Compte rendu

Commission d’enquête relative aux violences commises dans les secteurs du cinéma, de l’audiovisuel, du spectacle vivant, de la mode et de la publicité

– Audition, ouverte à la presse, de M. Michel Haas, président de la Maîtrise des Hauts-de-Seine et Mme Anne-Sophie Lépinay, directrice administrative et financière              2

– Table ronde, ouverte à la presse, réunissant des conservatoires :

- Mme Aude Portalier, directrice du Conservatoire Pierre Barbizet de Marseille

- Mme Émilie Delorme, directrice du Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris

- M. Mathieu Ferey, directeur du Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Lyon

- M. Alexandre Jung, directeur du Conservatoire & Académie supérieure de Musique de Strasbourg 17

– Présences en réunion................................35

 


Jeudi
19 décembre 2024

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 24

session ordinaire de 2024-2025

Présidence de
Mme Sarah Legrain,
Vice-présidente de la commission

 


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La séance est ouverte à neuf heures trente.

La commission auditionne M. Michel Haas, président de la Maîtrise des Hauts-de-Seine et Mme Anne-Sophie Lépinay, directrice administrative et financière.

Mme Sarah Legrain, présidente. Nous entamons cette journée d’auditions en recevant M. Michel Haas, président de la Maîtrise des Hauts-de-Seine, et Mme Anne-Sophie Lépinay, directrice adjointe de cette association. La maîtrise des Hauts-de-Seine accueille près de 650 pratiquants, âgés de 5 à 30 ans.

Comme vous le savez, notre commission d’enquête cherche à faire la lumière sur les violences commises contre les mineurs et les majeurs, dans le secteur du cinéma, de l’audiovisuel et du spectacle vivant, notamment.

Compte tenu des accusations de harcèlement moral et sexuel ainsi que d’agressions sexuelles dont a fait récemment l’objet le directeur de la maîtrise, nous devions vous entendre. Il ne s’agit pas d’évoquer les faits reprochés – nous ne sommes pas un tribunal – mais d’étudier les mesures qui ont été prises pour faire face à cette situation pour le moins problématique, surtout lorsqu’on accueille des mineurs.

Plus généralement, nous aborderons la question de la prévention des violences, morales en particulier, au sein de ce type d’établissements.

Je rappelle que cette audition est ouverte à la presse et qu’elle est retransmise en direct sur le site de l’Assemblée nationale. J’ajoute que l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes entendues par une commission d’enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure. »

(M. Michel Haas et Mme Anne-Sophie Lépinay prêtent successivement serment.)

M. Erwan Balanant, rapporteur. Comme la présidente vient de le rappeler, votre activité s’inscrit parfaitement dans le champ d’investigation de notre commission d’enquête. À la suite des révélations qui ont été faites et des plaintes déposées par cinq personnes, il est légitime que nous nous interrogions. Comme il vient également d’être précisé, nous n’allons pas aborder les faits reprochés à M. Darchen, d’abord parce qu’il est absent, ensuite parce que ce n’est pas le rôle de notre commission, qui ne saurait se substituer à la justice.

En revanche, nous pouvons vous interroger sur la façon dont vous avez traité les problèmes soulevés et sur votre prise en charge des enfants. En effet, depuis que ces plaintes ont été déposées, nous avons reçu de nombreux témoignages de dysfonctionnements graves.

Tout d’abord, quand et comment avez-vous appris les accusations qui ont été portées contre le directeur, M. Darchen ? Avez-vous pris des mesures immédiates et, si tel est le cas, quelles sont-elles ?

M. Michel Haas, président de la Maîtrise des Hauts-de-Seine. Avant de vous répondre, je souhaiterais présenter brièvement la Maîtrise des Hauts-de-Seine, que j’ai l’honneur de représenter aujourd’hui, avec fierté et engagement, alors qu’elle connaît une période houleuse depuis cet été.

Il s’agit d’une association soutenue par le département des Hauts-de-Seine, qui réunit environ 650 chanteurs, âgés de 5 à 30 ans, de toutes origines.

C’est un projet unique en France, qui repose sur une pédagogie alternative, puisqu’il n’est pas nécessaire de connaître le solfège pour chanter. Grâce à cette pédagogie non conventionnelle, nous sommes capables d’accueillir des enfants qui souffrent de troubles autistiques et comportementaux, et qui, de ce fait, sont exclus des circuits traditionnels de formation musicale, des conservatoires notamment, et parfois même de l’éducation nationale.

La Maîtrise des Hauts-de-Seine permet à chacun, quelle que soit sa situation, son handicap éventuel, les difficultés sociales qu’il peut rencontrer, d’apprendre le chant, de progresser selon ses capacités et de se produire en public lors de concerts gratuits sur le territoire du département – une trentaine de représentations ont lieu chaque année – comme sur les grandes scènes lyriques. Surtout, elle permet de nouer des amitiés fortes et durables, qui reposent sur un certain nombre de valeurs, comme l’exigence, l’attention et la solidarité.

Depuis 2019, j’ai l’honneur de présider le conseil d’administration de la maîtrise, qui est composé de bénévoles : à ce titre, je suis chargé du respect et du développement du projet associatif, de la relation avec les partenaires financiers et du contrôle de son fonctionnement. J’ai rejoint le conseil d’administration alors que mon fils était maîtrisien. Il a passé dans cette institution sept années merveilleuses. En outre, avec d’autres pères d’élèves, je participe aux activités d’un chœur d’hommes qui complète occasionnellement les spectacles donnés sur le territoire altoséquanais.

Cette fonction n’est pas mon occupation professionnelle principale : je suis directeur des ressources humaines d’un grand groupe français. Mon engagement au sein de la maîtrise est bénévole et motivé uniquement par la volonté d’aider et de soutenir le projet associatif. Cependant, depuis cet été, j’ai dépensé une énergie considérable et passé beaucoup de temps avec les équipes de la maîtrise – auxquelles je rends hommage – pour gérer la crise et prendre les décisions qui s’imposaient.

L’association est une petite structure, qui emploie neuf salariés : un directeur, une directrice administrative et financière, un responsable d’administration, un responsable de l’encadrement des maîtrisiens, un chef de chœur ainsi que quatre chefs de chant. Contrairement à ce qui est écrit dans votre courriel de convocation, Mme Lepinay n’est pas directrice adjointe mais directrice administrative et financière – je lui laisserai le soin de préciser le périmètre de ses fonctions. C’est une professionnelle de grande qualité et je salue, en sa présence, son engagement et le courage dont elle fait preuve en se présentant aujourd’hui devant vous.

En dépit de mon activité professionnelle très prenante, j’ai suivi avec beaucoup d’attention les travaux de votre commission. Je suis, en effet, convaincu de leur utilité et de l’importance d’une meilleure prise en compte par le législateur de la question essentielle de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles (VSS).

Comme beaucoup, j’ai été profondément touché par un certain nombre de témoignages que vous avez recueillis, émanant notamment d’anciens élèves d’autres maîtrises. Je suis sensible à la peine, au chagrin et au désarroi de ces personnes. Leurs propos m’ont bouleversé : il est inacceptable que de telles souffrances aient été vécues. La lutte contre les VSS est un enjeu majeur pour notre société.

Je souhaite réagir à certains propos que j’ai entendus et vous inviter à ne pas dresser trop rapidement de parallèle – et, à plus forte raison, à ne pas établir d’amalgame – entre des faits glaçants, révoltants, survenus ailleurs – auxquels la Maîtrise des Hauts-de-Seine est étrangère – et la situation que connaît mon association. Je ne représente pas l’ensemble des maîtrises de France et ne peux m’exprimer qu’au nom de celle des Hauts-de-Seine.

Je ne me prononcerai évidemment pas sur les faits relatifs à l’enquête pénale du parquet de Nanterre. En effet, cette enquête est en cours, la Maîtrise des Hauts-de-Seine n’y a pas accès et, à ma connaissance, M. Darchen ne fait à ce jour l’objet d’aucune poursuite pénale. Dans ces conditions, il m’est impossible de porter une appréciation sur des faits dont j’ignore tout.

Vous souhaitez comprendre la manière dont la Maîtrise des Hauts-de-Seine prévient et gère les violences morales, sexistes et sexuelles qui peuvent y survenir et la façon dont – je cite – nous avons « géré les révélations relatives à M. Gaël Darchen intervenues cet été ». Je laisserai à Mme Lépinay le soin de présenter les dispositions prises par l’association, depuis de nombreuses années, pour garantir la sécurité des maîtrisiens.

Je souhaite, pour ma part, porter à votre connaissance l’ensemble des mesures que j’ai prises depuis cet été. Sachez, avant toute chose, que la Maîtrise des Hauts-de-Seine fait l’objet d’audits réguliers, notamment du conseil départemental, qui est notre principal financeur. Le dernier audit, réalisé entre 2022 et 2024, n’a pas relevé de difficulté particulière ni de lacune en matière de prévention des risques de sécurité.

M. Erwan Balanant, rapporteur. L’audit de fonctionnement de la Maîtrise des Hauts-de-Seine – qui consiste en un questionnaire destiné aux parents des maîtrisiens – nous a été transmis. Ce document, qui est complet, et qui se concentre sur le fonctionnement de la maîtrise, ne comporte aucune question sur la santé des enfants, leur ressenti, leur éventuel mal-être, les risques de violences et de harcèlement sexistes et sexuels (VHSS) ou le harcèlement moral. La seule prévention des risques qui est évoquée concerne la sécurité des enfants au sein de la maîtrise, au moyen d’outils comme la vidéo. Comment expliquez-vous que la question des violences sexistes et sexuelles ne soit pas abordée, alors que cet audit a, semble-t-il, été lancé après la mise en cause de M. Darchen ?

Je rappelle que, si une enquête pénale peut être lancée, il est aussi du devoir des personnes qui gèrent une structure d’engager une enquête administrative et de traiter les problèmes qui surviennent. Or, cet audit me semble un peu faible. En outre, d’après des témoignages, M. Darchen serait toujours dans vos locaux et, même s’il ne voit plus les enfants, continuerait à diriger la maîtrise à distance. Qu’en est-il exactement ?

M. Michel Haas. J’ai appris l’existence de plaintes concernant notre directeur le 9 juillet. Dès le lendemain, j’ai réuni le conseil d’administration. À ce moment-là, je n’avais aucune information sur ces problématiques – on ne m’avait jamais communiqué d’information à ce sujet.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Le Canard enchaîné vous a envoyé un courriel le 6 juillet : vous n’avez donc pas été prévenu le 9. Comme vous avez dit, notamment aux parents, que vous aviez été informé par la presse, cela sème le trouble. Visiblement, vous avez appris la nouvelle par un courriel, qui vous a informé de la publication. Il me semble que, dans ce courriel, on vous demandait des informations contradictoires, comme le font généralement les journalistes d’investigation. Le 8 juillet, ces mêmes journalistes ont appelé M. Darchen, qui n’a pas répondu ; ils ont alors laissé un message vocal sur son portable. Le même jour, l’attachée de presse de M. Darchen, Capucine Barraud-Degouy, confirmait, également par message électronique, la réception du courriel contenant l’information relative à la publication.

Je vous pose donc à nouveau la question : comment et par qui la mise en retrait a-t-elle été décidée ? S’agit-il d’une initiative de M. Darchen ou d’une décision prise par vous-même, ou encore par le conseil d’administration ? Comment s’est déroulée cette mise en retrait ? Quelles mesures immédiates avez-vous prises pour protéger les enfants : avez-vous mis en place un suivi psychologique les concernant, alors que les familles savaient que le directeur faisait l’objet de plaintes graves ? Non seulement la présomption d’innocence n’empêche pas que des mesures conservatoires et de protection soient prises, mais je dirais même qu’une telle situation l’impose. Je veux donc savoir quelles sont ces mesures et comment vous avez traité cette situation.

M. Michel Haas. Tout d’abord, je rappelle que les plaintes en question ne concernent pas des enfants. Le 9 juillet, à la lecture du Canard enchaîné et de la version web de France Musique, je suis officiellement informé du dépôt de plaintes. Dès le lendemain, je convoque le conseil d’administration. Le 11 juillet, je rencontre l’ensemble des salariés encore présents dans les locaux pour les avertir de la situation et recueillir d’éventuels témoignages et informations. Bien que M. Darchen soit présumé innocent, je prends la décision de le mettre immédiatement en retrait, alors qu’il se trouve en tournée en Grèce. J’organise son retour en France et, le même jour, je demande à l’un de nos collaborateurs, M. Amadieu, de se rendre en Grèce pour assurer la poursuite de la tournée. Je m’entretiens avec les trois salariés présents sur les lieux de la tournée et avec le médecin de la maîtrise qui accompagne systématiquement les tournées.

Le 17 juillet, j’obtiens de mon employeur l’autorisation de poser des congés pour rejoindre le groupe en Grèce et rentrer avec lui, à l’issue de la tournée. Je rencontre les parents des enfants qui ont participé à la tournée afin de m’assurer de leur bien-être psychologique. En outre, le 30 juillet, je reçois une délégation de parents, à leur demande. Bien que l’on soit en pleines vacances scolaires, je m’entretiens tout au long du mois d’août avec les partenaires de la Maîtrise des Hauts-de-Seine – le conseil départemental, l’Opéra national de Paris et le théâtre des Champs-Élysées – qui confirment leur soutien et valident les actions d’urgence engagées. Je procède à la sélection d’un cabinet d’audit pour mener une évaluation du fonctionnement et de la gouvernance de l’association. Il s’agit de répondre aux nombreuses et violentes accusations, dont vous avez fait mention, contre – je cite – « le système » de la maîtrise et son fonctionnement de type « sectaire ». J’ai besoin de faire la lumière sur ces accusations.

Concernant le retrait de M. Darchen, je le répète, c’est moi qui l’ai décidé, dès le 10 juillet. À ce jour, nous n’avons pas connaissance d’informations qui concerneraient des enfants. Cela étant, ce retrait prive M. Darchen de tout contact ou interaction avec les maîtrisiens, enfants comme adultes. Il ne dirige plus ni concerts ni répétitions depuis le mois de septembre – la maîtrise étant fermée pendant l’été.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Vous n’avez pas répondu à ma question relative à la présence de M. Darchen dans les locaux de la maîtrise. Des parents nous ont adressé des courriels pour nous signaler que lors d’une réunion de rentrée, M. Darchen leur a expliqué qu’il était toujours présent dans les locaux et qu’il continuait de chapeauter à distance les travaux, les choix artistiques et les répétitions des chœurs. J’aimerais obtenir une réponse claire et précise à cette question : M. Darchen est-il toujours présent dans les locaux de la maîtrise ? Continue-t-il de faire, à distance, son travail de directeur artistique de votre structure ?

M. Michel Haas. Pour avoir conduit l’ensemble des réunions avec les parents depuis le mois de septembre, je peux vous dire que M. Darchen n’était pas présent lors de ces réunions. En revanche, il est présent dans nos locaux, au troisième étage, qui est un étage de bureaux réservé à la direction et aux fonctions administratives, et qui est uniquement accessible au moyen d’un badge. M. Darchen n’a donc aucune interaction avec les maîtrisiens, qui se trouvent au premier étage.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Il y a là un vrai problème, car il reste en contact avec les salariés. Le code du travail est très clair à ce sujet. À côté de l’enquête pénale, il y a un volet administratif : l’employeur est tenu de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir la sécurité des salariés et prévenir l’ensemble des risques. Il est de tradition, lorsqu’une enquête administrative est menée, que l’on suspende la personne concernée, qui, de fait, n’a plus de contact avec ses collègues. Un collègue de M. Darchen, par exemple une secrétaire administrative ou un agent d’entretien, a pu subir un traumatisme en apprenant l’existence d’accusations – qui ne restent à ce jour que des accusations. C’est pourquoi le code du travail impose que l’on protège tous les salariés – en l’occurrence, cela s’applique aussi, indirectement, aux élèves. Imaginez le trouble que peuvent ressentir un certain nombre de parents de maîtrisiens en apprenant qu’une personne faisant l’objet d’accusations est toujours en contact potentiel avec des élèves. C’est assez problématique.

Comme vous l’avez rappelé, les faits dénoncés ne touchent pas des enfants. Toutefois, les personnes concernées sont, visiblement, de très jeunes adultes, membres de l’institution de longue date, qui ont été en contact avec M. Darchen lorsqu’ils étaient mineurs. L’enquête pénale dira ce qu’il en est, mais nous sommes en droit de nous poser des questions.

Qu’est-ce qui a motivé la réalisation de l’audit mené par le cabinet Co-Conseil ? Le questionnaire ne porte ni sur les VSS, ni sur le harcèlement moral, ni sur la santé psychique des enfants, ce qui est étonnant eu égard aux faits dénoncés. Il traite exclusivement de l’organisation et de la gouvernance de la maîtrise. Mais peut-être ne disposons-nous pas de tous les éléments ? Par ailleurs, quand ce rapport sera-t-il rendu ? On nous a parlé du mois de décembre, mais ce rapport n’a, semble-t-il, pas encore été rendu.

M. Michel Haas. Face à l’urgence, j’ai pris la décision, au cours de l’été, de lancer l’audit en m’appuyant sur les informations dont je disposais. Il est certainement perfectible ; je serai très attentif à vos recommandations. L’audit, qui est en cours, porte sur une dizaine de thématiques, dont l’une – qu’il faudrait peut-être renforcer – est consacrée aux violences sexistes et sexuelles, plus particulièrement aux mesures de prévention et de précaution prises par la Maîtrise des Hauts-de-Seine.

J’ai été confronté cet été à des accusations portant sur le fonctionnement de notre institution ; il m’a semblé qu’il pouvait y avoir un lien entre ces critiques et la sécurité des enfants. Il m’a paru essentiel, à ce moment de la crise – quelques jours après les révélations – d’avoir une approche systémique du fonctionnement et de la gouvernance de l’association.

Le processus choisi, qui est en cours, consiste à recueillir des avis ; près de 300 personnes – parents, maîtrisiens majeurs, salariés, partenaires et administrateurs – ont répondu à ce questionnaire. Nous devons identifier des thématiques et présenter l’ensemble des conclusions, comme je me suis engagé à le faire devant tous les parents. Le temps nous a un peu manqué dernièrement, ce qui explique que nous ayons décalé la présentation au mois de janvier. Nous avions aussi besoin de présenter des préconclusions, des pistes de réflexion à nos partenaires avant de revenir, d’une part, devant le conseil d’administration et, d’autre part, devant les parents.

Mme Sarah Legrain, présidente. Pouvez-vous nous dire qui mène l’audit et qui en traitera les remontées ? S’il n’est pas conduit par un organisme extérieur, pouvez-vous nous en indiquer les raisons ? Dans la mesure où vous êtes directeur des ressources humaines d’un grand groupe, vous savez qu’il existe des organismes experts et indépendants dans ce domaine.

Pour revenir au fonctionnement de votre structure, il semble, selon de nombreux témoignages, que les parents ne soient pas autorisés à entrer dans les locaux de la maîtrise. Pouvez-vous nous confirmer cette information et, si elle est avérée, nous en donner les raisons ? Alors que vous expliquez avoir mis en retrait la personne incriminée en la déplaçant à l’intérieur de vos locaux, il est surprenant que vous ne permettiez pas aux parents d’accéder à ces mêmes locaux.

M. Michel Haas. Je vous confirme que les parents n’ont pas accès à nos locaux. La maîtrise ne présente pas de particularité à cet égard, puisque les élèves ne peuvent pas davantage pénétrer dans l’enceinte des écoles. Cette interdiction s’explique par des raisons propres à la maîtrise – notamment pour sécuriser la circulation dans les locaux – mais aussi à la Seine musicale et à certains protocoles, comme Vigipirate, qui nous empêchent de laisser pénétrer les parents. Cela étant, lorsque des parents demandent un rendez-vous, ils sont reçus dans les locaux, comme à l’école.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Pour revenir sur l’audit, il semblerait que vous connaissiez depuis sept ans le directeur du cabinet CO Conseil et que vous vous tutoyiez pendant la réunion de présentation. Cela n’est pas grave en soi, mais nous aimerions avoir des éclaircissements : ce cabinet a-t-il déjà travaillé avec vous au cours de votre parcours professionnel et quelles sont les raisons qui ont motivé votre choix ?

M. Michel Haas. Depuis le début de cette affaire, je fais l’objet d’attaques totalement infondées. Je n’ai jamais travaillé avec CO Conseil dans le passé. Je ne connaissais pas ce cabinet ; je l’ai identifié, lors de ma recherche de cabinets externes, comme étant une structure spécialisée dans le fonctionnement et la gouvernance des associations. Ce cabinet est d’ailleurs lui-même une structure coopérative. Il me semblait important, pour notre association, de bénéficier de ce regard extérieur. Je ne connais pas du tout ses dirigeants ; ni moi ni aucun de mes administrateurs n’avons jamais travaillé avec eux auparavant. J’ai lu beaucoup de choses fausses à cet égard et je vous remercie de me donner l’occasion de les réfuter.

Ce cabinet et nous-mêmes avons identifié des thématiques que nous avons partagées avec les parents lors d’une réunion afin de les affiner et de les préciser. Cela a permis d’établir un questionnaire, sur la base duquel des pistes d’amélioration et des recommandations seront identifiées. Celles-ci seront présentées au conseil d’administration, qui est notre organe de gouvernance et qui peut, seul, prendre des décisions.

Fin janvier 2025 se tiendra une séance de restitution et de partage avec nos parties prenantes, c’est-à-dire les parents, nos partenaires et nos salariés. Nous engagerons ensuite, au sein du conseil d’administration, une réflexion sur les préconisations et la mise en œuvre d’un plan d’action.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Je voudrais revenir sur le fonctionnement de la maîtrise. Pourriez-vous nous préciser en quoi consiste votre pédagogie alternative ? S’agit-il seulement de pouvoir chanter sans connaître le solfège ou cela recouvre-t-il autre chose ? Vous avez affirmé que cette pédagogie vous permettait d’accueillir des enfants souffrant de troubles autistiques. Les enfants, en général, et, plus encore, ceux qui sont affectés par ce type de troubles demandent une attention, des précautions et un encadrement particuliers. Quelles précautions prenez-vous pour préserver la santé des enfants, qu’ils soient ou non autistes ? Quelles mesures avez-vous prises pour assurer l’encadrement des plus jeunes, puisque vous accueillez des maîtrisiens à partir de l’âge de 5 ans ? Concrètement, comment se déroule un cours : les tout-petits y côtoient-ils des plus grands, ce qui peut parfois poser des problèmes ? Enfin, quelle est la formation de M. Darchen et des autres membres de vos équipes pédagogiques ?

M. Michel Haas. Notre pédagogie consiste effectivement à enseigner le chant sans passer par l’apprentissage du solfège. Je ne suis pas un spécialiste des conservatoires, mais il me semble que, dans le parcours classique, on apprend d’abord le solfège avant de pouvoir pratiquer le chant ou un instrument. Ce n’est pas le cas à la Maîtrise des Hauts-de-Seine. Pour prendre un exemple, mon fils n’a jamais appris le solfège, ce qui ne l’a pas empêché de chanter à l’Opéra de Paris ou lors de nombreux concerts. En cela, notre pédagogie se distingue et c’est cette originalité qui nous permet d’accueillir des enfants qui, autrement, ne pourraient pas pratiquer une activité musicale.

Concernant les conditions d’enseignement, les maîtrisiens sont répartis à la fois par tessiture et par classe d’âge lors des répétitions régulières. La plupart du temps, les groupes sont constitués exclusivement de garçons et de filles pour des raisons tenant à la tessiture et à la pédagogie musicale. Lors des répétitions, deux personnes sont systématiquement présentes : un chef de chœur et un accompagnateur au piano. Je précise que les enfants ont, au plus, deux séances d’une heure et demie par semaine, en dehors du temps scolaire ; dans d’autres maîtrises, la pratique hebdomadaire peut atteindre six à sept heures.

Quant à la formation des équipes pédagogiques, peut-être Mme Lépinay pourrait-elle répondre plus précisément que je ne saurais le faire.

Mme Anne-Sophie Lépinay, directrice administrative et financière de la Maîtrise des Hauts-de-Seine. Ce sont des musiciens professionnels, formés au conservatoire. Ils sont chefs de chant lorsqu’ils accompagnent les répétitions et chefs de chœur lorsqu’ils les dirigent. Nous avons quatre chefs de chant et un chef de chœur.

Mme Sarah Legrain, présidente. Notre question porte aussi sur l’habilitation de ces personnes à être en contact avec de jeunes publics. Pour ceux qui encadrent les plus jeunes enfants, exigez-vous des prérequis en matière de formation ? Portez-vous une attention particulière au fait que ces personnes encadrent des jeunes enfants ?

Mme Anne-Sophie Lépinay. Bien sûr, la personne en charge de l’encadrement des enfants est titulaire du Bafa (brevet d’aptitude aux fonctions d’animateur) et passe régulièrement les tests requis pour assurer la sécurité des enfants.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Nous vous interrogeons à ce sujet car on nous a alertés sur la façon dont se déroulent les cours et les tournées. Il nous a ainsi été rapporté que les enfants sont parfois mis en concurrence à l’occasion d’auditions. La compétition, si elle peut être saine, doit être encadrée lorsqu’il s’agit d’enfants ; elle doit s’accompagner d’explications claires. On nous a également dit qu’il pouvait y avoir des changements de pupitres entre les enfants au cours d’une même journée, sans explication.

On nous parle aussi de « souffrance », « d’engrenage », et même, pour reprendre un terme que vous avez évoqué tout à l’heure, monsieur Haas, de dérive « sectaire ». Je rappelle que vous accueillez plus de 600 enfants. Nous sommes donc fondés, légitimement, à nous poser des questions, d’autant plus que votre questionnaire n’aborde pas ces sujets. Peut-être Mme Lépinay, qui est plus au fait de la vie quotidienne de l’école, peut-elle nous répondre.

Mme Anne-Sophie Lépinay. Me laissez-vous une dizaine de minutes pour que je vous explique ce qu’est la maîtrise, ce que j’y fais et depuis combien de temps j’y œuvre ?

M. Erwan Balanant, rapporteur. Le sujet qui nous concerne est avant tout celui des enfants.

Mme Anne-Sophie Lépinay. Je veux bien sûr vous parler des enfants, pas de ma vie personnelle. Je suis directrice administrative et financière de cette association. Je tiens à préciser que les sujets mentionnés dans la convocation que vous m’avez adressée sont exclus de mon champ de responsabilité, à savoir la façon dont la Maîtrise des Hauts-de-Seine prévient les violences morales, sexistes et sexuelles. Ces questions sont statutairement de la compétence du conseil d’administration de la maîtrise, et ce, depuis toujours.

Néanmoins, ces sujets ont toujours été au cœur de mes préoccupations et de celles des présidents et des équipes dirigeantes qui se sont succédé à la tête de la maîtrise. Dès mon arrivée, en 2001, en tant que directrice administrative, j’ai veillé à ce que l’ensemble des réglementations concernant l’emploi des enfants de la Maîtrise des Hauts-de-Seine dans des spectacles soient appliquées. Lorsqu’un enfant participe à un spectacle dans un cadre lucratif, il est soumis au droit du travail. Pour obtenir l’autorisation d’employer des maîtrisiens lors de spectacles, la Maîtrise des Hauts-de-Seine dépose, pour chaque spectacle et chaque enfant, un dossier auprès de la commission des enfants du spectacle. Cette dernière rassemble des représentants de la Drieets (direction régionale interdépartementale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités), de la justice, de l’éducation nationale et…

M. Erwan Balanant, rapporteur. Attendez…

Mme Anne-Sophie Lépinay. J’irai jusqu’au bout, monsieur.

Mme Sarah Legrain, présidente. Excusez-moi, madame Lépinay, mais vous êtes auditionnée par une commission d’enquête, qui obéit à des règles de fonctionnement. Il nous appartient, avec M. le rapporteur, de vous poser des questions. Nous comprenons que vous souhaitiez nous expliquer certaines choses, mais nous connaissons la composition et le fonctionnement de la commission des enfants du spectacle. Si vous pensez qu’il nous manque des informations, vous pouvez parfaitement nous envoyer des documents écrits pour nous éclairer. Ce dont nous avons besoin, c’est de vos réponses sur le fonctionnement de la maîtrise. Vous nous expliquez avoir pris des mesures pour assurer une bonne application du droit du travail : le rapporteur pourra éventuellement vous demander des précisions à ce sujet. Nous souhaiterions connaître les dispositifs mis en œuvre au sein de la maîtrise pour garantir le respect de l’ensemble des droits des enfants. Cela inclut l’attention portée à leur santé, y compris à leur santé mentale, sujet sur lequel nous n’avons pas encore eu de réponse. Pouvez-vous préciser les mesures que vous avez prises, que ce soit à votre arrivée ou par la suite ?

M. Erwan Balanant, rapporteur. Pour compléter ce qui vient d’être dit, je précise que nous connaissons parfaitement le cadre légal ; si parfois nous reposons la question à des personnes auditionnées, c’est pour nous assurer qu’elles appliquent la loi. En revanche, je voudrais en savoir plus sur la vie à l’intérieur de l’école, au sujet de laquelle nous avons des interrogations. Lorsqu’un enfant y est en souffrance, y a-t-il une cellule d’écoute ou un psychologue pour le prendre en charge ? Quelles mesures sont prévues lorsque des enfants souffrent de mal-être, lorsqu’ils crient ou qu’ils se mettent dans un coin et ne parlent plus, comme cela nous a été rapporté ?

Mme Anne-Sophie Lépinay. J’entends vos interrogations mais ce que vous décrivez, je ne le vois pas – je travaille pourtant à la maîtrise depuis 2001. Certes, un enfant autiste peut faire une crise et se mettre à crier, mais cela peut être lié à une pathologie. Cela n’arrive pas, que des enfants connaissent ce mal-être. Vous dites « on me dit » : vous semblez détenir des informations dont je ne dispose pas, comme c’est le cas concernant les plaintes déposées ou les plaignantes.

Mme Sarah Legrain, présidente. Vous nous affirmez donc que vous n’avez jamais vu ou repéré d’enfant en situation de mal-être au sein de la maîtrise, sauf peut-être les enfants autistes ? Vous ne prévoyez pas que cela puisse se produire ? Pourtant, vous avez dit tout à l’heure, monsieur Haas, que vous avez entendu avec beaucoup d’émotion les témoignages, notamment ceux de l’association Chœurs brisés agir ; vous avez affirmé que vous vous êtes senti concerné par ce qui s’est produit ailleurs, par la violence qui traverse la société et par la vulnérabilité des enfants, qui est une évidence pour tout le monde. Vous avez également reconnu l’importance des travaux de notre commission d’enquête. Par conséquent, quelles mesures avez-vous prévues, à titre de précaution, pour le cas où un enfant vivrait difficilement certaines situations ? Cela concerne, par exemple – nous n’avons pas eu de réponse sur ce point – les processus de sélection et de désélection, ainsi que la pression à laquelle sont soumis les enfants.

Vous avez insisté sur la présence d’enfants autistes dans votre établissement, ce qui suscite des interrogations. Dans le cadre de l’éducation nationale, on essaie de faire en sorte que des personnels accompagnent ces enfants. Avez-vous prévu, les concernant, un accompagnement spécifique ? Lorsqu’un enfant crie, par exemple, qui le prend en charge, grâce à quelle formation ?

Mme Anne-Sophie Lépinay. Pour finir sur le salariat des enfants, le code du travail ne soumet pas toutes les maîtrises aux mêmes règles de déclaration des enfants. De manière générale, chaque maîtrise a sa spécificité ; celle des Hauts-de-Seine est une maîtrise lyrique, ce qui implique une très faible sélection. Cela s’explique par le fait que, sur les 450 opéras les plus connus, 18 seulement nécessitent des enfants solistes. Plus précisément, sur les 200 opéras figurant au répertoire de l’Opéra national de Paris – une vingtaine d’entre eux sont donnés chaque année –, seule une petite dizaine d’œuvres nécessitent des enfants solistes. Enfin, sur cette dizaine, il est possible que seules deux voix d’enfant, par exemple, aient été écrites pour des filles. Autrement dit, il n’y a pas de sélection, parce qu’il n’y a pas assez de rôles solistes à proposer aux enfants. Chez nous, les enfants sont répartis par chœur et chaque chœur conduit son projet. Par exemple, tous les enfants composant le chœur des apprentis feront le spectacle – pour peu que leurs parents l’acceptent –, donc sans sélection. Ce fonctionnement est identique pour les douze chœurs.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Vous ne nous avez pas répondu sur l’accompagnement. Vous dites que tous les enfants ne font pas de spectacles…

Mme Anne-Sophie Lépinay. Si, tous les enfants font des spectacles !

M. Erwan Balanant, rapporteur. D’accord, mais tous ne font pas des spectacles rémunérés et, donc, ne passent pas par la médecine du travail et par la Drieets. Nous nous demandons donc comment le suivi psychologique de ces enfants est assuré, puisque le chant est visiblement un monde de compétition où les enfants ont envie de briller. Avez-vous prévu un accompagnement spécifique, en particulier des enfants qui ont des troubles autistiques ?

Mme Anne-Sophie Lépinay. Chaque année, près de 75 % des maîtrisiens sont salariés et sont donc, au minimum, suivis une fois par an par un médecin du travail.

S’agissant de la compétition, je vous le redis, tous les enfants font un spectacle. Il n’existe donc pas de compétition. Ils sont tous sur scène, une fois dans l’année.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Justement, être sur scène n’est pas anodin, en particulier dans un endroit comme celui qui vous héberge. Au sein de votre structure, les parents ne peuvent pas être aux côtés des tout-petits, qui ont pourtant besoin d’être encouragés, choyés, protégés. Comment les accompagnez-vous, surtout s’il s’agit d’enfants autistes ? Disposez-vous d’une équipe pédagogique dédiée, d’un encadrement médical capable d’assurer le suivi de ces enfants ? Certaines crises peuvent être très graves : comment les gérez-vous ?

Mme Anne-Sophie Lépinay. Les spectacles des enfants les plus jeunes sont donnés dans des crèches, pour des enfants un peu plus jeunes qu’eux. Ils durent quinze minutes, pour ne fatiguer ni les chanteurs ni leurs très jeunes auditeurs. Nous avons choisi ces endroits précisément parce que les jeunes maîtrisiens peuvent s’y produire dans un cadre sécurisé. On ne fait évidemment pas faire à des enfants de 5 ans ce que l’on fait faire à des chanteurs de 16 ou 20 ans. Chez nous, tout est imaginé en fonction de l’enfant et des capacités de chacun. Nous portons une attention constante, quotidiennement, aux enfants. Nous sommes toujours disponibles et à leur écoute. En outre, nous ne travaillons pas avec de grands groupes. Concernant les apprentis, il y a six chanteurs chez les filles et huit chez les garçons, qui sont encadrés par deux ou trois adultes.

S’agissant de l’autisme, je rappelle que les enfants viennent à la maîtrise une heure quinze ou deux heures, pour les plus âgés, deux fois par semaine. Ils ne passent pas chez nous de longues heures, au cours desquelles il faudrait prendre en charge leur handicap, comme c’est le cas à l’école. Même à l’école, dans les classes ULIS (unité localisée pour l’inclusion scolaire), les enfants sont, à certains moments, répartis en petits groupes et, le reste du temps, placés avec tous leurs camarades. Nous sommes attentifs et nous avons des personnels et des équipements adaptés. Nous disposons d’une salle Snoezelen, dans laquelle nous pouvons travailler avec les enfants lorsqu’ils se sentent moins bien. Nous sommes en contact avec les parents : si un enfant vient de faire une crise chez lui, les parents sont suffisamment responsables pour ne pas nous le confier ce jour-là.

Vous nous parlez beaucoup de formation et de professeurs mais, chez nous, les enfants viennent pour répéter, c’est-à-dire pour chanter ensemble, pour partager un moment.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Dans un club de sport, par exemple, il y a des règles, des prérequis, même si les enfants y viennent une ou deux heures, deux fois par semaine. Lorsqu’on accueille des enfants, on ne peut pas simplement se dire que tout va bien se passer. Les enfants ont besoin d’être encadrés et protégés ; les accueillir requiert des règles très particulières.

Madame Lépinay, vous nous avez dit, tout à l’heure, que la santé et les violences sexistes et sexuelles ne faisaient pas partie de votre domaine de compétence. Pourtant, il apparaît que vous êtes la référente VSS de la structure, selon les informations qui nous ont été remontées. Il y a beaucoup de remontées, que ce soit par e-mail, dans le cadre de témoignages ou par voie de presse qui nous interrogent. Pour revenir à ce rôle de référente VSS, il semblerait donc que ce soit vous qui puissiez avoir connaissance des témoignages, lesquels vous sont remontés par une application de votre structure. J’aimerais avoir des explications à ce sujet.

M. Michel Haas. Je ne sais pas qui vous remonte ces informations, mais elles sont fausses, comme beaucoup d’autres. Peut-être aurez-vous l’occasion de venir à la Maîtrise des Hauts-de-Seine pour vous rendre compte de la réalité, à savoir que nous n’avons pas, actuellement, de référent VSS. Je rappelle que notre association ne compte que neuf salariés ; peut-être faudra-t-il imaginer des dispositifs particuliers pour les petites structures comme la nôtre.

Pour ce qui est du signalement des violences sexistes et sexuelles et de tout autre comportement inapproprié, nous avions jusqu’à présent une fiche de signalement intégrée au règlement intérieur, au sujet de laquelle nous avions fait une communication. Cette fiche remonte ensuite au conseil d’administration. Au vu des événements de cet été, il m’a semblé que c’était insuffisant. Le plan d’action que nous avons mené a conduit à mettre à la disposition des mineurs et des adultes accueillis à la maîtrise des lignes d’écoute. Ce dispositif d’urgence est appliqué depuis cet été. Je serai très attentif aux recommandations que vous pourriez faire pour l’améliorer.

Mme Sarah Legrain, présidente. Qui répond aux appels sur cette ligne d’écoute ?

M. Michel Haas. Il s’agit des numéros prévus par les autorités, en particulier le 119 pour les enfants et Audiens pour les adultes. Quant à la fiche de signalement, c’est moi qui la prends en charge.

Mme Sarah Legrain, présidente. Vous avez donc transmis aux parents les numéros existants ?

M. Michel Haas. Nous les avons transmis et affichés dans nos locaux depuis l’été.

Mme Sarah Legrain, présidente. Comment les parents peuvent-ils entrer en contact avec vous ? Ont-ils la possibilité d’appeler directement la maîtrise ? Pourriez-vous nous apporter des précisions sur l’application à laquelle il a été fait allusion ? Les parents ont-ils créé une association ou se sont-ils organisés collectivement ?

M. Michel Haas. La communication avec les parents se fait tout au long de l’année, selon plusieurs modalités. Une réunion est organisée chaque année, à la rentrée, qui permet de rencontrer les parents collectivement et de leur présenter le programme et les règles de fonctionnement. Des lettres d’information sur l’activité de la maîtrise sont aussi régulièrement diffusées au cours de l’année. En outre, les parents peuvent prendre rendez-vous avec un membre de la direction – 100 à 150 rencontres sont organisées chaque année –, ce qui est l’occasion d’évoquer des problèmes de planning, des difficultés en matière de motivation ou sur le plan vocal, ou tout autre sujet. Nous disposons également d’une messagerie, qui est aussi une plateforme, qui permet de communiquer facilement, de transmettre des documents, notamment lorsqu’il faut salarier des enfants.

S’agissant de l’organisation des parents, j’ai appris, il y a quelques semaines, qu’une association avait été créée. Nous en avons rencontré les représentants, avons entamé le dialogue et prévu de collaborer.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Jusqu’à présent, il n’y avait ni délégué des parents ni délégué des enfants ?

M. Michel Haas. Non, il n’y avait pas de dispositif de ce type.

M. Erwan Balanant, rapporteur. C’est une bonne façon, justement, d’avoir des remontées, de faire de la veille, de connaître le sentiment des parents, lesquels peuvent, en outre, exercer ainsi un certain contrôle sur l’activité de leurs enfants. Vous interdisez assez drastiquement l’accès des parents à la maîtrise pendant les cours alors que, dans la plupart des associations et clubs sportifs ou culturels, les parents peuvent assister aux cours des enfants quand ils le demandent. Personnellement, si je confie mon enfant à une structure, j’estime que j’ai le droit de voir ce qui s’y passe, sans être présent en permanence, mais de temps en temps.

Vous avez communiqué aux parents, légitimement troublés, un document qui fournit des explications sur certaines de vos pratiques. C’est le cas, par exemple, de l’interdiction des téléphones portables. Je la comprends pendant les cours, voire dans l’enceinte de l’école. En revanche, il me paraît moins compréhensible que les téléphones soient interdits lors des tournées, auxquelles participent de jeunes enfants éloignés de leurs parents. Vous précisez que, pendant ces tournées, « une communication venant des enfants est transmise aux parents ». Si je comprends bien, un parent ne peut donc pas, spontanément, contacter son enfant. Cela me semble compliqué. Vous expliquez également ce que sont les « dîners silence », qui, en amont d’un événement, visent à créer un temps de calme et d’introspection. Ils sont certes rares – huit repas de ce type ont eu lieu en trente ans – mais il me paraît étonnant de demander à des enfants de dîner en silence ; je trouve cette pratique assez traumatisante pour de petits enfants. Il s’agit bien d’un document que vous avez cosigné ?

M. Michel Haas. Absolument. Je suis bénévole et je considère ces événements avec beaucoup d’humilité, dans un état d’esprit très positif. Néanmoins, mon expérience me montre que l’on est capable d’affirmer des choses très générales à partir d’un élément isolé. J’ai été parent d’élève : il me semble que les téléphones portables sont interdits à l’école ; lors d’un voyage de classe, on fait signer aux parents une attestation certifiant que leur enfant n’emporte pas de téléphone. Je n’ai pas le sentiment qu’à la Maîtrise des Hauts-de-Seine, on ait une approche différente de celle du reste de la société, alors qu’une réflexion est en cours sur l’interdiction des téléphones portables dans les écoles et les collèges. Mais on peut en discuter.

Même chose pour la messagerie : quand mes enfants partent en voyage scolaire, on reçoit des messages régulièrement, qui nous donnent des nouvelles des enfants. Nous avons le même dispositif à la Maîtrise des Hauts-de-Seine. On peut toutefois l’améliorer et je suis prêt à entendre toutes les recommandations. Nous nous adapterons, en même temps que les écoles.

S’agissant des dîners en silence, je peux vous citer un exemple vécu par mon fils. En juillet 2018, lors d’une tournée en Arménie, un concert était organisé le lendemain de la finale de la Coupe du monde de football. Pour permettre aux enfants fans de foot de regarder le match, le 14 juillet, à l’ambassade de France, mais aussi pour qu’ils conservent leur voix pour le concert du lendemain, consigne a effectivement été donnée de garder le silence. Il faut être précis sur les raisons pour lesquelles nous sommes amenés, exceptionnellement, à fixer une telle règle. Il y a toujours une bonne raison à cela.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Lors de voyages scolaires, des professionnels de l’enfance – professeurs, conseiller principal d’éducation, surveillants – encadrent les enfants. Ce sont des spécialistes qui passent leur vie avec des enfants et qui sont formés pour cela. Cela fait tout de même une petite différence. On a d’ailleurs vu, dans d’autres milieux, qu’il était nécessaire d’encadrer les enfants lors des voyages : je pense aux clubs de sport, où de graves dysfonctionnements ont été mis au jour, notamment lors d’une commission d’enquête. Les faits qui sont reprochés à votre directeur se sont visiblement déroulés lors de tournées. C’est pourquoi nous nous posons la question. Il n’est pas anodin que des enfants ne puissent pas contacter leurs parents alors qu’ils en sont très éloignés géographiquement, à plus forte raison s’ils ne sont pas entourés par des référents adultes en qui ils peuvent avoir une confiance absolue – tels que des professeurs qu’ils côtoient toute l’année, pendant de longues heures. C’est pour cela que nous vous interrogeons afin, éventuellement, de vous inciter à améliorer les choses.

Je sais que ce n’est pas simple pour vous, mais nous ne pouvons pas vous révéler nos sources. J’ai été abasourdi par le nombre de témoignages que nous avons reçus – ce qui, dans un sens, n’est pas illogique, puisque votre institution compte beaucoup d’élèves, actuels et anciens, et de parents d’élèves. On nous dit que la maîtrise a un côté carcéral, que M. Darchen a créé une bulle pour empêcher la présence des parents. Selon un de ces témoignages, repris par Radio France, « vous n’avez pas intérêt à mettre un doigt dans l’engrenage, sinon on vous coupe en deux ! ». Quelle est votre réaction face à ce propos, qui évoque – ce qui m’inquiète – des comportements s’apparentant peu ou prou à des dérives sectaires ? Cela laisse en effet à penser qu’une personne contestant les choix effectués pourrait être menacée. Vous êtes d’ailleurs, l’un et l’autre, madame Lépinay, monsieur Haas – quoique d’une manière différente – sur la défensive lorsque l’on évoque certains points – ce que je peux comprendre, car ce n’est agréable ni pour vous, ni pour nous.

M. Michel Haas. Ce qui n’est pas agréable, monsieur le rapporteur, c’est d’être confronté à des affirmations mensongères. Vous avez certainement des informations dont je ne dispose pas, notamment concernant les plaintes et les circonstances qui les ont suscitées. Je ne peux donc pas m’exprimer à leur sujet.

Pour revenir aux tournées, je rappelle qu’elles sont toutes accompagnées par un médecin. Cela a toujours été le cas et cela nous permet, d’une part, de partir avec des enfants atteints de pathologies lourdes et, d’autre part, de pouvoir assurer un suivi médical et psychologique tout au long des voyages.

Quant aux accusations relatives à notre fonctionnement, elles ont, précisément, motivé l’audit que j’ai lancé cet été. Il s’agit de dresser un constat, de formaliser un diagnostic. Il m’est très difficile de répondre à des affirmations aussi radicales que celle que vous venez de citer sans disposer de ces éléments.

L’activité de la maîtrise est avant tout extrascolaire, les enfants passant un temps relativement réduit – entre une heure trente et trois heures par semaine – au sein de notre structure. En outre, notre activité est chorale : pour l’essentiel, nous nous produisons dans les crèches, les hôpitaux, les Ehpad, les églises et les théâtres, principalement dans les Hauts-de-Seine. Les enfants y chantent en chœur. Il n’y a donc pas de sélection : tous participent aux spectacles, tout au long de l’année. J’ai par conséquent du mal à comprendre ces accusations d’emprise, qui reposerait sur un système de sélection.

M. Erwan Balanant, rapporteur. S’agissant des tournées, me confirmez-vous que les adultes sont, eux aussi, interdits de téléphone portable ?

M. Michel Haas. Non, mais nous demandons aux maîtrisiens adultes de respecter cette règle devant leurs jeunes camarades. C’est un principe éducatif.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Vous demandez à des personnes majeures de ne pas avoir leur portable lorsqu’elles partent en tournée ?

M. Michel Haas. Non, ce n’est pas le cas. Les adultes peuvent emporter leur téléphone portable, mais nous leur demandons de ne pas l’utiliser devant les plus jeunes, à qui nous l’interdisons.

Mme Sarah Legrain, présidente. Je souhaiterais évoquer la question du contrôle de l’honorabilité des personnes qui encadrent des enfants, qui a notamment été abordée lors de la commission d’enquête sur le sport. Avez-vous mis en place un tel dispositif de contrôle ou pensez-vous le faire ?

L’audit que vous avez lancé est toujours en cours et je ne doute pas que vous nous communiquerez les décisions que vous prendrez à son issue ; néanmoins, nous n’avons pas entendu beaucoup de pistes d’amélioration. Certes, vous affirmez que les mises en cause fortes dont il a été fait état sont fausses, mais quelles procédures pensez-vous instituer pour rétablir la confiance, notamment en matière de signalement ? À cet égard, je ne suis pas sûre de bien comprendre votre processus interne. Vous avez mis à disposition les numéros des lignes d’écoute existantes et créé une fiche de signalement, mais envisagez-vous d’autres mesures, telles que, par exemple, l’installation de boîtes aux lettres papillons, qui permettent de recueillir des témoignages anonymes et de lancer une enquête ? Avez-vous prévu un dispositif permettant de conduire une enquête en cas de signalement ?

M. Darchen a été mis en retrait après cinq plaintes pour harcèlement moral et sexuel et agressions sexuelles. Vingt-cinq témoignages ont été portés contre lui. Nous n’aborderons pas le volet judiciaire de cette affaire, mais, à la suite de cela, quelles actions avez-vous conduites au sein de la maîtrise ? Avez-vous, par exemple, lancé un appel à témoignages ? Allez-vous mener une enquête interne qui permettrait de déterminer si, indépendamment de ces plaintes, il existe des besoins, si une parole doit s’exprimer ? Certains organismes prennent ce type d’initiatives à la suite de signalements.

Dernière question, qui n’est pas simple à poser : avez-vous réfléchi à la notion de conflit d’intérêts potentiel dans cette affaire ? La décision a été prise de mettre M. Darchen en retrait mais, madame Lépinay, qu’en est-il de votre relation personnelle avec lui puisque, sauf erreur de ma part, vous êtes son épouse ? J’ai bien conscience de la difficulté qu’il y a à vous poser cette question ; jamais vous ne me verrez faire reposer sur une femme les accusations qui pèsent sur un homme. Cependant, comment pouvez-vous gérer ce qui peut apparaître comme un conflit d’intérêts, notamment si des signalements devaient passer par vous ? S’il est trop compliqué pour vous de répondre à cette question, vous pouvez l’élargir à celle du conflit d’intérêts en général.

Mme Anne-Sophie Lépinay. Je trouve cette remarque un peu archaïque, qui me relègue au rôle de « femme de ». Je pense que, même si on est l’épouse de quelqu’un, on garde malgré tout, et fort heureusement, son indépendance intellectuelle.

C’est, depuis toujours, le conseil d’administration et, désormais, Michel Haas qui reçoit, directement sur son adresse e-mail personnelle, les signalements. Je n’en ai jamais été destinataire car, à la place que j’occupais, je ne pouvais pas être la personne qui met en confiance celui ou celle qui souhaite faire un signalement.

Mme Sarah Legrain, présidente. C’était le sens de mon interrogation ; en aucun cas, je n’ai eu l’intention de vous limiter à votre statut d’épouse. Le sujet des conflits d’intérêts se pose souvent. Par exemple, sur un tournage, il est difficile de faire un signalement lorsque le référent VSS est un proche de la personne en cause – qu’il entretienne ou non une relation conjugale avec elle. Je me devais de poser cette question, je pense que vous pouvez le comprendre. Et nous avons entendu votre réponse.

Mme Anne-Sophie Lépinay. C’est pour cette raison que, chez nous, comme je l’ai évoqué tout à l’heure à propos des répétitions, les enfants peuvent s’exprimer et se confier auprès d’une personne chargée de l’encadrement, qui n’est pas leur intervenant musical. Ainsi, si quelque chose ne se passe pas bien, l’enfant peut s’en ouvrir auprès d’un adulte, sans en référer à son chef de chœur ou à la personne qui accompagne la répétition. Nous essayons, au sein de la maîtrise, de scinder au mieux les fonctions musicales et d’encadrement.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Il y a, malgré tout, un lien de subordination avec l’administration. C’est la raison pour laquelle je vous demande, depuis le début, si vous avez des référents ou des suivis médicaux ou psychologiques. Nous avons pris note qu’un médecin participait à chaque tournée, ce qui est plutôt positif. Encore faut-il savoir qui est ce médecin.

M. Michel Haas. Il s’agit d’un médecin bénévole.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Pourquoi n’avez-vous pas déjà lancé une enquête interne ? Avez-vous décidé de le faire et, le cas échéant, à quelle date ? Avez-vous reçu de premiers éléments de réponse à la suite de l’audit, et cela vous a-t-il alertés ? Il est à craindre que, compte tenu des questions posées, qui font l’impasse sur les violences, la parole ait du mal à se libérer. Si vous avez reçu de premières réponses, en avez-vous déjà discuté avec votre tutelle, le département des Hauts-de-Seine ?

M. Michel Haas. Nous n’avons pas de tutelle ; le département des Hauts-de-Seine est seulement notre financeur. L’audit est en cours ; le document que vous avez entre les mains en est la première étape. C’est un questionnaire imaginé pour faire remonter des thématiques et identifier des pistes d’amélioration. Il s’agit donc d’une étape très en amont du processus.

Nous avons eu des échanges avec le département des Hauts-de-Seine, mais aussi avec l’Opéra de Paris sur les questions que ces deux grands partenaires de la maîtrise voulaient voir abordées dans cet audit, que ce soit le fonctionnement, l’organisation, les relations avec les parents ou encore les dispositifs de prévention et de sécurisation des maîtrisiens. En quelques mois, nous avons déjà fait évoluer notre dispositif : nous avions une fiche de signalement classique et certainement insuffisante ; nous disposons maintenant de lignes d’écoute externes et confidentielles, qui ne reviennent pas vers nous en cas de signalement.

Concernant l’enquête interne, j’ai conduit moi-même un certain nombre d’investigations tout au long de l’été ; j’ai rencontré l’ensemble des salariés ainsi que plus d’une centaine de parents, afin de recueillir des éléments et des témoignages qui seront mis à la disposition des services d’enquête lorsqu’ils souhaiteront m’entendre.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Nous vous demandons également de nous transmettre tous ces éléments, puisque vous êtes largement subventionné par le département, et en lien avec l’Opéra.

Avant de conclure, je reviens rapidement sur le médecin que nous avons évoqué tout à l’heure : quel est son lien avec la maîtrise ?

M. Michel Haas. C’est un médecin bénévole qui a été parent d’élève.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Merci. Nous nous réservons le droit de vous entendre à nouveau pour compléter ces questions.

Mme Sarah Legrain, présidente. Nous vous remercions pour votre présence parmi nous aujourd’hui.

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La commission auditionne ensuite des directrices et directeurs de conservatoires :

 Mme Aude Portalier, directrice du Conservatoire Pierre Barbizet de Marseille ;

 Mme Émilie Delorme, directrice du Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris ;

 M. Mathieu Ferey, directeur du Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Lyon ;

 M. Alexandre Jung, directeur du Conservatoire & Académie supérieure de Musique de Strasbourg.

Mme Sarah Legrain, présidente. Mes chers collègues, nous recevons les représentants de conservatoires nationaux et régionaux : Mme Aude Portalier, directrice du conservatoire Pierre Barbizet de Marseille ; Mme Émilie Delorme, directrice du Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris ; M. Mathieu Ferey, directeur du Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Lyon ; et M. Alexandre Jung, directeur du conservatoire à rayonnement régional de Strasbourg.

Notre commission d’enquête cherche à faire la lumière sur les violences commises contre les mineurs et les majeurs dans les secteurs du cinéma, de l’audiovisuel et du spectacle vivant notamment. Les conservatoires représentent à notre sens des lieux à haut risque, parce qu’ils accueillent des jeunes voulant faire de leur passion un métier et parce que des figures d’autorité peuvent, en leur sein, décider de leur carrière future. Je crois savoir que certains d’entre vous ont eu à faire face à des situations très délicates. De façon plus générale, nous souhaitons vous entendre sur la façon dont vous prévenez les violences et le harcèlement au sein de vos établissements.

Je rappelle que cette audition est ouverte à la presse et retransmise en direct sur le site de l’Assemblée nationale.

L’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes entendues par une commission d’enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

(Mme Aude Portalier, Mme Émilie Delorme, M. Mathieu Ferey et M. Alexandre Jung prêtent successivement serment.)

Mme Émilie Delorme, directrice du Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris. Nous arrivons tous quatre devant vous pleins d’espoir. Pour ma part, j’avais déjà été auditionnée par la commission d’enquête sur le même sujet lors de la précédente législature.

Je me permettrai de dire un mot de la structuration de l’enseignement de la musique et de la danse pour contextualiser nos prises de parole. La France a la chance d’avoir un très riche réseau d’enseignement initial, constitué de conservatoires à rayonnement régional, départemental, intercommunal ou municipal, ainsi que d’écoles de musique et d’enseignement privé.

Du côté de l’enseignement supérieur, nous avons deux conservatoires nationaux supérieurs de musique et de danse (CNSMD), respectivement dirigés par Mathieu Ferey et par moi-même, et une dizaine de pôles d’enseignement supérieur dans les régions de France. Tous forment les étudiants de premier cycle. L’enseignement supérieur, s’agissant de la musique, s’inscrit dans cet écosystème ; les établissements privés y sont rares et aucun ne délivre de diplômes nationaux. Du côté de la danse, plusieurs structures privées délivrent le diplôme d’État de premier cycle.

Notre secteur connaît des spécificités en matière de violences.

Premièrement, en raison de la forte concentration des structures d’enseignement, un enseignant peut exercer dans l’enseignement initial et dans l’enseignement supérieur. Il arrive donc qu’un même enseignant accompagne un étudiant de son plus jeune âge au Conservatoire supérieur, et soit de surcroît placé en situation d’employeur lorsqu’il dirige des ensembles ou des festivals. Cette situation est propice à l’exercice d’une influence, voire d’une emprise, tout au long d’une carrière artistique.

Deuxièmement, le travail artistique engage des émotions et, souvent, un travail sur l’intime ainsi qu’un rapport au corps parfois complexe.

Troisièmement, l’engagement d’un élève est aussi celui de toute sa famille, souvent prête à tous les sacrifices. Nous voyons régulièrement des familles déménager pour suivre un élève dans un conservatoire, s’endetter pour acheter un instrument ou l’accompagner pendant les week-ends ou les vacances. Qu’une seule parole de l’élève soit susceptible de faire voler en éclats l’effort de toute sa famille constitue une pression supplémentaire.

Quatrièmement, le système de l’intermittence place les artistes sous la dépendance de leurs employeurs, notamment dans les ensembles spécialisés et les compagnies de danse.

Cinquièmement, dans certaines disciplines ou certains départements, la mixité est quasi inexistante, ce qui favorise les violences.

Les deux conservatoires supérieurs nationaux sont des établissements publics administratifs employant environ 450 enseignants et 200 agents administratifs pour environ 1 400 étudiants, dont une centaine de mineurs hébergés pour la moitié d’entre eux en internat sous notre responsabilité.

J’ai pris mes fonctions début 2020. À l’été 2020, le ministère de la culture a publié un premier rapport sur les violences sexistes et sexuelles (VSS) dans l’enseignement supérieur culturel. Les chiffres m’ont été communiqués au mois de juillet ; je les ai vécus comme un choc. Dès la rentrée, nous avons mis en œuvre un plan de formation. Depuis lors, nous formons tous nos nouveaux étudiants, agents et enseignants, ces deux dernières catégories bénéficiant au surplus d’une journée d’accueil incluant, en sus de la formation, un temps d’échange plus consistant.

Nous avons mis en œuvre des formations spécifiques pour toute personne susceptible de recueillir la parole des étudiants, au premier rang desquels les chargés de scolarité, les chargés de production et les responsables des affaires scolaires. Nous avons créé une procédure de signalement traitée par une cellule de huit personnes formées aux enquêtes. En 2023, elle a traité quinze cas et mené la plupart des enquêtes afférentes, sauf celles dont l’ampleur exigeait qu’elles soient menées par des cabinets d’avocats spécialisés. Cinq ont donné lieu à des signalements sur le fondement de l’article 40 du code de procédure pénale. Les auteurs des faits étaient parfois des agents, majoritairement des enseignants et des étudiants.

Concernant les mesures conservatoires, nous prenons des mesures de suspension dont la loi limite la durée à quatre mois. Ce délai ne nous permet pas de faire notre travail correctement, compte tenu notamment des congés scolaires. J’insiste sur ce point : quatre mois, ce n’est pas assez pour informer de l’ouverture d’une enquête, constituer une cellule, lancer des invitations, auditionner tout le monde – on sait que la parole est lente à se libérer – et, si besoin, réunir une commission consultative paritaire (CCP) en formation disciplinaire. On se retrouve donc à réintégrer les individus quatre mois après leur exclusion sans que l’affaire ait été traitée dans son entier.

Les mesures de suspension, pour les enseignants et les agents, ne sont pas des mesures disciplinaires et n’interrompent pas le versement du salaire : ils sont juste dispensés de venir. Nous les appliquons aussi aux étudiants, mais c’est plus compliqué car toute leur année d’études est alors remise en question. Dans le cadre de notre commission de discipline, nous avons procédé à deux exclusions d’étudiants, un licenciement d’enseignant et deux exclusions temporaires.

Une autre difficulté est de savoir comment réintégrer quelqu’un dans un collectif à l’issue d’une sanction ou d’une procédure pénale qui a abouti à un non-lieu – ce qui n’empêche pas la présomption de culpabilité. Comment annoncer aux parents d’un enfant mineur qu’un enseignant exclu à titre temporaire pendant trois mois est sur le point de revenir et que tout se passera bien ?

Nous ne sommes pas outillés, en matière de formation, pour réintégrer les personnes ayant fait l’objet d’une enquête. Nous expérimentons des choses, mais cela ne suffit pas. Nous avons fait un gros travail du côté des victimes ; nous avons un gros travail à faire pour que certains ne se transforment pas en agresseurs et pour les réintégrations.

Nous sommes confrontés à une autre difficulté, en cas de signalement de faits relevant de l’agression sexuelle ou du viol : la combinaison entre une procédure administrative et une enquête pénale. Nous n’avons pas les moyens de la police et ne pouvons parvenir à une qualification pénale des faits. Nous devons mener une enquête permettant de qualifier des faits commis par une personne ayant la qualité d’agent public pendant qu’une autre, pénale et bien plus longue, progresse. Il nous est très difficile, s’agissant de faits relevant d’une qualification pénale, de diligenter une enquête administrative aboutissant à des conclusions que nous puissions mettre en œuvre.

J’aimerais enfin soulever la question du délai de prescription. Nous ne pouvons engager aucune procédure disciplinaire au-delà de trois ans à compter du jour où l’administration a eu connaissance effective de la réalité. Or il est fréquent qu’un signalement révèle des faits antérieurs, des témoignages insuffisamment pris en considération et des procédures ajournées.

En conclusion, j’évoquerai les moyens nécessaires pour traiter les signalements qui nous parviennent. Nous consacrons actuellement un demi-équivalent temps plein à la conduite des enquêtes, sans compter les volets disciplinaires et judiciaires – les décisions d’exclusion et de licenciement étant presque toutes contestées devant les tribunaux. Des moyens plus importants, peut-être mutualisés, sont nécessaires. Il est très compliqué, même pour nous, qui sommes la plus grosse structure du secteur, de mener autant d’enquêtes internes, en dépit du fort engagement des agents. La dureté des témoignages est telle que nos capacités de recevoir et de traiter finissent par être saturées.

M. Mathieu Ferey, directeur du Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Lyon. Le CNSMD de Lyon a été créé en 1980. C’est le seul des trois conservatoires nationaux à être installé en région. Comme celui de Paris, il est chargé de dispenser un enseignement de haut niveau spécialisé dans les domaines de la musique et de la danse au titre de la formation initiale ou continue. Il délivre à ce titre des diplômes de premier, second et troisième cycle dans les domaines de l’interprétation, des métiers de la culture, de la pédagogie et de la création. Il compte environ 650 étudiantes et étudiants, dont 20 % à 25 % d’étrangers selon les années, environ 250 enseignants, à temps complet ou incomplet, et 75 personnes travaillant dans l’administration.

En préambule, j’aimerais rendre un hommage appuyé à ma collègue du CNSMD de Paris, Émilie Delorme, pour le courage et l’opiniâtreté dont elle a fait preuve en ouvrant l’action et la réflexion sur le sujet des VSS dans nos établissements, à l’occasion d’une affaire très médiatique. Elle a amplement contribué à briser des tabous et à révéler des agissements trop longtemps tolérés et subis, très majoritairement par des femmes mais aussi par des hommes.

Depuis 2019, date à laquelle la responsabilité du CNSMD de Lyon m’a été confiée, la situation a beaucoup évolué. Même si beaucoup reste à faire, la société et les institutions ont bougé. À Lyon, nous avons œuvré à la mise en place d’une cellule de signalement et élaboré des textes cadres, notamment une charte de la relation pédagogique elle-même liée à un collège de déontologie – j’ai transmis ces éléments à la commission d’enquête. Ces textes déterminent les comportements justes dans une relation qui peut nécessiter le contact physique et comprend une forte composante personnelle. La charte énonce notamment que nos étudiants et étudiantes sont à la fois vulnérables dans leur développement artistique et dans leur développement personnel.

Certains points d’attention sont apparus au fil des cas que nous avons eus à traiter.

En premier lieu, si une enquête administrative doit viser un enseignant, il apparaît plutôt inapproprié de la mener en interne, dans la mesure où nos équipes n’ont pas toutes les compétences juridiques requises et peuvent être considérées comme trop proches de la personne en cause, qu’elles connaissent ou côtoient au sein de l’établissement.

En second lieu, le temps de suspension de quatre mois, souvent indispensable pour assurer la protection des plaignants, est trop court pour mener l’enquête administrative et toute la procédure nécessaire à la sanction lourde qui s’impose dans les cas les plus graves. Le sujet a déjà été évoqué à plusieurs reprises, y compris devant vous par la mission interministérielle sur les VSS dans les relations de pouvoir ou d’autorité, mais j’y insiste car nous avons tous les quatre fait l’expérience de cette difficulté.

L’expérience nous enseigne aussi qu’il importe d’être bien accompagné juridiquement. Savoir caractériser une situation est loin d’être évident. Cela requiert un savoir-faire et une compétence particuliers, comme de choisir l’attitude à adopter en vue ou au cours d’une procédure judiciaire, ou de décider s’il faut ou non procéder à un signalement sur le fondement de l’article 40 du code de procédure pénale. Il faut encore penser à demander la publicité de la sanction auprès de la CCP, qu’elle devrait à mon sens systématiquement autoriser.

Assurément, chaque étape oubliée est difficile à rattraper par la suite. J’en parle en connaissance de cause : notre équipe a eu l’occasion de pâtir d’un conseil inadapté. Je puis dire combien il est rassurant d’être accompagné par un avocat en lequel nous avons toute confiance.

Tout cela a un coût, ce qui m’amène à la question des moyens. Car ces questions essentielles mais d’une prise en charge récente que sont le traitement et la prévention des violences et harcèlements sexistes et sexuels (VHSS) sont malheureusement traitées à moyens constants, dans un contexte budgétaire très tendu. C’est un véritable frein.

Même lorsque l’on a la chance de travailler, comme c’est le cas à Lyon, avec une collègue chargée de la lutte contre les VHSS et les discriminations compétente, attentive et motivée, le temps dont elle dispose est forcément limité – en l’occurrence, trop limité. Il en est de même des moyens accordés aux formations, qu’elles soient destinées aux personnels ou aux étudiantes et étudiants, parmi lesquels les cas de VHSS sont encore trop fréquents, et même majoritaires pour ceux que j’ai eus à traiter.

J’évoquerai encore dans cette présentation absolument non exhaustive la formation des personnels de direction. Il me semble notamment que toute personne à laquelle est confiée la direction d’un établissement d’enseignement artistique, supérieur ou initial, devrait être dans l’obligation de suivre, dans un délai de quelques mois au plus, une formation à la lutte contre les VHSS dans ses aspects les plus concrets. Cela lui permettrait de gagner beaucoup de temps.

Pour notre part, nous avons eu à faire, les unes et les autres, cette formation sur le tas, par le biais des cas que nous avons dû gérer. Être rassemblés tous les quatre pour évoquer ce sujet devant vous est révélateur de la nécessité de constituer des réseaux d’échanges, pour ne pas être seul à affronter des situations qu’il est de notre devoir et de notre responsabilité de prendre en charge, et qui sont de nature à nous atteindre intimement par leur gravité, leur trop grande présence dans la société et le poids de souffrance qu’elles emportent avec elles.

En conclusion, je citerai à nouveau notre charte de la relation pédagogique : les moments de fragilité et de vulnérabilité qui peuvent survenir lors d’une formation artistique doivent nous amener à organiser et à promouvoir collectivement un environnement d’apprentissage sûr et sain pour les étudiants et étudiantes.

M. Alexandre Jung, directeur du conservatoire à rayonnement régional et de l’Académie supérieure de musique de Strasbourg. Je m’associe pleinement aux propos de mes collègues. Leurs constats sont les miens.

Cela fait un peu plus d’un an que j’ai le plaisir d’être directeur du conservatoire à rayonnement régional de Strasbourg. Cet établissement d’enseignement initial de musique, de danse et de théâtre compte 1 800 élèves et 180 agents. Je suis aussi directeur de l’Académie supérieure de musique de Strasbourg, qui fait partie de la Haute école des arts du Rhin (HEAR). C’est un des pôles d’enseignement supérieur dont parlait Émilie Delorme, qui compte 180 étudiants, tous majeurs.

Si nous sommes tous les quatre devant vous aujourd’hui, c’est que nous avons eu des situations à traiter. Sur ce sujet, dans notre rôle, la formation est essentielle. J’ai été impressionné par le nombre d’appels que j’ai reçus de collègues directrices et directeurs, à la suite d’articles de presse, qui m’interrogeaient sur la manière de traiter la question.

Formateur de formateurs sans l’avoir voulu, j’ai accompagné des collègues et pris conscience de l’importance de partager les pratiques. Les pôles supérieurs sont membres de l’Association nationale d’établissements d’enseignement supérieur de la création artistique arts de la scène (Anescas), dont nous avons réactivé au mois d’août la commission chargée des VSS, qui avait déjà fait un gros travail, en vue d’assurer le partage des bonnes pratiques et aussi de faire évoluer notre vision des choses.

À Strasbourg, le discours est très clair et très ferme : la violence n’a pas sa place dans nos enseignements, initial comme supérieur. Nous n’en abordons pas moins le sujet avec beaucoup d’humilité. Nous avons encore beaucoup à apprendre. Nous sommes au début de quelque chose : les situations sont prises en compte ; la société évolue ; les paroles se libèrent.

Dans notre cas, les dispositifs instaurés ont permis de dénoncer des situations inappropriées et inadaptées, dont la plupart trouvent leur origine il y a cinq à vingt ans. Même sur ces situations anciennes, les cellules d’écoute et les consultations de psychologues que nous avons ouvertes ont permis d’avancer. Mais cette temporalité n’est pas facile à gérer. Nous ne pouvons qu’espérer que ce que nous mettons en œuvre dans nos établissements accélérera les choses. Le temps des victimes n’est pas toujours celui que nous aimerions leur consacrer.

La formation de nos enseignants est obligatoire depuis la dernière rentrée et a lieu dans le cadre d’un séminaire de rentrée. Nous sommes confrontés à trois éléments particuliers.

D’abord, mieux vaut parler d’un cycle de formation que d’une seule formation, laquelle relève plutôt de l’information. Il importe d’échanger sur les pratiques et de se mettre à jour, comme dans le cas des formations sur la sécurité au travail ou sur les premiers secours. La société continuera à évoluer sur ce sujet, et il est indispensable que nous fassions de même.

Ensuite, nous exploitons un point d’entrée intéressant : la cellule consacrée aux violences sexistes, sexuelles et homophobes (VSSH) de l’université, à laquelle tous nos étudiants sont inscrits. Elle nous accompagne depuis quinze ans dans la formation de nos étudiants, avec des associations, et nous fait bénéficier de son retour d’expérience. Nous nous appuyons aussi sur les représentants des étudiants et sur la formation du personnel administratif.

Enfin, nous nous demandons comment accompagner les parents pour les aider à déceler des signaux faibles. Certains n’osent pas parler ou ont peur de porter des accusations, voire sont démunis face à ces situations. Ce point de vigilance me semble important.

En matière de coût, une formation de deux jours assurée par un organisme ayant répondu à notre appel d’offres coûte environ 15 000 euros. Les organismes capables d’assurer des formations sur les VSS ne sont pas légion dans l’enseignement initial et supérieur de la musique, ce qui soulève la question, sinon de dérives, du moins de l’identification de ce qui est disponible et de l’accompagnement budgétaire à long terme des établissements. Mettre un psychologue à la disposition des étudiants tout au long de l’année coûte environ 20 000 euros. En période de budget contraint, il faut avoir ces éléments à l’esprit.

Je laisse de côté la question de l’emprise, que votre commission a abordée à de nombreuses reprises lors des précédentes auditions, pour me concentrer sur celle du rapport au temps. Dans notre partie, l’employeur n’est pas le chef d’établissement, mais la collectivité locale. Lorsqu’une situation se présente, la cellule d’écoute et les référents VHSS recueillent la déposition, qui déclenche une enquête administrative, menée en lien avec le service juridique et le service des ressources humaines de la municipalité, lequel a d’autres dossiers à gérer et n’est pas toujours spécialisé dans les VSSH. Même s’ils font leur maximum, tout cela prend du temps.

Or nous sommes en première ligne, face aux victimes, aux mis en cause et aux équipes, qui se posent beaucoup de questions. Nous essayons d’être aussi discrets que possible sur ces affaires, mais elles chamboulent forcément l’ensemble de l’équipe, surtout si la presse s’en saisit. Nous avons intégré, dans nos documents cadres et dans notre quotidien, la nécessité de consacrer un temps significatif à l’information et à la communication.

À ce propos, j’ai pris conscience que nos documents cadres doivent être construits par tout l’écosystème. Plaquer une procédure dans un règlement n’est pas efficace. Cette démarche doit être le fruit du parcours de formation, et chacun doit y prendre sa part. J’ai fait parvenir plusieurs exemples de ces documents à votre commission, dont un manifeste rédigé tout au long de l’année au sein de la HEAR, en lien avec la communauté étudiante, la communauté enseignante et l’ensemble de l’écosystème.

S’agissant de la répartition des tâches entre externe et interne, le coût des intervenants externes doit être mis en regard du coût en temps que ce genre d’affaires représentent pour les collègues amenés à les gérer en interne, qu’ils travaillent ou non au sein des services de ressources humaines, mais surtout de ce que cela leur fait vivre. D’une façon ou d’une autre, ils en sont affectés. Il en va de même s’ils participent à la cellule d’écoute : quelle que soit leur bonne volonté initiale, ils finissent par abandonner. Sur la durée, ce n’est pas supportable.

Un accompagnement par des experts du sujet s’impose donc. Il faut prendre un engagement fort à ce sujet. Chaque conservatoire, petit, moyen ou grand, fait ce qu’il peut avec les moyens dont il dispose. Une charte nationale, voire une mission de formation couvrant l’ensemble des conservatoires, sont-elles envisageables ?

Il y a un peu plus d’un an, nous avons été contactés par une association travaillant sur les risques auditifs, accompagnée par le ministère de la culture. Ses membres venaient gratuitement dans chacun de nos établissements pour proposer deux à trois jours de formation aux équipes enseignantes et aux élèves. Ne peut-on pas imaginer semblable démarche pour les VSS, sous la forme d’un organisme certifié et habilité par le ministère de tutelle, répondant à un cahier des charges ? Tous les établissements n’ont pas les moyens que nous avons réussi à mobiliser à Strasbourg pour mettre en œuvre des formations obligatoires.

Mme Aude Portalier, directrice du conservatoire Pierre Barbizet de Marseille. Merci d’avoir organisé cette audition dans le cadre de votre commission d’enquête sur les violences commises, en particulier, dans le milieu du spectacle vivant, où les conservatoires jouent un rôle d’éducation important. Je rejoins tous les propos de mes collègues.

Je dirige depuis bientôt un an le conservatoire Pierre Barbizet de Marseille, classé à rayonnement régional par le ministère de la culture. Nous dispensons uniquement un enseignement initial de musique et de théâtre, aucun enseignement supérieur. Le conservatoire compte 1 700 élèves âgés de 5 à 85 ans, dont 80 % de mineurs, ainsi que 112 enseignants et 43 agents dans les équipes support. Même s’il reste un service public, relevant de la fonction publique territoriale, le conservatoire de Marseille ne dépend pas d’une collectivité, mais fait partie d’un établissement public de coopération culturelle intitulé Inseamm (Institut national supérieur d’enseignement artistique de Marseille Méditerranée), dans lequel se trouvent également l’École des beaux-arts de Marseille et un institut de formation en arts plastiques.

Le conservatoire est donc partie prenante d’un établissement public plus large, unique en son genre, qui est consacré à l’enseignement de différentes formes d’art – arts du spectacle, arts visuels, pratique amateur, enseignement spécialisé, formation initiale, formation supérieure, avec toute la diversité et la complexité qui en découle. Il s’agit d’une vaste communauté d’interactions humaines avec une multiplicité de sites et d’horaires, des enfants et des adultes, de futurs professionnels et de simples spectateurs, des familles, des enseignants, des équipes support et de nombreux intervenants extérieurs. Ce sont autant de possibilités de rencontres interpersonnelles, mais aussi de rapports potentiellement d’autorité ou d’emprise. L’établissement doit veiller à cette question, car il est garant de la sécurité de chacun des usagers – c’est pour moi une caractéristique importante de nos établissements.

S’agissant des violences, un unique cas de VSS, concernant une enseignante ayant commis des agressions d’ordre sexuel, est remonté à la direction de l’établissement durant les cinq dernières années, et il a été classé sans suite ; en revanche, nous sont remontés plusieurs cas d’humiliations, de brimades, de violences verbales et psychologiques, provenant autant d’hommes que de femmes et exercées essentiellement dans la relation professeur-élève, mais aussi entre agents.

Pour gérer ces situations, le conservatoire s’appuie sur ce qui est déjà en place, de façon assez structurée, aux Beaux-Arts, et sur l’expérience et le volontarisme individuel – chacun apporte sa pierre à l’édifice. Nos textes, chartes de déontologie et règlements intérieurs sont en cours d’actualisation, nous menons des expérimentations pour les procédures de signalement et nous acquérons des compétences sur le plan administratif et juridique au fil des affaires suivies. C’est un chantier en cours, qui sera un élément fort du projet d’établissement que nous élaborons pour 2025. Il faut sortir de l’empirique et gagner en réactivité et en fluidité pour envoyer des messages efficaces aux victimes, et, en miroir, aux agresseurs.

Le conservatoire de Marseille fait face, comme d’autres, à plusieurs difficultés dans le traitement des violences. Je vous les présenterai en reprenant rapidement les cinq grands items du rapport du 18 novembre sur les VSS sous relation d’autorité ou de pouvoir.

S’agissant de la prévention d’abord, il est difficile de trouver des formations qui correspondent précisément à nos structures compte tenu des spécificités déjà évoquées par Émilie – le rapport au corps, le rapport maître-élève, le tête-à-tête pédagogique, le travail sur la sensibilité, l’enseignement de l’émotion, la compétition. S’ajoute à cela la problématique de l’éthique autour de l’enseignement, et les fameux à-côtés à risque que peuvent constituer les pots festifs après les spectacles ou encore l’hébergement lors des stages.

En ce qui concerne le repérage, une cellule d’écoute ne se monte pas si facilement que cela en interne, pour les raisons évoquées par mes collègues – le manque de formation et de volontaires ainsi que la difficulté de ce qu’il faut écouter. Pour l’instant, nous faisons appel à des structures extérieures, mais nous constatons que les usagers ne s’en saisissent pas facilement et vont plutôt directement vers la hiérarchie.

Pour ce qui est des sanctions, l’avancement en parallèle du traitement administratif et du traitement judiciaire est une véritable difficulté, avec cette fameuse durée maximale de la suspension de quatre mois dont il a déjà été question. La différence de tempo et l’absence de coordination et d’information créent l’incompréhension et une vraie impatience. Il est difficile de gérer pendant ce temps la cohabitation entre la victime et l’agresseur, entre les partisans et les détracteurs, et plus globalement de garantir la sérénité du travail dans un établissement où tout le monde continue de se croiser dans l’attente que des conclusions soient connues.

En matière d’accompagnement et de réparation, nous travaillons pour l’instant avec des associations extérieures et une psychologue au sein de l’établissement, mais notre organisation interne est peut-être limitante. Une élève agressée par le seul professeur qui exerce dans une discipline ne peut, par définition, changer de classe : elle doit changer de ville et d’établissement. Autre question, comment gérer le retour dans sa classe d’un enseignant titulaire qui a fait l’objet d’un classement sans suite ou d’une sanction ?

Oui, la parole se libère dans les conservatoires, ce qui est absolument nécessaire. Un long process sociétal d’acculturation est en cours. Les conservatoires doivent y prendre leur part, du fait de la diversité des publics qu’ils touchent et du caractère sensible de ce qu’ils transmettent, mais ils souffrent de trop de manques en matière de ressources humaines, de formation et d’information pour évoluer vers un environnement totalement sûr pour les élèves.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Merci pour vos propos liminaires qui nous ont permis de voir des différences avec d’autres acteurs que nous avons auditionnés : vous êtes des structures publiques, déjà dotées d’un certain nombre de cadres réglementaires, notamment pour les enquêtes administratives. Vous avez réagi quand des faits ont été commis, ce qui est assez positif.

Avez-vous l’obligation de mettre en place des protocoles de traitement, de suivi et d’accompagnement ? Est-ce un peu formalisé ? Je suis à l’origine de la loi sur le harcèlement scolaire et universitaire, mais je ne sais pas si vous entrez dans le cadre qu’elle pose. S’agissant des établissements qui ont une antenne universitaire, j’en suis sûr, mais pour les autres, il existe peut-être un petit vide : nous pourrons en discuter.

Vous dites tous que les quatre mois prévus pour les enquêtes sont trop courts. Une enquête, il est important de le rappeler aux victimes, a parfois besoin de temps ; la justice est souvent trop lente, mais elle a aussi besoin de temps. Il faudra voir comment faire évoluer les choses.

Pour ce qui est des moyens, comment envisager une mutualisation ? Il est compliqué d’avoir dans vos structures une personne qui travaille sur ces questions la moitié de son temps. Ne pourrait-on pas imaginer de créer des enquêteurs administratifs spécialisés qui réaliseraient ce type d’enquête, chez vous et dans les structures qui ressemblent aux vôtres ?

Pensez-vous qu’il serait utile de structurer les partages d’informations et les réseaux d’échange pour vous permettre de discuter régulièrement ? L’avez-vous déjà fait de manière informelle ? Cela pourrait concerner les conservatoires nationaux et régionaux et peut-être aussi les autres, car ils connaissent exactement les mêmes problématiques, me semble-t-il.

Vous nous avez parlé de la difficulté de trouver des formations adaptées. Pourrait-on envisager de créer, pourquoi pas avec l’aide de chercheurs, un catalogue de formations qui correspondraient bien à vos métiers ? Les prix que vous avez évoqués, dans les 15 000 euros pour des formations de deux jours aux VHSS, me paraissent très élevés. Je ne connais pas beaucoup de formations qui coûtent aussi cher pour une telle durée. Cela me paraît un peu abusif, il y a peut-être moyen de faire des économies.

Nous pourrons ensuite revenir, si vous le souhaitez, sur la façon dont vous avez géré certaines situations.

Mme Émilie Delorme. J’ai été la première confrontée à ce genre de problèmes et j’ai eu mes collègues au téléphone quand cela leur est arrivé aussi – ou, s’agissant d’Aude Portalier, son prédécesseur. Le réseau d’entraide qui existe est très clairement informel. Nous avons eu, par ailleurs, des échanges avec le ministère de tutelle. Il y aurait des choses à faire pour nous réunir, et réunir les référents. J’ai notamment lancé une alerte sur la nécessité de mener un vrai travail en matière de jurisprudence. Nous sommes en train de la construire, notamment pour ce qui est des niveaux de sanction : il faudrait vraiment que nous arrivions à prendre des décisions cohérentes et rapides afin qu’elles soient moins fragiles juridiquement.

Nous bénéficions, en tant qu’établissements d’enseignement supérieur, du soutien du ministère de la culture pour la prise en charge d’un certain nombre de formations et de marchés publics.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Il n’empêche que c’est cher.

Mme Émilie Delorme. Il existe des formations sur la sensibilisation et la prise en charge des victimes, mais je n’ai pas encore vu de formation sur la manière de faire en sorte que personne ne se mette en situation de devenir agresseur. En tant que dirigeants d’établissement public, nous avons pour mission de protéger l’ensemble des enseignants, des agents et des étudiants pour qu’ils ne se retrouvent pas dans une telle situation.

Des cellules d’enquête mutualisées me paraissent assez indispensables, mais encore faudrait-il qu’elles soient spécialisées. En matière de relation pédagogique et de relation artistique, nous sommes à la croisée de très fortes spécificités. Certaines formations ont d’ailleurs le défaut de ne pas être assez axées sur ce type de questions.

Je reviens sur un point évoqué par Alexandre : nous avons vraiment besoin de formations sur la manière de ne pas se retrouver dans des situations d’emprise. Par ailleurs, si cette notion existe dans la loi en matière de violences conjugales, ce n’est pas le cas pour les relations pédagogiques. Un travail législatif dans ce domaine pourrait nous permettre de nous saisir de certaines situations avant d’en arriver à des agressions sexuelles ou à des viols.

M. Alexandre Jung. Il me semble assez évident qu’il est nécessaire d’avoir des enquêteurs dédiés et mutualisés. Je vous ai parlé de la nécessité de gagner du temps : il en faut déjà pour comprendre qui contacter, comment les choses se passent et quelle est la situation, y compris du côté des plaignantes. Lorsque la presse se fait écho d’éléments qui semblent limpides, il a fallu du temps pour arriver à ce résultat – du temps de discussion, du temps d’accompagnement et du temps pour que les personnes portent plainte.

Je pense qu’on peut gagner du temps si, en face de l’ensemble des interlocuteurs, nous avons des experts en matière non seulement de VSS, bien sûr, mais aussi de relation pédagogique. Il ressort du bilan de la formation entamée en septembre avec un organisme qui est intervenu dans d’autres pôles d’enseignement supérieur que ce dernier ne connaît pas très bien, malgré toute sa bonne volonté, la relation pédagogique – la relation artistique et le travail sur la scène, oui, mais la relation pédagogique, c’est plus compliqué. Nous avons trouvé plus de réponses du côté de l’université, qui a une expertise et un retour d’expérience assez forts en matière de relation pédagogique.

S’agissant des textes, pour la partie universitaire, les éléments que vous avez soulignés sont tout à fait d’actualité. Il faut également savoir que, si certains élèves sont chez nous dans le cadre d’une activité extrascolaire, d’autres relèvent de classes à horaires aménagés (Cham), en lien donc avec l’éducation nationale. Nos collègues de l’éducation nationale, y compris les inspecteurs, sont donc des repères informels lorsque des enfants sont concernés et ils ont une responsabilité pour les élèves Cham qui fréquentent nos établissements.

Puisque tout un ensemble d’acteurs travaillent chacun dans son coin, ou en tout cas pas suffisamment ensemble, il serait intéressant de mener un travail interministériel associant l’éducation nationale, la culture et l’enseignement supérieur, qui sont tous trois amenés à traiter ces questions sous l’angle du rapport pédagogique. On gagnerait peut-être à mutualiser les expériences, les solutions et les pistes de progrès, sachant qu’il s’agit de trois ministères auxquels nous sommes déjà connectés d’une manière ou d’une autre.

Mme Sarah Legrain, présidente. Chacun d’entre vous a parlé des délais. Pour que ce soit bien clair pour tout le monde, vous avez parfois été amenés, si je résume, à suspendre des personnes pendant quatre mois, puis à les réintégrer en l’absence de décision. Qu’est-ce qui empêchait encore cette décision, au bout de quatre mois ? Manque-t-il du temps pour l’enquête ? Pouvez-vous aussi détailler le type de sanctions que vous adoptez, même si c’est compliqué sans mentionner de cas précis ?

Certaines sanctions peuvent être provisoires. Indépendamment de la suspension, pouvez-vous prendre des sanctions intermédiaires, entre l’exclusion et l’absence de mesure ? Dans ce cas, comment justifiez-vous ce caractère intermédiaire – cela ne doit pas être facile : pour quel type de faits considère-t-on que quelques mois d’exclusion suffisent avant la réintégration ? Je ne sais pas si vous avez connu ce genre de cas.

Vous avez mentionné le fait que la notion d’emprise ne figure pas dans la loi pour ce qui est des relations pédagogiques. Avez-vous des exemples de sanctions relatives à des faits de cette nature, c’est-à-dire ne relevant pas des violences sexistes et sexuelles mais, par exemple, du harcèlement moral ? Vous avez dit que les violences sexuelles ne représentaient qu’une partie des éventuelles violences pédagogiques.

Pouvez-vous nous expliquer les liens que vous avez, ou non, avec les décisions de justice ? Par exemple, si la justice se prononce, cela entrera en ligne de compte dans la décision que vous prendrez ; mais dans le cas où la justice n’est pas saisie, avez-vous l’obligation de mener une enquête interne ? Quelle est votre jurisprudence en la matière ? Par ailleurs, lorsque la justice prononce un classement sans suite, quel type de décision pouvez-vous prendre ? Considérez-vous que l’affaire tombe ?

Toujours s’agissant de la corrélation, ou non, de votre action avec celle de la justice, il me semble que votre obligation de garantir la sécurité n’est pas du même ordre qu’un jugement pénal : pour la respecter, on peut envisager de prendre des mesures de précaution en disant qu’elles se justifient au vu des alertes, par le nombre de témoignages reçus. Cela justifie qu’on puisse prendre, sans que la justice se soit prononcée, des mesures de précaution ou même des sanctions. Êtes-vous amenés à le faire ?

M. Mathieu Ferey. Pourquoi quatre mois sont-ils très courts ? Certes il faut le temps de mener l’enquête, mais lorsque l’on envisage de prendre des sanctions lourdes – et une exclusion de plusieurs mois en fait partie – il faut aussi réunir une commission consultative paritaire et suivre un formalisme très précis. Il doit falloir au moins un mois pour rassembler les pièces, les communiquer et réunir la commission. Nous avons fait une fois tenir l’ensemble en quatre mois, c’est-à-dire l’enquête et la réunion de la commission : non seulement ce n’est pas idéal, mais cela peut conduire à faire des erreurs.

S’agissant des liens avec la justice, nous avons la capacité de prendre toute une série de décisions administratives, en corollaire ou non de ce que fait l’appareil judiciaire. Le temps de la justice est très clairement beaucoup plus long que le nôtre. Il peut donc arriver que nous prenions une décision administrative et que, par la suite, la justice aggrave la qualification des faits que nous avions retenue ou au contraire l’allège. On est alors obligé d’en tenir compte d’une façon ou d’une autre, mais cela n’empêche en rien de prendre des décisions de nature administrative. Surtout, il est vraiment de notre devoir de protéger, quelles qu’elles soient, les personnes en situation de vulnérabilité dans nos établissements. Toute une série de possibilités existent. On a aussi des solutions pour faire en sorte qu’une personne ne soit plus en lien avec une autre. Nous avons toujours des moyens de protéger ceux qui se trouvent dans nos établissements.

Mme Émilie Delorme. Le temps que la parole se libère complètement peut être très long – cela se compte parfois en années. On fait de premiers entretiens, puis des demandes complémentaires arrivent progressivement : même si on a planifié une enquête un peu rapide avec des moyens importants, on se rend compte alors qu’on n’y arrivera jamais. Par ailleurs, la vraie difficulté d’une CCP interne est de se retrouver à juger des collègues. Souvent, le quorum n’est pas atteint et il faut donc reconvoquer la commission, ce qui peut prendre beaucoup de temps.

D’après mon expérience, lorsqu’on agit sur la base de l’article 40 et qu’une enquête est ouverte, cela débouche très souvent sur une plainte. Je salue notamment la brigade des mineurs, avec laquelle nous avons travaillé sur plusieurs affaires : on parvient souvent à amener la victime jusqu’à la plainte.

S’il nous arrive de prendre des sanctions d’un niveau peu élevé, cela peut être du fait de l’antériorité de certaines affaires. J’ai parlé tout à l’heure de la prescription : il arrive qu’on ait à se pencher sur un fait pas très grave et qu’on ne puisse pas prendre en compte l’intégralité du dossier. Et, pour répondre à votre dernière question, il me semble que nous ne sommes pas armés juridiquement pour prendre des décisions fondées uniquement sur un faisceau de plaintes ou d’enquêtes. Dans d’autre pays en revanche, il est possible d’aller jusqu’au licenciement en arguant d’un risque pour les étudiants, même s’il n’est finalement pas avéré – c’est leur sécurité qui prime.

Mme Sarah Legrain, présidente. De quels pays s’agit-il, que nous puissions examiner les législations concernées ?

Mme Émilie Delorme. Je pensais à l’Autriche.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Vous avez dit que les délais administratifs étaient souvent un peu longs, par exemple pour convoquer les commissions. Il est peut-être possible de les réduire, mais cela ne serait sans doute pas suffisant. De combien de temps estimez-vous avoir besoin ? S’il existait des enquêteurs dédiés, vous pourriez aller plus vite, mais avez-vous d’autres propositions ? Si on prévoit des durées trop longues, on va se retrouver avec des affaires en suspens, ce qui peut très vite être problématique aussi.

Mme Émilie Delorme. On pourrait envisager de renouveler la période de quatre mois lorsque c’est justifié, par exemple si une enquête est en cours ou qu’une CCP est programmée.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Est-ce la commission consultative paritaire qui prend les décisions ? Si elle est vraiment consultative, qui décide ? Peut-on imaginer, dans le respect du droit administratif, d’autres manières de prendre des sanctions ?

M. Mathieu Ferey. Lorsque l’établissement est dirigé en direct par le directeur ou la directrice, c’est lui ou elle qui est l’employeur et qui prend la sanction. La commission consultative paritaire émet un avis – il est obligatoire, mais ce n’est qu’un avis.

M. Alexandre Jung. Dans la fonction publique, un arbitrage est assuré in fine par l’élu, sur proposition des services de la collectivité. Un conseil de discipline aura émis un avis, qui sera ou non suivi, en tout ou partie, par l’élu.

Les collectivités veulent respecter le délai de quatre mois, mais elles n’y arrivent pas. Il nous est arrivé de souhaiter prendre notre temps avant de convoquer un conseil de discipline, étant entendu que certains délais sont de toute façon incompressibles, mais la collectivité peut alors se faire attaquer par une partie et son avocat au motif que la réintégration n’a pas eu lieu au bout de quatre mois. Avoir la possibilité de renouveler le délai serait dans l’intérêt non seulement des plaignants, mais aussi des mis en cause : cela aiderait chacun à s’organiser, si je puis dire, et ce serait vraiment un levier intéressant pour la bonne gestion de ces dossiers.

Mme Aude Portalier. Nous tournons depuis tout à l’heure autour de l’idée des cellules d’enquête spécialisées, qui permettraient de gagner du temps, de respecter les délais et de gagner en compétence. Cela nous aiderait vraiment. Dans le cas que le conservatoire de Marseille a connu, le choix fait par le directeur général de l’époque, à tort ou à raison, était d’attendre l’enquête judiciaire. Si les enquêtes internes et externes avaient pu bénéficier de l’aide d’une cellule spécialisée, des décisions convergentes auraient peut-être été possibles, ce qui aurait évité une réintégration.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Que faites-vous en matière de prévention ? Vous avez vraiment des spécificités : une compétition parfois intense, voire féroce, des choix qui pèsent dans une famille, un rapport de mentorat entre un ou une jeune artiste et son professeur – dans certaines disciplines, il peut n’y en avoir qu’un seul qui compte. Il y a des compétitions internationales qui sont des sources de pression et potentiellement de mal-être. J’imagine que vous êtes également soucieux de prévenir les risques physiques. Comment accompagnez-vous les enfants en matière de troubles musculosquelettiques ? Une pianiste adolescente peut s’exposer à des blessures aux conséquences potentiellement très graves. Comment gérez-vous tout cela ? Menez-vous des réflexions avec des collègues d’autres pays sur la pédagogie, envisagez-vous des améliorations ?

M. Alexandre Jung. Dans l’enseignement initial, les conservatoires suivent des recommandations du ministère de la culture dans le cadre d’un schéma national d’orientation pédagogique remis à jour récemment, qui pose la question du rapport au corps, assez présente pour la danse mais qui l’est aussi de plus en plus pour la musique.

Dans l’enseignement supérieur, nous formons des interprètes et des compositeurs, mais aussi les professeurs de demain. Des modules de cours dédiés sont de plus en plus présents à mesure que nous acquérons de l’expertise, pour pouvoir accompagner les étudiants depuis les troubles les plus anodins jusqu’aux violences sexistes et sexuelles.

Nous avons instauré cette année, comme cela se fait de plus en plus souvent dans nos établissements, une journée de prévention santé permettant d’aborder différentes thématiques avec des experts – psychologues, kinésithérapeutes, experts des violences sexistes et sexuelles. Cette journée obligatoire en début d’année donne aux étudiants des pistes de réflexion à partir desquelles ils peuvent travailler tout au long de l’année et dont ils peuvent s’imprégner pour l’exercice de leur future profession. La plupart étant déjà en situation d’enseignement, ils peuvent les mettre directement en application. C’est également pour eux une occasion d’avoir les bons réflexes en salle des professeurs avec leurs collègues.

Pour ce qui est de la prévention, nous devons assurer la formation des enseignants qui exercent déjà dans nos établissements depuis plusieurs années, et veiller à donner suite aux différentes situations que nous avons pu rencontrer. J’ai surtout senti un appel à l’aide de la part de professeurs formés voilà vingt, trente ou quarante ans, à une époque où l’on ne se posait pas ces questions, et qui ont aujourd’hui peur de mal faire. L’intention est donc bonne, et j’ai besoin d’aider mon équipe dans ces domaines. Bref nous avançons pour ce qui concerne les formations destinées aux étudiants, mais cette journée de prévention santé a aussi vocation à être élargie au corps enseignant et nous devrons procéder à des rappels réguliers.

Mme Émilie Delorme. Les deux conservatoires supérieurs comportent un pôle santé, créé initialement autour de la danse, qui nécessite un très fort accompagnement médical au quotidien. Pour ce qui me concerne, nous avons actuellement un médecin coordinateur, deux kinésithérapeutes pour les danseurs et une pour les musiciens, des préparateurs physiques et mentaux, une nutritionniste avec laquelle nous pratiquons une prévention active de l’anorexie dans la danse, une cellule de psychologues qui proposent des consultations dans le bâtiment et à l’extérieur, et des médecins référents, par exemple des ORL pour les chanteurs. L’accompagnement médical est donc assez important. S’y ajoute la médecine universitaire, qui offre un panel de consultations supplémentaires et nous permet de procéder à tous les aménagements de cursus nécessaires dans les situations de handicap.

Nous proposons des formations en début d’année pour l’ensemble des étudiants et multiplions les autres moyens de sensibilisation: cycles de conférences, diffusion d’un film intitulé Briser le silence des amphis, accompagnée d’une rencontre avec la réalisatrice, impression de marque-pages indiquant les coordonnées des différentes cellules compétentes, campagne d’affichage rappelant que les violences ne sont pas au programme du Conservatoire, séances de théâtre action, qui permet aux étudiants de rejouer des scènes… La sensibilisation passe par la multiplication des actions.

Nous avons, par ailleurs, instauré une journée d’accueil pour les nouveaux enseignants, qui sont chaque année au nombre de quinze à vingt, ce qui crée un effet de promotion associant les différentes disciplines. J’ai vu se mettre en place des mécanismes de partage des pratiques, et c’est là un cercle vertueux sur lequel j’aimerais travailler.

Nous faisons également partie du dispositif européen IN.TUNE, qui propose aux enseignants des formations intitulées « Artist as a Teacher », qui durent un an avec des sessions complémentaires. Trois enseignants par an seulement peuvent en bénéficier, ce qui est peu à l’échelle de l’établissement, mais cette démarche permet un partage des pratiques au niveau international, en particulier pour ce qui concerne la relation pédagogique et la prévention de l’emprise. Il faudrait que nous puissions dupliquer à plus grande échelle cette action exemplaire.

M. Mathieu Ferey. Des mesures équivalentes s’appliquent au CNSMD de Lyon. Certaines actions toutes simples sont également importantes pour l’efficacité du dispositif, comme le fait de veiller à ce que l’affiche indiquant où s’adresser pour effectuer un signalement soit très présente et très visible dans l’établissement.

Nous appartenons également à un réseau européen, l’Association européenne des conservatoires, au sein duquel ces sujets sont régulièrement abordés, notamment lors des assemblées générales. Cela nous permet de savoir comment nos collègues à l’étranger traitent ces problèmes, qui sont évidemment partagés sur l’ensemble du territoire européen.

M. Erwan Balanant, rapporteur. La relation maître-élève est parfois très intéressante – de grands maîtres ont eu de grands élèves, qui en auront eux-mêmes à leur tour. Y a-t-il une réflexion poussée sur la manière de transmettre tout un savoir en évitant les phénomènes d’emprise, tant psychologique qu’artistique ? Avez-vous développé une façon d’éviter une relation exclusive entre un jeune artiste et son professeur ? Sans doute faut-il croiser les regards, voire les disciplines ? Serait-il utile de confronter un artiste à un autre instrument ? C’est cette relation quasi fusionnelle entre un élève et un professeur qui a pu faire du mal dans ce milieu.

Mme Émilie Delorme. Tout d’abord, nous n’employons plus la terminologie « maître-élève » : à la demande des étudiants en conseil pédagogique, il a été décidé voilà quelques années de les désigner comme tels, ce qui n’allait pas de soi. Nous parlons donc désormais de relations entre étudiants et enseignants, ce qui est symboliquement important.

En deuxième lieu, si nous aspirons à l’ambitieuse réflexion de fond que vous évoquez, nous n’y sommes pas encore pleinement. Ce qui est fondamental est que les personnes puissent agir en conscience et déceler les situations à risque. Il peut s’agir de principes évidents, mais qu’il faut néanmoins rappeler régulièrement : on ne donne pas de cours à son domicile ; les prêts d’argent ou d’instrument ne sont pas nécessairement interdits, et sont même parfois nécessaires, mais ils doivent donner lieu à une discussion avec l’administration. Notre travail actuel ne vise pas à ajouter de nouveaux textes, mais plutôt à sensibiliser pour susciter des réflexes collectifs en cas d’alerte.

Enfin, depuis 2008, notre établissement a intégré le système de Bologne, adoptant le parcours licence-master-doctorat et le système européen de transfert et d’accumulation de crédits. Des cursus complets et riches ont été construits et l’enseignement ne se réduit donc plus à une relation entre un enseignant et un étudiant, même si la discipline principale y prend évidemment une place importante pour ce qui est des horaires, des crédits et de l’évaluation. Comme vous l’avez souligné, nous nous efforçons de considérer les étudiants sous toutes les facettes de leur travail dans l’établissement, et non plus seulement dans leur discipline principale.

Mme Aude Portalier. L’enseignement initial ne suit bien sûr pas le système de Bologne, mais ce lien privilégié de l’enseignant avec son élève, même les plus jeunes, ce tête-à-tête autour de l’instrument ou de la discipline principale, est entouré de tout un cursus. L’élève a donc plusieurs enseignants – il suit par exemple la classe d’orchestre. Le rapport potentiellement fusionnel ou dérivant est donc contrebalancé par la présence d’une équipe pédagogique, même au niveau de l’enseignement initial.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Les élèves inscrits dans un conservatoire pour un instrument ont également l’obligation de pratiquer en orchestre ou dans un chœur, à quoi s’ajoute le solfège, qui n’est pas d’ailleurs pas toujours ce qui les amuse le plus. Il peut arriver qu’un enfant n’aime pas son professeur d’instrument et abandonne pour cette raison – je l’ai constaté et vécu. Il pourrait être intéressant d’avoir, y compris pour le même instrument, plusieurs professeurs.

Mme Aude Portalier. D’où peut-être l’idée de travailler en réseau de conservatoires, afin qu’un enfant puisse circuler en cas de manque d’affinités.

Mme Émilie Delorme. Dans les deux conservatoires supérieurs, un « trio pédagogique » est présent dans la classe, qui associe un professeur, un professeur assistant et un accompagnateur. Il y a donc un trio d’enseignants référents.

M. Alexandre Jung. La plupart du temps, nos enseignants ne sont pas conscients de l’emprise qu’ils peuvent exercer. Toutes les situations que j’ai eues à traiter sont différentes, mais elles ont un point commun évident, en particulier pour les étudiants inscrits dans une voie de professionnalisation : la crainte de parler, par peur des incidences possibles sur leur avenir professionnel – qu’un jury ne soit pas objectif par exemple. De telles situations ont dû exister et cette représentation imprègne l’esprit de nos jeunes étudiants, notamment aux niveaux les plus avancés, de telle sorte que nous avons tout un travail à faire pour déconstruire cette image. Les étudiants ne doivent pas accepter l’inacceptable et, dans le safe place que nous cherchons à créer dans nos établissements, il faut évacuer toute emprise au niveau des jurys, examens, concours et prix internationaux. La résolution de cette difficulté passe par des discussions avec les étudiants. Il faut aussi compter sur l’effet du temps, car la société aussi a peut-être besoin de temps pour modifier cette représentation.

M. Mathieu Ferey. Il peut toujours exister des situations d’emprise mais, dès lors que l’environnement qu’offre l’établissement s’y oppose et propose clairement un autre modèle, il est beaucoup plus facile pour un étudiant de parler avec un autre étudiant ou avec un enseignant et de constater que ce qu’il vit n’est pas normal. Cette prise de conscience change aussi le caractère de la relation.

Mme Sarah Legrain, présidente. Pour ce qui est des craintes que vous évoquez, tout ne dépend pas du conservatoire : la question se pose aussi de la composition des jurys et de l’organisation de la profession. Il existe un véritable entre-soi et il n’est pas évident de dire aux étudiants que les jurys n’auront aucune incidence sur leur carrière. N’hésitez pas à nous communiquer vos pistes de réflexion en la matière.

Pour ce qui concerne les établissements, je pose à tous une question à laquelle Mme Delorme a déjà répondu très clairement lors de sa précédente audition : celle des liens et des relations extra-pédagogiques entre les étudiants majeurs et leurs professeurs. Est-il très clair, dans chacun de vos établissements, que toute relation de nature sexuelle ou amoureuse qui se nouerait entre un étudiant et un enseignant serait prohibée et entraînerait une réaction de l’établissement ?

M. Mathieu Ferey. Notre charte de la relation pédagogique évoque ce point, qui a donné lieu à de longues discussions avec nos collègues européens sur les diverses pratiques dans ce domaine. La relation intime, sexuelle, est prohibée, mais si elle se produit – car c’est quelque chose qui nous échappe – il est très clair que la relation pédagogique doit s’arrêter. Nous avions imaginé des dispositifs dans lesquels il incombait à la direction d’y mettre fin, mais nous nous sommes aperçus que l’esprit de la déontologie à la française consistait plutôt à ce que ce soit l’agent lui-même qui, en accord avec sa propre déontologie, prenne cette décision. Considérant qu’on peut avoir besoin d’aide pour éclairer une telle décision, nous avons créé le collège de déontologie de la relation pédagogique, destiné à répondre à toutes les interrogations que les enseignants, mais pas seulement eux, peuvent avoir devant certaines zones grises. Nous avons décidé qu’il le ferait sous forme d’avis, mais en précisant clairement qu’en pareil cas, la relation pédagogique doit de toute façon s’arrêter.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Vous parlez des majeurs. Avec des mineurs, bien sûr, cette relation est complètement prohibée.

M. Alexandre Jung. Nous avons rappelé tous ces éléments à l’équipe pédagogique. Des pratiques telles que les cours à domicile n’ont pas leur place et sont sanctionnables. La question est plus difficile pour ce qui est d’une relation amoureuse. Dans ce cas, il est évident que le rapport pédagogique doit être décorrélé. Dans une affaire relatée par la presse, la difficulté avait précisément été que, alors qu’une relation suivie avait eu lieu pendant quelque temps, le rapport pédagogique n’avait pas été décorrélé. Il s’agit là d’un point de vigilance qui doit apparaître dans tous les documents cadres. Mais la question de savoir si l’on peut obliger quelqu’un à déclarer une relation amoureuse est évidemment complexe.

Mme Aude Portalier. Nous réunissons de plus en plus souvent des jurys externes, dans lesquels les professeurs ne siègent pas, afin d’éviter au maximum les liens au niveau des résultats. Dans le même esprit, la liste des membres du jury reste le plus possible secrète, afin de réduire au maximum les risques d’influence.

Nous sommes par ailleurs en train de rédiger pour le conservatoire de Marseille une charte où figureront les sujets évoqués par mes collègues.

Mme Émilie Delorme. Je souscris pleinement à l’idée que la relation pédagogique doive s’arrêter dès lors qu’interviendrait une relation personnelle. Je ne pense pas que cela soit formalisé dans un document dans notre établissement, et c’est la raison pour laquelle nous souhaitons absolument que la notion d’emprise soit inscrite dans les textes. À mon entrée en fonctions, j’ai reçu de très nombreux témoignages d’étudiantes qui avaient vécu une relation qu’elles avaient pensé être une relation amoureuse mais qui s’était révélée destructrice et qu’elles qualifiaient désormais de relation sous emprise, relation s’étant en outre reproduite avec d’autres étudiantes. Ces jeunes filles éprouvent une culpabilité d’avoir accepté cette relation, que nous ne savons pas traiter juridiquement. De très nombreux cas de cette nature n’ont ainsi pas eu de suites juridiques.

Mme Sarah Legrain, présidente. Cela rejoint de nombreux questionnements liés au consentement éclairé ou à la contrainte. Les incompatibilités entre la relation pédagogique et une relation d’un autre ordre – cette dernière n’étant pas nécessairement celle qui doive s’interrompre – sont en filigrane dans plusieurs affaires. Elles brouillent les pistes : il ne s’agit pas de l’agression sexuelle par surprise dans un couloir dont la victime n’ose d’abord pas parler, mais de relations dont il faut du temps pour prendre conscience qu’elles n’étaient pas égalitaires et consenties. Ces zones sont à explorer et je vous remercie des pistes que vous nous donnez.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Nous n’avons pas abordé le traitement que vous avez apporté à certains cas, mais nous vous ferons parvenir un questionnaire à cet effet, car il sera intéressant que vous nous disiez comment cela a été vécu.

Je crois avoir compris, par ailleurs, que vous souhaitiez une redéfinition pénale de la notion d’emprise.

Merci de votre action et de vos témoignages.

 

La séance s’achève à douze heures trente.


Membres présents ou excusés

Présents. – M. Erwan Balanant, Mme Sarah Legrain, M. Emeric Salmon

Excusée. – Mme Sandrine Rousseau