Compte rendu
Commission d’enquête
sur les manquements
des politiques publiques
de protection de l’enfance
– Audition, ouverte à la presse, de Mme Josiane Bigot, corapporteure de l’avis « La protection de l’enfance est en danger » du Conseil économique, social et environnemental (Cese) 2
– Audition, ouverte à la presse, de Mme Claire Hédon, Défenseure des droits, et M. Eric Delemar, Défenseur des enfants, accompagnés de Mme Marguerite Aurenche, cheffe du pôle « Droits de l’enfant », et Mme Nathalie Lequeux, juriste au pôle « Droits de l’enfant » 13
– Présences en réunion................................29
Mardi
12 novembre 2024
Séance de 17 heures
Compte rendu n° 2
session ordinaire de 2024-2025
Présidence de
Mme Laure Miller,
Présidente
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La séance est ouverte à dix-sept heures.
La Commission procède à l’audition, ouverte à la presse, de Mme Josiane Bigot, corapporteure de l’avis « La protection de l’enfance est en danger » du Conseil économique, social et environnemental (Cese).
Mme la présidente Laure Miller. Je suis heureuse d’ouvrir les travaux de la commission d’enquête sur les manquements des politiques publiques de protection de l’enfance et remercie les députés ayant fait le choix de la rejoindre. La précédente commission d’enquête sur ce sujet avait entamé ses travaux en mai dernier mais n’avait pas pu les achever, en raison de la dissolution de l’Assemblée nationale.
Depuis, le Conseil économique, social et environnemental (Cese) a adopté un avis intitulé « La protection de l’enfance en danger : les préconisations du Cese », rendu public il y a un mois. En accord avec la rapporteure, j’ai souhaité que les travaux de la nouvelle commission d’enquête s’ouvrent avec l’audition de Mme Josiane Bigot, corapporteure de cet avis. La protection de l’enfance et la promotion des droits de l’enfant jalonnent votre parcours professionnel et militant. Vous avez en effet exercé en qualité de juge des enfants pendant près de quinze ans et avez publié le livre Des enfants sans voix ni lois. Vous avez également présidé, entre autres, l’association Themis en faveur de l’accès aux droits pour les enfants et les jeunes, ainsi que la Convention nationale des associations de protection de l’enfant (Cnape).
L’avis que vous avez récemment présenté avec Mme Élisabeth Tomé‑Gertheinrichs pointe la crise systémique que traverse la protection de l’enfance. Vous alertez sur les dysfonctionnements qui persistent, voire s’aggravent, et sur le décalage entre les lois existantes et leur application sur le terrain. Alors que la protection de l’enfance est en danger, votre expérience et votre témoignage sont précieux pour notre commission d’enquête. Partageant avec vous la nécessité de placer l’enfant au cœur du dispositif, nous serons à l’écoute de vos recommandations.
J’ai noté que votre rapport soulevait des questions que la commission d’enquête avait déjà abordées, notamment celle de l’invisibilité statistique en matière de protection de l’enfance. Vous évoquez aussi la nécessité d’avoir un État stratège qui puisse définir les grandes orientations de la politique dans ce domaine mais qui puisse aussi – ce qui n’est pas toujours le cas – garantir sa mise en œuvre dans les territoires. Vous proposez également de cadrer davantage les départements, en conditionnant notamment les financements supplémentaires versés dans le cadre de la contractualisation au respect de leurs obligations – s’agissant, par exemple, de l’établissement d’un projet pour l’enfant (PPE). Évoquant le handicap, vous suggérez la systématisation des conventions entre l’aide sociale à l’enfance (ASE), les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) et l’agence régionale de santé (ARS). Sur 70 000 enfants pris en charge par l’ASE, 25 000 seulement bénéficient d’un accompagnement médico-social.
Je précise que notre audition est retransmise en direct sur le site de l’Assemblée nationale et que son enregistrement vidéo sera ensuite disponible à la demande. L’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d’enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.
(Mme Josiane Bigot prête serment.)
Mme Josiane Bigot, corapporteure de l’avis « La protection de l’enfance est en danger » du Conseil économique, social et environnemental. Je vous remercie de nous recevoir car il est essentiel que le Cese puisse présenter l’avis qu’il a rendu, en réponse à une demande du Sénat, sur l’évaluation des lois de 2016 et de 2022. J’ai rejoint le Cese en 2021, au moment où un poste libéré dans le champ de la protection de l’enfance était proposé à la Cnape. Siégeant habituellement au sein de la commission « Éducation, culture et communication », j’ai rejoint la commission « Affaires sociales » lorsqu’elle a été désignée pour travailler sur cette demande d’avis.
Ma corapporteure Élisabeth Tomé‑Gertheinrichs a un parcours différent du mien ; cela nous aura permis, je crois, de nous compléter habilement. Ayant une formation de directrice d’hôpital, elle a exercé de nombreuses missions dans les ministères, notamment en tant que directrice de cabinet d’une secrétaire d’État chargée de la famille. Elle a ensuite rejoint le Mouvement des entreprises de France (Medef), dont elle est l’actuelle représentante au Cese. Actuellement en mission en outre-mer, elle regrette fort de ne pouvoir être présente aujourd’hui : elle mesure en effet l’importance de notre avis dans le contexte de la suspension contrainte de vos travaux. Nous avons d’ailleurs débuté nos auditions en entendant votre rapporteure, Isabelle Santiago, ainsi que les sénatrices à l’origine de la saisine du Cese – dont Laurence Rossignol. Nous avons également entendu Adrien Taquet, que vous devriez recevoir sous peu.
Nos travaux ont débuté en avril et notre avis, adopté à la quasi-unanimité, a été rendu le 8 octobre. Dans ce délai très court, nous avons organisé des tables rondes et des auditions des acteurs de la protection de l’enfance, usagers comme professionnels.
Alors qu’il existait déjà plusieurs rapports sur le sujet, notamment du Sénat, quelle plus-value notre avis pouvait-il avoir ? Rappelons d’abord que le Cese rassemble les représentants des citoyens organisés. Répartis dans une vingtaine de groupes, des conseillers d’horizons très divers représentent les syndicats, pour la moitié d’entre eux, mais aussi le monde associatif et celui de l’environnement.
L’enjeu, pour notre commission, a consisté à trouver des voies d’entente sur un sujet que certains maîtrisaient tandis que d’autres le découvraient. Sans doute cela explique-t‑il le regard quasi holistique que nous y avons porté. Partant du même constat et des mêmes chiffres que vous, nous nous sommes efforcés d’identifier les moyens de remédier à la situation paradoxale que connaît notre pays. D’un côté, nous avons un excellent arsenal législatif. La loi de 2007, au fondement de celles de 2016 et 2022, a donné aux présidents des conseils départementaux la responsabilité de la protection de l’enfance. Les trois textes, qui placent l’enfant au cœur du dispositif, forment un ensemble cohérent. D’un autre côté, pourtant, le secteur vient de traverser une crise très grave dont il est loin d’être sorti. Certains d’entre vous ont d’ailleurs pris part au mouvement des professionnels, baptisé « les 400 000 » en référence au nombre d’enfants pris en charge par la protection de l’enfance. Rappelant le manque de moyens budgétaires et humains – 40 % des postes sont vacants –, ces professionnels revendiquaient simplement de pouvoir exercer leur mission.
Le syndicat de la magistrature, dont je suis membre depuis plus de quarante ans, a mené de son côté une enquête sur le volet judiciaire de la protection de l’enfance. Il en ressort notamment une information alarmante pour l’ancienne juge des enfants que je suis : 70 % des magistrats indiquent ne plus prendre les mesures nécessaires pour protéger les enfants, sachant qu’elles ne seront pas mises à exécution. Quid des enfants ? Cette enquête certes partielle, à laquelle n’ont répondu que ceux qui le souhaitaient, n’en est pas moins affolante. Le directeur de la protection de l’enfance de la collectivité européenne d’Alsace m’a quant à lui indiqué que 400 mesures – un nombre considérable – y étaient actuellement non exécutées.
Nous nous sommes vite accordées sur les mots-clés sur lesquels se fonderaient nos recommandations : le déficit d’une ambition collective ; la désorganisation institutionnelle ; l’épuisement et le découragement des acteurs. L’ensemble de ces constats aboutit à ce qu’aujourd’hui, la protection de l’enfance soit en danger.
Comment rendre à chaque enfant le droit, qui est le sien, d’être protégé ? Telle est la question à laquelle nos préconisations tentent de répondre. Avant de les détailler, je rappelle que le président du Sénat nous a saisies sur les lois de protection de l’enfance, ce qui exclut le sujet de l’enfant en conflit avec la loi.
D’abord, il nous semble nécessaire de mettre fin à la désorganisation institutionnelle ; c’est le premier des piliers sur lesquels repose notre avis. Nous partageons le constat que l’État s’est trop désengagé et déresponsabilisé. Il est pourtant régulièrement rappelé à ses devoirs lorsque la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) le condamne pour n’avoir pas mis en œuvre l’ensemble des moyens qui auraient permis de protéger un enfant. Alors que l’État est le garant de l’égalité de traitement des citoyens, il est frappant de constater qu’il existe une cruelle inégalité territoriale entre les enfants dans notre pays.
Il est donc indispensable de redéfinir un nouveau cadre. De nombreux travaux ont déjà été menés en ce sens, aboutissant notamment à la création du groupement d’intérêt public (GIP) France Enfance protégée, mais la question n’a jamais été prise à bras-le-corps. Nous n’avons pu, bien sûr, éviter de mentionner le rapport Woerth sur la décentralisation, mais nous avons décidé de ne pas nous engager dans cette voie : ce qu’il faut selon nous, ce n’est pas recentraliser mais réintroduire l’État comme garant. Ayant débuté comme juge des enfants il y a quarante ans, j’ai été témoin du bazar qui a suivi le transfert de la protection de l’enfance de l’État vers les départements. Il est hors de question, alors que le secteur va déjà si mal, de recréer un autre bazar !
Il faut donc permettre à l’État de reprendre son rôle. Pour cela, il convient d’abord de remédier à l’absence totale de statistiques, qui empêche d’identifier les besoins et les défaillances. Nous préconisons d’octroyer au GIP, auquel la loi a confié cette mission via les observatoires départementaux de protection de l’enfance (ODPE), les moyens de l’exercer. Il faut notamment qu’il puisse obtenir à tout moment, de la part de chaque département, un état des lieux des besoins, des capacités d’accueil et d’accompagnement – mais aussi du nombre de mesures décidées et non exécutées, que nous n’avons aucun moyen de connaître. Si j’ai pu vous donner celui de l’Alsace, c’est parce que le directeur de la protection de l’enfance a bien voulu me le donner.
Nous préconisons aussi d’adopter en urgence une stratégie interministérielle comme celle que nous avons connue du temps où Charlotte Caubel était rattachée directement au premier ministre. C’est indispensable pour que puissent être rassemblés à tout moment des éléments issus de l’ensemble des ministères concernés par la protection de l’enfance.
Ainsi renseigné, l’État pourra procéder à une évaluation puis à une indispensable péréquation financière entre les départements, éventuellement assortie d’incitations. Nous préconisons à cet égard d’élargir le champ de la contractualisation, qui a commencé du temps d’Adrien Taquet et concerne désormais quatre-vingt-dix départements. Ce levier doit permettre d’apprécier la façon dont ceux-ci mettent en œuvre la protection de l’enfance.
Une autre de nos préconisations concerne le comité départemental de protection de l’enfance (CDPE), instauré à titre expérimental par la loi de 2022 et au sujet duquel le représentant de l’un des dix départements concernés, lors de son audition, s’est déclaré très satisfait. Les CDPE obligent en effet les acteurs de la protection de l’enfance à se coordonner. Je ne disconviens pas que la justice, en particulier, agisse dans ce domaine comme un électron libre – les départements reprochant souvent aux magistrats d’être les ordonnateurs et non les payeurs. Un débat a eu lieu au sein de notre commission entre ceux qui considéraient que les CDPE devaient être généralisés – j’en fais partie – et ceux, plus prudents, qui préféraient qu’une évaluation soit menée au préalable. De ce fait, nous demandons une évaluation rapide du dispositif permettant, le cas échéant, sa généralisation.
J’en viens à notre deuxième pilier : comment mieux protéger les enfants ? Les lois ont certes tissé un système permettant de protéger les enfants, mais elles ne sont pas respectées. Le PPE, instauré par la loi de 2007, n’est par exemple pas encore mis en œuvre dans tous les départements. Nous préconisons de rendre effective l’obligation qui pèse à cet égard sur les départements, de telle sorte que l’ensemble des intervenants s’en préoccupent.
Nous préconisons aussi le développement de toutes les actions possibles en matière de prévention primaire. Cela implique de soutenir davantage les parents, qui sont les premiers garants de la protection de leur enfant, mais aussi d’être en mesure de repérer les enfants en situation de maltraitance ou de mal-être.
La réunion est suspendue de dix-sept heures trente à dix-sept heures cinquante.
Mme Josiane Bigot. Nous proposons que l’ensemble des personnes intervenant auprès des enfants suivent pour cela une formation. Cette exigence figure d’ailleurs dans la Convention européenne de Lanzarote ratifiée par la France en 2010, mais elle n’est pas respectée.
Nous préconisons également, suivant l’avis des enfants protégés que nous avons auditionnés, la diversification des modes de prise en charge. Tous ont une préférence pour les petites unités voire pour les familles d’accueil qui, malheureusement, sont de moins en moins nombreuses. Nous proposons aussi le développement du milieu ouvert et le renforcement, dans ce cadre, des interventions auprès des familles ; cela implique de réduire le nombre de situations suivies par chaque travailleur social.
Nous nous sommes enfin intéressées aux enfants présentant une double vulnérabilité : dans la mesure où 50 % de ceux qui sont pris en charge par la protection de l’enfance présentent un handicap, il est urgent de proposer des lieux de prise en charge pluriprofessionnelle et de contraindre l’ASE, les MDPH et les ARS à travailler ensemble.
Le fil conducteur de l’avis est l’intérêt supérieur de l’enfant, que nous avons défini comme une dialectique entre ses besoins et ses droits.
J’en viens à notre troisième pilier, qui consiste à mieux respecter les droits des enfants. Notre première recommandation est la présence systématique d’un avocat aux côtés d’un enfant pris en charge par la protection de l’enfance, et à plus forte raison dans le cadre d’une procédure judiciaire. La loi du 5 mars 2007 portant protection de l’enfance a bien failli inclure cette disposition ; Valérie Pécresse, alors rapporteure de l’Assemblée nationale sur ce texte, avait déposé un amendement en ce sens, mais la mesure n’avait finalement pas été retenue en raison de son coût.
Notre deuxième préconisation est de donner un véritable statut aux administrateurs ad hoc, qui ont été introduits par le législateur et qui sont de plus en plus sollicités. Leur mission auprès des enfants est très délicate, mais aucune formation obligatoire ne s’impose à eux et ils ne font pas l’objet de contrôles, ce qui met en cause leur fiabilité. Leur rémunération, qui dépend du ministère de la justice, est également un problème. Je rappelle qu’un administrateur ad hoc ne perçoit que 200 euros pour représenter les intérêts d’un enfant, même si celui-ci se trouve dans une situation très grave et fait l’objet d’une procédure criminelle qui peut durer plusieurs années. Les départements complètent cette somme lorsque cette mission est accomplie par une association, mais pas lorsqu’il s’agit d’un administrateur individuel, qui doit en outre assurer lui-même sa formation. Je m’arrête là, mais il y aurait beaucoup à dire sur cette question.
Notre troisième recommandation est de s’assurer que tous les dispositifs d’accompagnement des jeunes majeurs, particulièrement ceux introduits par la loi Taquet, sont opérationnels et effectifs. C’est pourquoi nous proposons de confier une mission de contrôle systématique à l’Inspection générale des affaires sociales (Igas).
Enfin, quatrième préconisation, nous proposons de créer une autorité indépendante de contrôle à même de se rendre à n’importe quel moment et sans obstacle dans une structure d’accueil. Les enfants eux-mêmes seraient informés de son existence et auraient la possibilité de la saisir. Certes, les départements et les magistrats peuvent déjà procéder à des contrôles, mais ils ne le font pas, sachant que cela revient de toute façon à se contrôler soi-même. Une autorité indépendante aurait donc une portée différente, mais une telle mesure relève du domaine législatif ; elle ne pourrait donc venir que de vous, mesdames et messieurs les députés.
Le quatrième pilier est celui sans lequel le système de protection de l’enfance ne tiendrait pas : les professionnels. Or en raison du manque d’attractivité et de reconnaissance des métiers, les assistants familiaux et les techniciens de l’intervention sociale et familiale (TISF) sont de moins en moins nombreux. Souvenons-nous de la période du covid : les travailleurs sociaux sont restés auprès des enfants, mais n’ont pas été applaudis et n’ont pas immédiatement obtenu une prime dans le cadre du Ségur ; il a fallu batailler. Il y a beaucoup à faire pour revaloriser leurs conditions de travail et reconnaître leur action comme essentielle, afin de remédier au manque de candidats pour intégrer les écoles de travail social.
Il convient également de prendre un décret relatif aux normes d’encadrement, car s’il en existe s’agissant de l’enfance et de la petite enfance, ce n’est curieusement pas le cas en ce qui concerne la protection de l’enfance. Ce décret est prêt, la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) y ayant travaillé et le Conseil national de la protection de l’enfance (CNPE) s’étant prononcé, mais il est bloqué, car l’introduction de telles normes coûtera cher et contraindra certains établissements à recruter.
J’ajoute que la commission « Travail et emploi » du Cese envisage d’engager une nouvelle réflexion en vue de renforcer l’accompagnement à long terme des parcours professionnels des travailleurs sociaux. Chacun comprend qu’il est difficile de travailler dans la protection de l’enfance pendant quarante ans et qu’il est nécessaire de prévoir des possibilités d’évolution et des passerelles. Il faut également que les travailleurs sociaux, qui ont souvent reçu une formation très généraliste, aient accès à des formations renforcées. Ils doivent en effet être préparés à la gestion de relations familiales et aux situations de violences intrafamiliales ou de grande pauvreté.
En conclusion, nous souhaitons que les responsables politiques ne soient pas les seuls à s’engager dans le domaine de la protection de l’enfance, mais que la société dans son ensemble se sente concernée par les dangers que courent certains enfants. Or, pour que la protection de l’enfance soit reconnue comme une nécessité publique, il faut mobiliser beaucoup de moyens. C’est pour cette raison que nous proposons l’élaboration d’un code de l’enfance qui regrouperait toutes les dispositions éparses relatives à leurs droits, qui figurent aussi bien dans le code civil, dans le code pénal, dans le code de la famille, que dans le code de l’éducation. Nous estimons qu’une telle démarche confèrerait à l’enfant un statut particulier, sans que cela ne le sorte pour autant de la cellule familiale. Je le précise d’emblée, car c’est la crainte qu’ont exprimé certains membres du Cese lorsque cette idée leur a été soumise. La Convention des droits de l’enfant n’aurait pas vu le jour si nous avions estimé qu’accorder des droits aux enfants revenait à supprimer l’autorité parentale.
Je vous remercie de votre attention et me tiens à votre disposition pour toute question, y compris par écrit ultérieurement.
Mme Isabelle Santiago, rapporteure. Tout d’abord, madame la rapporteure, chère Josiane, je tenais à vous féliciter, ainsi que votre corapporteure, Élisabeth Tomé-Gertheinrichs, pour l’adoption de votre avis par l’ensemble du Cese. Je n’ai pu assister au vote, car au même moment l’Assemblée nationale approuvait à l’unanimité la relance de cette commission d’enquête. J’en profite pour remercier tous mes collègues : c’est un signe très important de l’engagement des parlementaires.
À la lecture de votre avis, je constate que nous travaillons nous-mêmes sur nombre des points que vous avez abordés, lesquels entrent d’ailleurs dans le champ de cette commission d’enquête, ainsi que de travaux conduits au Sénat.
C’est ce dernier qui, à l’origine, a saisi le Cese sur la question de la protection de l’enfance. J’aimerais donc d’abord savoir si vous avez eu l’occasion de présenter votre travail aux sénateurs, mais aussi au gouvernement – le cas échéant, à qui –, ainsi qu’à l’association Départements de France. Et si ce n’est pas le cas, est-il prévu que vous le fassiez prochainement ?
Mme Josiane Bigot. Je vous remercie pour vos commentaires, madame la rapporteure.
Nous avons été immédiatement reçues par la ministre déléguée chargée de la famille et de la petite enfance, avant même, d’ailleurs, que la protection de l’enfance soit officiellement incluse dans son portefeuille. Elle s’est dite très intéressée par notre rapport et a semblé en accord avec certaines de nos préconisations, sans, bien sûr, qu’elle ne puisse prendre d’engagements à ce stade. L’une de ses conseillères doit prendre attache avec nous pour aller plus avant.
En ce qui concerne le Sénat, je suppose qu’un rendez-vous aura lieu. La commission des affaires sociales est sans doute aussi occupée par le budget que vous. Je pense que l’occasion se présentera ensuite de lui présenter notre avis.
Quant à Départements de France, les choses sont plus compliquées. Alors que nous avions été invitées à intervenir lors de leur prochaine assemblée générale, on nous a ensuite indiqué que ce ne serait finalement pas possible étant donné que nous appartenons à une autre institution. Nous en sommes là, mais nos administrateurs continueront d’essayer de nous obtenir un rendez-vous.
Je précise que j’ai également approché la direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ), étant donné que le ministère de la justice est concerné au premier chef par nos recommandations. Sa directrice n’avait pas souhaité être auditionnée, car elle était tenue à une obligation de réserve lors de la période de dissolution de l’Assemblée nationale, mais elle m’a assuré avoir lu le rapport dans son intégralité. Le ministère de la justice semble également intéressé par certaines propositions, à commencer par celles relatives aux administrateurs ad hoc, même si je doute que nous aboutissions à un accord étant donné que le projet de décret les concernant est pour l’heure d’un vide abyssal.
Mme Isabelle Santiago, rapporteure. Ma question suivante fera appel non seulement à votre fonction de rapporteure, mais aussi à votre parcours professionnel.
Vous connaissez mon attachement aux normes, aussi comment expliquez-vous que l’ensemble du secteur de la protection de l’enfance, depuis des décennies, ne se préoccupe pas davantage d’en avoir ? En effet, il n’en existe pas plus depuis la décentralisation qu’auparavant, lorsque la protection de l’enfance dépendait de l’État, par l’intermédiaire des directions départementales des affaires sanitaires et sociales (Ddass) – on notera que l’organisation était donc déjà territoriale.
Comment est-ce possible que le décret de 1974, pris dans le cadre du plan Pouponnières, qui a expiré en 1997 et qui prévoyait des équipes pluridisciplinaires de cliniciens, n’ait pas connu de suites ? Vous ne faites qu’évoquer cet élément dans votre rapport, mais l’historique de la protection de l’enfance est l’une des clés pour faire bouger les lignes, surtout au regard des connaissances que nous avons désormais. Si nous ne faisons pas ce travail, tous les rapports que nous pourrons produire, aussi brillants soient-ils, se heurteront aux acteurs prédominants dans ce domaine.
De la même manière, votre rapport n’aborde pas non plus la question des associations, alors qu’elles sont parfois responsables de 90 % voire de 100 % de la protection de l’enfance, quoique formellement sous l’autorité des présidents de département. Il en allait ainsi avant la décentralisation ; la situation n’a pas changé depuis. J’aimerais donc également vous entendre sur ce point.
Mme Josiane Bigot. Comme vous m’y encouragez, ma réponse sera davantage alimentée par mon parcours judiciaire et associatif que par mes travaux pour la rédaction de l’avis, notre commission ne s’étant effectivement pas penchée sur les raisons de l’absence de normes. Je crois même que la grande majorité des membres ont découvert cette situation avec effarement.
Historiquement, la protection de l’enfance a bénéficié – j’utilise ce mot avec précaution, car certains scandales ont suscité des craintes – de l’apport du réseau caritatif et religieux. En Alsace, par exemple, où j’ai commencé ma carrière, 80 % des structures accueillant des enfants fonctionnaient avec du personnel religieux, donc gratuit.
Lorsque ces acteurs se sont retirés, des professionnels formés ont logiquement pris la main, la question des normes d’encadrement se posant alors. À cet égard, certaines associations – notamment les plus importantes – membres de la Cnape, que je présidais, étaient réservées, car elles se demandaient comment elles allaient pouvoir recruter des personnels formés et si elles n’allaient pas devoir licencier certains de leurs salariés.
J’ai dit que je ne parlerai pas des enfants en conflit avec la loi, mais l’organisation des centres éducatifs fermés (CEF) est éclairante, dans la mesure où l’accueil des enfants est très comparable et où nombre d’associations disposent à la fois de CEF et de maison d’enfants à caractère social (Mecs). Or, dans les CEF, il existe une norme d’encadrement. Elle est difficile à tenir et les structures doivent constamment batailler pour la conserver, mais elle représente un gain. La Cnape, qui compte beaucoup d’associations parmi ses adhérents, demande donc avec insistance à ce que le décret relatif au socle minimal d’encadrement soit signé.
Je reconnais que cette situation est hallucinante. Quand, dans mes fonctions de juge des enfants, je l’ai découverte, je suis tombée des nues. Les magistrats n’en ont en effet pas nécessairement connaissance : nous découvrons les enjeux au fur et à mesure. C’est d’ailleurs aussi pour cette raison que j’ai insisté, tout à l’heure, sur l’importance des contrôles indépendants. Si, à mon époque, les juges des enfants se rendaient dans les établissements accueillant des enfants, ils n’en ont désormais presque plus la capacité. C’est pourtant de cette manière que l’on peut découvrir des dysfonctionnements.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). En vous écoutant, madame Bigot, je me suis remémoré le comité de pilotage contre les violences intrafamiliales auquel j’ai participé en juin dernier. Instauré par décret il y a un an presque jour pour jour et organisé par le procureur de la République de mon département, il a réuni tous les acteurs judiciaires, associatifs et administratifs pour, justement, mieux connaître le champ d’action des uns et des autres, mais aussi leurs problèmes et leurs besoins, afin de dénouer les situations et d’améliorer la prise en charge des victimes et des familles, grâce au partage des compétences et des expériences.
Un tel fonctionnement me paraît intéressant, d’autant plus que la question de la protection des enfants victimes de violences fait partie du périmètre du comité de pilotage. Que penseriez-vous de reprendre ce dispositif pour la protection de l’enfance dans son ensemble ?
Mme Géraldine Grangier (RN). Comme vous, madame Bigot, j’estime qu’il est indispensable de contraindre la coordination des acteurs de la protection de l’enfance dans le cadre des CDPE, partout sur le territoire.
Pour avoir travaillé dans ce domaine pendant une vingtaine d’années, j’ai pu constater les difficultés que vous avez pointées. En tant que travailleuse sociale, j’ai vu combien il est compliqué de faire remonter les problèmes et d’éviter les dysfonctionnements dans les familles d’accueil et les foyers pour enfants.
Par ailleurs, alors que la protection maternelle et infantile (PMI) accomplit un travail formidable, grâce à des professionnels passionnés qui agissent chaque jour en faveur de la prévention et de la protection de l’enfance, certains départements manquent de relais parentaux. J’ai vu, dans mon département du Doubs, combien le soutien de certaines associations est indispensable pour accueillir temporairement des enfants quand leurs parents n’en peuvent plus, dans le but d’éviter des placements ultérieurs. Je regrettais d’ailleurs, dans l’exercice de mon métier, que cet accueil ne concerne pas les enfants de moins de 3 ans, alors que, souvent, les parents en difficulté étaient ceux qui devaient s’occuper de nourrissons ou d’enfants en bas âge. Il s’agit selon moi d’un soutien à développer.
Je répète que les travailleurs sociaux accomplissent un travail très difficile, formidable, et je m’interroge sur les moyens de motiver les candidats à s’engager dans cette voie professionnelle – même s’il faut prendre garde à ne pas abaisser le niveau des études. Pour ma part, j’ai passé un concours pour devenir assistante sociale. Depuis, Parcoursup a malheureusement ouvert les vannes du recrutement et je note une réelle baisse du niveau des formations. Certes, nous avons besoin de professionnels, mais pas à n’importe quel prix.
M. Denis Fégné (SOC). Pour ma part, je souhaite vous interroger sur l’articulation entre l’administratif et le judiciaire car, comme vous le notez dans votre avis, il est difficile d’assurer la gradation des interventions. Si le passage d’une action éducative à domicile (AED) à une action éducative en milieu ouvert (AEMO) s’effectue encore dans de bonnes conditions, les choses sont déjà plus compliquées lorsqu’il s’agit de passer d’une AEMO judiciaire à un placement. Il existe des AEMO renforcées et les placements à domicile, mais ces derniers sont remis en cause. Ainsi, pour les départements, le coût passe de 7 ou 8 euros par enfant pour une AEMO judiciaire à 200 euros pour une mesure de placement. Et comme la gradation est insuffisante, nous nous retrouvons avec des Mecs et des familles d’accueil complètement saturées.
Nous pensions que cette gradation, que les travailleurs sociaux appellent de leurs vœux depuis des années, ferait partie du PPE et des schémas départementaux des services aux familles, qui la préconisent, mais les fiches actions qui les accompagnent ne sont assorties ni des moyens nécessaires, ni de la mise en cohérence des systèmes administratif et judiciaire.
Avez-vous donc des préconisations concrètes s’agissant de la gradation des différents types d’intervention que sont la prévention, la protection et, ensuite, le curatif, avec les placements ?
Mme Marine Hamelet (RN). Madame Bigot, la décentralisation a provoqué le bazar, avez-vous dit. Outre le fait que tout changement induit des complications, maintenant que nous avons du recul et que vous avez l’expérience des deux systèmes, pourriez-vous présenter leurs avantages et inconvénients respectifs ? Nous constatons en effet des disparités selon les départements, qui induisent une différence de traitement pour les enfants en fonction de leur lieu de résidence, ce qui est tout à fait contraire à nos principes.
Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Je ne sais pas si cela engage le Cese dans son ensemble ou seulement vous-même, mais vous avez dit, madame Bigot, préférer parler d’enfants confiés que d’enfants placés. Or les anciens enfants concernés utilisent eux-mêmes le terme « placés », car leur sentiment est bien de ne pas avoir été confiés. Cette expression a donc une dimension politique et vise à interpeller la société sur le fait que les enfants demeurent placés et non confiés, même si nous préférerions que ce soit l’inverse. À cet égard, un travailleur social du Nord m’a récemment indiqué qu’un enfant de 4 ans de sa connaissance avait déjà connu six lieux de placement différents.
J’en viens à ma question à proprement parler, qui porte sur l’absence d’ambition collective s’agissant de la protection de l’enfance. D’où vient-elle ? À force de m’interroger, il me semble que tant que nous isolerons la protection de l’enfance du reste de notre politique en faveur des enfants, cette ambition collective nous fera défaut.
Il s’agit d’ailleurs d’un paradoxe. Alors que huit groupes sur dix, lors de la précédente législature, étaient convaincus du bien-fondé de cette commission d’enquête, que celle-ci a été relancée à l’unanimité le mois dernier, et qu’il existe également un consensus au Sénat, au Cese et même au sein de l’opinion publique, qui est scandalisée par les affaires successives – cet émoi populaire ne saurait être occulté –, les immenses lacunes dans la protection de l’enfance demeurent. Ainsi, tant que nous ne réfléchirons pas à ce que signifie être un enfant en France et au niveau d’attention que nous devons lui apporter, nous n’avancerons pas.
Je suis mère de famille et je n’envisage pas de dire à mes enfants, quand ils auront 18 ans, que mon devoir est terminé, qu’ils peuvent prendre la porte et que je leur signerai désormais un contrat tous les six mois, à la condition que leur projet professionnel me convainque. Ce serait inhumain et j’espère que la société interviendrait pour dénoncer un tel traitement de ma part. Nous devons inscrire le débat sur la protection de l’enfance dans le cadre d’une réflexion globale sur ce qu’est un enfant dans notre société.
Je conclurai par un souhait. Sauf erreur de ma part, il n’existe pas, au Cese, de délégation aux droits des enfants. La publication de votre avis serait selon moi une excellente occasion d’en créer une.
M. Arnaud Bonnet (EcoS). Pour ma part, j’essaie de penser comme un enfant. Les enfants ont besoin d’adultes référents, stables et de confiance. Moi aussi, je connais des exemples d’enfants qui ont connu dix adultes référents différents en l’espace de trois ou quatre ans ; c’est un problème auquel il faut remédier.
Mme Josiane Bigot. S’agissant du besoin de coordination, Mme Amiot a évoqué les comités de pilotage de la lutte contre les violences intrafamiliales, organisés par les procureurs, tandis que Mme Grangier a vanté les mérites des CDPE. Je pense moi aussi que cet outil nous permettra de progresser ; j’ai dit tout à l’heure qu’à titre personnel, j’aurais souhaité que la loi de 2022 impose d’emblée la généralisation de ces comités départementaux plutôt que de mettre en place une expérimentation dont l’évaluation n’était d’ailleurs pas prévue au départ.
À titre de comparaison, Gilbert Bonnemaison a eu une intuition formidable lorsqu’il a suggéré la création des conseils départementaux de prévention de la délinquance (CDPD), mais les élus locaux étaient peut-être alors plus enclins à se pencher sur le sort des mineurs en conflit avec la loi que sur celui des enfants ayant besoin d’une protection. Je suis toutefois très optimiste, car je crois que les élus locaux s’intéressent dorénavant à ces derniers : aussi pourrions-nous sans doute généraliser les CDPE, qui connaîtraient le même succès que les CDPD. Le Cese préconise d’ailleurs d’articuler ces comités avec les ODPE, qui ne fonctionnent pas partout. Si nous confions à ces observatoires locaux le soin d’alimenter les CDPE en données, de même que l’observatoire national nourrit les travaux du GIP France Enfance protégée, alors nous parviendrons peut-être à rendre cette question plus visible et à imposer la coordination des acteurs. Il existe bien sûr des endroits où les relations interpersonnelles permettent déjà une certaine fluidité, où les services départementaux discutent avec les juges des enfants et l’ARS, mais ils ne sont malheureusement pas légion.
Monsieur Fégné, vous avez souligné la nécessité d’assurer la gradation des interventions et de donner la priorité à la prévention et au soutien. C’est précisément ce que dit le rapport du Cese : nous pourrions faire des économies formidables en favorisant les dispositifs de prévention. Certes, les enfants sont parfois pris en charge dans de bonnes conditions : au‑delà des dysfonctionnements, de nombreux jeunes s’en sortent parce qu’ils sont passés par l’ASE et qu’ils ont trouvé sur leur chemin des familles d’accueil et des éducateurs attentifs. Toutefois, nous n’aurions pas à consacrer des sommes aussi importantes à l’accueil d’enfants à temps complet si nous dépensions, en amont, un peu d’argent pour des missions de soutien parental. De même, je le disais tout à l’heure, nous n’en serions pas là si les éducateurs en milieu ouvert n’avaient que quelques enfants à suivre et qu’ils pouvaient leur rendre visite tous les jours.
Vous avez relevé les difficultés d’articulation entre les mesures administratives et judiciaires. Je suis de ceux qui se sont réjouis que l’intervention judiciaire devienne subsidiaire, puisqu’elle n’est opportune qu’en cas de refus ou de conflit – c’est le propre du juge que de régler les conflits. On constate cependant que 70 % à 90 % des mesures continuent de relever de l’autorité judiciaire. Nous devons donc continuer à travailler pour inverser la tendance et faire en sorte que les juges ne cèdent pas à la facilité de maintenir dans le domaine judiciaire une situation qui pourrait revenir au domaine administratif. Cela prendra malheureusement du temps, car nous avons sans doute encore trop le réflexe judiciaire.
Madame Hamelet, vous m’avez demandé de comparer les deux systèmes. J’aurai bien du mal à le faire : j’ai commencé ma carrière de juge des enfants à 24 ans, à l’époque des Ddass, mais j’ai surtout connu les changements successifs, qui se sont accompagnés de beaucoup de flottement. L’égalité de traitement n’était pas plus évidente lorsque la protection de l’enfance était du ressort de l’État, car, comme l’a très justement rappelé Mme Santiago, le système était déjà territorialisé. À l’instar de la majorité des membres du Cese, je pense donc qu’il faut trouver d’autres moyens d’action au sein du système actuel, parce qu’on ne peut se payer le luxe de détricoter un dispositif qui est déjà en grande difficulté. En revanche, j’admets qu’il est scandaleux de trouver qu’il vaut mieux être un enfant à protéger dans un département plutôt que dans un autre, car il est inadmissible d’ajouter à une inégalité de naissance une inégalité de prise en charge.
Madame Hadizadeh, vous avez relevé que je parlais d’enfants confiés plutôt que d’enfants placés. Heureusement, nous progressons sans arrêt en matière de vocabulaire. De même, j’utilise l’expression « enfant en conflit avec la loi » car je n’aime pas le terme « délinquant ». Ce qui importe, c’est que nous puissions respecter davantage le projet élaboré pour l’enfant et trouver des réponses adaptées au profil de celui-ci. Nous avons connu trop d’enfants déplacés de service en service. Encore aujourd’hui, les foyers de l’enfance, normalement dédiés à l’accueil d’urgence, gardent dans leurs effectifs des enfants qui devraient être accueillis dans d’autres établissements, lesquels sont malheureusement complets.
Comment promouvoir une réelle ambition collective ? Il faut reconnaître que nous avons beaucoup progressé. Souvenez-vous des campagnes pour l’élection des anciens conseillers généraux : les candidats ne parlaient pas de protection de l’enfance – je pense même qu’ils ne savaient pas trop ce que c’était. Aujourd’hui, les conseillers départementaux sont convaincus qu’il faut prendre des mesures dans ce domaine. Dès lors qu’ils ne sont plus gênés d’en parler, ils peuvent entraîner derrière eux l’opinion publique.
L’opinion justement, s’émeut lorsque surviennent des drames, mais son émotion ne m’émeut guère : pour ma part, je me suis toujours indignée que l’on organise des marches blanches quand, dans le même temps, on entend un enfant pleurer dans son immeuble sans se sentir concerné, sans avoir envie de lui tendre la main ou de s’occuper de lui, parce qu’on le considère comme un enfant qui dérange, un enfant qu’il faut éviter.
Nous avons essayé de montrer, dans notre rapport, que la protection de l’enfance était liée au regard que la société porte sur l’enfant. Je vous l’ai dit, nous préconisons la création d’un code de l’enfance, qui intégrerait notamment la notion de protection de l’enfance. De même, il n’est absolument pas gênant d’avoir, au sein du gouvernement, un ministre chargé de l’enfance, si tant est qu’il soit compétent en matière de protection. Les attributions de Mme Canayer vont au-delà de la petite enfance puisque, aux termes d’un décret récemment publié, la ministre déléguée traite « de toutes les affaires en matière de famille, d’enfance et de petite enfance ». Au fondement de la protection de l’enfance se trouve l’intérêt supérieur de l’enfant, ce qui nous amène à considérer ce dernier de manière globale, comme le montre la définition de l’autorité parentale rappelée dans les livrets de famille.
Oui, monsieur Bonnet, les enfants ont besoin de stabilité et de relations de confiance. À ce propos, je me félicite que le discours des écoles de travail social ait beaucoup évolué. On recommandait jadis aux familles d’accueil de se garder des affects, mais comment peut-on envisager de réparer un enfant et de le faire grandir sans se laisser toucher ? C’est impossible ! En revanche, il faut aider les professionnels et les familles d’accueil à gérer leurs affects. Par ailleurs, je suis catastrophée par le nombre de travailleurs sociaux intérimaires. Comment ce statut permet-il de créer, dans la stabilité, la relation de confiance nécessaire à un enfant ? Ce dernier doit avoir l’impression de trouver, face à lui, un adulte qui se sente concerné.
Quoi qu’il en soit, je constate que vous êtes tous de fins connaisseurs de la protection de l’enfance. J’en suis épatée.
Mme la présidente Laure Miller. Merci pour votre éclairage, madame Bigot.
Puis la Commission procède à l’audition, ouverte à la presse, de Mme Claire Hédon, Défenseure des droits, et M. Eric Delemar, Défenseur des enfants, accompagnés de Mme Marguerite Aurenche, cheffe du pôle « Droits de l’enfant », et Mme Nathalie Lequeux, juriste au pôle « Droits de l’enfant ».
Mme la présidente Laure Miller. Nous sommes réunis ce soir pour entendre Mme Claire Hédon, Défenseure des droits, et M. Éric Delemar, le défenseur des droits des enfants, accompagnés par Mme Marguerite Aurenche, chef du pôle « Droits de l’enfant » et de Mme Nathalie Lequeux, juriste au sein de ce même pôle.
Le Défenseur des droits est une autorité administrative indépendante, chargée de défendre les personnes dont les droits ne sont pas respectés. Vous êtes à ce titre chargée de la défense et de la promotion des droits de l’enfant, aidée en cela par votre adjoint, défenseur des droits des enfants. Il suffit d’aller sur votre site internet pour voir à quel point vous êtes sollicitée par ce sujet ; vous disposez d’ailleurs à ce titre de pouvoirs d’investigation. Vous pouvez également vous saisir d’office, comme vous l’avez fait en 2022 dans deux départements, le Nord et la Somme, sur la question de la protection de l’enfance. Vos rapports et vos décisions alertent régulièrement sur les insuffisances en matière de protection de l’enfance. Nous souhaitons vous entendre sur les dysfonctionnements que vous avez constatés et les solutions à y apporter.
Je vous rappelle que l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d’enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.
(Les personnes auditionnées prêtent successivement serment.)
Mme Claire Hédon, Défenseure des droits. Je commencerai par définir le champ d’intervention du Défenseur des droits en matière de promotion et de protection des droits de l’enfant. Nous avons deux missions : protéger les droits et les promouvoir – nous avons ainsi des échanges très nourris et fréquents avec l’Assemblée nationale et le Sénat.
Nous possédons cinq domaines de compétences, dont la protection des droits de l’enfant et la lutte contre les discriminations. Nous sommes l’organe de contrôle externe de la déontologie des forces de sécurité. Nous défendons les droits des usagers des services publics. Nous sommes chargés de la protection et de l’orientation des lanceurs d’alerte. La question des droits des enfants traverse l’intégralité de l’institution, parce qu’un enfant peut être auditionné par les forces de l’ordre, parce qu’il y a des lanceurs d’alerte en protection de l’enfance, parce que l’enfant est aussi usager de services publics et qu’il peut être victime de discriminations – je pense entre autres aux enfants en situation de handicap.
Enfin, l’institution possède trois atouts. Le premier, c’est notre indépendance, inscrite dans la Constitution. Le deuxième, c’est notre connaissance du terrain, grâce à nos 600 délégués territoriaux et aux réclamations très concrètes qui nous sont faites et que traitent nos juristes au quotidien. Le troisième, c’est la solidité de notre expertise juridique.
Nous sommes donc chargés de promouvoir et de défendre l’intérêt supérieur de l’enfant, tel qu’il est défini dans nos engagements internationaux, entre autres dans la Convention internationale des droits de l’enfant (Cide). On peut estimer à 27 équivalents temps plein (ETP) les moyens consacrés à la mise en œuvre des missions en faveur des enfants. Outre les juristes, une quarantaine de délégués référents des droits des enfants sont répartis sur l’ensemble du territoire. Ces délégués sont des bénévoles qui touchent une indemnité. Ils se sont engagés à recevoir les réclamants deux demi-journées par semaine ; en réalité, la plupart d’entre eux travaillent plutôt trois ou quatre jours pour l’institution et représenteraient 6 ETP.
La première mission, c’est de traiter les réclamations. Les enfants, les familles, les professionnels, les associations peuvent nous saisir d’une atteinte aux droits d’un enfant. Si la plupart de ces réclamations portent sur des situations individuelles, elles peuvent aussi déplorer des difficultés plus générales. Ces réclamations sont absolument essentielles, parce qu’elles nous permettent de mesurer le décalage entre le discours et la réalité, entre le droit annoncé et son effectivité. Le pôle « Droits de l’enfant » est composé d’une douzaine d’agents, essentiellement juristes. En 2023, sur les 3 900 dossiers reçus en matière de droits de l’enfant, il en a traité 1 103, les plus complexes, tandis que le reste a été traité par nos délégués territoriaux en médiation.
Nos champs d’intervention sont très vastes, puisqu’ils couvrent l’ensemble des droits de l’enfant, tels que définis par la Cide – le handicap, l’éducation, la santé, la petite enfance. Nous tentons de régler les situations, lorsque cela s’y prête, de façon amiable, mais lorsque la médiation n’aboutit pas ou qu’elle n’est pas appropriée, nous procédons à des instructions qui peuvent conduire à la prise d’une décision portant recommandations ou observations en justice. L’institution du Défenseur des droits dispose à cet effet de pouvoirs d’instruction importants et contraignants. Nous pouvons convoquer les personnes en audition, demander des pièces sans que le secret puisse nous être opposé ou procéder à des visites sur place. En revanche, le pôle « Droits de l’enfant » ne dispose pas d’un budget propre à sa mission, comme l’ensemble des pôles d’instruction de l’institution.
De manière générale, la dotation en moyens humains consacrés aux droits de l’enfant n’apparaît pas suffisante pour répondre à la volonté formelle du législateur de confier au Défenseur des droits un rôle de vigie dans la bonne application de la Cide et pour faire face à des situations de plus en plus nombreuses et complexes. Nous l’avons fait remarquer dans le cadre du débat sur le projet de loi de finances. Parmi les institutions européennes comparables, nous faisons plutôt partie des plus pauvres.
Notre mission prend aussi la forme d’une action de promotion, conduite par la direction de la promotion de l’égalité et de l’accès aux droits, qui n’est donc pas une direction d’instruction. Elle comporte un pôle « Jeunesse, formation et prospective » dont cinq agents sont affectés spécialement aux questions des droits de l’enfant. Nous donnons des avis sur les projets législatifs. Nous conduisons aussi des études. Il y en a par exemple une en cours, inédite, sur le parcours des mineurs ayant été incarcérés, cofinancée par la direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ) et l’Institut des études et de la recherche sur le droit et la justice (IERDJ).
Nous organisons aussi des réunions deux fois par an avec un comité d’entente sur la protection de l’enfance, dans lequel une vingtaine d’associations sont présentes. Cela nous permet d’identifier des problématiques émergentes, d’échanger à propos des réclamations traitées, de faire remonter des pratiques de terrain. Cet échange avec la société civile est très important. Nous le menons dans tous nos domaines de compétences. Nous sommes en lien avec plus de 110 associations dans le cadre de ces différents comités d’entente.
Nous coordonnons aussi le programme éducatif des jeunes ambassadeurs des droits de l’enfant (Jade) – environ 80 volontaires en service civique, âgés de 16 à 25 ans. Ils vont dans les écoles, les collèges, les lycées, les hôpitaux parler des droits de l’enfant et de la lutte contre les discriminations. Nous animons également le programme Éducadroit, un programme éducatif pour sensibiliser les enfants à leurs droits, mis à la disposition des enseignants. Enfin, nous pilotons chaque année la consultation des enfants dans le cadre de notre rapport annuel sur les droits de l’enfant. Notre prochain rapport, sur le droit des enfants à un environnement sain, sortira le 20 novembre, à l’occasion de la Journée internationale des droits de l’enfant.
La protection de l’enfance représentait, en 2023, 18 % des réclamations de l’institution sur les droits de l’enfant. Cela peut aller du non-respect du droit de visite d’un parent à son enfant ordonné par le juge à des situations de maltraitance dans un établissement ou dans une famille d’accueil non prises en compte par l’autorité de contrôle. L’institution alerte depuis de nombreuses années sur l’état de la protection de l’enfance en France, par des rapports périodiques au Comité des droits de l’enfant des Nations unies, des avis au Parlement, des rapports annuels, des décisions. Depuis longtemps, elle appelle à clarifier le rôle de l’État en protection de l’enfance, ainsi que les moyens affectés. Certaines recommandations ont été suivies : élaboration d’un référentiel national pour l’évaluation des informations préoccupantes, recommandé en 2015 ; consécration dans la loi d’un référent pour les enfants confiés à un tiers ; développement de formations communes pour créer une culture commune.
Nous constatons une forte dégradation de la situation au cours des dernières années. Nous avons été alertés, pour la première fois dans l’histoire de l’institution, par des juges des enfants sur la situation catastrophique de la protection de l’enfance dans leur département : évaluations de danger non faites ou faites dans des délais déraisonnables ; absence de rapports éducatifs en prévision des audiences ; levées de placement sans que le magistrat ne les ait décidées ni même en ait été avisé ; manque de places en foyer et d’assistants familiaux ; mesures de placement non exécutées ; actions éducatives en milieu ouvert (AEMO) prises en charge dans des délais pouvant excéder six mois ; absence de référents de l’ASE. La communication semblait très défaillante entre la justice et le département. Les magistrats ne pouvant pas nous saisir, nous nous sommes autosaisis, avant d’autres saisines par des travailleurs sociaux et des professionnels du soin. Plus d’une dizaine de grosses instructions sont en cours. Sept d’entre elles donneront lieu à la publication de décisions fin janvier, ainsi qu’à la publication d’une décision-cadre. Les problématiques concernant ces territoires particuliers sont assurément le reflet d’une situation plus générale.
Pour traiter ces réclamations, nous avons procédé à une instruction écrite et sollicité de nombreuses informations. Lorsque la saisine émanait de magistrats, nous avons recueilli les observations des juges des enfants du tribunal pour enfants. Une délégation du Défenseur des droits s’est également déplacée dans quatre départements, afin de rencontrer le président du conseil départemental, les cadres des directions solidarité et enfance-famille, plusieurs professionnels du territoire et des cadres de proximité. Après une phase de contradictoire, qui est en cours avec les départements, nos décisions poseront nos constats et nos recommandations au regard des droits de l’enfant.
Nous nous attachons avant tout à ce que nos analyses éclairent les travaux et la conduite des missions des départements, de l’État et de l’ensemble des acteurs mobilisés dans un objectif d’amélioration des réponses institutionnelles, ainsi que des pratiques et des modalités d’intervention des professionnels. Les instructions que nous menons sur la protection de l’enfance dans certains départements se sont inscrites dans cette démarche. Elles ne prétendent pas du tout à l’exhaustivité. Elles ne sont pas un audit ou un contrôle comme peuvent les réaliser les inspections ou la Cour des comptes. Je vous renvoie à ce titre aux nombreux rapports de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) et de la Cour des comptes.
Je ne remets pas en cause l’investissement de l’ensemble des professionnels qui, chacun à leur niveau, dans leur quotidien, consacrent leur énergie à la protection des enfants et à l’accompagnement des familles. Je ne mésestime pas non plus les efforts notamment financiers des départements ces dernières années, ni ceux consentis par l’État, par le biais notamment de la contractualisation débutée en 2020 et poursuivie depuis. Si celle-ci lui permet d’assumer une part du coût de certains projets mis en œuvre pour améliorer le dispositif, il est cependant nécessaire de relever que cette participation représente une partie relativement réduite des dépenses des départements.
Quoi qu’il en soit, dans les prises en compte des situations et malgré la mobilisation des professionnels, je constate, moi aussi, des atteintes aux droits et à l’intérêt supérieur de certains enfants, au mépris de leurs besoins fondamentaux. De manière générale, l’intérêt supérieur de l’enfant n’est pas toujours la boussole qui préside aux décisions prises le concernant.
Dans la décision 2024-055 du 5 avril 2024, j’ai ainsi rappelé que l’intérêt de l’enfant confié à l’ASE devait être une considération primordiale dans l’évaluation de l’opportunité d’un changement de lieu d’accueil. En l’espèce, une enfant était accueillie depuis toute petite dans une famille d’accueil, où les liens d’attachement étaient très forts. Lorsque la maman a changé de département, l’ASE a préconisé que l’enfant change de lieu d’accueil pour la suivre. Si cela peut paraître logique pour maintenir le lien maternel, j’ai constaté que les rapports du service de l’ASE ne faisaient état à aucun moment d’éléments relatifs à la manière dont l’enfant, alors âgée de 4 ans et accueillie depuis ses 9 mois, évoluait au sein de la famille d’accueil, aux liens d’attachement qu’elle y avait développés, ou à la qualité du lien avec sa maman. De même, aucun élément n’était rapporté sur d’éventuels moments d’échange avec l’enfant dans cette perspective ni sur ses réactions. De fait, par la suite, la maman ne s’est pas du tout mobilisée dans le lien avec son enfant.
Nous constatons, par ailleurs, des atteintes aux droits des enfants d’avoir des parents qui soient aidés en cas de besoin. En effet, les services de protection maternelle et infantile (PMI) sont en grande difficulté, d’une part, pour assumer leur vocation universaliste et, d’autre part, pour intensifier leurs interventions en direction des familles qui en ont le plus besoin. Ce sont également des services de TISF saturés, avec une offre de services qui n’est pas toujours calibrée au plus près des territoires et des besoins. Ce sont des mesures administratives ou judiciaires d’accompagnement à la gestion du budget familial sous-utilisées dans la plupart des départements dans lesquels nous avons enquêté, alors que cela pourrait être un levier très intéressant.
Une grande précarité persiste. Dans ses observations finales, en 2023, le Comité des droits de l’enfant des Nations unies recommandait notamment à l’État d’accroître l’offre de logements sociaux pour les familles les plus précaires et d’adopter un programme pluriannuel pour le logement et l’hébergement, axé plus particulièrement sur les enfants et les familles. Dans les faits, trop de parents font face à une précarité telle qu’elle rend très difficile la prise en compte des besoins de leurs enfants. Le manque de construction de logements sociaux et très sociaux a un impact direct sur la protection des droits de l’enfant.
Nous voyons ensuite des atteintes aux droits de l’enfant d’être protégé contre toute forme de violence. Au cours de nos investigations, nous avons mis en évidence de lourdes difficultés dans les procédures d’évaluation des informations préoccupantes concernant des enfants en danger ou en risque de danger, dont un très grand nombre sont en attente. La plupart ne sont pas non plus pluridisciplinaires. Or cette évaluation est essentielle, puisque c’est sur son fondement que sont déterminées les actions à mener en faveur de l’enfant. Depuis plusieurs années, l’évaluation s’est complexifiée, s’élargissant à juste titre à l’entourage de l’enfant, à sa fratrie. Cela nécessite des compétences particulières, une formation solide, alors que, depuis la crise sanitaire, les informations préoccupantes se multiplient. Il faut évaluer plus et mieux, mais dans un délai contraint. Ces contingences pèsent sur les professionnels, qui portent collectivement la lourde responsabilité de protéger les enfants signalés, mais aussi de mettre en œuvre les mesures prises.
Nous avons aussi mis en évidence la nécessité de mieux adapter l’action éducative à domicile (AED) aux situations des enfants et des familles, et ce à plusieurs niveaux. Au niveau administratif, une intervention rapide, intense et resserrée au moment où le parent manifeste son accord est évidemment le gage d’une meilleure mobilisation des familles, d’une meilleure compréhension du sens de l’accompagnement proposé et donc d’une possible amélioration de la situation de l’enfant.
Cette adaptation est aussi essentielle au niveau judiciaire, parce que l’intervention décidée par un juge doit être exécutée immédiatement, avec l’intensité que la situation réclame et en usant de toutes les possibilités ouvertes par la loi : action intensive, hébergement séquentiel, repli. Les offres d’accompagnement doivent être calibrées afin que chaque famille soit accompagnée par la mesure adéquate au moment précis où elle en a besoin. Admettre des retards dans la prise en charge, c’est admettre l’amplification du danger pour les enfants et la dégradation de situations qui conduiront inévitablement à l’urgence d’un placement.
Le dispositif d’accueil des enfants confiés à l’ASE connaît également de lourdes difficultés et porte atteinte aux droits des enfants à bénéficier d’une protection. Tous les départements constatent une hausse drastique des placements judiciaires. Ils sont parallèlement confrontés au départ à la retraite d’une partie importante de leurs assistants familiaux et aux difficultés d’en recruter de nouveaux, du fait du manque d’attractivité du métier. Le manque de structures d’accueil collectif pouvant couvrir l’ensemble des territoires départementaux participe à la pression qui pèse sur le dispositif de protection de l’enfance, dont le sous‑dimensionnement met en tension les professionnels et les assistants familiaux. Souvent mal préparés, les accueils en surcapacité mettent à mal la prise en charge des enfants déjà présents, ainsi que l’assistant familial lui-même ou l’établissement qui finit par refuser de poursuivre l’accompagnement.
D’autre part, la multiplication des ruptures d’accueil fragilise les enfants, allant jusqu’à créer ou à accroître des troubles du comportement, de l’attachement et de la santé mentale. Le dispositif en lui-même est cause de nouveaux problèmes chez ces enfants. Le travail des référents de l’ASE en souffre inévitablement. Ils disent devoir gérer l’urgence en permanence : trouver une place d’accueil, gérer une rupture de placement, pallier l’absence d’un collègue. Très peu disponibles pour les jeunes dont l’accueil est pérenne et ne pose pas de difficultés, les référents peinent en conséquence à organiser les temps de synthèse, à élaborer des projets, à travailler avec les mineurs ainsi qu’avec les familles sur les raisons de leur placement et sur le potentiel retour dans leur famille, entraînant de fait des placements de plus en plus longs. Ces défaillances dans la qualité du suivi des enfants et des familles ont des conséquences sur la durée des placements et participent du manque de places disponibles dans les départements.
Le contrôle des établissements et des services sociaux, des assistants familiaux, des lieux de vie et d’accueil autorisés est encore beaucoup trop lacunaire. Les procédures obligatoires de remontées des événements indésirables et des événements indésirables graves n’existent pas toujours ou sont mal connues, peu maîtrisées et n’associent pas forcément les préfets. Les modalités de contrôle conjoint rappelées et développées dans l’instruction de la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) du 10 juillet 2024 doivent être mieux connues et les services en charge des contrôles mieux pourvus.
L’accueil dans des structures non autorisées comme les gîtes ou la prise en charge en résidence hôtelière ou en appartement, avec des éducateurs intérimaires, est pour nous une inquiétude majeure que nous dénonçons déjà depuis un moment. Elle perdure alors qu’elle est parfaitement identifiée.
Nous sommes également toujours très inquiets de la façon dont sont considérés les mineurs non accompagnés (MNA) au sein de la protection de l’enfance. Malheureusement, ils cristallisent les débats et les positionnements dans un sens peu conforme à la Cide. Je suis interpellée par la manière dont certains départements assument, publiquement parfois, de ne pas respecter leurs obligations légales, en particulier celle de l’accueil provisoire d’urgence (APU) des mineurs dans l’attente de leur évaluation. Ces départements évoquent un afflux massif ces dernières années. Si cela est vrai pour certains, nos instructions montrent que ça ne l’est pas pour tous ceux qui ont mis fin à l’aide provisoire d’urgence.
Dans un département, aucune place n’est réservée à l’APU des MNA, qui se fait donc en recourant à des dispositifs de prise en charge pérenne eux-mêmes saturés. Nous constatons également que, dans certains départements, ces fins d’APU ne concernent que les mineurs non accompagnés, les autres étant toujours accueillis. Tout ceci envoie un très mauvais message selon lequel nous ne serions pas égaux devant la loi.
De même, la qualité de la prise en charge socio-éducative de ces adolescents, qui sont des enfants en danger, est encore malheureusement bien en deçà de ce que l’on est en droit d’attendre d’un État comme le nôtre. Je rappelle à ce titre que le Comité des droits de l’enfant des Nations unies a relevé dans deux décisions récentes de lourdes lacunes dans le processus d’évaluation conduit auprès des MNA. Je vous renvoie sur ce sujet à nos travaux, notamment à notre rapport de février 2022.
Enfin, nous avons relevé des atteintes au droit à la santé et à une prise en charge adaptée à la situation de handicap des enfants. Si nous pouvons saluer la mobilisation des pouvoirs publics, ces dernières années, sur la situation des enfants en double vulnérabilité, le dispositif de protection de l’enfance et l’offre médico-sociale ne sont pas en adéquation pour permettre à tous les enfants de bénéficier d’un accompagnement adapté à leur problème.
À cela s’ajoutent les carences de l’offre de soins en santé mentale, la pénurie de pédopsychiatres, l’absence d’offres de services d’accueil familial thérapeutique (AFT), les délais d’attente pour des rendez-vous dans les centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP), incompatibles avec l’urgence de prodiguer des soins à ces enfants les plus vulnérables.
Cette dernière difficulté, sur laquelle sont revenues à plusieurs reprises les personnes auditionnées devant la commission d’enquête lors de la précédente législature, m’amène à un point auquel j’attache une importance particulière : la responsabilité de l’État en matière de protection de l’enfance – de protection de tous les enfants. Les départements sont les chefs de file de la protection de l’enfance mais nous ne pouvons pas leur imputer les carences des politiques publiques régaliennes, dans la mise en œuvre desquelles l’État est loin de prendre toute la part qui lui revient. Je pense notamment aux politiques de lutte contre la pauvreté et contre la précarité et au soutien aux politiques de solidarité menées au niveau départemental. Les avancées liées à la contractualisation et au pacte des solidarités ont permis aux préfets d’apporter un soutien financier aux départements pour le développement de programmes de soutien à la parentalité, de prévention et de protection de l’enfance mais, par comparaison avec les sommes que ceux-ci engagent, cet accompagnement est résiduel. Par ailleurs, même si l’expérimentation des comités départementaux pour la protection de l’enfance (CDPE) est à saluer, leur fonctionnement n’est pas encore opérationnel, qu’il s’agisse de l’impulsion donnée à la politique publique de protection de l’enfance, de la coordination des acteurs ou des orientations transmises aux professionnels de terrain.
Dans les départements, l’action de l’État passe non seulement par les préfets mais aussi par la mobilisation de l’éducation nationale. Il s’agit de savoir comment celle-ci peut contribuer à protéger les enfants. Face aux trop nombreux cas de décrochage scolaire, les moyens sont insuffisants. Accompagner les enfants qui ont du mal à apprendre dans le cadre d’un parcours classique et modifier les trajectoires demande beaucoup de temps et de coordination. Nous déplorons le délitement de la médecine scolaire et la lourdeur de la charge des assistantes sociales – souvent présentes une demi-journée seulement dans chacun des trois ou quatre collèges entre lesquelles elles doivent naviguer –, sans oublier l’absence de représentants des services sociaux dans les établissements du premier degré. Il faut se demander aussi quels moyens les agences régionales de santé (ARS) consacrent au développement dans les territoires de l’offre médico-sociale et de l’offre de soins de santé mentale pour les mineurs.
Ces dernières années, la prise en charge des enfants en situation de handicap s’est orientée vers une offre médico-sociale plus inclusive. Cette volonté de désinstitutionnalisation est à saluer car elle est conforme à nos engagements internationaux. Elle se matérialise par une augmentation des prestations en milieu ordinaire, une diminution des accueils de jour et des séjours en internat. Il n’en demeure pas moins que de nombreux enfants pâtissent du manque de prise en charge, faute de dispositifs inclusifs en nombre suffisant ou de dispositifs réellement adaptés à leurs besoins, besoins que l’ouverture de huit à dix places au sein de dispositifs mixtes dans certains départements est loin de pouvoir satisfaire.
Il importe également d’évoquer les moyens alloués à la justice. Dans notre décision 2020-148, nous dénoncions l’absence de greffiers dans les audiences d’assistance éducative, alors que leur présence est obligatoire, le nombre insuffisant de juges des enfants, l’allongement des délais de procédure devant les cours d’appel, le manque d’administrateurs ad hoc, l’absence de logiciels à vision nationale dans le domaine de la protection de l’enfance et déplorions, de manière générale, les évolutions contribuant à la perte de confiance des citoyens à l’égard de la justice.
Nous nous interrogeons, par ailleurs, sur les moyens alloués à la lutte contre les violences faites aux enfants. Trois plans nationaux se sont succédé depuis 2017. Un rapport de l’Igas de 2018 a alerté sur les morts violentes d’enfants au sein de leurs familles ; cinq ans plus tard, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) a établi des constats analogues. Certes, des progrès ont été accomplis mais nous ne pouvons que souhaiter que la lutte contre les violences faites aux enfants donne lieu à une mobilisation aussi large que la lutte contre les violences conjugales. L’accompagnement des forces de l’ordre dans le recueil de la parole des enfants doit être amélioré, nous l’indiquons régulièrement dans nos recommandations. Et quand on sait que l’Office mineurs (Ofmin), qui reçoit 800 signalements chaque jour, ne dispose que d’une cinquantaine d’enquêteurs au lieu des plus de quatre-vingts prévus, on ne peut que se poser des questions.
Je salue le développement des unités d’accueil pédiatrique des enfants en danger (Uaped), nouveau nom des unités d’accueil médico-judiciaires pédiatriques (UAMJP) dont le Défenseur des droits demandait le déploiement dès 2014, à la suite de l’affaire Marina. Par ailleurs, nous constatons que lorsque les violences sur mineurs donnent lieu à des plaintes, les victimes ne sont pas toutes orientées vers ces structures.
S’agissant de l’exécution de l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) condamnant la France dans l’affaire Marina, je suis perplexe. Le service de l’exécution des arrêts de la CEDH (Servex) a considéré que le cadre légal avait changé en France depuis le drame. Certes, il s’est particulièrement étoffé mais je gage que la France pourrait de nouveau se retrouver devant la CEDH pour avoir failli à sa responsabilité en matière de protection des enfants.
En conclusion, j’aimerais appeler votre attention sur ce qui me semble être de fausses bonnes nouvelles, à commencer par de nouvelles lois. Les travailleurs sociaux et les cadres, saturés, ne parviennent pas à appliquer tous les textes parus depuis 2007, faute de formation juridique suffisante et de temps. L’exemple du projet pour l’enfant (PPE) est révélateur : de nombreux départements ne le déploient pas par manque de disponibilité des personnels. L’arsenal législatif me semble suffisant pour protéger les enfants. C’est plutôt l’application des dispositions qui pose question. Les cas dont je suis saisie montrent que l’État ne s’est pas suffisamment investi dans ses missions régaliennes. Une homogénéisation s’impose, ne serait‑ce que dans les dénominations des différentes mesures susceptibles d’être ordonnées et, à cet égard, une recentralisation ne serait nullement une garantie d’harmonisation. J’estime, en outre, qu’il convient de mieux ajuster les politiques publiques, au plus près des personnes qui en ont besoin et, dans cette perspective, il serait salutaire de remobiliser les collectivités locales.
Mme la présidente Laure Miller. Madame la Défenseure des droits, j’aimerais que vous nous indiquiez quels départements ne respectent pas leurs obligations à l’égard des MNA. Cela pourrait éclairer les travaux de notre commission d’enquête.
Mme Claire Hédon. Nous vous transmettrons cette information.
Mme Isabelle Santiago, rapporteure. Je vous remercie, madame la Défenseure des droits, pour votre intervention passionnante.
Les pouvoirs de notre commission d’enquête nous autorisent à connaître le nom des départements pour lesquels vous vous êtes autosaisis. Nous savons que figurent dans cette liste la Somme et le Nord. Pouvez-vous nous citer les autres ? Il y en aurait une dizaine, si j’ai bien compris.
Les dysfonctionnements dans la protection de l’enfance renvoient à des questions de société plus larges. C’est la raison pour laquelle je milite depuis des années en faveur d’un plan global de l’enfance. La situation est telle que des personnes peuvent être maltraitantes alors même qu’elles ne veulent pas l’être. Prenons le cas de l’accueil des tout-petits : les professionnels, alors qu’ils sont extrêmement compétents, ne sont pas en mesure de répondre aux besoins fondamentaux des enfants, du fait de leurs effectifs insuffisants. Pensons encore aux parents de familles pauvres : leurs difficultés à s’occuper de leurs enfants ne devraient pas être assimilées systématiquement à de la maltraitance. Comment peut-on s’interroger sur les capacités d’accueil au sein de la protection de l’enfance sans assurer le nécessaire accompagnement des parents à travers des structures comme les maisons maternelles, les maisons des parents ou les centres parentaux ? Nous disposons de multiples moyens, notamment réglementaires, susceptibles d’éviter à de nombreux enfants d’être pris en charge par la protection de l’enfance. Quelle est votre position sur cet enjeu ?
Par ailleurs, j’aimerais avoir votre avis sur les placements dits abusifs, sur lesquels nous sommes très souvent alertés. Notre commission d’enquête doit pouvoir aborder tous les sujets, y compris celui-ci qui est rarement questionné. Notre législation évolue avec la société mais il faut rappeler que, pendant longtemps, des mères refusant le droit de visite et d’hébergement (DVH) à un ex-conjoint qu’elles soupçonnaient d’être violent, voire incestueux, se plaçaient dans l’illégalité et étaient considérées comme exerçant une protection trop forte sur leurs enfants.
Nous allons consacrer une semaine d’auditions aux outre-mer mais je ne veux pas manquer l’occasion d’avoir votre regard sur la situation de ces territoires.
Je ne peux qu’être d’accord avec vous quand vous insistez sur les responsabilités qui incombent à l’État. C’est lui, le premier parent défaillant. L’exemple des enfants à double vulnérabilité l’illustre bien. La France n’est plus capable de les accueillir et c’est en Belgique que certains sont envoyés. Dans cinq départements, l’ASE a la responsabilité de plus de 15 000 enfants – dans le Nord, où nous nous sommes rendus, il y a 22 000 enfants placés ! De tels chiffres montrent qu’il existe un dysfonctionnement global, auquel notre pays ne s’attaque pas. Les moyens budgétaires ne sont pas à la hauteur.
Mme Claire Hédon. Je commencerai par les enfants en situation de handicap. Rendez-vous compte : nous ne pouvons pas savoir combien exactement relèvent de la protection de l’enfance. Ces lacunes en disent long sur la qualité de leur prise en charge. Elles reflètent aussi les difficultés rencontrées par les parents. Quand ceux-ci ne trouvent pas de places adaptées aux besoins de leurs enfants, c’est la protection de l’enfance qui prend le relais. Quel système absurde !
S’agissant des outre-mer, nous y sommes présents, avec nos délégués territoriaux et nos chefs de pôles régionaux, que ce soit à La Réunion, à Mayotte, aux Antilles, où je me suis déjà rendue, ou en Guyane où j’irai au mois de mai 2025. Je précise qu’un seul des départements sur lesquels nous enquêtons se situe en outre-mer. Je vous enverrai la liste complète car nous préférons qu’elle ne soit pas citée publiquement.
Mme la présidente Laure Miller. Vous pouvez les nommer dans le cadre de cette commission d’enquête, madame la Défenseure des droits.
Mme Claire Hédon. Alors les voici : outre le Nord et la Somme, il s’agit de la Loire‑Atlantique, de l’Isère, de la Guadeloupe, du Pas-de-Calais, des Côtes-d’Armor, du Var, du Maine-et-Loire, de l’Ille-et-Vilaine, de la Sarthe et de la Côte-d’Or. Nous ne prendrons pas de décisions pour chacun d’entre eux mais élaborerons une décision-cadre où figureront des recommandations à destination de l’État et des services de soins. Je m’engage à vous les envoyer à la fin du mois de janvier, au plus tard la veille de leur publication, et me félicite que vous puissiez en prendre connaissance avant la publication de votre rapport. Vous imaginez bien que traiter les réclamations à l’échelle d’un département impose à nos équipes une lourde charge puisqu’il leur faut produire des évaluations à partir de centaines de pages de documents.
Vous mettez en lumière les relations entre placements et pauvreté. Il est évident que les conditions de vie des familles jouent un rôle, en particulier s’agissant du logement : je défie quiconque d’éviter toute carence éducative en élevant quatre enfants dans une chambre de bonne ! Je suis effrayée par le lien qu’on pourrait établir entre augmentation de la pauvreté et augmentation des mesures de placements relevant de la protection de l’enfance. Cela renvoie à un enjeu plus global, le difficile accès aux droits, qui caractérise la situation de pauvreté. C’est la raison pour laquelle l’accompagnement des parents et le soutien à la parentalité sont décisifs. Si les enfants ont des places en crèche, l’accompagnement sera meilleur et les risques de carences éducatives seront moindres. Cela renvoie aussi à l’accompagnement pendant la scolarité, qui accroît les chances de réussite scolaire. Il faut prendre en compte un ensemble de paramètres.
Je finis en précisant que nous ne pouvons pas intervenir pour contester une décision de justice, par exemple une décision de placement.
M. Éric Delemar, Défenseur des enfants. Dans un État comme le nôtre, il est aberrant que nous ne soyons pas capables de disposer des chiffres nécessaires. Chaque semaine, je me déplace dans les départements où je rencontre divers responsables, dont ceux des observatoires départementaux de la protection de l’enfance (ODPE). En trente secondes, un directeur ou une directrice de l’enfance et de la famille peut m’indiquer combien d’enfants relèvent dans son département de la protection de l’enfance, en distinguant les enfants confiés de ceux qui font l’objet d’actions éducatives, à domicile ou en milieu ouvert. Les directeurs généraux adjoints s’inquiètent fortement de l’augmentation de la précarité et constatent une dégradation de la santé mentale des enfants et des familles. La libération de la parole a contribué à donner une importance croissante sur la place publique aux droits de l’enfant, auxquels les enfants sont de plus en plus sensibilisés, mais les moyens ne suivent pas.
Nous devons changer certains paradigmes culturels. En France, les crèches sont avant tout considérées comme des lieux de garde, dont on évince les enfants de parents qui ne travaillent pas. Pourquoi ne pas les penser comme des lieux d’éveil, en liaison avec la politique des 1 000 premiers jours ? Dans ces structures pourraient être mises en œuvre des pratiques éducatives du quotidien contribuant au bien-être des enfants. Les chercheurs ont bien montré qu’éloignés des écrans, ils font davantage de découvertes, développent leur curiosité, deviennent plus alertes, notamment au contact avec la nature. Tout cela contribue à améliorer leur état de santé. De telles politiques de prévention devraient être généralisées. On peut faire des reproches à l’ASE, mais il faut bien voir que le chef de file qu’est le département ne peut pas faire grand-chose. Dans un contexte où le cloisonnement l’emporte, on peut même se demander s’il n’y a pas une forme de déresponsabilisation non des personnes mais des systèmes.
Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Je tiens à vous remercier pour la densité des éléments que vous nous avez fournis et les constats que vous avez partagés avec nous.
Il n’y a plus que des députés de gauche dans cette salle : vos propos sur les MNA ont pu déranger des députés appartenant à d’autres groupes politiques. Nous savons qu’à droite et à l’extrême droite, certains attribuent les dysfonctionnements de la protection de l’enfance à la présence sur notre territoire des MNA. Je vous remercie d’avoir affirmé avec tant de vigueur que leur responsabilité n’était nullement en cause et qu’ils étaient des enfants comme les autres.
J’aimerais vous interroger sur les saisines. Les mineurs peuvent-ils vous saisir ? Quels types de réclamations reviennent le plus souvent ? Quelle part représentent les placements abusifs ? De nombreux parents nous alertent à ce sujet et il nous est parfois difficile de faire la part des choses. Avez-vous noté une évolution dans les recours individuels ces dernières années ?
Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Je vous remercie pour votre intervention, particulièrement pour vos propos sur le non-respect de la prise en charge des MNA. Le gouvernement pourrait-il exercer une contrainte légale sur les départements concernés ?
S’agissant des établissements médico-sociaux, il importe de prêter davantage attention à leur fonctionnement, notamment en matière de contrôle financier. Un nouveau modèle peut‑il être envisagé ?
Je précise qu’avant d’être élue députée, je me consacrais à une thèse de doctorat en sociologie portant sur les jeunes à double vulnérabilité pris en charge par la protection de l’enfance et que j’ai une formation d’éducatrice spécialisée. Nous disposons d’une multitude de chiffres produits par les ARS, les départements, les centres régionaux d’études, d’actions et d’informations en faveur des personnes en situation de vulnérabilité (CREAI) ou les réseaux d’associations mais, comme vous le souligniez, il est toujours impossible de savoir combien d’enfants en situation de handicap sont accompagnés par la protection de l’enfance. Le recoupement des données pourrait pourtant être obtenu en deux clics puisque les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) relèvent, comme l’ASE, des départements. Il suffirait qu’un président de département s’engage avec un peu de conviction dans cette voie. Cet enjeu est d’importance car chiffrer, c’est comprendre. Arrivée à la fin de ma récolte de données, j’ai pu montrer combien les jeunes à double vulnérabilité étaient exposés aux ruptures d’accueil, réalité insoutenable. Le plus jeune de mon échantillon, âgé de 4 ans, avait connu, en l’espace de seulement un an, vingt-quatre lieux d’accueil différents. Cela revient à casser des enfants pour toujours. J’ai apprécié, madame la Défenseure des droits, que vous disiez que le dispositif actuel crée de l’enfance en difficulté.
Des problèmes se posent aussi en matière d’indicateurs. La direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) n’utilise pas les mêmes que l’Insee. Clarifier le dispositif de collecte et de production des données contribuerait à alimenter des recherches plus approfondies et à mieux éclairer certains phénomènes sur lesquels portent vos analyses.
En matière de handicap, vous avez indiqué qu’il serait intéressant de connaître le montant des investissements des ARS dans les établissements médico-sociaux et dans les services de pédopsychiatrie. Avez-vous des premiers éléments à nous fournir ?
S’agissant de la prévention, les dispositifs varient d’un département à l’autre, dans des proportions dramatiques. Élue de Bretagne, je connais les différences qui séparent les deux départements que vous avez cités. On peut aussi s’interroger sur le fait que des départements sponsorisent des coureurs du Vendée Globe à hauteur de 2 millions d’euros et en fassent des parrains de la protection de l’enfance. Cela sert-il l’intérêt supérieur de l’enfant ?
Dans nos circonscriptions, nous observons une hausse du recours à l’intérim, ce qui ne peut que mettre à mal le travail relationnel que suppose la prise en charge des enfants. Avez‑vous une vision plus globale de ce phénomène ? Comment parvenir à le quantifier ?
Depuis 2022, l’hébergement en hôtel des enfants pris en charge par l’ASE est interdit par la loi. Il semble malheureusement que ce mode d’accueil perdure, y compris pour des enfants en situation de handicap et des mineurs de moins de 14 ans. J’aimerais avoir votre avis sur cette situation.
Les enfants à double vulnérabilité relèvent à la fois de la pédopsychiatrie, du médico‑social, du judiciaire et de l’ASE et sont exposés à de multiples ruptures de parcours. Ils sont en effet accueillis dans divers types de structures où l’on peine à les garder, notamment parce que le personnel, en grande partie intérimaire, a du mal à prendre en charge leurs nombreux troubles associés et à faire face à la violence qu’ils peuvent manifester.
Je terminerai par l’augmentation du nombre de lieux d’accueil non habilités au titre de l’ASE : centres d’initiatives pour valoriser l’agriculture et le milieu rural (Civam), centres de voile agréés par le ministère de la jeunesse et des sports, gîtes, voire hôtels, quand ce ne sont pas des campings. Des collectifs d’anciens enfants placés alertent sur cette évolution, dénonçant un usage détourné du service public de la protection de l’enfance. Avez-vous reçu des saisines à ce sujet ?
M. Denis Fégné (SOC). Merci de votre travail.
Vous dites en somme, monsieur, que le Défenseur des enfants n’est sollicité que quand le système de protection de l’enfance ne répond plus. Si, pour élever un enfant, il faut tout un village, qu’en est-il donc du rôle des maires, impliqués dans le système de prévention et de soutien à la parentalité depuis la loi de 2007 ?
La formation à la bientraitance existe dans le système de soins et les établissements médico-sociaux. Elle est moins présente, notamment en ce qui concerne la bientraitance institutionnelle, dans les services sociaux et de protection de l’enfance. Ne faudrait-il pas l’y intégrer ?
M. Arnaud Bonnet (EcoS). Dans l’éducation nationale, d’où je viens, il est très difficile d’obtenir des données ; c’est pourtant le préalable indispensable à une décision éclairée. Est-ce qu’elles n’existent pas ou est-ce qu’on ne parvient pas à les avoir ?
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Vous avez cité le nom des départements à propos desquels vous vous êtes saisis. Vous serait-il possible de nous transmettre le détail des défaillances, afin d’orienter nos investigations ?
Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Lors d’une audition, des enfants placés ou anciens enfants placés nous ont alertés sur le développement de pratiques de repérage et de recrutement de ces enfants par des réseaux de prostitution. Nous avons eu d’autres échos concernant des prédateurs qui les exploitent pour le trafic de drogue. Avez-vous reçu les mêmes informations ? Quelle est l’ampleur du phénomène ? Évolue-t-il par rapport à ce que vous constatiez par le passé ?
Mme Claire Hédon. En ce qui concerne les départements, je redis que vous aurez nos décisions au plus tard la veille de leur publication officielle.
Il est évident qu’il faut des formations à la bientraitance. Elles commencent à se développer beaucoup dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) ; il en faudrait aussi dans les foyers de la protection de l’enfance. Mais la bientraitance et la lutte contre la maltraitance dépendent d’abord du nombre de personnels mis à disposition. Il est très injuste de mettre en difficulté à ce sujet des travailleurs sociaux qui le sont déjà faute de moyens. La situation est parfaitement comparable à ce qui se passe en Ehpad. Nous avons parlé de taux d’encadrement dans ces derniers établissements ; il faut engager la même réflexion en protection de l’enfance.
En ce qui concerne les MNA, arrêtons avec les fantasmes, nourris par l’absence de chiffres. Nous n’avons pas de données officielles et objectives sur le nombre d’enfants qui se présentent spontanément dans les services d’évaluation. Les seuls chiffres dont nous disposons ont trait aux décisions de justice liées à une demande de protection. Quant au nombre de MNA pris en charge par la protection de l’enfance, il était de 17 022 en 2018, de 16 760 en 2019, de 14 782 en 2022 – la baisse fait suite aux confinements –, de 19 370 en 2023 – l’augmentation par rapport à 2018 n’est pas effrayante. Pour 2024, le chiffre était de 11 706 au 31 octobre.
Je continuerai à dire qu’un enfant en danger est un enfant en danger, quelle que soit sa nationalité. C’est précisément à cause des risques de prostitution et de traite des êtres humains que nous demandons que ces enfants soient protégés : ils sont pour la plupart victimes de traite, c’est-à-dire poussés à la délinquance et à la prostitution. Quand on loge à l’hôtel des enfants confiés à la protection de l’enfance, le risque de recrutement par des réseaux est manifeste. Tout cela est lié. Nous n’avons aucun intérêt à ne pas protéger les MNA.
Quant à l’éternelle question de l’appel d’air, il faut arrêter de penser que des jeunes traversent la Méditerranée parce qu’ils savent qu’ils vont être confiés à la protection de l’enfance. Ils sont victimes, eux aussi, de réseaux et de traite.
Les mineurs peuvent nous saisir directement sans avoir à demander d’autorisation. En réalité, ils ne le font pas du tout suffisamment – le nombre de mineurs qui nous saisissent est d’environ 4 %. Nous restons mal connus du grand public, malgré notre travail auprès des enfants.
En ce qui concerne l’idée de créer une autorité de contrôle ad hoc, il existe déjà des organismes de contrôle ; ce qu’il faut, ce sont des moyens et des effectifs leur permettant de contrôler, notamment sur place.
S’agissant des enfants en situation de handicap, je répète que nous n’avons pas les chiffres globaux. Vous nous demandez aussi le nombre d’enfants logés à l’hôtel ou dans une structure inadaptée, mais, d’une manière générale, nous n’avons ni la capacité ni la mission de dresser un état des lieux d’ensemble, à la différence de la Cour des comptes ou de l’Igas. Nous partons des réclamations ou des alertes que nous recevons. En revanche, nous pouvons demander les chiffres dans le cadre de nos pouvoirs d’enquête. C’est le sens de certaines de nos autosaisines. On sait par exemple que 460 000 enfants en situation de handicap sont scolarisés dans l’éducation nationale, mais pour combien d’heures ? Cet élément change beaucoup la donne.
En tout cas, nous constatons d’énormes disparités entre les départements, par exemple pour l’attribution d’un accompagnant d’élèves en situation de handicap (AESH). Pour nous, l’évaluateur ne doit pas être le payeur, car le risque est trop grand que la décision soit déterminée par le manque de moyens.
Dans le cadre de notre décision « Lycéens sans lycée », concernant des jeunes admis en seconde mais non affectés dans un lycée – il aurait d’ailleurs été intéressant de savoir combien d’entre eux étaient pris en charge par la protection de l’enfance –, nous avons obtenu de l’éducation nationale des chiffres département par département – elle a reconnu ne pas les avoir consolidés. Nous avons ainsi découvert que 18 000 jeunes, en 2022, étaient non affectés en seconde, première ou terminale – je rappelle que si un élève rate son bac, le lycée a l’obligation légale de le reprendre. Ils sont plus de 22 000 en 2023 et plus de 23 000 en 2024 : la situation ne fait que s’aggraver.
Nous avions pourtant formulé des recommandations. Il s’agissait en particulier que tous les tours Affelnet aient lieu en juillet, de sorte qu’en l’absence d’affectation, les familles puissent rencontrer physiquement au rectorat quelqu’un qui leur explique ce qui est possible. C’est d’une violence inouïe pour un jeune de ne pas faire sa rentrée scolaire le jour prévu. Début novembre, normalement, la situation est régularisée, mais cela a donc pris deux mois. Je pense à un jeune de 16 ans qui a été incarcéré la veille du jour où il devait rentrer à l’école, il y a une semaine : début novembre, il n’était toujours pas au lycée, en classe de première. Quand interrogera-t-on la part de responsabilité de l’État, qui n’a pas scolarisé ce jeune ?
En tout cas, il y a des chiffres que nous essayons de demander et que nous commençons à obtenir quand nous les demandons.
M. Éric Delemar. Dans le contexte que nous connaissons de repli sur soi, de sédentarité et d’isolement, où le risque de violences intrafamiliales augmente, le village qu’il faut pour élever un enfant, ce devrait être les institutions : le maire, les structures de prévention, le service public de la petite enfance, en lien avec le département. Les maires sont très confrontés à l’aspect visible du passage à l’acte – les enfants qui ont subi des difficultés, des délaissements, et qui se retrouvent livrés à eux-mêmes –, aspect qu’il faut traiter mais qui prend parfois le pas sur les enjeux de prévention et de protection de l’enfance. Or la prévention – spécialisée, par la lutte contre la pauvreté ou par l’aide à la parentalité – est le maillon faible de nos politiques publiques.
Vous parliez de prostitution. Dans ce contexte difficile, citons des éléments positifs : j’étais la semaine dernière à Rouen, à l’ODPE de Seine-Maritime ; ce département a mis en œuvre des moyens comme des maraudes et des « aller vers ».
Il faut mesurer la complexité de la démarche. Ces jeunes – ce sont des filles que l’on parle le plus, mais des garçons sont aussi concernés – ne sont pas dans la rue, mais dans des Airbnb ou des hôtels. Des Audi A8 noires sont garées devant les établissements de la protection de l’enfance : on est dans le domaine du grand banditisme. Quels sont les moyens des forces de l’ordre face à des proxénètes qui viennent d’un autre département ? Dans ce cas, deux parquets sont concernés, deux brigades des mœurs ou de protection des mineurs. De façon très perverse, ces proxénètes surfent sur la précarité, notamment culturelle, de ces enfants qui sont un peu à l’école, mais pas beaucoup, un peu socialisés, mais pas beaucoup, qui ont un peu accès aux soins, mais pas suffisamment. Il faut du lien social pour qu’ils aient accès au droit commun et puissent être protégés. S’y ajoutent les enjeux de la conscience, de la protection et du respect du corps dès la petite enfance.
Mme Marguerite Aurenche, cheffe du pôle « Droits de l’enfant » du Défenseur des droits. S’agissant des structures non habilitées à recevoir des enfants, vous verrez dans nos décisions qu’à défaut de pouvoir fournir des données, nous constatons que beaucoup d’enfants sont pris en charge dans des structures hôtelières alors que l’on sait désormais avec certitude que ce n’est même pas dérogatoire, mais tout simplement interdit. Nous sommes aussi très inquiets du développement, dans certains départements en particulier, de l’hébergement dans des gîtes qui ne sont ni habilités ni agréés, se trouvent souvent dans un autre territoire que le département qui a la charge de l’enfant et figurent sur des listes très officiellement communiquées au ministère concerné. On retrouve le décalage entre le droit et la réalité dont parlait Mme la Défenseure des droits.
M. Éric Delemar. Cette situation pose aussi, comme l’intérim, la question du contrôle des antécédents des professionnels.
Mme Nathalie Lequeux, juriste au pôle « Droits de l’enfant » du Défenseur des droits. Le problème du contrôle est moins le fait que le contrôleur soit le financeur que le fait que le rapport de forces entre contrôleur et contrôlé puisse être inversé ; en d’autres termes, que le contrôleur ait tellement besoin de la structure contrôlée qu’il ne peut pas la fermer. C’est cela qui nuit à la qualité du contrôle et empêche qu’il ait des suites. Quand l’État entre en jeu, cela apporte un regard plus neutre. Le préfet peut décider la fermeture de l’établissement si cela s’impose, sans avoir à en gérer ensuite les conséquences.
L’autre problème, ce sont les moyens dont disposent les organes de contrôle. Dans un département, ce sont deux ou trois personnes qui diligentent les contrôles et, parfois, une personne de la préfecture accompagne le processus. C’est très insuffisant pour contrôler des foyers de l’enfance, des maisons d’enfants à caractère social (Mecs), des lieux de vie et d’accueil, des familles d’accueil – qui devraient être mieux contrôlées par la PMI. Il faut renforcer ces moyens.
En ce qui concerne la typologie des saisines, la plupart ne visent pas à contester le placement, mais concernent l’état des relations entre les parents et les services de l’ASE. Les parents nous disent qu’ils n’ont pas de relations avec l’ASE, qu’ils n’arrivent jamais à avoir leur référent au téléphone, qu’ils n’ont pas pu travailler le PPE, qu’ils ne savent pas ce que l’on attend d’eux pour obtenir un droit de visite, voire le retour de l’enfant à la maison, qu’ils ne comprennent pas quels sont les objectifs. Il n’y a plus de calendrier des visites en présence d’un tiers. Nous intervenons alors pour proposer une médiation et tenter de recréer du lien entre les parents et les services, malgré la sursollicitation de ces derniers et malgré toutes les autres contingences. Les éducateurs de l’ASE, monopolisés par l’urgence – des enfants à double vulnérabilité ou à problématique complexe, qui enchaînent les ruptures et auxquels il faut trouver un lieu d’accueil –, n’ont pas de temps pour celui qui est bien dans sa famille d’accueil mais dont les parents rencontrent des difficultés.
Concernant les données, nous les demandons aux départements. Certains, comme la Somme, ont instauré une transmission croisée entre MDPH et protection de l’enfance, sous une forme encore artisanale. La principale donnée manquante est le nombre de notifications MDPH qui ne sont pas exécutées ou qui le sont mal – par exemple, un service d’éducation spéciale et de soins à domicile (Sessad) au lieu d’un accueil en établissement médico-social. Pour nous fournir cette donnée, les départements nous disent qu’ils auraient besoin d’aller voir dans les dossiers.
J’appelle enfin votre attention sur les services de prévention spécialisée au sein des départements. Ils sont en première ligne pour lutter contre la délinquance et la prostitution, mais il n’y en a pas partout. Quand ils sont absents, il ne faut pas s’étonner d’être confronté à ces problèmes.
Mme Claire Hédon. Il est important de refaire le point sur la protection de l’enfance ; de ce point de vue, votre commission d’enquête a un rôle essentiel à jouer.
Nous vous enverrons nos réponses à votre questionnaire ainsi que nos décisions. La version que nous vous enverrons ne sera pas anonymisée, alors que c’est notre pratique habituelle – nous nous engageons normalement à ne recourir au name and shame, par exemple vis-à-vis de certains départements, que si nos recommandations ne sont pas suivies. Il vous reviendra d’en tenir compte dans ce que vous direz publiquement.
Mme la présidente Laure Miller. Merci beaucoup.
La séance s’achève à vingt heures cinq.
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Présents. – Mme Ségolène Amiot, Mme Anne Bergantz, M. Arnaud Bonnet, Mme Nathalie Colin-Oesterlé, M. Philippe Fait, M. Olivier Fayssat, M. Denis Fégné, Mme Géraldine Grangier, Mme Ayda Hadizadeh, Mme Marine Hamelet, Mme Marie Mesmeur, Mme Laure Miller, Mme Julie Ozenne, Mme Béatrice Piron, Mme Isabelle Santiago.
Excusée. – Mme Anne-Laure Blin