Compte rendu

Commission d’enquête relative aux violences commises dans les secteurs du cinéma, de l’audiovisuel, du spectacle vivant, de la mode et de la publicité

– Audition commune, à huis clos, réunissant des agents de cinéma :

- Mme Élisabeth Tanner, co-directrice de l’agence Time Art

- M. Grégory Weill, agent associé au sein de l’agence artistique Adéquat 2

– Présences en réunion................................19

 


Lundi
9 décembre 2024

Séance de 15 heures 30

Compte rendu n° 14

session ordinaire de 2024-2025

Présidence de
Mme Sandrine Rousseau,
Présidente de la commission

 


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La séance est ouverte à quinze heures trente-cinq.

La commission procède à l’audition commune, à huis clos, de Mme Élisabeth Tanner, co-directrice de l’agence Time Art et de M. Grégory Weill, agent associé au sein de l’agence artistique Adéquat.

Mme la présidente Sandrine Rousseau. Mes chers collègues, nous recevons à présent Mme Élisabeth Tanner, co-directrice de l’agence Time Art, et M. Grégory Weill, agent associé d’Adéquat, l’une des principales agences artistiques françaises.

Vous le savez, notre commission d’enquête cherche à faire la lumière sur les violences commises contre les mineurs et les majeurs dans le secteur du cinéma, de l’audiovisuel et du spectacle vivant.

Nous avons souhaité vous recevoir intuitu personae afin que vous nous apportiez votre regard sur l’exercice actuel de votre profession. Il nous semble en effet que vous avez un rôle primordial à jouer dans la lutte contre les violences, notamment sexistes et sexuelles (VSS), en protégeant au mieux vos talents, depuis la lecture du scénario jusqu’à la post-production, par le biais du contrat que vous négociez pour leur compte auprès du producteur.

La façon dont vous exercez votre métier a-t-elle changé avec l’émergence du mouvement MeToo ? Les jeunes générations sont-elles plus exigeantes de ce point de vue ? Combien de faits de violences de tous ordres – sexisme ordinaire, harcèlement moral, violences et harcèlement sexistes et sexuels (VHSS), et autres – vous sont-ils remontés par vos talents ? Comment y répondez-vous ? Il vous arrive aussi de représenter des personnes mises en cause pour de tels faits. Comment traitez-vous ces situations ?

À votre demande, nous avons exceptionnellement accepté d’organiser cette audition à huis clos, afin que votre parole soit tout à fait libre et que vous puissiez apporter votre témoignage sans crainte de porter atteinte à la vie privée de vos talents.

L’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes entendues par une commission d’enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

(M. Grégory Weill et Mme Élisabeth Tanner prêtent successivement serment.)

M. Grégory Weill, agent associé d’Adéquat. Depuis plusieurs années, nous avons assisté à de nombreuses situations difficiles, douloureuses. Même si les choses changent, notamment depuis le déclenchement de MeToo, nous avons besoin de vous, car si nous sommes témoins de certains drames, nous n’avons pas toujours les outils pour y répondre.

Notre métier repose sur trois missions principales – la représentation des talents, la défense de leurs intérêts, la promotion de leur carrière –, qui impliquent une proximité et un dialogue régulier avec nos talents, en même temps qu’une capacité de recul. C’est dans ces conditions que nous pouvons apporter conseils et éclairage. Notre situation, à l’ombre des talents que nous accompagnons, fait que nous sommes intrinsèquement liés à leur carrière. Leur succès et leur épanouissement sont nos seuls objectifs, mais pas à n’importe quel prix.

Écartons d’emblée certains fantasmes : nous n’avons pas de pouvoir hiérarchique sur les talents que nous représentons, nous ne les côtoyons pas quotidiennement, nous ne sommes que très rarement présents sur les plateaux de tournage. Les liens que nous entretenons peuvent parfois déborder le cadre strictement professionnel, ce qui est souvent plus sympathique, mais ce n’est ni la norme ni l’objectif. Notre seul objectif est, répétons-le, de défendre au mieux leurs intérêts à long terme, ce qui m’amène au sujet qui nous réunit aujourd’hui.

L’une de nos fonctions consiste à donner aux talents un maximum d’informations face aux choix qu’ils doivent faire, en particulier s’ils comportent des risques, mais ces choix n’appartiennent qu’à eux. Comme l’a très justement dit Élisabeth Tanner lors d’une précédente audition, ils ne sont pas sous curatelle.

La situation est évidemment plus difficile lorsque l’un de nos talents est victime. Contrairement à ce qui a pu être dit, notre intérêt n’est jamais de laisser une telle situation perdurer ou même rester secrète. C’est un contresens et une indignité de le penser. Quel agent accepterait de voir souffrir l’un de ses talents et penserait servir sa carrière en le laissant s’enfoncer dans la douleur ? Quel agent pourrait supporter de le voir souffrir, dans le contexte de proximité que je vous ai décrit ? Lorsque des cas de violences ou d’agressions se présentent, nous sommes souvent les premiers à accompagner nos talents dans leurs démarches juridiques et à appuyer leur demande de protection.

Ce n’est pas toujours simple. D’une part, ils ne nous parlent pas toujours : si nous sommes proches d’eux, nous ne sommes pas forcément leur confesseur, et nous pouvons ignorer certaines choses. D’autre part, nous n’avons pas été formés pour recueillir la parole des victimes, un point qui mériterait d’être amélioré. À l’instar de ce qui existe pour les producteurs, des sessions de sensibilisation et de formation commencent à être organisées dans nos métiers, notamment sous la houlette du syndicat. Votre commission pourrait peut-être faire des propositions à ce sujet.

Il peut aussi arriver d’avoir, parmi ses talents, des gens qui ont été ou sont mis en cause, voire condamnés. C’est extrêmement difficile, parce que l’on pense d’abord à la victime, que l’on connaît parfois, et que l’on est très sensible à ce qu’elle endure. C’est difficile, aussi, parce que les procédures judiciaires sont longues et que l’on n’a pas vocation à se substituer à la justice. Je me sens d’autant moins autorisé à condamner un présumé innocent qu’il arrive – comme il est arrivé récemment à l’un de mes talents – que la procédure aboutisse à un non-lieu. S’il est essentiel de briser l’omerta, il est aussi absolument nécessaire de se méfier de la rumeur. Dire que tout le monde est coupable, c’est non seulement accuser des innocents, mais aussi bafouer la parole des vraies victimes, en la relativisant. Chaque cas est unique, alors on fait au mieux, on essaie de comprendre et on laisse la justice faire son travail.

Il importe cependant de faire la différence entre des faits perpétrés dans un cadre professionnel et impliquant une relation de pouvoir, d’une part, et des faits qui se sont produits dans un cadre privé, d’autre part. Dans le premier cas, il y a un risque avéré de travailler avec la personne accusée ; dans l’autre, c’est plus une question de choix personnel. Dans les deux cas, nous tâchons d’apporter un maximum d’informations à tous, sans nous substituer à la justice ni à ceux que nous représentons.

Mme Élisabeth Tanner, co-directrice de l’agence Time Art. J’ai déjà été entendue par une commission d’enquête de votre assemblée, et je n’ai rien à ajouter aux propos liminaires que j’avais alors tenus. Je vous propose donc de passer directement aux questions.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Lors de la précédente audition, nous avons vu qu’il suffisait aujourd’hui d’avoir deux personnes sous contrat pour être agent, et que la profession avait été davantage encadrée par le passé – sans que cela ait empêché la survenue de diverses affaires de violences. Ne serait-il pas néanmoins judicieux de revenir sur certaines simplifications issues de la transposition de la directive Bolkenstein, notamment pour les agents qui s’occupent de mineurs, voire de jeunes adultes ?

Mme Élisabeth Tanner. On constate effectivement une dérégulation totale. Le minimum serait de demander aux gens qui exercent ce métier de fournir un extrait de casier judiciaire, comme c’était le cas auparavant. Certains agents peuvent avoir fait l’objet de signalements ou avoir été condamnés, sans que l’on n’en sache rien. L’appartenance à un syndicat n’étant pas obligatoire, certains agents échappent à notre sagacité. Au syndicat, nous avons été récemment avertis par plusieurs directeurs de casting qu’un agent de mineurs et de jeunes majeurs ne se comportait pas très bien. Comme une plainte a été déposée, la justice s’est emparée de ce cas.

La formation des agents se fait sur le tas ; elle passe souvent par l’assistanat car, même lorsqu’on est issu de Sciences Po ou d’une grande école, on ne sait absolument rien quand on arrive dans un bureau d’agents. Certains ont pensé à créer une école, mais c’est impossible en raison de la faiblesse des effectifs : on ne va pas former 400 agents par an ! Il n’y a donc pas grand-chose à faire, si ce n’est rétablir un petit examen devant une commission, au ministère du travail, visant à vérifier les connaissances du futur agent en matière de droit contractuel et de règles des conventions collectives, comme cela se faisait à une époque. Si vous ne savez rien dans ces domaines, vous aurez en effet du mal à rédiger un contrat qui tienne la route pour protéger votre talent.

À mon avis, deux mesures s’imposent : l’extrait de casier judiciaire et le passage par l’assistanat chez un agent.

Il faut porter une attention particulière aux agents qui s’occupent de mineurs, encore plus s’ils en font une spécialité. Pour ma part, j’ai représenté une mineure il y a très longtemps ; j’ai renoncé assez vite, parce qu’il est compliqué de se trouver entre le marteau et l’enclume, confronté à des parents parfois toxiques. Il faudrait vraiment des gens spécialisés, capables de gérer les conflits éventuels entre les enfants et les parents. Cela suppose aussi un encadrement des tournages.

Mme la présidente Sandrine Rousseau. La fourniture d’un extrait de casier judiciaire n’est pas vraiment une garantie, puisque dans 99,6 % des cas, les auteurs de faits de violences sur mineur avaient un casier vierge. Existe-t-il un cadre déontologique, un ordre de la profession ?

Mme Élisabeth Tanner. Il n’y a pas d’ordre, mais il existe un cadre déontologique lié à l’appartenance – volontaire – à un syndicat. Nous nous connaissons tous, puisqu’une vingtaine d’agents représentent à peu près 90 % des talents. La profession est assez stable : j’ai connu Grégory quand il est arrivé dans le métier, il y a vingt-huit ans, comme assistant, et je connais aussi son associé, qui est quasiment de la même génération que moi. Nous arrivons à savoir que nous nous comportons à peu près bien. Cela étant, comme il n’y a pas d’inscription obligatoire, nous ignorons l’arrivée d’un nouveau venu jusqu’à ce qu’un directeur de casting nous l’apprenne ou que le nouvel agent s’adresse à nous. Depuis la suppression de la licence, il n’y a plus aucune organisation. Il faut cependant reconnaître que l’existence de la licence n’a pas empêché les violences ni les autres dérèglements comportementaux.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Dans un milieu où tout le monde se connaît, comment gérez-vous les rumeurs ? Imaginons qu’une comédienne vous dise qu’elle ne veut pas travailler avec Gérard Depardieu, ou qu’un acteur vous explique qu’un tournage s’est mal passé. Que faites-vous ? Comment interagissez-vous en confraternité avec vos collègues ?

Mme Élisabeth Tanner. Vous décrivez deux cas de figure, le premier étant celui où l’on propose à une actrice de travailler avec Gérard Depardieu. Le problème est désormais réglé, puisqu’il ne tournera vraisemblablement plus. À l’époque où il n’était provocant qu’en paroles, les gens acceptaient ou refusaient de tourner avec lui en sachant cela. Règle numéro un : vous ne forcez jamais une personne à faire un film si elle n’en a pas envie – ce serait même contre-productif, car elle ne serait pas bonne dans le rôle et cela ne servirait à rien. Loin des fantasmes évoqués par Grégory, notre métier consiste à conseiller, mais il arrive souvent que nos talents ne suivent pas nos conseils, pour des raisons personnelles ou professionnelles. La personne nous répond, par exemple, qu’elle ne sent pas le rôle, alors que nous lui avions conseillé de l’accepter parce que le metteur en scène était intéressant.

Deuxième cas de figure : votre talent vous dit que le tournage a été infernal. Comme pour Depardieu, la question de la temporalité est importante : il y a eu une évolution depuis le mouvement MeToo. Avant, la tendance était de refuser d’engager une action, sur le mode : « C’est derrière moi, mais je ne veux plus le croiser ni en entendre parler. » À ce moment-là, on demande au producteur de se débrouiller pour que les deux personnes ne se croisent jamais lors de la promotion du film. C’est un peu compliqué, mais on y arrive. Depuis MeToo, les talents sont plus nombreux à vouloir déposer une plainte pour harcèlement moral ou physique, à aller jusqu’au bout et à vouloir que cela se sache. Tout le monde est prévenu. Avant, nous avions déjà des informations sur des comportements inappropriés que tout le monde connaissait. En tant que conseillère, j’aurais mis en garde une jeune fille contre certains comportements de Gérard Depardieu, et je lui aurais demandé de nous prévenir en cas de problème. Même si elle veut tourner avec lui parce qu’elle le trouve formidable, il faut l’appeler dès le premier jour de tournage, pour avoir ses impressions – elle répondra peut-être que tout va bien et qu’il est rigolo… L’important est de rester en contact. Certains tournages avec Gérard se sont très bien passés, il ne faut tout de même pas l’oublier !

Mme la présidente Sandrine Rousseau. Lorsque nous avons auditionné Sara Forestier, elle ne nous a pas du tout parlé de vous, monsieur Weill, alors que vous étiez son agent, si je ne me trompe pas.

M. Grégory Weill. Je suis toujours son agent.

Mme la présidente Sandrine Rousseau. Elle a pourtant décrit des événements qui vous concernent au premier chef : le fait qu’elle soit allée au commissariat, que le tournage ait été interrompu, que sa carrière se soit arrêtée… Comment expliquez-vous qu’elle n’ait pas cité votre nom ni votre fonction lorsqu’elle a décrit l’engrenage dans lequel elle s’est retrouvée ? Quel rôle avez-vous joué dans cette affaire dont elle a témoigné dans le cadre de notre commission d’enquête ?

M. Grégory Weill. Pourquoi Sara Forestier ne m’a-t-elle pas cité ? Je n’en ai pas la moindre idée. Nous avons échangé quelques messages récemment, mais je n’ai pas eu l’occasion de la voir et de lui poser cette question de vive voix. Au moment des faits, j’étais son agent depuis une dizaine d’années. Au courant de ses problèmes de santé, j’en avais averti la production, et le tournage avait été décalé en raison d’arrêts maladie délivrés par ses médecins successifs. Pendant cette période où nous avons énormément échangé, j’ai essayé d’être à l’écoute, de protéger au mieux ses intérêts personnels et professionnels, de trouver le meilleur équilibre possible.

Je ne suis pas sur le tournage, mais j’entends sa version des faits. A priori, je ne remettrai jamais en cause la parole d’une personne que je représente, puisque la relation est fondée sur la confiance : je fais donc confiance à Sara. J’entends aussi la réalisatrice, sur place au moment des faits, qui donne des informations divergentes. Je suis au milieu de tout cela. Pour moi, l’aspect humain doit l’emporter sur les intérêts professionnels : si Sara ne peut pas poursuivre ce tournage, pour quelque raison que ce soit, je la laisse agir tout en l’avertissant des éventuelles conséquences. Au moment où elle raconte les faits, il n’y a pas le temps de lancer une enquête interne ou d’en appeler à la justice. Elle porte plainte.

Mme la présidente Sandrine Rousseau. Pas à l’époque. Elle va au commissariat, mais elle ne porte pas plainte.

M. Grégory Weill. Oui, pardon, c’est ce que je voulais dire.

Mme la présidente Sandrine Rousseau. À ce stade, elle dépose une main courante au commissariat, si ma mémoire est bonne. Elle portera plainte quelques années plus tard.

Je ne suis pas médecin, mais j’ai l’impression que ce qu’elle nous décrit relève de la dépression, d’une décompensation psychologique. Et vous, pendant ce temps-là, que faites-vous, en tant qu’agent ?

M. Grégory Weill. Mon rôle, en tant qu’agent, est de répondre à ses désirs. À un moment donné, elle a voulu prendre du recul par rapport au métier, se reconstruire après les années difficiles qu’elle avait traversées lors de la réalisation de son propre film. Elle avait vécu des moments compliqués, dans sa carrière, en amont de cet épisode encore plus difficile. Pour ma part, je continue de l’accompagner, et je réponds à sa demande : si elle me dit qu’elle veut se mettre en retrait, je respecte sa décision ; si elle a envie de travailler, j’essaie de voir de quelle manière je peux l’y aider. Elle a d’ailleurs joué dans un film qui est sorti il y a trois semaines. Avant celui-là, elle avait été choisie pour un autre film, mais elle a été très injustement licenciée, probablement en raison de rumeurs liées à l’affaire dont nous parlons. Je pense que la directrice de production a inquiété les réalisateurs parce que Sara n’avait pas répondu à un ou deux coups de fil ; ce fait anodin a été amplifié, sur fond des antécédents que nous venons d’évoquer. Elle a alors été remerciée alors qu’elle n’avait commis aucune faute grave.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Le cas de Sara Forestier me semble assez symptomatique. C’est une grande comédienne, qui a fait une belle carrière et reçu deux César. Quand elle témoigne, on sent qu’elle a très longtemps encaissé, et que l’événement survenu pendant ce fameux tournage a été l’élément déclencheur, la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Pensez-vous être suffisamment formés pour assurer une sorte de veille ou de suivi psychologique auprès de vos talents ? Peut-être estimez-vous d’ailleurs que ce n’est pas votre rôle. Peut-être est-ce un mythe entretenu par la série Dix pour cent, mais nous voyons l’agent comme le papa ou la maman poule du comédien. Vous est-il d’ailleurs arrivé de dire à un talent qu’il devrait faire une pause en raison d’une trop grande fatigue ?

Mme Élisabeth Tanner. Sara Forestier avait, dès ses débuts dans le métier, une réputation de jeune fille difficile et indubitablement fragile. Or le métier de comédien ne répare pas les fragilités ; il appuie plutôt là où ça fait mal.

Dans le tandem acteur-agent, chacun a sa part. Certains talents nous entendent lorsque nous essayons, par exemple, de les amener chez un psy parce que nous considérons qu’ils ont des problèmes à répétition dans leur rapport à l’autre ou dans leur façon de gérer leurs émotions, mais nous ne pouvons pas leur dire que, s’ils ne vont pas chez le psy, nous cesserons de les représenter. Avec notre talent, nous dansons un pas de deux.

Nous avons parfois une grande lucidité sur leurs fragilités, mais nous ne sommes pas formés pour cela. Pour ma part, j’ai fait une petite analyse chez un psy, car je suis exposée en permanence aux émotions des gens qui viennent vers ce métier avec des fragilités, et pour qui ce métier est même parfois une réponse à des problèmes d’insertion dans la société ou de marginalisation. Nous devons nous débrouiller avec ces émotions, sans avoir les outils nécessaires, sans être formés, mais nous faisons ce que nous pouvons. L’analyse m’a beaucoup aidée, car elle m’a appris à garder de la distance. Si nous mettons trop de distance, nous avons un rapport absolument froid avec les talents, mais si nous n’en mettons pas assez, nous risquons de nous embourber et de ne plus rien gérer correctement. Nous faisons ce que nous pouvons, et nous essayons de faire mieux.

Mme la présidente Sandrine Rousseau. Combien de talents accompagnez-vous chacun ?

Mme Élisabeth Tanner. Environ quatre-vingt, mais ce chiffre comprend également des auteurs, que l’on ne gère pas de la même manière.

M. Grégory Weill. C’est de cet ordre-là. Avec les auteurs et les réalisateurs, j’ai à peu près une centaine de talents à gérer.

Je n’ai, pour ma part, pas suivi de thérapie. Nous ne sommes absolument pas formés dans ce domaine. J’ai commencé ce métier à l’âge de 19 ans, à peine après avoir passé mon bac, comme stagiaire, puis comme assistant. L’expérience me permet aujourd’hui d’avoir un certain recul, mais nous sommes de plus en plus souvent confrontés à des situations nouvelles. Cela ne signifie pas que nous ne prenions pas soin de nos talents auparavant, ni que nous n’étions pas déjà précautionneux. Avant même le mouvement MeToo, nous étions déjà attentifs à de très nombreux aspects mais, je le répète, nous ne sommes pas du tout formés à cela.

Mme la présidente Sandrine Rousseau. Pour ce qui concerne Sara Forestier, dont vous avez évoqué la fragilité, vous n’êtes pas intervenu lorsque l’événement a eu lieu. Cela signifie-t-il que vous n’avez, en tant qu’agent, pas de rôle à jouer auprès de la production ou de la réalisation ?

M. Grégory Weill. Si, bien sûr. J’étais en lien permanent avec la production au moment des faits. C’est ainsi que nous avons d’abord obtenu le report du début du tournage. Nous avons beaucoup parlé le jour des faits que Sara a relatés récemment.

Parallèlement à la question de la protection personnelle de Sara Forestier, une forte pression pesait sur le film, car des équipes entières, c’est-à-dire des dizaines de personnes, dont une réalisatrice et des producteurs, étaient engagées sur le tournage, avec des enjeux forts. Je suis toutefois l’agent de Sara Forestier, pas celui de la production, et ma principale préoccupation était donc de la protéger, l’aspect personnel passant avant l’aspect professionnel. Il y avait cependant des choses à faire. Lorsque Sara a commencé à dire qu’elle ne pourrait certainement pas finir le tournage, j’ai probablement été l’un des premiers à recueillir cette parole. Je savais donc qu’elle allait au commissariat et qu’elle ne se sentait pas apte à poursuivre. À cela s’ajoutaient les raisons médicales que nous avons évoquées. Afin que les conséquences soient moins dramatiques, j’ai voulu anticiper les problèmes en parlant avec le producteur pour envisager l’engagement d’une autre actrice qui sauverait le tournage. Cela permettrait peut-être aussi de soulager la conscience de Sara, qui pourrait ressentir de la culpabilité si le tournage s’arrêtait. J’ignorais d’ailleurs si les assurances pouvaient couvrir ce risque, la justice n’étant pas encore intervenue.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Vous pouvez accompagner et aider la victime, qui sait que sa réaction est susceptible de déstabiliser toute une équipe et tout le travail de la production. Du point de vue juridique, nous cherchons, pour notre part, comment améliorer le traitement de ces situations par les assurances.

Quel lien contractuel avez-vous avec un talent ? Est-ce un accord de gré à gré pour chaque film ou un contrat de long terme impliquant des relations avec le talent pendant qu’il ne travaille pas ? Quelles sont vos relations avec la production ? Peut-il y avoir un lien contractuel tripartite entre l’agent, le talent et la production, voire un lien de subordination entre l’agent et la production ?

M. Grégory Weill. Il n’y a aucun lien de subordination. Les contrats qui nous lient à nos talents sont des mandats de représentation, et nous n’avons aucun lien financier avec eux : aucun argent, aucune commission ne circule entre nous. Quand un talent travaille, la commission – les fameux 10 % qui font le titre de la série que vous évoquiez – est payée sur facture directement par les producteurs.

Mme Élisabeth Tanner. Nous sommes partie au contrat, qui est toujours signé en présence de l’agent. C’est à ce titre que nous avons un lien avec le producteur.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Parlons donc des contrats. Aux États-Unis, une scène d’intimité ou jugée intime donne lieu à l’intervention d’un coordinateur d’intimité. Avez-vous un dialogue avec le talent pour déterminer ce qui est intime et ce qui ne l’est pas, et pour demander, le cas échéant, que le contrat comporte une annexe à ce sujet ? Y a-t-il matière à mieux rédiger les contrats, en rendant obligatoires certaines clauses qui ne le sont pas aujourd’hui ? Faut-il que les contrats insistent davantage sur l’intimité, avec des clauses permettant par exemple au comédien ou à la comédienne de demander à n’importe quel moment l’intervention d’un coordinateur d’intimité ?

Mme Élisabeth Tanner. Il faut distinguer deux temporalités.

Les contrats ont toujours contenu des clauses, demandées par les actrices avec lesquelles nous travaillons, relatives à la nudité ou aux scènes dites sexuelles dans les scénarios. En la matière, les premières mesures consistent à vider le plateau de toutes les personnes non nécessaires à la prise de vue et à demander au réalisateur comment il va tourner la scène. De fait, certaines scènes qui apparaissent très trash à l’écriture peuvent être filmées très différemment, et l’inverse est également vrai. Ce que l’on connaît de l’œuvre du réalisateur permet d’avoir une idée de la façon dont la scène sera tournée. C’étaient là des discussions que nous avions auparavant, et la question se posait surtout pour des talents jouissant déjà d’un nom et d’un certain pouvoir. Nous intervenions également, lorsque nous le pouvions, pour soutenir les jeunes, et personne ne refusait l’inscription de certaines clauses dans le contrat.

Aujourd’hui, deux choses ont changé. On recourt désormais à des coordonnateurs d’intimité. Nous souhaitons que leur intervention soit systématique et qu’ils ne soient pas payés par la production, car cela pose un problème de subordination.

Mme la présidente Sandrine Rousseau. Par qui seraient-ils payés ?

Mme Élisabeth Tanner. Une enveloppe pourrait être prévue par le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC). Il pourrait s’agir d’une fonction déterminée et négociée afin d’éviter les difficultés. La désignation d’un coordinateur d’intimité permet de couvrir tous les champs.

Un autre changement est l’éveil des actrices – à moins qu’il ne s’agisse simplement du fait qu’elles ont la possibilité de parler. Une chose est sûre, en tout cas, c’est que la question des scènes d’intimité se pose quel que soit le programme. Alors que nous pensions être tranquilles à cet égard en lisant le scénario d’un téléfilm programmé à vingt heures trente sur TF1, il est arrivé ces derniers temps que certaines actrices soient choquées de la façon dont on leur avait fait tourner des scènes non préparées et dans lesquelles on leur demandait au dernier moment de prendre telle ou telle attitude, ou qu’elles vivent mal des scènes qui ne semblaient pas devoir poser de problème. Leur prise de parole nous met davantage en éveil et nous pousse à leur demander si rien ne les gêne dans le scénario, chose que nous ne faisions pas nécessairement auparavant.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Comment les choses se passent-elles si un scénario est modifié par le réalisateur sans que la comédienne en ait été informée préalablement ? Appelez-vous la production pour exiger que la question soit contractualisée ou estimez-vous que le contrat initial suffit, moyennant un avenant ? Comment traitez-vous ces questions pour formaliser les accords et protéger les personnes qui doivent l’être ?

M. Grégory Weill. Les actrices acceptent une version du script. Si cette version évolue, nous n’en sommes pas systématiquement informés, mais la relation de confiance que je décrivais tout à l’heure fait que, si quelque chose lui déplaît, la comédienne est censée nous en parler immédiatement. La question remonte alors au producteur mais ne fera peut-être même pas l’objet d’un avenant car, comme le disait Élisabeth Tanner, ces clauses font partie intégrante du contrat. La clause de nudité est assez précise dans le scénario. Avant le recours aux coordinateurs d’intimité, il fallait que le réalisateur et l’actrice parlent ensemble, en amont du tournage, de la manière dont ces scènes seraient tournées. Il était même parfois prévu un droit de regard sur le montage. Ces clauses sont assez précises et je pense, comme Élisabeth, qu’il conviendrait de les rendre obligatoires, car il était plus facile, par le passé, de les obtenir pour certains talents que pour d’autres, en fonction de leur pouvoir respectif. Ainsi, les droits de regard ne nous auraient jamais été octroyés pour les talents les moins importants.

Nous veillons aussi à ce que les images de nudité ne donnent pas lieu à doublure ni à photogrammes, c’est-à-dire à des photographies extraites du film pour servir la promotion de celui-ci, et à ce qu’elles n’apparaissent pas non plus dans les bandes-annonces. Nous essayons de protéger au mieux nos talents.

Si une relation entre un talent et un agent fonctionne, la première chose que font les actrices, au moindre problème lors de la lecture d’une nouvelle version du scénario, est de décrocher leur téléphone. Nous parlons aux producteurs et je dis toujours aux actrices, avant qu’elles ne partent tourner, que si elles ne veulent pas voir apparaître quelque chose, elles ne doivent pas le faire au tournage. En effet, si le contrat ne prévoit pas de droit de regard, les images ne nous appartiennent plus et on ne peut rien faire a posteriori.

Mme la présidente Sandrine Rousseau. Il faut que les talents aient confiance en vous pour la défense de leurs intérêts.

M. Grégory Weill. Ce n’est pas difficile ! Il n’est peut-être pas facile, pour un talent, de raconter des scènes d’intimité ou quelque chose qui se serait mal passé et aurait porté atteinte à sa personne. En revanche, j’espère qu’il ne lui est pas difficile de nous prévenir, à la lecture d’une séquence en amont du tournage, que quelque chose ne lui convient pas – sinon, c’est que la relation n’est pas la bonne.

Mme la présidente Sandrine Rousseau. Je voulais dire que, lorsqu’il y a un problème sur le tournage, vous devez pouvoir défendre leurs intérêts, et même leur réputation, car cela fait aussi partie de votre métier.

Mme Élisabeth Tanner. Il ne s’agit pas uniquement du rapport à l’agent. Parfois, les talents n’osent pas nous parler parce qu’ils ont peur des conséquences de leur prise de parole. Cela dépend en effet de leur position « hiérarchique » dans le métier. Vous connaissez bien ces mécanismes : une jeune actrice malmenée sur un tournage et que l’on commence à considérer comme une « chieuse » craint que le fait de dire à son agent que les choses ne se sont pas bien passées compromette ses chances de continuer dans le métier, parce qu’elle se trouve dans une situation de fragilité.

Mme la présidente Sandrine Rousseau. Ce n’est pas seulement de la peur ! Dans la réalité, il arrive souvent qu’une carrière s’arrête.

Mme Élisabeth Tanner. Ce qui est en cause n’est pas la relation à l’agent, mais à tout un métier, dans lequel il est si difficile de prendre la main et d’avoir des rôles que, quand on en a, on n’a pas envie de tout remettre en question.

Certains talents m’ont parlé, voilà sept ou huit ans, de problèmes qu’elles avaient rencontrés sur des tournages bien avant de travailler avec moi, et j’ai cru tomber de ma chaise en entendant certains noms – qui sont bien entrés dans ma tête. Lorsque je leur demandais si elles voulaient aller plus avant, elles ne le voulaient pas, mais après le mouvement MeToo, certaines m’ont rappelée et sont venues me dire qu’elles y réfléchissaient. Je leur ai répondu qu’elles pouvaient y aller et que je les soutiendrais quoi qu’il arrive. D’autres disaient que ces faits étaient derrière elles, qu’elles passaient à autre chose et ne voulaient plus en entendre parler. Nous devons toujours fonctionner avec nos talents. Vous connaissez la violence que représente un dépôt de plainte : nous ne pouvons pas leur dire que c’est un acte neutre. Nous les écoutons et les accompagnons, mais si elles nous disent qu’elles ne veulent pas y aller, nous ne pouvons pas les y pousser, alors que nous nous trouvons nous-mêmes dans une zone blanche où cela ne nous affecte pas.

Mme la présidente Sandrine Rousseau. Si ces personnes sentent que leur agent est à fond derrière elles, cela facilite leur démarche.

Mme Élisabeth Tanner. Nous sommes à fond derrière, mais pas devant ! Nous ne pouvons pas les prendre par la main en leur disant d’y aller.

Mme la présidente Sandrine Rousseau. Passons aux personnes accusées de violences. Comment agissez-vous à leur égard ?

M. Erwan Balanant, rapporteur. Après nous être placés du côté des victimes, nous allons nous pencher sur les auteurs de violences, dont vous êtes aussi parfois les agents – vous avez en effet indiqué tout à l’heure, monsieur Weill, que vous étiez l’agent d’une personne ayant fait l’objet d’un non-lieu. Comment gérez-vous ces situations ?

Par ailleurs, le contrat que vous avez avec un talent porte-t-il sur un seul film ou êtes-vous liés plus longtemps ? De fait, vous avez dit que vous étiez encore l’agent de Mme Sara Forestier, ce qui suppose que vous ayez encore un lien contractuel avec elle.

Mme Élisabeth Tanner. Il s’agit d’un mandat de droit civil, tel que défini par l’article 1984 du code civil. Il peut être écrit, comme la loi le prescrit, mais pour être honnête, je dois dire que, souvent, il ne l’est pas, et qu’il fait l’objet d’une tacite reconduction tout au long de la carrière du talent, jusqu’à ce que ce dernier dénonce notre collaboration.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Vous avez donc, vous aussi, la possibilité de dénoncer un contrat qui vous lie à un talent, par exemple si ce dernier est condamné, ou si vous jugez que votre conception de l’éthique ou de la morale ne vous permet plus de travailler avec cette personne. Cela vous est-il déjà arrivé, et imaginez-vous pouvoir le faire pour certaines personnes ?

Mme Élisabeth Tanner. Nous pouvons en effet dénoncer le contrat pour de multiples raisons, et je l’ai fait pour un cas intéressant, qui m’a plongée dans des affres. J’avais accepté de représenter un garçon talentueux d’environ 45 ans, dont le travail était intéressant et qui avait quitté son agent pour des raisons que j’ignorais – les talents invoquent souvent, à cet égard, des raisons personnelles. J’ai reçu un jour un coup de fil m’invitant à faire attention, au motif que cet acteur faisait l’objet de dossiers. Pour en savoir plus, j’ai alors appelé deux ou trois metteurs en scène avec lesquels il avait travaillé, qui m’ont dit que ce garçon était super, impeccable, et qu’il n’y avait pas de problème. Par ironie du sort, il avait travaillé dans la dernière série de Judith Godrèche, ce qui laisse imaginer que cette dernière n’était pas non plus au courant des dossiers qui le concernaient. Il ne s’agissait donc encore que d’une rumeur. J’ai continué à travailler avec lui, avant d’apprendre incidemment qu’il avait commis des violences envers des actrices avec lesquelles il avait tourné – et avec lesquelles il avait, en outre, souvent entretenu une histoire. L’affaire devenait très complexe. On me communiquait des informations et je me demandais quoi faire. On me disait que les actrices ne voulaient pas encore porter plainte, et que ce processus prendrait du temps. Sachant que des plaintes finiraient par être déposées – ce qui a effectivement été le cas entre-temps, et ce qui me permet d’en parler aujourd’hui –, j’ai reçu ce garçon pour lui dire que j’étais très mal à l’aise et que des rumeurs couraient sur son compte. Il m’a assurée que ce n’était pas du tout le cas, et cette assurance m’a un peu interloquée. Je lui ai alors dit que, bien que ce soit contre ma nature puisqu’il ne s’agissait que d’une rumeur et que les faits n’étaient pas avérés, mais compte tenu du fait que nous n’étions pas liés depuis trente ou quarante ans, nous allions nous séparer. Il s’est alors adressé un autre agent, après quoi un dossier est sorti, des plaintes ont été déposées contre lui, et l’affaire est désormais de notoriété publique.

Je me suis séparée de lui parce que j’avais la certitude de ses comportements à l’intérieur de la sphère de travail, et je savais qu’il utilisait sa position d’une manière un peu abusive. Je ne l’aurais peut-être pas fait pour quelqu’un avec qui j’aurais travaillé depuis vingt-cinq ou trente ans et sur qui j’aurais pu avoir certains doutes, voire certaines assurances qui m’auraient été communiquées.

Il y a donc d’un côté la rumeur, et de l’autre le droit. Entre-temps, il y a une mort sociale. Quand le droit dit qu’il ne s’est rien passé, on nous objecte que la justice ne fait pas son travail et que c’est par défaut de preuves qu’il n’y a pas de suites judiciaires. Ce sont là pour nous des situations très difficiles, car les affaires sont parfois plus complexes qu’il n’y paraît. Pour ma part, je fais confiance aux juges, qui passent du temps sur un dossier et statuent sur la réalité d’une situation.

M. Grégory Weill. Sara Forestier a elle aussi utilisé cette expression de « mort sociale ».

Mme la présidente Sandrine Rousseau. On parle toujours de mort sociale pour les personnes accusées, et jamais pour les victimes, qui la subissent pourtant aussi mais passent sous les radars. Il est très important d’avoir conscience du fait que les femmes qui parlent – il y a aussi des hommes, mais la majorité des victimes sont des femmes – prennent un risque inouï pour leur carrière et connaissent aussi des épisodes de mort sociale.

M. Grégory Weill. Sara Forestier a donc parlé de mort sociale, tout en ajoutant qu’elle ne la souhaitait pas à la personne même qu’elle accusait.

Il m’est déjà arrivé de mettre fin à des mandats de représentation. J’ai ainsi mis fin du jour au lendemain au contrat conclu avec une personne qui tenait des propos idéologiques avec lesquels j’étais en complet désaccord. Jusqu’à présent, je n’ai pas mis fin à ma collaboration avec des personnes ayant fait l’objet d’accusations de VSS, mais c’est presque tout comme, car la relation est comme en sommeil, entre parenthèses. Je n’entreprends jamais de démarches pour quelqu’un qui fait l’objet d’un dossier tant que la justice ne l’a pas réglé. Les talents concernés ne me le demandent d’ailleurs même pas, et s’ils me le demandaient, je leur conseillerais de faire profil bas jusqu’à ce que la justice ait réglé l’affaire. En cas de condamnation, la relation s’arrête, au moins jusqu’à ce que la personne ait purgé la peine infligée par la justice. Vient ensuite la question de la réhabilitation. Déontologiquement, je ne me sens pas plus fort que le verdict des tribunaux.

Nous avons discuté de ces questions en interne au sein de l’agence, en consultant les agents et dans le cadre de réunions plus générales avec le personnel, pour éviter que les gens qui travaillent pour l’agence soient mal à l’aise en apprenant que telle personne est représentée chez nous. Nous avons donc discuté le plus ouvertement possible avec tout le monde pour définir la meilleure démarche et l’appliquer comme une sorte de règle interne.

Mme la présidente Sandrine Rousseau. Vous n’avez donc pas de cadres qui vous protègent en vous permettant, selon les situations, d’interrompre ou de poursuivre la collaboration ?

M. Grégory Weill. Les dossiers auxquels je pense relèvent souvent de la sphère privée, même s’ils peuvent avoir des répercussions sur la sphère professionnelle. Je me suis parfois trouvé à la croisée de certains dossiers compliqués et médiatiques, mais c’est souvent dans la sphère privée que les faits les plus graves sont commis.

Mme la présidente Sandrine Rousseau. Le cas de Nicolas Bedos ne se situait pas dans la sphère privée.

M. Grégory Weill. Si.

Mme la présidente Sandrine Rousseau. Si vous considérez que la sphère privée est ce qui se situe en dehors des contrats de travail.

M. Grégory Weill. C’est tout à fait le cas.

Mme la présidente Sandrine Rousseau. Je comprends. Je pensais aux lieux publics dans lesquels les faits reprochés ont eu lieu.

M. Grégory Weill. C’était tout à fait en dehors de la sphère professionnelle. Dans le cas de Nicolas Bedos, je n’ai, pour ma part, jamais entendu que quoi que ce soit lui ait été reproché sur les plateaux, dans la sphère professionnelle.

Mme Élisabeth Tanner. J’aimerais qu’on fasse la distinction entre ce qu’on appelle les comportements inappropriés et les choses plus graves comme le viol. Je ne dis pas que ces comportements ne sont rien, mais ce n’est quand même pas tout à fait pareil.

Quand un talent apparaît dans la sphère médiatique comme l’auteur présumé de violences, les propositions cessent immédiatement d’arriver et les projets en cours sont suspendus par l’ensemble de la filière, car ce travail implique une médiatisation lors de la sortie du film, du téléfilm ou de la pièce. La plupart du temps, tout le monde fait donc machine arrière. Ainsi, notre mandat est suspendu de facto.

Rien ne nous empêche de continuer d’accompagner la personne dans la sphère privée, de façon amicale. Je ne suis pas pour le bagne, je suis pour que les gens reçoivent des visites en prison. Nous avons des liens amicaux avec certains de nos talents, parfois depuis vingt, trente ou trente-cinq ans : nous n’allons pas arrêter de leur parler parce qu’ils tombent sous le coup de la justice ou de la rumeur.

Cette médiatisation va de pair avec une mort sociale. Quand on parle de mort sociale, c’est de cela qu’il s’agit.

Pour les victimes, la mort sociale peut prendre deux formes. D’une part, le trauma, qui fait qu’elles ne sont plus en état de travailler et qui appelle une restauration, dans laquelle nous pouvons les accompagner de multiples façons. D’autre part, le dépôt de plainte, qui peut freiner certains metteurs en scène ou producteurs, mais pas l’ensemble de la profession. Certains professionnels s’avèrent même d’autant plus attentifs à une personne qu’elle a montré un certain courage en dénonçant des violences sexuelles et sexistes. Il y a toute une génération, apparue depuis quelques années, qui est en phase avec le mouvement MeToo. J’admets que ce n’était pas le cas il y a vingt-cinq ou trente ans : porter plainte était alors compliqué.

Mme la présidente Sandrine Rousseau. Adèle Haenel – le procès commence aujourd’hui – a quitté le cinéma.

Mme Élisabeth Tanner. J’ai été son agent pendant un petit moment, et je l’étais lors de sa déclaration à Mediapart. Son agent historique depuis Naissance des pieuvres était associé avec moi, il a arrêté le métier – pour des raisons qui n’ont rien à voir avec les problèmes dont nous parlons – et je suis devenue l’agent d’Adèle. C’est quelqu’un que j’aime beaucoup, que je respecte beaucoup. J’ai vu la montée en puissance du mouvement dans lequel elle est entrée. C’est toute une idéologie. Je me souviens d’avoir discuté avec elle de longues heures pendant le confinement. Elle était devenue extrêmement radicale. Je ne porte pas de jugement là-dessus. J’ai appris récemment qu’elle ne voyait plus ses parents. Elle a décidé que le cinéma était une entreprise capitaliste et qu’elle ne voulait plus rien avoir à faire avec lui. Le fait qu’elle ait porté plainte n’est pas en cause : je peux vous dire qu’après sa déclaration à Mediapart, j’ai continué de recevoir des propositions pour elle.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Comment améliorer l’accompagnement d’une victime pour l’encourager à porter plainte ? Le dépôt de plainte a la vertu de lancer l’enquête et, parfois, de trancher la question de la rumeur. Audiens aide les victimes, mais est-ce suffisant ? Pourrait-on imaginer un soutien juridique de la part des agents ? Est-ce une clause que vous pourriez ajouter à vos contrats ?

Mme Élisabeth Tanner. Nous sommes en lien avec des associations. Outre la cellule d’Audiens, nous avons des outils pour aider les talents.

Quand il s’agit de jeunes actrices, la première chose qu’elles nous disent est qu’elles n’ont pas les moyens de prendre un avocat. Nous les rassurons alors en leur disant que nous pouvons trouver un avocat qui les accompagnera. Dans les associations, elles retrouvent d’autres actrices – souvent sur le même dossier, d’ailleurs, car un fait en cache parfois d’autres et, étant en contact avec les associations, nous savons plus ou moins qu’il y a peut-être un dossier sur Untel qui circule. Ainsi, elles se sentent moins seules quand il s’agit de porter plainte. Par exemple, dans le cas du garçon dont j’ai parlé, ce sont plusieurs actrices qui, en cascade, sont venues à maturation parce que, dans le cadre des associations, on leur a dit qu’elles n’étaient pas toutes seules. Cela a permis à ces jeunes femmes d’accepter de porter plainte, après réflexion.

L’accompagnement varie selon les cas. Quand on les sent très hésitantes, mais plutôt à cause de l’entreprise en elle-même que de ses conséquences, on peut les accompagner, et on le fait. À une époque, on les orientait vers Judith Godrèche, mais il y a aussi l’Association des acteurs.ices (ADA), d’autres associations, et la cellule d’Audiens. On les rassure sur le fait qu’elles peuvent y aller, que la discussion ne sortira pas du bureau, que nous sommes soumis à une obligation de confidentialité.

Ensuite, c’est à elles de décider si elles portent plainte, et si elles le font, nous continuons de les accompagner. Par exemple, si elles sont attaquées, nous pouvons répondre. Mais aujourd’hui, honnêtement, les gens prêtent attention à ce qu’ils font et commencent – quand même ! – à comprendre que certaines choses ne sont plus tolérables ni tolérées.

Mme la présidente Sandrine Rousseau. Quand vous recevez le témoignage d’une personne qui a eu un problème sur un tournage, la mettez-vous immédiatement en contact avec un avocat pour qualifier les faits et accompagner le dépôt de plainte ? Vous dites que vous l’accompagnez, que vous l’écoutez, mais, en tant qu’agent, avez-vous un cadre dans lequel vous procédez ainsi ?

Mme Élisabeth Tanner. Le référent harcèlement permet d’assurer un relais.

Mme la présidente Sandrine Rousseau. C’est donc à lui que vous vous en remettez ?

Mme Élisabeth Tanner. Non, nous ne nous en remettons pas à lui. Ce n’est pas parce que nous avons discuté avec quelqu’un que, pour nous, le dossier est réglé. Mais le référent harcèlement, qui, lui, se trouve sur le plateau, permet de qualifier ce qui s’est passé, de le confirmer.

Une actrice vous dit « Untel m’a emmerdée, il m’a fait ceci, cela ». Si elle le dit le jour même, il convient de prendre des mesures immédiates : appeler le producteur pour le prévenir du problème, et vérifier que le référent harcèlement est bien au courant des faits. Cela permet déjà de sécuriser le plateau.

Mme la présidente Sandrine Rousseau. Cela, vous le faites ?

Mme Élisabeth Tanner. Oui.

M. Grégory Weill. On peut régler certaines choses en interne – tout dépend de la gravité de ce qui s’est passé. On n’est pas obligé de diriger tout de suite les gens vers des avocats, par exemple en cas d’inconfort lié à une agression verbale ou au comportement déplacé d’un acteur.

Cet été, j’ai été confronté au cas de deux actrices qui se haïssaient à un point que je n’avais pas connu depuis très longtemps. L’une des deux ne se sentait plus en sécurité auprès de l’autre. J’en suis venu à imposer au producteur la présence constante d’une personne désignée pour l’accompagner exclusivement afin qu’elle puisse travailler sereinement, en évitant par exemple que les deux soient préparées au même endroit.

Il y a des problèmes que nous pouvons ainsi régler nous-mêmes. Dès lors que l’actrice nous parle, nous réagissons immédiatement. Nous ne nous contentons pas de recueillir la parole : nous entamons aussitôt des démarches concrètes auprès du producteur, jusqu’à trouver un cadre qui convienne à l’actrice ; si ce n’est pas possible, nous lui disons de ne pas retourner sur le plateau.

Les référents harcèlement font souvent partie de la production, ce qui les fait manquer cruellement d’objectivité. Ce n’est pas forcément à eux qu’il est le plus facile de s’adresser. On ne sait même pas comment ils sont formés pour accueillir la parole.

Mme la présidente Sandrine Rousseau. Je reviens à Adèle Haenel, avec qui j’ai longuement parlé. Elle dit que ce qui lui a fait quitter le cinéma n’est pas son caractère capitaliste – qu’elle dénonce par ailleurs – mais la couverture des violences sexuelles qui y a cours. Je rapporte ses paroles.

Mme Élisabeth Tanner. Je comprends pourquoi elle le dit. Elle l’a dit publiquement et a parlé de son cas, qui était avéré.

Mme la présidente Sandrine Rousseau. Elle avait 12 ans !

Mme Élisabeth Tanner. Je sais, je l’ai bien connue. Elle parle d’une période où ces agissements, bien réels, étaient couverts, parce qu’ils faisaient souvent partie du métier. Ces choses n’étaient pas vécues comme scandaleuses. Je ne dis pas que c’est bien. À cette époque, tout le monde prenait Gabriel Matzneff pour un génie des Carpates, alors qu’aujourd’hui, on trouve horrible son fameux passage dans « Apostrophes ». Je pense que l’on sort vraiment de cette période, même s’il y a encore du boulot. Le sujet est sur la table, et la conscience des agents, des actrices et des acteurs a été éveillée.

Mme la présidente Sandrine Rousseau. En ce qui concerne la gradation des faits, ceux qui sont sortis dans la presse tombent sous le coup de la loi. On peut toujours dire que la loi est mal faite, mais c’est ainsi.

Nous parlions des faits avérés, connus, qui donnent lieu à une procédure, interne ou externe. Mais quand vous avez connaissance d’éléments qui ne font l’objet d’aucune publicité ni d’aucune procédure, par exemple le fait qu’une personne peut, sur un plateau, être toxique, voire dangereuse, comment faites-vous vis-à-vis des acteurs et actrices que vous défendez et qui vont lui être confrontés ? Il peut y avoir des rumeurs, mais aussi des témoignages informels, officieux, qui circulent dans le milieu.

Mme Élisabeth Tanner. Aucun exemple ne me vient à l’esprit. Déjà, par les temps qui courent, je n’imagine personne prendre le risque de produire quelqu’un au sujet duquel on saurait des choses : l’information peut exploser à tout moment et, dans ce cas, le film ne sortira jamais. Si nous sommes au courant de quelque chose – et je ne dis pas que la loi ne couvre pas tous les faits, je dis simplement qu’il existe bien une gradation –, nous dirons à la personne qui doit aller sur le plateau, que ce soit un garçon ou une fille – parce qu’on ne parle que des filles, mais il y a aussi des garçons…

Mme la présidente Sandrine Rousseau. J’ai parlé des deux.

Mme Élisabeth Tanner. Nous lui dirons : « J’ai entendu ça, je comprends que tu aies envie d’y aller, mais sache qu’il y a ça qui traîne autour de lui. Donc si jamais, à un moment ou à un autre, tu te sens mal à l’aise, surtout réagis immédiatement en nous appelant. Si tu ne te sens pas vraiment en sécurité, soit je continue l’enquête, même si c’est très compliqué, soit tu renonces à ce projet. » Il n’existe pas trente-six solutions. Certaines personnes se sentent armées pour tourner avec quelqu’un dont on sait qu’il est toxique dans sa façon de diriger un film. Si le talent est sûr de lui, je ne peux que lui répondre : « OK, si tu veux y aller, vas-y. » C’est son choix avant tout !

M. Erwan Balanant, rapporteur. Dans le cas des deux comédiennes qui se détestaient, vous avez, monsieur Weill, passé un coup de téléphone pour qu’une personne soit présente en permanence ainsi que vous l’avez décrit. Cela fait-il l’objet d’une clause contractuelle, d’une trace écrite ?

Mme Élisabeth Tanner. Non. C’est une urgence !

M. Grégory Weill. C’est un cas dont je me suis occupé en plein milieu des vacances d’été. Ce genre de solution ne fait pas l’objet d’un avenant au contrat, mais d’un accord de gré à gré avec le producteur. Si, le lendemain du jour où celui-ci s’est engagé, je constate que l’engagement est respecté, je ne m’en inquiète plus.

Mme Élisabeth Tanner. Je tiens à dire qu’il y a de plus en plus de retard dans les signatures de contrats. Nous avons face à nous des services juridiques pléthoriques qui jouent le jeu. Si on devait tout faire par voie contractuelle, ce serait dangereux.

M. Erwan Balanant, rapporteur. J’aimerais aborder la question des contrats d’assurance. On peut couvrir un acteur pour le cas où il se casserait la jambe ou aurait un rhume, mais pas vis-à-vis du risque pénal.

Mme Élisabeth Tanner. Un tournage n’assure jamais les acteurs – nous devons parfois le rappeler à nos talents eux-mêmes. C’est le tournage qui est assuré en cas de défaillance de l’acteur pour maladie ou pour une autre raison.

M. Erwan Balanant, rapporteur. La question n’en est que plus pertinente. On ne peut pas assurer le risque pénal, mais on peut assurer ses dommages. Quelle est la responsabilité civile d’un acteur quand un tournage est annulé parce qu’il a fauté ?

Mme Élisabeth Tanner. Pour l’instant, l’acteur est couvert par son assurance responsabilité civile personnelle. Il sera très compliqué de la faire jouer s’il a « fauté », comme vous dites.

M. Erwan Balanant, rapporteur. En effet, cela ne marchera pas.

Mme Élisabeth Tanner. Dans le droit contractuel du cinéma, des assureurs spécialisés assurent les dommages sur un film. Mais dans le cas de Sara Forestier, par exemple, comment applique-t-on le droit de retrait ? Le producteur aurait-il été indemnisé si l’on avait mis un mois et demi à trouver une autre actrice ? Sara Forestier aurait-elle été pénalisée ? Le risque aurait-il été pris en charge par les assurances ? Seul l’assureur du film peut vous le dire.

Nous conseillons souvent aux acteurs de souscrire à une assurance privée, car s’ils tombent malades, ils ne sont pas forcément couverts comme ils le voudraient. Beaucoup d’acteurs, et non des moindres, l’ignorent après des années d’expérience. Avec l’âge, ils commencent à se blesser. Si cela arrive au théâtre, ils s’aperçoivent que toute la troupe est payée sauf eux, et ils ne comprennent pas : « Je ne suis pas coupable ! » On leur explique qu’il s’agit là de responsabilité civile, et qu’ils ont intérêt à prendre une assurance personnelle qui couvrirait la perte de salaire qu’ils peuvent subir du fait du sinistre dont ils sont responsables.

Mme la présidente Sandrine Rousseau. Merci pour ces réponses.

Vous avez tout de même une très grande responsabilité dans tout cela. Je reste un peu sur ma faim. J’entends qu’il y a des progrès à faire. Dans vos positions, parce qu’elles sont de pouvoir et que vous êtes peu nombreux, il y a sans doute à œuvrer pour la protection des personnes au sein de ce milieu.

Mme Élisabeth Tanner. On l’a dit, les agents font l’objet d’un fantasme. Croyez-moi, les acteurs sans agent sont dans une situation bien plus difficile que ceux qui sont sous représentation !

Mme la présidente Sandrine Rousseau. Je n’en doute pas.

Mme Élisabeth Tanner. Même si nous ne sommes pas parfaits – nul ne l’est –, notre charge mentale est lourde, contrairement à ce que vous pensez. Vous n’avez qu’à demander à nos ostéopathes et à nos psychiatres ! Que le talent que nous représentons soit victime ou accusé, nous ne le vivons pas avec légèreté. Ce n’est jamais une situation neutre ni facile à régler. Vous trouvez peut-être que nous n’allons pas assez loin, mais nous essayons de faire preuve d’équité.

J’ai failli être pénaliste. Je ne peux pas accepter que la rumeur journalistique règle les choses. Il faut que vous vous rendiez compte qu’il y a une rumeur chaque semaine. On dit que quelqu’un va être accusé de ceci, de cela ; il se passe quatre, six, huit mois, rien n’arrive ; on continue ; et puis il y a une nouvelle rumeur… On entend tout et n’importe quoi, tous les jours. Comme des culbutos, nous essayons de rester à peu près stables dans un monde où, quotidiennement, nous recevons ces informations non avérées, fausses. De temps en temps, elles portent sur l’un de nos talents, à propos de choses auxquelles nous avons assisté et à propos desquelles ce qui est dit ne correspond pas du tout à la réalité. Nous essayons juste d’être un peu responsables.

Mme la présidente Sandrine Rousseau. Plusieurs recherches montrent de manière concordante qu’il n’y a que 6 % de faux témoignages en matière de violences sexuelles et que seules 0,6 % de celles-ci font l’objet d’une condamnation.

Mme Élisabeth Tanner. Je connais ces chiffres.

Mme la présidente Sandrine Rousseau. La justice ne passe pas. Il y a donc bien un blocage de la situation.

Merci pour cette audition. Si vous n’avez pas pu dire certaines choses ou qu’elles vous reviennent après coup, n’hésitez pas à nous en faire part par écrit. Si nous avons des questions complémentaires, nous pourrons aussi vous rappeler devant nous ou revenir vers vous par écrit. Le rapport sortira en avril prochain.

 

La séance s’achève à dix-sept heures.


Membres présents ou excusés

Présents.  M. Erwan Balanant, Mme Sandrine Rousseau