Compte rendu
Commission d’enquête relative aux violences commises dans les secteurs du cinéma, de l’audiovisuel, du spectacle vivant, de la mode et de la publicité
– Audition, ouverte à la presse, de Mme Virginie Bray, principale du collège Rognoni, et M. Olivier Lestang, conseiller principal d’éducation 2
– Présences en réunion....................................11
Jeudi
30 janvier 2025
Séance de 14 heures
Compte rendu n° 39
session ordinaire de 2024-2025
Présidence de
M. Erwan Balanant, Rapporteur de la commission
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La séance est ouverte à quatorze heures cinq.
La commission auditionne Mme Virginie Bray, principale du collège Rognoni, et M. Olivier Lestang, conseiller principal d’éducation.
M. Erwan Balanant, président. Notre commission d’enquête examine les violences dans le monde du spectacle, du cinéma, de l’audiovisuel, de la mode et de la publicité, concernant les mineurs et les majeurs. La protection des enfants du spectacle est cruciale, d’où l’importance de cet échange sur vos pratiques et votre fonctionnement. Cette audition est publique et retransmise en direct. Je vous rappelle que l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958, relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, impose aux personnes entendues par une commission d’enquête de prêter serment, de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.
(Mme Virginie Bray et M. Olivier Lestang prêtent serment.)
Mme Virginie Bray, principale du collège Rognoni. Je suis principale du collège Rognoni et directrice de l’école Cardinal-Lemoine, ensemble appelé École des enfants du spectacle. Créée il y a cent ans par M. Rognoni, sociétaire de la Comédie française, l’école proposait initialement des cours l’après-midi pour les enfants. Elle offrait également un accompagnement en danse et théâtre, assurant une certaine protection des enfants artistes.
Devenue publique, l’école s’est élargie au collège. Nous accueillons les élèves à partir du CM1 en élémentaire. Notre dispositif, unique en son genre, n’a aucun partenariat spécifique. Nous acceptons tout jeune justifiant un besoin d’emploi du temps aménagé pour des pratiques variées, sportives ou artistiques.
Le recrutement se fait sur candidature dès le CM1 ou CM2, avec une nouvelle candidature nécessaire pour l’entrée en sixième. Les dossiers sont étudiés par l’établissement, évaluant à la fois l’aspect pédagogique et la pratique artistique ou sportive. Des jurys spécialisés interviennent dans un processus de sélection, un système mis en place il y a environ cinq ans pour plus d’équité.
Notre structure comprend huit classes au collège, deux par niveau, avec des cours soit le matin, soit l’après-midi. En élémentaire, nous avons des doubles niveaux CM1-CM2. Les élèves choisissent leur créneau en fonction de leur activité.
Nous recrutons sur tout Paris et la région parisienne, sans sectorisation. Certains organismes, comme des clubs de patinage, adaptent leurs entraînements à notre emploi du temps. La continuité est assurée du CM1 à la troisième, avec possibilité d’accompagnement en cas de changement d’activité.
Les indicateurs publics montrent des départs avant la troisième, souvent dus à l’intégration dans d’autres établissements comme le conservatoire régional ou l’Opéra. Nous avons également des départs en province pour des dispositifs sportifs, des déménagements, et des cas où l’emploi du temps aménagé sur des demi-journées n’est pas compatible avec les exigences du conservatoire. Dans ces situations, certains élèves étudient via le Centre national d’enseignement à distance (CNED) ou dans un dispositif de proximité plus adapté à leurs besoins.
Bien que notre école soit extrêmement souple et puisse se rapprocher de ce qui est proposé dans certains établissements privés, nous restons une institution publique.
M. Erwan Balanant, président. Vous êtes effectivement une école publique parisienne, sans pensionnat. Malgré vos efforts d’ouverture, cet aspect limite l’accueil des élèves vivant au-delà de l’Île-de-France. Votre établissement accueille des élèves de diverses disciplines : échecs, sports variés, arts du spectacle, musique… Cette diversité a-t-elle toujours été la vocation de l’école ou est-ce une évolution récente ?
Mme Virginie Bray. Cette diversité a évolué au fil du temps. L’accueil des sportifs remonte à assez longtemps, le recrutement initial de patineurs s’est naturellement élargi à tout type de sport.
M. Erwan Balanant, président. Vous vous occupez donc uniquement de la pédagogie scolaire, en tant que collège à horaires aménagés. Les activités artistiques et sportives sont gérées par des structures externes comme les conservatoires ou les clubs. Vous assurez un suivi, mais vous ne dispensez pas directement ces enseignements spécialisés, n’est-ce pas ?
Mme Virginie Bray. Effectivement, nous ne dispensons aucun enseignement lié aux activités extrascolaires des élèves. Cependant, en tant qu’école historique des enfants du spectacle, nos professeurs s’engagent dans des projets artistiques. Nous organisons de nombreux spectacles qui mettent en valeur les compétences croisées de nos élèves, permettant par exemple à des patineurs de chanter ou de danser sur scène.
M. Erwan Balanant, président. Ces enfants ont un volume d’activités important entre l’école, les devoirs et leurs pratiques sportives ou culturelles. Comment les accompagnez-vous ? Avez-vous un souci particulier du respect de leur rythme ? Bénéficiez-vous d’un accompagnement renforcé de psychologues ou d’infirmiers ? Existe-t-il un suivi médical et psychologique spécifique ?
M. Olivier Lestang, conseiller principal d’éducation. Notre organisation pédagogique est adaptée pour prendre en compte les contraintes liées aux compétitions, concerts ou spectacles qui peuvent avoir lieu le week-end ou tard en semaine. Nous avons mis en place un système spécifique permettant un contact permanent via des outils numériques avec les élèves et leurs familles, ainsi qu’un dispositif de rattrapage rapide.
Nous bénéficions des mêmes ressources que les autres établissements parisiens, avec une infirmière scolaire et l’accès aux ressources du rectorat. Notre petite structure nous permet un suivi individualisé de tous les élèves. Nous maintenons des contacts étroits avec les structures partenaires, sans pour autant avoir de partenariat formalisé. Notre autonomie nous permet de travailler dans l’intérêt des enfants.
Mme Virginie Bray. Nous n’avons pas de dotation humaine supplémentaire, mais notre projet d’établissement s’organise autour de cet accompagnement spécifique.
M. Erwan Balanant, président. Vous n’avez donc pas plus d’infirmiers qu’une autre école ?
Mme Virginie Bray. Non, nous n’avons pas de dotation supplémentaire.
M. Erwan Balanant, président. N’avez-vous pas non plus de crédit spécifique pour un suivi psychologique des enfants ?
Mme Virginie Bray. Non. Cependant, notre petite structure nous permet une grande proximité et une attention particulière à chaque élève. Nous avons une infirmière à mi-temps et un médecin scolaire disponible régulièrement. Jusqu’à présent, nous n’avons pas identifié de besoins supplémentaires particuliers.
M. Erwan Balanant, président. Il est intéressant de constater que vous obtenez d’excellents résultats au brevet des collèges sans moyens supplémentaires par rapport à d’autres établissements. Vous avez un indice de position sociale (IPS) très élevé et peu d’élèves boursiers. Pouvez-vous confirmer que vos élèves sont issus de familles favorisées, pas nécessairement financièrement, mais socioculturellement ?
M. Olivier Lestang. Effectivement, nous avons beaucoup de parents avec un capital culturel incontestable. Beaucoup sont intermittents du spectacle, musiciens, professeurs de conservatoire, danseurs, ou travaillent dans le cinéma ou la musique. Ceci explique l’IPS élevé du collège.
M. Erwan Balanant, président. Je comprends que cet environnement socioculturel favorable contribue à vos excellents résultats scolaires, tout en permettant aux élèves de poursuivre des activités artistiques ou sportives de haut niveau. Pensez-vous que votre modèle pourrait être décliné ailleurs ? Personnellement, je trouve l’idée d’une école alliant réussite scolaire et activités culturelles ou sportives intenses très attrayante.
Mme Virginie Bray. Le bon fonctionnement de notre établissement repose en grande partie sur la motivation des élèves qui choisissent d’y venir, plutôt que de se le voir imposer. Leur attitude positive facilite notre accompagnement et notre réussite. Bien que le développement et la généralisation de ce modèle soient souhaitables, je ne peux garantir un succès à 100 % partout. Néanmoins, l’approche est globalement positive, et Monsieur Lestang y est très favorable.
M. Olivier Lestang. Un autre aspect intéressant est le rapport particulier de nos élèves aux adultes. Tous ont l’habitude d’interagir avec des adultes qui les font progresser dans leurs activités extrascolaires, qu’il s’agisse de danse, de patinage ou autre. Cette expérience se traduit par une confiance a priori envers les adultes du collège, contrastant avec la défiance rencontrée ailleurs. Nous nous efforçons d’être à la hauteur de cette confiance au quotidien.
M. Erwan Balanant, président. Vous soulignez que la confiance mutuelle entre l’enfant et l’adulte pourrait être une valeur cardinale dans l’éducation. Cette piste de réflexion est effectivement intéressante pour l’ensemble de notre système scolaire. J’aimerais aborder la question de l’accompagnement des enfants absents, notamment ceux retenus pour des castings ou des tournages. Comment gérez-vous leur suivi scolaire pendant ces absences, sachant qu’il y a des obligations légales de poursuivre leur scolarité ? Maintenez-vous le contact avec eux ? Comment rattrapent-ils le retard à leur retour ? Enfin, faites-vous partager leur expérience aux autres élèves ? Cet aspect pourrait être bénéfique pour libérer la parole de l’enfant et vous permettre, en tant que pédagogues, d’évaluer le bon déroulement de leur expérience. Si vous ne le faites pas, avez-vous envisagé cette approche ?
M. Olivier Lestang. Nous avons mis en place plusieurs dispositifs pour gérer les absences prolongées. Nous maintenons le contact avec les familles grâce aux outils numériques. Notre équipe pédagogique, très engagée dans le projet de l’établissement, utilise un système de binômes et de chemises. Les élèves ou leurs parents peuvent récupérer les cours chaque jour si nécessaire. Nous utilisons également Pronote pour partager les devoirs et les cours.
Cependant, nous n’avons pas de contrôle sur ce qui se passe sur les plateaux de tournage. Dans mes expériences précédentes, certains élèves revenaient sans avoir travaillé pendant des mois, entraînant un problème pour la suite de leur scolarité. Nous ne rencontrons pas ce type de difficulté ici.
Concernant la communication d’éventuels problèmes, les spectacles occupent une place importante dans notre projet d’établissement. Les élèves gèrent eux-mêmes une grande partie de l’organisation technique, encadrés par des professeurs. Cette autonomie favorise une communication rapide en cas de difficulté. Il existe un véritable esprit collectif entre nos élèves, qui s’approprient leur école. Si quelqu’un ne se sent pas bien, nous sommes informés très rapidement.
Mme Virginie Bray. Le sentiment d’appartenance est effectivement fort dans notre établissement. La petite taille de l’école permet aux élèves de bien connaître leurs professeurs, qu’ils gardent souvent tout au long du collège. En cas d’absence prolongée, les professeurs sont informés et font preuve de bienveillance au retour de l’élève pour lui permettre de rattraper son retard.
Nous utilisons un système d’accompagnement personnalisé, en utilisant les dotations horaires du dispositif « devoirs faits ». Plusieurs professeurs et surveillants sont disponibles pour ces accompagnements individualisés. Le rattrapage se fait au cas par cas, bien que ce ne soit pas parfait et que nous cherchions constamment à nous améliorer.
Pendant les absences, nous ne pouvons pas surveiller ce qui est fait. Nous nous concentrons sur l’envoi du travail et l’accompagnement au retour. Malgré ces défis, les élèves s’en sortent généralement bien.
M. Erwan Balanant, président. Considérant les obligations conventionnelles existantes, comme la présence d’un référent enfant sur les tournages, envisagez-vous de rendre obligatoire un lien entre l’établissement et l’enfant pendant ces périodes ? Une concertation pourrait permettre de mieux surveiller le retard scolaire et d’assurer un accompagnement adéquat. Il est compréhensible qu’un enfant de 13 ans sur un tournage ne se préoccupe pas prioritairement de ses devoirs. Comment pourrait-on améliorer cet encadrement pour avoir un regard adulte plus attentif sur un enfant en tournage ?
Mme Virginie Bray. Il serait effectivement bénéfique d’avoir une personne sur place qui ferait le lien avec le collège, récupérerait le travail et aiderait l’élève à rester mobilisé sur ses études pendant les moments libres. Cette personne pourrait l’encadrer sur la méthodologie, limitant ainsi la prise de retard. Monsieur Lestang compare cette situation à celle des enfants du cirque. On pourrait même s’inspirer du dispositif mis en place pour les enfants hospitalisés, qui bénéficient d’un suivi avant leur retour en classe.
M. Erwan Balanant, président. Pour clarifier, vos élèves ont en réalité deux heures quarante-cinq de cours de moins que les enfants dans le système classique et, malgré cela, vous obtenez les mêmes résultats.
Mme Virginie Bray. L’élémentaire suit ce modèle. Au collège, la situation varie selon les classes. Nos séances durent cinquante minutes au lieu de cinquante-cinq dans les autres établissements, et nous n’avons que vingt-cinq créneaux. Les horaires réglementaires du collège sont de vingt-cinq heures en sixième et vingt-six heures dans les autres niveaux. Nous ne pourrions pas couvrir l’ensemble des horaires.
Pendant quelques années, nous n’avions pas d’éducation physique et sportive (EPS). Depuis quatre ou cinq ans, l’EPS a été réintroduite en sixième, puis en troisième l’année dernière. Nous travaillons actuellement à rétablir l’EPS dans les quatre niveaux du collège. Sans atteindre la totalité des horaires réglementaires, nous visons deux heures sur trois si tout se passe bien. Notre approche est axée sur l’EPS santé, en étant vigilants sur le type d’activités pour éviter les blessures, que ce soit pour la musique ou le sport. Cet objectif répond également à l’anxiété forte concernant les résultats scolaires, révélée par les sondages et les enquêtes. Nous espérons que le développement de l’EPS santé aidera les élèves à prendre du recul par rapport à cette pression qu’ils peuvent ressentir.
M. Erwan Balanant, président. Les collèges classiques peinent à mettre en place les trois heures obligatoires de sensibilisation à la vie affective. Comment le gérez-vous ? Pouvez-vous partager vos expériences en matière de prévention et de relation entre élèves et adultes ? Vous avez mentionné la confiance qui peut exister avec un maître d’armes, un coach sportif ou un professeur de danse, mais il peut aussi y avoir un risque d’emprise. Comment abordez-vous ces sujets importants, sachant que vous disposez de moins de temps que les autres établissements qui n’y parviennent déjà pas ?
Mme Virginie Bray. Notre équipe compte peu de professeurs. Nous avons un seul professeur de sciences de la vie et de la Terre (SVT) qui enseigne ces sujets et fait intervenir des personnes extérieures issues d’associations. Dans le cadre du comité d’éducation à la santé, à la citoyenneté et à l’environnement (CESCE), nous organisons diverses interventions citoyennes à plusieurs niveaux, dont certaines sur la santé. Nous collaborons également avec l’infirmière qui participe à ces interventions.
M. Erwan Balanant, président. Concernant la sexualité, la vie affective et la question du consentement, notamment dans le cadre de certaines activités, avez-vous des sensibilisations particulières ? Estimez-vous au contraire que votre connaissance des partenaires et des acteurs ne requiert pas ce besoin ? Comment abordez-vous cette question ?
Mme Virginie Bray. Nous ressentons le besoin d’aborder ces sujets, peut-être même plus qu’ailleurs, en raison des activités avec des partenaires extérieurs. Nous organisons de nombreuses interventions sur des thèmes connexes. En général, chaque thématique cible un niveau spécifique pour s’assurer que tous les élèves soient formés au cours de leur cursus.
M. Erwan Balanant, président. Que deviennent vos élèves après le brevet des collèges ? Dans quels types de lycées sont-ils accueillis ? N’existe-t-il pas un décalage important à surmonter pour s’adapter au modèle classique ? Comment se passe la transition pour ceux qui poursuivent des activités de haut niveau ? Certains intègrent-ils d’autres écoles avec des cursus aménagés ? Une représentante de la Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE) a rapporté dans la presse que beaucoup d’élèves de troisième sont déçus au moment de trouver un lycée. Certains se retrouvent dans le privé hors contrat, très coûteux, d’autres dans le public général, en pratiquant à côté. Le modèle pédagogique semble prometteur, mais plusieurs élèves rencontrent des difficultés. Partagez-vous ce constat ? Envisagez-vous d’étendre votre modèle aux lycées ? En existe-t-il qui fonctionnent sur le même modèle ?
Mme Virginie Bray. Notre expérience est différente. Nos élèves de troisième poursuivent en seconde. Parmi eux, 40 % optent pour des dispositifs similaires avec des horaires aménagés en théâtre, musique, danse ou sport. Le lycée Bergson les accueille en priorité. D’autres choisissent des établissements selon leur intégration au conservatoire régional ou à des sports spécifiques. Tous ceux qui souhaitent continuer en horaires aménagés trouvent une place.
Récemment, nous avons rencontré une problématique avec des collégiens plus fragiles scolairement, moins orientés vers des études générales. Depuis deux ou trois ans, deux lycées professionnels à Paris proposent des horaires aménagés permettant de poursuivre leur activité. Beaucoup d’élèves choisissent de revenir à un cursus plus classique, un choix qui se passe bien. Nous recevons régulièrement les bulletins scolaires des élèves de seconde que nous comparons avec ceux de leur troisième. Les résultats sont généralement similaires, sans surprise majeure. Les retours des élèves sont plutôt positifs. Il existe une inquiétude des parents dès la quatrième concernant l’orientation et l’affectation.
Il y a quelques années, une modification de l’affectation en lycée a été effectuée. Le lycée Brassens a été rattaché au lycée Bergson, suscitant beaucoup d’inquiétudes à l’époque. Actuellement, l’anxiété des parents persiste concernant l’affectation en lycée, bien que la situation se soit améliorée depuis deux ans. Les parents craignent principalement que l’orientation en lycée ne soit pas compatible avec le projet sportif ou artistique de leur enfant. Nous nous efforçons de les accompagner au mieux, notamment en termes de communication.
Les statistiques montrent que plus de 85 % des élèves obtiennent l’un de leurs trois premiers vœux d’affectation en lycée. Tous ceux qui demandent un cursus spécifique en horaires aménagés l’obtiennent. Le lycée Bergson est situé dans le 19e arrondissement, au nord des Buttes Chaumont. Certains élèves choisissent de partir dans le privé, notamment au lycée Diagonale, un établissement privé hors contrat du 5e arrondissement, qui offre une grande flexibilité dans les aménagements horaires.
M. Erwan Balanant, président. Au sujet de l’implication des parents, avez-vous mis en place des outils pour détecter les situations où ils pousseraient trop leurs enfants ? Organisez-vous des rendez-vous plus fréquents qu’ailleurs avec les parents et les enfants ? Avez-vous déjà été confrontés à des situations où vous sentiez que des parents allaient trop loin dans l’incitation de leur enfant à s’entraîner davantage ? Si oui, quelles mesures avez-vous prises pour gérer ces situations ?
Mme Virginie Bray. Nous maintenons un lien étroit avec les parents, qui sont très présents et nous sollicitent fréquemment. Monsieur Lestang entretient cette relation et nous nous efforçons d’être réactifs. Notre petit établissement favorise une communication ouverte avec les élèves, nous permettant d’être bien informés d’éventuels problèmes.
Nous sommes attentifs aux situations où les parents pourraient être trop présents ou oppressants. En fonction de la situation, nous communiquons soit avec les parents, soit directement avec les organismes concernés par l’activité. Nous faisons appel à l’infirmière et au médecin scolaire si nécessaire.
Dans les cas plus inquiétants, nous pouvons faire une déclaration d’information à la cellule départementale de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes (CRIP), qui peut déboucher sur une enquête sociale.
M. Erwan Balanant, président. Avez-vous déjà eu recours à une information préoccupante menant à une enquête ?
Mme Virginie Bray. Oui, mais rarement, de l’ordre d’une fois par an maximum. Nous sommes formés à transmettre une information préoccupante dès que nous avons un doute ou une inquiétude. Cependant, le nombre de cas reste faible comparé à un établissement classique.
M. Erwan Balanant, président. Quel est votre sentiment sur le suivi de ces informations préoccupantes ? Êtes-vous bien associés aux conséquences et aux suites données ? Estimez-vous que ces informations sont suffisamment suivies d’effets ? Avez-vous un retour d’expérience avec les services de l’enfance sur ce sujet ?
M. Olivier Lestang. Nous ne sommes pas toujours informés des décisions judiciaires, sauf si elles ont un impact direct sur l’établissement. Cependant, nous sommes en contact régulier avec les services de l’aide sociale à l’enfance pour les élèves qui bénéficient d’une mesure éducative. Nous échangeons sur leur situation, car le regard croisé est indispensable.
Mme Virginie Bray. Il s’agit souvent d’élèves qui sont arrivés dans l’établissement avec un suivi déjà en place qui existe pour des raisons pas nécessairement liées à l’activité artistique ou sportive.
M. Erwan Balanant, président. Avez-vous déjà été alertés sur des situations potentiellement maltraitantes dans les écoles de théâtre ou de musique partenaires ? Si oui, avez-vous engagé un dialogue approfondi avec ces structures pour améliorer les pratiques ? Avez-vous déjà effectué des signalements concernant des structures dont les pratiques vous semblaient inadaptées à l’enfance ?
M. Olivier Lestang. Notre capacité d’intervention sur les méthodes pédagogiques des structures partenaires est limitée. Les familles connaissent généralement ces structures avant l’inscription. Certaines ont des méthodes plus traditionnelles, notamment dans le domaine de la danse ou du patinage artistique. Notre rôle est d’éclairer les parents ou les élèves si ces méthodes ne leur conviennent pas et éventuellement de suggérer une réorientation.
Je n’ai personnellement jamais constaté de maltraitance. Nous sommes particulièrement vigilants concernant les situations d’emprise, notamment à la suite du témoignage qui a déclenché votre commission d’enquête. Dans le cas de la danse, je n’ai pas observé de telles situations. Notre priorité est de détecter rapidement tout signe de détresse chez un enfant et d’agir, le cas échéant, sans délai.
M. Erwan Balanant, président. Il est important d’être vigilant sur les méthodes d’apprentissage, particulièrement dans ces milieux. Sans donner de leçons à d’autres pédagogues, nous devons être attentifs aux risques d’emprise d’un adulte sur une jeune femme ou une enfant, ainsi qu’aux pratiques pédagogiques potentiellement harcelantes ou basées sur un rapport de force. En tant que structure publique, vous devez être en mesure de signaler toute alerte concernant ces problématiques.
Mme Virginie Bray. Nous avons eu des situations remontées par les élèves, impliquant parfois des tensions au sein d’un club avec un entraîneur. M. Lestang est intervenu et ces situations ont été résolues par le dialogue. Ces cas se produisent généralement lorsque nous avons plusieurs élèves dans le même club. Ces clubs, qui ont souvent besoin de nous, sont très attentifs à nos informations et réactifs à nos alertes. Jusqu’à présent, aucune situation n’a nécessité un signalement officiel.
M. Erwan Balanant, président. Je voudrais savoir si ce type de structure existe dans d’autres régions. Êtes-vous unique en France ou existe-t-il des villes ou des régions ayant une structure similaire ?
Mme Virginie Bray. À ma connaissance, notre structure est unique. Notre établissement se distingue par son dispositif d’unité localisée pour l’inclusion scolaire (Ulis). Cependant, il existe des similitudes avec les classes à horaires aménagés dans d’autres collèges et lycées. La principale différence réside dans le fait que nos élèves sont recrutés sur candidature pour une activité spécifique. Certains établissements proposent des cours supplémentaires de sport ou de danse en interne, mais ce n’est pas notre cas.
M. Erwan Balanant, président. Je suppose que certains sports études doivent fonctionner de manière similaire à votre établissement ?
Mme Virginie Bray. Probablement, mais je n’ai pas d’information spécifique à ce sujet.
M. Erwan Balanant, président. D’un point de vue juridique, quel dispositif vous permet de faire des sélections ? Dans les sport-études, les sélections sont basées sur des critères objectifs de performance ou de potentiel. Comment procédez-vous ?
Mme Virginie Bray. L’affectation dans notre établissement est décidée par le directeur académique, qui nous délègue la responsabilité de fournir des informations pour classer les dossiers des élèves. Ce processus est supervisé par les inspecteurs qui ont validé nos critères de sélection.
Concernant le recrutement, nous avons abandonné les auditions en présentiel au profit de vidéos envoyées par les familles, une pratique lancée pendant la période du covid. Malgré la pression de certaines familles pour revenir aux auditions, je préfère maintenir ce système qui réduit le stress des candidats.
Notre recrutement ne se base pas uniquement sur le niveau, mais aussi sur l’engagement horaire. Par exemple, en école élémentaire, nous recrutons des élèves avec seulement un an de pratique instrumentale.
M. Erwan Balanant, président. Je note que votre modèle fonctionne bien et j’aimerais avoir des chiffres précis pour confirmer votre fonctionnement à moyens constants. À mon avis, ce modèle mériterait d’être développé, notamment dans d’autres régions. La particularité intéressante de votre approche est sa pluridisciplinarité, mélangeant sports et pratiques artistiques, contrairement aux classes sport-études traditionnelles qui se concentrent sur une seule discipline. Il serait bénéfique que vous partagiez votre expérience avec d’autres.
M. Olivier Lestang. Je pense que ce type de structure contribue au rayonnement du pays. Nous avons des élèves qui participent à des compétitions internationales, comme, dernièrement, le championnat du monde d’échecs en Italie ou de patinage sur glace à Taïwan. L’idée serait de créer un pôle pluridisciplinaire d’excellence, non pas basé sur les notes, mais sur la créativité et l’engagement. Cette pratique pourrait avoir un effet d’entraînement formidable.
M. Erwan Balanant, président. Au-delà de l’excellence et de la performance, l’épanouissement de nos enfants est crucial. Offrir des horaires aménagés pour la pratique sportive, même ludique et pas nécessairement basée sur la performance, peut mener à de bons résultats. Notre système éducatif est peut-être trop axé sur le rendement et les résultats, alors que, avec moins d’heures de cours mais un accompagnement adapté, on peut également réussir. Merci beaucoup pour vos témoignages.
La séance s’achève à quinze heures cinq.
Présents. – M. Pouria Amirshahi, M. Erwan Balanant