Compte rendu

Commission
des lois constitutionnelles,
de la législation
et de l’administration
générale de la République

 Suite de l’examen du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, de programmation pour la refondation de Mayotte (n° 1470) (M. Philippe Vigier, rapporteur général, M. Philippe Gosselin, Mme Agnès Firmin Le Bodo et Mme Estelle Youssouffa, rapporteurs) et du projet de loi organique, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relatif au Département Région de Mayotte (n° 1471) (Mme Estelle Youssouffa, rapporteure) : examen des articles                            2

 

 


Mercredi
11 juin 2025

Séance de 21 heures 15

Compte rendu n° 77

session ordinaire de 2024-2025

Présidence
de M. Florent Boudié,
président


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La séance est ouverte à 21 heures 15.

Présidence de M. Florent Boudié, président.

La Commission poursuit l’examen des articles[1] du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, de programmation pour la refondation de Mayotte (n° 1470) (M. Philippe Vigier, rapporteur général, M. Philippe Gosselin, Mme Agnès Firmin Le Bodo et Mme Estelle Youssouffa, rapporteurs) et du projet de loi organique, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relatif au Département Région de Mayotte (n° 1471) (Mme Estelle Youssouffa, rapporteure).

Article 2 (Suite) (art. L. 441-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) : Durcir les conditions d’obtention des titres de séjour « parent d’enfant français » et « liens privés et familiaux » à Mayotte

Amendement CL108 de M. Yoann Gillet

M. Yoann Gillet (RN). La langue française n’est pas une simple formalité, un détail administratif ou une option, elle est le cœur même de notre cohésion nationale, le fondement de notre République. Pourtant, à Mayotte, une dérogation particulière permet d’assouplir l’exigence de maîtrise du français lors de la délivrance des cartes de résident, y compris celle portant la mention « résident de longue durée-Union européenne » ou la carte de résident permanent. Cette dérogation affaiblit les critères d’assimilation et porte atteinte à l’exigence républicaine commune à tout le territoire national. Or l’archipel de Mayotte est devenu un véritable carrefour migratoire : un habitant sur deux y est étranger. Il est « déplorable que la langue française soit trop souvent trahie […] par ceux-là même auxquels il incombe d’en maintenir l’usage », disait le général de Gaulle. Nous avons ici la responsabilité de maintenir cette exigence. L’amendement vise donc à supprimer cette dérogation pour Mayotte, afin d’imposer une exigence linguistique uniforme lors de la délivrance des cartes de résident.

M. Philippe Gosselin, rapporteur pour les titres II et III. En réalité, il n’y a pas de dérogation à Mayotte. À ce jour, les niveaux de langue exigés sont les mêmes que dans l’Hexagone : le niveau A2 est exigé pour l’obtention d’un titre de séjour, et il sera porté en 2026 au niveau B1 pour la carte de résident. M. le ministre d’État pourra le dire mieux que moi, mais je pense que le gouvernement n’a aucune intention de créer des dérogations pour Mayotte dans ce domaine. En revanche, il me semble pertinent de ne pas se priver d’une base juridique qui permette l’adaptation de certains éléments à la situation particulière de Mayotte, comme il en existe par exemple pour le contrat d’intégration républicaine. Avis défavorable.

Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). M. Gillet cherche encore à taper du poing sur la table sans comprendre où elle se trouve. Comment pourra-t-on exiger un niveau de français B1 de la part de personnes qui survivent dans des bidonvilles et qui ne peuvent que très difficilement accéder à des cours de français ? Soit le Rassemblement national a décidé de financer des méthodes Assimil pour tous les ressortissants étrangers qui demandent un titre de séjour, soit il faudra m’expliquer comment ces personnes peuvent apprendre la langue française dans de suffisamment bonnes conditions pour accéder à un niveau B1. Je ne sais pas si vous pratiquez des langues étrangères, monsieur Gillet, mais le niveau B1 demande déjà une bonne maîtrise, à l’écrit et à l’oral. C’est la raison pour laquelle le groupe Écologiste et social s’opposera avec force et vigueur à cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CL7 de M. Aurélien Taché.

Amendements identiques CL105 de Mme Léa Balage El Mariky et CL186 de Mme Estelle Youssouffa

Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). Il s’agit de supprimer une dérogation injuste et profondément discriminatoire qui touche les enfants étrangers à Mayotte. Je fais référence aux conditions spécifiques imposées pour obtenir le fameux DCEM, le document de circulation pour étranger mineur. Dans le droit commun, ce dernier est délivré de plein droit si l’un des parents est en situation régulière. Une condition supplémentaire a été introduite à Mayotte : l’enfant doit être né en France. Par conséquent, de nombreux enfants dont les parents sont pourtant en situation régulière se voient refuser ce document parce qu’ils sont nés à l’étranger.

La réalité sociale de Mayotte fait qu’il existe de nombreux couples mixtes à la situation administrative complexe. En application de cette règle, des enfants se retrouvent bloqués, assignés à résidence dans un territoire, sans possibilité de mobilité. Cette situation est intenable. Nous parlons ici des mineurs étrangers, mais, de façon générale, il faudra mettre fin à la territorialisation de ces titres de séjour.

Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Je retire mon amendement.

M. Philippe Gosselin, rapporteur. Je comprends l’approche très humaine des auteurs de ces amendements. Après l’article 2, nous évoquerons les titres de séjour territorialisés, en essayant de répondre à la demande des Mahorais. Auparavant, il faudra adopter des mesures pour limiter l’immigration. À ce stade, j’émets un avis défavorable, mais vous devriez obtenir satisfaction, au moins partiellement, par la suite.

L’amendement CL186 est retiré.

La commission rejette l’amendement CL105.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements CL8 et CL4 de Mme Sandrine Nosbé.

Amendement CL9 de M. Aurélien Taché

Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Nous sommes dans une série d’amendements qui tendent à supprimer de nouvelles dérogations aux droits des étrangers. Nous estimons que Mayotte ne doit pas être un département où l’on expérimente de telles dérogations.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

La commission adopte l’amendement rédactionnel CL414 de M. Philippe Gosselin, rapporteur.

Amendement CL132 de Mme Estelle Youssouffa

Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Il vise à renforcer la lutte contre la fraude pour l’octroi du titre « parent d’enfant français » en imposant au demandeur de fournir des justificatifs nominatifs prouvant l’entretien effectif de son enfant.

Quand on connaît le taux de fausses paternités et le trafic de faux papiers à Mayotte, on comprend la nécessité d’être un peu plus précis dans la description des justificatifs. En l’état, pour obtenir ce titre, le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda) impose à l’étranger de démontrer qu’il contribue effectivement à l’entretien et à l’éducation de l’enfant. Cette preuve peut être apportée par tous moyens, y compris par de simples factures d’achats. Dans les faits, quand vous faites vos courses au supermarché, des clandestins attendent à la caisse pour vous demander vos tickets de caisse et vos factures, qui se retrouvent ensuite dans les dossiers à la préfecture. N’importe qui peut être régularisé sans contribuer à l’entretien de son supposé enfant. Il me semble donc nécessaire de durcir ce régime de preuves pour lutter contre une fraude qui reste massive à Mayotte.

M. Philippe Gosselin, rapporteur. Si la preuve peut être apportée par tous moyens, les éléments nominatifs – versement d’une pension alimentaire, lettres du médecin et autres – sont déjà regardés comme plus probants. Vous proposez d’encadrer davantage. Pour ma part, je m’en remets à la sagesse de la commission.

Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). Madame Youssouffa, il ne faut pas laisser penser que l’octroi de ce titre de séjour ne donne pas lieu à un examen précis des situations individuelles. La décision est prise sur la base d’un faisceau d’indices qui concourent à établir le soutien effectif d’un parent à un enfant. De multiples preuves sont nominatives : on regarde, par exemple, si le parent signe le carnet de liaison de l’école. Ce titre n’est pas accordé sur la simple présentation de tickets de caisse qui pourraient avoir été obtenus de manière frauduleuse. Il n’y a aucune automaticité dans la délivrance de ce titre de séjour ni dans l’examen des pièces qui accompagnent la demande.

La commission adopte l’amendement.

Amendements identiques CL5 de M. Aurélien Taché, CL89 de Mme Léa Balage El Mariky et CL240 de M. Philippe Naillet

Mme Andrée Taurinya (LFI-NFP). Par cet amendement de repli, nous proposons de supprimer la disposition prévoyant de faire passer de trois à cinq ans la durée de résidence pour obtenir la carte « parent d’enfants français » et imposant que cette résidence régulière soit également ininterrompue.

Nous ne cessons de le dire, tous ces nouveaux critères imposés pour restreindre le droit au séjour à Mayotte ne vont pas régler les problèmes. Ils n’auront d’autre effet que de maintenir les gens dans l’irrégularité, et donc dans la misère. L’accès au droit de séjour a été déjà restreint à Mayotte et l’on voit bien que cette spirale insensée n’a jamais réglé ni les problèmes d’immigration – ou du moins ce que vous considérez comme tels –, ni la précarité inhérente à ces restrictions de droits.

Autre danger : Mayotte devient ainsi une terre d’expérimentation pour des mesures qui pourraient être généralisées ensuite dans l’Hexagone. Le Rassemblement national et l’extrême droite se réjouissent de ces expérimentations très dangereuses qui ne correspondent pas à nos valeurs humanistes.

Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). J’ajouterais une autre raison à l’appui de la suppression des alinéas 9 et 10. Pourquoi la durée de résidence pour obtenir la carte « parent d’enfants français » avait-elle été fixée à trois ans ? Parce que, en droit français, il n’est pas possible d’obtenir un titre de séjour trois fois de suite pour les mêmes motifs. Cette nouvelle exigence est donc sournoise : les étrangers concernés n’auront pas la durée de cinq ans de résidence ininterrompue qui sera désormais requise. Le parent d’un enfant français devra justifier des conditions d’obtention d’un autre titre de séjour – salarié, conjoint de Français, ou bien carte de séjour pluriannuelle… –, ce qui est quasiment impossible. Or les personnes concernées sont, je le répète, des parents d’enfants français.

M. Philippe Naillet (SOC). Nous voulons en effet supprimer l’alinéa 10 qui porte de trois à cinq ans la durée de résidence régulière exigée pour la délivrance de la carte de résident « parent d’enfant français ». Comme je l’ai déjà dit, le principal défi migratoire à Mayotte ne réside pas dans l’octroi trop généreux de titres de séjour pour motif familial mais dans la proportion massive de personnes en situation irrégulière, estimée à environ 50 % de la population. La plupart des arrivées, vous l’avez reconnu vous-même, monsieur le rapporteur, s’effectuent par voie maritime, en dehors de tout cadre légal, sans contrôle effectif aux frontières et en dépit des reconduites hors du territoire.

M. Philippe Gosselin, rapporteur. Oui, le flux migratoire arrive d’abord par la mer, mais cela ne vide pas la disposition de son intérêt. J’ai parlé tout à l’heure de la technique du puzzle : nous avons étudié telle procédure qui concerne plusieurs centaines de visas, telle autre qui a trait à 3 000 ou 4 000 titres de séjour… En l’occurrence, nous parlons des près de 10 000 étrangers qui sont titulaires d’une carte de séjour pluriannuelle « parent d’enfant français » à Mayotte – pas de l’ensemble de la population, d’autant qu’il n’est question ici que de modifier les conditions de délivrance de la carte de résident.

Passer de trois à cinq ans est tout à fait proportionné. Il ne s’agit pas de faire de l’expérimentation à Mayotte, mais de coller à la réalité du terrain : une immigration massive qui crée de vraies difficultés d’accès aux services publics, et une embolie dans certains secteurs. Prise isolément, chaque pièce du puzzle ne fait pas la révolution, mais elle s’ajoute. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Amendement CL10 de Mme Nadège Abomangoli

Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Le présent amendement veut supprimer la disposition dérogatoire qui prévoit qu’à Mayotte l’étranger résidant en France depuis ses 13 ans peut obtenir une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » à la condition qu’au moins un de ses parents soit titulaire d’une carte de séjour temporaire ou de résident. Cette condition de régularité est d’autant plus restrictive qu’à Mayotte, l’admission exceptionnelle au séjour, qui permet de régulariser des personnes qui ne remplissent pas les conditions classiques de régularisation à titre discrétionnaire, n’existe pas.

M. Philippe Gosselin, rapporteur. Avis défavorable. En supprimant cette condition, on ouvrirait la porte à une régularisation quasi automatique des jeunes étrangers, indépendamment du statut de leurs parents. Mayotte compte déjà un grand nombre de mineurs non accompagnés, entre 4 000 et 6 000 selon les estimations. C’est une réalité, et certaines familles peuvent envoyer volontairement leurs enfants seuls dans l’espoir d’une régularisation future. Nous en avons des cas très précis, même s’il est difficile de donner des chiffres. C’est une autre pièce du puzzle.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL107 de M. Yoann Gillet

M. Yoann Gillet (RN). Nous proposons de mettre fin, purement et simplement, au regroupement familial à Mayotte. Devenue un outil de contournement, cette procédure ne répond plus à besoin mais sert de stratégie d’installation – à Mayotte comme ailleurs, soulignons-le. Cela alimente une situation explosive. Le cadre législatif actuel ne répond plus à l’urgence, il l’aggrave. En autorisant le regroupement familial, on organise une immigration de peuplement que Mayotte ne peut plus supporter. On continue à tirer vers le chaos un territoire déjà à genoux. Cela fait plus de trente ans que les gouvernements ferment les yeux. Résultat : la France est devenue un guichet social ouvert à tous, sans contrôle, sans limite, sans volonté. Au Rassemblement national, nous refusons ce renoncement, nous défendons un projet clair de fermeté en matière d’immigration. C’est du bon sens, et c’est ce que réclament les Français.

M. Philippe Gosselin, rapporteur. Comme je l’ai indiqué précédemment, 80 % des titres délivrés pour motif familial le sont sur deux fondements qui ne sont pas ceux du regroupement : « parent d’enfant français » et « liens personnels et familiaux ». Votre proposition risque de se heurter au droit européen, pour un nombre de titres concerné très faible, estimé à quelques centaines par an – M. le ministre d’État pourra peut-être nous donner des chiffres précis. En tout cas, on tape à côté tout en prenant un risque sérieux d’être en contradiction avec le droit européen. Avis défavorable.

M. le président Florent Boudié. De mémoire, ces titres représentent 15 000 des quelque 270 000 titres de séjour délivrés au total à l’échelle nationale.

Mme Andrée Taurinya (LFI-NFP). Vous avez la confirmation que ce texte est une source d’inspiration pour le Rassemblement national : « à Mayotte comme ailleurs », a dit M. Gillet ! Vous proposez pour Mayotte des dispositions qui, une fois appliquées, ouvriront un boulevard à leur extension dans l’Hexagone. C’est dangereux, ce que vous faites dans ce texte : vous déroulez non pas le tapis rouge, mais le tapis brun du Rassemblement national. Voilà ce que vous êtes en train de faire.

M. Philippe Gosselin, rapporteur. Mais l’avis du rapporteur est défavorable !

Mme Andrée Taurinya (LFI-NFP). Mais le germe est dans votre article.

Le Rassemblement national prétend que c’est ce que réclament les Français ? Où a-t-on vu cela ? Ce que réclament les Français, c’est plus de pouvoir d’achat, la retraite à 60 ans ; à Mayotte, c’est le blocage des prix, la possibilité de vivre comme dans l’Hexagone avec un accès à l’eau, aux soins, à l’école. Voilà ce qu’ils réclament. C’est comme cela que l’on résoudra le problème, pas en faisant des immigrés et des étrangers des boucs émissaires.

M. Manuel Valls, ministre d’État, ministre des outre-mer. Je vais décevoir Mme la députée à propos de l’alliance idéologique de fait entre le RN et le gouvernement.

Le droit au regroupement familial se rattache au droit de mener une vie familiale normale, érigé en principe général du droit. Le Conseil constitutionnel le considère comme une garantie légale du droit des étrangers établis de manière stable et régulière en France à y mener une vie familiale normale. Il peut y avoir des évolutions, mais le cadre légal est clair. Comme l’a indiqué le rapporteur, ce droit est aussi encadré au niveau européen et international. L’amendement est donc en contradiction avec les engagements internationaux de la France.

Il faut en outre souligner que le regroupement familial représente un très faible enjeu à Mayotte : 0,1 % des titres délivrés. Au-delà des questions de droit, essentielles, le maintien de ces dispositions relatives au regroupement familial n’est donc pas de nature à aggraver la pression migratoire déjà prégnante à Mayotte.

M. Philippe Gosselin, rapporteur. J’ajoute que le chiffre que j’ai donné à l’instant n’était pas le bon : il n’y a pas quelques centaines, mais quelques dizaines de titres accordés sur ce fondement.

M. le président Florent Boudié. À l’échelle nationale, l’immigration familiale représente 90 000 effectifs chaque année, dont 15 000 au titre du regroupement.

M. Yoann Gillet (RN). D’abord, même petit, un problème reste un problème. Ensuite, à la collègue de gauche qui pense avoir raison sur tout, je rappelle qu’aux élections législatives de 2024, la gauche réunie autour d’un candidat a obtenu moins de 3 % des voix à Mayotte. C’est bien la preuve que les Mahorais ne veulent pas de sa politique et de son programme. Les sondages et les études d’opinion montrent par ailleurs que 85 % des Français souhaitent une politique migratoire plus ferme, et une étude d’opinion du 29 mars 2025 que 57 % des Français sont pour l’arrêt pur et simple du regroupement familial. Vous ne pouvez pas dire que les Français ne souhaitent pas la fin du regroupement familial.

M. Antoine Léaument (LFI-NFP). La fin de l’intervention de M. Gillet sur les sondages me permet de vous rappeler que c’est l’un des thèmes du brillant rapport que j’ai remis au nom de la commission d’enquête concernant l’organisation des élections en France. En l’occurrence, nous avons ici un cas typique relevé dans le rapport : un sondage commandé par Le Journal du dimanche à l’institut CSA, tous les deux détenus par M. Bolloré, ensuite commenté sur Europe 1 et sur CNews – chaînes que regarde bien sûr le Rassemblement national pour définir sa politique, en ayant l’impression que ses positions sont majoritaires dans le peuple français.

M. le président Florent Boudié. On s’éloigne un peu du sujet.

M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Les interventions du Rassemblement national me donnent toujours le sentiment d’une forme d’incompréhension de ce qu’est l’immigration. L’immigration n’est pas une donnée idéologique, mais un phénomène matériel dont il faut traiter les causes si l’on veut y faire face. Changer les titres de séjour et le droit du sol reste sans effet sur l’immigration. Pour agir, il faut d’une part faire en sorte que les niveaux de vie aux Comores et à Mayotte s’équilibrent, et d’autre part avoir des services publics capables d’encaisser ce choc matériel qu’est l’immigration à Mayotte. Nous devons défendre les valeurs de la République partout et tout le temps, pas les remettre en cause pour servir un agenda raciste.

Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Je souhaite éclairer la lanterne de certains commissaires sur la réalité de l’immigration à Mayotte, et leur enlever quelques illusions sur la candeur, la naïveté ou la passivité des migrants.

Lors de ma campagne en 2022, au cours d’une réunion publique dans le village de Dzoumogné, un jeune homme de 18 ans m’a expliqué qu’il fallait mettre fin à la loi limitant le droit du sol à Mayotte. Je l’ai regardé, un peu surprise, et il a ajouté que si je n’agissais en ce sens, lui et ses amis allaient tout incendier – la ville avait déjà connu des violences et des menaces directes sur les élus. Je lui ai répondu que je trouvais formidable qu’il s’intéresse à la politique à son jeune âge, mais que s’il avait creusé le sujet, il aurait su qu’il perdait son temps en me faisant ce type de demande. Vingt minutes plus tard, un homme au très fort accent anjouanais m’a dit : « Écoutez ce que vient de dire mon fils. Nous, on a besoin d’avoir nos papiers. »

Laisser penser que les migrants n’ont aucune compréhension des lois, c’est tout simplement mensonger. Ils sont assistés de lobbies qui les aident à pousser des mesures, y compris, grâce à vos voix, jusqu’à l’Assemblée nationale. Il est capital que le gouvernement comprenne enfin la situation et donne une cohérence au droit des étrangers. Ce droit est une passoire : le fait d’être entré illégalement sur un territoire vous ouvre des droits, de même que le fait d’avoir des enfants, que vous reconnaissez ou pas. Voilà ce que le législateur décide de mettre enfin en cohérence.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL11 de Mme Sandrine Nosbé

Mme Andrée Taurinya (LFI-NFP). Nous proposons de supprimer la disposition dérogatoire qui fait qu’à Mayotte, l’admission exceptionnelle au séjour (AES) n’existe pas.

L’absence d’AES à Mayotte constitue une rupture d’égalité injustifiée alors que ce pouvoir discrétionnaire du préfet permet de s’adapter à des situations particulières et de protéger des personnes en leur garantissant des droits. Interdire la régularisation hors cadre, d’autant plus lorsque ce cadre est contraint comme à Mayotte, contribue à maintenir une grande partie de la population dans l’irrégularité, alors que près d’un tiers de la population mahoraise est déjà en situation irrégulière, condamnée à vivre dans l’illégalité.

C’est une spirale, et l’on ne s’en sort pas. La restriction de tous ces droits que l’on devrait accorder à ceux qui en font la demande ne résout pas le problème : on le sait, puisque cela a déjà été fait. En revanche, cela permet d’expérimenter à Mayotte des mesures vouées à s’étendre dans l’Hexagone. Le Rassemblement national nous ressert d’ailleurs les amendements qu’il avait proposés lors de l’examen de la loi « asile et immigration », qui portaient alors sur l’ensemble du territoire français. C’est le même projet : faire de l’étranger le bouc émissaire, le responsable de tous les problèmes. Pour notre part, nous avons une autre vision.

M. Philippe Gosselin, rapporteur. Je vais reprendre vos arguments en les renversant. Vous voulez rouvrir largement la régularisation discrétionnaire, dans un territoire où près d’un tiers de la population est déjà en situation irrégulière. Ce serait totalement irresponsable. Par ailleurs, le préfet dispose toujours des pouvoirs discrétionnaires qui lui permettent au cas par cas de régulariser la situation d’un étranger.

Il n’est pas question pour nous ’introduire l’admission exceptionnelle au séjour. Avis défavorable.

Mme Estelle Youssouffa (LIOT). L’ironie ne vous aura pas échappé, chère collègue. Il y a un instant, votre groupe a honni le préfet, suppôt de tous les diables et démon incarné de l’État, auquel il était impensable de confier des pouvoirs discrétionnaires, ni même un quelconque pouvoir spécifique. Nous vous avons écoutés débiter longuement une litanie d’inepties sur ce que le préfet, possédé par le démon, ne manquerait pas de faire de pouvoirs extraordinaires. Et maintenant qu’il s’agit de régulariser, vous prônez la dérogation maximale ! Le bonhomme sera angélique, il pourra régulariser en masse, sans aucun contrôle et en dehors de la loi. Magique !

Mme Dominique Voynet (EcoS). Sans intention de polémiquer, je dirai que si l’on veut débattre, il faut le faire de bonne foi. Tout à l’heure, il a été défendu l’idée que le préfet n’avait pas forcément à décider et à diriger seul les autres services de l’État. On n’a jamais parlé de la possibilité pour le préfet de prendre des décisions discrétionnaires.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CL6 de Mme Nadège Abomangoli, CL88 de Mme Léa Balage El Mariky et CL241 de M. Philippe Naillet

M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Par cet amendement de repli, nous proposons de supprimer la disposition prévoyant d’exiger une condition de sept ans de résidence habituelle à Mayotte pour l’obtention de la carte temporaire de séjour « liens personnels et familiaux ». Cette disposition serait spécifique à Mayotte. Or nous avons tendance à défendre des lois républicaines qui, dans l’idéal, s’appliquent de la même manière partout.

Comme Andrée Taurinya, je souligne que toutes les dérogations appliquées à Mayotte en matière migratoire, de titres de séjour et de valeurs républicaines sont vouées à s’étendre. La loi « asile et immigration », qui avait d’ailleurs fait l’objet d’une motion de rejet à l’Assemblée nationale, prenait ainsi la Guyane comme terrain d’expérimentations à étendre plus tard à l’Hexagone.

Pour avoir eu quelques discussions avec lui, je sais que M. le rapporteur peut être sensible à l’éventualité d’une extension des dérogations dans certains domaines. Les outre-mer présentent des situations spécifiques et la République a établi petit à petit des manières d’en tenir compte. Toutefois, il y a un registre qui ne se prête pas à l’établissement de spécificités : ce qui relève des valeurs de la République. On ne grandit pas la France quand on diminue les valeurs de la République.

Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). Non, monsieur le rapporteur, cet article n’est pas du tout l’une des pièces d’un puzzle. En guise de métaphore, on est surtout en train de nous raconter une fable. Depuis combien d’années durcit-on les conditions d’accès au séjour, ajoute-t-on des critères, allonge-t-on les délais ? Le résultat, c’est que l’immigration continue à augmenter et que les gens continuent de franchir les frontières. On peut continuer à sauter comme des cabris, ce qui est proposé ne changera rien.

Mon amendement de repli a pour but d’éviter de vider de son sens la carte de séjour « liens personnels et familiaux », laquelle est délivrée après examen de la réalité de l’intégration de la personne et de ses attaches familiales, et non en fonction de la durée de son séjour. Je ne comprends d’ailleurs pas pourquoi vous avez proposé une durée de sept ans plutôt qu’une autre.

On est en train de vider complètement de leur substance un certain nombre de titres de séjour. Tout à l’heure, on a fait en sorte que la carte de résident « parent d’enfants français » n’existe plus en pratique. On s’attaque désormais à la carte de séjour temporaire « liens personnels et familiaux ». Autant assumer que vous ne voulez plus de cartes de résident pour les étrangers à Mayotte.

M. Philippe Naillet (SOC). Le rapporteur parlait aussi tout à l’heure d’un amendement qui « tape à côté ». En l’espèce, notre amendement vise à supprimer un alinéa qui tape à côté, l’alinéa 12, qui prévoit une condition de résidence habituelle de sept ans pour la délivrance de la carte de séjour temporaire « liens personnels et familiaux » à Mayotte.

Il est permis de douter de l’effet réel d’une telle disposition tant que les moyens de l’administration, et notamment de la préfecture de Mayotte, resteront très insuffisants pour traiter les demandes dans des délais raisonnables et assurer un contrôle efficace du séjour sur le territoire. Il s’agit plutôt d’une mesure d’ordre symbolique, alors qu’il faudrait une stratégie cohérente articulant régulation de l’immigration, accès au droit et renforcement des capacités administratives locales.

M. Philippe Gosselin, rapporteur. La fable, c’est de dire, comme M. Léaument et Mme Taurinya, que Mayotte est un laboratoire. Ce n’est absolument pas le cas. Ce territoire présente des spécificités. On n’en connaît pas précisément le nombre d’habitants, mais on sait que plus de 50 % d’entre eux sont en situation irrégulière, qu’on enregistre 10 000 naissances par an à Mamoudzou et que près de 80 % des mères séjournent irrégulièrement sur le territoire.

Autre fable : l’atteinte aux droits fondamentaux. Dans son avis, le Conseil d’État n’a relevé aucune difficulté par rapport aux exigences constitutionnelles ou conventionnelles. Quant au principe d’égalité, je rappelle que, selon une jurisprudence constante, le Conseil constitutionnel permet d’y déroger pour des raisons d’intérêt général ou quand les situations des personnes sont différentes. À Mayotte, on a les deux. C’est pourquoi des dispositions ont été prises pour mieux encadrer l’accès à la nationalité française à Mayotte, conformément à l’article 73 de la Constitution. Le Conseil constitutionnel a validé ces évolutions, confirmant ainsi sa jurisprudence de 2018. Vous avez dû, comme moi, relever avec beaucoup d’intérêt qu’il a précisé dans le point 9 de sa décision du 7 mai 2025 que l’accès sans restriction à la nationalité française pour les personnes nées sur le territoire français ne constituait pas un principe fondamental reconnu par les lois de la République.

Actuellement, la durée de résidence habituelle est fixée à cinq ans par la jurisprudence administrative. L’article prévoit, d’une part, d’élever au niveau législatif ce qui relevait de la jurisprudence, et d’autre part de porter à sept ans la durée de résidence habituelle à Mayotte pour l’obtention de la carte temporaire de séjour « liens personnels et familiaux », afin d’éviter certains travers.

M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Je connais cette jurisprudence du Conseil constitutionnel, mais je suis en désaccord profond avec elle.

M. Philippe Gosselin, rapporteur. Moi, je considère que les décisions du Conseil s’imposent au législateur.

M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Certes, mais le législateur peut changer la loi et je ne désespère pas que l’on arrive à changer la Constitution elle-même.

M. Philippe Gosselin, rapporteur. Il peut changer la loi, mais pas les principes fondamentaux !

M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Par ailleurs, fait partie du bloc de constitutionnalité la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, dont l’article 1er dispose que « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit. » Pas les Français, pas les Mahorais, mais les hommes ! Cet universalisme est une des spécificités du droit français : nous, Français, avons déclaré des droits pour l’humanité tout entière si les gens veulent s’en saisir. Alors oui, venir faire des exceptions dans notre droit pour faire des différences entre les Français, les étrangers et les étrangers qui sont sur notre sol avec des titres de séjour particuliers est une mise en cause des valeurs fondamentales de la République.

Nous sommes fondamentalement en désaccord sur la question du droit du sol. Depuis que nous faisons des textes constitutionnels, depuis le début de la République, en 1792, nous proclamons que l’identité nationale française n’est pas autre chose que la citoyenneté. J’ai le regret de vous dire qu’à Mayotte on remet progressivement en cause les droits fondamentaux de notre République, jusqu’à les faire disparaître. Ensuite, des gens ici même viendront dire qu’il faut faire pareil sur l’ensemble du territoire de la République. Vous aurez alors détruit ce qui fait notre identité fondamentale de Français.

Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). Je répète ma question : depuis combien d’années a-t-on durci les conditions d’accès au séjour pour les étrangers, et a-t-on constaté un début d’effet sur les flux migratoires ? Vous ne trouverez aucune étude montrant que cette politique empêche les gens de venir.

M. Philippe Gosselin, rapporteur. Monsieur Léaument, la Déclaration de 1789 fait bien une distinction, y compris dans son titre, entre l’homme et le citoyen. Réduire les droits de l’homme à la citoyenneté est une erreur. La loi peut poser des conditions pour devenir citoyen, par exemple d’âge ou de capacité.

Pour ma part, je suis assez légaliste et je considère que les décisions du Conseil constitutionnel s’imposent à nous. Il est plutôt sage pour le législateur de rédiger des textes conformes à la Constitution – même si nous ne sommes pas forcément d’accord avec ses interprétations de l’article 45 !

Je n’ai jamais prétendu qu’il existait un lien avéré entre la législation et les flux migratoires. À Mayotte, les immigrés arrivent essentiellement par voie maritime, au moyen de kwassa. C’est un fait. C’est la raison pour laquelle il faut renforcer nos moyens matériels – avec le rideau de fer, des radars, des moyens maritimes et aériens. À cela s’ajoute ce projet de loi, complet, qui contient plusieurs éléments relatifs aux titres de séjour – les pièces du puzzle. C’est l’ensemble de cela qui donne sa force à ce projet de loi.

Mme Estelle Youssouffa (LIOT). On peut citer la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, se gargariser de grands principes et évoquer des fantasmes et des projets politiques tout en pensant aux futures élections. Moi, je vais vous ramener sur le plancher des vaches : les 375 kilomètres carrés de Mayotte sont revendiqués par un État voisin qui instrumentalise les flux migratoires et qui a réussi en deux décennies à changer toute la démographie de notre île, avec une revendication territoriale. Plus de la moitié de la population est désormais comorienne.

L’instrumentalisation des flux migratoires est définie comme une menace hybride par l’Otan et l’Union européenne – allez vérifier avant de contester, je connais le sujet. Or le propre de l’instrumentalisation des flux migratoires, c’est d’utiliser de manière subversive les lois du pays d’accueil. C’est précisément ce qui se passe : nos incohérences en matière de droit des étrangers, l’abus du droit du sol sont utilisés pour changer la démographie à Mayotte – en vue d’un vote, un jour. Lorsque vous évitez systématiquement de dire « les Français de Mayotte » ou « les Mahorais » pour parler plutôt des « habitants de Mayotte », vous remplissez précisément le projet des Comores que tous ceux qui sont entrés illégalement soient bien pris en compte. Vous prenez en permanence la misère aux Comores comme argument, en faisant abstraction du fait qu’elles n’ont pas été frappées par le cyclone. Pourtant, le fait qu’elles continuent à envoyer leurs ressortissants à Mayotte prouve bien que ce n’est pas une affaire de déséquilibre économique, mais bien la traduction d’un projet politique de prise de contrôle d’une partie de notre territoire national. Vous continuez à être dans le déni absolu, à utiliser notre territoire à des fins politiques sans accepter la moindre des solutions qui pourrait soulager notre détresse.

Mme Andrée Taurinya (LFI-NFP). Jusqu’à présent, nous avons réussi à débattre calmement. Quelque chose ne me plaît pas dans vos propos, madame Youssouffa : en disant que vous connaissez le sujet, vous laissez entendre que nous sommes des ignorants. Il est normal d’avoir des désaccords politiques, mais nous pouvons en discuter sereinement, en nous respectant mutuellement.

La commission rejette les amendements.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL415 de M. Philippe Gosselin, rapporteur.

Amendement CL263 de M. Olivier Marleix

M. Philippe Gosselin, rapporteur. Avis défavorable à cet amendement, même si je l’ai cosigné. Le projet de loi propose déjà de porter la durée de résidence habituelle de cinq à sept années, c’est suffisant. Plus serait disproportionné.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CL194, CL192, CL187 et CL191 de Mme Estelle Youssouffa

Mme Estelle Youssouffa (LIOT). L’amendement CL194 prévoit de ne pas appliquer à Mayotte l’article L. 423-23 du Ceseda, qui permet la délivrance d’une carte « vie privée et familiale » sur le fondement de liens personnels et familiaux. Une trop grande marge d’appréciation est laissée à l’administration et nous souhaitons mettre fin à ce dispositif.

L’amendement CL192 propose d’écarter du bénéfice du regroupement familial le membre de la famille qui ne reconnaît pas l’appartenance de Mayotte à la République française.

L’amendement CL187 vise à préciser les conditions d’accès au regroupement familial en définissant clairement la nature des ressources exigées, afin de garantir que les revenus proviennent d’activités licites.

Je retire l’amendement CL191.

M. Philippe Gosselin, rapporteur. Votre amendement CL194 présente des difficultés au regard de la Constitution et des conventions internationales. Pour autant, je n’écarte pas vos arguments d’un revers de la main. Il existe en effet des difficultés liées à l’appréciation parfois subjective des critères d’intensité et de stabilité des liens, ce qui peut aboutir à des décisions divergentes. L’augmentation de cinq à sept ans de la durée de résidence habituelle devrait permettre de répondre aux critiques.

Avis défavorable à ces amendements.

L’amendement CL191 est retiré.

La commission rejette successivement les autres amendements.

Amendement CL196 de Mme Estelle Youssouffa

Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Cet amendement vise à supprimer une disposition particulière au département de Mayotte qui permet au représentant de l’État de renouveler des cartes de séjour pour les étrangers polygames.

J’ose penser que les féministes qui parlent toujours d’alignement par rapport à la métropole y seront sensibles. La polygamie ayant été abolie à Mayotte, on pourrait peut-être envisager de ne pas permettre aux étrangers de profiter de la polygamie pour obtenir aisément des papiers – et ce alors même qu’ils n’assurent pas la subsistance de leur famille !

M. Philippe Gosselin, rapporteur. Une clause générale du Ceseda interdit la délivrance ou le renouvellement de tout titre de séjour à un étranger qui vit en état de polygamie. Mais il faut aussi prendre en compte les situations locales et veiller à ce que des droits acquis au titre d’anciennes législations, avant l’interdiction de la polygamie à Mayotte en 2010, ne soient pas remis en question. Il faudrait peut-être revoir la rédaction de l’amendement.

Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Les personnes qui étaient déjà en état de polygamie avant l’interdiction de cette dernière ne sont pas concernées par le renouvellement du titre de séjour, du fait de l’ancienneté de leur présence. La polygamie a en effet été abandonnée en 2010 – 2003 selon le ministre – afin de permettre la départementalisation.

Il paraît fou de m’expliquer que la République, qui lutte contre la polygamie dans l’Hexagone, devrait continuer à l’autoriser à Mayotte pour des étrangers. C’est du Kafka.

M. Philippe Gosselin, rapporteur. Selon les informations dont je dispose, l’abolition de la polygamie remonte à 2010 et je suis soucieux des droits acquis. Mais si elle remonte à 2003, les choses sont différentes. Ce point mérite d’être vérifié.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Le gouvernement partage évidemment l’esprit de cet amendement.

Comme vous le savez, la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République comporte une disposition générale qui fait obstacle à la délivrance de tout document de séjour à un étranger vivant en état de polygamie en France. Avant l’entrée en vigueur de ce texte, seuls les demandeurs d’un titre de séjour pour motif familial ou d’une carte de résident devaient faire une déclaration de non-polygamie. Je connais bien le sujet, en tant qu’ancien maire d’Évry. La législation est désormais claire et évite toute contradiction avec le code civil ou le code pénal.

Néanmoins, la polygamie a été autorisée à Mayotte jusqu’en 2003. La loi de programme pour l’outre-mer du 21 juillet 2003 a fait évoluer le statut civil de droit local vers un plus grand respect des principes de la République et a supprimé la possibilité de conclure des unions polygames. Toutefois – et c’est ce que voulait dire M. Gosselin – cela ne valait que pour l’avenir, puisqu’il était précisé que seules les personnes qui n’avaient pas atteint l’âge de se marier avant le 1er janvier 2005 devaient être ensuite nécessairement monogames. Toutes celles qui avaient déjà cet âge ont pu ensuite s’engager valablement dans une union polygame. La polygamie a été totalement interdite, quel que soit l’âge, par l’ordonnance du 3 juin 2010. Les unions contractées avant cette ordonnance demeurent valides.

Avec cet amendement, vous souhaitez que l’on combatte la polygamie avec la plus grande fermeté, au nom des droits des femmes, sur le territoire de la République et donc à Mayotte. Je ne peux qu’être d’accord avec cette intention. En effet, un ressortissant étranger ne peut envisager d’obtenir un titre de séjour en France s’il est polygame.

Le gouvernement est favorable à cet amendement mais, après en avoir discuté avec le ministère de l’intérieur, il conviendrait de compléter votre rédaction en séance afin de s’assurer que les droits acquis avant 2003 sont préservés, conformément au cadre juridique actuel.

Nous sommes au moins trois dans cette salle à avoir voté pour la départementalisation. La lutte contre la polygamie et la fin de la charia avaient été des arguments importants en faveur de cette réforme.

Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). En pratique, tout bêtement, comment fait-on pour vérifier que la personne qui demande le renouvellement de son titre de séjour n’est pas polygame ?

Mme Émeline K/Bidi (GDR). Mme Youssouffa n’a pas arrêté de dire que le gouvernement comorien n’était pas particulièrement coopératif avec la France. Les Comoriens qui demanderont une carte de séjour obtiendront donc facilement de leurs autorités un document attestant qu’ils ne sont pas en état de polygamie. Cela ne prouvera rien. Tout le monde est d’accord pour combattre la polygamie, mais la mesure proposée risque de ne pas être efficace.

Mme Dominique Voynet (EcoS). Il y a une grande diversité de situations à Mayotte et la polygamie ne concerne pas seulement des migrants, qu’ils soient en situation régulière ou non. On compte aussi des Mahorais au sein de familles polygames mixtes, y compris avec des Comoriens et des Malgaches. Dans beaucoup de familles, une première épouse est mahoraise, une deuxième est comorienne, qui n’est pas forcément en situation régulière et qui n’est pas assumée comme une épouse auprès de l’entourage. Vous allez me dire que ça existe aussi chez nous, sous les termes de concubinage ou de polyamour, mais il est certain qu’à Mayotte, c’est banal.

Une ancienne maire de Mayotte, femme de gauche très engagée, m’a expliqué qu’elle vivait dans une union polygame tout simplement parce que la première épouse de son conjoint ne dispose pas d’aucune ressource ni pension de retraite et que c’est la seule façon qu’ils ont trouvée qu’elle ait un statut dans la famille, dans la communauté et dans son village. Autre exemple : lorsque je dirigeais l’ARS (agence régionale de santé) de Mayotte, un ingénieur trouvait parfaitement normal d’inscrire sur le tableau de garde les numéros de téléphone de ses trois épouses !

C’est la réalité. Je ne sais pas dans quelle voie l’on s’engage en cherchant à savoir ce qui se passe dans le lit des 300 000 Mahorais.

Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Je suis un peu surprise d’entendre mes collègues à gauche nous expliquer qu’on a pu lutter contre la polygamie et vérifier les situations dans l’Hexagone, mais qu’à Mayotte on ne pourra pas le faire et que la polygamie y est une chose tout à fait normale.

J’entends la proposition de M. le ministre d’État, mais je rappelle que cet amendement avait été adopté en commission lors de l’examen du projet de loi « immigration » en novembre 2023, dans cette exacte rédaction, le projet de loi ayant été finalement rejeté en séance. Je veux bien vérifier une nouvelle fois la rédaction si c’est nécessaire, mais je souhaite la soumettre au vote quand même.

M. Manuel Valls, ministre d’État. J’apporterai rapidement des réponses à la question légitime sur la manière dont les choses se passent en pratique.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CL264 de M. Olivier Marleix

M. Philippe Gosselin, rapporteur. Sagesse.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 2 modifié.

Après l’article 2

Amendement CL104 de Mme Léa Balage El Mariky

Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). Cet amendement prévoit qu’un enfant né à Mayotte de parents étrangers se voit délivrer automatiquement un titre de séjour pluriannuel à l’âge de 18 ans. Il s’agit d’une mesure simple, juste et urgente.

Ces jeunes nés sur le territoire français remplissent les conditions d’accès à la nationalité telles qu’elles existent dans l’Hexagone. Mais à Mayotte, ils sont exclus par un régime d’exception : à 18 ans, ils ne deviennent pas citoyens, ils deviennent étrangers. Ils doivent entamer seuls une démarche administrative souvent kafkaïenne pour obtenir un titre de séjour. C’est un gâchis humain et institutionnel. Faute de titre de séjour, ces jeunes se retrouvent dans une zone grise, sans possibilité d’études, de travail, d’avenir. Seuls quelques dizaines d’entre eux accèdent chaque année à un canal de régularisation mis en place par la préfecture et le rectorat, avec une sélection sur dossier qui laisse sur le carreau des centaines de bacheliers. Nous déposons cet amendement pour que ces jeunes majeurs nés à Mayotte aient un avenir.

M. Philippe Gosselin, rapporteur. Si les critères prévus par l’article 2493 du code civil sont remplis, l’enfant né à Mayotte n’a pas besoin d’un titre de séjour puisqu’il aura la nationalité française à 18 ans.

En revanche, si vous entendez que cet article 2493 s’applique du simple fait que l’enfant soit né à Mayotte, cela revient à rendre automatique la délivrance d’un titre de séjour pour tout jeune né en France. Il suffirait de naître à Mayotte pour bénéficier d’un titre de séjour permettant de se déplacer sans restriction, par exemple.

Je vous invite à consulter l’article L. 423-13 du Ceseda, qui fixe les conditions de délivrance d’un titre de séjour à l’étranger né en France.

Je ne suis pas du tout d’accord avec votre interprétation de l’article 2493. Avis défavorable.

M. Antoine Léaument (LFI-NFP). On voit là toute l’absurdité des exceptions au droit du sol qu’on empile petit à petit. Un enfant né en France, qui a grandi en France, qui est normalement allé à l’école de la République – ceci dit sans méconnaître les difficultés de l’accès à l’éducation à Mayotte, et la nécessité d’y renforcer le service public – devient un étranger quand il atteint 18 ans. C’est ridicule ! Non seulement ces dérogations au droit du sol n’ont aucun effet dans la lutte contre l’immigration illégale, mais elles mettent en cause ce qui fait le sel même de la République française.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CL12 de Mme Sandrine Nosbé, CL106 de Mme Léa Balage El Mariky et CL188 de Mme Estelle Youssouffa ; amendements CL266 de M. Olivier Marleix et CL412 de M. Philippe Gosselin (discussion commune)

Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). L’amendement CL12, qui est attendu par de nombreuses personnes à Mayotte, vise à abroger l’article instituant la territorialisation des titres de séjour, afin de permettre une véritable solidarité nationale.

Le titre de séjour territorialisé, qui fait que les personnes étrangères régularisées se maintiennent sur l’île, participe à la saturation du marché local du travail alors que le taux de chômage à Mayotte est le plus élevé de France – 37 % de la population active. Ce confinement migratoire contribue également à pressurer les services publics locaux, qui sont largement défaillants. Il freine la circulation des compétences et empêche une meilleure répartition de la population.

Enfin, la territorialisation rompt de manière inacceptable l’égalité entre Mayotte et le reste de la France, entre les étrangers en situation régulière à Mayotte et les autres. Elle empêche l’Hexagone de prendre sa part de solidarité sociale et économique à Mayotte. Il faut abroger ce dispositif discriminatoire et injustifié.

Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). Oui, il faut en finir avec les titres de séjour territorialisés. La question est quand. Monsieur le rapporteur, vous avez cosigné deux amendements, l’un visant à les interdire en 2027, l’autre en 2030. Par souci de clarté, je vous propose de le faire dès maintenant.

Mme Estelle Youssouffa (LIOT). La question des visas territorialisés mobilise toute l’île depuis plusieurs années. Nous n’acceptons pas que l’État utilise notre insularité pour transformer Mayotte en cocotte-minute, en fixant la population comorienne sur notre île. Le reste du territoire national doit prendre sa part du problème migratoire qui déstabilise notre département.

Pour permettre la territorialisation des visas, il faut se rendre compte que l’administration française est allée demander une dérogation à l’Union européenne afin d’exclure Mayotte de l’espace Schengen. Cette mesure transforme notre département en un camp migratoire géant, tandis que le reste du pays nous regarde nous débattre et nous enfoncer dans une situation ingérable.

Les gouvernements successifs ont multiplié les promesses sur ce qu’ils allaient faire pour lutter contre l’immigration clandestine et combien cela allait être efficace. Mais alors, vous n’avez plus besoin de vous protéger des gens qui viennent de Mayotte, puisque ce ne sont plus des clandestins ! Il va falloir respecter les engagements pris à l’issue du mouvement social de l’année dernière, lorsque M. Darmanin est venu dire de la part du président de la République que si on arrivait à limiter le droit du sol à Mayotte, on mettrait fin au visa territorialisé. Grâce à M. le rapporteur, nous avons limité le droit du sol à Mayotte. Il faut maintenant respecter les engagements et mettre fin à l’injustice qu’est le titre de séjour territorialisé.

M. Philippe Gosselin, rapporteur. C’est un moment de grâce ! Nous partageons l’objectif de mettre fin à la territorialisation. Cette anomalie s’explique par la situation migratoire exceptionnelle des 320 000 à 400 000 habitants de l’archipel. Toutefois, les élus et la population de Mayotte attendent une convergence avec le droit commun. Même si ce projet de loi de programmation ne se résume pas à cette question – pensons aux aspects économiques et sociaux, notamment –, un signal fort en la matière est nécessaire.

Reste à savoir quand la territorialisation doit prendre fin. Par l’amendement CL412, je propose la date du 1er janvier 2030. Certains préféreraient agir au plus vite, au 1er janvier 2026 ou 2027. Je pense toutefois qu’il faut donner du temps au temps afin de s’assurer que l’ensemble des dispositions que nous sommes en train de voter soient appliquées – pensons aux décrets d’application, mais aussi aux moyens humains, à l’équipement aérien et maritime nécessaires. Laissons tout cela se concrétiser, attendons que les flux migratoires diminuent – sans imaginer un instant qu’ils disparaîtront, au vu de la proximité de Mayotte avec Anjouan.

La fin de la territorialisation des titres est un choix politique fort, mais dont l’application demande du pragmatisme. Avec ce vote, nous fixerons non pas une obligation de moyens, mais une obligation de résultat. Le flux migratoire doit diminuer, pour mettre fin à l’embolie des services publics et aligner autant que possible Mayotte sur le droit commun – car, non, ce territoire n’est pas un laboratoire, monsieur Léaument.

L’amendement CL412, que j’ai cosigné avec le rapporteur général et les autres rapporteurs du texte, n’allait pas de soi. Cette convergence est importante. Même si elle ne satisfera pas tout le monde, elle marque un engagement politique fort, concret. Je vous invite à vous rallier à nous, par réalisme et par pragmatisme.

Quant à l’amendement CL266, qui prévoyait une date alternative, je le retire.

Mme Émeline K/Bidi (GDR). Pardon à mes collègues de gauche et au rapporteur, mais je vais rompre cette belle unanimité. Mme Youssouffa défend le peuple mahorais avec beaucoup de fougue et de détermination. Elle me pardonnera de défendre les Réunionnais avec le même cœur.

Depuis l’audition de M. le ministre d’État hier, j’insiste pour savoir quelle est la priorité du texte : lutter contre l’immigration ou développer les droits sociaux et économiques à Mayotte. Les deux questions sont liées.

En supprimant les visas territorialisés, nous lèverons la cloche qui empêche Mayotte de respirer, mais nous risquons aussi de transférer le problème à La Réunion. Un flux va se créer implacablement, que vous ne pourrez pas réguler. Un vol entre La Réunion et Mayotte coûte 170 euros et dure deux heures dix-huit ; nous avons le même climat et partageons pour partie la même histoire ; des communautés sont déjà installées à La Réunion. Bien sûr que les migrants viendront !

La Réunion est solidaire de Mayotte. Elle l’a été lors du cyclone Chido, en votant 1 million d’euros d’aides, en créant un hub pour acheminer l’aide, en accueillant plus de 500 enfants qui ne pouvaient plus être scolarisés à Mayotte. Elle continue à accueillir régulièrement les Evasan (évacuations sanitaires) en provenance de Mayotte.

Toutefois, La Réunion est le troisième département le plus pauvre de France. Elle n’a pas vocation à être la seule bouée de secours du département le plus pauvre de France. La solidarité a ses limites. La Réunion est une béquille mitée pour Mayotte. Nous espérons que la population de Mayotte parviendra à une égalité réelle des droits sociaux et économiques, de façon qu’elle ne soit plus contrainte à fuir une île devenue invivable. Toutefois, en l’état du droit et du développement économique et social de Mayotte et au vu de ce que La Réunion est capable de donner et de ce qu’elle ne parvient plus à donner, je suis navrée, mais je voterai contre ces amendements.

M. Antoine Léaument (LFI-NFP). La prise de parole de Mme K/Bidi montre bien notre cohérence.

Nous ne nions pas que les services publics à Mayotte soient dépassés par l’afflux de population. Toutefois, nous proposons de répondre à ce problème par leur renforcement et par le codéveloppement avec les Comores.

Nous ne pouvons pas accepter la territorialisation des titres du séjour, qui enferme à Mayotte cette population. Toutefois, la levée de cette mesure conduira les flux d’abord vers La Réunion, qui n’est pas elle-même sans connaître des difficultés d’accès aux services publics. Il est vrai que de manière générale, dans les outre-mer, la France n’a jamais été à la hauteur des promesses de la République. Si les problèmes que rencontrent les outre-mer apparaissaient dans le 16e arrondissement de Paris, ils seraient réglés depuis longtemps !

La vraie question est donc celle de la solidarité nationale, de la prise en charge du problème par l’ensemble des Français. Je soutiens la déterritorialisation des titres de séjour parce que c’est une question d’égalité en droit, mais la réponse première doit rester le développement des services publics sur place. Tant qu’il sera insuffisant, vous pourrez prévoir ou annuler toutes les dérogations que vous voudrez, le problème subsistera.

M. Ludovic Mendes (EPR). Nous avons besoin d’endiguer les entrées illicites sur le territoire mahorais. Malheureusement, depuis l’instauration du titre de séjour territorialisé, leur nombre a augmenté. Cela montre que la mesure ne règle pas le problème.

Par ailleurs, la territorialisation des titres empêche des personnes en situation régulière, dont la présence est reconnue par l’État, de quitter Mayotte. C’est une forme d’assignation à résidence territoriale qui n’existe qu’à Mayotte. Cette mesure, qui date de 2014, a été validée par le Conseil d’État et est censée éviter des « appels d’air ».

La réalité est que le titre de séjour territorialisé ne sert strictement à rien et donne le sentiment qu’on apporte à Mayotte une réponse inadaptée. Quand on est en situation régulière, en phase d’intégration, on doit pouvoir se déplacer sur l’ensemble du territoire national. La suppression de la territorialisation est soutenue par l’ensemble des élus de Mayotte, qu’ils soient de droite ou de gauche.

Au fond, tout cela est lié aux colonies. Le droit d’alors s’est perpétué à travers des décrets et a été validé en 2014 sous la présidence de M. Hollande, à la suite d’une jurisprudence du Conseil d’État. Mais nous avons besoin aujourd’hui d’autres réponses. Alors que les chiffres de l’immigration sont en hausse, par humanité et parce que nous sommes républicains, nous devons trouver d’autres solutions que l’assignation à résidence départementale.

Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Je remercie mes collègues d’enfin entendre la demande formulée par Mayotte depuis des années et de comprendre l’injustice qui nous est faite.

Il est savoureux d’entendre certains élus de gauche se féliciter de la frontière intérieure qui existe entre La Réunion et Mayotte, après s’être élevés contre toutes les mesures de lutte contre l’immigration clandestine, avoir expliqué combien il était merveilleux d’accueillir, avoir dénoncé l’opération Wuambushu et toutes nos actions inhumaines, avoir fait de grandes leçons sur l’accueil des étrangers et les droits de l’homme.

Subitement donc, tout cela n’existe plus. Et puis, il faut une pointe de mauvaise foi pour oublier que la quasi-totalité des investissements de l’État à La Réunion ont été faits au nom de la région océan Indien, pour servir la population de Mayotte aussi bien que celle de La Réunion, comme le montrent tous les comptes rendus officiels. Ce n’est donc pas par générosité que les Réunionnais nous accueillent, mais parce que c’est ce qui a été prévu par l’État. Les élus réunionnais se sont battus pour accueillir des hôpitaux, des infrastructures, en affirmant qu’ils serviraient aussi aux Français de Mayotte. Ne jouez donc pas les grands princes !

J’attends avec impatience la fin des visas territorialisés, parce que quand vous aurez tous eu le bonheur d’accueillir la population migrante, je ne doute pas que vous vous joindrez à moi pour demander la protection des frontières ; quand vous aurez constaté que ce n’est pas tout à fait une partie de plaisir, on verra subitement les forces de Frontex et de la marine nationale se déployer sur place et les moyens promis se concrétiser.

M. Philippe Vigier, rapporteur général. En cosignant l’amendement CL412, qui prévoit la fin des titres de séjour territorialisés, les quatre rapporteurs et moi avons voulu envoyer un signal politique fort.

Madame K/Bidi, le présent texte ne vise pas seulement à limiter l’immigration clandestine à Mayotte. C’est une boîte à outils, qui nous permet de tout mettre sur la table : le développement des services publics, l’accès aux fondamentaux, comme la limitation de l’immigration et la convergence des prestations sociales. La convergence pour les titres de séjour pourra être atteinte en 2030.

Enfin, vous ne pouvez pas nous adresser des leçons de solidarité, demander d’ouvrir toujours plus grand les vannes, et insister pour que les gens restent bien chez eux quand c’est votre territoire qui est concerné. La solidarité, ce n’est pas la communauté réduite aux acquêts. Elle implique un plan puissant pour Mayotte, que je défends avec enthousiasme, car je connais les difficultés de ce territoire.

Mme Béatrice Bellay (SOC). C’est un peu émue que je prends la parole. Les revendications de nos collègues de l’océan Indien méritent d’être écoutées. On ne peut pas nous priver de notre ambition humaniste, ni retirer aux Mahorais l’envie de voir les difficultés qu’ils vivent réglées. C’est tout le sens de l’action de l’État, pour permettre aux pays des océans de s’émanciper et d’émanciper leur population.

La solidarité nationale doit être pleine et entière, et encore plus la solidarité continentale. C’est pourquoi j’irai plus loin que mes collègues, tant de Mayotte que de La Réunion : si les visas ne doivent plus être territorialisés, ce que j’appelle de mes vœux, ils doivent aussi exclure les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution, particulièrement La Réunion. En effet, ce dont des territoires en souffrance, qui manquent d’équipements et accusent des taux de pauvreté qui devraient faire honte à la nation.

Ma position, qui sera, je pense, celle du parti socialiste, est donc qu’il faut soutenir nos compatriotes tant de Mayotte que de La Réunion, en faisant jouer la solidarité nationale à travers les continents.

Mme Dominique Voynet (EcoS). On entend des interventions très diverses, avec parfois des mots très durs. J’ai été émue par celle de Mme K/Bidi. Il faut beaucoup de courage pour aller à contre-courant, concernant ce qui semble une mesure de simple justice.

Je n’ai pas l’intention de renoncer à la fin de la territorialisation des titres, qui est attendue depuis des années, parce qu’il revient à la France tout entière, hexagonale et ultramarine, de prendre en charge cette situation douloureuse pour les habitants de Mayotte. Toutefois, alors que j’avais déposé un amendement visant à y procéder immédiatement, je me rallie finalement à celui des rapporteurs. Les cinq années qu’il laisse, d’ici à 2030, pourront ainsi être mises à profit pour remettre à niveau les services publics, créer des emplois et des commerces, chercher des logements, afin que la nouvelle situation ne déstabilise pas la société réunionnaise et que ceux qui quitteront Mayotte puissent aussi choisir la métropole.

Ne perdons pas de temps pendant ce délai pour préparer sérieusement ce qui risque d’être un bouleversement pour Mayotte, La Réunion et les régions métropolitaines qui seront susceptibles d’accueillir les migrants.

Mme Anchya Bamana (RN). J’apporte mon soutien aux propos de Mme Youssouffa sur les relations bizarroïdes que nous entretenons avec nos voisins réunionnais.

Le chapitre Ier du titre V du présent projet de loi prévoit la transformation institutionnelle de la collectivité territoriale unique de Mayotte, de sorte que l’ensemble des services de l’État puissent enfin être déclinés à Mayotte : il faut un CHU (centre hospitalier universitaire), un Crous (centre régional des œuvres universitaires et scolaires), une cour d’appel, des services délivrant les pièces d’identité et les passeports… C’est ainsi que nous pourrons avoir des relations saines avec les Réunionnais.

Mme Émeline K/Bidi (GDR). J’ai toujours défendu l’idée que Mayotte devait disposer de moyens indépendants de ceux de La Réunion. Ce ne sont pas les élus de La Réunion qui ont demandé que la cour d’appel et même, à une époque, l’ARS soient communes aux deux territoires : c’est l’État qui l’a voulu, pour faire des économies, parce qu’il est plus facile de donner moins à deux acteurs et de leur demander de se débrouiller avec.

Il est primordial que Mayotte obtienne des moyens indépendants pour son développement. Peut-être que cela assainira les relations entre nos deux îles et que les élus mahorais cesseront de reprocher aux élus réunionnais d’être la cause de leurs malheurs et vice versa. La Réunion et Mayotte ont une histoire et une réalité en commun ; ce n’est pas en se tapant dessus à longueur de journée qu’elles résoudront leurs problèmes. Oui, les moyens doivent être distincts. La solidarité, elle, est déjà là.

Effectivement, il me faut du courage pour m’exprimer à contre-courant de mes camarades et de tout ce que nous avons défendu. Pour autant, je ne me contredis pas, contrairement à ceux qui ne réclament l’alignement du droit à Mayotte sur celui du reste de la France que quand cela les arrange. Je le dis, cette mesure n’arrange pas les Réunionnais et la solidarité a ses limites.

M. Philippe Naillet (SOC). Je ne voudrais pas qu’on laisse croire que la solidarité de La Réunion envers Mayotte a fait défaut. Lors du passage du cyclone Chido, La Réunion a été le nœud de la solidarité, tant aérienne que maritime, notamment sur le plan médical. En outre, depuis la création d’un CHU à La Réunion, il y a onze ans, le nombre d’Evasan depuis Mayotte a été multiplié par quatre. Puisque je siège au conseil de surveillance de cet hôpital, je peux vous dire qu’il a un déficit de 45 millions d’euros, dont 10 millions relèvent de la solidarité à travers les Evasan. D’ailleurs, les Mahorais qui vivent à La Réunion savent très bien qu’elle ne manque pas de solidarité à leur endroit.

M. le président Florent Boudié. Je salue la grande qualité des interventions sur ce débat très important.

M. Manuel Valls, ministre d’État. C’est vrai. Sur un tel débat, complexe et qui ne doit pas être réduit à des caricatures, la noblesse des parlementaires est de trouver des solutions.

Madame K/Bidi, l’engagement de ce texte, c’est « la refondation de Mayotte ». Nous avons dû attendre Chido, pour cela. C’est pourquoi je peux comprendre la colère des élus mahorais.

Bien sûr, il serait absurde de dire que rien n’avait été fait avant à Mayotte ni dans les autres territoires ultramarins, où les inégalités, la vie chère et la violence sont effectivement plus marquées que dans l’Hexagone. L’État y est présent, et c’est d’ailleurs ce qui fait la différence avec les pays voisins de ces territoires. Beaucoup de mesures avaient été engagées à Mayotte, notamment par Philippe Vigier, quand il était ministre des outre-mer. Mais, donc, il a fallu le cyclone Chido pour que nous engagions, d’abord la reconstruction dans l’urgence, et désormais un projet complet de refondation qui couvre la convergence sociale, la reconstruction des écoles, les problématiques de santé, les grands équipements, les problèmes de sécurité et d’immigration illégale ou les bidonvilles. Ce projet s’accompagne d’une programmation, et nous avons discuté des enjeux financiers à l’article 1er.

Nous avons toujours dit que les questions de l’immigration irrégulière, de l’habitat illégal et du rapport avec les Comores devaient également être traitées, car elles déstabilisent Mayotte. On peut ne pas être d’accord avec les visions des deux députées de Mayotte Mmes Youssouffa et Bamana, mais force est de constater qu’elles reflètent une quasi-unanimité parmi les élus locaux, des maires aux conseillers départementaux, et parmi les acteurs économiques et sociaux. Il faut les entendre.

Je me félicite du travail mené par les rapporteurs concernant le titre de séjour territorialisé. Vous savez parfaitement que le ministre de l’intérieur est opposé à la suppression de la territorialisation : puisque je défends les positions du gouvernement, je suis obligé de vous le rappeler. Le président de la République, lui, il y a quelques semaines, a reconnu le caractère particulier de ce dispositif. Le Sénat, lors des débats, a admis que, dans un délai de trois ans à compter de la publication de la loi, le gouvernement remettrait au Parlement un rapport évaluant les dispositions dérogatoires en matière d’immigration et de nationalité applicables à Mayotte, pour faire un point. Bref, une large majorité se dégage pour la suppression de la territorialisation – et cela en 2030 : la nuance est importante, car, outre la convergence sociale et économique, il faut laisser le temps aux mesures de lutte contre l’immigration clandestine de produire pleinement leur effet. Compte tenu des moyens qui y seront consacrés, je ne suis d’ailleurs pas tout à fait d’accord, même si j’en comprends l’esprit, avec la dernière intervention de Mme Youssouffa, qui nous prévient en substance que nous allons tous avoir notre croix à porter.

On voit que le gouvernement est obligé de prendre en considération cette situation très particulière, qui voit même M. Gosselin, après s’être opposé en tant que rapporteur aux amendements qu’il a lui-même cosignés, s’opposer maintenant au ministre de l’intérieur, président des LR !

M. Philippe Gosselin, rapporteur. N’aggravez pas mon cas !

M. Manuel Valls, ministre d’État. Je comprends aussi votre intervention, madame K/Bidi : les tensions à La Réunion sont réelles et je sais votre honnêteté intellectuelle et votre franchise. La Réunion connaît, avec de jeunes compatriotes mahorais, des problèmes qui ne sont pas liés aux questions que nous évoquons mais à des situations familiales et sociales. Sans préjuger de la suite des débats en séance, le but de cette date de 2030 est de laisser le temps à la solidarité nationale de fonctionner.

Face aux propositions qui ont été faites, je rappelle la position du ministre de l’intérieur, mais je trouve que les quatre rapporteurs ont fait œuvre utile pour que nous puissions avancer. Je n’étais pas certain que ce serait possible – c’est tout l’intérêt d’un travail parlementaire expérimenté. Il faudra toutefois prendre le soin de bien expliquer les choses, pour éviter que les débats soient instrumentalisés et que des tensions apparaissent. Il ne s’agit pas du tout de renvoyer la balle à La Réunion, qui est, elle aussi, confrontée à des défis.

Nous avons donc cinq ans pour réaliser la convergence économique et sociale, pour renforcer tous les dispositifs de lutte contre l’immigration et pour préparer la sortie de la territorialisation. L’État, les collectivités territoriales et les élus sont capables d’aller jusqu’au bout. Je me félicite de ce débat et salue la hauteur de vue et les engagements de chacun.

M. Philippe Gosselin, rapporteur. Les propos de Mme K/Bidi sont tout à fait respectables et je n’y ai pas senti de haine, mais plutôt une grande inquiétude, que je ne balaie pas d’un revers de main. Je sais les difficultés que connaît La Réunion. Pour une part importante, elles tiennent à ce que, faute de convergence sociale, une partie des Mahorais y vont pour pouvoir bénéficier de prestations plus favorables, dont ils réexpédient une partie à leur famille à Mayotte. Ce n’est pas illégitime, car la République garantit la liberté de circulation, mais je ne sous-estime pas les problèmes que cela peut créer en termes d’habitat ou de quartiers.

Je ne veux absolument pas parler de pari sur l’avenir : je considère que l’État a une obligation non pas de moyens, mais de résultat. Il est clair que nous devons maîtriser l’immigration, mais ce n’est pas l’alpha et l’oméga de ce texte, qui vise vraiment à refonder Mayotte sous les aspects qui ont été évoqués : économique, social, sanitaire – y compris l’assainissement – et environnemental. Après la création du 101e département, le 31 mars 2011, par une loi dont j’étais alors corapporteur, nous devons aujourd’hui ajouter un étage supplémentaire à l’édifice pour, sinon parachever la décentralisation, au moins l’améliorer grandement en matière d’égalité des droits et d’égalité sociale – celles des Français : il n’est pas question ici des étrangers, mais de ceux qui ont la nationalité ou, pour reprendre le terme de M. Léaument, la citoyenneté.

Il appartiendra à la représentation nationale, avec le comité de suivi et les autres instances pertinentes, de se pencher régulièrement sur la question, et à chacun d’entre nous de veiller, à l’occasion des lois de finances, à assurer les moyens humains et matériels – et donc les investissements – que nous avons envisagés. Nous ne sommes pas naïfs : nous ne pourrons pas tout faire en cinq ans. Dans cinq ans, le port de Longoni ne sera pas en eau profonde, l’aéroport n’aura pas sa piste longue, mais nous envoyons un signal vertueux. Depuis le mois de janvier, nous observons un décollage économique qui est certes le contrecoup du cyclone Chido mais qui, avec un taux de croissance de 8 %, est tout de même extraordinaire – d’autres territoires qui ont connu de graves événements, comme la Nouvelle-Calédonie, aimeraient bien les voir suivis de tels résultats.

Comparaison n’est pas raison, mais quelque chose peut se produire à Mayotte. Vous êtes le porte-voix des habitants de votre territoire, et je ne vous le reproche pas – c’est d’ailleurs la raison pour laquelle je défends le scrutin uninominal à deux tours, qui nous ancre sur un territoire et nous fait représenter non seulement la nation, mais aussi une partie du territoire et une population. Merci de nous accompagner et de vous montrer favorable à notre amendement. J’entends aussi les propos de Mme Bellay sur la notion de solidarité, et ceux de Mme Voynet.

Au-delà de nos divergences, le vote de cet amendement, qui n’allait pas de soi voilà encore quelques jours, est un acte important. Je suis très sensible à la sagesse du ministre de l’intérieur, qui aurait pu être beaucoup plus virulent. Cela n’a pas été simple, mais personne n’est sous pression et je me sentirai, avec les corapporteurs et sous le contrôle bienveillant du rapporteur général, comptable de ce que nous voterons ce soir, dans la durée.

Les amendements CL188 et CL266 étant retirés, la commission rejette les amendements CL12 et CL106.

Elle adopte l’amendement CL412.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CL273 de M. Olivier Marleix.

Article 2 bis (nouveau) : Rapport d’évaluation des dispositions dérogatoires en matière d’immigration et de nationalité à Mayotte

Amendements CL313 de M. Philippe Naillet et CL14 de M. Aurélien Taché (discussion commune)

M. Philippe Naillet (SOC). Moins passionnel que les précédents, l’amendement CL313 vise à renforcer la portée du rapport évaluant les dispositions dérogatoires en matière d’immigration et de nationalité applicables à Mayotte, dont la multiplication traduit une fuite en avant législative qui, tout en s’éloignant des principes de droit commun, percute frontalement certaines libertés fondamentales, au premier rang desquelles l’intérêt supérieur de l’enfant. Ces dispositifs, souvent présentés comme nécessaires à la spécificité mahoraise, installent en réalité un régime d’exception durable qui fragilise l’État de droit. Ce traitement différencié, s’il n’est pas sérieusement évalué, risque d’institutionnaliser une forme de discrimination territoriale.

M. Antoine Léaument (LFI-NFP). L’amendement CL14 vise à préciser le contenu du rapport du gouvernement sur les dispositions dérogatoires en matière d’immigration et de nationalité applicables à Mayotte, en indiquant qu’il convient d’en vérifier les effets sur les flux migratoires et sur les conditions de vie des personnes migrantes. De fait, aucune étude ne confirme le fait que, comme on ne cesse de nous le dire, les dérogations au droit auraient des effets sur l’immigration. Quant au second point, il répond à notre souci d’humanité valable pour tout le monde.

Par ailleurs, nous venons de décider d’une déterritorialisation des titres de séjour en 2030, mais qui nous dit qu’il n’y aura pas, d’ici là, un gouvernement défavorable à cette mesure ? Nous avons vu, à l’occasion de certains votes, les avis se diviser au sein d’un même parti – je pense au Rassemblement national. Nous sommes, quant à nous, cohérents : nous n’avons pas de problème avec l’immigration, mais avec la capacité des services publics à faire face à la population présente sur le territoire. Pour nous, la question est de faire en sorte que la République soit toujours là, que ce soit par les services publics ou par les valeurs. À la lumière de l’ensemble des discussions que nous avons eues, vous donnez raison, à propos tant de l’immigration que de la République, à La France insoumise.

M. Philippe Gosselin, rapporteur. Ces propos ne sont pas raisonnables. Il est tout à fait justifié de demander l’évaluation des dispositions dérogatoires, mais la rédaction actuelle le permet déjà et notre débat éclairera, si besoin, le contenu du rapport. L’amendement est donc satisfait. Moins la loi est bavarde, mieux elle se porte. Le Conseil d’État parlait déjà, en 1991 me semble-t-il, de la logorrhée législative et réglementaire : c’est toujours d’actualité. Avis défavorable sur les deux amendements.

M. Antoine Léaument (LFI-NFP). C’est tout de même savoureux ! Il nous semble utile que le législateur indique au gouvernement la direction qu’il souhaite lui voir suivre dans le rapport. Par ailleurs, monsieur Gosselin, je m’étonne que vous déploriez la logorrhée de la loi alors que vous ne cessez de vouloir alourdir le code pénal de précisions qui la rendent de plus en plus incompréhensible. Je note donc votre argumentaire en prévision de la prochaine fois où vous voudrez introduire des exceptions et dérogations diverses.

M. Philippe Gosselin, rapporteur. Je veillerai à ce que vous puissiez être satisfait explicitement.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle adopte l’article 2 bis non modifié.

Article 2 ter (nouveau) (article L. 441-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) : Précision des conditions relatives au logement pour bénéficier du regroupement familial à Mayotte

Amendements de suppression CL16 de Mme Nadège Abomangoli, CL90 de Mme Léa Balage El Mariky, CL167 de Mme Elsa Faucillon et CL237 de M. Philippe Naillet

Mme Andrée Taurinya (LFI-NFP). Nous voulons supprimer tous les articles visant à restreindre les droits des étrangers demandeurs d’asile et nous opposons donc à cet article 2 ter qui vise à imposer l’exigence supplémentaire que l’étranger dispose, à l’arrivée de sa famille, d’un logement normal, à l’exclusion de l’habitat informel. Cette mesure purement xénophobe est révoltante car, à Mayotte, l’habitat informel est subi et non choisi. Quatre habitations sur dix sont des constructions précaires et près d’un tiers des habitants vivent dans des bidonvilles. Cela ne concerne pas seulement les personnes en situation irrégulière, puisque deux tiers des ménages qui vivaient dans un logement précaire à Mayotte avaient à leur tête un adulte de nationalité française ou en situation régulière.

Cette situation tient en grande partie à l’insuffisance, voire à l’inexistence d’une politique du logement social et de toutes les autres mesures qui permettraient de régler les problèmes de précarité et de misère. Plutôt que de donner vraiment à ce territoire les moyens de jouir des mêmes droits que l’Hexagone, vous durcissez les conditions de l’accès des étrangers aux droits et continuez à en faire des boucs émissaires.

Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). L’article 2 ter est inutile parce que le Ceseda fixe déjà des critères très stricts de superficie minimale, d’accès à l’eau et de normes de sécurité. Il risque en outre de créer un régime d’exception dans des situations où il est impossible de prouver un titre foncier dans un système qui dysfonctionne, le cadastre étant incomplet et les titres de propriété parfois inexistants. Il faut donc toiletter le texte des ajouts du Sénat.

M. Philippe Naillet (SOC). L’article 2 ter, introduit par un amendement de la droite sénatoriale, subordonne le regroupement familial au fait que l’étranger disposera d’un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant dans la même région géographique. Sur le plan des principes, cette mesure porte atteinte au droit fondamental à une vie familiale normale garanti tant par le préambule de la Constitution de 1946 que par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. Le Conseil constitutionnel a d’ailleurs précisé que les restrictions apportées à ce droit doivent rester proportionnées aux objectifs poursuivis.

Cette disposition est en outre source de discrimination indirecte et pénalise les personnes les plus précaires – l’Insee a rappelé qu’à Mayotte, plus de 70 % du parc résidentiel relève de l’habitat informel ou non régularisé. Elle est par ailleurs improductive : en prétendant lutter contre l’habitat informel par la restriction du regroupement familial, elle ne crée aucun levier d’amélioration.

M. Philippe Gosselin, rapporteur. Les bailleurs doivent être dénoncés lorsqu’un logement n’est pas décent – faute par exemple de chauffage ou de raccordement à l’eau ou au tout-à-l’égout. Un logement normal est un logement décent, y compris à Mayotte, même si les exigences en matière de chauffage n’y sont pas les mêmes qu’en Normandie : il n’y a pas de dérogation à cette exigence de décence. L’ajout d’un article 2 ter excluant les bangas ne change rien au droit existant, qui les exclut déjà. J’ajoute que le sujet n’a aucun lien avec la propriété car la disposition s’applique aussi aux locataires, et même aux occupants sans titre puisque, selon la jurisprudence de la Cour de cassation, même un squatteur peut être considéré comme un occupant légitime et son propriétaire condamné – mais c’est une autre histoire. Avis défavorable.

M. Guillaume Kasbarian (EPR). Le rapporteur me tend une perche ! Je rappelle que le squat n’est pas une occupation légitime, mais un délit et que le législateur a renforcé les peines et les sanctions qui pèsent sur les squatteurs. C’est parce que ces derniers sont des délinquants que nous avons introduit une procédure d’expulsion express, non judiciaire, qui permet au préfet de les faire sortir en quelques jours. C’est aussi parce qu’il s’agit d’un délit grave que les squatteurs ne sont pas protégés, par exemple, par la trêve hivernale et qu’on peut les sortir du lieu à toute période de l’année.

Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). Monsieur le rapporteur, qui ne voulez pas de loi bavarde, l’amendement introduit au Sénat est bavard car il ajoute de la complexité dans un dispositif déjà très encadré. Les critères ajoutés par cet article seront difficiles à appliquer et à interpréter. Sa suppression clarifierait les dispositions du Ceseda.

M. Philippe Gosselin, rapporteur. Monsieur Kasbarian, nous nous sommes associés au vote des excellentes dispositions que vous venez de rappeler. Reste que le squat peut, dans certaines conditions, être considéré comme un domicile : c’était mon propos. Je maintiens donc mon avis défavorable. Le logement normal reste la référence. Quant à ce qui a été dit de l’ajout du Sénat, j’en laisse la responsabilité à ses auteurs, même si je peux envisager d’y souscrire.

La commission rejette les amendements.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL416 de M. Philippe Gosselin, rapporteur.

La commission adopte l’article 2 ter modifié.

Chapitre II
Améliorer les dispositifs de lutte contre les reconnaissances frauduleuses
de paternité et de maternité

Article 3 (art. 2496 du code civil) : Centralisation des actes de reconnaissance de paternité et de maternité auprès de la commune de Mamoudzou et lecture par l’officier d’état civil des obligations liées à la reconnaissance d’un enfant à Mayotte

Amendements de suppression CL19 de M. Jean-Hugues Ratenon, CL91 de Mme Léa Balage El Mariky, CL168 de Mme Émeline K/Bidi et CL238 de M. Philippe Naillet

M. Philippe Gosselin, rapporteur. Les reconnaissances frauduleuses de paternité ou de maternité sont un sujet récurrent, qui recouvre une part de réalité et parfois aussi un peu de fantasme. Il n’y a pas défiance envers les autres collectivités que Mamoudzou, comme je l’ai lu, mais si nous voulons essayer d’être efficaces, il faut centraliser les déclarations.

Le choix de Mamoudzou se justifie tout simplement parce qu’on y recense à peu près 10 000 naissances par an, malgré une diminution constatée fin 2024 et qui se prolongera peut-être en 2025. Les déclarations de naissance se font essentiellement à Mamoudzou, même s’il y en a aussi dans d’autres villes, et nombre de reconnaissances s’y font déjà aussi. Il nous a donc semblé pertinent d’y réunir des agents, officiers d’état civil par délégation, formés et aguerris.

Cela ne pose absolument aucun problème au maire de Mamoudzou avec qui nous en avons parlé très clairement, à condition qu’une formation soit dispensée à ces agents, qui ne doivent pas être laissés tout seuls. L’état civil fait en effet partie des tâches régaliennes qui incombent au maire – lequel est un Janus à la fois responsable de l’exécutif local et agent de l’État. Il importe donc que l’État prenne toutes ses responsabilités et que les liaisons avec l’autorité judiciaire, gardienne de l’état civil au sens large, soient pertinentes et efficaces, y compris en recourant, au besoin, à l’article 40 du code de procédure pénale.

Avis défavorable donc à ces amendements de suppression de l’article 3.

Mme Dominique Voynet (EcoS). Depuis ce matin, on répète qu’il y a 10 000 naissances par an à Mayotte ; or le chiffre de 2024 est de 8 900 naissances. C’est une baisse considérable, dont nous verrons si elle se prolonge en 2025.

D’un côté, je trouve assez logique de proposer une centralisation. De l’autre, les naissances n’ont pas lieu qu’à Mamoudzou : il y a quatre centres de référence qui sont des centres d’accouchements eutociques, c’est-à-dire sans complications, et il faut aussi compter avec les accouchements plus informels.

Il faudra donc travailler avec les instances de l’hôpital, parce qu’un grand nombre de naissances sont déclarées par les sages-femmes et non par les familles, ainsi qu’avec les maires des autres communes, parce qu’il arrive déjà aujourd’hui que des naissances qui s’y produisent ne soient pas déclarées.

M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Limiter aux officiers d’état civil de Mamoudzou la possibilité de reconnaître les naissances est une exception importante au droit.

M. Philippe Gosselin, rapporteur. Il ne s’agit pas des déclarations de naissance, mais des reconnaissances de paternité ou de maternité.

M. Antoine Léaument (LFI-NFP). En effet, pardon ! Toujours est-il que la centralisation à Mamoudzou peut avoir des effets de bord, en concentrant les moyens sur cette commune et en rendant le suivi difficile.

Par ailleurs, sans être un connaisseur, je vois mal quelle est la difficulté ou pourquoi il ne faudrait pas faire confiance aux officiers d’état civil des autres villes. J’ai entendu qu’il ne s’agissait pas de jeter l’opprobre sur eux, mais j’avoue ne pas voir la nécessité de la mesure. S’il s’agit simplement de concentrer la formation des agents en matière de reconnaissance des actes de paternité et de maternité, nous devrions être capables de la déterritorialiser ! Quel est l’argument réel derrière cet article 3 ?

Mme Émeline K/Bidi (GDR). Je peux entendre que la centralisation se justifierait pour des raisons d’efficacité de la formation, mais est-il prévu, par exemple, une itinérance des agents de l’état civil de Mamoudzou pour aller récupérer les actes dans d’autres communes ? Des mesures sont-elles prévues pour assurer une plus grande proximité ? Si le but n’est pas d’assurer l’efficacité de l’état civil, mais de décourager les gens de venir établir un lien de filiation maternelle ou paternelle avec l’enfant, nous ne pourrons pas avoir le même avis sur cet article.

Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Il faut comprendre l’ampleur de la fraude documentaire à Mayotte, qui se traduit par un important trafic de fausses reconnaissances de paternité. Il ne s’agit pas de cas anecdotiques. Le dernier cas qui a défrayé la chronique est celui d’un père de cinquante-quatre enfants. Quelle santé !

La réalité, c’est que ces spécialistes des fausses reconnaissances alternent entre les communes de Mayotte pour que les agents administratifs ne les reconnaissent pas. Au-delà de quatre ou cinq enfants, si la même personne se présentait à intervalles réguliers devant le même service, l’alerte serait lancée devant le caractère manifeste de la fraude ; si on les répartit entre dix-sept communes, c’est moins visible. C’est pourquoi la centralisation des reconnaissances de paternité nous paraît pertinente et a été réclamée par les élus locaux.

Pour m’être entretenue avec les agents municipaux lors de plusieurs missions parlementaires, je sais qu’ils sont directement menacés et qu’ils se sentent démunis face à la pression qui s’exerce sur eux. Ils demandent à être formés et mieux outillés pour l’enregistrement des reconnaissances de paternité ou de maternité.

Car c’est un phénomène inédit : il y a, à Mayotte, de fausses reconnaissances de maternité. Une mère déclare la naissance d’un enfant et, un ou deux ans après, une fois qu’elle a obtenu ses papiers, une autre femme se présente et dit que c’est son enfant. La personne qui a obtenu frauduleusement ses papiers les garde et la nouvelle en obtient automatiquement. C’est pour répondre à cette situation extrêmement complexe, extraordinaire au sens propre, que la centralisation a été imaginée.

M. Philippe Gosselin, rapporteur. C’est vrai, madame Voynet, il y a des naissances hors de Mamoudzou, et même hors maternité. Mais nous parlons ici des actes de reconnaissance et non des actes de naissance. Ces derniers sont concentrés de fait à Mamoudzou, où ont lieu 75 % des naissances, mais les autres communes restent compétentes lorsque le cas se présente, comme pour tous les actes d’état civil – naissances, mariages, décès.

Ce que nous voulons éviter, ce sont les reconnaissances multiples, les nomades de la reconnaissance qui se rendent dans les différentes communes de Mayotte. Effectivement, cela crée une contrainte pour 25 % des naissances, car il faudra se déplacer à Mamoudzou. J’insiste néanmoins sur le fait que l’état civil, qui est une compétence de l’État, doit se faire avec des moyens de l’État : il n’est pas question que Mamoudzou supporte seule ces efforts. Avis défavorable à l’ensemble des amendements.

Enfin, monsieur Léaument, vous vous étonnez du terme que j’ai cité. Je n’ai pourtant fait que reprendre les mots mêmes – défiance généralisée et stigmatisation – qui figurent dans l’exposé sommaire de l’amendement CL19 de M. Ratenon, signé par ses collègues de LFI.

La commission rejette les amendements.

Amendement CL92 de Mme Léa Balage El Mariky

Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). L’amendement vise à permettre la reconnaissance de paternité ou de maternité ailleurs qu’à Mamoudzou en cas de force majeure afin de combler un vide dans l’article 3.

M. Philippe Gosselin, rapporteur. Il n’y a pas de vide à combler dans le dispositif. La reconnaissance de paternité n’est pas limitée par un délai : en cas de force majeure, si l’on ne peut pas se déplacer le jour même, on peut attendre le lendemain ou le surlendemain.

M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Si le problème est celui des reconnaissances de paternité multiples, le plus simple ne serait-il pas de centraliser les fichiers ? En partant du principe que l’on veut un jour rétablir les lois de la République à Mayotte – et vous savez combien je suis pointilleux sur le sujet –, il faudrait peut-être réfléchir à une interconnexion entre les fichiers des communes, avec l’accord de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil).

Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). Je vous donne un exemple de vide juridique : en cas de décès, la reconnaissance doit être faite immédiatement, on ne peut pas attendre le lendemain. Cela ne représente que quelques cas par an, mais il est important de couvrir tous les cas de figure, dans la mesure où la filiation ouvre des droits.

M. Philippe Gosselin, rapporteur. Ce cas, comme les mariages posthumes, est déjà prévu par le droit.

Pour répondre à M. Léaument, le problème n’est pas seulement celui des reconnaissances multiples : il tient pour l’essentiel à la fraude documentaire décrite par Mme Youssouffa. Je note toutefois avec satisfaction que vous proposez d’interconnecter les fichiers. Le commissaire à la Cnil que j’ai été pendant douze ans considère avec beaucoup d’intérêt cette proposition, dont nous n’abuserons pas, et saura s’en saisir le moment venu.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 3 non modifié.

Article 4 (art. 2497 du code civil) : Allonger les durées du sursis à l’enregistrement de la reconnaissance d’un enfant prononcé par le procureur de la République

Amendements de suppression CL20 de Mme Sandrine Nosbé, CL93 de Mme Léa Balage El Mariky et CL169 de Mme Elsa Faucillon

Mme Andrée Taurinya (LFI-NFP). Nous nous opposons à l’allongement de la durée du sursis à l’enregistrement de la reconnaissance de paternité ou de maternité en cas de suspicion de fraude à Mayotte, qui retarde l’accès de l’enfant à un ensemble de droits – et un enfant qui a du mal à commencer dans la vie peut causer des problèmes à l’ensemble de la population. C’est toujours la même chose : veut-on adopter une vision humanitaire, ou qui stigmatise systématiquement les étrangers et les migrants, pour employer ce mot que je n’aime pas ?

Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). Je ne comprends pas bien ce qui justifie d’étendre le délai à Mayotte. Aucune donnée ne démontre que les enquêtes seraient par nature différentes de celles instruites sur le reste du territoire national.

Mme Émeline K/Bidi (GDR). Nous sommes dans une série d’articles qui dressent des obstacles à l’établissement du lien de filiation entre un parent et un enfant. C’est pourtant un droit reconnu par la Cour européenne des droits de l’homme. Je m’interroge sur ce millefeuille que nous bâtissons, qui risque d’être censuré par la justice. Je ne peux m’empêcher de penser que des moyens informatiques permettraient de régler ces problèmes sans verser dans la radicalité.

M. Philippe Gosselin, rapporteur. Je tiens à rassurer ceux de nos collègues qui craignent pour l’avenir de ces enfants : la reconnaissance de paternité est rétroactive, ce qui signifie qu’ils jouiront de tous leurs droits une fois la reconnaissance de filiation enregistrée, en remontant au jour de leur naissance.

S’agissant des inquiétudes relatives aux risques constitutionnels et conventionnels qui pèseraient sur l’article, le Conseil d’État considère qu’il ne porte pas atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale au sens de l’article 8 de la CEDH. Rappelons qu’il ne s’agit pas de faire obstacle à la reconnaissance de paternité, mais d’en assurer la sincérité, ce n’est pas la même chose. Avis défavorable.

Mme Émeline K/Bidi (GDR). La rétroactivité n’existe pas dans tous les domaines : en droit de la famille, la reconnaissance de paternité plus d’un an après la naissance prive le parent de l’autorité parentale. Ce n’est pas sans conséquence sur la vie des enfants.

La commission rejette les amendements.

Amendement CL109 de M. Yoann Gillet

M. Yoann Gillet (RN). Cet amendement vise à renforcer l’encadrement juridique de la reconnaissance de paternité en allongeant le délai de sursis à l’enregistrement dont dispose le procureur de la République pour procéder aux vérifications nécessaires en cas de suspicion de fraude. À Mayotte, près de 7 % des reconnaissances d’enfant sont détectées comme frauduleuses ; en 2022, ces reconnaissances frauduleuses de paternité représentaient à elles seules 20 % de la fraude documentée aux titres de séjour.

M. Philippe Gosselin, rapporteur. Le texte propose déjà de doubler la durée en vigueur dans l’Hexagone. Aller au-delà risquerait d’être considéré comme disproportionné. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 4 non modifié.

Article 5 (art. L. 823-11, L. 832‑1, L. 833‑1, L. 834‑1, L. 835‑1 et L. 836‑1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) : Aggravation de l’amende encourue en cas de mariage frauduleux ou de reconnaissance frauduleuse de paternité ou de maternité, en vue d’obtenir ou de faire obtenir un titre de séjour, une protection contre l’éloignement ou la nationalité française

Amendements de suppression CL21 de M. Aurélien Taché, CL94 de Mme Léa Balage El Mariky, CL170 de Mme Elsa Faucillon et CL243 de M. Philippe Naillet

M. Philippe Gosselin, rapporteur. L’article 5 aggrave les peines encourues en cas de fraude à la paternité. Il me semble que le dispositif est adéquat. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Amendements CL352, CL112 et CL111 de M. Yoann Gillet

M. Yoann Gillet (RN). L’amendement CL352 vise à renforcer l’arsenal répressif contre les reconnaissances frauduleuses d’enfants en durcissant la durée maximale de la peine d’emprisonnement, aujourd’hui fixée à cinq ans.

L’amendement CL112 vise à renforcer l’efficacité de la répression des fraudes aux règles de séjour en remplaçant le terme « titre de séjour » par « document de séjour » dans le Ceseda.

L’amendement CL111 vise à renforcer la réponse pénale à l’encontre des auteurs de reconnaissance frauduleuse d’enfant en prévoyant le prononcé obligatoire d’une peine complémentaire d’interdiction du territoire français.

M. Philippe Gosselin, rapporteur. Avis défavorable aux trois. Par souci de cohérence, les peines encourues sont alignées sur le délit de faux et usage de faux, pour lequel la peine d’emprisonnement est de cinq ans. Il n’y a pas de vide juridique à combler autour de la notion de titre de séjour. Enfin, il est déjà prévu une peine complémentaire d’interdiction du territoire français de dix ans maximum.

La commission rejette successivement les amendements.

Suivant l’avis du rapporteur, l’amendement CL269 de M. Olivier Marleix est retiré.

La commission adopte l’article 5 non modifié.

Après l’article 5

Suivant l’avis du rapporteur, l’amendement CL270 de M. Olivier Marleix est retiré.

Chapitre III
Mieux lutter contre l’immigration irrégulière et faciliter l’éloignement

Article 6 (art. L. 761-8 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) : Ouverture de l’aide au retour volontaire à Mayotte en cas de circonstances exceptionnelles

Amendement de suppression CL189 de Mme Estelle Youssouffa

Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Il s’agit de supprimer l’aide au retour à Mayotte, qui, compte tenu de la proximité avec les Comores, risque de provoquer un trafic humain accéléré et un afflux de demandeurs d’asile.

M. Philippe Gosselin, rapporteur. Je comprends votre préoccupation, c’est un vrai sujet. Mais le dispositif prévu dans l’article est très encadré : il faut des circonstances exceptionnelles, ce qui n’inclut pas les Comores, justement pour éviter que l’aide ne soit versée à des Comoriens qui reviendraient rapidement. L’amendement est donc satisfait : retrait ou avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL190 de Mme Estelle Youssouffa

Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Cet amendement de repli vise explicitement à exclure les ressortissants comoriens de l’aide au retour. Je ne sais pas à quel point il est impossible d’appliquer les circonstances exceptionnelles aux Comores.

M. Philippe Gosselin, rapporteur. En pratique, dans l’examen de la demande, la notion de circonstances exceptionnelles vise à exclurele versement de l’aide au retour pour les Comoriens.

L’amendement est retiré.

Amendement CL127 de Mme Estelle Youssouffa

Mme Estelle Youssouffa (LIOT). L’amendement vise à préciser qu’à Mayotte, l’aide au retour ne peut pas être cumulée avec d’autres dispositifs de soutien, notamment l’aide à la réinsertion économique.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

La commission adopte l’article 6 non modifié.

Après l’article 6

Amendement CL24 de M. Jean-Hugues Ratenon

M. Philippe Gosselin, rapporteur. Je ne m’oppose pas à ce que les étrangers assignés à résidence reçoivent une information sur l’aide au retour. La connaissance des droits peut faciliter certaines choses. Sagesse.

La commission adopte l’amendement.

 

La séance est levée à minuit.

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Membres présents ou excusés

 

Présents. - Mme Léa Balage El Mariky, Mme Anchya Bamana, Mme Anne Bergantz, M. Florent Boudié, Mme Agnès Firmin Le Bodo, M. Yoann Gillet, M. Philippe Gosselin, M. Guillaume Gouffier Valente, Mme Mathilde Hignet, M. Jérémie Iordanoff, M. Guillaume Kasbarian, Mme Émeline K/Bidi, M. Antoine Léaument, M. Olivier Marleix, M. Ludovic Mendes, M. Jean Moulliere, M. Philippe Naillet, Mme Danièle Obono, Mme Béatrice Roullaud, Mme Andrée Taurinya, M. Philippe Vigier, Mme Dominique Voynet, Mme Estelle Youssouffa

Excusés. - Mme Sophie Blanc, M. Ian Boucard, M. Moerani Frébault, Mme Naïma Moutchou, M. Michaël Taverne, M. Antoine Villedieu, M. Jiovanny William, Mme Caroline Yadan

Assistaient également à la réunion. - Mme Béatrice Bellay, Mme Marietta Karamanli


[1] Les articles 10, 19, 19 bis, 19 ter, 20, 21, 21 bis, 23 et 24 ont été délégués au fond à la commission des Affaires économiques et l’article 22 à la commission des Finances.