Compte rendu

Délégation aux collectivités territoriales
et à la décentralisation

– Audition de Mme Juliette Méadel, ministre déléguée chargée de la ville  2

– Présences en réunion.............................. 19

 


Mardi
4 mars 2025

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 10

session ordinaire de 2024-2025

Présidence de
M. Stéphane Delautrette, Président


La séance est ouverte à 16h35.

 

La délégation auditionne Mme Juliette Méadel, ministre déléguée chargée de la ville.

Les débats sont accessibles sur le portail vidéo du site de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :

https://assnat.fr/FY0LAd

 

M. le président Stéphane Delautrette. Nous avons le plaisir d’accueillir cet après‑midi Mme Juliette Méadel, ministre déléguée auprès du ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ville. Je vous remercie, Mme la ministre, d’avoir accepté notre invitation.

La délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation a une vocation large, non seulement celle d’assurer un lien étroit avec les élus locaux mais également d’évaluer les politiques publiques déclinées à la maille des territoires par les collectivités territoriales, que ce soit seules, à travers les compétences qu’elles exercent dans le cadre de la décentralisation, ou conjointement avec l’État. C’est le cas de la politique de la ville qui, portée par les contrats de ville et pilotée par l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), vise à améliorer les conditions de vie des habitants des quartiers prioritaires de la ville – ils sont 5,8 millions représentant 8 % de la population nationale – et à réduire les inégalités entre les territoires.

Le périmètre de vos attributions regroupe la politique de la ville et, en association avec la ministre chargée du logement, la mise en œuvre de la politique de rénovation urbaine dans les quartiers urbains défavorisés. Aussi, nos interrogations porteront sur ce champ d’action qui se situe au cœur du « vivre ensemble » et suscite des attentes fortes de la part de nos concitoyens qui vivent dans ces quartiers.

Depuis votre nomination, vous avez fait de nombreux déplacements à la rencontre des élus, des habitants, des associations, au Mans, à Vaulx-en-Velin, à Villeurbanne, à Marseille ou à Montreuil. Quels constats faites-vous à la suite de vos échanges avec les acteurs locaux et quel état des lieux dressez-vous de la situation globale des quartiers prioritaires aujourd’hui ? Est-ce à la lumière de ces constats que vous avez exhorté les bailleurs sociaux à améliorer l’entretien des parties communes des immeubles, sous peine de sanctions ?

Le dernier comité interministériel des villes (CIV) s’est tenu le 27 octobre 2023. Il a vu émerger le plan « Quartiers 2030 » visant à associer les habitants à la définition des enjeux prioritaires en amont du renouvellement des contrats de ville 2024-2030. Certaines mesures ont été prolongées : c’est le cas de la démarche « Quartiers résilients » qui intègre les problématiques de l’adaptation au changement climatique et aux nuisances de toutes natures – les quartiers sont surexposés à la pollution, au bruit, à la sous-performance énergétique des logements et à l’effet d’îlot de chaleur urbain – et de la démarche « Cités éducatives », qui a étendu les horaires d’ouverture des services publics et a renforcé l’accompagnement des plus jeunes. Des mesures nouvelles ont été lancées, comme le plan de réhabilitation des copropriétés dégradées. Vous avez récemment annoncé la réunion d’un prochain CIV pour la fin de ce mois ou en avril, qui sera, notamment, l’occasion de faire un bilan des réalisations de ces deux dernières années et de lancer de nouveaux chantiers. Vous avez souligné l’importance de privilégier des objectifs clairs plutôt que de multiplier les priorités. Sans préempter l’ordre du jour et le contenu de ce CIV à venir, pouvez-vous nous indiquer les principaux sujets que vous souhaitez voir traités lors de cette réunion et quelles sont vos ambitions ?

Nous sommes particulièrement attentifs à la présence des services publics, que ce soit dans les territoires ruraux ou en milieu urbain. Le 13 février dernier, la délégation a organisé ses quatrièmes Rencontres sur la thématique « Comment mieux répondre aux besoins des populations en services essentiels dans les territoires ruraux ». Lors des échanges, plusieurs intervenants ont fait un parallèle entre zones urbaines et milieu rural, soulignant, s’agissant par exemple des espaces France services, qu’à la différence des territoires ruraux, relativement bien dotés, les quartiers prioritaires de la politique de la ville comportaient un nombre limité d’espaces d’accueil, qui affichaient parfois d’importants niveaux de saturation. Un rapport de la Cour des comptes de 2020 soulignait également que si les quartiers prioritaires sont en général bien dotés en équipements publics, par exemple en équipements sportifs, tel n’est pas le cas en matière de services, par exemple dans le domaine de la petite enfance. Quelle est votre perception de l’articulation entre la politique de la ville et les autres interventions des services publics dans les quartiers prioritaires ?

La médiation sociale est partie intégrante de la politique de la ville. Il y a deux semaines, lors d’un déplacement à Angoulême, vous avez souligné le rôle essentiel de la médiation sociale qui favorise le dialogue et le lien social entre les habitants, les institutions et les acteurs locaux de quartiers – bailleurs sociaux, commerces, travailleurs sociaux, familles – grâce à l’intervention de médiateurs qui, dans les quartiers, au pied des immeubles, dans les transports en commun, apaisent les tensions, participent à la prévention des insécurités, facilitent l’accès aux droits et accompagnent les habitants vers des solutions concertées. Alors que le rôle des médiateurs sociaux mérite d’être consolidé et mieux reconnu, vous pourrez sans doute évoquer les mesures que vous envisagez pour mieux valoriser leur travail sur le terrain.

Enfin, je souhaite évoquer le rapport « Ensemble, refaire ville. Pour un renouvellement urbain résilient des quartiers et des territoires fragiles », qui vous a été remis le 18 février par M. Jean-Martin Delorme, président de section à l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable (IGEDD), Mme Anne-Claire Mialot, directrice générale de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) et M. Cédric Van Styvendael, maire de Villeurbanne, qui conclut une mission confiée en décembre 2023 par le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires M. Christophe Béchu, destinée à « nourrir les réflexions du Gouvernement pour la préparation d’une stratégie globale de renouvellement urbain ».

Parmi les propositions phares de ce rapport figurent :

– la création d’un comité interministériel d’aménagement du territoire, associant les collectivités territoriales, pour coordonner la mobilisation dans les quartiers fragilisés, partant d’une part, du constat de déséquilibres socio-spatiaux persistants contre lesquels une politique nationale doit être réaffirmée, d’autre part, de la nécessité d’anticiper les conséquences territoriales du changement climatique ;

– le lancement dès 2025 d’un nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU), autrement dit un « Anru 3 », ciblant la résilience climatique et la ségrégation urbaine, en rendant l’action de l’Anru plus agile et mieux coordonnée avec les autres opérateurs, les collectivités mais aussi les habitants ;

– le financement par l’Anru d’opérations relevant de la gestion urbaine de proximité pendant les travaux de renouvellement urbain afin d’améliorer la qualité de vie des habitants ;

– l’extension envisagée de l’action de l’Anru et des autres opérateurs à d’autres territoires vulnérables hors géographie prioritaire.

Que vous inspirent les conclusions de ce rapport ? Quelle est votre approche de la gestion urbaine de proximité et des enjeux humains, pendant une opération de renouvellement mais aussi après ? Est-il pertinent de lancer dès à présent un Anru 3 ? En quoi l’Anru 3 doit-il se distinguer du NPNRU pour « ne pas manquer sa cible » de mixité sociale et d’attractivité des quartiers prioritaires ?

Lancé formellement en 2014, alors que le Programme national de rénovation urbaine (PNRU) n’était pas encore achevé, le NPNRU est désormais rentré dans sa phase opérationnelle avec des décaissements. Son financement est équivalent au PNRU, soit 12,1 milliards d’euros apportés par l’Anru et pour la réhabilitation de 453 quartiers, dont 202 d’intérêt national. À fin 2024, environ les deux tiers du programme étaient engagés.

L’objectif d’un engagement complet du programme d’ici 2026, pour un horizon d’achèvement en 2030 ou 2031, sera-t-il réalisé ?

Mme Juliette Méadel, ministre déléguée chargée de la ville. Je vous remercie pour cette invitation à échanger sur le portefeuille de la politique de la ville que j’ai l’honneur de conduire. Ces moments d’échange sont essentiels pour moi, je pense qu’il est crucial que les membres du Gouvernement commencent leur action ministérielle par une telle rencontre. Il serait même pertinent d’envisager un bilan en fin de mandat pour évaluer le travail accompli.

Je structurerai mon propos autour des trois grands piliers proposés par le Premier ministre, qui correspondent à l’action que j’entends mener. Le premier pilier est l’urgence, non seulement pour des raisons de calendrier politique, mais surtout parce que la situation sociale des quartiers exige une réponse immédiate. Le deuxième pilier est la réconciliation, non pas uniquement avec les habitants des quartiers prioritaires, mais avec l’ensemble de nos concitoyens. Enfin, le troisième pilier est la refondation, visant à restaurer la confiance dans ces zones marquées par une crise de sens et d’adhésion aux valeurs républicaines.

Concernant l’urgence, ma priorité est d’améliorer le cadre de vie des 5,8 millions d’habitants des quartiers prioritaires. Pour ce faire, je me suis concentrée sur la gestion urbaine de proximité (Gup), un outil essentiel pour l’amélioration du cadre de vie et un vecteur de dignité. La Gup repose sur une approche contractuelle et collaborative, impliquant l’État, les municipalités et les bailleurs sociaux. Cette convention annuelle, basée sur un abattement de 30 % de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), représente une aide de 315 millions d’euros. En contrepartie, les bailleurs sociaux s’engagent à sur-entretenir les parties communes.

Ce sur-entretien est nécessaire dans des zones souvent fragilisées par les incivilités et, parfois, par le trafic de drogue. Les bailleurs sociaux et les élus locaux sont des acteurs clés de cette démarche, et je tiens à souligner leur engagement et leur connaissance approfondie du terrain. Malgré ces efforts, je constate un mal-être profond dans de nombreux quartiers, touchant principalement trois aspects : la sécurité – je sais l’engagement de Bruno Retailleau, ministre de l’intérieur, sur ce point –, le cadre de vie – les 12 milliards d’euros de l’Anru sont le symbole d’un engagement fort dans ce domaine – et les relations humaines, notamment dans les domaines de l’éducation et de la santé.

Les habitants de ces quartiers souffrent souvent d’un profond sentiment de solitude, ce qui se traduit par des rues étonnamment désertes.

J’ai été interpellée de manière assez virulente par les habitants, les associations de locataires et les élus locaux concernant la dégradation des infrastructures : ascenseurs en panne, caves vandalisées, problèmes de gestion des déchets, présence de nuisibles, fuites et inondations. Ce qui ressort particulièrement de ces échanges, c’est le sentiment des habitants de ne pas être entendus lorsqu’ils signalent ces problèmes. On entend souvent parler en France des trains qui n’arrivent pas à l’heure, mais ce qui m’a particulièrement interpellée, ce sont les témoignages de citoyens qui appellent pendant des semaines, voire des mois, pour signaler des pannes d’ascenseur qui durent un mois et demi sans obtenir de réponse. Ces personnes m’ont confié avoir le sentiment que leur dignité n’est pas respectée.

Face à cette situation, j’ai décidé d’intervenir en cohérence avec la convention dont je viens de vous parler. Notre objectif est de mettre en œuvre cet outil, de le dynamiser et de lui donner du sens. C’est pourquoi j’ai adressé une instruction aux préfets le 13 février dernier. Cette directive vise à mieux encadrer le contenu des conventions d’abattement de la TFPB, à renforcer le contrôle de leur exécution – car il s’agit d’un contrat donnant-donnant où chacun doit assumer ses obligations – et à prendre des mesures adaptées pour corriger les dysfonctionnements d’ici la fin de l’année. J’ai demandé à chaque préfet de réunir trimestriellement un comité de suivi de la convention sur la gestion urbaine de proximité. Ce comité permettra aux bailleurs, aux élus et à l’État de faire remonter les difficultés rencontrées et de trouver ensemble des solutions. Le 7 mars prochain, je recevrai un bilan que j’ai demandé aux préfectures de réaliser avec les élus locaux et les bailleurs. Ce « diagnostic en marchant » me permettra d’avoir une vision claire des problèmes constatés dans chaque département : saletés anormales, dysfonctionnements d’ascenseurs, dégradations excessives des rez-de-chaussée des logements sociaux – qui sont souvent les plus touchés – ou encore les questions de tranquillité publique. Toutes ces informations doivent nous conduire à des actions concrètes dans les mois à venir. Ce sera le premier symbole d’un État engagé pour la qualité de vie de ses habitants.

Le deuxième pilier de notre action est la réconciliation. Notre pays, notre République, notre démocratie ont besoin d’apaisement, d’union et de sérénité, particulièrement dans le contexte international actuel. Cela implique une méthode permettant à chacun d’être un véritable protagoniste engagé au service du bien public. Dans cet esprit, je travaille actuellement avec tous les partenaires à la préparation du comité interministériel des villes (CIV) qui se tiendra au printemps 2025 avec des associations d’élus, le secteur associatif, des habitants et, bien sûr, les bailleurs sociaux. Ce CIV nous permettra également d’évaluer l’efficacité des mesures adoptées lors du dernier CIV d’octobre 2023. Celui-ci avait fixé des objectifs très ambitieux, avec plus de 80 mesures, dans un contexte post-émeutes à la suite du décès de Nahel. Cependant, la crise financière et la dissolution qui ont suivi ont retardé l’action publique. Il nous appartiendra, avec le Premier ministre, de déterminer quelles mesures nous conservons et celles qui nécessitent une révision.

L’objectif principal de ce prochain CIV sera d’unir nos forces autour d’objectifs évaluables, quantifiables et inscrits dans un calendrier précis. Cela permettra au Gouvernement d’en suivre la mise en œuvre annuelle, et facilitera votre travail d’évaluation des politiques publiques. La réconciliation vise à ce que les habitants des quartiers prioritaires vivent dans des conditions dignes et nous fassent confiance. Par exemple, lors de ma deuxième visite à Marseille, cinq semaines après la première, les habitants ont apprécié que je revienne vérifier les progrès. Cette démarche de suivi renforce leur confiance dans l’action de l’État et des élus locaux, qui jouent un rôle décisif dans ces interventions.

Concernant le budget, je vous remercie d’avoir accordé un montant qui n’est pas trop en baisse par rapport à 2024. Les 609,6 millions d’euros inscrits au programme 147 nous donnent la responsabilité de faire mieux avec moins, dans une logique constante d’évaluation de nos politiques. Grâce à votre soutien, j’ai pu sanctuariser le financement du dispositif des adultes-relais au niveau de 2024, ce qui est fondamental pour garantir la présence sur le terrain de relais responsables et modérateurs, qui se sont avérés particulièrement utiles en juin 2023. Je prévois de notifier rapidement aux préfets de région les crédits destinés aux contrats de ville et les enveloppes d’emplois. Je compte sur leur vigilance pour évaluer la pertinence et l’efficacité des financements accordés. Je serai particulièrement attentive aux partenariats nationaux pour m’assurer que les crédits alloués soient bien destinés à l’action dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville.

Enfin, le troisième pilier de notre action est la refondation. Je souhaite vous présenter les trois grands piliers de la politique de la ville que je compte mener dans le cadre du prochain CIV, ce qui me permettra de recueillir vos avis et d’engager un processus itératif.

Premièrement, pour la reconquête de l’égalité républicaine dans les quartiers, ma priorité est l’enfance et l’adolescence. Cette priorité est au cœur de mon engagement pour les quartiers les plus défavorisés, pour une raison démontrée par les médecins, les pédagogues, les éducateurs et même les macro-économistes, notamment James Heckman, prix Nobel d’économie américain, qui a démontré qu’un euro investi sur un enfant de 0 à 10 ans permettait d’économiser 10 euros par la suite. Cela ne réduit pas la question des politiques de soutien à l’enfance à une dimension purement pécuniaire, mais souligne que tout se joue dans la petite enfance. Intervenir dès ce moment-là maximise notre capacité à prévenir, réorienter, réparer et donc à lutter contre les inégalités sociales à la racine.

Pour cela, nous disposons d’un excellent outil lancé par le président de la République et mes prédécesseurs : les cités éducatives. Grâce à l’amendement parlementaire voté dans le cadre de la loi de finances, j’ai pu renouveler les cités éducatives arrivant à échéance et concrétiser les projets engagés en 2024. Je m’engage également à examiner les nouveaux projets dont j’ai été saisie pour soutenir en 2025, par un fonds d’amorçage, les projets les plus prometteurs. Les cités éducatives ont le mérite de mettre en lien tout le personnel éducatif de la crèche jusqu’à la sortie du lycée, couvrant ainsi la tranche d’âge de 0 à 25 ans.

Au-delà des cités éducatives, je vais lancer une action sur la santé mentale des enfants dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. C’est une priorité que je partage avec mon collègue Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins. Je réfléchis à la mise en place d’un accueil psychologique et éducatif pour les plus jeunes dans le cadre des cités éducatives, en lien avec les réseaux de réussite scolaire, pour faciliter non seulement le repérage, mais surtout le soin et l’accompagnement des enfants et de leurs parents.

Le deuxième pilier concerne la tranquillité publique. Bien que la sécurité publique relève du ministre de l’intérieur, la tranquillité publique entre dans le champ de la politique de la ville pour ce qui relève des conditions de vie quotidiennes, des incivilités et de la propreté. Nous avons la possibilité d’améliorer les choses, par exemple avec des solutions de gardiennage, de surveillance et de présence adulte. En travaillant à l’amélioration de ces conditions de vie dans les parties communes des logements sociaux, nous contribuons à améliorer la tranquillité publique. Cela suppose un pilotage exigeant, auquel je m’engage, conformément à l’instruction du 13 février dernier.

Le troisième et dernier pilier concerne l’économie. Je crois profondément que les quartiers sont des ressources inestimables et sous-exploitées. Mon ambition est de mettre en place une économie inclusive, pour insérer pleinement les quartiers dans le tissu économique et productif français. Je veux que les quartiers deviennent des centres de ressources pour une économie légale. Je travaille avec la Caisse des dépôts et consignations et Bpifrance pour créer un électrochoc économique dans les quartiers. Je m’attacherai particulièrement à la question du pouvoir économique des femmes, notamment en généralisant le microcrédit pour leur donner les moyens de leur indépendance.

Je vise également l’essor d’activités utiles à tous, notamment à travers le déploiement du plan « Entrepreneuriat Quartiers 2030 », qui vise à accompagner 100 000 nouveaux entrepreneurs des quartiers. Je souhaite également développer le tissu de l’économie sociale et solidaire, encourager la création de commerces de proximité et d’artisanat par et pour les habitants des quartiers. L’économie sociale et solidaire, dans une perspective circulaire, offre de nombreuses possibilités pour améliorer la vitalité des centres des quartiers et leur redonner une dimension plus humaine et conviviale.

Il y aurait encore beaucoup à dire, notamment sur la place des femmes et sur la culture. Je suis à votre disposition pour répondre à vos questions.

M. le président Stéphane Delautrette. Je vous remercie, madame la ministre. Nous allons passer aux interventions de groupes, ce qui vous permettra d’approfondir et de revenir sur certains sujets que vous n’avez pas eu le temps d’aborder.

Mme Julie Lechanteux (RN). Depuis des années, l’État concentre l’essentiel des financements de la politique de la ville sur les quartiers prioritaires, avec des résultats souvent décevants. En 2024, 639 millions d’euros y ont été alloués, soit une augmentation de près de 40 millions d’euros par rapport à 2023, pour un budget total atteignant 117 milliards d’euros depuis 2010. Pourtant, la Cour des comptes a dressé dans un rapport en 2020 un bilan alarmant de ces programmes, pointant leur manque d’efficacité. En effet, malgré ces efforts, la violence, la délinquance et le communautarisme continuent de prospérer dans ces zones.

Dans le même temps, nos petites communes et territoires ruraux, qui ne connaissent ni émeutes ni violences urbaines, se sentent totalement abandonnés. Alors que les quartiers prioritaires bénéficient de dispositifs spécifiques, nos campagnes manquent cruellement de services publics, de crèches, de transports, de médecins et de soutien pour la rénovation de leurs centres-villes. Ces territoires incarnent une France qui travaille, respecte les règles et subit de plein fouet les inégalités.

Par ailleurs, ces communes petites et moyennes sont aussi les premières à subir de lourdes sanctions financières lorsqu’elles ne parviennent pas à remplir les objectifs de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) en matière de logements sociaux, alors même que leur application y est souvent quasiment impossible. Ces pénalités pèsent lourdement sur les budgets locaux, alors qu’elles pourraient être réaffectées à des actions plus adaptées aux réalités locales, permettant une véritable politique de la ville au bénéfice de tous.

Pensez-vous qu’il est temps de rééquilibrer cette politique en intégrant pleinement les territoires ruraux afin qu’ils bénéficient eux aussi des moyens nécessaires à leur développement et à l’amélioration de la qualité de vie de leurs habitants ?

M. Violette Spillebout (EPR). Le 13 février dernier, vous êtes venue à Lille pour soutenir les projets de rénovation urbaine et signer une instruction ministérielle visant à améliorer le cadre de vie des habitants dans les quartiers prioritaires de la ville. Je constate votre implication pour l’apaisement et le développement de nos quartiers.

J’aurais pu aborder la culture dans les quartiers prioritaires ou l’égalité économique entre les femmes et les hommes, mais j’ai choisi de me concentrer sur la sécurité, en particulier la sécurité routière.

Je sais que vous êtes sensible à ces sujets, notamment dans nos quartiers, d’autant plus que vous avez été secrétaire d’État chargée de l’aide aux victimes et que vous avez regretté la disparition de cette fonction. Le 8 février dernier, juste avant votre venue, une étudiante de 23 ans a perdu la vie dans un quartier prioritaire de la ville, fauchée sur un passage piéton par un conducteur sous l’emprise du protoxyde d’azote et roulant à près de 100 kilomètres-heure dans une zone limitée à 30 kilomètres-heure. Ce drame illustre le risque des comportements routiers dangereux dans nos centres urbains et dans nos quartiers. Dans ce contexte, les villes et les mairies disposent de nombreux moyens d’action en collaboration avec la police et la justice. Le déploiement de la vidéoprotection se généralise dans de nombreuses villes, encouragé par l’État qui cofinance ces programmes. De plus, depuis mars 2024, un décret d’application de la loi 3DS autorise les maires à installer leurs propres radars automatiques. Bien que ce dispositif soit encore peu développé en raison des coûts d’investissement et des modalités de reversement des amendes, il représente un nouveau pouvoir pour les maires. L’accompagnement des procédures judiciaires, la prévention et le rôle des radars sont cruciaux.

Votre ministère a-t-il déjà pu se saisir de cette question, en particulier concernant la vitesse et la conduite sous l’emprise de stupéfiants ? Deux points législatifs sont en cours : le projet de loi sur l’homicide routier, qui doit revenir en deuxième lecture à l’Assemblée nationale, et la proposition de loi de ma collègue sénatrice lilloise, Audrey Linkenheld, visant à encadrer l’utilisation de véhicules surpuissants par des conducteurs inexpérimentés.

Mme Juliette Méadel. J’entends le reproche concernant le traitement différencié des territoires. En tant qu’élue de la République, je tiens à souligner que le Gouvernement auquel j’appartiens ne fait pas de distinction et ne considère pas que la République se fracture. C’est pourquoi, au ministère de l’aménagement des territoires et de la décentralisation, Françoise Gatel s’occupe de la ruralité tandis que je m’occupe des quartiers. Nous collaborons étroitement sur plusieurs actions, notamment les tiers-lieux, qui sont un outil de lutte contre la ségrégation sociale, et l’accès aux services publics. Sur les 2 800 espaces France Services, seuls 500 sont situés dans un quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV). Cela montre que les décisions d’aménagement et d’accès aux services publics ne favorisent pas spontanément un territoire plutôt qu’un autre. Notre objectif est d’assurer un accès optimal aux services publics sur l’ensemble du territoire.

La question de l’accès aux services publics est étroitement liée à celle des transports. Si le désenclavement est crucial dans les zones rurales, il faut également noter que certains quartiers prioritaires, même en Île-de-France, connaissent des difficultés d’accès. Par exemple, un habitant du Val‑d’Oise travaillant à Roissy doit passer par Paris. La mission de mon ministère est de permettre à chacun d’accéder aux moyens de son émancipation économique. Nous avons lancé des études pour démontrer l’utilité de la politique de la ville. L’étude « Seine-Saint-Denis : le sas et la nasse » menée par Laurent Davezies a montré que la politique des quartiers prioritaires de la politique de la ville, en favorisant la mobilité résidentielle, était un facteur de réussite. En 2015 et en 2016, plus de 12 % des QPV ont déménagé, soit plus que la moyenne nationale. Ces efforts contribuent à lutter contre le creusement des inégalités, la ghettoïsation, la ségrégation et le séparatisme. L’ambition de notre Gouvernement est de maintenir une République unie et de partager des valeurs communes. Pour cela, nous devons traiter les problématiques là où elles sont les plus criantes, en intervenant sur l’enfance, l’éducation, l’encadrement, la présence d’adultes, la sécurité, et l’émancipation des femmes, notamment par l’indépendance économique.

Négliger ces quartiers reviendrait à alimenter davantage les forces qui cherchent à diviser la France et à semer le chaos. C’est la raison de notre engagement.

La politique des quartiers prioritaires de la politique de la ville est étroitement liée à la sécurité. Des plans départementaux d’action de restauration de la sécurité du quotidien ont été mis en place en février 2025, impliquant spécifiquement ces quartiers avec des dispositifs renforcés. J’accorde une grande importance à la tranquillité dans ces zones, assurée par la présence d’adultes, de médiateurs que nous finançons, de la police municipale sous la responsabilité des élus, ainsi que par une mobilisation du ministère de l’intérieur. Nous avons défini 82 zones de sécurité prioritaire (ZSP) et 71 quartiers de reconquête républicaine (QRR).

Concernant la sécurité routière, qui est également une priorité du ministre de l’intérieur, je travaillerai avec lui pour apporter une réponse plus précise à vos préoccupations. Nous sommes conscients que les problèmes de circulation routière dans ces quartiers génèrent des nuisances sonores, de l’insécurité pour les enfants et les habitants. Nous allons nous pencher sur ces questions pour trouver des solutions de régulation adaptées.

Mme Fanny Dombre Coste (SOC). Face à l’aggravation de la crise du logement et l’accroissement des fractures sociales, l’engagement des élus locaux en faveur de la mixité sociale est plus crucial que jamais. Cependant, ces élus, porteurs de politiques volontaristes pour favoriser la diversité sociale dans les écoles, l’habitat et l’accès à la propriété, se retrouvent souvent isolés dans leurs efforts.

La politique de la ville, oscillant entre espoir et désillusion depuis des décennies, fait état de milliards investis, mais la réalité est plus nuancée. Ces financements reposent largement sur les collectivités locales, les bailleurs sociaux et les salariés au travers d’Action Logement, plutôt que sur la solidarité nationale. Pendant ce temps, les inégalités persistent et les élus en première ligne peinent à obtenir le soutien de l’État pour mener à bien des projets essentiels.

À Montpellier, nous avons mis en place des dispositifs ambitieux tels que le développement du bail réel solidaire, le soutien aux primo-accédants pour favoriser la mixité résidentielle, la régulation des loyers pour lutter contre la spéculation et les marchands de sommeil, la rénovation urbaine dans le cadre de l’Anru, la démolition et la construction d’écoles en lisière de territoire pour favoriser la mixité sociale. Nous avons également instauré une brigade d’agents de tranquillité dans le logement social et travaillé à attirer des entreprises dans ces territoires.

Ces mesures visent à garantir un équilibre entre les territoires, à offrir à chacun la possibilité de vivre dignement dans nos villes et à éviter l’enfermement de certains quartiers dans des logiques de ségrégation. Cependant, ces politiques volontaristes nécessitent un accompagnement fort de l’État. Trop souvent, les maires bâtisseurs qui prennent ces responsabilités se heurtent à des résistances multiples et à des financements complexes et insuffisants.

Quelles mesures concrètes le Gouvernement peut-il mettre en place pour soutenir ces élus qui agissent concrètement pour la mixité sociale et la cohésion urbaine, non seulement financièrement mais aussi institutionnellement ?

M. Pierre Cordier (DR). Je souhaite attirer votre attention sur la situation de quatre communes de ma circonscription dans les Ardennes :

– Nouzonville : 5 592 habitants, taux de chômage à 17,4 %, taux de pauvreté à 26 %, 63 % de foyers non imposables ;

– Fumay : 3 151 habitants, taux de chômage à 25,1 %, taux de pauvreté à 25 %, 67 % de foyers non imposables ;

– Bogny-sur-Meuse : taux de chômage à 22,8 %, taux de pauvreté à 24 %, 63 % de foyers non imposables ;

– Revin : 5 815 habitants, taux de chômage à 26,5 %, taux de pauvreté à 25 %, 66 % de foyers non imposables.

Ces communes ont été exclues de la politique de la ville en 2014 lorsque les critères ont été révisés par Myriam El Khomri, secrétaire d’État à la politique de la ville. Aujourd’hui, le seul critère retenu est le revenu, fixé à 11 250 euros par an et par foyer. Cette modification a privé ces communes de soutiens étatiques essentiels. Il est important de noter que les difficultés ne se limitent pas aux grands ensembles urbains. Dans un petit département comme les Ardennes, comptant 280 000 habitants, ces villes moyennes, qui n’ont pas encore réussi leur reconversion industrielle, font face à des défis considérables.

Envisagez-vous de réexaminer ces critères de la politique de la ville ? Certains secteurs pourraient peut-être en être retirés du fait d’une nouvelle prospérité économique, tandis que d’autres, comme ceux que j’ai mentionnés, continuent de connaître des difficultés importantes.

Par ailleurs, concernant la TFPB, en tant que membre du conseil d’administration d’un bailleur social depuis 2004, je tiens à souligner qu’il faut cesser de pointer du doigt les bailleurs sociaux. Ils mènent de nombreuses actions en collaboration avec l’administration et les collectivités territoriales. Cependant, lorsque des installations comme des caméras ou des boîtes aux lettres sont vandalisées peu après leur mise en place, cela soulève des questions légitimes sur l’utilisation de l’argent public.

Mme Juliette Méadel. Je tiens à souligner la solidarité totale de l’État envers les élus locaux des quartiers prioritaires de la ville. Concernant l’accompagnement institutionnel, j’ai pour habitude de privilégier la co-construction. Le rétablissement de ce ministère en décembre par le Premier ministre, lui-même maire, témoigne de notre volonté d’agir en étroite collaboration avec les élus locaux.

J’ai notamment relancé la gestion urbaine de proximité à la demande des maires. Cette démarche vise à faciliter leur action, notamment face aux bailleurs sociaux. Notre approche se veut à la fois constructive et bienveillante, tout en répondant aux défis concrets auxquels les maires sont confrontés, y compris les tensions extrêmes et parfois les menaces physiques qu’ils subissent. Je rappelle que ma porte est ouverte à tous les maires, comme à tous les députés.

Sur le plan financier, le programme 147 a doublé en dix ans, passant de 300 à plus de 600 millions d’euros. Malgré un contexte budgétaire contraint, nous avons maintenu une priorité pour la politique de la ville. À mon arrivée, la baisse envisagée dans le projet de loi de finances pour 2025, censuré, était de plus de 20 %. Nous avons réussi à limiter cette réduction, démontrant ainsi l’engagement du gouvernement. Il faut également prendre en compte les 315 millions d’euros d’abattement de TFPB, les 12 milliards de l’Anru, ainsi que les investissements de la Caisse des Dépôts et de Bpifrance, notamment les 380 millions d’euros pour l’entrepreneuriat dans le cadre du programme Quartiers 2030. S’ajoutent à cela les financements de droit commun des autres ministères, estimés à environ 40 milliards d’euros. L’État ne laisse pas tomber ces quartiers, les élus locaux sont soutenus et accompagnés.

Sur le zonage, je rappelle que deux décrets ont été publiés, en décembre 2023 pour l’hexagone et en décembre 2024 pour les outre-mer, établissant les nouveaux quartiers prioritaires de la ville. Ces textes résultent d’un processus de dialogue entre préfets, élus et associations. Les critères pour être classé QPV sont : appartenir à une unité urbaine de plus de 10 000 habitants, compter au moins 1 000 habitants, et répondre à des critères de revenus définis par rapport à l’unité urbaine et à la moyenne nationale. 40 QPV sont sortis du dispositif, 111 y sont entrés, et 960 ont vu leurs contours modifiés, sur un total de 1 362 QPV dans l’hexagone, 1 609 en comptant l’outre-mer. Pour les territoires ne répondant pas aux critères stricts des QPV, nous avons mis en place le concept de « poches de pauvreté », permettant d’intervenir hors QPV dans le cadre des contrats de ville. Je vous propose d’examiner cette possibilité dans votre circonscription.

Mme Catherine Hervieu (EcoS). Vous nous avez présenté plusieurs actions qui, je présume, s’appuient sur des évaluations des politiques menées depuis plus de 25 ans dans les quartiers prioritaires de la ville. La rénovation des logements existants, dont les normes évoluent depuis plus de 20 ans pour plus d’efficacité, en est un exemple concret. Nous constatons également une augmentation des besoins en logements, alors que la production s’est considérablement ralentie l’année dernière. Face à cette tension, le levier de la rénovation du bâti existant nous semble particulièrement pertinent. L’accent mis sur la rénovation énergétique des copropriétés est d’autant plus crucial que les indicateurs d’accélération du changement climatique sont au cœur du débat public, malgré certains détracteurs. J’insiste sur le fait que ces données sont scientifiques et doivent être prises en compte.

Par ailleurs, la question de la préservation des ressources propres aux bailleurs, qui avait été un sujet majeur il y a quelques années, mérite notre attention. Il est essentiel de s’assurer que ces ressources leur permettent d’agir localement, en tenant compte des spécificités territoriales, au-delà des compétences de l’État en matière de logement.

Enfin, la rénovation de certains quartiers soulève la problématique de la gentrification face à l’assignation à résidence dans les quartiers prioritaires. Cela renvoie à la question des ressources des habitants et des moyens nécessaires pour favoriser la mixité sociale dans toutes les villes. Quelle programmation à long terme envisagez-vous pour établir une véritable mixité, s’appuyant sur l’un des trois piliers de votre présentation, à savoir la réconciliation ?

M. Emmanuel Mandon (Dem). Je me réjouis de cette réunion qui s’inscrit dans une nouvelle série d’auditions particulièrement utiles. Elles nous permettent d’interroger les ministres sur une thématique qui concerne directement nos collectivités territoriales, le développement local et la décentralisation, tout en prenant en compte la spécificité de la politique de la ville pour les territoires plus fragiles.

J’aimerais aborder les choses sous un angle différent et vous interroger sur les potentielles limites de cette approche. Face au processus bien établi de reconnaissance, de désignation et de détection des difficultés que vous avez décrit, devrions-nous envisager la ville de manière plus globale ? Le développement et la concentration urbaine, qui ont conduit à une densification posant des problèmes écologiques préoccupants, doivent-ils être réinterrogés ? Faut-il les simplifier ?

Concernant la question des périmètres, j’ai été surpris lors des discussions sur les outils de soutien des QPV. Certaines communes se sont retrouvées exclues, supposément en raison d’une amélioration de leur situation, alors que sur le terrain, celle-ci n’était pas perceptible. Des procédures de rattrapage ont été mises en place, démontrant la flexibilité du système. Cela m’amène à m’interroger sur la pertinence de critères tels que la notion d’unité urbaine utilisée par l’Insee. Sans remettre en question le travail de l’Insee, ces notions empiriques méritent-elles d’être précisées ou clarifiées dans notre législation et notre réglementation ?

Enfin, avez-vous des souhaits particuliers concernant de futures propositions législatives dans ce domaine ?

Mme Juliette Méadel. Je tiens à réaffirmer que les bailleurs sociaux sont les acteurs clés de la politique de la ville. Ils sont l’une des trois parties signataires de la convention sur l’abattement de TFPB, ce qui souligne leur engagement dans une démarche contractuelle, libre et volontaire, cette convention étant renouvelée chaque année. Concernant l’évaluation de leur action, je précise que notre objectif n’est en aucun cas de les mettre en cause, de les sanctionner ou de les dénoncer. Nous avons devant nous huit mois pour améliorer ensemble les conditions de vie dans les parties communes. Nous allons effectuer un bilan collectif. Si nous constatons que dans certains quartiers les trafics de drogue sont tellement puissants que les trafiquants détruisent systématiquement les nouveaux ascenseurs à 200 000 euros tous les trois jours, il est évident que cela dépasse le cadre de la gestion urbaine de proximité. Dans de tels cas, des mesures spécifiques devront être prises. Ce bilan nous permettra de différencier ces situations extrêmes des cas où le bailleur pourrait simplement manquer de réactivité face à des problèmes comme des pannes d’ascenseur ou des infestations de rats. La distinction entre ces deux cas de figure vise à permettre aux bailleurs confrontés à des difficultés structurelles d’en discuter ouvertement. Il est crucial de mettre fin à la situation où personne ne communique, où il n’y a pas de pilotage, et où les habitants souffrent dans leurs immeubles, même lorsque les bailleurs font leur maximum. Un dialogue constructif, un pilotage efficace et une démarche de transparence sont essentiels. C’est pourquoi j’ai insisté sur le fait que nous formons une équipe composée de l’État, des communes et des bailleurs, avançant ensemble.

La plupart des bailleurs apprécient ce nouveau cadre où ils sont accompagnés, avec des réunions trimestrielles impliquant l’État et les élus. Cette approche permet de résoudre de nombreux problèmes et empêche que certaines difficultés restent ignorées. Bien que des situations complexes puissent survenir, je m’engage à vous présenter un compte rendu du bilan que je recevrai le 7 mars, et à vous impliquer dans la compréhension des réalités vécues par nos concitoyens dans vos circonscriptions. Notre objectif est de surmonter ces défis ensemble.

Concernant les ressources des bailleurs sociaux, nous avons réussi, avec votre soutien, à préserver une partie de leurs moyens. La réduction du loyer de solidarité (RLS) a été diminuée, allégeant ainsi les charges des bailleurs. De plus, l’ajustement du taux d’intérêt du livret A a permis d’augmenter leurs ressources d’environ 800 millions d’euros. Ces mesures visent à aider les bailleurs à restaurer leurs marges, même si je suis consciente des difficultés persistantes, notamment face à la crise énergétique et à l’inflation.

La mixité sociale est un objectif que nous partageons tous, mais sa mise en œuvre est complexe, comme le savent les maires. Il existe même des villes avec des QPV qui ne respectent pas la loi SRU. Ces questions s’inscrivent dans le cadre de la réorganisation administrative et publique évoquée par le Premier ministre. Ma stratégie pour favoriser la mixité repose sur l’amélioration du niveau de vie des habitants. Ce n’est pas une utopie. En développant une économie légale dans les quartiers, nous pouvons créer une véritable classe moyenne, évitant ainsi que ceux qui réussissent ne quittent ces zones. L’objectif est de rehausser le niveau économique général et d’embellir les quartiers pour prévenir la ghettoïsation. Cette approche me semble plus réalisable que de forcer la mixité. Cela ne signifie pas qu’il faut abandonner le combat pour le respect de la loi SRU, mais il faut agir sur tous les fronts. Nous encourageons l’entrepreneuriat, notamment à travers des initiatives comme le Club Quartier 4.0, qui réunit 15 entrepreneurs de l’intelligence artificielle pour soutenir les jeunes entrepreneurs très engagés des quartiers dans le domaine des technologies, avec l’appui de la Banque publique d’investissement et de la Caisse des Dépôts.

Sur l’avenir de la politique de la ville, nous nous concentrons sur deux aspects principaux : éviter la ghettoïsation, avec le volet économique, et simplifier l’organisation institutionnelle des pouvoirs publics. Cette dernière mission, confiée par le Premier ministre, implique que chacun réfléchisse à ses propres missions et à la simplification de l’appareil d’État. La réforme de l’État est un sujet récurrent depuis Michel Rocard, mais il est temps de s’y atteler sérieusement. Pour y parvenir, nous devons repenser nos missions et le sens que nous voulons donner à notre action. L’organisation des administrations doit découler de cette réflexion, tout en respectant la liberté des collectivités locales. Je suis favorable à une simplification des compétences. Je suis une élue de Montrouge et en Île-de-France nous avons cinq niveaux administratifs : la région, la métropole, la ville, le département et l’intercommunalité. Cette complexité pose des problèmes, notamment lorsque nos concitoyens cherchent un responsable. La Cour des comptes a également produit un excellent rapport sur les frais de structure engendrés par tous ces niveaux. Je partage votre diagnostic sur l’impérieux besoin de simplification, car je suis convaincue que plus nous simplifierons, plus nous serons efficaces. Simplifier ne signifie pas réduire les services publics, mais les améliorer en désignant clairement un responsable qui doit rendre des comptes, ce qui est essentiel en démocratie.

Bien que la politique de la ville soit souvent critiquée, le fait que les élus qui perdent la qualification QPV la réclament démontre son utilité. C’est un succès si même les députés se mobilisent pour obtenir ce statut. Rappelons que les critères ont été définis par la loi Lamy de 2014.

Je réfléchis actuellement à des idées que vous pourriez transformer en proposition de loi. Un sujet crucial concerne l’enfance. Il est essentiel de faire comprendre à l’ensemble de la société que l’enfant est un trésor et qu’il faut investir massivement dans son bien-être entre 0 et 10 ans. Ce n’est pas un sujet mineur ou réservé aux femmes, comme on a pu me le dire ailleurs. Un enfant bien encadré et heureux ne dépend pas uniquement de l’argent, mais aussi de la présence adulte et de l’amour. Il faut mobiliser toute la société pour élever nos enfants, les protéger des addictions, du mal-être et de la précarité. Je pense qu’un grand dispositif législatif sur la mobilisation générale de la société pour l’enfance et l’adolescence serait nécessaire, particulièrement dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. C’est dans ces zones que l’on trouve le plus de mal-être, d’enfants livrés à eux-mêmes et qui risquent de tomber dans la délinquance dès l’âge de 9 ou 10 ans. Il faut agir rapidement pour éviter que ces situations ne dégénèrent en rupture totale, dépression, voire suicide. Je serais ravie de poursuivre les échanges avec vous sur ce sujet pour enrichir notre réflexion.

M. Nicolas Sansu (GDR). Madame la ministre, je vous remercie pour votre présentation. Bien que nous ne partagions peut-être pas tout, je suis très heureux que la politique de la ville ait retrouvé une place au sein du gouvernement. Je pense que son absence était une erreur. Je partage votre idée qu’il faut faire des efforts pour les enfants.

Dans ma ville, nous avons mis en œuvre divers dispositifs tels que le Programme de Rénovation Urbaine (PRU) ou Action Cœur de Ville (ACV). Dans les quartiers prioritaires, nous avons installé une crèche multi-accueil, un relais petite enfance, rénové toutes les écoles, et un centre social associatif est en cours de création. C’est notre rôle d’élus locaux.

Je souhaite aborder plusieurs points. Premièrement, la question du droit commun. Il est crucial que tout le droit commun s’applique dans les quartiers prioritaires, notamment en ce qui concerne la petite enfance. Le gouvernement devrait porter ce sujet en priorité.

Deuxièmement, concernant les cités éducatives, je pense que leur relance est une bonne idée. L’annonce de leur abandon avait découragé de nombreuses équipes engagées. Il faut simplifier les zonages entre le Programme de Réussite Éducative (PRE), les Réseaux d’Éducation Prioritaire (REP) et les cités éducatives.

Troisièmement, pour les contrats de ville dans les petites villes, il faut simplifier les procédures. Les réunions multiples coûtent parfois plus cher que les subventions accordées. Faites confiance aux élus locaux pour de petits montants et simplifiez les évaluations demandées aux associations.

Le NPNRU était un excellent outil avec des financements pluriels. Qu’en est-il de cette pluralité pour les autres dispositifs de la politique de la ville ? Certains ont dit qu’il n’y avait pas de programme dans la ruralité mais je connais Petites Villes de Demain (PVD), Villages d’Avenir ou Action Cœur de Ville. Il faut trouver des moyens de combiner les financements, y compris avec la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL), le Fonds vert et la Dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR).

Cinquièmement, concernant le commerce, nous avons un problème avec la reprise des centres commerciaux par l’ANCT qui est un processus long et difficile.

Enfin, je voudrais attirer votre attention sur les QPV de centre-ville. Ils nécessitent une approche spécifique, notamment en matière de logement. Par exemple, la demande de reconstruction hors site est inadaptée pour ces quartiers.

Mme Juliette Méadel. Concernant le droit commun, il est évident que le budget de près d’un milliard d’euros alloué à la politique de la ville ne suffira pas à combler tous les manques. Ce n’est d’ailleurs pas sa vocation. La politique de la ville agit plutôt comme un aiguillon. L’organisation d’un comité interministériel des villes me permet de solliciter chacun de mes collègues. En matière d’éducation, au-delà des cités éducatives que je finance, je souhaite aller plus loin. J’ai notamment évoqué avec Élisabeth Borne la scolarisation des enfants dès 2 ans dans les très petites sections de maternelle, faute de places en crèche suffisantes. Cette solution est préférable à laisser un enfant sans accompagnement. Bien que je ne puisse pas financer directement cette mesure, je travaille à sa mise en place. Je travaille également sur la formation des médiateurs que je finance, car ces personnels peuvent contribuer à l’accompagnement des jeunes enfants.

Pour la simplification des dispositifs REP, REP+ et Cités éducatives, nous procéderons au cas par cas. En effet, les situations varient selon les territoires : certains ont des REP et des Cités éducatives, d’autres uniquement des REP ou des Cités éducatives, et certains n’ont aucun dispositif. Nous élaborerons des solutions sur mesure, notamment pour les « écoles orphelines » qui ne bénéficient d’aucun dispositif. Je partage votre préoccupation concernant la lenteur de mise en œuvre des dispositifs. Nous travaillons à accélérer les processus, notamment pour lutter contre les inégalités territoriales, particulièrement en centre-ville. Je prévois d’ailleurs des déplacements pour mieux comprendre les réalités du terrain.

M. Nicolas Sansu (GDR). Venez à Vierzon !

Mme Juliette Méadel. Je viendrai avec Stanislas Bourron, directeur général de l’ANCT.

Je suis totalement favorable à la simplification administrative. Il est essentiel que les associations consacrent leur temps à leurs missions plutôt qu’à remplir des dossiers. De même, je soutiens la pluriannualité des financements pour offrir plus de visibilité et de sécurité aux acteurs de terrain. Mon objectif est d’atteindre au moins 50 % de subventions pluriannuelles, ce que je préciserai dans une prochaine circulaire.

Une part du Fonds vert est dédiée aux quartiers prioritaires de la politique de la ville. Quant à la DETR, elle est davantage orientée vers la ruralité, un domaine géré par ma collègue Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité. Il est crucial de ne pas opposer politique de la ville et politique de la ruralité. La République doit faire plus pour ceux qui ont moins, que ce soit en milieu rural ou dans les quartiers prioritaires. Notre ambition est que chacun ait accès à des services publics dans des conditions décentes, sans assignation à résidence faute d’emploi ou de moyen de transport.

Enfin, à la rentrée 2023, 1 093 réseaux composaient la carte de l’éducation prioritaire, bénéficiant à 1,7 million d’élèves. C’est un effort considérable qui dépasse le cadre strict des 5,8 millions d’habitants des quartiers prioritaires, soulignant ainsi la priorité accordée à l’enfance, la jeunesse et l’éducation.

M. le président Stéphane Delautrette. Je vous propose de passer à une deuxième série de questions, plus courtes et plus ciblées, qui apporteront peut-être des éclairages supplémentaires.

M. Pierre Cordier (DR). Madame la ministre, je vous ai écoutée avec beaucoup d’attention. En France, on croit souvent régler les problèmes uniquement à coups de milliards, mais je pense que la solution ne passe pas seulement par des questions budgétaires et financières. Il faut avoir une vision plus pragmatique et ancrée dans le terrain, plutôt qu’une approche purement technique ou technocratique.

La question de la simplification évoquée par notre collègue Sansu est cruciale. La multiplication des strates administratives conduit les citoyens à ne plus rien comprendre. Ces structures gérées par des hauts fonctionnaires coûtent cher. Bien que nous ayons besoin de hauts fonctionnaires et d’élus, la prolifération de ces structures crée de la confusion. ZUS, ZRU, ZFU, PNRU, GPV, GSUP, Cucs – je pourrais continuer cette liste pendant des heures. Tout cela occupe de nombreuses personnes dans les ministères mais on ne constate pas nécessairement d’efficacité sur le terrain.

Nous avons besoin de l’État, mais d’un État plus efficace. Bien que je sois de droite, je ne suis pas du tout libéral dans des secteurs en difficulté comme les nôtres. Je crois en l’État. Dans les endroits où il n’y a pas besoin de l’État, tant mieux, mais dans nos petits départements modestes, nous avons besoin de vous, pas seulement sur des questions budgétaires et financières, mais aussi pour simplifier la vie des acteurs de terrain : centres sociaux, communes, associations.

Mme Juliette Méadel. Je ne suis pas de droite et je partage votre ambition. Nous sommes au-delà des clivages politiques. C’est amusant car j’ai fait partie d’un précédent gouvernement auquel le président de la République avait commandé un rapport sur la simplification. J’avais été surprise de voir que ce rapport proposait 84 mesures de simplification. Le serpent de mer de l’administration et du politique en France depuis 40 ans est la simplification, mais étrangement, nous n’y parvenons pas.

Il faut aussi reconnaître que la complexité ne vient pas uniquement de l’administration de l’État. Les collectivités locales ont aussi leurs administrations, parfois pléthoriques, avec des cabinets importants. De plus, certains corps constitués s’opposent aux tentatives de simplification des députés pour protéger leurs dispositifs. En écoutant diverses parties prenantes et en intégrant de nombreux amendements, nous finissons par produire des textes complexes, difficiles à appliquer, et des décrets d’application qui génèrent encore plus de normes.

Je suis d’accord avec vous concernant le jargon administratif. Quand je parle avec mon cabinet, je me rends compte que nos phrases sont parfois truffées d’acronymes incompréhensibles par les citoyens. Cependant, ces acronymes existent parce que l’État s’est impliqué dans ces domaines et a dû organiser les dispositifs. Nos administrations et nos fonctionnaires, pour travailler, doivent se mettre d’accord sur un vocabulaire, ce qui conduit à la création de nouveaux termes. Je suis prête à réfléchir avec vous à un nouveau vocabulaire pour la future politique de la ville. C’est une démarche éminemment politique. Prenez l’exemple de « QPV » : certains préfèrent « quartier prioritaire de la ville », d’autres « quartier politique de la ville ». Certains estiment que le terme « politique de la ville » n’est pas approprié car il existe aussi une politique urbaine dans les petites communes rurales.

Je propose que nous organisions ensemble des États généraux de la politique de la ville pour partager nos ressentis et nous accorder sur un vocabulaire commun. L’ambition de la politique de la ville est de lutter contre les inégalités territoriales, avec l’ANCT. La création d’agences dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix faisait partie d’un mouvement de démantèlement de l’État, présenté comme une alternative à l’action étatique directe. Aujourd’hui, on nous dit qu’on n’a plus besoin d’agences mais qu’on a besoin de l’État.

Nous avons besoin de lutter contre les inégalités, d’une présence sur le terrain, d’une volonté politique, et de mettre d’accord tous les acteurs : élus, bailleurs, État. Je vous invite à travailler ensemble sur cette question de vocabulaire. D’ici la fin de ce gouvernement, nous devrions élaborer un nouveau vocabulaire de la politique de la ville qui réponde à des missions politiques claires : lutter contre les inégalités territoriales, ne pas opposer les uns aux autres, et travailler à la cohésion de la France et de la République. C’est ma mission, et vous avez raison, cela passe par un vocabulaire partagé et compréhensible par nos concitoyens.

Mme Marina Ferrari (Dem). Madame la ministre, je vous remercie pour votre présence et vous invite en Savoie. Comme vous l’avez souligné, les enjeux sont multiples en matière de politique de la ville : urbanisme, rénovation de l’habitat, éducation, sécurité, culture et emploi. Ces aspects sont interconnectés et impliquent divers acteurs. Le programme 147 prévoit un soutien aux structures mutualisatrices, notamment les Groupements d’intérêts publics (GIP). Je pense qu’il serait judicieux d’encourager davantage les collectivités et les parties prenantes au contrat de ville à intégrer ces structures mutualisées. L’objectif serait de fédérer tous les acteurs autour d’une politique, d’objectifs et d’outils communs. Quelles mesures envisagez-vous pour favoriser cette mutualisation, au-delà de l’aspect budgétaire ?

Je salue votre focus sur l’enfance et la jeunesse, particulièrement pertinent dans le contexte actuel des discussions sur la justice des mineurs. Concernant les Établissements pour l’insertion dans l’emploi (Epide), un rapport mentionne 2 955 places ouvertes. Que pensez‑vous du renforcement de ce dispositif pour offrir de meilleures perspectives à davantage de jeunes ? Par ailleurs, je vous recommande de rencontrer notre collègue Perrine Goulet, présidente de la délégation aux droits des enfants de l’Assemblée nationale, qui porte un projet de loi important sur l’enfance.

Enfin, vous avez évoqué la possibilité pour un quartier d’être à la fois en QPV et en carence SRU. J’ai connu cette situation dans une ville où j’ai été élue. Le nouveau gouvernement a évoqué l’idée d’encourager les maires bâtisseurs. Où en est votre réflexion sur ce sujet ? Je pense que c’est un axe sur lequel nous devons continuer à travailler.

Mme Juliette Méadel. Je suis tout à fait favorable aux structures mutualisées. Cependant, cela relève principalement d’un travail au niveau des préfectures de région avec les élus locaux. Il est essentiel de s’adapter au territoire, d’examiner les projets existants et d’obtenir l’accord des élus. Je soutiens toute initiative qui simplifie les ambitions et accélère la mise en place des projets.

Je serais ravie de rencontrer votre collègue Perrine Goulet sur les questions de l’enfance. Il est crucial de noter que 40 % des enfants de l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) ont subi un traumatisme, qu’il s’agisse de violences familiales, de viols ou d’incestes. Ces traumatismes, s’ils ne sont pas pris en compte, conduisent souvent à des ruptures scolaires et sociales. On retrouve d’ailleurs une forte proportion de mineurs issus de l’ASE parmi les mineurs délinquants. Il est donc impératif de traiter le problème à la racine. Pour la santé mentale, nous envisageons la création de GIP dans certaines régions pour mettre en place rapidement des accueils avec des psychologues bien formés pour s’occuper des jeunes dans le cadre des cités éducatives.

Je suis très favorable aux Epides, c’est un dispositif unique cofinancé par le ministère du travail et de l’emploi et le ministère des Armées. Le programme 147 prévoit 1,7 million d’euros, montant doublé dans le budget du ministère du travail. Lors du CIV 2023, quatre nouveaux centres Epide ont été annoncés, devant accueillir 5 000 jeunes. Cependant, ce projet n’est pas encore réalisé. J’ai demandé un état des lieux précis et des propositions concrètes pour prendre des décisions rapidement en fonction de nos capacités de financement. Il est important de noter que dans certains centres, comme à Marseille ou Belfort, plus de 60 % des jeunes accueillis sont issus des QPV. C’est un modèle qui a fait ses preuves en termes de réinsertion sociale pour des publics difficiles. J’espère pouvoir annoncer au moins deux nouveaux sites lors du prochain CIV.

179 villes comprenant 390 QPV ne sont pas conformes à la loi SRU. Nous devons travailler sur ce point, notamment en réfléchissant à la prise en compte de la loi SRU dans le cadre des intercommunalités pour une répartition plus équitable. Le Fonds vert prévoit 150 millions d’euros pour le projet « maire bâtisseur », ce qui devrait permettre de résoudre une partie des difficultés de financement dans la construction de logements.

Mme Marina Ferrari (Dem). Je souhaite faire une remarque plus politique en soutien à l’ANCT. Nous sommes tous d’accord sur la nécessité de simplifier. Cependant, il existe des outils qui fonctionnent bien. J’aimerais que le discours sur les agences et les fusions soit étudié calmement, de manière réfléchie, afin de ne pas déstabiliser ce qui fonctionne.

Mme Juliette Méadel. Je partage votre point de vue. Nous ne sommes pas dans une période où il faut fragiliser les dispositifs publics qui nous sont utiles. La position du Premier ministre est la bonne : il s’agit de réfléchir à nos missions et à la meilleure manière de les atteindre, sans nécessairement tout bouleverser ou fusionner. Certains dispositifs ont fait leurs preuves. Un point intéressant serait d’examiner comment nos agences peuvent travailler en meilleure synergie au niveau des préfectures et sur le terrain. C’est dans cette direction que je travaille.

M. le président Stéphane Delautrette. Madame la ministre, vous êtes invitée dans toutes les circonscriptions des députés présents où vous ne vous êtes pas encore rendue. J’espère que vous avez bien noté ces rendez-vous. Nous vous accueillerons tous avec plaisir.

Je vous remercie pour le temps que vous nous avez consacré ce soir lors de ce premier échange qui ouvre de belles perspectives de travail. Nous avons pu évoquer des sujets sur lesquels nous pourrions avancer ensemble. Je vous remercie également d’avoir ouvert la porte à l’initiative législative parlementaire. Notre délégation entend conduire ses travaux dans cet esprit et nous sommes prêts à poursuivre les discussions avec vous pour faire évoluer certains sujets.

Nous avons bien noté que vous nous transmettriez les premiers éléments de bilan, que nous attendons avec impatience car ils pourront servir de base de réflexion pour nos propositions. Je tiens à remercier Marina Ferrari et à saluer votre reprise de ses propos sur la défense des agences qui apportent une contribution positive à l’atteinte de nos objectifs. Cela est particulièrement important à un moment où, comme je l’ai entendu lors du conseil d’administration de France urbaine, il y a un besoin réitéré de visibilité et de pluriannualité dans les engagements. J’ai bien noté votre volonté d’engager un travail pour fiabiliser au moins 50 % des financements. C’est une première étape qui sécuriserait les élus. Nous avons beaucoup évoqué la nécessité de s’engager aux côtés des élus bâtisseurs, et je crois que c’est une façon de leur démontrer le soutien de l’État.

La porte de cette délégation vous est évidemment ouverte. Dans notre travail d’évaluation, nous continuerons à vous rencontrer et à vous auditionner. Cet échange a fait émerger des possibilités de collaboration sur plusieurs sujets, auxquels nous prendrons toute notre part.

 

 

La séance est levée à 18h25.

 

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Membres présents ou excusés

 

Présents.  M. Pierre Cordier, M. Stéphane Delautrette, Mme Fanny Dombre Coste, Mme Marina Ferrari, Mme Catherine Hervieu, Mme Julie Lechanteux, M. Emmanuel Mandon, M. Nicolas Sansu, Mme Violette Spillebout.

 

Excusés.  M. Gabriel Amard, M. Jean-Michel Brard, M. Yoann Gillet, M. Didier Le Gac, Mme Sophie Pantel, M. Nicolas Ray, Mme Sophie Ricourt Vaginay.