la convergence sociale.
Mme Émeline K/Bidi (GDR). Depuis que le cyclone Chido a surpris la population mahoraise et détruit l’île aux parfums, la France a, semble-t-il, perçu l’urgence qu’il y a à agir. En l’espace de six mois, c’est le troisième texte dont notre assemblée est saisie. Il faut bien dire que Mayotte, département français, est dans un état de sous-développement indigne de notre République et confronté à un phénomène d’immigration illégale qu’aucun gouvernement n’a jusqu’alors pu, su ou voulu résoudre. Mayotte, département le plus pauvre de France, reste très attractive pour les pays de la zone, confrontés à l’instabilité politique, la guerre ou la famine. Développer l’archipel le rendrait encore plus attractif, mais ne pas le faire reviendrait à l’abandonner. Voilà votre dilemme. C’est cette vision des choses qui a conduit à l’immobilisme et à la situation que nous connaissons.
Aucun gouvernement n’a voulu croire qu’il était possible de conduire en même temps le développement de Mayotte et la lutte contre les phénomènes migratoires. Ces deux objectifs sont-ils égaux à vos yeux, monsieur le ministre ? Si oui, pourquoi les moyens du développement de Mayotte ont-ils, dans le texte, valeur de promesse alors que les mesures de lutte contre l’immigration ont valeur normative ? Pourquoi devrions-nous croire encore aux engagements inscrits dans le rapport annexé, qui n’a pas force de loi ? Plus de 3 milliards d’investissements sont promis alors que le gouvernement prône dans le même temps la réduction des dépenses de l’État et de la sécurité sociale. Le rapport annexé ne serait-il qu’un moyen de nous convaincre de voter un texte qui, dans son volet normatif, adopte une approche strictement sécuritaire et répressive ? Le développement de Mayotte implique-t-il nécessairement de s’affranchir du respect des droits fondamentaux et de violer nos engagements internationaux, notamment s’agissant du droit des enfants ? C’est la question qui me vient au vu du rétablissement d’une disposition que nous avions supprimée grâce à la loi du 26 janvier 2024 : l’enfermement des enfants en centres de rétention. Considérez-vous vraiment que ce recul des droits des enfants est une avancée pour Mayotte ?
Une autre interrogation porte sur l’article 15, qui concerne la convergence des droits sociaux entre Mayotte et l’Hexagone – vous utilisez dans le texte le terme de métropole, auquel vous savez combien nous sommes opposés. La convergence des droits, ce n’est ni l’égalité ni l’équité. Le RSA est inférieur de 50 % à Mayotte à son niveau hexagonal, le montant des allocations familiales est trois fois inférieur, l’aide médicale de l’État ne s’y applique toujours pas. Pensez-vous réellement tendre vers l’égalité à Mayotte et en faire un département français comme les autres en choisissant le régime de l’exception et de la dérogation dans tous les domaines – droit de la nationalité, droit des étrangers, droit de l’urbanisme, droit des marchés publics ? La question n’est pas philosophique, mais politique. Ma collègue Estelle Youssouffa a évoqué le droit de la propriété et l’importance qu’elle accorde aux droits inscrits dans la Constitution ; c’est à l’ensemble des droits que le groupe GDR accorde de l’importance. Or, dans ce texte, ils sont largement bafoués.
Mme Sophie Ricourt Vaginay (UDR). Faut-il encore et toujours le rappeler ? Mayotte est un territoire de la République, un avant-poste de notre souveraineté, dans lequel l’État n’a plus droit à l’erreur. Depuis trop longtemps l’ordre y recule et, avec lui, la loi, l’autorité et la dignité. Ce projet de loi, utile, tardif, attendu, doit être un véritable acte de redressement.
Le cyclone Chido n’a pas seulement détruit des maisons et des entreprises. Il a révélé l’ampleur du chaos : celui d’une urbanisation sauvage, d’une pression migratoire incontrôlée, d’une République à genoux.
Le projet de loi propose plusieurs outils pour reconstruire Mayotte, que nous soutenons : l’accélération des procédures, la transformation de l’établissement public foncier d’aménagement de Mayotte, l’assouplissement du droit de la commande publique ou encore la lutte contre les bidonvilles.
Toutefois, un chantier ne tient pas debout sans fondation. Et la fondation de Mayotte, c’est l’autorité de l’État. Or, dans ce débat, à chaque tentative de restauration de l’ordre, à chaque effort pour établir des règles claires, un même refrain surgit sur les bancs de la gauche : les droits de l’homme, les droits de l’enfant, les conventions internationales. Nous leur répondons : assez d’incantations ! Dans un État de droit, on ne brandit pas la loi, on l’applique ; la détourner, ce n’est pas l’appliquer, mais la pervertir. Il ne suffit pas d’invoquer des principes pour faire oublier la réalité. L’intérêt supérieur de l’enfant, ce n’est pas de naître sur une pirogue surchargée mais de grandir sur un sol stable, dans une école debout, avec de l’eau potable et un État présent.
Il faut le dire avec fermeté : les droits de l’homme ne doivent plus être l’alibi du désordre ni le masque des passeurs ; le droit du sol n’est pas une ruse migratoire ; les bidonvilles ne sont pas des habitats alternatifs ; l’humanité ne réside pas dans le laxisme mais dans la clarté, la justice et la fermeté.
La triste réalité, c’est que Mayotte est une ZAD tropicale où le droit est contourné en permanence et la République absente. Ce texte y remédie en partie en permettant à l’État de reconstruire sans être ligoté par ses propres normes. Il donne aux préfets les pouvoirs d’agir et suspend les rigidités d’un droit devenu parfois complice de l’inaction. Il faut aller plus loin encore : renforcer les expulsions ; interdire la réinstallation illégale ; remettre en cause le droit du sol à Mayotte ; sanctuariser les frontières, comme nos concitoyens mahorais le demandent eux-mêmes. La gauche se complaît dans une lecture moralisatrice du droit, mais oublie que le premier droit, c’est celui de vivre en sécurité. La République ne peut pas être une promesse théorique : elle doit être un ordre tangible, une présence réelle, une autorité assumée.
Nous voterons donc pour ce texte, mais nous veillerons, dans chaque décret, chaque ordonnance, chaque chantier, à ce qu’il ne soit pas une loi d’aménagement de la résignation mais l’acte fondateur d’une renaissance. Mayotte n’a pas besoin de sermons mais de solutions, et nous serons là pour les défendre avec lucidité et sans concession.
M. le président Florent Boudié. Nous en venons aux questions des autres députés.
M. Yoann Gillet (RN). Refonder Mayotte, affirmer l’ambition de la France pour le développement de Mayotte par des mesures structurantes, tel est l’objectif que vous affichez, monsieur le ministre, à l’image des nombreux plans présentés par vos prédécesseurs ces dernières décennies pour ce joyau français – présentés, mais jamais suivis de faits concrets.
Mes questions seront simples et directes, car les Mahorais méritent la vérité. Comment refonder Mayotte sans un travail de fond sur la submersion migratoire, sans fermeté vis-à-vis des Comores, sans suppression pure et simple du droit du sol, sans durcissement du délit de séjour irrégulier ?
Comment prétendez-vous reconstruire Mayotte sans prévoir dans cette loi les mesures de bon sens que réclament les Mahorais et le Rassemblement national ?
Comment reconstruire Mayotte et lui donner les perspectives de développement qu’elle mérite, notamment économiques, sans un travail sérieux, attendu depuis si longtemps, sur le foncier et l’établissement du cadastre ?
Comment imaginer l’avenir sans solution immédiate, par exemple des bateaux-usines afin que les Mahorais ne manquent plus d’eau potable, comme c’est encore le cas malgré vos promesses et celles du président de la République ?
Comment respecter les Mahorais sans perspective concrète ni calendrier précis sur la nécessaire convergence avec le droit commun des prestations sociales ?
Comment reconstruire Mayotte sans prendre en compte l’aspiration et les demandes légitimes des Mahorais, relayées et défendues ici par notre collègue députée de Mayotte, Anchya Bamana, qui voue sa vie et son engagement à la défense de son île et des Mahorais, ces Français patriotes de l’océan Indien ?
M. Hervé de Lépinau (RN). Monsieur le ministre d’État, ma question sera très directe et vous constaterez que je suis persévérant. Nous allons engager des milliards d’euros dans la reconstruction de cette île, plus particulièrement de ses infrastructures – adduction d’eau, assainissement, établissements scolaires dans le primaire et le secondaire. Pourriez-vous nous indiquer quelle jauge vous envisagez pour ces investissements, alors que nous ne connaissons pas exactement le nombre d’habitants à Mayotte ? Je renvoie à l’article 14 relatif au recensement : allons-nous construire pour une population de 300 000 personnes, soit le nombre officiel d’habitants à Mayotte, ou pour 500 000 habitants, correspondant à l’addition de la population mahoraise et de la population étrangère en situation irrégulière ?
Mme Maud Petit (Dem). L’article 19, relatif à l’expropriation, semble mettre la charrue avant les bœufs. Mayotte se caractérise par un véritable désordre foncier : beaucoup de transmissions informelles, d’indivisions, un droit cadial oral et des transmissions qui ne sont pas toujours retranscrites, un cadastre incomplet. Nombre de Mahorais sont inquiets, car il est question d’exproprier avant d’avoir dressé un état des lieux et régularisé le foncier – j’ai longuement échangé sur ce sujet avec Kassandrah Chanfi et Madi Boinamani Madi Mari.
Par ailleurs – chat échaudé craint l’eau froide –, les Mahorais demandent une garantie d’indemnisation effective en cas d’expropriation : on m’a cité l’exemple d’un collège à Chiconi qui a été construit sur un terrain privé dont les propriétaires n’ont toujours pas été indemnisés ; cela fait peur aux Mahorais, qui ne veulent plus voir cette situation se reproduire. Certes, le texte prévoit de recourir à la Caisse des dépôts pour provisionner des sommes sur des comptes bloqués, mais il faudrait clarifier ce point. Enfin, les Mahorais veulent la garantie d’une indemnisation juste, fondée sur la valeur réelle du foncier.
Mme Dominique Voynet (EcoS). Monsieur le ministre, vous avez fait preuve de lucidité en renonçant à l’allongement de la piste de l’aéroport : désastreux pour le milieu marin, cet allongement ne permettait pas de relever les défis de la montée du niveau des eaux, de l’enfoncement de l’île au rythme des milliers de secousses telluriques qui rythment la vie des habitants, de la menace que constitue le volcan sous-marin dont la chambre magmatique s’étend jusque sous l’archipel.
En Grande-Terre, vous avez retenu le site de Bouyouni, idéalement placé, j’en conviens, ne serait-ce que pour desserrer la contrainte qui asphyxie Mamoudzou et rééquilibrer le développement au profit de l’Ouest. Mais il s’agit de l’un des greniers de Mayotte : une concertation soigneuse s’impose. Les élus de Mayotte l’exigent ; ils sont choqués, et moi aussi, d’entendre le préfet annoncer que le débat public est terminé. Si l’on veut éviter des recours, des contestations et peut-être même de la violence, il faut entendre cette demande. Le débat public qui a été mené il y a huit ans sur une autre île, pour un autre projet, ne doit pas servir de prétexte pour empêcher un débat. Si chacun s’accorde sur l’opportunité, cela vaut vraiment le coup, s’agissant des modalités, de perdre quelques semaines pour gagner des mois, voire des années.
Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Lors de mon déplacement à Mayotte, en mai dernier, la principale préoccupation des personnes que j’ai rencontrées – acteurs économiques, société civile, collectifs de citoyens et citoyennes mahorais – concernait la fin des dérogations qui maintiennent Mayotte à l’écart du territoire français. Les Mahorais et Mahoraises réclament l’alignement immédiat du smic et des prestations sociales sur ceux en vigueur dans le reste du territoire national. La situation fait douter de la volonté de l’État de les considérer comme des citoyens français à part entière. Ils ne veulent plus attendre. Monsieur le ministre, serez-vous capable de les entendre ?
Par ailleurs, les Mahorais et Mahoraises que j’ai rencontrés réclament la fin du titre de séjour territorialisé, qui n’existe nulle part ailleurs dans le territoire français. Ils attendent la solidarité nationale de la part de l’Hexagone. Monsieur le ministre, serez-vous capable de les entendre ?
Enfin, concernant l’expropriation, les Mahorais et Mahoraises que j’ai rencontrés rejettent l’article 19, relatif à l’expropriation, s’il n’est pas procédé au préalable à un cadastrage sérieux du foncier. Ceux qui ont connu la mise en place de la commission de révision de l’état civil réclament, de la même manière, une commission de régularisation du foncier avant que toute mesure d’expropriation soit envisagée. Monsieur le ministre, serez-vous capable de les entendre ?
Il faut construire Mayotte, et non pas seulement la réparer après le passage du cyclone Chido. Cette construction doit se faire avec les Mahorais et Mahoraises.
M. Philippe Naillet (SOC). Il y a un point qui ne passe pas auprès des syndicats, de nombre d’élus et même d’une partie de la société civile : le recours aux ordonnances prévues à l’article 16. En effet, chacun a encore en mémoire ce qui s’est fait en 2018, c’est-à-dire l’alignement par ordonnances du code du travail. L’enjeu, à Mayotte, est de reconstruire une relation de confiance entre l’État et les Mahorais. Pensez-vous sérieusement que cela passe par le recours aux ordonnances ?
Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). À Mayotte, après le passage du cyclone Chido, l’agriculture a reculé de quinze ans, ce qui a mis en péril la sécurité alimentaire. Le 8 janvier dernier, une aide de 1 000 euros par exploitant agricole était annoncée. Elle a été jugée dérisoire : que faire avec 1 000 euros quand sa ferme a été détruite ?
De plus, d’après les informations qui me sont parvenues, aucun versement n’a été effectué. Les dossiers pour prétendre à l’aide sont en ligne depuis le 13 mai seulement, et la clôture interviendra le 16 juin prochain ; pensez-vous que les agriculteurs mahorais ont pu se permettre d’attendre pour relancer leur production ? Quel soutien apportez-vous réellement à l’agriculture mahoraise, indispensable pour restaurer l’offre alimentaire sur l’île ?
M. Manuel Valls, ministre d’État. D’une manière générale, je l’ai déjà dit publiquement devant la représentation parlementaire, il existe dans les territoires ultramarins un sentiment assez profond d’éloignement de l’Hexagone et d’injustice. Cela dure depuis plusieurs années, sans doute parce que la promesse d’égalité n’a pas été tenue – vieille promesse, née essentiellement chez les socialistes de la SFIO, au moment de la départementalisation, en 1946, et renouvelée par Gaston Defferre, quelques années plus tard, au moment du vote de la loi-cadre – je vous invite à écouter son grand discours prononcé à Dakar le 1er juillet 1956. Cette promesse d’égalité se heurtait à un autre problème : celui de la représentation au Parlement des territoires de la France d’outre-mer, qui était très différente de celle que l’on connaît aujourd’hui. Ce sentiment profond a sans doute été aggravé par l’épidémie de covid, qui a joué un rôle très important dans certains territoires.
Voilà que, par le hasard de la vie politique, je me retrouve chargé de la responsabilité de ces territoires. Je suis conscient des chiffres qui ont été rappelés, notamment concernant le taux de pauvreté à Mayotte – il est aussi très élevé à La Réunion, à près de 37 %, ainsi que dans d’autres territoires. C’est inquiétant. La demande de rattrapage est très forte à l’égard de Paris et de l’État ; c’est normal, car le retard pris dans ces territoires tient beaucoup à leur éloignement et à leurs économies issues de l’histoire, étouffées par de grands groupes. Il y a une responsabilité collective de tous ceux qui ont gouverné.
Pour ma part, j’ai quitté le pouvoir en 2016. Je m’étais rendu à Mayotte en 2015 pour signer le plan Mayotte 2025. Quand j’y suis retourné, abstraction faite des effets de Chido, j’ai constaté que la situation s’était énormément dégradée, malgré les efforts consentis.
Je me suis beaucoup inspiré, pour préparer ce projet de loi, des travaux de Philippe Vigier, qui n’ont pas pu être menés à bout, ainsi que de la proposition de loi qui avait été préparée par Estelle Youssouffa. Si une prise de conscience s’est faite, tant chez les élus que d’une manière générale, beaucoup de retard a été pris, pour de nombreuses raisons, pas seulement financières, mais aussi liées à la compréhension de ce qui est en train de se passer dans ces territoires. Même s’il ne faut pas comparer la Nouvelle-Calédonie et Mayotte : d’un côté, un processus de décolonisation est en jeu tandis que, de l’autre, le dernier département français est profondément attaché à la France et à la République.
Chido est un révélateur. Trois lois ont été évoquées, dont la proposition de loi de l’excellent Philippe Gosselin. Pour ma part, j’ai présenté deux projets de loi. Ces textes peuvent être critiqués, mais notre objectif est de reconstruire. Considérer que le présent projet de loi ne comporte que des mesures migratoires, c’est ne pas l’avoir lu ! Mais j’y reviendrai.
Le rapporteur général a évoqué, comme beaucoup d’entre vous, la programmation. Elle représente à ce stade 3,9 milliards d’investissements pour soutenir le développement de Mayotte. Un amendement adopté au Sénat prévoit la remise au Parlement, avant le 31 décembre 2025, d’une programmation détaillée et annualisée. Le prochain comité interministériel des outre-mer (Ciom), qui se tiendra le 10 juillet 2025, entérinera certains engagements financiers. L’exercice est certes délicat dans un contexte budgétaire contraint, mais je tiens à rappeler qu’au début des discussions interministérielles, la présence d’un tableau financier n’était pas acquise – c’est peut-être à cela que sert un ministre d’État et ancien premier ministre qui connaît un peu l’appareil d’État. Finalement, le tableau est là, et les échéances que je viens d’évoquer permettront d’apporter les précisions attendues. Je sais que le rapporteur général veut encore améliorer et consolider ces éléments. Ces quelque 4 milliards inscrits dans le tableau financier devront être engagés projet par projet.
Madame Firmin Le Bodo, le recensement exhaustif est un engagement du plan Mayotte debout annoncé par François Bayrou il y a quelques mois. Les élus locaux attendent légitimement la réévaluation du chiffre officiel de la population de Mayotte. Nous avons en effet besoin de ces éléments. D’ailleurs, madame la ministre, vous faites, à juste titre, le lien avec la réévaluation des dotations des collectivités. Je partage votre objectif de garantir aux collectivités que la réévaluation des dotations interviendra pour l’exercice 2027. J’essaye surtout d’être réaliste en refusant par exemple de promettre l’égalité sociale tout de suite, au 1er janvier 2026. Aux Mahorais, qui attendent depuis si longtemps, on raconterait une nouvelle fois des bobards ? Non !
Vous proposez la prise en compte des chiffres provisoires du recensement, qui seront connus en juillet 2026. L’expertise technique est en cours avec les services de Bercy ; un calibrage sera nécessaire. Soyons prudents sur cette question : on constate actuellement une chute des naissances. Attendons la fin du recensement – moi-même, je m’étais avancé sur des chiffres, ce qui m’avait valu un débat compétitif avec le président de l’Insee de l’époque – pour disposer des bons chiffres et faire les bonnes évaluations.
Concernant le calendrier, le rapport annexé donne le cadre global. C’est l’article 36 de la loi d’urgence qui est à l’origine d’un rapport donnant des jalons précis dans le cadre de la convergence sociale. Cela vaut notamment pour le smic net, avec 87,5 % du montant national au 1er janvier 2026 – ne me racontez pas qu’on attend 2031 ou la saint-glinglin, monsieur Taché ! –, 90 % au 1er janvier 2027, 92,5 % en janvier 2028, 95 % en janvier 2028 et 100 % au 1er janvier 2031. On peut toujours faire plus vite, mais 87,5 % au 1er janvier 2026, ce n’est pas rien. Ce n’est pas un cadeau que nous faisons aux Mahorais ; ils attendent cette mesure, mais il faut qu’elle soit soutenable pour l’économie et les entreprises.
Je souscris à l’objectif de faire figurer dans la loi tout ce qui peut y être inscrit sans attendre les ordonnances. Je regarderai les amendements que vous proposerez en ce sens, parce que les Mahorais attendent des mesures rapides. La convergence doit débuter en 2026.
Je salue votre travail sur l’article 17. Vous avez ouvert une voie de passage pour concilier l’augmentation du nombre de pharmacies et l’association des professionnels. Je partage votre analyse selon laquelle le développement du nombre de pharmacies est lié à la normalisation du circuit de distribution des médicaments. Je soutiendrai votre amendement visant à créer une URPS interprofessionnelle.
Je vous remercie, monsieur Philippe Gosselin, pour vos analyses sur les questions de sécurité et d’immigration. Ces sujets sont très difficiles, et d’abord sur le plan humain, mais il est nécessaire de les traiter, y compris par des mesures dérogatoires, si l’on veut remédier à ce problème – qui n’est pas le seul, il serait absurde d’en parler en ces termes, mais qui en entraîne beaucoup d’autres. On ne peut pas dire d’un côté qu’il faut écouter les Mahorais et nier de l’autre les difficultés soulevées par l’immigration illégale, qui sont liées à la géographie. Je vous remercie donc, monsieur Gosselin, pour vos propositions, même si l’une d’elles m’étonne – j’en dirai un mot un peu plus tard.
Madame Youssouffa, je vous écoute, comme d’ailleurs Mme Bamana, avec d’autant plus d’intérêt que vous représentez ce territoire. Vous estimez que la reconstruction n’est pas encore engagée. La priorité était de gérer l’urgence et de stabiliser la situation. Je comprends ce que vous dites : les besoins étaient d’autant plus criants que le retard était important. Les services de l’État sont mobilisés en lien avec les collectivités. Il est illusoire de penser que la reconstruction aurait pu être engagée dès le premier trimestre 2025. À Saint-Martin et à Saint-Barthélemy – M. Gumbs s’est exprimé –, touchées par Irma, nous allons inaugurer cet automne deux collèges, lancés en 2017 ; la cité administrative et judiciaire est en cours de construction. Ce sont des chantiers longs, difficiles, et je pense que votre expérience d’élus de terrain sera précieuse, comme celle de Micheline Jacques.
J’évoquais quelques signaux de reprise, qui ne sont d’ailleurs pas liés à l’action du gouvernement, mais à des projets déjà prévus par les collectivités : ouverture de la ligne du Caribus, accueil des navires de croisière, début des travaux de construction de l’usine de dessalement d’Ironi Bé. Les projets antérieurs à Chido se concrétisent : il ne faut pas les minimiser. La mission dirigée par le général Facon présentera, lors du prochain Ciom, une stratégie quinquennale de reconstruction. Elle fera l’objet d’un travail avec les élus et je tiens à ce que les parlementaires mahorais soient consultés ; je le rappellerai au général.
L’objectif est de réunir le conseil d’administration du nouvel établissement public en septembre 2025. La mise en place de cet établissement public, adossé à l’Epfam (établissement public foncier et d’aménagement de Mayotte), qui existait déjà, se fait très rapidement : elle a été décidée au mois de janvier ; les ordonnances sont passées en conseil des ministres ; j’espère que l’on pourra nommer le directeur général très vite. Nous devons aller vite, car nous avons besoin de cet outil – je suis d’accord avec vous, madame Youssouffa.
La dynamique a donc vocation à s’accélérer dans les mois qui viennent. Je comprends l’impatience des Mahorais, mais n’oublions pas trop vite le frein que constitue le sous-dimensionnement des infrastructures – la programmation de 4 milliards a vocation à le traiter – et l’ampleur du choc que représente Chido dans un territoire qui était déjà particulièrement fragile.
Concernant la programmation des investissements, le rapport annexé fixe un cadre qui sécurise les financements ; il précisera la ventilation des crédits. Ces derniers ne pouvant être inscrits que dans la loi de finances, il ne m’était pas possible d’aller plus loin. Je serai attentif à l’inscription des crédits année après année, et vous aurez, en tant que parlementaires, à l’être également.
S’il fallait une seule priorité, ce serait l’école, condition de la formation de la jeunesse. Selon les statistiques, 83 % des élèves ont vingt-quatre heures de cours par semaine ; 7,7 % ont seize heures ; 3,8 % ont école à mi-temps ; 4,5 % ont entre neuf et dix heures par semaine ; enfin, un peu moins de 1 % ont entre deux et quatre heures. Je ne m’en satisfais pas : je veux vingt-quatre heures pour tous les élèves, le plus vite possible, mais je tiens à asseoir ce débat sur des chiffres précis. La situation est déjà suffisamment difficile ; n’en rajoutons pas.
Concernant l’établissement public, l’ordonnance a bien été publiée le 24 mai ; les dispositifs doivent être précisés par décret. Ce décret sera transmis au Conseil d’État dans quelques jours, permettant de publier un texte définitif cet été et d’installer l’établissement à la rentrée.
Madame Bamana, s’agissant de l’eau, il faut anticiper le pire pour ne pas revivre la crise de 2023. Il faut réaliser les grandes infrastructures essentielles pour sortir du stress hydrique. Les deux ou trois prochaines années seront difficiles en raison du retard pris dans la construction des structures – l’État n’est pas le seul responsable. Les travaux sur le site d’Ironi Bé doivent démarrer cette semaine. L’acquisition du foncier pour la troisième retenue collinaire sera achevée fin 2025. Le syndicat Lema (Les Eaux de Mayotte) a enclenché le choix des maîtres d’œuvre et des bureaux d’étude. Tout cela est concret. J’espère qu’aucun grain de sable ne viendra perturber le processus. En lien avec France 2030, nous travaillons sur le déploiement des fontaines atmosphériques, avec pour objectif l’arrivée des premières machines en juillet prochain.
J’entends une nouvelle fois l’expression de doutes sur le tableau de programmation financière. Nous parlons d’une enveloppe de près de 4 milliards, votée en première lecture au Sénat. Refusant l’affichage de sommes artificielles et sans fondement, nous travaillons sur la base des crédits contractuels du contrat de convergence. Le Ciom du 10 juillet et le rapport sur la programmation financière, qui sera remis au Parlement avant la fin de l’année, accompagneront ce travail.
Vous avez évoqué le camp de Tsoundzou 2, où plusieurs centaines d’individus sont regroupés à proximité de la route nationale numéro 2 du village du même nom. Les enjeux sont multiples, en particulier sur le plan sécuritaire et sanitaire. La plupart de ces personnes sont originaires de la Corne de l’Afrique ou de la région des Grands Lacs. On y retrouve des demandeurs d’asile ayant formulé une demande auprès de l’Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides). Lorsque ces demandes ne sont pas satisfaites, des demandeurs se tournent vers la Cour nationale du droit d’asile pour contester la décision. Il ne s’agit donc pas d’une population que l’on retrouve à l’occasion des opérations de résorption de l’habitat illégal : leur expulsion nécessite l’accord d’un pays tiers et la préparation des expulsions, par ailleurs longue et coûteuse à organiser, peut se heurter au refus de certains pays de délivrer des laissez-passer consulaires.
Un premier protocole a été conclu avec la République démocratique du Congo. Cette coopération fonctionne plus ou moins. Sur ce modèle, des négociations sont ouvertes avec la Somalie et le Burundi. Elles sont conclues avec le Rwanda et le ministère des affaires étrangères doit désormais déterminer les modalités de signature du protocole. Un projet d’accord bilatéral portant sur la coopération en matière de migration et de sécurité intérieure est en cours avec la Tanzanie. Il y a donc un levier d’action dans le cadre de l’État de droit et de la diplomatie. Il faut que nous puissions avancer sur ces sujets.
Un autre point doit être souligné : le blocage du bureau des étrangers de la préfecture de Mayotte jusqu’au 19 mai dernier, qui a entravé le traitement des dossiers déposés par des individus séjournant dans ce campement. Bloquer ce service essentiel et saluer les collectifs qui le font contribue à emboliser la situation. Il y a donc d’autres leviers d’action à mobiliser, d’ordre administratif cette fois. Je sais que l’existence de groupements de cette nature constitue bien plus qu’un irritant pour les Mahorais : les mouvements du début d’année 2024 étaient alimentés par la crise de l’eau, mais également par le ras-le-bol à l’égard du camp de Cavani. Il faut donc veiller à la sécurité et au maintien de l’ordre public ; c’est le rôle du préfet et des forces de sécurité.
Plusieurs d’entre vous sont intervenus sur l’article 19 – Mmes Bamana, Youssouffa et Petit, notamment. Je n’ignore pas l’importance de la terre dans la culture mahoraise, la méfiance léguée par le passé et les lacunes du cadastre.
L’article vise à accélérer la construction des infrastructures essentielles à Mayotte en tenant compte de la difficulté, parfois, d’identifier les propriétaires. La prise de possession anticipée des terrains permettra d’éviter de bloquer les travaux tout en garantissant les droits attachés à la propriété privée. Cette procédure n’est pas nouvelle : elle est déjà prévue par le code de l’expropriation pour les travaux intéressant la défense nationale ou de construction d’autoroute, par exemple. Elle est protectrice pour les personnes qui revendiquent la propriété des terrains.
L’article 19 vise à étendre son champ d’application à Mayotte à des cas très précis, jugés stratégiques pour la reconstruction de l’île. La procédure ne sera demandée que pour les projets déclarés d’utilité publique et en cas de difficulté à exécuter les travaux tenant à la prise de possession d’un ou de plusieurs terrains. Le recours à cette procédure nécessitera un décret après avis conforme du Conseil d’État. Le juge pourra prononcer une indemnité spéciale destinée à compenser le préjudice causé par la rapidité de la procédure. Une indemnité provisionnelle d’expropriation sera en outre versée au propriétaire, ou consignée en cas de difficulté. Enfin, l’extension du champ de la procédure ne vaudra que pour dix ans à compter de la promulgation du présent texte. La disposition est donc extrêmement encadrée. Je comprends vos préventions, mais nous devons travailler sur cette question, d’autant que le département et l’État manquent de foncier disponible et que les acquisitions foncières coûtent cher à l’État. En outre – pitié ! –, les expropriations ne sont pas des spoliations. Elles sont indemnisées. Ainsi, pour la ZAC (zone d’aménagement concerté) Tsararano-Dembéni, 29 millions d’euros ont été versés pour 40 hectares de terrains agricoles, dont une trentaine d’hectares constructibles. Comme ailleurs, la valeur du foncier a été fixée à partir du prix de vente de biens similaires. De fait, elle l’a plutôt été à un niveau élevé.
Madame Youssouffa, souffrez que nous ne soyons pas d’accord et que je rappelle la réalité des moyens déployés – la réalité, pas les fantasmes.
M. le président Florent Boudié. Évitons tous les interpellations, je vous prie.
M. Manuel Valls, ministre d’État. Madame Liso, par ce texte, le gouvernement s’engage à achever la convergence sociale avec Mayotte. La politique consiste à rendre possible ce qui est nécessaire, selon la formule du cardinal de Richelieu. Il faudra tenir l’échéance de 2031, en agissant avec méthode, car cela fait longtemps que les Mahorais attendent et leur impatience est légitime.
Depuis plusieurs mois, le CHM fait face, grâce à ses équipes et aux renforts nationaux. Son activité a repris à plus de 80 % – même si cela ne veut pas dire qu’il est en bon état. Les quatre centres médicaux de référence sont opérationnels. Tous les dispensaires ont pu rouvrir, à une exception près, justifiée par des travaux lourds. Une unité sanitaire mobile a utilement complété l’offre du CHM en permettant des consultations et des soins courants.
Toutefois, je ne me satisfais pas de la situation. J’ai trois objectifs : assurer la continuité des soins au quotidien, grâce à la meilleure offre possible ; garantir l’attractivité des postes sur place pour les professionnels, qui détermine l’évolution de l’offre – j’espère que les articles 28 et 29 du présent texte y contribueront ; enfin, investir pour créer l’offre de soins de demain. Ne noircissons pas le tableau, même s’il reste beaucoup à faire. Souvent, les travaux de rénovation de l’hôpital se heurtent à des problèmes non pas financiers, mais de passation de marché.
Monsieur Taché, la convergence avec Mayotte pour les prestations sociales devait initialement aboutir en 2036. Le présent texte vise à avancer cette date de cinq ans, à 2031, sachant que le processus sera engagé dès 2026. Vous devriez donc reconsidérer votre vote !
L’article 7 a été validé par le Conseil d’État. La rétention des mineurs aurait lieu dans des unités distinctes des CRA (centre de rétention administrative) et pour une durée très limitée, de quarante-huit heures maximum. Quelles sont selon vous les solutions alternatives crédibles pour gagner en efficacité ?
L’arrêté d’évacuation prévu à l’article 10 devra être accompagné, aux termes de l’alinéa 5 du même article, d’une proposition de relogement. Les dérogations à cette obligation seront possibles, mais devront être strictement motivées. La réalité est donc très éloignée du tableau que vous en dressez.
Monsieur Marleix, vous avez raison de souligner que l'immigration illégale – plutôt que clandestine – déstabilise Mayotte en fragilisant les services publics, les ressources naturelles et la cohésion sociale. Le « mur de fer » doit monter en gamme afin que nous atteignions 35 000 éloignements par an. Quatre radars légers ont été installés afin de surveiller une bande de 9 nautiques autour de l’île, mais ce n’est pas suffisant. Deux radars plus puissants seront déployés fin 2025 ou début 2026, dont un d’une portée de 30 nautiques – en la matière, les problématiques sont techniques plutôt que financières.
Les vedettes côtières de la gendarmerie maritime ont commencé à être remplacées. Elles le seront intégralement d’ici à cet été. Mayotte bénéficiera également du patrouilleur outre-mer de nouvelle génération qui sera livré au deuxième semestre à la base navale des forces armées dans la zone Sud de l’océan Indien, à La Réunion. La réussite des missions se joue en haute mer, comme l’illustre l’opération Requin, qui a permis d’intercepter un boutre et neuf passeurs, actuellement en détention provisoire.
La territorialisation du titre de séjour fait partie des mesures spécifiques qui ont été nécessaires pour réduire l’attractivité migratoire de Mayotte. De fait, si les titres de séjour délivrés localement permettaient de quitter Mayotte pour rejoindre l’Hexagone ou La Réunion, Mayotte serait encore plus attractive. Je m’étonne que vous soyez si critique de l’action du ministre de l’intérieur et que vous balayiez d’un revers de main le risque de créer un appel d’air en supprimant la territorialisation des titres.
Des aménagements de cette territorialisation sont déjà possibles pour les cartes de résidents, sur autorisation spéciale. Nous pourrons travailler sur les titres de séjour, comme M. le rapporteur général l’a proposé. Le Sénat a également proposé un bilan d’étape. Toutefois, le gouvernement est défavorable à l’abrogation de l’article L. 441-8 du Ceseda (code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile), car il faut réduire les flux. Nous débattons, y compris avec les élus de La Réunion.
Madame Voynet, je ne peux pas vous laisser dire que la loi d’urgence pour Mayotte n’est pas appliquée. Je l’ai dit, la transformation de l’établissement public foncier et d’aménagement de Mayotte avance. Une ordonnance simplifiant les règles de construction à Mayotte a été publiée le 24 mai. Le PTZ prévu dans cette loi est déployé, malgré le scepticisme qu’il suscite et même s’il faut rester très vigilants. Cette loi a en outre permis de nombreuses mesures de simplification des règles d’urbanisme et de passation des marchés publics, ainsi que la prorogation de droits sociaux.
Le préfet a réuni le comité de pilotage local pour la piste longue de l’aéroport de Mayotte le 28 mai. Un échange constructif a eu lieu avec les agriculteurs, qui étaient notamment représentés par les JA (Jeunes Agriculteurs). Ils ont compris que les indemnisations attendues permettront de soutenir la modernisation des pratiques et des outils. L’accompagnement des agriculteurs est une priorité.
Plus généralement, il faut accompagner les professionnels pour renforcer la souveraineté alimentaire, sans négliger d’autres leviers tels que l’intégration régionale.
Je remercie Mme Brocard et M. Moulliere pour leurs propositions, leur vigilance et leur soutien au texte.
Monsieur Naillet, les ordonnances gênent peut-être les parlementaires, mais pas les partenaires sociaux, car elles leur permettent de négocier. Plutôt que d’ancrer toutes les mesures de la convergence dans la loi, nous avons donc choisi de recourir à des ordonnances pour pouvoir consulter les acteurs économiques et sociaux. Certains éléments des ordonnances pourront toutefois en sortir pour entrer dans la loi ; nous y travaillons avec les rapporteurs.
Madame Hignet, il n’est pas vrai que rien n’a été fait pour les agriculteurs. Le fonds de secours pour les outre-mer a été activé, avec un guichet traitant les agriculteurs en priorité. L’enveloppe de 15 millions d’euros mobilisée dans ce cadre est celle qui a été utilisée le plus rapidement. Pas moins de 505 dossiers ont donné lieu à des versements, pour 3,5 millions d’euros. Début juillet, ce seront 600 dossiers. Je souhaite que l’instruction soit la plus rapide possible – je considère, moi aussi, que nous n’allons pas suffisamment vite dans certains domaines.
L’aide financière exceptionnelle pour les entreprises exerçant une activité économique à Mayotte touchées par les conséquences économiques résultant du passage du cyclone, qui a été prolongée de deux mois, bénéficie aux agriculteurs. Le Feder (Fonds européen de développement régional) et le Posei (programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité) sont mobilisés.
Madame Youssouffa, la valeur juridique de la programmation est la même qu’elle soit inscrite dans le dur de la loi ou dans le rapport annexé. Il faudra surtout transcrire cette programmation dans la prochaine loi de finances.
Madame K/Bidi, la lutte contre l’immigration et pour la sécurité est liée aux autres avancées. Ce texte est cohérent. Sans lutte contre l’immigration, rien ne sera possible. Il ne s’agit pas de faire la chasse à quiconque, mais de régler des problèmes. La solution passe par un changement de nos relations avec les Comores, la vérité sur les chiffres du recensement et le déploiement d’une politique publique efficace en matière de reconduite à la frontière. Celui-ci sera long, au vu des problématiques d’aménagement, d’urbanisme et de culture associées notamment aux bidonvilles – que l’on appelle improprement des bangas.
Il faut rétablir la confiance, réinvestir, reconstruire – et pas uniquement dans le cadre de la SIM. Puisqu’il faut agir tant en faveur des droits sociaux, de l’éducation et de la jeunesse que de l’économie, le texte touche à plusieurs sujets. L’école, la convergence sociale et la santé sont des priorités pour les rapporteurs.
Si je n’ai pas répondu à toutes les questions, la discussion des articles me permettra de le faire. Madame Voynet, que ce soit en séance publique, en commission ou par écrit, sachez que je suis toujours disponible pour dresser le bilan de notre action et des lois que vous votez concernant Mayotte.
M. le président Florent Boudié. Je vous remercie.
La séance est levée à 19 heures 10.
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Commissaires aux Lois :
Présents. - M. Xavier Albertini, Mme Léa Balage El Mariky, Mme Anchya Bamana, Mme Émilie Bonnivard, M. Florent Boudié, Mme Blandine Brocard, M. Jean-François Coulomme, Mme Elsa Faucillon, Mme Agnès Firmin Le Bodo, M. Yoann Gillet, M. Philippe Gosselin, M. Guillaume Gouffier Valente, Mme Monique Griseti, Mme Émeline K/Bidi, Mme Brigitte Liso, M. Olivier Marleix, M. Jean Moulliere, Mme Sophie Ricourt Vaginay, Mme Béatrice Roullaud, M. Hervé Saulignac, M. Aurélien Taché, Mme Andrée Taurinya, M. Jean Terlier, M. Philippe Vigier, Mme Estelle Youssouffa
Excusés. - Mme Marie-José Allemand, Mme Sophie Blanc, M. Ian Boucard, Mme Colette Capdevielle, M. Moerani Frébault, M. Jérémie Iordanoff, M. Roland Lescure, Mme Naïma Moutchou, M. Jiovanny William, Mme Caroline Yadan
Assistait également à la réunion. - M. Vincent Caure
Commissaires aux affaires économiques :
Présents. - M. Karim Benbrahim, M. Frantz Gumbs, Mme Mathilde Hignet, M. Harold Huwart, M. Robert Le Bourgeois, M. René Lioret, M. Patrice Martin, M. Max Mathiasin, M. Philippe Naillet, Mme Sandrine Nosbé, Mme Maud Petit, M. Stéphane Peu, M. Dominique Potier, Mme8 Aurélie Trouvé, M. Jean-Pierre Vigier
Assistaient également à la réunion. - Mme Nadège Abomangoli, M. Elie Califer, M. Pascal Lecamp, M. Hervé de Lépinau, Mme Dominique Voynet