Compte rendu
Commission d’enquête
sur les manquements
des politiques publiques
de protection de l’enfance
– Audition, ouverte à la presse, de Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles 2
– Présences en réunion................................19
Mercredi
19 février 2025
Séance de 14 heures 30
Compte rendu n° 26
session ordinaire de 2024-2025
Présidence de
Mme Laure Miller, Présidente de la commission
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La séance est ouverte à quatorze heures quarante.
Mme Laure Miller (EPR). Nous avons le plaisir d’accueillir Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, que je remercie de s’être rendue disponible pour ce qui sera la dernière audition de notre commission d’enquête.
Alors que nous avons souvent constaté un cloisonnement préjudiciable dans le pilotage des politiques publiques de protection de l’enfance, le périmètre très large du ministère dont vous avez pris la tête le 24 décembre est source d’espoir : il ouvre la perspective d’une meilleure coordination de l’action de l’exécutif et, plus fondamentalement, de réformes à court ou moyen terme au bénéfice d’un secteur qui connaît une crise profonde.
Nous souhaitons entendre votre analyse de la situation actuelle et connaître les raisons pour lesquelles les décrets ne sont que très laborieusement publiés, mais aussi explorer avec vous les pistes qui se sont fait jour au fil de nos travaux, et sur lesquelles la rapporteure et l’ensemble de mes collègues ne manqueront pas de vous interroger.
Je rappelle que notre audition est retransmise en direct sur le site de l’Assemblée nationale. L’enregistrement audiovisuel sera ensuite disponible à la demande.
L’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d’enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.
(Mme Catherine Vautrin prête serment.)
Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles. Aujourd’hui, près de 397 000 enfants sont suivis par l’aide sociale à l’enfance (ASE), la plupart faisant l’objet d’un placement ordonné par le juge ou de mesures éducatives renforcées. Mais n’oublions pas que derrière ces termes juridiques, c’est d’enfants que nous allons parler.
La protection de l’enfance connaît des phénomènes nouveaux : dans un contexte de baisse significative de la natalité, le nombre d’enfants confiés à l’ASE – notamment de tout-petits –, augmente de manière importante : le nombre de mesures d’aide sociale à l’enfance est passé de 16,6 ‰ en 1998 à 22,9 ‰ en 2022. Et la pression s’est encore accrue avec l’arrivée de nombreux mineurs non accompagnés (MNA) – 46 200 étaient ainsi pris en charge en 2023 –, dont la protection doit être garantie au même titre que l’ensemble des enfants suivis par l’ASE. En outre, un quart des enfants protégés sont en situation de handicap ; ils représenteraient à eux seuls 50 % des hospitalisations en psychiatrie infantile.
Au-delà de ces statistiques, la parole des enfants placés et des anciens enfants placés doit être au cœur de la conception des politiques menées. À cet égard, l’implication du Comité de vigilance des enfants placés (CVEP) dans les travaux de votre commission est précieuse.
Je mesure l’immensité du chantier de refondation que nous avons à mener. À peine nommée, j’ai choisi pour mon premier déplacement, le 31 décembre, de me rendre à la Maison d’enfants à caractère social (MECS) de Morainvilliers-Bures, dans les Yvelines. Deux maisons jumelles y accueillent chacune six enfants porteurs de graves troubles autistiques, accompagnés par trente-cinq équivalents temps plein (ETP). Comme le village d’enfants du Lion-d’Angers, où je me suis rendue en janvier avec la présidente du groupement d’intérêt public (GIP) France Enfance protégée, Florence Dabin, ce modèle est incontestablement l’une des réponses à la crise de la protection de l’enfance. Je sais aussi que ces deux exemples ne reflètent pas la situation globale de la protection de l’enfance : les défaillances sont nombreuses – échanger avec un enfant suivi par l’ASE ou avec des travailleurs sociaux suffit à s’en rendre compte.
La politique de protection de l’enfance repose sur une articulation complexe, mais essentielle, entre l’État – elle mobilise notamment les ministères de l’enfance, de la justice, de la santé et l’éducation nationale – les départements, responsables de l’aide sociale et de la solidarité, et les associations. Outre les fonds alloués par l’État à la gestion des mineurs non accompagnés ou accordés dans le cadre d’une contractualisation, les départements consacrent près de 10 milliards d’euros à la protection de l’enfance. Pourtant, le déploiement des politiques afférentes reste trop hétérogène et les conditions de placement et de prise en charge, pas toujours adaptées, connaissent des disparités territoriales importantes. Ainsi, trop d’enfants continuent de vivre au sein de leur famille malgré une décision de placement, certains juges renonçant même à prononcer le placement faute de solutions adaptées.
Face à ces difficultés, les missions de l’État sont claires : garantir un traitement équitable des enfants protégés en matière de santé, d’éducation et d’insertion, veiller à ce que chaque enfant bénéficie d’un parcours individualisé et continu et d’une prise en charge garantissant l’égalité de ses chances par rapport aux autres enfants, et accorder une attention particulière aux enfants présentant une double vulnérabilité. Le constat est clair : nous n’y sommes pas. Partant, avec toute l’humilité d’une personne chargée de ce dossier depuis seulement le mois de janvier, j’ai décidé de fixer cinq priorités immédiates.
Première priorité : fixer des normes et des taux d’encadrement dans les pouponnières et l’ensemble des établissements accueillant des enfants suivis par l’ASE, car la qualité de la prise en charge en établissement – 55 % des mesures de protection judiciaire sont un placement – est étroitement liée à ces deux paramètres.
Je partage les alertes de la rapporteure sur les pouponnières, qui accueillent les enfants de zéro à trois ans : le décret du 15 janvier 1974 nécessite évidemment d’être revu. Après concertation avec les départements et les associations, je prendrai donc d’ici à fin juin 2025 un décret révisant les conditions de prise en charge dans les pouponnières – notamment le taux d’encadrement – et fixant une durée maximale de placement. En effet, il me semble important de rappeler que la pouponnière doit rester un lieu de placement temporaire et transitoire, le temps de définir un parcours adapté, individualisé et le plus familialisé possible pour l’enfant, et non un lieu de vie. La durée maximale de placement en pouponnière sera ainsi fixée, dans un premier temps, à trois mois, pour être progressivement ramenée à six semaines. Parallèlement, j’engagerai dans les prochaines semaines une refondation des conditions et critères d’adoption des enfants en pouponnière, qui sont encore trop nombreux à ne pouvoir prétendre retourner dans leur famille dans des conditions sécurisées. Il faut alors en tirer des conséquences dans le projet de vie de l’enfant.
Au-delà, le taux d’encadrement dans les établissements d’accueil collectif est un sujet sensible et complexe, qui touche à la disponibilité des personnels et aux difficultés de les attirer et de les fidéliser, mais aussi au coût des placements. Assurer la sécurité et la qualité du parcours de chaque enfant doit être notre priorité. Cela nécessite une action à la fois ambitieuse et réaliste : à quoi bon fixer des taux d’encadrement à effet immédiat, si le manque de personnel nous empêche de les atteindre, nous contraignant à fermer des établissements ? Pour engager cette démarche, je propose un plan pluriannuel pour les années 2026 à 2031 visant à définir les situations prioritaires et le rythme de progression. L’objectif des travaux que je souhaite mener avec les départements est de définir une trajectoire d’ici à la fin du semestre, qui sera déclinée dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) pour 2026.
Deuxième priorité : je m’engage à ce que les cinq décrets manquants pour garantir l’application complète et effective de la loi dite Taquet soient publiés.
Tout d’abord, le décret relatif à l’impossibilité de délivrer un nouvel agrément en cas de retrait d’un agrément motivé notamment par des faits de violences à l’encontre des mineurs accueillis, et lorsque le retrait a eu lieu avant l’expiration d’un délai approprié, quel que soit le département dans lequel la nouvelle demande est présentée, devrait être publié très rapidement – possiblement à la fin du mois –, puisqu’il a été examiné par le Conseil national d’évaluation des normes (CNEN) le 7 février, puis par le Conseil d’État le 18 février.
Ensuite, j’ai engagé une concertation avec Départements de France sur les deux décrets relatifs à la protection maternelle et infantile (PMI), qui fixent respectivement les objectifs nationaux de santé publique et les effectifs minimaux d’encadrement devant être respectés lors de l’organisation des activités mentionnées de PMI, afin de garantir un niveau minimal de réponse aux besoins sanitaires et sociaux de la population – ils sont prêts et devraient être publiés d’ici à la fin avril.
Les deux derniers décrets, enfin, appellent des développements informatiques du GIP France Enfance protégée. Ces travaux ont d’ores et déjà commencé, et le décret portant sur le système d’information des agréments en vue d’adoption, pris en Conseil d’État après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) devrait être publié fin avril également. Le décret sur la base de données des agréments des assistants familiaux et maternels sera le dernier à paraître : l’élaboration du cahier des charges de cette base de données, véritable outil de pilotage local et national qui permettra aux départements d’accéder facilement aux caractéristiques des agréments et de leur retrait ou renouvellement, a commencé début 2025, sous l’égide du GIP. La publication du décret est prévue pour novembre 2025. Nous essaierons d’aller plus vite, mais les développements informatiques préalables sont lourds et, en tout état de cause, il n’est pas raisonnable d’espérer une publication avant le début de l’automne.
Troisième priorité : mieux contrôler les établissements accueillant des enfants placés et mieux partager les informations pour assurer une meilleure prise en charge. À cette fin, une circulaire sera prise d’ici à fin mars pour renforcer la coordination et le partage d’information entre l’ensemble des acteurs de la prise en charge des enfants, notamment entre les équipes de mon ministère et celles du ministère de l’intérieur. Le préfet étant le représentant de l’État le mieux identifié localement, je souhaite également que chaque préfecture dispose d’un référent ASE, à l’instar de ce qui existe dans les conseils départementaux – c’est une piste sur laquelle je souhaite travailler. Comme je l’ai expliqué hier au président de Départements de France, François Sauvadet, il me semble absolument indispensable que tout président d’un département accueillant des enfants confiés par un autre département soit informé de ce transfert : je souhaite donc travailler avec l’ensemble des présidents de département pour organiser la communication entre le département d’origine et le département d’accueil.
Enfin, à partir des recommandations formulées dans le rapport Sichel, nous devons converger vers la construction et la réforme des systèmes d’information. En cours d’expérimentation dans quatre départements, le dossier numérique partagé, qui permet de disposer de données en temps réel pour mieux piloter la politique de protection de l’enfance, est une première piste.
Quatrième priorité : améliorer la coordination des acteurs locaux pour garantir une meilleure prise en charge des enfants, en accélérant le déploiement des comités départementaux de la protection de l’enfance (CDPE). En cours d’expérimentation dans dix départements, ces instances de coordination regroupent l’ASE, les services de la PMI, de la justice et de l’éducation nationale, l’agence régionale de santé (ARS) et les organismes de sécurité sociale, sous la présidence conjointe du président du conseil départemental et du préfet. Si le bilan de cette expérimentation, avancé à octobre 2025, est concluant, les CDPE seront généralisés dès 2026.
Cinquième priorité : assurer la santé, notamment mentale, des enfants protégés.
Les témoignages du Comité de vigilance des enfants placés ont souligné les troubles psychologiques et le manque de confiance dont souffrent les enfants placés. Il est donc indispensable de mener systématiquement une évaluation psychologique à l’entrée dans le dispositif d’aide sociale à l’enfance afin d’assurer les soins et la prise en charge les plus adaptés et rapides possible. Consciente des difficultés pour avoir accès à un pédopsychiatre dans chacun des départements, je lancerai dès ce semestre un appel à projets dans cinq départements pour avancer sur ce sujet.
Le programme Santé protégée et le protocole PEGASE – protocole de santé standardisé appliqué aux enfants bénéficiant avant l’âge de cinq ans d’une mesure de protection de l’enfance –, en cours d’expérimentation au titre des innovations en santé prévues à l’article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, et dont le bilan est positif, méritent d’être généralisées afin que chaque enfant, partout en France, bénéficie réellement d’un parcours de soins coordonné. Mes services travaillent à cette généralisation qui devrait intervenir dès 2026.
Je soutiens également les démarches qui permettront de prendre en charge les enfants les plus vulnérables, victimes de violences : c’est le sens de la poursuite de la généralisation des unités d’accueil pédiatriques des enfants en danger (UAPED). Grâce à un soutien de 4 millions d’euros, vingt-cinq nouvelles structures devraient ouvrir en 2025, s’ajoutant aux 139 existantes. Nous renforcerons également les moyens des UAPED dans les vingt départements les plus denses. D’autres projets innovants méritent notre soutien, à l’instar du centre d’appui à l’enfance, créé par la professeure Céline Greco – que je recevrai d’ailleurs ce soir.
Enfin, l’évaluation globale de la situation des enfants protégés fait l’objet d’un nouvel appel à projets piloté par la Haute Autorité de santé (HAS), dont les conclusions permettront d’améliorer les pratiques dès 2025.
Ces mesures d’urgence sont d’autant plus importantes que le secteur de la protection de l’enfance traverse une crise profonde, qui se traduit notamment par des difficultés d’attractivité et de fidélisation des professionnels. Près de 129 100 sont aujourd’hui engagés mais, alors que le nombre de mesures de placement a augmenté de 40 % entre 1998 et 2022, le secteur, à l’instar d’autres métiers du soin, rencontre d’importantes difficultés en matière d’attractivité et de fidélisation.
Pour former davantage de professionnels et faciliter l’accès aux carrières sociales et médico-sociales, nous avons engagé des travaux de simplification de la validation des acquis de l’expérience (VAE) afin de renforcer la filière de formation initiale. Nous devons également faire évoluer la loi pour autoriser le cumul du métier d’assistant familial avec une autre activité professionnelle et organiser le droit au répit des familles d’accueil. C’est un sujet dont j’ai souvent entendu parler, malgré mon peu d’expérience dans le domaine.
Travailler sur ces sujets nous permettra de prioriser le retour dans la famille si les conditions de sécurité sont réunies, puis de privilégier le placement auprès d’un tiers de confiance ou d’un proche, éventuellement dans une famille d’accueil ; l’accueil collectif ne doit être envisagé qu’en dernier recours. Je suis consciente que cela prendra du temps, alors qu’il y a urgence. Nous examinerons également les normes applicables à l’accueil en famille : il faut en simplifier les modalités tout en garantissant la sécurité des enfants accueillis.
Au-delà de toutes ces mesures, j’entends engager une véritable refondation de la politique de protection de l’enfance.
Nous devons tout d’abord intensifier les efforts en matière de prévention et de soutien aux familles. La meilleure protection de l’enfance consiste en effet avant tout à créer les conditions d’une parentalité protectrice, afin d’éviter les placements. C’est tout le sens d’une contractualisation avec les départements, résolument engagée sur les actions de prévention dès cette année, avec une stratégie de soutien à la parentalité qui sera diffusée par mon ministère avant la fin du semestre.
Pour garantir l’effectivité de l’ensemble des mesures de placement et éviter les ruptures de parcours, nous devons également transformer l’offre de prise en charge. Au-delà des assistants familiaux, dont il faut rendre le métier plus attractif, il convient de favoriser le placement dans la famille élargie ou chez un tiers digne de confiance. Afin de mobiliser davantage cette solution dans un cadre sécurisé pour l’enfant, je prendrai des dispositions réglementaires permettant de s’assurer de l’honorabilité des proches ou tiers de confiance devant accueillir l’enfant, car cela manque aujourd’hui. Je travaillerai avec le garde des sceaux pour favoriser l’adoption chaque fois que cela est possible. Une meilleure coordination entre les magistrats, les professionnels et les départements permettra d’identifier les conditions de prise en charge les plus souhaitables pour chaque enfant et de garantir une meilleure exécution des décisions de placement – qui seront d’autant moins nombreuses que tous les autres leviers pertinents auront préalablement été mobilisés.
Avec Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre chargée de l’autonomie et du handicap, nous travaillons également à trouver des solutions adaptées à la bonne prise en charge des enfants présentant une double vulnérabilité. Cela passera par le recours au plan « 50 000 solutions » et le développement de l’accueil familial, notamment thérapeutique. Je suis la ministre de l’enfance mais aussi celle des personnes en situation de handicap : j’y vois une opportunité unique de mobiliser tout mon ministère sur cette question.
Garantir à chaque enfant un accès réel à la santé et à l’éducation doit être une priorité. Au-delà de la généralisation du parcours de soins coordonné, je souhaite travailler avec la ministre d’État chargée de l’éducation nationale pour donner aux enfants placés et protégés toutes les chances de réussite. L’école doit prendre en compte leurs spécificités, pour mieux les comprendre et les accompagner. Afin de garantir un suivi adapté, le dispositif « Scolarité protégée », encore insuffisamment déployé, doit être effectivement généralisé partout dans le territoire. Nous devons aussi mieux organiser l’accès aux études supérieures, favoriser l’autonomie et améliorer l’insertion et l’emploi, en renforçant le parrainage des jeunes sortant de l’ASE. J’ai confié une mission en ce sens à la Caisse des dépôts et mobiliserai également les services de France Travail sur ces questions.
Mais cette refondation de la protection de l’enfance ne réussira que grâce à une coopération pérennisée avec les départements, dont elle constitue aujourd’hui le deuxième poste de dépenses sociales. À cet égard, le nouveau cadre de contractualisation de la Stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance, orienté vers la prévention et doté de 120 millions d’euros, sera un levier essentiel. La montée en puissance GIP France Enfance protégée et la création du haut-commissariat à l’enfance permettront d’accélérer cette coordination entre l’État et les collectivités locales. S’agissant des moyens, la loi de finances pour 2025 pérennise l’augmentation des crédits alloués à la prise en charge des mineurs non accompagnés, déjà passés de 70 à 100 millions d’euros entre 2023 et 2024, ainsi que le budget de 6 millions d’euros alloué à la lutte contre la prostitution des mineurs.
Et pour garantir l’égalité de traitement de tous les enfants sur le territoire, je suis prête à aller plus loin encore. La protection de l’enfance n’est pas seulement une responsabilité politique pour les départements et l’État : c’est un enjeu de société qui nous concerne tous. « L’éducation est l’arme la plus puissante que l’on puisse utiliser pour changer le monde », disait Nelson Mandela : donner à chacun de ces enfants les moyens de sa réussite, c’est l’engagement que je prends, avec humilité et détermination.
Mme Isabelle Santiago, rapporteure. Nous approchons de la fin de nos travaux : en près d’un an – nos travaux ayant été interrompus par la dissolution –, nous avons procédé à une soixantaine d’auditions et près de dix déplacements, qui nous ont permis de constater la diversité des problématiques rencontrées dans la protection de l’enfance. La charge émotionnelle de cette commission d’enquête nous oblige. Vous venez d’annoncer plusieurs pistes pour refonder la protection de l’enfance. Le rapport que nous présenterons début avril, très attendu, sera l’occasion de poursuivre cet engagement.
Je voudrais revenir sur quelques points importants.
Après des batailles complexes, le secteur médico-social a pu finalement bénéficier de la prime Ségur, initialement prévue pour les personnels de santé après la crise du Covid. Or tous les départements n’ont pas pu verser cette prime. Ainsi, tous les salariés des grandes associations, qui couvrent pour certaines l’ensemble du territoire, n’ont pas pu bénéficier de la prime Ségur. Cela a engendré de grandes inégalités dans un secteur qui traverse une grave crise d’attractivité. La séparation de la santé et du social en 1983, dans le cadre de la décentralisation, a été une profonde erreur s’agissant de la protection de l’enfance qui constitue un enjeu de santé publique. Les personnels du secteur médico-social, qui accompagnent les enfants vingt-quatre heures sur vingt-quatre, auraient pu être applaudis au même titre que les infirmiers pendant la crise du Covid.
Leur travail doit donc être valorisé. Mais la situation est dramatique. Pour certaines associations qui décideraient de se substituer aux départements, le versement de la prime ne sera possible qu’au prix d’un déficit allant jusqu’à 900 000 euros – de quoi mettre la clé sous la porte et laisser sans solutions pas moins de 1 200 enfants faisant l’objet d’une mesure de protection.
Non seulement la problématique de la prime Ségur pèse sur le budget des associations habilitées, mais elle affecte des personnels qui ne servent pas des prestations mais s’occupent d’enfants.
L’État doit s’assurer que les collectivités ont les moyens de répondre à ses demandes ; or ce n’est pas toujours le cas. L’asphyxie financière des départements entraîne celle des associations qui, pour des raisons historiques, accompagnent 90 % des enfants. De fait, les baisses budgétaires des départements pourraient concerner le secteur de la protection de l’enfance. C’est pourquoi nous préconiserons que le budget alloué à cette politique ne soit pas fongible : l’État et les départements doivent se doter des capacités de prendre en charge ces enfants de manière optimale.
Par ailleurs, la prospective est impossible en raison de l’absence de données, dénoncée, en vain, par de nombreux rapports depuis des décennies. Nous n’avons aucune visibilité, ni sur le bâti ni sur les enfants pris en charge ; aucune étude longitudinale de cohortes n’est menée, à la différence de ce qui se fait un peu partout ailleurs. Le week-end dernier, à Paris, le parquet a pris des ordonnances de placement provisoire (OPP) concernant cinquante enfants. Quel département peut accueillir autant d’enfants la même soirée ? Faut-il que la coordination interministérielle soit absente pour que les répercussions de la crise du Covid sur la santé mentale ou les violences intrafamiliales aient été si peu prises en compte !
La situation des pouponnières est telle que des juges refusent de prendre certaines mesures parce qu’ils savent qu’elles ne seront pas appliquées par le département. Les associations cherchent des places ; les travailleurs sociaux, à qui je rends hommage, consacrent tout leur temps à cette recherche, au point de ne plus pouvoir être aux côtés des enfants. On a besoin d’un socle de normes pour que les enfants soient pris en charge de la même manière sur l’ensemble du territoire ; il est inacceptable qu’il n’en soit pas ainsi.
La feuille de route que vous avez annoncée comporte des avancées, que nous allons suivre, mais elle doit également inclure le développement de la prospective de manière à organiser différemment le travail en amont. L’État a une très lourde responsabilité dans l’immobilisme que nous observons dans le domaine normatif. Les grandes associations nous ont alertés à de nombreuses reprises depuis 2023 sur la crise de la profession et sa nécessaire revalorisation, laquelle passe par la rémunération mais aussi par l’amélioration de la formation, qui n’est actuellement pas suffisante pour permettre aux professionnels d’accompagner les enfants qui ont subi de graves psychotraumatismes.
Sur ces différentes questions, nous formulerons de nombreuses préconisations, mais je peux d’ores et déjà vous dire qu’il est indispensable d’organiser la politique de la protection de l’enfance au niveau interministériel et de développer la prospective pour accompagner les enfants le mieux possible. Il faut un pilote dans l’avion.
Non seulement il est inacceptable que des professionnels soient contraints d’accueillir des bébés dans de mauvaises conditions, mais cette situation fait de la France le pays d’Europe qui place le plus d’enfants en institution, ce qui compromet leur développement. La justice doit être guidée par le souci de satisfaire les besoins fondamentaux de l’enfant et les magistrats – comme les médecins, du reste – doivent être formés en conséquence. Il faut avoir une vision à 360 degrés pour faire bouger les lignes.
La protection de l’enfance est un enjeu de société majeur.
Rappelons-nous que les différentes évolutions qui sont intervenues en matière sanitaire, sociale ou judiciaire – je pense au recentrage, en 2011, de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) sur le pénal au détriment de l’éducatif – se sont traduites par un désengagement de l’État de secteurs entiers, qui a eu pour conséquence de laisser à la protection de l’enfance le soin d’accueillir les doubles, voire les triples vulnérabilités, à savoir des enfants qui relèvent à la fois de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH), de l’ASE et de la PJJ. Il faudra y remédier assez rapidement.
Mme Catherine Vautrin, ministre. Merci pour vos propos. Je comprends ce qu’ont vécu les membres de votre commission, qui ont eu à connaître des cas d’enfants qui se trouvent dans une situation très difficile, et j’ai, comme vous, une pensée particulière pour celles et ceux qui sont à leurs côtés au quotidien dans les conditions que nous savons.
En ce qui concerne le Ségur, il serait un peu trop facile de juger rétrospectivement l’action de ses prédécesseurs. Toutefois, l’Assemblée nationale a pu le constater, la mise en œuvre de cette bonne idée que fut la prime Ségur a été particulièrement complexe. Son périmètre n’a pas été assez précisément défini lorsqu’elle a été annoncée, de sorte que les personnels qui y étaient éligibles sont beaucoup plus nombreux que prévu – ce qui doit conduire les membres du Gouvernement à bien délimiter le champ des mesures qu’ils annoncent.
Pas plus tard qu’hier, j’ai eu des échanges avec le président de Départements de France et les présidents de groupe Gleyze et Lacroix, avec qui j’ai, eu égard à mes attributions, de nombreux dossiers en commun, que ce soit dans le domaine du travail ou dans le domaine médico-social. Je souhaite que nous travaillions à la déclinaison concrète des éléments contenus dans la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025. Nous déterminons notamment les voies et moyens de solder la question de la prime Ségur, car nous ne pouvons pas considérer que les personnels doivent faire les frais d’une imprécision. Nous envisageons donc d’organiser à cette fin, au début du mois de mars, une conférence des financeurs.
S’agissant des assistants familiaux, le répit me semble être une solution importante au problème de l’attractivité de cette profession.
La question des données, vous avez raison, revêt une importance majeure. On ne peut pas mettre en avant l’intelligence artificielle et manquer de données dans un domaine aussi important que celui de la protection de l’enfance. Il y va de la gestion du bâti et, surtout, du suivi du parcours des enfants. L’expérimentation de la Caisse des dépôts est particulièrement intéressante à cet égard car elle permettrait d’assurer le suivi de la vie de chaque enfant dans l’ensemble de ses dimensions – santé, scolarité… –, suivi qui doit, de ce fait, être organisé à l’échelon interministériel. Le fameux dispositif de l’article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 permet à mon ministère de mener des expérimentations et des suivis de cohorte. Mais, sans données, il est très difficile de réaliser de telles études. Nous pouvons aller plus loin en la matière.
Il est des premières places dont on ne rêve pas ; si la France quitte rapidement celle qu’elle occupe pour le nombre d’enfants placés, nous aurons fait œuvre utile. Nous devons le respect à ces enfants et à celles et ceux qui s’en occupent.
Nous ne manquons pas d’objectifs. Reste à déterminer la manière dont on les atteint et dont on mesure les progrès accomplis. Tel est le sens de mon engagement dans les fonctions que j’occupe.
Vous avez raison de souligner le manque de normes, mais nous ne comblerons jamais cette lacune : elle est liée à la manière dont ce secteur a été organisé en France au début du XXe siècle et fondé sur le bénévolat, c’est-à-dire les « bonnes œuvres » – et cet enjeu n’a pas non plus été pris en compte en tant que tel lors de la décentralisation. De ce fait, cette politique a incontestablement manqué d’une vision et de normes. Un siècle après, il est temps que nous déterminions les voies et moyens d’y remédier.
On parle à longueur de journée du virage démographique français et du problème de la natalité. J’ai indiqué qu’on dénombrait près de 397 000 mesures de protection au titre de l’aide sociale à l’enfance. Certains enfants pouvant faire l’objet de plusieurs mesures, les enfants concernés sont au nombre, disons, de 360 000 – ce chiffre n’a rien de scientifique. Si on le rapporte au nombre des Français – 68 millions –, la montagne ne paraît pas si haute : nous devons apporter des solutions à chacun de ces enfants.
M. Denis Fégné (SOC). Sur le terrain, les travailleurs sociaux déplorent que les dispositifs des lois de 2002, de 2007, de 2016 et de 2022 aient été empilés sans avoir été évalués. Quelle place comptez-vous faire à l’évaluation des politiques publiques, en particulier en matière de protection de l’enfance ?
Mme Catherine Vautrin, ministre. Non seulement les lois se sont succédé mais elles ne sont même pas pleinement effectives car leurs décrets d’application n’ont pas été publiés. C’est pourquoi j’ai pris soin de citer les décrets que je compte prendre et la date à laquelle je souhaite qu’ils soient publiés.
Quant à l’évaluation de loi, je ne me permettrai pas de vous dire qu’elle relève du Parlement. En tout état de cause, le rapport de votre commission, dont le ton nous incitera sans doute à mettre les bouchées doubles, comportera certainement une bonne évaluation de ce qu’il convient de faire. C’est pourquoi je souhaite élaborer un plan d’action dont vous puissiez mesurer les résultats année après année.
M. Arnaud Bonnet (EcoS). Qu’en est-il de la création du haut-commissariat à l’enfance que nous attendons depuis deux mois ? Une telle instance faciliterait certainement la nécessaire coordination des services chargés de l’enfance.
Nous avons été alertés par les présidents des conseils départementaux sur leurs besoins d’un financement de l’État. Pouvez-vous nous assurer que les moyens nécessaires seront alloués à l’amélioration de l’aide sociale à l’enfance ?
J’en viens à la question du bien-être des enfants placés. Qu’en est-il de leur déscolarisation ? Nous avons également recueilli de très nombreux témoignages sur l’absence de suivi des enfants de l’aide sociale à l’enfance. Vous avez évoqué leur arrivée, mais qu’en sera-t-il pendant toute la période de leur prise en charge ? Enfin, on estime à environ 15 000 le nombre des enfants de l’ASE, âgés de treize à dix-sept ans, qui seraient concernés par la prostitution. Certaines jeunes filles se prostitueraient même au vu et au su de certains personnels dans des foyers ou des MECS. L’État est véritablement un parent défaillant !
Mme Catherine Vautrin, ministre. Le décret portant création du haut-commissariat à l’enfance est sorti le 10 février et le haut-commissaire devrait être nommé d’ici à deux semaines. J’ai commencé à travailler à l’élaboration d’une feuille de route dont je pourrai discuter avec la personne qui sera nommée – que je ne connais pas à l’heure actuelle. Puisque le haut-commissaire me sera rattaché – le décret est clair sur ce point –, ce qui signifie que je conserve la responsabilité de la politique de l’enfance, j’envisage qu’il œuvre à mes côtés dans les domaines suivants : prévention des violences faites aux enfants, organisation de l’adoption, qui est un chantier en soi, politique de soutien à la parentalité, stratégie d’usage des écrans, pédagogie de l’accompagnement pour les enfants comme pour les parents et service public de la petite enfance – avec la notion d’aller vers les élus locaux. Un comité interministériel pourrait se tenir avant l’été. Pour être tout à fait claire, je souhaite conserver la responsabilité directe de l’aide sociale à l’enfance car je veux en faire un des axes forts de mon action.
En ce qui concerne le suivi scolaire, j’ai évoqué le dispositif « scolarité protégée ». Il s’agit d’aller beaucoup plus loin car, vous avez raison, le taux de redoublement des enfants de l’ASE est particulièrement élevé et nombre d’entre eux relèvent de l’horrible catégorie des ni scolarisés ni en activité.
Par ailleurs, j’ai souhaité qu’un budget soit alloué à la lutte contre la prostitution ; il s’élève à 6 millions dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025. Cette action doit faire l’objet de pilotages locaux car mes échanges avec les présidents de conseil départemental ont, hélas ! confirmé votre propos : 6 000 à 10 000 mineurs seraient victimes de la prostitution. C’est dire si l’enjeu est prioritaire.
Enfin, j’ai indiqué dans mon propos liminaire le montant des crédits prévus dans le budget de 2025.
Mme Anne Bergantz (Dem). Avez-vous des pistes de travail concernant le statut, la formation et les effectifs des administrateurs ad hoc ? Alors que leur nombre est notoirement insuffisant, leur champ de compétence ne cesse d’être étendu par le législateur.
Par ailleurs, une instruction ministérielle de l’été dernier appelle les services déconcentrés de l’État à renforcer l’effectivité, la qualité et le suivi de l’inspection et du contrôle des établissements – qui relèvent de la compétence des conseils départementaux –, notamment en permettant des contrôles conjoints et des contrôles en cas de carence. Que pouvez-vous nous en dire ? Est-il arrivé qu’un contrôle soit effectué pour cause de carence ?
Mme Catherine Vautrin, ministre. Les administrateurs ad hoc relèvent du ministère de la justice ; je ne peux donc pas répondre à votre question.
Une instruction ministérielle appelle en effet à renforcer le contrôle des établissements. C’est la raison pour laquelle je souhaite qu’à l’échelle départementale, les services départementaux et ceux de mon ministère travaillent sous l’égide du préfet, dans une logique territoriale.
Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Nous attendons en effet avec impatience la publication des décrets que vous avez évoqués. Mieux vaut tard que jamais.
Puisque vous avez suggéré qu’un représentant de la protection de l’enfance soit présent au sein des services de la préfecture, ne serait-il pas pertinent que des travailleurs sociaux soient également présents dans les écoles, qui sont le second lieu de socialisation des enfants ? De fait, les cultures professionnelles respectives de l’Éducation nationale et de la protection de l’enfance ne facilitent pas la collaboration des deux institutions au service de la protection des enfants.
L’affaire Bétharram montre que cet établissement privé – mais le public est également concerné – a été le théâtre de nombreuses violences physiques et sexuelles. Trente ans d’omerta, 112 plaintes, des signalements, une enquête, et personne n’a protégé les enfants. Il me semble, du reste, que notre commission d’enquête aurait pu décider d’entendre le président du conseil général de l’époque, qui n’est autre que le Premier ministre actuel, puisqu’il était chargé de la protection des mineurs.
Vous n’êtes pas sans savoir, en effet, que les présidents des conseils départementaux sont chefs de file en matière de protection de l’enfance et responsables pénalement dans ce domaine. À ce propos, M. Christian Poiret a confirmé, lors de son audition, ce qu’il avait dit sur BFM TV l’an dernier, à savoir qu’il préférait protéger les enfants de zéro à cinq ans parce que, n’ayant pas accès au langage, ils étaient plus en danger que les enfants âgés de plus de cinq ans. Nous avons jugé ces propos scandaleux et dangereux. Par ailleurs, certains départements ont cessé d’accueillir les mineurs non accompagnés, ce qui est pourtant une obligation légale, au prétexte que leur budget ne le leur permettait pas alors que cette décision est surtout motivée par des idées racistes. En tant que ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, que pensez-vous de ces propos et de ce désengagement scandaleux et dangereux des présidents de conseil départemental ? Ils sont responsables devant la loi, et vous êtes responsables vis-à-vis d’eux.
Nombre des personnes auditionnées par notre commission ont souligné le caractère asphyxiant d’un budget qui n’est pas à la hauteur des besoins de la protection de l’enfance. Ce n’est pas parce que vous avez rappelé le montant du budget que celui-ci est suffisant. Les problèmes sont partout, en particulier dans la prévention, qui est le premier domaine affecté par la pénurie.
Le constat est sans appel. Assumez-vous la suffocation, voire la liquidation du service public de la protection de l’enfance ?
Mme Catherine Vautrin, ministre. Je pense avoir reconnu qu’il est nécessaire de repenser cette politique. C’est tellement vrai que j’ai moi-même évoqué la refondation du service d’accompagnement de l’aide sociale à l’enfance.
Notre responsabilité est d’accompagner les enfants, quels qu’ils soient et quel que soit leur âge. Ils ont vécu des situations très difficiles. Nous devons donc non seulement les protéger mais aussi les aider à se reconstruire après les drames catastrophiques qu’ils ont subis. Le travail se fait avec les départements. J’ai rencontré la vice-présidente de Départements de France chargée de cette question, ainsi que son président et deux présidents de groupe, car je souhaite que nous apportions ensemble des réponses concrètes. Si je souhaite que lorsqu’un enfant change de département, le président du département d’accueil en soit informé, c’est bien parce que je juge important que le suivi soit le meilleur possible, dans l’intérêt de l’enfant.
Vous déplorez l’absence de travailleurs sociaux dans les écoles. Leur présence s’inscrit pourtant dans la démarche qui est conduite et que je souhaite continuer à développer. J’ai bien conscience qu’il s’agit d’un autre domaine que celui de la protection de l’enfance, mais les accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH), par exemple, sont bien présents dans les établissements pour accompagner les enfants, y compris, depuis l’année dernière, pendant la pause méridienne. Ces personnels sont donc bien présents dans l’éducation nationale. Nous devons poursuivre les expérimentations. C’est ce que j’ai demandé à Élisabeth Borne.
S’agissant des mineurs non accompagnés, qui relèvent de l’aide sociale à l’enfance à l’instar des autres enfants, plus de 30 millions d’euros ont été alloués depuis 2023 afin de donner des moyens supplémentaires aux départements, qui en ont la charge.
Notre politique est perfectible, je n’en disconviens pas. Pour autant, l’État accompagne financièrement les départements, à hauteur de 10 milliards d’euros chaque année, pour répondre aux besoins.
Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Selon vous, les AESH seraient donc des éducateurs ?
Mme Catherine Vautrin, ministre. Pas du tout. Je souligne simplement que des travailleurs sociaux interviennent bien dans les écoles, notamment les AESH.
Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Non, précisément : en plus d’être très mal payés, ils ne sont pas reconnus comme travailleurs sociaux. C’est une erreur fondamentale !
Mme Catherine Vautrin, ministre. Les AESH accompagnent toutefois des enfants handicapés tout en n’étant pas des enseignants, même s’ils n’ont pas le statut de travailleur social en tant que tel.
Mme Ayda Hadizadeh (SOC). En tant que membre de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, je peux confirmer que la question des AESH est un enjeu important. À l’heure actuelle, ces professionnels n’ont pas accès au dossier des enfants et ne sont pas intégrés dans les réunions pédagogiques.
Mme Catherine Vautrin, ministre. Nous nous sommes mal comprises. Je n’ai jamais dit que les AESH s’occupaient des enfants relevant de l’ASE. Je voulais simplement souligner qu’il y a des AESH auprès des enfants handicapés dans les écoles, même si ces personnels ne sont pas des enseignants.
Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Je vous rejoins sur le fait que les AESH sont présentes dans les écoles, mais, malheureusement, elles ne sont pas considérées comme des travailleurs sociaux : elles sont soumises à un statut très précaire et sont très mal payées. Peut-être pourrons-nous travailler avec vous sur les évolutions nécessaires pour qu’elles accèdent à ce statut, comme elles le souhaitent.
Merci d’avoir indiqué dans votre propos liminaire que vous souhaitiez prendre la question de la protection de l’enfance à bras-le-corps et d’avoir énoncé vos cinq priorités pour ce faire.
Qui assurera le contrôle des établissements ? S’il est confié aux départements, il ne sera pas effectif. Le contrôle doit relever d’une autorité indépendante nationale si nous voulons garantir à la fois la stabilité de l’action et la coordination des acteurs. De nombreuses défaillances dans le suivi s’expliquent en effet par le fait que le référent change chaque fois que le parent change de département, ce qui crée des ruptures.
Vous avez évoqué la contractualisation avec les départements. Or celle-ci doit nécessairement être accompagnée de sanctions. M. Poiret, par exemple, a reconnu que son département ne comptait pas assez de places d’accueil – il en manquerait 2 000, selon les travailleurs sociaux – mais assure qu’il n’a pas les moyens financiers pour en ouvrir de nouvelles, raison pour laquelle il ne peut pas accueillir tout le monde. Or il a créé 400 ETP dans le domaine de l’insertion par l’emploi, qui relève pourtant de la compétence de la région et de l’État, et non de celle du département. Envisagez-vous des sanctions dans ce type de cas ?
Je me félicite de votre ambition en matière de normes d’encadrement, mais l’atteinte de cet objectif supposera une augmentation notable des moyens financiers. Les chiffres que vous avez énoncés ne me semblent pas à la hauteur des besoins. Où en est votre dialogue avec Bercy sur ce point ? Je regrette d’ailleurs que nous n’ayons pas pu auditionner le ministre des finances, car l’argent est vraiment le nerf de la guerre.
En revanche, vous n’avez pas abordé la question des sorties de l’aide sociale à l’enfance. Comptez-vous mettre fin aux odieux contrats jeune majeur ? J’espère que vous continuerez à associer étroitement à votre réflexion le Comité de vigilance des enfants placés, qui vous éclairera, notamment sur le fait que le grand drame de ce pays est qu’on y considère la protection de l’enfance comme une aide sociale. Ce qui manque le plus à ces enfants, ce n’est pas de l’aide, mais la possibilité de s’attacher à un adulte de référence auquel ils peuvent faire confiance, en sachant qu’ils comptent pour lui et qu’ils peuvent compter sur lui. Or, actuellement, lorsqu’ils sortent de l’ASE, ces jeunes, qu’ils aient dix-huit, vingt ou vingt et un ans, ne peuvent plus compter que sur eux-mêmes. Aucun adulte ayant grandi dans un environnement familial sain ne s’est trouvé dans cette situation. Comptez-vous engager cette révolution de la protection de l’enfance qui est attendue par tous, enfants placés d’hier comme d’aujourd’hui ?
Mme Catherine Vautrin, ministre. S’agissant des AESH, j’aurai à travailler avec ma collègue Charlotte Parmentier-Lecocq. Je rappelle néanmoins que nous avons progressé sur la question de la pause méridienne. Sans régler complètement leur situation, cela permettra d’allonger un peu leur temps de travail et d’améliorer la prise en charge des enfants concernés.
Le moins qu’on puisse dire à propos du contrat jeune majeur, cette prise en charge obligatoire jusqu’à vingt et un ans, est effectivement qu’il ne répond pas aux attentes. Nous devons travailler sur ce point. Je partage votre avis : la notion de confiance est centrale et celle de l’affection, qui devrait en être le corollaire, est également loin d’être négligeable. Dans un monde idéal, qui reste à construire, chaque enfant se verrait proposer, dès la première mesure de protection, un référent qui l’accompagnerait jusqu’à ses vingt et un ans. Cet âge est celui où se posent toutes les questions sur la manière de grandir et d’envisager les possibles. Comment le faire quand on est tout seul, qu’on ne peut en parler à personne ? C’est déjà suffisamment compliqué quand on est entouré, chacun l’a vécu enfant. Mon ambition est donc de travailler en ce sens, même si tout reste à définir.
Cette question dépasse l’action de l’État et des conseils départementaux : j’ose dire, en mesurant le poids des mots, qu’elle est une cause nationale. Nous devrions être capables d’aider ces 360 000 enfants. Chacun et chacune d’entre nous peut y contribuer. Des initiatives de mentorat, d’accompagnement, de parrainage ont déjà été lancées. Une réflexion doit être menée autour de ces solutions.
Le contrôle des établissements tel qu’il est organisé actuellement est confié aux préfets et aux départements. J’ai bien entendu votre commentaire, mais la situation est celle-là, même si elle mérite probablement d’être revisitée.
Pour ce qui est des normes d’encadrement, je le répète, le principe de réalisme s’imposera à nous. C’est d’ailleurs pour cette raison que j’ai évoqué une trajectoire de cinq ans à compter de juin 2025. Vous connaissez comme moi les chiffres qui circulent : l’atteinte des objectifs en matière de taux d’encadrement nécessiterait environ 1 milliard d’euros. Au-delà de cet aspect financier, il faut former des personnels. Nous pouvons y travailler avec les instituts régionaux de formation ou avec France Travail – pour des formations spécifiques aux métiers de l’accompagnement –, mais cela prendra du temps. Même si nous fixions dès maintenant de nouvelles normes applicables partout, nous ne disposerions donc pas des effectifs nécessaires.
S’agissant de la partie purement budgétaire, l’encre du PLF et du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025 n’est pas encore sèche. Le travail que nous nous apprêtons à engager pour 2026 devra permettre de traiter de ces questions. Je ne doute pas que nous aurons l’occasion d’échanger à de nombreuses reprises sur ces points.
Enfin, l’aide sociale à l’enfance est une politique décentralisée. Tout l’enjeu de la contractualisation avec les départements est de savoir comment assurer la qualité des prestations assurées dans ce cadre.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). La loi ne mentionne pas cette décentralisation. L’État et le Gouvernement ont l’obligation de faire respecter le droit des enfants à être protégés et hébergés. Que fait l’État pour faire appliquer la loi pour l’ensemble des enfants, de façon égale, ou à tout le moins équitable, sur l’ensemble du territoire ? Comment éviter les disparités en matière d’accompagnement et de soutien financier que nous avons constatées d’un département à l’autre ? Que comptez-vous faire concrètement pour rétablir l’égalité entre les enfants ? Comment vous assurerez-vous que chaque président de département applique la loi, respecte ses obligations et joue un minimum le jeu ?
La France compte 3 000 enfants sans abri, dont beaucoup sont des MNA ou des jeunes LGBT dont les parents sont homophobes ou transphobes. Nombre d’entre eux ayant trouvé des solutions brinquebalantes, ils ne sont pas pris en charge par une ASE exsangue et ne sont pas considérés comme étant en danger. Il faut agir sans recourir à l’hôtellerie, ce qui suppose d’obtenir des moyens pour ouvrir des places d’hébergement supplémentaires – ces dernières étant en nombre insuffisant, certains départements continuent de placer des enfants dans des hôtels. Comment comptez-vous répondre aux besoins si vous n’êtes pas en lien constant avec les ministères de l’éducation nationale, de la santé, de la justice et du logement ? Ce sont bien tous les sujets qui traversent la vie d’un enfant qu’il faut traiter simultanément et pour lesquels il faut obtenir des investissements alloués spécifiquement à ces jeunes dont l’État a la responsabilité.
Mme Catherine Vautrin, ministre. Je ne suis pas compétente en matière de politique du logement, qui relève du ministère du même nom. Cela n’exonère en rien l’État de sa responsabilité ; simplement, cela fait partie des éléments sur lesquels nous devons mener une action interministérielle. Valérie Létard, dont je connais l’engagement, et moi-même aurons à cœur de conduire des politiques publiques communes.
Pour ce qui de la contractualisation avec les départements, ma responsabilité est de travailler avec Départements de France ainsi qu’avec les services de l’État dans chaque département pour conduire une politique permettant de répondre à chaque enfant. Je vous rejoins sur la nécessité d’assurer une égalité de traitement sur l’ensemble du territoire : c’est effectivement la responsabilité de l’État. Cette politique étant décentralisée, nous devons construire un partenariat assorti de contrôles. C’est la raison pour laquelle je travaille avec le ministère de l’intérieur, qui peut, à travers la figure du préfet, assurer ce contrôle.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Et que se passe-t-il après le contrôle ?
Mme Catherine Vautrin, ministre. Nous pouvons retravailler avec les départements concernés et discuter pour apporter des réponses.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Mais pas de sanctions ?
Mme Catherine Vautrin, ministre. Il me semble que la priorité, pour l’heure, est déjà d’apporter des réponses concrètes pour les enfants.
Mme Julie Ozenne (EcoS). Chaque année, 10 000 à 20 000 mesures de protection ne peuvent être exécutées, faute de moyens suffisants et de places d’accueil. La protection de l’enfance est devenue le réceptacle des dysfonctionnements des autres politiques publiques : crise de la pédopsychiatrie, déficit de places adaptées pour les enfants en situation de handicap, fragilité de l’Éducation nationale, nombre insuffisant de juges des enfants, effectif trop faible de l’Office mineurs – une cinquantaine d’enquêteurs pour 800 signalements reçus chaque jour –, suppression de 500 postes à la protection judiciaire de la jeunesse à la rentrée 2024. Ainsi, l’ASE doit prendre en charge de nombreuses situations parce que d’autres institutions ne les ont pas traitées de manière adaptée.
En parallèle, les budgets alloués par les départements à la protection de l’enfance, déjà insuffisants, sont mis à mal par les budgets d’austérité que le gouvernement impose aux collectivités territoriales. Le nombre d’assistants familiaux diminue chaque année depuis 2017 et le recours à l’intérim a explosé, alors qu’un intérimaire coûte 62 % plus cher qu’une personne employée en CDD. Ces coûts supplémentaires pèsent sur des structures souvent sous-financées et compromettent la continuité du suivi de ces enfants vulnérables, pourtant essentielle.
Alors qu’il est urgent d’apporter des réponses à la crise de la protection de l’enfance, vous n’avez avancé aucune mesure concrète. Comptez-vous agir pour la protection de l’enfance ? Si oui, comment et sous quel calendrier ?
Mme Catherine Vautrin, ministre. Je viens de dresser une liste précise de l’ensemble des actions que je compte prendre. Peut-être n’avons-nous pas la même définition de ce qui constitue une « mesure concrète », mais il me semble avoir présenté une feuille de route et mis en avant des priorités assorties d’échéances précises en vue de commencer la refondation de cette politique. Je tiens ces éléments à votre disposition.
Mme Nathalie Colin-Oesterlé (HOR). Près de 40 % des enfants confiés à l’aide sociale à l’enfance sont accueillis par des assistants familiaux, dont le rôle est donc crucial. Leur nombre diminue chaque année, alors que cet accueil familial doit être privilégié pour le bien-être et la stabilité des enfants. Le Sénat a adopté une proposition de loi permettant aux assistants familiaux de concilier leur rôle avec une activité professionnelle, ce qui va dans le bon sens. Jusqu’où peut-on aller ? Vous semble-t-il nécessaire d’encadrer cette activité professionnelle connexe, par exemple en définissant des limites en termes d’éloignement ou de temps de travail ? Quelles autres mesures doivent être envisagées pour renforcer l’attractivité de ce métier ?
Mme Catherine Vautrin, ministre. La proposition de loi du Sénat est intéressante en ce qu’elle promeut un principe simple : quand l’enfant est à l’école, l’exercice d’une activité professionnelle est possible ; quand il en sort, l’assistant familial doit s’en occuper – cela vaut notamment le week-end. Cela reviendrait en quelque sorte à se rapprocher de la vie d’une famille, où le parent vaque à ses occupations professionnelles et récupère ses enfants à la sortie de l’école. Permettre une activité professionnelle sur le temps scolaire paraît donc la solution la plus pertinente.
Pour améliorer l’attractivité du métier d’assistant familial, sans doute faut-il travailler sur les diplômes et la reconnaissance, ainsi que sur la possibilité d’accorder des plages de répit à ces personnes.
Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). J’insiste sur le fait que les AESH ne sont pas des travailleurs sociaux. Je me permets donc de vous interroger à nouveau sur l’intérêt de faire intervenir des travailleurs sociaux dans les académies pour faire le lien entre l’Éducation nationale et les conseils départementaux, puisque de très nombreux signalements sont mal rédigés ou trop tardifs, dans un contexte où chacun mesure bien l’omerta qui continue de régner sur les violences physiques et sexuelles dans le milieu de l’Éducation nationale.
J’ajoute que, même si la politique de la protection de l’enfance est décentralisée, la loi est justement là pour que vous, en tant que ministre, ayez les moyens d’intervenir pour faire en sorte qu’elle soit respectée. Ce n’est pas le cas actuellement puisque plusieurs départements n’accompagnent pas de MNA, prétendument pour des raisons budgétaires mais en réalité pour des motifs racistes. C’est à vous qu’il revient d’intervenir et de les sanctionner. Quand certains départements refusent d’accompagner les MNA, quand M. Poiret déclare qu’il protège moins les enfants de plus de cinq ans parce qu’ils ont accès au langage, vous ne devez pas simplement discuter avec Départements de France mais évaluer, contraindre et sanctionner. Tant qu’il n’y aura pas de sanctions, on pourra toujours lésiner sur la protection de l’enfance et mettre fin à l’accompagnement pour les motifs les plus stupides – car, à ma connaissance, nombre de mineurs qui sont morts dans les hôtels avaient plus de cinq ans.
Mme Catherine Vautrin, ministre. Je ne « discute » pas avec les départements, je travaille avec eux. Par ailleurs, j’ai indiqué clairement que tout enfant mérite un accompagnement, quel que soit son âge. C’est la responsabilité de l’État. S’agissant des MNA, le Gouvernement s’est engagé financièrement. Enfin, j’ai reçu cinq signalements de la Défenseure des droits à propos de l’action des départements et je peux vous assurer que j’instruirai chacun de ces cas, qui méritent d’être étudiés au fond. Des sanctions seront prononcées le cas échéant. Il existe par ailleurs, dans notre pays, une justice, qui est aussi là pour sanctionner.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Vous pouvez saisir la justice, précisément. En outre, le temps de la justice n’est pas celui de l’enfant.
Mme Isabelle Santiago, rapporteure. Nous sommes tous au travail pour avancer sur ce pan essentiel de nos politiques publiques. Parce que le temps de l’enfant n’est pas celui de l’adulte, il y a urgence à agir.
On peut toujours exprimer des regrets, mais il faut aussi rester positif et aller de l’avant en identifiant des solutions autour desquelles mobiliser le plus largement possible dans l’intérêt de l’enfant. Cela nécessitera un travail de concertation.
À l’évidence, il faudra sanctionner certaines situations inacceptables. Indéniablement, les choses ne vont pas du tout dans l’Éducation nationale qui, bien qu’elle accueille environ 200 000 enfants relevant de la protection de l’enfance de la maternelle à l’enseignement supérieur, ne dispose pas de la moindre donnée pour les premier et second degrés. De belles expériences ont toutefois été conduites dans certaines académies et peuvent servir de socles sur lesquels nous appuyer : des départements évaluent des enfants en double vulnérabilité et ont signé des protocoles avec l’Éducation nationale, par exemple pour accueillir des travailleurs sociaux dans les établissements. La situation est si grave que certaines pratiques existantes peuvent se déployer très vite : elles ne doivent pas être cantonnées à quelques académies, mais être valorisées à l’échelle nationale pour que chacun, de manière interministérielle, puisse s’assurer de leur bonne application dans les territoires. Nous aurons de nombreuses propositions à faire en ce sens.
Avec quatre ministres ou secrétaires d’État chargés de l’enfance depuis 2022, un engagement qui était annoncé comme une priorité nationale a été peu suivi, voire pas du tout. Or ces enfants sont bien une priorité nationale.
Même si chacun est libre de ses propos, je voudrais d’ailleurs corriger quelques erreurs entendues tout à l’heure. Notre commission porte sur les manquements des politiques publiques de protection de l’enfance, au sens de l’aide sociale à l’enfance (ASE) : les sujets relevant de l’enfance en danger d’une façon générale, même s’ils sont tout aussi graves, n’entrent pas dans son périmètre. Néanmoins, nous nous battons pour toutes les politiques de protection des enfants. J’ai souvent dit que la politique de l’enfance en France était un impensé des politiques publiques, alors qu’elle devrait toutes les irriguer. La problématique reste à construire – c’est ce que nous faisons ici –, dans une vision globale de l’enfance. Pour les plus vulnérables, nous devons obtenir des réponses tout de suite ; on n’a pas de temps à perdre pour les petits accueillis en pouponnière par exemple, car il y va de leur développement. Mais au-delà, il faut aussi mieux accompagner les familles face aux enjeux de la parentalité ; il y a là un énorme travail, dont je pense que nous pouvons le réaliser tous ensemble.
Nous ferons de nombreuses propositions, dont nous espérons qu’elles répondront aux attentes du plus grand nombre de parlementaires afin que nous puissions les défendre ensemble auprès des différents ministres. Votre portefeuille est large, madame la ministre : avec un pilote dans l’avion, sans doute pourrons-nous avancer et, avec Départements de France, changer la vie de ces enfants. Je n’oublie pas les associations, dont le rôle est quasiment central dans le dispositif puisque ce sont elles qui les accueillent.
Je tiens de nouveau à vous remercier, de même que je remercie l’ensemble des parlementaires ayant pris part à nos travaux, ainsi que les personnes auditionnées. Je précise que nous avons proposé à celles que nous ne pouvions entendre de nous transmettre des documents qui seront ainsi intégrés.
Nous arrivons au terme non pas de nos travaux mais des auditions de cette commission, dont j’ai eu l’honneur d’être la rapporteure.
Mme la présidente Laure Miller. Je vous remercie, madame la ministre, d’avoir accepté cette audition, la dernière d’un long cycle ayant débuté avant la dissolution. Je remercie bien sûr les personnes qui nous ont fait l’honneur de venir témoigner : les anciens enfants placés que nous avions reçus au début de nos travaux puis de nouveau il y a quelques semaines, mais aussi les professionnels. Je remercie également mes collègues députés pour leur présence et pour l’intérêt qu’ils ont porté au sujet. Nous n’avons pas toujours eu la même vision de ce qu’est une commission d’enquête, mais je trouve que nous avons plutôt bien mené les auditions ! L’essentiel, c’est que nous nous entendions sur la nécessité d’agir et que cette commission d’enquête soit le début, et non la fin, de quelque chose. Affaire à suivre de très près !
La séance s’achève à seize heures quinze.
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Présents. – Mme Ségolène Amiot, M. Édouard Bénard, Mme Anne Bergantz, M. Arnaud Bonnet, Mme Nathalie Colin-Oesterlé, M. Philippe Fait, M. Olivier Fayssat, M. Denis Fégné, Mme Géraldine Grangier, Mme Ayda Hadizadeh, Mme Christine Le Nabour, Mme Marie Mesmeur, Mme Laure Miller, Mme Julie Ozenne, Mme Isabelle Santiago
Excusée. – Mme Anne-Laure Blin