Compte rendu

Commission
des lois constitutionnelles,
de la législation
et de l’administration
générale de la République

 Audition de M. Laurent Nuñez, préfet de police de Paris, sur les incidents intervenus en marge de la finale de la Ligue des champions les 31 mai et 1er juin 2025                            2

 


Mardi
10 juin 2025

Séance de 21 heures

Compte rendu n° 74

session ordinaire de 2024-2025

Présidence
de M. Florent Boudié,
président


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La séance est ouverte à 21 heures.

Présidence de M. Florent Boudié, président.

La Commission auditionne M. Laurent Nuñez, préfet de police de Paris, sur les incidents intervenus en marge de la finale de la Ligue des champions les 31 mai et 1er juin 2025.

M. le président Florent Boudié. La finale de la Ligue des champions, bien que disputée à Munich, a rassemblé en région parisienne des dizaines de milliers de supporters, dans l’enceinte du Parc des Princes comme dans d’autres espaces publics. Dès le lendemain, une parade attirant plus de 100 000 personnes s’est tenue sur les Champs-Élysées. En dépit d’un dispositif qualifié de « massif », mobilisant 5 400 policiers et gendarmes et complété par des mesures de restriction de circulation, de fermeture des commerces et d’interdiction de transporter des objets dangereux, la région parisienne a été le théâtre de violences marquées par 570 interpellations, des dizaines de blessés parmi les forces de l’ordre, des tirs de mortier, des actes de vandalisme, mais aussi des agressions à caractère sexuel dont la presse s’est fait l’écho. Le bilan national, encore provisoire, fait état de deux décès, 692 départs de feu et 264 véhicules incendiés.

Vous avez estimé, monsieur le préfet de police, que ce bilan n’était « ni une réussite, ni un échec ». Au regard de ces événements, qui ont ému une partie significative de l’opinion publique, il était normal que la commission des lois, exerçant son pouvoir de contrôle, s’efforce de comprendre les choix opérationnels retenus, d’apprécier la proportionnalité de la réponse engagée, de mesurer l’évolution des profils de fauteurs de troubles et d’en tirer les enseignements nécessaires à l’approche d’autres rassemblements à risque.

M. Laurent Nuñez, préfet de police de Paris. Plusieurs événements devaient être organisés le soir de la finale puis le lendemain.

Le samedi 31 mai, si le match se déroulait en effet à Munich, une retransmission était organisée au Parc des Princes – le stade, accessible uniquement sur titre, était plein –, avec une probabilité très forte que des milliers de personnes se rassemblent à ses abords et, plus largement, dans les débits de boissons et les espaces publics parisiens ; c’est d’ailleurs ce qui s’est produit. Nous devions également gérer, notamment en petite couronne parisienne, des dizaines de fan zones, dont certaines regroupaient plusieurs milliers de participants. Le périmètre des Champs-Élysées, lieu de regroupement habituel les soirs de match, était évidemment aussi concerné. Enfin, nous attendions une foule immense partout dans la capitale en cas de victoire.

Le dimanche 1er juin, une parade devant 110 000 personnes était prévue en cas de victoire du Paris Saint-Germain. Le montage a commencé dès 5 heures du matin. Nous avons également délimité, dès 6 heures, un périmètre de protection autour des Champs et sur une zone élargie. Nous devions en outre assurer, avant la parade, l’escorte des joueurs du Paris Saint-Germain de Roissy jusqu’aux Champs-Élysées. Enfin, par la suite, le trophée a été présenté au Parc des Princes à un public d’abonnés ayant réservé leur billet – l’accès se faisait là encore sur titre.

Une multiplicité d’événements se tenaient donc sur l’ensemble de la plaque parisienne relevant de ma compétence. La foule étant immense, il était aussi indispensable de prévoir un important dispositif anti-véhicules béliers.

Le dispositif s’est d’abord appuyé sur des actions de police administrative, que je pourrai détailler : fermeture très anticipée de la circulation sur les Champs-Élysées, interdictions de stationnement, périmètres dits Silt (en référence à la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme), interdictions de consommation d’alcool sur la voie publique ainsi que de port et de transport d’engins pyrotechniques – bref, toute la panoplie habituellement déployée en pareil cas.

Le dispositif policier, quant à lui, a été élaboré par moi-même, avec l’ensemble de mes équipes, dont une partie m’entoure ce soir. Il a surtout, comme toujours, été conçu conjointement par les représentants de la préfecture de police, des compagnies républicaines de sécurité (CRS) et des gendarmes mobiles, au cours de plusieurs réunions de travail. J’ai eu l’occasion de le présenter au ministre d’État, ministre de l’Intérieur lors d’une réunion qui s’est tenue le 23 mai et qui faisait suite à plusieurs échanges. Ce dispositif a également été présenté, notamment pour la partie concernant les Champs-Élysées, aux élus, aux commerçants ou encore aux transporteurs, lors de réunions organisées avant le week-end de l’Ascension. J’ai moi-même présidé le traditionnel briefing d’avant-événement, qui s’est tenu à 13 heures à la préfecture de police et qui a réuni l’ensemble des responsables des services de sécurité – policiers, CRS, membres des gendarmes mobiles, ainsi que le commandant de la BSPP (brigade de sapeurs‑pompiers de Paris), ici présent.

Le dispositif a mobilisé 5 400 effectifs pour la soirée et la nuit du samedi, ce qui est tout à fait inédit, dont trente-quatre unités de forces mobiles – soit deux de plus que les trente-deux que j’avais demandées au ministre d’État –, le reste étant constitué d’effectifs de la préfecture de police, notamment de la direction de l’ordre public et de la circulation (DOPC) et de la direction de la sécurité de proximité de l’agglomération parisienne (DSPAP). Pour répondre aux remarques qui ont pu être formulées, le ministre d’État ne m’a pas donné moins de renforts que ceux que j’avais demandés. Je relativise d’ailleurs l’importance de ce débat, puisque les unités de forces mobiles ne représentaient qu’un gros tiers de l’effectif mobilisé.

Le lendemain, nous étions 4 800, pour gérer des événements cantonnés aux Champs-Élysées et au Parc des Princes.

Dans les deux cas, la mobilisation a été très supérieure à celle qui prévalait lors d’événements précédents comme la finale de la Ligue des champions perdue en 2020 par le Paris Saint-Germain, couverte par 3 000 effectifs, ou la finale de la Coupe du monde, pour laquelle nous avions prévu 4 000 personnes. La préfecture de police a procédé à de nombreux rappels sur les congés ou les temps de repos, ainsi qu’à de nombreux décalages horaires, pour disposer du maximum de personnels sur les créneaux compris entre 16 heures et 4 heures le samedi et entre 14 heures et 2 heures le dimanche.

Contrairement à ce que j’ai pu lire dans la presse, les forces de l’ordre avaient d’abord pour mission de faire, comme à chaque fois, des contrôles en profondeur : les préfets, les directeurs interdépartementaux de la police nationale (DIPN) et les commandements de groupements de gendarmerie de grande couronne ont procédé, sur réquisition des parquets, à des contrôles dans les gares, à des fouilles ou encore à des contrôles aux péages.

Pour la retransmission au Parc des Princes, nous avions monté un dispositif similaire à celui d’un match de football, en délimitant un périmètre de protection autour du stade et, surtout, en plaçant des effectifs en périphérie, car, forts de l’expérience de la demi-finale contre Arsenal, nous savions que plusieurs milliers de personnes allaient se regrouper, en particulier sur la place de la porte de Saint-Cloud, et probablement créer des incidents – ce qui est arrivé.

Pour les Champs-Élysées, la stratégie retenue a été de fermer la circulation, de sanctuariser totalement la place de l’Étoile – personne, ni véhicule ni piéton, ne pouvait y accéder – et de positionner nos véhicules le long des commerces pour les protéger, en lien très étroit avec la maire du 8e arrondissement, qui a été représentée à toutes les réunions préparatoires. Ces commerces ayant déjà trop souvent subi des pillages les soirs de victoire, j’étais soucieux d’empêcher que cela ne se reproduise – préoccupation partagée par le ministre d’État. Nous étions également présents dans les avenues perpendiculaires à celle des Champs-Élysées, où les commerces sont souvent attaqués les soirs de festivités. Enfin, nous avions monté un dispositif de mobilité, composé de gendarmes mobiles, de compagnies républicaines de sécurité et de compagnies d’intervention de la DOPC, qui étaient chargées de disperser et d’impacter les groupes de personnes commettant des dégradations ou des violences.

Je tiens d’ailleurs à dire que les consignes que j’ai données étaient très claires : en briefing, je parle d’impacter, d’aller au contact. Contrairement à ce que j’ai pu entendre, la doctrine d’intervention des forces de sécurité intérieure consiste bien à intervenir : dès qu’il y a des dégradations ou des violences, nous intervenons, sans aucune hésitation. J’y reviendrai.

Pour le reste, nous avions monté un important dispositif dans les transports, avec plus de soixante-dix équipages mobilisés pour protéger les gares, les lignes et les stations de métro aux abords des lieux les plus sensibles comme les Champs-Élysées ou le Parc des Princes. Partout ailleurs, la DSPAP, forte de plus de 2 000 personnes, saturait toute l’agglomération, avec pour objectif d’être mobile et d’aller au contact des groupes commettant des violences. C’était notamment vrai à la périphérie du dispositif des Champs-Élysées. Parallèlement, au vu de la grande affluence dans la capitale, un important dispositif de circulation avait été mis en place, avec de nombreux points visant à éviter toute voiture folle se précipitant dans la foule, volontairement ou involontairement.

Le dimanche, la première mission consistait à sécuriser les joueurs qui devaient pouvoir se rendre aux Champs-Élysées sans difficulté – ce qui a été le cas –, puis la parade elle-même : 110 000 personnes sur les Champs-Élysées, ce n’est pas rien. À cette fin, nous avons monté trois box, assuré un contrôle de jauge et effectué des fouilles et des palpations systématiques à l’entrée des box, en partie avec le concours d’agents de sécurité du Paris Saint-Germain, qui nous ont d’ailleurs aussi aidés à monter les box.

En vue de la présentation du trophée au Parc des Princes le dimanche soir, nous avions prévu un dispositif à peu près analogue à celui de la veille, c’est-à-dire un périmètre de protection antiterroriste autour du stade, des fouilles et palpations systématiques et une présence massive des forces de l’ordre à la porte de Saint-Cloud ainsi qu’aux abords du stade pour éviter les incidents. Compte tenu de ce qu’il s’était passé la veille, nous avons également tenu les accès au périphérique en mobilisant certains des effectifs affectés à la parade l’après-midi.

Avant d’en venir aux incidents, je tiens à redire que les instructions étaient vraiment claires : les équipes étaient briefées pour aller au contact, disperser et interpeller à la moindre dégradation. C’est ce que nous avons fait très tôt. Je ne laisserai donc pas dire que nous appliquerions une doctrine du passé, qu’il faudrait revoir. Il est assez insupportable d’entendre de telles choses. Les instructions sont les mots que j’emploie – en l’occurrence, « on impacte, on va au contact ».

Je rappelle également que si des milliers de personnes ont afflué partout dans Paris – sur les grands boulevards, place de la République, à la Bastille, à Barbès – et en petite couronne, les incidents ont quant à eux été très sectorisés. La diffusion de vidéos sur les chaînes d’information en continu a pu donner, à ceux qui voulaient le croire, l’impression d’une situation non maîtrisée, mais cela n’a pas été le cas : sur l’ensemble de la plaque parisienne, la situation était totalement maîtrisée, même si tout n’était pas facile pour autant.

Le soir de la retransmission, nous avons vu arriver, autour du Parc des Princes, des centaines puis des milliers de personnes sans billet, qui n’avaient donc pas vocation à entrer dans le stade et dont nous avons rapidement constaté qu’elles se désintéressaient complètement du match. Arrivées très tôt, elles ont manifesté assez tôt des intentions belliqueuses : volonté d’aller au contact des forces de l’ordre, jets de projectiles, intrusions sur le périphérique, tentatives de pénétration en force dans le Parc des Princes pendant la retransmission – tentatives qui ont toutes été repoussées –, nombreuses prises à parti des effectifs. Le profil de ces personnes s’est dessiné très rapidement : il s’agissait de casseurs et de pilleurs, désireux de s’en prendre aux véhicules, aux forces de l’ordre et aux commerces, ce dont ils ont été empêchés par notre très forte réaction.

Ces individus sont aussi descendus à plusieurs reprises sur le périphérique pour bloquer la circulation, pas comme peuvent le faire certains manifestants exprimant des revendications, mais de manière très agressive, en érigeant des barricades ou en installant des barrières Vauban au milieu de la circulation. Il a fallu intervenir à plusieurs reprises pour dégager le périphérique, dans des conditions difficiles, puisque les ponts étaient occupés par des centaines de personnes qui faisaient tomber des pluies de projectiles sur les effectifs descendus dégager les barrages. Le travail a été fait tout à fait correctement, et systématiquement, grâce notamment à l’action des compagnies d’intervention de la DOPC, y compris de la Brav-M (brigade de répression de l’action violente motocycliste), dont on parle si souvent.

Ce soir-là, les images de deux véhicules brûlés ont tourné en boucle sur les chaînes d’information en continu, notamment celles montrant celui que les pompiers sont allés courageusement éteindre. La police est intervenue à de nombreuses reprises et allait systématiquement au contact pour disperser les fauteurs de troubles, essentiellement autour de la porte de Saint-Cloud. Le dispositif a été levé aux alentours de 2 heures du matin.

Aux Champs-Élysées, nous avons également assisté très tôt, dès la fin de l’après-midi, à l’arrivée massive de personnes plutôt jeunes qui, très vite, s’en sont prises aux barrages et se sont livrées à des scènes d’une extrême violence, tout en se désintéressant totalement du match, qu’elles ne regardaient même pas sur leurs portables. En début de deuxième mi-temps ont commencé à affluer des milliers de personnes, affichant là encore une attitude très belliqueuse. Après une tentative d’intrusion sur la place de l’Étoile, j’ai donné l’instruction au DOPC d’utiliser le canon à eau – le match entrait, me semble-t-il, dans sa cinquante-deuxième minute – pour éviter que le barrage ne soit enfoncé. L’analyse selon laquelle nous avions manifestement affaire à des personnes qui n’étaient pas venues pour fêter quoi que ce soit, mais pour casser et piller, s’est donc imposée très vite. Notre réponse a consisté à impacter systématiquement ces groupes qui s’en prenaient aux forces de l’ordre ou tentaient de dégrader et de piller des commerces, de manière très violente.

Nous déplorons malheureusement le pillage d’un magasin de chaussures de sport – j’insiste sur le fait qu’il fut le seul touché sur les Champs-Élysées, même si je ne m’en satisfais pas. Une compagnie y est intervenue en trois minutes. Son commandant m’a confirmé que trente interpellations ont été faites à l’intérieur du magasin, cependant que les forces de l’ordre étaient attaquées depuis l’extérieur par des groupes de casseurs. Une tentative a également touché le magasin Chanel, dont les vitres ont été brisées, mais à l’intérieur duquel les individus n’ont pas pu pénétrer.

L’activité sur les Champs fut donc intense, avec des groupes qui s’en prenaient aux forces de l’ordre et tentaient d’attaquer les commerces et d’investir les rues perpendiculaires – où se trouvent de nombreux commerces de luxe –, ce dont ils ont été systématiquement empêchés.

Quant aux autres périmètres, nous avons également eu beaucoup à faire, notamment en petite couronne. La plupart des directeurs territoriaux de police de ces trois départements, ainsi que les préfets concernés, disent avoir vécu des scènes semblables à celles qui se produisent un 31 décembre ou un 14 juillet. Les effectifs ont eu fort à faire et ont été régulièrement pris à partie. Ils ont fait preuve d’une grande réactivité, conformément aux instructions qui leur avaient été transmises. On dénombre trente interpellations dans les Hauts-de-Seine, quarante-neuf en Seine-Saint-Denis, et dix-neuf dans le Val-de-Marne où, à 22 h 40, c’est-à-dire avant la fin du match, un policier a été renversé par un scooter monté par deux personnes et a perdu connaissance – même si, heureusement, il a rapidement repris ses esprits. De nombreuses actions ont également été conduites par les équipages de la sous-direction de la police régionale des transports (SDPRT) pour dissuader, intervenir et interpeller les groupes à risque dans les transports en commun : 60 kilogrammes de mortier ont été saisis ce soir-là.

J’en viens maintenant aux 8e, 16e et 17e arrondissements – auxquels j’ajoute la partie du 7e située en bord de Seine –, où la situation fut un peu différente. Sur les Champs, n’étaient présents, à un moment donné, que des groupes à risque : le bon public qui voulait y descendre comme à l’accoutumée à la fin du match a vite compris que la situation était compliquée et de nombreuses personnes ont été refoulées ou ont renoncé à s’y rendre. Dans les trois arrondissements évoqués, les groupes de casseurs et de pilleurs étaient plus épars et cherchaient uniquement à entrer par effraction dans les commerces pour y commettre des vols. Les effectifs de la DSPAP sont intervenus systématiquement et ont procédé à de nombreuses interpellations : onze dans un concessionnaire moto en haut de l’avenue de la Grande-Armée, quatre dans un magasin de téléphonie avenue des Ternes, sept dans le Marionnaud de cette même avenue, douze dans un K-Way et trois dans un Zara du 17e arrondissement, cinq dans un Franprix du 8e, une dans le Dainese de l’avenue de la Grande-Armée, deux dans un Maisons du Monde avenue de Wagram – je vous épargne le reste. La grande réactivité du dispositif a ainsi permis de « bondir » sur chacun de ces groupes de casseurs et de pilleurs. Ce soir-là, 70 % des interpellations ont concerné ces trois arrondissements.

Le dimanche, grâce au travail exceptionnel des forces de l’ordre, on ne dénombre quasiment aucun incident. La parade – à laquelle se sont en réalité présentées 150 000 à 160 000 personnes, ce qui nous a obligés à gérer un afflux supplémentaire de près de 50 000 personnes en dehors des barrières – s’est très bien passée. Nous avons noté quelques points de tension sur l’avenue Marceau car, malgré la communication faite en amont, les gens ne comprenaient pas pourquoi ils ne pouvaient pas rentrer, mais tout a été géré de manière remarquable.

Le même constat vaut pour l’escorte des joueurs : les centaines de scooters et de motos qui accompagnaient leur bus ont été canalisés par la DOPC, sans incident à déplorer. Évidemment, une fois qu’ils se trouvaient dans Paris, ils ont fait des rodéos. La Brav-M est allée systématiquement au contact et les a dissuadés. Nous avons vidéo-verbalisé, interpellé et dispersé les rodéos. Personne n’en parle, mais nous l’avons fait, car nous avions prévu cette situation.

Un petit cortège sauvage composé de personnes qui quittaient la parade pour se rendre au Parc des Princes s’est également formé sur l’avenue Montaigne puis sur la place de l’Alma – je mentionne tout ce qui apparaissait dans les vidéos qui ont tourné en boucle sur les chaînes d’information en continu. Nous l’avons impacté puis dispersé et avons, là aussi, procédé à des interpellations.

La nuit n’a pas été très calme sur les Champs : une fois la circulation rétablie, des véhicules sont venus en masse sur l’avenue ainsi que sur la place de l’Étoile et des personnes en sont parfois descendues pour allumer des fumigènes. Là encore, nous avons procédé à des interventions systématiques pour fluidifier la circulation et éviter les incidents. Les effectifs de la DOPC et de la DSPAP, ainsi que les deux escadrons mobiles mobilisés toute la nuit, ont permis d’éviter tout incident, notamment de déjouer une nouvelle tentative d’attaque du magasin Chanel.

Le seul incident majeur, qui a évidemment tourné en boucle et dont je ne nie pas qu’il fut fâcheux, a été la nouvelle intrusion sur le périphérique le dimanche soir. À minuit trente, alors que le stade était vide et que plus personne ne se trouvait autour, j’ai pris la décision – que j’assume, comme toutes celles que j’ai pu prendre ce soir-là – de lever le dispositif. Trois quarts d’heure plus tard, des individus sont arrivés, pour une grande partie en véhicule, et ont utilisé des barrières Vauban qui étaient restées là pour ériger une barricade et bloquer le périphérique pendant quinze à vingt minutes, le temps que nous regroupions nos effectifs pour intervenir de manière sûre – car, là encore, le pont qui surplombait ce barrage était occupé. Ce fut le seul incident notable observé ce dimanche.

Je répondrai aux questions que vous ne manquerez pas de me poser sur le bilan chiffré, le nombre de personnes interpellées, d’agressions sexuelles recensées – elles sont très peu nombreuses – et de blessés, mais il me semblait important de vous livrer, pour conclure ce propos introductif, mon appréciation globale.

D’abord, nous avons eu affaire à des gens qui, dans leur grande majorité, n’étaient venus que pour piller et casser : le niveau de violence a été très élevé, en des lieux multiples et très étendus, de façon simultanée. C’étaient tout sauf des manifestations de joie sportive : des moments festifs ont pu avoir lieu dans l’Est parisien, dans le Marais ou ailleurs, mais pas dans les endroits qui ont fait l’objet d’incidents.

Je tiens également à préciser qu’on ne peut pas mettre en cause les supporters du Paris Saint-Germain. Ces groupes, que nous connaissons, y compris les ultras ou même les hooligans que le club a refoulés et qui n’ont plus le droit d’entrer au stade, ne se sont pas mêlés aux exactions. Nous avions bien affaire à des profils de casseurs et de pilleurs, des individus très déterminés, qui n’hésitaient pas à attaquer les véhicules de police, y compris ceux bloquant la circulation pour protéger les foules, qui sont toujours un peu plus isolés que les autres. Vingt et un de ces véhicules ont ainsi été dégradés, dont cinq ne sont plus roulants. Même les cars transportant les interpellés étaient presque systématiquement attaqués ; cinq d’entre eux sont dégradés.

La soirée fut donc compliquée. Parmi les personnes placées en garde à vue, on compte un tiers de mineurs et 70 % d’entre eux proviennent des quartiers de petite ou de grande couronne. Même si nous ne disposons pas encore du profil de l’ensemble des personnes gardées à vue, sur un échantillon de 160 personnes concernées à Paris, près de 130 sont déjà connues des services : contrairement à ce que j’ai pu entendre, il ne s’agit pas majoritairement de primo-délinquants.

Les prises d’assaut multiples du périphérique sont quant à elles tout à fait inédites. Il peut arriver que le périphérique soit bloqué au cours de manifestations revendicatives de taxis, de forains ou d’agriculteurs, ou encore que des véhicules s’arrêtent pour sortir des drapeaux ou des fumigènes les soirs de match, mais ce soir-là, il s’agissait clairement de personnes qui investissaient le périphérique pour édifier des barrages et s’en prenaient même à des véhicules de particuliers. Heureusement, nous intervenions très vite pour y mettre un terme, même si, encore une fois, les effectifs intervenaient sous des pluies de projectiles lancés par les personnes positionnées, parfois par centaines, sur les ponts surplombant le périphérique.

J’assume la totale responsabilité de ce dispositif. Il a été préparé et calibré, et a permis d’éviter de nombreuses exactions et de nombreuses violences. Le nombre d’interpellations effectuées est totalement inédit : 491 pour l’agglomération parisienne, 79 le dimanche. Il faut remonter à décembre 2018 et au mouvement des gilets jaunes pour retrouver des chiffres aussi élevés. J’insiste sur le fait qu’une très grande partie d’entre elles ont été réalisées dans les 8e, 16e et 17e arrondissements.

Mes instructions, comme celles du ministre d’État, ont été appliquées à la lettre et elles ont été respectées par les forces de sécurité intérieure. Nous sommes allés au contact systématiquement et les images qui tournent en boucle le montrent bien puisqu’on voit bien nos effectifs qui vont au contact, qui interpellent, qui dispersent des groupes et qui empêchent des exactions. Il n’y a pas eu de voiture folle. Il y avait une foule immense, mais nous n’avons pas eu ce genre de difficultés.

Je veux le dire pour rassurer ceux qui peuvent être choqués quand je parle d’impacter, d’aller au contact : il n’y a pas, à ma connaissance, au moment où je vous parle – et j’espère que ce sera le cas dans les jours qui viennent – de gestes policiers déplacés ni de personnes blessées du fait de l’action de la police. Ce soir-là, l’action a été offensive, efficace et proportionnée.

Je suis devant vous pour répondre du dispositif avec beaucoup de franchise et de transparence, car nous n’avons absolument rien à cacher. Votre commission parle de graves dysfonctionnements. Monsieur le président, je vais droit au but, je me défendrai devant vous : pour moi, il n’y a pas eu de graves dysfonctionnements.

J’ai bâti un dispositif robuste que j’ai proposé et présenté au ministre d’État et qu’il a validé. Il a permis de faire face à des incidents là où nous les attendions, et pas ailleurs. Quand ils se sont produits ailleurs, nous avions un dispositif suffisamment réactif pour y mettre un terme. Je pense évidemment aux exactions qui ont été commises en dehors des Champs-Élysées dans les 8e, 16e et 17e arrondissements de Paris. On me parle de graves dysfonctionnements. Je suis un patron de police, un opérationnel, et devant des membres de la représentation nationale, j’ai envie de retourner la question : plutôt que d’interroger et de critiquer un dispositif policier, demandez-vous ce qui fait qu’aujourd’hui des jeunes de 15 à 20 ou 22 ans ne viennent dans la capitale que pour piller et casser ? C’est aussi une question que je vous pose, comme patron de police, parce qu’en fin de compte, qui ramasse des projectiles sur la figure quand il y a des incidents ? Ce sont mes effectifs. Qui fait barrage pour faire en sorte qu’il n’y ait pas d’exaction et de dégradation ? Ce sont mes effectifs.

Malheureusement, avec le drame qui s’est produit aujourd’hui à Nogent dans le département de la Haute-Marne, et d’autres drames, je sais que c’est une question qu’on se pose souvent, mais sachez que du côté de la police, on se la pose aussi. Comment se fait-il qu’on se retrouve confrontés à des individus qui, un soir de concorde nationale, alors qu’ils ne devraient venir que pour fêter une victoire, ne l’ont pas du tout fait ? À aucun moment, nous n’avons senti une volonté de fêter quoi que ce soit ce soir-là, mais plutôt une volonté de détruire, de piller et de casser. Je considère que nous avons su y mettre un terme et faire face.

Je conclurai en remerciant l’ensemble des forces de sécurité intérieure.

M. le président Florent Boudié. Il est tout à fait normal, me semble-t-il, monsieur le préfet de police, que la commission des lois puisse, après des incidents graves au cours de la soirée de samedi, précisément vous entendre sur le dispositif et les moyens que vous avez mis en place et sur la réalité des événements. Vos propos permettent d’éclairer non seulement la représentation nationale mais également, de façon générale, le traitement par certains médias que vous avez cités.

Nous en venons aux questions des orateurs de groupe.

M. Michaël Taverne (RN). Je voudrais d’abord avoir, au nom de mon groupe, une pensée pour l’ensemble des fonctionnaires de la préfecture de police de Paris, engagés jour après jour pour assurer la protection des biens et des personnes. Nous leur apportons un soutien inconditionnel. Le samedi 31 mai et le dimanche 1er juin ont encore été des journées très éprouvantes pour les effectifs de la préfecture de police, de la BSPP, des CRS et des gendarmes, victimes d’actes odieux perpétrés par des sauvages et des racailles totalement décivilisés. Tout est prétexte à piller, à incendier, à violenter, alors même que cette soirée devait être un moment de convivialité.

Avant de vous poser quelques questions sur ces incidents, je voudrais revenir sur l’absence ahurissante du ministre de l’Intérieur, qui vous laisse faire le sale boulot. En effet, après avoir boudé en grande partie le texte sur le narcotrafic, voilà que le ministre de la parole, qui parle comme le RN mais ne prend aucune mesure efficace pour la sécurité des Français, enchaîne les absences : il était absent lors des manifestations du 1er mai, préférant sa campagne interne chez les Républicains et il était absent de la cellule de crise lors de la finale du 31 mai. Visiblement, Bruno Retailleau avait d’autres priorités, nouvelle preuve qu’il considère son poste comme un tremplin pour sa carrière personnelle. Beaucoup de policiers et de gendarmes disent qu’ils attendaient beaucoup de lui, mais qu’ils les utilisent et qu’il ne répond pas à leurs difficultés.

Monsieur le préfet, quelles ont été les principales difficultés rencontrées lors des soirées du 31 mai et du 1er juin ?

Pouvez-vous nous confirmer que le ministre de l’Intérieur ne vous a pas donné les effectifs que vous aviez sollicités ? Lors d’une émission de radio, un journaliste a demandé à Bruno Retailleau : « Il paraît que le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez, réclamait davantage d’effectifs. C’est vrai ou pas ? ». Il a alors répondu : « À chaque fois qu’on a des demandes, les préfets demandent beaucoup plus ». Question appuyée du journaliste : « Donc, c’est vrai ? ». Réponse de Bruno Retailleau : « Oui, c’est vrai ».

Le rapport de la commission d’enquête sur les groupuscules violents pendant les manifestations a mis en lumière le fait que nos forces de l’ordre ne disposent plus de moyens suffisants pour faire face aux agressions des groupes hostiles. Ces moyens ont-ils évolué dans le bon sens ? Avez-vous sollicité les unités à projection rapide (UPR) des CRS ? Ces unités, très bien formées et extrêmement efficaces pour faire face à ce genre de situation ont été, à la surprise générale, mises en réserve. Avec mon collègue député européen Matthieu Valet, nous avions d’ailleurs invité le ministre de l’Intérieur à les engager, mais visiblement, il ne sait pas de quoi on parle, puisqu’il ne nous a pas répondu.

Mme Laure Miller (EPR). Je voudrais tout d’abord, au nom de mon groupe, vous remercier, monsieur le préfet, pour votre présence et pour votre propos très précis et pédagogique. Un mot aussi pour remercier, pour leur engagement et leur courage, toutes les forces d’intervention mobilisées à l’occasion de cette soirée et qui ont subi un déchaînement de violences. Ils méritent évidemment notre soutien.

Les événements tragiques des 31 mai et 1er juin sont, depuis une dizaine de jours, l’objet d’instrumentalisations de toutes parts. Nous venons d’en voir une belle illustration et il y en aura sans doute d’autres au cours de cette audition. C’est dommage, car le sujet ne mérite pas de telles caricatures, mais plutôt un débat juste, mesuré et lucide. Nous ne sommes pas un tribunal politique. Nous cherchons de bonne foi, sans naïveté, à comprendre ce qui est arrivé durant ces deux soirées et ce qui pourrait être fait pour l’éviter à l’avenir.

Les événements se sont déroulés selon un scénario qui n’est pas nouveau, même si son intensité semble renforcée. Vous avez cité d’autres matchs de football récents pour constater qu’à chaque événement, le dispositif policier est renforcé. Nous avons le sentiment d’une dérive sans fin.

Bien sûr, nous sommes conscients de la difficulté pour les forces de l’ordre d’intervenir à l’occasion d’une multitude d’événements, instantanés ou qui se succèdent dans un temps très resserré. Face à l’étendue du dispositif mis en place – effectifs inédits, doctrine d’intervention des forces de l’ordre, fouilles et contrôles dans les gares, métros et accès au périphérique – les questions perdurent et votre éclairage est précieux.

Qu’est-ce qui vous aurait aidé, concrètement cette nuit-là, pour éviter les dégradations et les incidents graves que nous avons connus ? Vous avez évoqué la saisie de 60 kilos de mortiers dans les transports, le nombre très important de casseurs et des attaques de véhicules de police de circulation. Jugez-vous l’intensité de la violence plus importante que lors des derniers événements sportifs qui ont connu des débordements ? Plus largement, les chiffres permettent-ils de confirmer l’idée d’une mutation de la violence, dans un processus de « décivilisation » ou d’ensauvagement – chacun choisit le terme qu’il veut – de la société ? Vous avez évoqué le chiffre d’un tiers de mineurs parmi les personnes interpellées. Constatez-vous, à partir de chiffres, un rajeunissement des casseurs ?

Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Je vous remercie, ainsi que tous ceux qui vous accompagnent, d’avoir bien voulu venir jusqu’à nous.

Vous avez dénoncé le fait que des gens sont venus uniquement pour dégrader et commettre des violences, mais vous n’êtes en rien responsable de la surenchère de la part du ministre de l’Intérieur. Quant à la porte-parole du gouvernement, elle a déclaré le 2 juin sur France 2, que, si les exactions ont été réelles, les violences ont été inférieures à celles habituellement constatées sur ce genre d’événements.

Ces propos insistent très fortement sur les violences, en leur donnant un caractère exceptionnel alors que cela ne semble pas être le cas. Au contraire, elles semblent désormais habituelles et prévisibles et n’ont étonné personne.

Vous avez dit que l’analyse de ces phénomènes ne relève pas du travail de la police. Sur qui pourriez-vous vous appuyer pour obtenir une telle analyse ?

Qu’est-ce qui, selon vous, n’a pas marché dans le dispositif mis en place pour éviter les scènes de violence, qui ont été largement diffusées ?

Mme Céline Hervieu (SOC). Monsieur le préfet, je vous remercie pour votre présence ce soir et je remercie les forces de l’ordre qui vous accompagnent dans votre travail.

Je vous poserai quelques questions légitimes sur la préparation de cet événement, sans tomber dans les outrances du Rassemblement national qui, à chaque fois pour ce type d’événement, semble espérer que tout se passe le plus mal possible pour pouvoir ensuite nourrir la peur des uns et des autres pendant des semaines.

Avec le recul, ne considérez-vous pas que le blocage des Champs-Élysées a été une erreur, car il a participé indirectement à l’éparpillement des supporteurs dans le quartier ?

Comment expliquez-vous la différence de moitié entre le nombre d’interpellations – 491 je crois et le nombre de procédures engagées ? Le déclenchement systématique des caméras-piétons n’aurait-il pas permis de récolter davantage de preuves ?

Pourquoi la préfecture a-t-elle retoqué le projet de la mairie de Paris d’ouvrir une fan zone au stade Charléty ? Les fan zones permettent pourtant de mieux encadrer les débordements ; à ma connaissance, aucune n’était prévue.

Il me semble que vous avez un peu minimisé les violences sexistes et sexuelles qui ont eu lieu. Je suis parisienne et cela fait bien longtemps que je ne sors plus pour des événements comme ceux-là parce que je sais ce que je risque, en tant que femme, si je me retrouve au milieu d’un groupe d’hommes alcoolisés. Je connais les remarques, les violences et le harcèlement que cela peut occasionner. Contrairement à ce que vous avez dit, de nombreuses femmes ont témoigné des agressions qu’elles ont subies parce qu’elles portaient une jupe ou un débardeur. Il me semble que vous avez minimisé cette spécificité. Chacun prend sa part. Nous avons, en tant que responsables politiques, une responsabilité. Nous ne nous habituons pas à ces violences. Que pouvez-vous prévoir pour que les femmes puissent prendre part à la fête sans se sentir menacées, comme ce fut le cas à cette occasion ?

M. Patrick Hetzel (DR). Monsieur le préfet de police, je vous remercie pour les explications très claires apportées ce soir à la représentation nationale. J’ai eu l’occasion de travailler, dans le cadre d’une commission d’enquête, sur le développement des violences lors de certaines manifestations. Elles semblent malheureusement se répéter.

Je souhaite également remercier l’ensemble des personnels de la préfecture de police et des forces de sécurité intérieure, qui ont été pleinement engagés lors de ces événements. Nous sommes un certain nombre ici à être extrêmement reconnaissants pour leur travail.

Parmi les personnes qui sont venues pour casser et piller lors de ce qui devait être un grand moment de concorde nationale, pourriez-vous préciser le profil des interpellés ? Combien sont mineurs et quel est l’âge moyen de ces mineurs ? La question que vous nous avez retournée à la fin de votre intervention doit nous interroger sur ce que font les familles et l’éducation nationale face à de telles dérives.

Dernière question : avec le recul, auriez-vous pris des décisions différentes ?

Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). J’adresse également mes remerciements à toutes les forces qui ont participé à la sécurisation des espaces de fête, des biens et des personnes.

Concernant la préparation de l’événement, quels enseignements avez-vous tirés d’événements passés ? Je pense aux Jeux olympiques et paralympiques et à la sécurisation des fan zones. Je pense également aux enseignements à tirer du match Liverpool-Real Madrid sur les dispositifs à mettre en œuvre lorsqu’un grand nombre de personnes sans billet restent amassées aux abords du stade, comme cela a été le cas au Stade de France.

Pourquoi ne pas avoir coupé la circulation sur le périphérique en amont ? Vous nous avez parlé de la manière dont vous êtes allés au contact pour éviter l’installation de barrages, mais vous n’avez pas parlé des raisons du maintien de la circulation.

Pourquoi ne pas avoir validé l’installation de fan zones ? Avez-vous constaté des incidents par le passé qui le justifient ? Ou, au contraire, y a-t-il eu moins d’incidents dans les autres villes où des fan zones ont été installées ?

Vous avez dit que les personnes étaient majoritairement là pour piller et casser. Je ne crois pas qu’elles aient été majoritaires dans la rue, mais pourriez-vous préciser leur nombre ? Disposiez-vous de renseignements qui auraient pu vous permettre d’estimer le nombre de casseurs et d’ajuster les dispositifs en conséquence ?

Concernant maintenant le bilan, combien d’interpellations ont été réalisées ? Quels étaient leurs fondements juridiques ? Y a-t-il eu des interpellations préventives ? Combien ont donné lieu à des gardes à vue ? Connaissez-vous l’état des poursuites ? Les risques de discrimination et de contrôle abusif ont-ils été anticipés ou encadrés ? Quels dispositifs spécifiques ont été mis en place pour encadrer les personnes mineures ?

En conclusion, je voudrais reprendre la question de ma collègue Élise Martin : quels sont les outils dont vous pourriez avoir besoin pour mieux anticiper et mieux adapter ainsi les dispositifs ? Nous constatons que les faits se reproduisent. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, un changement de philosophie, auquel la représentation nationale pourrait participer, est nécessaire.

Mme Blandine Brocard (Dem). Paris a su démontrer lors des Jeux olympiques et paralympiques de 2024 qu’elle était capable d’assurer la sécurité d’un événement d’envergure mondiale. Chaque jour, plus de 45 000 agents étaient mobilisés, soutenus par 3 000 caméras de vidéoprotection : une coordination millimétrée, une vigilance de tous les instants. Cette réussite collective, fruit d’un engagement total des services de l’État, a été saluée tant en France qu’à l’étranger. Les scènes de violence auxquelles nous avons assisté les 31 mai et 1er juin à Paris, en marge de la victoire du PSG, apparaissent d’autant plus inacceptables et préoccupantes.

Le bilan humain est très lourd : deux morts, plus de 200 blessés, dont 38 parmi les forces de l’ordre. Pourtant, 5 400 policiers et gendarmes étaient mobilisés avec des consignes précises, soit le double du dispositif prévu lors de la finale de la Coupe du monde en 2018. Malgré cela, des groupes violents ont pu agir trop longtemps dans un inquiétant sentiment de débordement et d’impunité. Nous avions déjà connu une situation similaire lors de la finale de 2022. Des failles avaient alors été reconnues et, trois ans plus tard, il me semble légitime de s’interroger. Comment expliquer qu’un tel scénario se reproduise ? Quelles leçons ont véritablement été tirées ?

Les violences survenues ne doivent pas être relativisées. Elles ne sont pas de simples excès festifs. Elles sont le symptôme d’un climat de violence croissante où une minorité de casseurs et de pilleurs organisés tentent de détourner l’élan populaire et la joie collective pour semer le chaos. Nous devons refuser que la victoire d’un club français, censé incarner la fierté, l’unité et l’esprit sportif, soit systématiquement ternie par quelques hors-la-loi qui saccagent tout sur leur passage. Dès lors, ne faut-il pas faire évoluer nos méthodes d’anticipation, de surveillance et de réaction sur le terrain ? Quel est le profil des casseurs ? Comment mobiliser l’ensemble de la société pour que cela ne se reproduise plus ?

Nous devons des réponses aux riverains, aux commerçants, aux spectateurs et aux Français, qui souhaitent simplement célébrer leurs champions dans la joie. Nous les devons aussi à nos forces de l’ordre, qui ont été très lourdement exposées.

M. Xavier Albertini (HOR). Au nom du groupe Horizons et indépendants, je m’associe évidemment à l’ensemble des actions réalisées par le personnel de la préfecture de police et par les forces de l’ordre et de sécurité intérieure et je vous témoigne, monsieur le préfet, de notre entier soutien.

La liesse qui suit les événements sportifs doit rester la règle en France, comme c’est le cas pour le rugby et d’autres sports. Malheureusement, les cas où la situation dégénère sont de plus en plus fréquents dans le football.

Malgré l’importance des effectifs déployés et l’action préventive en matière administrative puis judiciaire, le nombre d’interventions, d’exactions et de comportements inacceptables a considérablement augmenté par rapport à la demi-finale – seules quarante-sept personnes avaient alors été interpellées – ou à la Coupe du monde de 2018. Pourtant, ailleurs en Europe, la violence à l’occasion de matchs de football semble disparaître : la victoire du Portugal en Ligue des nations dimanche dernier n’a pas donné lieu au moindre dérapage, pas plus que la victoire du club londonien de Tottenham en Europa League.

Disposez-vous d’éléments comparatifs avec des pays étrangers, s’agissant en particulier des doctrines et des techniques de maintien de l’ordre qui y sont mises en œuvre ? Vous semble-t-il opportun de changer de doctrine ou de faire évoluer la doctrine actuelle pour déjouer les violences croissantes, dont les causes sont multiples ?

M. Jean-Luc Warsmann (LIOT). Beaucoup de nos concitoyens, y compris ceux qui habitent des territoires provinciaux comme les Ardennes, sont extrêmement choqués par la violence et par la faiblesse ou l’absence de sanctions. Je voudrais ensuite remercier les 5 400 fonctionnaires de police et de gendarmerie qui sont intervenus ainsi que la préfecture de police et vous-même pour votre professionnalisme.

Vous avez évoqué le chiffre de 491 interpellations, en précisant leur nombre par magasin pillé dans les 8e, 16e et 17e arrondissements. Le second groupe d’interpellations concerne les personnes qui ont envahi le périphérique, ce qui constitue une infraction. Pour chacun de ces groupes, combien de personnes interpellées ont-elles été présentées devant un juge pour jugement ?

La préfecture de police et le ministère de l’Intérieur devraient prendre l’habitude de chiffrer le coût des interventions. Nos concitoyens seraient très intéressés de connaître le coût du déploiement de 5 400 fonctionnaires, de la réparation des véhicules cassés ou du nombre d’heures de récupération. Combien de centaines ou de milliers d’heures de police judiciaire devront être consacrés aux suites de ces événements – et ne pourront pas servir à autre chose ? De telles estimations permettraient de responsabiliser tout le monde.

Enfin, quelles améliorations envisagez-vous ? J’en suggère deux. La première serait de mettre en place des souricières dans les magasins les plus tentants pour les casseurs afin de les attendre de pied ferme et de les interpeller avec des preuves. La seconde serait de contrôler les ponts enjambant le périphérique, voire d’interdire leur accès.

Mme Sophie Ricourt Vaginay (UDR). La France a assisté, sidérée, à un nouveau cycle de violences urbaines : deux morts, près de 200 blessés, des centaines de véhicules incendiés, des commerces pillés, des forces de l’ordre blessées et visées par des tirs de mortiers – tout cela pour un match de football. Dans de trop nombreux quartiers, la loi républicaine s’efface devant une contre-société faite de défiance, d’impunité et de violences ritualisées.

Au-delà des véritables scènes de guerre civile que vous avez décrites et auxquelles les forces de l’ordre ont fait face avec courage et professionnalisme, ce qui indigne nos concitoyens, c’est la jeunesse des auteurs qui sont, pour un tiers, mineurs. Pourtant, qu’advient-il ensuite pour eux ? Rien ou presque. La proposition de loi visant à restaurer l’autorité de la justice à l’égard des mineurs délinquants et de leurs parents de Gabriel Attal avait nourri l’espérance d’un réarmement pénal, mais elle a été vidée de sa substance dans les couloirs du Parlement : plus de confiscation automatique des téléphones, plus de peine plancher, plus de sanctions contre les parents défaillants.

Peut-on encore faire face à cette délinquance juvénile, parfois récidiviste, en l’état actuel de notre droit pénal ? Ne faudrait-il pas le réformer pour instaurer la responsabilité pénale pleine dès seize ans en cas de violence aggravée, des sanctions pécuniaires immédiates à l’encontre des parents en cas de récidive, des centres fermés en nombre suffisant pour garantir l’exécution des décisions judiciaires, des travaux d’intérêt général réellement exécutés et visibles, le recours forcé aux peines courtes avec exécution immédiate et la mise en place de timbres d’amende administrative pour les délits du quotidien afin d’assurer une réponse systématique et rapide ? Les modèles du Royaume-Uni et de l’Allemagne montrent la voie.

Les forces de l’ordre ont-elles aujourd’hui les moyens de prévenir ces phénomènes massifs et organisés de violences urbaines ? La justice des mineurs doit-elle être réformée en profondeur ? L’intelligence artificielle dans l’espace public peut-elle venir en appui pour prévenir ces violences ?

M. le président Florent Boudié. Nous en venons aux questions des autres députés.

Mme Pascale Bordes (RN). Le 31 mai, la fête a viré au chaos : deux morts, près de 700 incendies, des centaines d’interpellations, des scènes de guerre, un pays en émeute et une nuit de violence malgré un déploiement que vous-même avez qualifié de massif avec 5 400 effectifs mobilisés en Île-de-France. Les images qui ont circulé sont celles d’un véritable fiasco sécuritaire.

Face à ce bilan chaotique, le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, qui n’était manifestement pas très au fait du désastre, a affirmé que « la réponse sécuritaire a été au rendez-vous ». Je n’ai pas du tout la même vision angélique de la situation, la presse internationale non plus. Cette nuit-là, ce sont les émeutiers qui ont donné le ton. Le monde entier a pu voir l’impuissance de la réponse sécuritaire face à la puissance des casseurs. Comment peut-on expliquer qu’en dépit de moyens humains colossaux, Paris ait une nouvelle fois basculé dans le désordre ? Comment expliquer que des tels événements, parfaitement prévisibles, n’aient pas pu être contenus ? Vous l’avez dit : ces gens ne sont venus que pour casser et piller. J’ai envie de vous répondre : comme d’habitude. C’est un grand classique depuis les gilets jaunes, qui s’est répété lors des émeutes de 2023. Vous ne découvrez donc pas ce phénomène.

Le dispositif a failli. Que vous a-t-il manqué ? Quelles leçons concrètes tirez-vous de ce fiasco sécuritaire pour l’organisation des prochains événements similaires à Paris ? Êtes-vous en mesure d’assurer la sécurité des Parisiens ?

Mme Marie-France Lorho (RN). Le bilan humain et matériel des émeutes qui ont suivi la victoire du PSG est dramatique : 692 incendies, dont 264 ayant touché des véhicules, et 559 interpellations recensées le 2 juin. Le coût des dégâts générés par les violences urbaines de l’été 2023 consécutives à la mort de Nahel a atteint des sommes phénoménales : un milliard d’euros, selon un rapport d’information du Sénat, publié en avril 2024. Quelle estimation faites-vous pour ceux provoqués le 31 mai et le 1er juin ? Selon les assureurs, il s’agirait de dizaines voire des centaines de millions d’euros. Quel dispositif entendez-vous mettre en œuvre pour éviter toute récidive ?

M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Je vais changer de braquet par rapport aux questions précédentes car ma préoccupation est autre. Monsieur le préfet, vous avez évoqué les consignes que vous aviez données pour aller au contact et intervenir mais qu’en est-il de celles visant à garantir aux gens désireux de fêter la victoire la possibilité de se rassembler paisiblement sans être exposés aux gaz lacrymogènes ? Il me semble que c’est cela qui manquait au dispositif et cela a pu créer des tensions.

J’étais présent ce soir-là en tant que supporteur et, à peu près comme tout le monde, je suis allé sur les grands boulevards. Là, j’ai constaté que le trafic n’était pas partout interrompu : comment expliquez-vous cette présence dangereuse de voitures et de motos ? Par ailleurs, certains dispositifs étaient mal expliqués. Le barrage établi pour couper la circulation sur les Champs-Élysées a suscité de l’incompréhension : les gens ont pu avoir l’impression qu’on leur bloquait l’accès alors qu’il suffisait de le contourner et ils se sont sentis perdus. Quand des personnes qui n’ont pas, comme moi, l’expérience des manifestations, sont exposées à des gaz lacrymogènes, cela provoque des mouvements de foule assez dangereux.

Enfin, vous avez souligné que 70 % des interpellations concernaient des personnes venant de la petite ou de la grande couronne. Autrement dit, leurs habitants étaient sous-représentés puisqu’ils constituent 86 % de la population francilienne. Cela a-t-il du sens pour vous ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). Nous vous remercions, monsieur le préfet, pour votre présence parmi nous et vous assurons de notre total soutien aux forces de sécurité intérieure qui ont dû intervenir dans un contexte d’événements multiples, ce qu’il ne faut pas oublier quand nous formulons nos remarques.

Quelles évolutions constatez-vous parmi les casseurs et les pilleurs ? Compte tenu de la capacité à se disperser et de l’impressionnante mobilité dont ils font preuve, les forces mobiles mises à disposition sont-elles assez nombreuses ? Leur mode d’action est-il adapté ?

Les images qui m’ont le plus marquée sont celles du blocage du périphérique avec les dangers que cela représentait non seulement pour les pilleurs et les casseurs – c’est leur problème – mais surtout pour nos concitoyens qui regagnaient tranquillement leur domicile. La question à laquelle nous devons collectivement réfléchir est la suivante : pourquoi, après avoir été capables de faire la fête en nombre en 1998 et 2018, en est-on arrivé à ces situations de pillage en 2025 ?

M. le président Florent Boudié. Monsieur le préfet de police, avant d’apporter vos réponses, pourriez-vous présenter les personnes qui vous accompagnent ?

M. Laurent Nuñez. Sachez que nous sommes tous sensibles aux remerciements que vous avez adressés aux effectifs de la préfecture de police, mesdames, messieurs les députés. Sont à mes côtés trois des quatre responsables des directions de police active placées sous mon autorité : Antoine Salmon, directeur de l’ordre public et de la circulation, à la tête d’environ 5 000 fonctionnaires de police qui se consacrent plus spécifiquement aux manifestations, à la gestion de l’ordre public et à la conception des dispositifs ; Isabelle Tomatis, directrice de la sécurité de proximité de l’agglomération parisienne, équivalent de la direction de la sécurité publique pour la direction générale de la police nationale (DGPN), est chargée sur l’ensemble des soixante-dix-neuf circonscriptions de la plaque parisienne, soit l’ensemble des commissariats des quatre départements de l’agglomération, de la lutte contre la délinquance, de la sécurisation, du traitement judiciaire et des transports, la préfecture de police étant compétente pour l’ensemble des réseaux ferrés de l’Île-de-France ; Hugues Brick est directeur du renseignement de la préfecture de police. Enfin, le général Arnaud de Cacqueray commande la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, qui relève du ministère des armées et qui est placée sous mon autorité opérationnelle.

Monsieur Taverne, le job du ministre, ce n’est pas d’être dans la salle de commandement. Lorsque j’étais secrétaire d’État, je ne m’y suis jamais rendu, pas plus que Christophe Castaner, ministre de l’Intérieur auprès duquel j’étais placé. C’est le rôle du préfet de police de se tenir dans cette salle, de commander les effectifs sur la base des instructions reçues du ministre d’État auquel les dispositifs ont été présentés. Sachez que j’ai tout le temps été en contact avec lui.

Vous avez fait allusion à une interview donnée à RTL par le ministre, dans laquelle il aurait dit que, comme à chaque fois, les préfets n’obtenaient pas les effectifs qu’ils demandaient. En réalité, le ministre parlait du dimanche, jour pour lequel nous avions demandé un peu plus d’unités de forces mobiles – quarante-deux, de mémoire – que celles qui nous ont été octroyées : nous avons compensé avec les effectifs territoriaux, comme le font tous les préfets en France et comme nous l’avons fait pendant les JO. Sous la direction d’Isabelle Tomatis, nous avons constitué quatre compagnies de marche, composées chacune d’une soixantaine de fonctionnaires de police des commissariats parisiens et des services spécialisés, ce qui nous a permis d’atteindre un volume de forces tout à fait acceptable. Il n’y a pas eu ce jour-là d’incidents, sauf sur le périphérique le soir mais là, c’est moi qui ai pris la décision de lever le dispositif – peut-être aurait-on dû le laisser une heure de plus mais il n’y avait plus personne aux abords du Parc des Princes qui étaient vides et nous nous sommes concentrés sur les Champs-Élysées où il y avait un peu d’activité. Il ne faut donc pas dire que je n’ai pas eu les forces que je demandais. Je ne sais pas d’où cette information est sortie. Elle a circulé dans les médias mais elle est fausse. J’ajoute que, le jour le plus tendu, le samedi, j’ai eu deux unités de plus que celles que j’avais demandées. De surcroît, il faut relativiser et considérer le dispositif dans sa globalité : pendant la journée et la nuit du samedi, les forces mobiles représentaient seulement 37 % des effectifs mobilisés.

Depuis une dizaine d’années, les CRS, les escadrons de gendarmerie mobiles (EGM), les compagnies d’intervention de la préfecture de police se sont spécialisés dans la mobilité. Avec les départs de cortège sauvages, même dans le cadre de manifestations revendicatives, avec les gilets jaunes et leurs manifestations non déclarées et leur étalement, la réactivité est devenue très importante. Les CRS à projection rapide, encore plus mobiles, créées par Gérald Darmanin quand il était ministre de l’Intérieur, que vous avez citées, monsieur Taverne, ont surtout vocation à être mobilisées en cas de violences urbaines. L’une d’elles prenait part à notre dispositif : la CRS 8, compagnie très réactive. Dans ce même dispositif, nous avons intégré, avec le directeur zonal des CRS et le général de gendarmerie qui coordonnait les EGM, placé auprès de moi, des groupements d’intervention rapide appelés groupes d’appui projetés (GAP), qui ont la même fonction que ces unités d’élite. Sur les Champs, ils ont été extrêmement performants puisqu’ils ont pu disperser les manifestants. Je vous rejoins donc en matière de doctrine mais je tiens à dire que nous disposions de ce type de forces, que nous mobilisons à chaque manifestation. Matthieu Valet le sait très bien lui qui, il y a peu de temps encore, était parmi nous.

La difficulté principale pour nous, c’est que nous étions confrontés à une majorité de pilleurs et de casseurs, présents par milliers en plusieurs points de la capitale, essentiellement dans les 8e, 16e et 17e arrondissements. Cette difficulté, nous l’avons surmontée, le nombre d’interpellations auxquelles nous avons procédé en témoigne.

Je vous indiquerai sans tabou ce qui peut être amélioré dans notre dispositif mais je n’accepte pas les termes de « chaos » ou de « fiasco sécuritaire », madame Bordes. On ne peut pas dire ça devant le préfet de police et des directeurs de services de police. Les fonctionnaires de police ont fait le job sur le terrain. Le ministre de l’Intérieur a réuni ce mardi 10 juin les personnels blessés lors de ce week-end : quarante et un fonctionnaires relevant des effectifs de la préfecture ont dû être évacués ou cesser leur service et parmi les forces placées sous ma responsabilité, onze gendarmes ou CRS et un sapeur-pompier ont été blessés.

Madame Miller, vous dites que le scénario n’était pas nouveau mais on ne peut pas faire de comparaisons avec certains événements antérieurs. Lors de la finale de la Ligue des champions en 2022, il s’agissait d’un match de football et non de festivités suivant une victoire. Nous étions alors confrontés à des délinquants qui s’en prenaient aux supporters. Pour les JO, il n’y a pas eu d’incidents. Cela a été un grand succès auquel toute l’équipe qui se tient à mes côtés a largement contribué, avec le soutien des renforts nationaux, de la direction générale de la police nationale et de la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN). Les seuls moments de tension, qui ont du reste était très bien gérés, ont d’ailleurs eu lieu à l’occasion de compétitions de foot – je pense aux matchs Mali-Israël et Argentine-Maroc – car le football, c’est toujours différent, ce n’est pas le même public. La difficulté pour les JO tenait au fait que vingt à vingt-cinq événements se tenaient simultanément chaque jour : il y avait des foules à gérer, il fallait faire attention à ce que les spectateurs et les touristes ne se fassent pas dépouiller mais il n’y avait pas de pilleurs ou de casseurs.

Si 1998 a été un grand moment de liesse populaire, il ne faut pas oublier qu’il y a eu quelques pillages et même plusieurs viols, je crois. En 2018 et en 2020, il y a eu aussi des incidents. Ce qui nous a guidés dans la conception du dispositif pour cette finale, c’est très clairement ce qui s’est passé pendant la demi-finale de la Ligue des champions, avec des phénomènes analogues quoique d’une intensité bien moindre. C’est pourquoi nous avons choisi de condamner la circulation sur les Champs-Élysées mais aussi sur ses perpendiculaires, que nous avons tenues, car lors de la demi-finale, c’est là qu’ont eu lieu les tentatives d’attaque. Elles ont toutes pu être déjouées, sauf celle qu’a subie un salon de coiffure – je compatis avec son propriétaire, qui a témoigné hier sur BFM.

En clair, en nous en inspirant de la soirée de la demi-finale, nous ne nous sommes pas trompés : lors de la finale, il y a eu aussi du monde autour de la porte de Saint-Cloud, des tentatives de descente sur le périphérique et une activité soutenue autour des Champs. Je vous indiquerai les enseignements que l’on a pu tirer de ce week-end, mais ils ne remettent absolument pas en cause la robustesse de notre dispositif.

L’intensité des violences, madame Miller, a en effet été plus forte. D’après les effectifs que nous avons rencontrés avec les directeurs, l’adversité était nettement plus élevée. Nous avons eu affaire uniquement à des casseurs et des pilleurs extrêmement déterminés. L’usage des mortiers a été plus massif. Des mortiers multicoups ont été utilisés à tir tendu et des fonctionnaires ont été directement atteints.

Par ailleurs, nous notons un rajeunissement des casseurs et des pilleurs et plus généralement des auteurs de violences. Je mets de côté le drame qui a frappé le petit Elias et le drame de Nogent, mais chaque année, dans l’agglomération parisienne, l’âge moyen des personnes impliquées dans les rixes entre bandes, y compris à l’arme blanche, baisse : il se situe désormais à seize ans.

Madame Martin, la porte-parole du gouvernement n’a pas dit que les violences ont été inférieures. Elle parlait des dégradations qui, sans doute grâce au dispositif, ont été moindres mais cela ne signifie pas que le niveau de violence n’était pas plus élevé. Nous considérons que l’adversité était extrêmement élevée et je maintiens que l’intensité de la violence était plus forte que d’habitude, avec l’arrivée en masse de certaines personnes. Était-ce prévisible ? Oui, sinon nous n’aurions pas bâti ce dispositif consistant à sanctuariser les Champs-Élysées et ses perpendiculaires, lieux de prédation habituels. Certains ont parlé de l’image de France. J’espère, et c’est un ancien du renseignement qui parle, qu’il n’échappe pas aux membres de la représentation nationale que certains pays étrangers ont tout intérêt à monter en épingle les incidents et les troubles à l’ordre public qui se produisent chez nous. Les critiques formulées dans la presse internationale sont parfois directement alimentées par des comptes d’influence de pays étrangers qui ne nous veulent pas forcément du bien. Et je suis très sérieux en disant cela.

Notre action sur les Champs-Élysées avait notamment pour but d’éviter que les grandes enseignes soient pillées, ce qui aurait renvoyé une image catastrophique. Il y a eu des dégradations et des vols dans les commerces, je ne le nie pas, mais notre intervention très rapide a permis d’empêcher qu’il y en ait d’autres. À la récurrence de ce type de violences, nous avons répondu par un dispositif très robuste.

Enfin, ce que j’ai dit, madame Martin, c’est que ce n’était pas seulement le travail de la police et je visais aussi les causes. La police doit bien sûr assurer la sécurité et protéger nos concitoyens mais elle intervient en tant que dernier rempart quand il s’agit de jeunes qui viennent casser. Cela étant dit, que notre pays vive une crise d’autorité, ce n’est pas nouveau. Il est souvent question du continuum de sécurité mais on a besoin aussi d’un continuum d’autorité. Il faut – et ce n’est pas nouveau non plus – un choc d’autorité qui passe par la discipline à l’école et dans les associations, et par un rappel des règles.

Madame Hervieu, la fermeture des stations de métro – entre Concorde et Argentine, en l’occurrence – est habituelle. Nous le faisons régulièrement, en liaison avec la RATP et la SNCF : lorsqu’un dispositif est mis en place, cela permet de voir arriver les gens et d’éviter qu’ils ne sortent en plein milieu de la zone concernée.

Il a été un temps envisagé d’installer une fan zone au stade Charléty, mais la préfecture de police a estimé que ce n’était pas une bonne idée – Anne Hidalgo, avec laquelle je m’en suis entretenu très directement, semblait aussi en être convaincue. Cela aurait créé un point de fixation en plus du Parc des Princes où une retransmission était déjà organisée par le PSG, dans un endroit relativement éloigné, dans le 13e arrondissement, et constitué une source potentielle d’incidents à la sortie du stade et à ses alentours.

Quant aux caméras-piétons, leurs images peuvent être extraites sur réquisition du parquet et servir de preuves – même si l’angle de vision reste limité, le champ couvert est suffisamment large pour caractériser, le cas échéant, des violences contre les forces de l’ordre. Je ne sais pas si des demandes ont été faites pour ce week-end.

L’écart entre les interpellations et les placements en garde à vue n’est pas si important. Sur les 491 interpellations auxquelles nous avons procédé, il y a eu 326 gardes à vue – je précise qu’il y a eu 396 fiches de mise à disposition et des amendes forfaitaires délictuelles, n’ayant pas donné lieu donc à des gardes à vue. S’agissant du traitement judiciaire, la procureure de la République a communiqué ; je n’ai pas à le faire. Nous avons travaillé, comme toujours, en très bonne intelligence avec le parquet de Paris, de manière fluide grâce aux fiches de mise à disposition dématérialisées qu’utilise la préfecture de police. Je précise que, pour la nuit, nous avions renforcé de manière significative le service du traitement judiciaire afin d’absorber l’ensemble des procédures, ce que nous sommes parvenus à faire alors que le nombre d’interpellations et de placements en garde à vue était important. Après, bien sûr, nous soumettons les personnes à la justice : les magistrats appliquent les textes et décident des suites judiciaires.

Vous évoquez aussi, madame Hervieu, les agressions sexuelles, phénomène que je ne nie évidemment pas, compte tenu de l’intensité des violences auxquelles nous avons assisté et des caractéristiques de leurs auteurs. Je comprends que pour une jeune femme, ce soit compliqué de se balader en jupe. Ce que je peux vous dire simplement, c’est que nous n’avons pas constaté, à partir des plaintes déposées pour ce motif, d’explosion des atteintes sexuelles. Il y a eu une légère augmentation : sur tout Paris, il y en a eu vingt-six – sans poussée importante pour les 8e, 16e et 17e arrondissements où cela a été le plus difficile – contre onze le week-end précédent. Je pense qu’il y a très clairement un chiffre noir en la matière mais le remède, c’est la présence des effectifs.

Monsieur Hetzel, s’agissant des mineurs, je suis obligé de redire qu’ils viennent plutôt de la petite et de la grande couronne. Un certain nombre ne sont pas domiciliés dans les procédures mais c’est quand même le profil que l’on retrouve le plus. Il n’y a peut-être pas de correspondance avec ce que représentent les habitants de la petite et de la grande couronne dans la population francilienne, monsieur Léaument, mais le profil, c’étaient plutôt des personnes assez jeunes, des jeunes des quartiers, ceux que nous retrouvons dans les violences urbaines, le plus souvent. C’est clair, net et précis. J’ajoute que les mineurs représentent un gros quart des placements en garde à vue.

Aurions-nous pris des décisions différentes, compte tenu de ce qui s’est passé ? Honnêtement, non. Si les choses étaient à refaire, nous reprendrions le même dispositif. Il est facile de réécrire l’histoire a posteriori. Je fais ce métier depuis dix-huit ans : avant la bataille, il n’y a personne pour me dire comment faire mais après, il y a toujours beaucoup de gens sur les plateaux pour expliquer comment il aurait fallu intervenir. C’est la loi de la démocratie.

Nous avons tiré deux enseignements principaux. Tout d’abord, nous avons reçu la confirmation de l’extrême importance de la mobilité : nous devons travailler à être toujours plus mobiles, c’est d’ailleurs ce que nous demande le ministre d’État. J’ai entendu des critiques selon lesquelles certaines unités n’ont pas pu se déplacer mais si vous lâchez les grandes enseignes commerciales pour aller impacter des groupes de jeunes, vous laissez piller les magasins ; ce n’est pas souhaitable non plus. Ce sont des décisions que j’assume.

Ensuite, quand il y a des blocages sur le périphérique, il est évident que nous devons tenir les ponts, qui ont été des éléments de difficulté pour nous. Je ne modifierai donc pas le dispositif mais je procéderai à ces deux ajustements-là. En réalité, nous l’avons fait dès le dimanche en rapatriant des effectifs depuis la parade. C’est ça, la vie de l’ordre public : ce n’est pas le chaos et le fiasco sécuritaire mais des hommes et des femmes qui réfléchissent aux situations et qui essaient d’apporter des réponses. Malheureusement, il y a eu cette scène dont vous parliez, madame Firmin Le Bodo, parce que j’ai décidé de lever le dispositif, constatant qu’il n’y avait plus personne autour du Parc des Princes.

Comme je l’ai déjà dit, madame Balage El Mariky, la situation n’était pas comparable avec les JO et la finale de la Ligue des champions de 2022. Vous me demandez pourquoi nous n’avons pas coupé la circulation sur le périphérique. En réalité, nous l’avons fait en conduite : quand il y a des barrages sur cet axe important, nous bloquons l’accès pour éviter que des véhicules ne viennent s’y engorger.

S’agissant de la fan zone du stade Charléty, j’ai déjà répondu. Et je peux vous dire qu’il n’y a pas eu d’incidents dans les diverses fan zones car nous étions très présents – Mme Tomatis et ses services en avaient la charge. Au nombre d’une petite trentaine, elles étaient situées pour plus de la moitié en Seine-Saint-Denis. Celle de Noisy-le-Grand a accueilli 7 000 personnes alors que sa capacité était de 5 000 et cela a été un peu tendu car 1 000 personnes n’ont pas pu rentrer, mais les fan zones ont été tenues.

On peut estimer à plusieurs milliers le nombre de personnes qui, dans tout Paris, du Parc des Princes aux Champs, étaient animées des plus mauvaises intentions. Pour les interpellations, je peux vous citer les principaux chefs d’inculpation retenus : destruction, dégradation, détérioration volontaire, violences volontaires, notamment avec arme, détention de produits explosifs ou incendiaires – les mortiers –, violences sur personnes dépositaires de l’autorité publique – fonctionnaires de police ou militaires –, groupements en vue de commettre des violences ou des dégradations, recels, vols évidemment – pour les personnes interpellées dans les magasins –, port d’arme prohibée et rébellion.

Sur les outils dont nous aurions besoin, je vais vous donner un avis très personnel. Pendant les Jeux olympiques, nous avons expérimenté des dispositifs de vidéoprotection algorithmique, avec parmi les huit cas d’usage prédéfinis, la détection de mouvements de foule. Cela pourrait nous être très utile lors de soirées comme celle du 31 mai, quand des groupes s’éclatent un peu partout. La détection d’un afflux soudain de 200 personnes dans une rue normalement déserte serait susceptible d’attirer l’attention des vidéo-opérateurs – par le seul biais de l’algorithme, il n’est pas question ici de reconnaissance faciale – et permettrait de mieux utiliser les forces de police. Malheureusement, le dispositif n’a pas pu être prolongé. Son usage est limité aux manifestations culturelles et sportives et autres événements d’ampleur. Il ne peut être appliqué à la vie courante. L’autre outil qui nous est indispensable, ce sont les drones. Lors de tels événements, avec des groupes épars et diffus, il est important d’avoir un champ visuel très élargi.

S’agissant des dispositifs pour encadrer les mineurs, je crois que le débat va s’engager. La France mène depuis longtemps des politiques de prévention de la délinquance mais il y a vraiment besoin d’un choc d’autorité, à tous points de vue.

Madame Brocard, vous évoquez les deux morts. Une personne est décédée à Dax ; une autre dans le 7e arrondissement de Paris. Dans ce dernier cas, il s’agirait plutôt d’un accident. Une enquête judiciaire est en cours et je laisse la justice faire son travail.

Je le répète, la situation n’est pas comparable aux JO, pas plus qu’à la finale de 2022, mais nous en avons tiré des enseignements. Au Stade de France, nous travaillons à une meilleure orientation des flux de supporters. Nous avons revu tout le schéma, en nous appuyant sur le rapport sur l’organisation de la finale de la Ligue des champions de 2022 élaboré par Michel Cadot, en sa qualité de délégué interministériel aux grands événements sportifs. Avec les services de Mme Tomatis, nous musclons le dispositif de lutte contre la délinquance autour du Stade de France : jusqu’à 400 fonctionnaires peuvent être spécialement déployés à la périphérie pour éviter les vols avec violence et les atteintes aux personnes.

Monsieur Albertini, nous savons bien que le lieu de rassemblement pour célébrer les victoires, y compris lorsqu’il s’agit de clubs étrangers, c’est toujours les Champs, nous l’avons bien vu avec la Coupe d’Afrique des nations. Il faut arrêter de dire qu’on peut tout interdire. Ce n’est pas ma conception des choses. Comment gère-t-on ce type d’événements ? Comme on l’a fait hier soir, après la victoire du Portugal en Ligue des nations : on tient les personnes sur la chaussée et on n’interrompt pas le trafic. Mais hier soir, seules 300 personnes ont défilé dans une ambiance festive ; rien de comparable avec le 31 mai, donc.

Dans les autres pays aussi, il y a des incidents. Vous avez cité deux exemples où les choses s’étaient bien passées, mais nous en avons aussi en mémoire bien d’autres où cela n’a pas été le cas, qu’il s’agisse de célébrations, de concerts ou de manifestations. En matière d’ordre public, la France est un pays solide et un modèle dans le monde – il faut le dire. Je veux bien qu’on parle de « fiasco sécuritaire », mais la DOPC reçoit des délégations du monde entier qui veulent voir comment nous travaillons sur les manifestations ou comment nous organisons de grands événements. Depuis les Jeux olympiques, nous sommes même tellement sollicités que nous ne pouvons pas répondre aux demandes, car nous avons aussi notre job à faire. Je ne suis donc pas sûr que cela se passe nécessairement mieux ailleurs.

On parle beaucoup, en ce moment, d’une remise en cause de la doctrine du maintien de l’ordre, mais cette notion de maintien de l’ordre public concerne les manifestations. Les événements festifs sont une autre chose, du moins lorsqu’ils se passent bien : en situation de violences urbaines, ce n’est plus la doctrine ou le schéma du maintien de l’ordre qui s’applique – à tel point d’ailleurs qu’a été engagée une révision, toujours en cours, du schéma national des violences urbaines. Je le répète : ce n’est pas la même chose. Dans le schéma du maintien de l’ordre, on laisse par exemple les journalistes travailler, alors que ce n’est pas forcément ce qu’il y a de mieux en situation de violences urbaines, où des groupes diffus s’éclatent et où il faut être très réactif.

Je considère que, jusqu’à preuve du contraire, cet événement ne remet pas du tout en cause notre doctrine. Notre dispositif était performant et réactif, comme le montrent le nombre des interpellations effectuées et celui des dégradations évitées. Notre doctrine a donné des résultats, et ceux qui disent le contraire la lisent d’une manière totalement erronée. On a ainsi pu lire dans la presse ces derniers jours, et j’ai encore entendu dire voilà quelques heures par un grand spécialiste des questions de sécurité sur une chaîne d’information en continu, que la doctrine était de ne pas intervenir, or c’est faux. Notre doctrine, c’est l’intervention, comme M. Léaument et ses amis me le reprochent souvent. Qu’on ne vienne pas me faire le procès de ne pas intervenir ! Si vous cherchez « Laurent Nuñez » et « gilets jaunes » sur internet, vous verrez de quoi on m’affuble : je ne suis pas réputé pour être un tendre et un doux. Je suis respectueux des règles républicaines, mais je sais aussi faire respecter l’ordre. Je le répète : nous appliquons une doctrine d’intervention et il faut distinguer entre le maintien de l’ordre et l’intervention en cas de violences urbaines.

Monsieur Warsmann, pour ce qui concerne le suivi judiciaire, la procureure de Paris a communiqué. Nous travaillons très bien avec le parquet de Paris, notamment pour le traitement judiciaire des manifestations et violences urbaines, et en particulier dans le cadre d’un groupe de travail qui se réunit très régulièrement en vue de l’amélioration de nos procédures, dont une partie peut en effet tomber si nous n’avons pas assez bien rédigé le procès-verbal de mise à disposition. Je ne crois pas que ç’ait été le cas pour cette finale comme cela a pu l’être lors de certaines manifestations, où cela a pu susciter quelque incompréhension, les suites judiciaires n’ayant pas été à la mesure du nombre d’interpellations et de gardes à vue annoncé parce que nous n’aurons pas été assez bons dans la rédaction des procédures. Ce n’a pas été le cas pour cette finale, car nous travaillons de plus en plus étroitement avec la procureure de Paris sur la rédaction des procédures, notamment sur la caractérisation du contexte de ces infractions, comme la notion de groupement constitué en vue de commettre des violences. Le parquet de Paris nous indique ses attentes, avec lesquelles nous nous efforçons d’être en phase.

J’en viens au coût des dégradations : c’est une question importante. Nous ne savons pas le chiffrer mais ce sera fait. Il existe plusieurs façons de le faire. L’une se fonde sur les demandes d’indemnisation des commerçants qui indiquent le coût des dégradations subies. Pour nos seuls véhicules, le chiffre qui m’a été donné à ce jour est de 160 000 euros de réparations. Il pourrait valoir la peine, comme vous le suggérez, de chiffrer le coût du dispositif policier lié à la célébration d’un événement sportif. Pour certains types d’événements, nous le facturons d’ailleurs à l’organisateur, et sommes même tenus de le faire. Nous facturons ainsi au Paris Saint-Germain une partie des festivités, mais il serait en effet intéressant pour nos concitoyens de connaître le coût tant des dégradations commises que des forces de l’ordre engagées.

Quant aux leçons à tirer de l’expérience, il faut en effet être attentifs au contrôle des ponts – qui étaient, d’ailleurs, tous tenus dès le dimanche. Pour ce qui est de la souricière, cela suppose un fromage pour attirer le public visé. Nous essayons surtout d’être mobiles et le moins fixes possible.

J’ai déjà répondu, madame Bordes, à propos du « fiasco sécuritaire » et de l’image de notre pays. Je ne suis qu’un haut fonctionnaire mais je ne suis pas dupe du fait que ces questions donnent lieu à un débat politique, ce qui est du reste normal. Peut-être ma réponse a-t-elle été un peu vigoureuse, mais je ne pense pas qu’on puisse parler de fiasco sécuritaire, car le dispositif a répondu à des violences, nous avons procédé à plus d’interpellation que jamais et nous avons évité bien des exactions. Je peux comprendre que vous ayez une lecture différente, mais ce n’est pas la mienne. Lorsque nous nous sommes tous réunis pour faire le bilan, mon appréciation était partagée par les directeurs et par les responsables des services de gendarmerie nationale et des compagnies républicaines de sécurité.

Vous m’interrogez aussi sur la sécurité des Parisiens : depuis que je suis préfet de police, la délinquance baisse à Paris. Je voudrais certes qu’elle baisse encore plus, et je vais m’y employer, mais elle baisse. Le ministre d’État m’a demandé de faire encore mieux, et je vais le faire dans le cadre des plans de restauration de la sécurité du quotidien. Nous allons également lutter contre le narcotrafic qui nous touche aussi dans l’agglomération parisienne.

Les dégâts matériels, je le répète, seront chiffrés. Je répète également que notre doctrine d’emploi repose sur la mobilité, la réactivité et la percussion.

Monsieur Léaument, l’idée que l’on fêterait paisiblement un événement renvoie aux débats que nous avons régulièrement à propos des manifestations. Depuis que je suis préfet de police, je discute beaucoup avec des élus de votre groupe sur l’organisation des manifestations : comme je vous l’ai dit à de nombreuses reprises, nous ne sommes pas là pour réprimer un mouvement social et n’intervenons qu’en cas de violences, quand il y a des personnes en train de casser  des vitrines ou d’attaquer les forces de l’ordre – jamais avant. Or, ce soir-là, c’était la même chose, monsieur le député. Vous vous êtes rendu sur les Champs-Élysées et vous avez vu du gaz lacrymogène mais, au début, la posture des forces de l’ordre était très sympathique. Je suis allé moi-même visiter l’ensemble des troupes : tout le monde était en attente. Mais lorsque des jeunes commencent à balancer des projectiles sur les forces de l’ordre et tentent de faire céder des barrages ou s’en prennent à des commerces, nous sommes obligés d’intervenir. Nous n’intervenons pas sur une foule pacifique – nous n’avons, d’abord, pas le droit de le faire et ce n’est, surtout, pas du tout notre intention. Ce soir-là, nous ne sommes intervenus que sur des groupes qui s’en prenaient à du mobilier urbain, à des commerces ou à des forces de l’ordre, et nous l’avons fait d’une manière très proportionnée. J’en profite pour préciser que dans l’ensemble de l’agglomération parisienne, nous avons utilisé près de 4 500 grenades : c’est dire l’intensité de ce que nous avions en face de nous.

Nous n’avons pas coupé la circulation partout – ce n’est pas possible. Nous l’avons fait dans les endroits où il y avait des risques de grands rassemblements de personnes. Lorsque des gens s’étalent sur la voie publique devant un débit de boissons, ce qui arrive assez souvent, nous intervenons pour remettre tout le monde sur le trottoir et, lorsque nous n’y parvenons pas, nous coupons ponctuellement la circulation pour éviter la voiture folle. Nous le faisons donc bien, mais en conduite, et nous avions décidé de le faire sur un périmètre déjà très étendu. Je vous renvoie à la carte que nous avons publiée avec l’arrêté que j’ai signé sur la fermeture de la circulation, laquelle a été effective à compter de midi sur l’Étoile et sa périphérie et à compter de dix-huit heures autour des Champs-Élysées. Le périmètre était quand même assez large et nous avons précisément coupé la circulation pour éviter les incidents.

Quant au fait que le dispositif ait été mal expliqué, je ne comprends pas qu’un barrage de circulation vous ait refoulé car, normalement, on laissait passer les gens. D’une manière générale, on coupe la circulation, mais les gens peuvent passer.

Les mouvements de foule ont été provoqués dès le début par les casseurs et les pyromanes. Dès dix-huit ou dix-neuf heures, en effet, il y avait sur les Champs-Élysées des groupes qui allaient et venaient, qui couraient de haut en bas, et cela toute la soirée. Il a donc fallu intervenir.

Madame Firmin Le Bodo, comme je l’ai dit, toute notre stratégie repose, depuis une dizaine d’années, sur la mobilité. C’est le grand enseignement que nous avons tiré collectivement du mouvement des gilets jaunes et de leur grande manifestation du 1er décembre 2018. Il s’agissait de rendre plus mobiles, d’une manière générale, les forces de l’ordre, et tout le monde l’a fait – gendarmes mobiles, CRS et compagnies d’intervention de la préfecture de police. Nous avons désormais une grande mobilité, qui est la réponse la plus la plus adaptée à la fois aux départs en cortège sauvage et aux dégradations pendant les manifestations. De fait, lorsque les forces de l’ordre se tiennent à distance pendant une manifestation pour éviter de se voir taxées de provocation, cela a trop souvent pour contrepartie qu’il faut intervenir très vite en cas de dégradations : c’est ce que permet la mobilité. De même, pour aller récupérer des groupes de pilleurs qui se sont dispersés pour commettre leurs exactions, il faut se déplacer très vite. La mobilité est donc vraiment notre atout maître et nous allons continuer à y travailler – car tout est perfectible.

Enfin, je regrette comme vous l’image des barrières balancées à jet continu pour bloquer le boulevard périphérique, le dimanche soir à partir d’une heure quinze du matin, par plusieurs centaines de personnes venues tard dans la nuit, après la levée du dispositif. Nous avons tout fait pour intervenir le plus vite possible, mais je regrette cette scène.

M. le président Florent Boudié. Monsieur le préfet de police, il était important que vous puissiez venir presque « à froid » devant la commission des lois, dix jours après les festivités du samedi et du dimanche, après un grand nombre de commentaires et d’interventions dans la presse. Vous avez apporté des réponses précises et éclairantes, qui recoupent parfois certaines des conclusions que nous avions tirées, avec M. Hetzel, d’une commission d’enquête sur les violences commises à l’occasion de manifestations en mars 2023. Je vous remercie, ainsi que ceux qui vous accompagnent.

La séance est levée à 23 heures.

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Membres présents ou excusés

 

Présents. - M. Xavier Albertini, Mme Léa Balage El Mariky, Mme Pascale Bordes, M. Florent Boudié, Mme Blandine Brocard, Mme Agnès Firmin Le Bodo, M. Philippe Gosselin, M. Guillaume Gouffier Valente, Mme Céline Hervieu, M. Patrick Hetzel, M. Antoine Léaument, Mme Marie-France Lorho, Mme Élisa Martin, Mme Laure Miller, M. Julien Rancoule, Mme Sophie Ricourt Vaginay, M. Michaël Taverne, M. Jean-Luc Warsmann

Excusés. - Mme Marie-José Allemand, Mme Anchya Bamana, Mme Sophie Blanc, M. Ian Boucard, Mme Colette Capdevielle, M. Moerani Frébault, M. Jérémie Iordanoff, Mme Émeline K/Bidi, M. Roland Lescure, Mme Naïma Moutchou, M. Jiovanny William, Mme Caroline Yadan, Mme Estelle Youssouffa

Assistait également à la réunion. - M. Antoine Vermorel-Marques