Compte rendu

Commission spéciale
chargée d’examiner le projet de loi
de simplification de la vie économique
 

 

 

 Suite de l’examen des articles du projet de loi de simplification de la vie économique (n° 481 rect.) (MM. Christophe Naegelen et Stéphane Travert, rapporteurs)                            2


Mercredi
26 mars 2025

Séance de 15 heures

Compte rendu n° 8

session ordinaire de 2024 - 2025

Présidence de
M. Ian Boucard,
président


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La séance est ouverte à 15 heures.

Présidence de M. Ian Boucard, président.

La Commission poursuit l’examen des articles du projet de loi de simplification de la vie économique (n° 481 rect.) (MM. Christophe Naegelen et Stéphane Travert, rapporteurs).

M. Charles Fournier (EcoS). Cet amendement vise à conditionner l’implantation de data centers, et plus généralement d’industries, à la présence d’une ressource en eau en quantité et en qualité suffisantes. Seule 5 % de l’eau est utilisée à des fins industrielles, mais certains procédés en nécessitent énormément, à l’instar de la fabrication de semi-conducteurs qui, à elle seule, pourrait consommer environ 10 % de la consommation d’eau de la métropole de Tours et 20 % de celle de Grenoble. De la même manière, Google a admis avoir prélevé 28 milliards de litres d’eau en 2023, dont deux tiers d’eau potable, pour refroidir ses centres de données. Alors que la question du partage de l’eau se pose avec une acuité particulière, il serait de bon ton de soumettre l’autorisation des projets à la condition que la ressource en eau soit disponible.

M. Stéphane Travert, rapporteur pour les titres VII à XII. Hier, nous avons adopté l’amendement CS410 de M. Taupiac, qui avait le même objet. Le vôtre étant ainsi satisfait, j’en demande le retrait, sinon avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS1170 de M. Charles Alloncle

M. Charles Alloncle (UDR). Nous l’avons dit hier, les projets d’intérêt national majeur (PINM) sont des véhicules très intéressants pour lutter contre la bureaucratie, les lourdeurs, la paperasse, les chaînes de décision interminables. Ils concernent déjà les infrastructures liées à la transition écologique, mais d’autres vecteurs de transformation économique pourraient en bénéficier : les centres de données, la santé, ou encore les transports. Le présent amendement vise donc à élargir l’éligibilité à ce statut à tous les projets d’investissement privé supérieurs à 100 millions d’euros, sous réserve qu’ils contribuent effectivement au développement économique. Une telle mesure participerait de la logique de simplification qui nous anime et pourrait être soutenue par tous.

M. Stéphane Travert, rapporteur. L’importance financière d’un projet ne peut justifier à elle seule la reconnaissance de son intérêt national majeur. Nous souhaitons réserver ce statut aux seuls projets répondant à des objectifs stratégiques clairement identifiés, tels que la transition écologique et la souveraineté nationale. Avis défavorable.

M. Marc Ferracci, ministre chargé de l’industrie et de l’énergie. Même avis. J’ajoute que le seuil de 100 millions d’euros aurait pour conséquence de ne retenir quasiment que des projets étrangers, ce qui serait contradictoire avec l’amendement CS1207, adopté hier soir et visant à exclure les projets ne garantissant pas la souveraineté des données. Je reviendrai sur ce dispositif, car j’ai des doutes sur son application, mais je répète que le présent amendement entrerait en contradiction avec lui.

M. Charles Fournier (EcoS). Je repose la même question qu’hier soir : qu’est-ce qui ne sera pas, demain, reconnu d’intérêt national majeur ? En l’espèce, j’adhère bien sûr aux propos du rapporteur : le coût du projet ne saurait constituer un élément déterminant. Dans le cas contraire, tout projet onéreux deviendrait d’intérêt national majeur, ce qui, d’ailleurs, serait aussi contradictoire avec la nécessité de maîtriser nos dépenses publiques. Nous sommes donc opposés à cet amendement.

Je le répète : hormis les projets d’équipements publics, qui ne peuvent obtenir le statut de PINM, de nombreuses activités industrielles seront désormais concernées, comme les centrales nucléaires ou les data centers, au point que la notion d’intérêt national majeur est progressivement abîmée et vidée de son sens.

M. Charles Alloncle (UDR). Oui, monsieur Fournier, les centrales nucléaires et les centres de données sont des PINM ; on ne peut pas le nier.

Monsieur le rapporteur, au fond, j’ai l’impression que seuls les projets d’éoliennes ou liés à la transition écologique pourront être reconnus d’intérêt national majeur. Mon amendement vise donc à jeter un pavé dans la mare et à élargir ce statut à d’autres secteurs. Je propose ici un critère économique, mais d’autres pourraient aussi être retenus.

La commission rejette l’amendement.

L’amendement CS537 de M. Ian Boucard

M. le président Ian Boucard. Eu égard à l’adoption, hier soir, de l’amendement CS410 de M. Taupiac, auquel je me suis converti, je retire celui-ci.

L’amendement est retiré.

Amendement CS1208 de M. Gérard Leseul

M. Gérard Leseul (SOC). Je me félicite du retrait de ce dernier amendement, car son adoption aurait fait tomber celui-ci, qui vise à préciser, à l’alinéa 13, que l’autorité administrative compétente tient également compte des enjeux liés à la résilience du stockage des données stratégiques. En effet, la prudence nous engage à éviter la concentration des centres de données sur un même site ou dans une même zone géographique ; il y va de la conservation et de la souveraineté de nos données.

M. Stéphane Travert, rapporteur. En effet, il eût été dommage que cet amendement tombât, car il complète utilement les critères existants sans les alourdir. Avis favorable.

M. Marc Ferracci, ministre. À l’inverse du rapporteur, mon avis est défavorable, car la résilience du stockage des données n’est pas l’objet du présent article. D’autres vecteurs existent, à l’image du label SecNumCloud, pour assurer la sécurité des données. Je rappelle en outre que les critères d’éligibilité au statut de PINM seront définis par un décret en Conseil d’État.

M. Frédéric-Pierre Vos (RN). J’approuve pleinement les propos du ministre et précise que l’emplacement des centres de données dépend de la présence de câbles électriques et d’infrastructures de communication filaires. Nous ne jouons pas ici une partie de Monopoly : l’installation de ces infrastructures dépend du réseau préexistant. Leur répartition sur l’ensemble du territoire est impossible, car nous ne disposons pas partout de ces câbles.

M. Laurent Lhardit (SOC). Nos réflexions techniques au sujet des data centers nous conduisent à envisager leur installation au sein d’une même zone géographique, mais en des lieux suffisamment éclatés pour qu’ils ne constituent pas un objectif militaire facile à atteindre. Il revient au gouvernement de prendre certaines décisions stratégiques concernant cette technologie qui évolue très vite.

Par ailleurs, j’ai récemment étudié un projet de centres de données fonctionnant grâce au refroidissement par circulation d’eau plutôt que grâce au refroidissement traditionnel à l’air, ce qui limite fortement la taille des installations et permet leur éparpillement sur le territoire.

La commission adopte l’amendement.

Amendements identiques CS1349 du gouvernement, CS151 de M. Xavier Roseren, CS497 de M. Éric Bothorel et CS1115 de M. Aurélien Lopez-Liguori

M. Marc Ferracci, ministre. Ces amendements visent à ce que le décret en Conseil d’État n’inclue pas d’indicateurs chiffrés sur l’efficacité des centres de données, indicateurs relatifs, entre autres, à la consommation d’électricité et d’eau. De telles mesures sont déjà prévues par la loi de 2021 visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique en France (dite « loi Reen »), et seraient en outre difficiles à réaliser en amont des projets.

M. Xavier Roseren (HOR). La disposition que ces amendements tendent à supprimer a été introduite par le Sénat. Or l’efficacité énergétique et la consommation d’eau sont impossibles à mesurer en amont de la construction : elles ne peuvent l’être qu’une fois le centre de données ouvert. J’ajoute que les centres de grande envergure entrent dans le champ de la loi Reen, qui tient compte avec précision de ces enjeux environnementaux.

M. Éric Bothorel (EPR). Plusieurs études récentes, de l’Agence de la transition écologique (Ademe) ou encore de Green IT, ont montré que les data centers ne représentent qu’une part marginale de l’empreinte environnementale du numérique, dont la part principale provient des terminaux et télévisions – de l’ordre de 60 à 90 % contre 0,2 à 3 % pour les centres de données – du fait de la consommation de terres rares, d’eau et d’énergie nécessaires à leur fabrication.

Quant à l’implantation géographique de ces infrastructures, j’encourage tout le monde à nous rejoindre pour faciliter l’atterrage des câbles sous-marins sur notre littoral. En modifiant notre droit, nous pourrons éviter la concentration des data centers.

M. Thierry Tesson (RN). Mes collègues l’ont dit, ces amendements visent à supprimer une disposition introduite par le Sénat, qui ajoute une contrainte et n’a pas sa place dans un texte dont le but est précisément de placer l’intérêt national majeur et la souveraineté nationale avant toutes les autres considérations.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Avis favorable.

M. Nicolas Bonnet (EcoS). Il me semble que l’intérêt général majeur est avant tout de préserver la ressource en eau. À cet égard, dans la hiérarchie des usages, viennent dans l’ordre : la consommation des populations, la préservation de la biodiversité et l’usage de l’industrie, à commencer par l’agriculture. Il est essentiel d’en tenir compte dans le développement des data centers, qui n’ont pas besoin d’être implantés à des endroits spécifiques. Nous nous connectons tous les jours à internet grâce à des infrastructures souvent situées à des centaines, voire des milliers de kilomètres de nous.

Les centres des données ne fonctionneront pas s’il n’y a pas assez d’eau. N’allons pas privilégier leur refroidissement aux dépens de la consommation alimentaire.

Les amendements sont adoptés.

Amendement CS944 de M. Charles Fournier

M. Charles Fournier (EcoS). Parmi les indicateurs de l’importance particulière pour la transition écologique, nous proposons d’ajouter celui de récupération et de réutilisation de la chaleur, eu égard à l’importante quantité émise par les centres de données.

M. Stéphane Travert, rapporteur. La récupération de la chaleur perdue constitue effectivement un levier d’efficacité énergétique, mais retenir un tel critère de manière systématique nous conduirait à écarter certains projets structurants quoiqu’inadaptés à cet enjeu. Nous devons inciter et non prescrire la valorisation de la production de chaleur. Avis défavorable.

M. Marc Ferracci, ministre. Même avis, pour les mêmes raisons.

M. Charles Fournier (EcoS). Les enjeux relatifs à la consommation d’énergie, aux émissions de gaz à effet de serre ou encore à la ressource en eau invitent à ne plus raisonner comme avant et à être plus exigeants. Certes, cela suppose davantage de contraintes, mais c’est parce que nous n’avons pas fait ce qu’il fallait jusqu’à présent. Demeurer dans une logique incitative ne me semble pas entendable : nous avons besoin de projets vertueux, ce qui commence dès leur conception. Si la récupération de la chaleur est optionnelle, il est évident que, pour des raisons de coût, elle sera souvent ignorée.

M. Henri Alfandari (HOR). Je ne voterai pas cet amendement, mais l’idée qui le sous-tend est plutôt bonne. S’il faut éviter d’ajouter une complexité, ce critère devrait tout de même être considéré dans notre examen des projets. Eu égard à ce que nous devons faire en matière de transition écologique, il convient de viser l’optimum.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS1044 de M. Sébastien Huyghe

M. Sébastien Huyghe (EPR). Le code de l’urbanisme regorge de dérogations facultatives censées encourager les projets à forte valeur environnementale. Cependant, dans les faits, ces dérogations ne sont que rarement accordées et deviennent sources de contentieux. Ainsi, dans la lignée des amendements que j’ai défendus hier soir, je propose d’inverser la logique. Plutôt que solliciter un à un ces dispositifs, les porteurs de projet en bénéficieraient de plein droit, à moins que les collectivités concernées n’en décident autrement, par le biais d’une délibération motivée. Il s’agit d’une mesure de bon sens.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Je partage le bon sens de votre proposition, mais elle n’a pas sa place dans ce projet de loi. Je vous renverrai plutôt vers un texte relatif à l’urbanisme, ou encore à la proposition de loi visant à instaurer une trajectoire de réduction de l’artificialisation concertée avec les élus locaux (Trace), pourvu qu’il soit possible d’y trouver un lien.

M. Marc Ferracci, ministre. Comme le rapporteur, je partage la philosophie de l’amendement, mais je lui donne un avis défavorable, pour la même raison.

L’amendement est retiré.

Amendement CS1043 de M. Sébastien Huyghe

M. Sébastien Huyghe (EPR). Cet amendement étant du même ordre que le précédent, dois-je comprendre qu’il recevra le même avis ?

M. Stéphane Travert, rapporteur. Oui.

L’amendement est retiré.

Amendement CS852 de Mme Lisa Belluco

Mme Lisa Belluco (EcoS). L’objet de cet amendement est de revenir sur les reculs en matière de consultation du public qui ont été entérinés dans la loi de 2023 relative à l’industrie verte. En effet, ce texte, à l’instar de la loi relative à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires et de la loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables (dite « loi Aper »), a allégé le droit de l’environnement, comme si son respect n’était pas un impératif. Depuis lors, la consultation des citoyens est empêchée ou amoindrie. Vous ne faites visiblement pas confiance à la démocratie. Tout doit être imposé du haut, mais en l’absence d’une consultation réelle des acteurs et des citoyens, le sens des projets ne sera pas compris, ceux-ci risquant donc d’être d’autant plus contestés. Les nouvelles dispositions légales n’ont même fait qu’exacerber les tensions et ralentir les processus. C’est pourquoi je propose d’y renoncer.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Nous ne connaissons pas encore le bilan de la loi relative à l’industrie verte. De plus, il ne me semble pas souhaitable de remettre en cause l’équilibre trouvé à l’époque par un amendement au présent projet de loi. Avis défavorable.

M. Marc Ferracci, ministre. Même avis. Il me semble également prématuré de remettre en cause des dispositions dont nous n’avons pas encore mesuré l’efficacité.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS855 de Mme Lisa Belluco

Mme Lisa Belluco (EcoS). Dans la continuité de mon amendement précédent, celui-ci vise à ce que la commission nationale du débat public (CNDP) soit saisie de tous les projets industriels dits d’intérêt national majeur. Dans la mesure où ils seront d’envergure, il est souhaitable que le public soit informé et éclairé en amont.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Cet amendement ne vise pas à supprimer de disposition particulière et il me semble légitime que les projets d’envergure fassent l’objet d’un débat public, conformément aux attributions de la CNDP. Le tout est de ne pas rigidifier démesurément les procédures au détriment de l’efficacité des projets que nous appelons de nos vœux. Je m’en remets à la sagesse de la commission.

M. Marc Ferracci, ministre. Mon avis est défavorable, car une telle mesure rallongerait immanquablement les délais de réalisation des projets, ce qui irait à l’encontre de la simplification que vous visons avec ce texte. De plus, la saisine de la CNDP demeurera possible pour les porteurs de projet, certains faisant spontanément ce choix pour s’assurer de l’acceptabilité sociale de leur projet. Il n’est pas opportun d’emboliser le processus par une saisine systématique.

Mme Lisa Belluco (EcoS). Vous le dites vous-même, l’organisation d’un débat public par la CNDP permet d’améliorer l’acceptabilité sociale des projets.

M. Marc Ferracci, ministre. Parfois.

Mme Lisa Belluco (EcoS). Souvent ! Quand le débat est impartial et éclairé, ce que permet la CNDP, tout le monde est informé comme il se doit et peut donner son avis. Dans le cas contraire, je répète que les processus tendent à ralentir et à susciter recours et tensions.

M. Éric Bothorel (EPR). Pour la clarté de nos débats, n’aurions-nous pas supprimé la CNDP lors d’un débat précédent ?

M. le président Ian Boucard. C’est une provocation ! (Sourires.)

M. Marc Ferracci, ministre. J’ai du mal à comprendre l’argument selon lequel un débat organisé par la CNDP est de nature à accélérer la réalisation d’un projet au motif qu’il éviterait des recours ultérieurs. Si tel est le cas, les porteurs de projet eux-mêmes en prendront l’initiative, puisque c’est leur intérêt. Je maintiens donc que cet amendement n’est pas bienvenu.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS1176 de M. Nicolas Bonnet

M. Nicolas Bonnet (EcoS). Cet amendement vise à remettre un peu de démocratie participative et d’intelligence collective dans nos décisions. Nous avons décrété que nous pouvions nous passer d’enquêtes publiques, c’est-à-dire conduites par un commissaire enquêteur indépendant, au profit de simples consultations publiques. Or il nous semble essentiel de préserver une étape exigeante de discussion avec la population. Les élus ne sont pas les seuls détenteurs de l’intérêt général : c’est en dialogue avec nos concitoyens que nous pouvons le définir. Nous proposons donc de rétablir le principe des enquêtes publiques s’agissant des data centers.

M. Stéphane Travert, rapporteur. La distinction entre consultation et enquête publique mérite d’être interrogée, particulièrement en ce qui concerne les projets ayant un fort impact territorial et environnemental. Une enquête publique, conduite par un commissaire enquêteur, est toujours de nature à renforcer la transparence, mais aussi l’acceptabilité locale des projets. Comme précédemment, je m’en remets donc à la sagesse de la commission.

M. Marc Ferracci, ministre. Mon avis est défavorable, pour les mêmes raisons qu’à l’amendement précédent. La consultation du public est plus souple que l’enquête publique, ce qui s’inscrit dans la logique de simplification du présent texte. Elle permet d’associer la population – ce à quoi vous êtes tous sensibles – et de collecter les avis par différents canaux, dont la voie électronique, ce qui est de nature à renforcer la participation du public.

J’ajoute que c’est une disposition récente. Là encore, il conviendrait donc d’attendre d’en connaître le bilan avant d’éventuellement revenir au dispositif antérieur.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Je vous invite, si ce n’est déjà fait, à consulter le rapport d’information de notre collègue Loïc Prud’homme sur la gestion des conflits d’usage en situation de pénurie d’eau. Ce rapport indique que si ces conflits sont de plus en plus nombreux autour des usages agricoles, c’est avant tout en raison d’un manque de transparence et d’espace de concertation entre les différentes parties prenantes. Ainsi, en limitant voire en supprimant le débat public, nous risquons d’encore accroître le nombre de conflits. Ce n’est pas ainsi que nous pourrons accélérer et simplifier les choses. À l’inverse, j’estime qu’un débat public serait enrichissant pour tout le monde.

M. Marc Ferracci, ministre. Je m’étonne de ces arguments. L’exposé sommaire de l’amendement indique à raison qu’une enquête publique est accompagnée d’un commissaire enquêteur, tandis qu’une consultation met tous les documents à la disposition du public. Au fond, c’est faire peu confiance aux citoyens que de considérer qu’ils ont besoin d’être encadrés d’une manière assez paternaliste dans leur appréhension des éléments. Nous avons ici une divergence de philosophie qui me conforte dans mon avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS942 de M. Charles Fournier

M. Charles Fournier (EcoS). L’amendement vise à articuler le document d’orientation et d’objectifs, mentionné à l’alinéa 3 du présent article, avec les missions des plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET). En effet, il nous semble que les choix d’implantation de data centers doivent tenir compte des documents de planification et des documents stratégiques locaux.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement CS854 de Mme Anne Stambach-Terrenoir

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP). Par cet amendement, nous proposons la suppression de l’alinéa 26, qui prévoit la possibilité de reconnaître par anticipation à un projet de centre de données une raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM). Dans la mesure où la RIIPM sera acquise en amont et non plus au moment de la demande de dérogation « espèces protégées », une telle disposition facilitera leur destruction.

Ce faisant, nous allons encore renforcer la politique du fait accompli, inhérente à notre droit environnemental. On accorde des dérogations, mais à cause d’un défaut d’évaluation ou de contentieux ultérieurs, et des projets sont ensuite annulés ou déclarés illégaux, comme ce fut le cas récemment de l’autoroute A69. Or les dégâts sont faits, parfois même de manière irréversible.

Nous vivons la sixième extinction des espèces et assistons à un effondrement massif de la biodiversité. Les espèces protégées ne sont que la pointe émergée de l’iceberg ; un point de repère. Lorsque nous autorisons la destruction d’espèces protégées, c’est tout un écosystème qui est déséquilibré, sinon totalement détruit. Faciliter les dérogations simplifie bien sûr les installations, mais cette démarche est dangereuse à long terme, et je ne comprends pas que nous n’en tenions pas compte davantage.

M. Stéphane Travert, rapporteur. L’amendement affaiblirait la cohérence du régime des PINM. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS1352 du gouvernement

M. Marc Ferracci, ministre. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 29, ajouté par le Sénat, qui rend éligible au dispositif prévu à l’article 27 de la loi Aper les projets industriels permettant la réduction des émissions de gaz à effet de serre biogéniques. Cet article de la loi Aper donne accès à certaines dérogations administratives pour le raccordement électrique de projets de décarbonation de sites fortement émetteurs. Son objectif est ainsi de réduire les émissions de CO2 issues de la combustion d’énergies fossiles. Or nous estimons que ces importantes dérogations doivent demeurer strictement réservées aux projets concourant à la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la nation. Les étendre aux installations émettant du CO2 biogénique n’est donc pas souhaitable, d’autant que ces émissions ne sont comptabilisées et valorisées dans le système communautaire d’échange de quotas d’émission de l’Union européenne (ETS).

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Amendement CS1348 du gouvernement

M. Marc Ferracci, ministre. Il vise à supprimer les alinéas 33 à 35, introduits par le Sénat, qui prévoient le raccordement en fibre optique des centres de données. Un tel raccordement est essentiel à leur bon fonctionnement, mais le dispositif prévu n’est pas suffisamment opérant pour être maintenu en l’état.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Nous avons besoin d’un dispositif stable, cohérent et robuste. Je suis donc évidemment favorable à la suppression de ces alinéas.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CS945 de M. Charles Fournier

M. Charles Fournier (EcoS). Selon une étude de l’Ademe et de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep), les centres de données représentent pas moins de 8,7 % de la consommation électrique française ; c’est loin d’être négligeable. Pour nous aligner sur les objectifs européens, nous proposons de porter leur obligation de s’approvisionner en énergies renouvelables de l’objectif européen de 42,5 % à 45 %.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Ce niveau me paraît trop élevé : c’est la garantie que le dispositif ne fonctionnera pas. Avis défavorable.

M. Marc Ferracci, ministre. Même avis.

M. Charles Fournier (EcoS). Quel niveau vous paraîtrait acceptable ?

M. Stéphane Travert, rapporteur. Ma réponse est tirée de l’expérience. Ma région a voulu implanter des bornes de recharge alimentées en électricité non nucléaire, mais le dispositif s’est avéré peu pertinent et peu fiable, à tel point que nous avons dû le retirer. L’opération a eu un coût élevé. Dans le même esprit, il me semble prématuré d’imposer 45 % d’approvisionnement en énergies renouvelables aux centres de données. Peut-être y parviendrons-nous plus tard, mais il faut prendre le temps de la transition.

M. Charles Fournier (EcoS). Vos propos valent aussi pour le nucléaire, qui n’est pas près d’alimenter le surcroît de besoins en électricité qui s’annonce. Vous devriez appliquer dans ce texte le « en même temps » qui vous est cher.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CS460 de Mme Constance de Pélichy, CS574 de Mme Sandrine Le Feur, CS858 de Mme Lisa Belluco, CS1210 de Mme Mélanie Thomin et CS1350 du gouvernement

Mme Lisa Belluco (EcoS). Nous proposons de supprimer les alinéas 36 à 40 de l’article 15, qui précisent que les centres de données ne sont pas comptabilisés dans l’objectif zéro artificialisation nette, le ZAN. À force d’allonger la liste des exemptions au ZAN, il finira par disparaître. Il est inopportun d’en exclure les centres de données, comme bien d’autres acteurs économiques.

Mme Valérie Rossi (SOC). Cette exemption, introduite par le Sénat, ne respecte pas l’équilibre prévu par les lois « climat et résilience » et « industrie verte ». Elle paraît même incohérente, puisque les centres de données s’installent dans des sites déjà bien desservis, afin de bénéficier d’un accès aux réseaux de communication et à l’alimentation électrique. Il convient donc de la supprimer.

M. Marc Ferracci, ministre. Ces amendements ont une visée identique mais des motivations assez différentes. Vous connaissez mon engagement en faveur de l’exemption des contraintes liées à l’artificialisation des sols pour les projets industriels – les annonces faites en ce sens par le précédent gouvernement ont été réitérées par le premier ministre. La disposition ajoutée par le Sénat entre en conflit avec un projet que je défends, avec le ministre François Rebsamen, dans le cadre de la proposition de loi Trace déposée par les sénateurs Jean-Baptiste Blanc et Ghislain Cambier. C’est pourquoi je propose de la supprimer.

L’industrie ne représente que 5 % des projets tombant sous le coup de la règle du ZAN. Même si nous doublions cette empreinte – ce qui serait, à mon avis, souhaitable pour le pays –, nous ne remettrions pas en cause l’objectif de limitation de l’artificialisation des sols auquel nous restons attachés. Ce sujet doit être traité dans un autre cadre que le présent projet de loi.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Avis favorable.

M. Frédéric-Pierre Vos (RN). Il faut retirer les implantations industrielles du décompte du ZAN, comme il faut en retirer tous les projets d’intérêt général. Le ZAN est une bombe à fragmentation. Alors que le code de l’urbanisme a enflé de 60 % depuis la loi SRU de 2000, la loi « climat et résilience », qui introduit le ZAN, a parachevé la destruction totale de ce que nous avons imaginé depuis les années 1980 en matière d’urbanisme. Il faut supprimer toutes les mesures en rapport avec le ZAN ; c’est pourquoi nous voterons ces amendements.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, les amendements CS806 de M. Ian Boucard, CS425 de M. Corentin Le Fur, CS441 de Mme Anne Le Hénanff, CS881 et CS879 de Mme Lisa Belluco, CS851 de Mme Anne Stambach-Terrenoir, CS862 de Mme Lisa Belluco, CS37 et CS36 de Mme Danielle Brulebois, CS837, CS695 et CS790 de M. Ian Boucard et CS863 de Mme Lisa Belluco tombent.

Amendement CS783 de M. Ian Boucard

M. le président Ian Boucard. Cet amendement de repli du groupe Droite Républicaine, inspiré par la proposition de loi Trace du Sénat, vise à permettre aux collectivités d’ouvrir à l’urbanisation, dans leurs documents d’urbanisme modifiés, des surfaces dépassant jusqu’à 30 % l’objectif local de consommation maximale d’espaces naturels, agricoles et forestiers (Enaf).

M. Stéphane Travert, rapporteur. Le ZAN ne relève pas du présent projet de loi. Avis défavorable.

M. Marc Ferracci, ministre. Nous pouvons être encore plus ambitieux pour protéger les projets industriels, mais ce débat doit avoir lieu dans le cadre de la proposition de loi Trace. Avis défavorable.

M. Vincent Rolland (DR). Comme d’autres, j’ai déposé des amendements qui n’ont pas passé le seuil de la recevabilité. Ici, M. Boucard défend un amendement – auquel nous sommes favorables, car il vise à résoudre des difficultés concrètes dans les territoires ruraux – qui a été jugé recevable mais dont vous estimez, comme celui que Sébastien Huyghe a défendu tout à l’heure, qu’il ne relève pas du présent texte. Comment s’explique la différence entre un amendement irrecevable et un amendement recevable mais qui n’a pas sa place dans le texte ?

M. Pierre Meurin (RN). Je regrette que nous n’examinions que cet amendement de repli, et que l’excellent amendement du président Boucard visant à supprimer le ZAN soit tombé. Les élus, en particulier des zones rurales, vous le diront : le ZAN est une plaie. Ils sont tous vent debout contre ce dispositif. Notre rôle – à condition d’être suffisamment enracinés dans nos territoires – est de les entendre. La vision matérialiste consistant à marchander des surfaces artificialisées ne fonctionne pas et empêche les élus ruraux de créer de l’activité et des logements dans leurs communes. Il en est de même pour les zones à faibles émissions (ZFE) : qui fait l’ange fait la bête ! Arrêtons avec ces fausses bonnes idées.

M. Hendrik Davi (EcoS). Je suis plutôt favorable, pour ma part, au zéro artificialisation brute – j’en discutais avec une chercheuse spécialiste des sols qui essaie de défendre cette idée à l’échelle européenne. Cette question est centrale. En France, les surfaces artificialisées occupent un espace considérable et posent de vrais problèmes dans certaines régions, notamment dans le Sud où l’étalement urbain est dramatique. Cette situation met en péril la biodiversité dans les zones naturelles, mais aussi les surfaces agricoles ; en définitive, c’est notre souveraineté alimentaire qui est menacée. Dans le monde actuel, celui de Trump, Poutine et consorts, il faut préserver coûte que coûte les terres agricoles. Nous devrons certes trouver des solutions pour développer le logement social sans artificialiser les sols, mais je ne peux pas entendre que ceux qui, en général, refusent de construire des logements sociaux fassent du logement un argument contre le ZAN.

M. Guillaume Lepers (DR). Nous sommes en pleine technocratie à la française. Vous nous parlez de vastes zones urbaines, quand nous parlons de la situation dramatique des territoires ruraux, qui se vident au profit des métropoles. Implanter une petite usine pour créer de l’emploi, aménager quelques maisons… on nous interdit tout ! Si l’idée de base parisienne est bonne, la conséquence est catastrophique pour le développement des territoires ruraux. Certains élus nationaux sont totalement déconnectés. Venez faire un « Vis ma vie » dans nos territoires : vous verrez à quel point les élus locaux se cassent la tête pour créer quelques emplois et développer quelques entreprises. On n’est pas à Paris ! Certains discours me rendent fou, car ils s’attaquent profondément à notre ruralité.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Je suis une élue d’un territoire rural, la Haute-Vienne. Sachez que parmi les défenseurs du ZAN figure le syndicat des Jeunes Agriculteurs, qui milite pour un mécanisme de protection des terres agricoles. Rappelons que 50 000 à 60 000 hectares sont artificialisés chaque année, et que les surfaces agricoles sont les premières touchées. Nous devons nous demander comment répartir la charge entre les communes rurales et les grandes métropoles, qui ont grignoté du terrain et en ont profité ces dernières années. Pour autant, nous ne pouvons pas échapper à la question de la préservation des terres agricoles. Puisque vous vous placez du côté des élus ruraux, vous devez aussi relayer la voix des agriculteurs et agricultrices, qui s’opposent à la poursuite de l’artificialisation. Ce n’est pas une lubie écologiste mais une question fondamentale de souveraineté alimentaire et de vitalité des territoires ruraux, à laquelle l’agriculture contribue.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Ne nous méprenons pas : ce n’est pas parce que nous repoussons l’amendement du président Boucard qu’il n’est pas pertinent. Je refuse les procès en sorcellerie contre les urbains qui n’y connaîtraient rien. La presqu’île du Cotentin, où je vis, est confrontée au problème du zéro artificialisation nette dans ses projets de développement du territoire. Nous allons lancer le grand projet de recyclage Aval du futur avec les groupes Orano et EDF, qui créera 17 000 emplois, et nous nous interrogeons sur la manière dont nous construirons les infrastructures et accueillerons ces nouveaux travailleurs.

Cela étant dit, le texte que nous examinons vise à simplifier la vie économique. Simplifions aussi la vie parlementaire : vous aurez tout loisir de débattre du ZAN à l’occasion de la proposition de loi Trace.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CS899 de Mme Lisa Belluco

Mme Lisa Belluco (EcoS). Nous attendons toujours le rapport sur les leviers fiscaux à activer afin d’atteindre nos objectifs de sobriété foncière, que le gouvernement est tenu de remettre au Parlement en vertu de la loi de 2023.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Avis défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment.

M. Marc Ferracci, ministre. Votre amendement sera bientôt satisfait puisqu’une mission d’information de l’Assemblée nationale traite en partie de ces aspects et rendra prochainement ses conclusions ; surtout, une mission d’inspection sur la fiscalité et la sobriété foncière a été annoncée par les ministres Agnès Pannier-Runacher et François Rebsamen pour préparer le rapport que vous évoquez. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

M. Hendrik Davi (EcoS). Je vous engage à lire l’excellent rapport du Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) sur la consommation d’espace de 2009 à 2023, qui analyse très précisément l’artificialisation dans les zones rurales, périurbaines, etc. Je saisis cette occasion pour faire la publicité de cet organisme que nos chers collègues voulaient supprimer – je comprends maintenant pourquoi !

L’amendement est retiré.

Amendement CS35 de Mme Danielle Brulebois

Mme Danielle Brulebois (EPR). Cet amendement d’appel vise à prévoir une dérogation au ZAN pour les projets industriels créateurs d’emplois. Nous voulons réindustrialiser les territoires, relocaliser les usines et attirer des investisseurs étrangers pour garantir des emplois à nos concitoyens – c’est la première des mesures sociales, et c’est ce qui crée de la richesse pour notre pays. Il convient donc de trouver une solution pour les projets qui n’ont pas une taille suffisant à les reconnaître d’intérêt national majeur. C’est le cas d’un projet de l’entreprise Smoby, qui emploie 600 salariés dans le Jura et qui voudrait s’agrandir et créer quarante emplois supplémentaires mais en est empêchée par le plan local d’urbanisme intercommunal (PLUI). De même, une trentaine de sites « clés en main France 2030 » ne peuvent pas s’implanter à cause du ZAN.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Je vous remercie pour cet amendement d’appel intéressant, mais la dérogation au ZAN pour les projets industriels créateurs d’emplois relève de la proposition de loi Trace. Avis défavorable.

M. Marc Ferracci, ministre. Je remercie également Danielle Brulebois pour cet amendement qui illustre les difficultés que fait parfois peser le ZAN sur les projets industriels. Le projet d’extension de Smoby dans le Jura est l’un des exemples qui nous ont incités, avec François Rebsamen, à réfléchir à des exemptions au ZAN. Nous en parlerons dans le cadre de la proposition de loi Trace. Soyez assurée de notre détermination à avancer sur ce sujet. Demande de retrait.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 15 modifié.

M. le président Ian Boucard. Je vous indique que je suis saisi par des députés du groupe Rassemblement national représentant un dixième des membres de la commission spéciale d’une demande de scrutin sur le vote des amendements identiques CS583 et CS1506 qui seront examinés tout à l’heure après l’article 15 bis. Je constate que les députés demandeurs sont effectivement présents. Ce scrutin est de droit, en application de l’article 44 du règlement.

Après l’article 15

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CS436 de Mme Anne Le Hénanff.

Amendement CS803 de M. Henri Alfandari

M. Henri Alfandari (HOR). Il s’agit de clarifier les cas dans lesquels un projet satisfait à la condition de raison impérative d’intérêt public majeur. Issue de la directive « Habitats », la RIIPM reste floue et sujette à appréciation au cas par cas par les juridictions. Elle a trait à la fois au code de l’environnement, au code de l’urbanisme et au code de l’énergie, et présente donc une insécurité juridique – songez à l’A69. Nous proposons de l’intégrer à la déclaration d’utilité publique (DUP) et de la coordonner avec les autres dispositifs qualifiant l’intérêt des projets.

Quand on décide de lancer un projet, qu’il est reconnu d’intérêt national majeur et qu’il fait l’objet d’une déclaration d’utilité publique, la RIIPM doit lui être automatiquement accordée.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Cette proposition peut paraître de bon sens mais introduit un risque de contentieux et d’illégalité. Avis défavorable.

M. Marc Ferracci, ministre. Même avis.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Alors que la RIIPM devrait rester une exception justifiée par l’intérêt général majeur, vous voulez en faire une généralité. Cela pose des problèmes écologiques au regard de la préservation des terres agricoles et de l’artificialisation des sols, sans compter que cela risque d’accroître les conflits d’usage. Il arrive, par exemple, que le tracé d’une nouvelle route traverse des exploitations agricoles et oblige les agriculteurs à faire des tours et des détours pour se rendre d’un bout à l’autre de leurs terres. Outre qu’ils renforceront les conflits démocratiques, ces projets dérogeront aux impératifs de transition écologique qui devraient tous nous préoccuper, car il y va de notre avenir et de celui de nos enfants. L’intérêt général supérieur de la population, des usagers des terres agricoles et des générations futures devrait compter autant que les intérêts financiers des projets d’infrastructures. Les territoires ruraux ont avant tout besoin que l’on développe des services publics en leur sein, pour ne plus être des cités-dortoirs. Or quand on crée une autoroute, on développe surtout les deux pôles qu’elle dessert en oubliant les zones rurales qu’elle traverse.

M. Henri Alfandari (HOR). Je ne partage pas votre avis concernant le risque d’illégalité du dispositif que nous proposons. Rappelons que la RIIPM a été instaurée pour les énergies renouvelables. Il ne s’agit jamais que de l’ouvrir aux projets entrant dans les catégories de la déclaration d’utilité publique, de l’intérêt national majeur ou de l’intérêt majeur, qui participent de l’intérêt général, ont fait l’objet d’enquêtes environnementales et de consultations du public. La RIIPM doit être accordée en fin de processus, car l’État ne peut pas passer son temps à se déjuger.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CS1048 de M. Sébastien Huyghe

M. Sébastien Huyghe (EPR). Les refus de permis de construire sont de plus en plus motivés par des raisons étrangères aux règles d’urbanisme, ce qui conduit les pétitionnaires à déposer des recours devant le juge. Nous proposons de renforcer le contrôle de légalité de ces refus, en imposant leur transmission systématique au préfet.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Avis favorable.

M. Marc Ferracci, ministre. L’exercice du contrôle de légalité en matière de permis de construire s’étend déjà à l’ensemble des décisions individuelles prises par le maire, y compris les refus. Votre amendement étant satisfait, j’en demande le retrait.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CS1028 de M. Henri Alfandari

M. Henri Alfandari (HOR). Nous souhaitons que la demande d’autorisation environnementale d’un projet qualifié d’intérêt national majeur pour la souveraineté nationale ou la transition écologique ne donne pas lieu à la réalisation d’une évaluation environnementale préalable. Cette disposition avait été en partie intégrée au projet de loi « industrie verte », à la faveur d’un amendement ayant reçu un avis favorable du rapporteur et du gouvernement, mais a été supprimée par la commission mixte paritaire (CMP).

Oui, il y a urgence climatique ; oui, il faut lancer des projets qui contribuent à la décarbonation dans un délai très court – nous avons peu de temps pour agir ; mais vu la vitesse à laquelle avancent les projets dans notre pays, nous aurons du mal à répondre à nos obligations. Parallèlement au ZAN, qui met fin aux bêtises post-années 1950, nous devons créer un régime qui permette d’agir efficacement au XXIe siècle.

Conformément au droit européen, le régime que nous proposons prévoit une évaluation environnementale continue. Le porteur de projet devra adresser à l’autorité environnementale un dossier détaillant les impacts environnementaux de l’opération pendant toute sa durée de vie, jusqu’à sa disparition. Il devra également mettre en place une revue d’amélioration continue des processus. Il obtiendra alors, le cas échéant, l’autorisation environnementale et le permis de construire. Le public sera informé tout au long de la vie du projet, de même que les parlementaires. Puisque nous manquons d’éléments scientifiques pour prendre nos décisions, cela nous fera du bien à tous de connaître de ces données.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Je comprends vos arguments, mais votre amendement semble présenter un risque d’inconstitutionnalité. Je m’en remets à la sagesse de la commission spéciale.

M. Marc Ferracci, ministre. Je suis également sensible aux motivations de l’amendement, mais j’y vois un risque d’inconventionnalité – même si vous vous prévalez d’une directive européenne.

Vous souhaitez créer un nouveau cas de dispense d’évaluation environnementale préalable pour les PINM, en application de la directive de 2011 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement. Or cette directive ne prévoit une telle dérogation que dans des cas exceptionnels, pour des projets spécifiques, lorsque la réalisation d’une évaluation environnementale entraînerait une atteinte à leur finalité. Il faut donc que le projet présente un caractère d’urgence. Au regard de ces éléments, la dispense que vous proposez risque d’être inconventionnelle. Je souhaite que vous retiriez votre amendement afin que nous en discutions et que nous levions cette incertitude avant la séance.

M. Henri Alfandari (HOR). Je préfère que nous adoptions l’amendement dès maintenant, quitte à le corriger en séance. Les discussions que nous avons eues avec les administrations ont écarté tout risque d’inconventionnalité. Le vrai risque est d’ordre constitutionnel – je vous renvoie à la décision du Conseil constitutionnel sur la loi d’orientation agricole, particulièrement en ce qui concerne les exemptions prévues pour la pisciculture. Le nœud du problème réside dans la capacité de l’autorité environnementale à intervenir sur le projet tout au long de sa durée de vie.

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Soyons clairs : vous avez beau prévoir des conditions annexes, l’essence de votre amendement consiste en une dérogation – une immense dérogation, très périlleuse, à l’obligation faite aux projets industriels de réaliser une évaluation environnementale préalable. Il est pourtant essentiel de vérifier en amont, avant sa réalisation, qu’un projet industriel n’aura pas un impact environnemental trop important par rapport à son intérêt économique. Il serait très grave de valider une telle exemption, alors que le législateur doit garantir le respect du droit de l’environnement et protéger les équilibres écosystémiques.

M. Marc Ferracci, ministre. Monsieur Alfandari, vos arguments confortent ma demande de retrait et de réécriture de votre amendement en vue de l’examen du texte en séance publique. Si le risque d’inconstitutionnalité se substitue au risque d’inconventionnalité, il n’en est pas moins important.

M. Henri Alfandari (HOR). Le risque d’inconstitutionnalité, que j’ai évoqué par honnêteté, peut en réalité être écarté. Par ailleurs, je considère que cet amendement est bien écrit et fonctionnel.

Madame Lejeune, vous l’avez mal lu : afin de prévoir une évaluation environnementale continue, il faut, pour des raisons purement légistiques, déroger à l’évaluation environnementale existante, mais il ne s’agit en aucun cas de supprimer l’évaluation des impacts environnementaux d’un projet.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CS732 de M. Ian Boucard

Mme Anne-Laure Blin (DR). La dimension nationale du ZAN pose problème : Paris ne peut imposer un décompte aux territoires ruraux sans tenir compte de leurs spécificités. Cet amendement de repli vise à fixer à l’échelle régionale, intercommunale et communale les objectifs, plus ou moins ambitieux, de réduction de l’artificialisation.

Le ZAN a des effets pervers, y compris en milieu rural : on refuse aux agriculteurs l’agrandissement de leurs exploitations agricoles, même lorsqu’il s’agit de serres, à cause de la modalité actuelle de décompte des espaces concernés. L’aménagement proposé par cet amendement correspond à une vision pragmatique promue par les élus ruraux, qui sont les premiers défenseurs des territoires ruraux et des espaces agricoles.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Comme précédemment, je vous renvoie au prochain examen de la proposition de loi Trace, qui donnera lieu à de passionnants débats.

M. Marc Ferracci, ministre. Même argument et même avis. Le repli n’est pas une défaite en rase campagne : nous traiterons ces sujets lors de l’examen de cette proposition de loi.

Mme Anne-Laure Blin (DR). Je m’attendais à cet argument, mais il me semble peu probant. Nous avons la possibilité d’alléger les contraintes pesant sur les entrepreneurs et les agriculteurs dans ce texte : pourquoi la reporter aux calendes grecques, en l’occurrence à l’examen d’une proposition de loi examinée au Sénat ? Soyons réalistes : la durée de nos mandats étant plus ou moins limitée, faisons œuvre utile dès maintenant, avec des mesures concrètes et pragmatiques !

M. Stéphane Travert, rapporteur. Nous pouvons aussi nous inscrire dans une forme de longévité électorale : certains d’entre nous en attestent.

Il ne serait pas judicieux que le ZAN soit traité pour partie dans le présent projet de loi et pour partie dans la proposition de loi Trace. Pour simplifier la vie parlementaire, il nous semble préférable de regrouper l’examen des mesures relatives au ZAN.

M. Marc Ferracci, ministre. La proposition de loi Trace a déjà été examinée et adoptée au Sénat. Nous devons faire preuve de cohérence dans le traitement de l’artificialisation, afin d’apporter de la lisibilité aux investisseurs désireux de se lancer dans des projets industriels. Adopter aujourd’hui une disposition qui serait contrebalancée dans quelques semaines par un amendement à la proposition de loi Trace, n’apporterait que de la confusion.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CS906 de Mme Lisa Belluco

Mme Lisa Belluco (EcoS). Puisque nous faisons de ce projet de loi un énième texte sur le ZAN, qui semble intéresser tout le monde, poursuivons dans cette veine. Dans la loi de juillet 2023, nous avons créé une enveloppe de 12 500 hectares réservée aux projets d’envergure nationale et européenne ; les projets industriels proposés par le gouvernement représentent déjà 11 870 hectares.

Nous proposons par cet amendement d’organiser un débat annuel au Parlement pour suivre l’évolution de la consommation de cette enveloppe.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Avis défavorable, je vous renvoie de nouveau à l’examen de la proposition de loi Trace.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS152 de M. Xavier Roseren

M. Xavier Roseren (HOR). Il vise à étendre aux entreprises le principe « Dites-le nous une fois » déjà appliqué aux particuliers, afin de leur éviter de transmettre plusieurs fois les mêmes informations, notamment environnementales, à différentes administrations. Cette répétition engendre des charges administratives inutiles et nuit à la compétitivité. Il est temps que l’État joue pleinement son rôle de facilitateur en garantissant un partage fluide et sécurisé des données.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Demande de retrait puisque votre amendement, tout à fait légitime, est déjà satisfait.

M. Marc Ferracci, ministre. Même avis, pour les mêmes raisons.

M. le président Ian Boucard. Les services du premier ministre nous ont indiqué avoir voulu inscrire dans ce projet de loi précisément ce que propose cet amendement, ce qui laisse à penser que ce principe n’est pas toujours appliqué, bien qu’il figure dans le droit.

Pouvez-vous nous dire si le gouvernement envisage de déposer un amendement en ce sens en vue de l’examen du texte en séance publique ?

M. Marc Ferracci, ministre. Je n’ai pas d’information à ce sujet. Le principe Dites-le nous une fois figure à l’article L. 113-12 du code des relations entre le public et l’administration (CRPA), qui concerne les démarches des personnes physiques et des entreprises.

M. Xavier Roseren (HOR). Malheureusement, dans le CRPA, ce principe est limité aux personnes physiques et n’est pas explicitement étendu aux entreprises ; de plus, il ne s’applique pas aux obligations environnementales et de reporting extrafinancier. Ce principe a certes été évoqué devant le Conseil national de l’industrie par Philippe Vrignault, adjoint au directeur du programme éponyme, mais il ne figure pas dans la loi. Cet amendement vise à combler ce manque.

Mme Lisa Belluco (EcoS). Une fois n’est pas coutume, je soutiens pleinement cet amendement parce qu’il répond à une très forte demande du terrain.

La semaine dernière, les représentants de la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb) dans mon département, que je rencontrais pour parler de la simplification de la vie économique, m’ont expliqué qu’à chaque demande de certification RGE (reconnu garant de l’environnement), ils doivent fournir les mêmes documents, pourtant inchangés, au détriment de la qualité de leur travail. Ce qui est pesant pour toutes les entreprises l’est d’autant plus pour des artisans, qui ne peuvent consacrer suffisamment de ressources humaines à ces démarches administratives.

Permettez-moi donc d’insister sur l’intérêt d’une véritable application du principe Dites-le nous une fois aux entreprises comme aux particuliers.

La commission adopte l’amendement.

Article 15 bis (nouveau) : Tarif réduit de l’accise sur l’électricité des centres de stockage des données numériques

Amendements de suppression identiques CS287 de M. Stéphane Travert, CS231 de Mme Manon Meunier, CS439 de Mme Anne Le Hénanff, CS466 de M. David Taupiac, CS694 de Mme Marie Lebec, CS931 de Mme Lisa Belluco, CS1211 de M. Gérard Leseul et CS1242 de M. Nicolas Bonnet

M. Stéphane Travert, rapporteur. La normativité juridique de l’article 15 bis n’est pas établie, dans la mesure où il vise à créer un dispositif qui existe déjà.

Les représentants du secteur des centres de stockage des données numériques, que nous avons reçus en audition, ont reconnu que cet article créerait une complexité inutile. Conformément à la démarche de simplification qui nous anime, je vous propose donc de le supprimer.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Cet article a pour but de créer une coordination juridique établissant que l’électricité consommée pour les besoins des centres de stockage des données numériques relève d’un tarif réduit. Nous y sommes opposés compte tenu de la consommation énergétique de ces centres et proposons à l’inverse que l’énergie fasse l’objet d’une tarification progressive pour lutter contre les mésusages. C’est pourquoi notre amendement vise à supprimer l’article 15 bis.

M. David Taupiac (LIOT). Cet article est inutile puisque les centres de données bénéficient déjà d’une taxe réduite.

Mme Marie Lebec (EPR). En effet, cet article n’a pas lieu d’être.

M. Gérard Leseul (SOC). Compte tenu de leur rentabilité, les centres de données n’ont pas besoin de tarifs préférentiels.

La commission adopte les amendements identiques.

En conséquence, l’article 15 bis est supprimé et les amendements CS908 et CS930 de Mme Lisa Belluco tombent.

Après l’article 15 bis

Amendements identiques CS1506 de M. Ian Boucard et CS583 de M. Pierre Meurin, amendement CS326 de Mme Anne-Laure Blin, amendements identiques CS543 de M. Ian Boucard et CS611 de M. Pierre Meurin, amendements identiques CS1108 de M. Ian Boucard et CS589 de M. Pierre Meurin, amendements CS591 et CS590 de M. Pierre Meurin (discussion commune)

M. le président Ian Boucard. Par l’amendement CS1506, le groupe Droite Républicaine et son président Laurent Wauquiez proposent de supprimer les zones à faibles émissions mobilité (ZFE), créées pour améliorer la qualité de l’air. Bien que cet objectif soit louable, leurs importants impacts sociaux et économiques justifient leur abrogation. La création des ZFE a exacerbé les inégalités sociales en pénalisant les ménages à revenus modestes, contraints de choisir entre dépenser d’importantes sommes pour acheter un nouveau véhicule propre ou renoncer à se déplacer.

Les conséquences pour les petites entreprises sont significatives ; les artisans et les petits commerçants sont particulièrement touchés, puisqu’ils utilisent des véhicules utilitaires souvent plus polluants que les véhicules particuliers. Compte tenu du faible nombre de solutions alternatives propres adaptées à leurs besoins spécifiques, l’obligation de s’adapter aux ZFE menace la viabilité financière de ces entreprises et pourrait conduire à des suppressions d’emplois.

Enfin, les défis en matière de mobilité ne doivent pas être négligés : les ZFE nécessitent un réseau de transports en commun efficace et bien développé, ce qui n’est pas toujours le cas dans les zones périurbaines.

M. Pierre Meurin (RN). Vous avez d’intéressantes sources d’inspiration, monsieur le président.

M. le président Ian Boucard. En l’occurrence, une proposition de loi défendue par M. Alexandre Portier il y a deux ans.

M. Pierre Meurin (RN). Je mène le combat contre les ZFE depuis quatre ans. Inutiles pour améliorer la qualité de l’air, elles ont provoqué une profonde blessure sociale, un séparatisme territorial qui a repoussé les Français des zones rurales loin des services publics et des zones d’activités – centres de santé, bassins d’emploi, commerces de proximité, etc.

En 2026, une fois les radars à lecture automatique des plaques d’immatriculation mis en service, 15 millions d’automobilistes propriétaires d’une voiture interdite de centre-ville risqueront une amende de 68 euros au seul motif qu’ils sont pauvres. Pourtant, les particules fines issues de l’abrasion des pneus d’un SUV électrique polluent beaucoup plus que les émissions du pot d’échappement d’un petit véhicule citadin classé Crit’Air 4.

Rien ne va avec les ZFE et tout le monde reconnaît qu’elles sont une absurdité. Je connais vos réserves, chers collègues : les vôtres, monsieur Leseul, détaillées dans le cadre de votre mission flash ; celles des députés du bloc central, avec lesquels j’ai beaucoup discuté ; celles de La France insoumise, qui a déposé un texte visant à instaurer un moratoire en attendant le développement de réseaux suffisants de transports en commun ; celles des Républicains, qui souhaitent également un moratoire de cinq ans.

Dépassons nos clivages partisans et votons ces amendements identiques, pour mettre un terme à cette dinguerie et éviter une révolte sociale.

Mme Anne-Laure Blin (DR). Parce que nous en mesurons les effets collatéraux, nous ne pouvons laisser les ZFE perdurer. Elles sont une mesure de ségrégation des habitants des zones rurales et des travailleurs. Les professionnels nous ont alertés sur leurs effets pervers : elles découragent l’accès aux zones d’activités des grandes agglomérations et, comble de l’ironie, retardent les chantiers de rénovation énergétique.

L’INSEE a dénombré les véhicules antérieurs à 2011, classés Crit’Air 4 ou 5, qui ne peuvent pénétrer dans les ZFE, empêchant de nombreux professionnels d’y exercer leur activité. La création des ZFE est une mesure d’écologie punitive et contraignante, dont l’impact sur la qualité de l’air est très limité, voire inexistant. Parce que nous refusons que les Français soient à la fois matraqués fiscalement et contraints dans leurs déplacements, nous demandons par l’amendement CS326 l’abrogation des ZFE.

M. Guillaume Lepers (DR). Les ZFE sont à l’origine d’inégalités sociales qui pénalisent les ménages à revenus modestes, ainsi que les artisans et les commerçants qui dépendent de leurs véhicules utilitaires pour accéder aux chantiers dans les agglomérations. Elles provoquent également des inégalités territoriales, en privant nos concitoyens vivant en zone rurale de l’accès aux services publics présents dans les centres-villes.

M. Jocelyn Dessigny (RN). Cet amendement de repli CS611 vise à créer un moratoire de cinq ans sur les ZFE à compter de la promulgation du présent texte de loi.

Les ZFE provoquent l’exclusion sociale de toute une classe populaire en interdisant purement et simplement aux personnes qui ne peuvent changer de véhicule de se rendre sur leur lieu de travail. Je ne suis pas certain que tout le monde se rende bien compte de l’impact social des ZFE, qui sont une dinguerie écologiste reflétant une idéologie punitive. C’est une mesure de bobos écolos des grandes villes contre la ruralité – artisans, infirmières, aides à domicile, etc., qui ont besoin de leur voiture pour aller travailler. Il faut absolument mettre un terme aux ZFE.

M. le président Ian Boucard. On a le droit de se tromper lorsqu’on rédige une loi et je ne crois pas que les promoteurs des ZFE aient eu une intention punitive. L’objectif des ZFE est tout à fait louable, mais l’application de la loi, couplée à un accompagnement insuffisant de nos concitoyens pour renouveler leur véhicule, n’a pas porté ses fruits et conduit à une ségrégation sociale.

Il est inacceptable que les grandes métropoles ne soient plus accessibles aux plus précaires de nos concitoyens et à certains professionnels. C’est pourquoi l’amendement CS1108 vise à suspendre l’application des ZFE pour une durée de cinq ans, afin que les mesures d’accompagnement initialement imaginées par le législateur soient appliquées. Les ZFE pourront alors remplir leurs objectifs d’amélioration de la qualité de l’air, sans entraver la liberté de circulation de chacun.

M. Pierre Meurin (RN). Je suis d’accord avec vous, l’objectif initial de la création des ZFE est louable et je ne critique en aucun cas ceux qui avaient imaginé qu’elles amélioreraient la qualité de l’air.

Toutefois, l’expérience montre qu’elles ne servent à rien : en vingt ans, les émissions de particules fines ont diminué de 60 % et celles de monoxyde et de dioxyde d’azote de 25 %, sans que les ZFE y soient pour quoi que ce soit. L’amélioration de la qualité de l’air résulte du renouvellement du parc automobile et des progrès technologiques, en particulier concernant les véhicules diesel – les filtres à particules, les vannes EGR (Exhaust Gas Recirculation) ou encore l’Adblue.

Aucune étude n’a démontré que les ZFE permettent d’améliorer la qualité de l’air. Elles servent en réalité un objectif d’exclusion totale des voitures des villes, ce qui constituerait l’unique manière d’éradiquer la pollution automobile ; or c’est totalement irréaliste, voire dystopique. C’est pourquoi l’amendement de repli CS589 vise à demander un moratoire de cinq ans sur les ZFE.

Afin de préserver le contrat social, il est impossible de continuer à dire aux Français les plus pauvres qu’ils polluent les plus riches. Je connais les réticences de chacun d’entre vous à l’égard des ZFE ; nous devrions pouvoir trouver un accord.

M. Matthias Renault (RN). L’amendement CS591 est aussi un amendement de repli, dans l’hypothèse où nous ne saisirions pas l’occasion de supprimer, purement et simplement, les ZFE. Ces dernières provoquent une ségrégation sociale qui dégage les habitants de la France rurale et périphérique des grandes villes. Elles disent aux pauvres qu’on ne veut pas d’eux dans les centres-villes ; elles en chassent ceux qui n’ont pas les moyens de s’acheter une belle voiture pour travailler, aller voir leurs proches ou accéder aux services publics essentiels comme l’hôpital.

Les ZFE remettent en cause non seulement le contrat social, mais aussi la liberté de circulation, qui a valeur constitutionnelle. Il est totalement inadmissible que des hommes politiques ou des fonctionnaires s’arrogent la légitimité et le droit de créer arbitrairement des périmètres dans lesquels certains citoyens ne peuvent plus circuler. Il est temps de mettre fin à cette situation en supprimant les ZFE, avant que la verbalisation n’entre en vigueur.

M. Hervé de Lépinau (RN). Ce dernier amendement de repli a pour but d’instaurer une expérimentation de trois ans visant à suspendre certaines ZFE.

En contrepartie de l’interdiction des ZFE que nous appelons de nos vœux, il faut accentuer nos efforts visant à améliorer la qualité de l’air. À ce titre, nous avons proposé de rendre obligatoire le décalaminage des moteurs et des colonnes d’échappement des véhicules diesel tous les 100 000 kilomètres. Cette obligation aurait trois effets : l’amélioration du rendement du moteur, la diminution de la pollution entraînée par la baisse de la consommation et l’extension de la longévité des véhicules.

Certes, l’industrie automobile ne souhaite sans doute pas l’allongement de la vie des véhicules, mais c’est pourtant essentiel pour les Français qui se sont endettés afin d’acheter leur véhicule et qui font face à des difficultés financières.

M. Stéphane Travert, rapporteur. J’entends votre souhait de débattre des ZFE, compte tenu des difficultés qu’elles causent aux plus précaires de nos concitoyens et aux artisans, qui n’ont plus accès aux centres-villes faute d’avoir pu renouveler leurs véhicules. Il n’existe pas encore de véhicules utilitaires électriques, bien que certains constructeurs aient commencé à y travailler.

À titre personnel, je suis favorable à une trajectoire de progrès pour l’instauration des ZFE, qui serait élaborée dans les métropoles plutôt qu’à l’échelle nationale. Des aides sont disponibles, bien qu’elles ne suffisent pas toujours à acquérir des véhicules électriques, et il nous faut poursuivre nos efforts de renouvellement du parc automobile. Je suis d’accord avec certaines de vos critiques, mais il n’en demeure pas moins que l’une de nos priorités demeure la lutte contre la pollution de l’air et le dérèglement climatique.

En tant que rapporteur de ce texte et dans un souci de cohérence, il me semble que ce véhicule législatif n’est pas le bon pour ouvrir le débat sur les ZFE. L’objectif de ce texte étant la simplification, il n’est pas pertinent de modifier une réglementation que bon nombre de nos concitoyens n’ont pas encore appliquée. Avis défavorable.

M. Marc Ferracci, ministre. Ce débat est important, bien qu’il ne s’inscrive pas pleinement dans les objectifs du présent projet de loi.

Un consensus sur les objectifs des ZFE se dégage : limiter les émissions polluantes et améliorer la santé publique. Je ne partage pas l’idée selon laquelle la baisse des émissions se ferait naturellement ; des expériences, menées notamment à l’étranger, ont montré que les ZFE avaient des effets sur la réduction des émissions.

La complexité du sujet exige que nous prenions du recul, en évaluant les contraintes que font peser les ZFE sur l’accès aux centres-villes, éventuellement à l’emploi, mais aussi leurs effets sur la santé publique. C’est pourquoi je demande le retrait de ces amendements : sans un bilan documenté, chiffré et indépendant, les décisions politiques ne sont pas suffisamment éclairées. S’ils ne sont pas retirés, avis défavorable.

M. Charles Fournier (EcoS). La qualité de l’air, qui a trop longtemps été délaissée, est un sujet crucial, qui mériterait un texte de loi à part entière ; vous en conviendrez aisément si vos propos sont sincères. Rappelons que la pollution de l’air est responsable de 40 000 morts par an.

Les ZFE sont une réponse très imparfaite, bien qu’elles s’attaquent aux zones concentrant les émissions de gaz à effet de serre. Les personnes les plus vulnérables économiquement sont aussi les plus exposées à la pollution de l’air.

Je suis surpris d’entendre la liberté de circulation être utilisée comme argument : il n’est précisé nulle part qu’elle doit s’exercer uniquement en voiture. Les transports en commun sont l’une des principales réponses aux problèmes de mobilité ; malheureusement, ils ne sont pas à la hauteur des besoins, ni en ville ni dans les zones rurales.

Il faudrait modifier le titre du texte que nous examinons : plutôt qu’un projet de loi de simplification, c’est un projet de loi d’élimination de tout ce qui dérange ou dont on ne veut plus, comme le code de l’environnement, le chantier de l’A69, le ZAN, les ZFE ou encore les mesures contre le plomb.

La manière dont les ZFE sont appliquées ne fonctionne pas, mais les supprimer dans ce texte serait contradictoire avec son objectif de simplification.

Mme Danielle Brulebois (EPR). Nous sommes tous d’accord sur le constat. Oui, la pollution de l’air génère 48 000 décès prématurés par an et plus de 30 000 cas d’asthme infantile. Oui, les ZFE ont un impact fort : plus de 3 000 décès évités à Paris et à Lyon. Mais il faut revoir la méthode. Si nous voulons que les ZFE fonctionnent, il faut améliorer leur acceptabilité aux yeux de nos concitoyens et éviter de créer des zones d’exclusion sociale.

Les gens n’achètent pas de voitures électriques car elles sont trop chères. On peut avoir un véhicule classé Crit’Air 3 ou plus, immatriculé avant 2011, qui consomme et pollue peu, et ne pas avoir les moyens de le changer. Que fait-on quand on habite un territoire rural et qu’il faut se rendre en ville pour travailler ? Choisir entre payer une amende ou perdre son emploi ? C’est la double peine pour les gens qui n’ont pas les moyens. Les mesures draconiennes imposées d’en haut ne fonctionnent pas. Nous devons instaurer un moratoire en attendant de trouver des solutions.

Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Les ZFE ont été créées sans aucun développement des moyens de transport autres que la voiture individuelle, faute de planification et de financement des liaisons interurbaines, à défaut des transports du quotidien. Le plan vélo et mobilités actives 2023-2027a été abandonné par le gouvernement. Les services express régionaux métropolitains (SERM), créés en 2023, ne sont toujours pas financés.

Surtout, les ZFE aggravent la précarité, alors que 15 millions de personnes sont déjà dans une situation de mobilité précaire. Les principaux touchés sont ceux qui dépendent de leur voiture pour aller travailler. Je suis régulièrement interpellée par des habitants de ma circonscription qui me disent qu’ils ne sont pas contre les ZFE en principe, mais qu’ils n’ont pas d’autre moyen de transport. 38 % des personnes les plus précaires possèdent un véhicule dont la classe Crit’Air est ciblée par les ZFE, contre 10 % des plus riches. Dans leur application actuelle, les ZFE excluent donc les plus précaires des centres-villes.

Cependant, les supprimer sans prévoir aucune autre solution est un problème. Chaque année, 40 000 personnes meurent en France en raison de la mauvaise qualité de l’air et de la présence de particules fines. Les polluants atmosphériques sont responsables de nombreuses maladies chroniques, cardiovasculaires et respiratoires qui touchent tous les Français. Le secteur des transports est responsable à lui seul de 53 % des oxydes d’azote et de 15 % des particules fines émis en France en 2021.

Nous appelons à la suspension localisée des ZFE, à la refonte de la vignette Crit’Air pour prendre en compte le poids du véhicule et au développement de moyens de transport alternatifs, mais nous sommes contre la suppression des ZFE. Nous nous abstiendrons sur ces amendements.

M. Henri Alfandari (HOR). L’objectif est simple : lutter contre les émissions de particules fines, lesquelles proviennent essentiellement, pour les véhicules, de l’abrasion des pneus – Michelin a d’ailleurs développé un pneu dont l’abrasion est moindre – et, surtout, du chauffage au bois, à 55 %. Si nous voulons limiter les émissions de particules fines, il faut en priorité réglementer les inserts.

Prenons l’exemple d’une personne âgée de 57 ans, qui devra travailler jusqu’à 67 ans pour toucher une retraite à taux plein. Sa voiture ne lui permet pas d’entrer dans la ZFE. Elle a renoncé à acheter une voiture neuve, se rabat sur une voiture d’occasion, fait une demande d’emprunt à sa banque, laquelle lui demande le calcul prévisionnel de sa retraite, en calcule le reste à vivre et lui refuse l’emprunt. Cette personne voudrait se mettre en conformité, mais elle ne le peut pas. Nous ne pouvons pas laisser de nombreuses personnes dans l’impasse. Nos concitoyens ont besoin d’utiliser leur véhicule maintenant. Nous pourrons réfléchir ensuite au meilleur moyen de limiter les émissions de particules fines.

M. Éric Michoux (UDR). On a parlé d’entraves à la liberté de déplacement et d’assignation à résidence, toutes choses qui laissent penser que cette loi est anticonstitutionnelle. Je voudrais, pour ma part, évoquer un autre argument, à savoir que 15 millions de voitures ne pourront plus circuler et ne vaudront donc plus rien. Cela représente une perte financière importante : à 10 000 euros le véhicule en moyenne, multiplié par une décote de 4 000 à 5 000 euros, cela fait 60 milliards d’euros dont seront spoliés nos administrés. L’un de mes amis, en Bresse, me demandait si on allait lui rembourser sa voiture, d’une valeur de 10 000 euros, qu’il ne peut plus vendre. A-t-on l’intention de dédommager, ou du moins de trouver une solution pour ces gens qui vont perdre beaucoup d’argent ? L’UDR est contre les ZFE. On ne peut pas imposer aux gens une mesure qui les spolie de plusieurs milliards d’euros.

M. Pierre Meurin (RN). Je tente un dernier exercice de conviction à l’intention de nos collègues de gauche. Si vous avez un tant soit peu une fibre sociale, vous ne pouvez pas ne pas voter cet amendement. M. Carrière a déposé une proposition de loi proposant un moratoire sur les ZFE tant qu’il n’y aura pas de transports en commun pour tous et vous avez quasiment la même position que notre groupe sur les SERM, à savoir qu’il n’y aura pas de transports pour tous avant vingt ou trente ans. Or, dans trente ans, il n’y aura plus de véhicule Crit’Air 3. Votre proposition revient donc à supprimer les ZFE !

On sait bien que le système Crit’Air ne fonctionne pas ; vous le reconnaissez vous-même. Quittons les postures politiciennes, supprimons les ZFE et inventons demain un dispositif intelligent. Si vous votez contre l'amendement, ce sera une blessure politique pour vous.

Mme Anne-Laure Blin (DR). Monsieur le ministre, comment pouvez-vous nous faire l’affront de nous demander de retirer nos amendements ? Nous attendons du gouvernement qu’il prenne ses responsabilités. Si nous sommes ici, c’est pour vous rapporter précisément ce que nos concitoyens nous disent. Vous dites ne pas croire au renouvellement naturel de l’air, mais croyez-vous davantage au renouvellement naturel du parc automobile ? Au rythme actuel, il prendra vingt ans. Nos concitoyens n’ont clairement pas les moyens d’acheter de nouveaux véhicules. Nous ne pouvons pas nous voiler la face devant la réalité.

De même, comment nos collègues de gauche peuvent-ils imaginer qu’il sera un jour possible de proposer des transports en commun partout sur le territoire national ? Tout à l’heure, sur le ton de l’humour, j’ai invité mon collègue Philippe Bolo à me rendre visite en transports en commun, chez nous, à la campagne. Il n’y en aura jamais suffisamment. Là encore, c’est une question de pragmatisme.

Nos concitoyens se contrefichent d’un énième véhicule législatif. Nous devons adoucir les conséquences des ZFE, au moins par un moratoire, idéalement par leur suppression, pour répondre à l’attente qu’ils ont clairement exprimée. Ils ne veulent plus de ces mesures de ségrégation.

M. Christophe Naegelen (LIOT). L’objectif de mieux vivre, de mieux respirer et de préserver l’environnement devrait être partagé par tous. Néanmoins, la réalité s’impose : les ZFE suscitent un ras-le-bol collectif car elles ont été trop vite et mal faites. Elles créent une exclusion sociale en privant d’accès aux centres-villes ceux qui n’ont pas les moyens de changer de voiture. Les artisans qui travaillent avec un véhicule utilitaire sont les premiers à dire qu’ils n’ont plus les moyens d’intervenir dans certaines grandes villes. Il serait plus logique d’admettre qu’une erreur a été faite, de les supprimer et de travailler à un autre dispositif qui fera consensus.

Mme Lisa Belluco (EcoS). Chacun ici est d’accord pour dire qu’il y a un problème dans la mise en œuvre des ZFE et que les inégalités créées n’ont pas été compensées par des politiques d’accompagnement suffisantes. Il y a quelque chose à revoir, et vite.

Cependant, je vous demande de ne pas y aller à la hache en votant leur suppression pure et simple. Nous devrions plutôt travailler rapidement à formuler une proposition qui respecte le principe selon lequel il ne doit pas y avoir d’interdiction sans solution. L’excellent rapport de la mission d’information flash de M. Leseul contenait plusieurs recommandations : redimensionner les ZFE pour mieux coller à la réalité du terrain, revoir les vignettes Crit’Air en incluant des critères de poids, accompagner le développement industriel de la filière du rétrofit et interdire les flux de transit dans certaines villes. Tout cela rendrait les ZFE opérationnelles.

Je rappelle que la pollution de l’air ne touche pas que Paris et l’Île-de-France. Dans la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur, la quasi-totalité des établissements scolaires est exposée à une pollution de l’air dépassant les seuils fixés par l’Organisation mondiale de la santé, ce qui met la santé des enfants en danger. Nous devons prendre le sujet à bras-le-corps.

M. Gérard Leseul (SOC). Il est évident que les ZFE posent problème. Je l’ai écrit dans un rapport, il y a plus de deux ans, sur un texte que je n’avais pas voté mais que j’ai souhaité accompagner eu égard à la pollution atmosphérique et aux décès liés aux maladies respiratoires.

Le problème essentiel des ZFE est dû à l’inconséquence de l’État : pas de réelle communication nationale, pas de pédagogie, pas d’accompagnement social, des aides mal ciblées et insuffisantes pour les populations moyennes et fragiles, pas de suivi ni de financement des SERM pour encourager la mobilité collective. La conférence qui devait se tenir régulièrement sur le sujet depuis la mission d’information flash que j’ai conduite avec Bruno Millienne ne s’est pas réunie depuis quasiment un an. L’absence de concertation avec les collectivités territoriales, avec les ministères et avec les représentants du Parlement n’est pas raisonnable.

Cela ne justifie pas pour autant le discours anxiogène de certains orateurs, dont les arguments ne sont pas conformes à la vérité scientifique. Il est évident que les ZFE ont un effet positif sur la santé. Par ailleurs, nous savons que les véhicules électriques émettent malgré tout moins de CO2. Enfin, les émissions de particules fines sont dues aux pneumatiques, et non au système de freinage.

Il est évident que l’État doit reprendre l’initiative en matière de transport et vous avez eu raison de soulever la question des ZFE. Pour ma part, je ne voterai pas ces amendements de suppression.

Je vous rappelle que sur le vote de ces amendements j’ai été saisi d’une demande de scrutin. Je vais donc procéder à l’appel nominal des membres de la commission pour recueillir votre vote.

Votent pour :

M. Henri Alfandari ; M. Charles Alloncle ; Mme Béatrice Bellamy ; Mme Anne-Laure Blin ; M. Ian Boucard ; Mme Danielle Brulebois ; M. Jocelyn Dessigny ; M. Antoine Golliot ; M. Sébastien Huyghe ; M. Thomas Lam ; Mme Marie Lebec ; M. Robert Le Bourgeois ; M. Guillaume Lepers ; M. Hervé de Lépinau ; M. Eric Liégeon ; M. Aurélien Lopez-Liguori ; M. Pierre Meurin ; M. Éric Michoux ; M. Christophe Naegelen ; M. Karl Olive ; M. Matthias Renault ; Mme Anne-Sophie Ronceret ; Mme Sophie-Laurence Roy ; M. Emeric Salmon ; M. Emmanuel Taché de la Pagerie et M. Thierry Tesson.

Votent contre :

Mme Lisa Belluco ; M. Nicolas Bonnet ; M. Éric Bothorel ; M. Charles Fournier ; Mme Annaïg Le Meur ; Mme Nicole Le Peih ; M. Gérard Leseul ; Mme Julie Ozenne ; M. Xavier Roseren ; Mme Valérie Rossi et M. David Taupiac.

S’abstiennent :

M. Philippe Bolo ; Mme Françoise Buffet ; M. Hendrik Davi ; Mme Claire Lejeune ; Mme Manon Meunier ; Mme Sandrine Nosbé ; Mme Anne Stambach-Terrenoir ; Mme Mélanie Thomin et M. Stéphane Travert.

Les résultats du scrutin sont donc les suivants :

Nombre de votants : 37

Nombre de suffrages exprimés : 37

Majorité absolue : 19

Pour l’adoption : 26

Contre l’adoption : 11

Abstentions : 9

La commission adopte donc les amendements identiques CS1506 et CS583.

En conséquence, les autres amendements CS326 de Mme Anne-Laure Blin, CS543 de M. Ian Boucard, CS611 de M. Pierre Meurin, CS1108 de M. Ian Boucard, CS589, CS591 et CS590 de M. Pierre Meurin en discussion commune tombent, de même que les amendements CS761 de M. Corentin Le Fur, CS632 de M. Pierre Meurin et CS935 de M. Robert Le Bourgeois.

 

Amendement CS622 de Mme Marie-Noëlle Battistel

Mme Mélanie Thomin (SOC). Les projections concernant les pénuries d’eau à l’horizon 2040 sont préoccupantes, avec un déficit hydrique national estimé entre 2 et 4 milliards de mètres cubes par an. Les régions les plus fortement touchées connaîtront des déficits pouvant atteindre 50 % des ressources actuelles. Sachant que les centres de données consomment de très grandes quantités d’eau douce, à la fois pour produire l’électricité et pour refroidir les équipements informatiques, l’installation de milliers de mètres carrés supplémentaires ne pourra qu’amplifier ces difficultés. Aux Pays-Bas, le gouvernement a instauré un moratoire sur la construction des centres de données. L'amendement vise à interdire la délivrance de permis de construire pour des centres de données dans des zones soumises à des tensions structurelles sur l’eau.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Je vous renvoie à l’excellent amendement CS410 de David Taupiac, que nous avons adopté hier soir. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CS1239 de M. Hendrik Davi

M. Hendrik Davi (EcoS). Nous ne pouvons pas autoriser le développement anarchique des centres de données. Cela n’aiderait pas les industriels : dans des pays comme l’Irlande ou les Pays-Bas, le législateur a fini par décréter des moratoires. Ces centres posent des problèmes en termes de consommation électrique, de consommation d’eau, d’artificialisation des terres et de constitution d’îlots de chaleur à proximité des habitations, ce qui n’est pas une mince affaire dans le Sud. L'amendement ne propose donc pas d’interdire la construction de tous les centres de données, car nous en avons besoin, mais à instaurer un moratoire sur ceux dont la taille est supérieure à 2 000 mètres carrés et dont la puissance dépasse 2 mégawatts, afin de laisser le temps au débat public de déterminer le meilleur moyen de garantir notre souveraineté numérique.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Le moratoire que vous proposez bloquerait des projets d’intérêt stratégique pour la transition numérique que nous appelons de nos vœux, sans garantie d’efficacité environnementale. Il existe déjà des outils de régulation ciblés, proportionnés et territorialisés qui peuvent être renforcés sans recourir à une suspension généralisée. Avis défavorable.

M. Marc Ferracci, ministre. Même avis.

M. Hendrik Davi (EcoS). Il existe déjà cinq centres de données à Marseille et douze autres sont en projet. Les citoyens sont très mobilisés sur la question. Vous parlez de dispositifs d’encadrement, mais le projet de loi dans son ensemble vise à simplifier l’installation des centres de données.

M. Éric Bothorel (EPR). Un moratoire de deux ans, sur le modèle de celui que vous avez proposé sur la 5G, serait irresponsable. Notre pays serait totalement déclassé par ces moratoires successifs.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CS438 de Mme Anne Le Hénanff

M. Henri Alfandari (HOR). L’amendement propose de simplifier la vie des opérateurs de centres de données en les soumettant à un reporting unique dont les modalités et celles du partage des informations entre autorités et administrations françaises seront fixées par décret.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Il faudra s’assurer que cette centralisation ne fragilisera ni la qualité des données collectées, ni la capacité de contrôle des autorités compétentes. Je m’en remets à la sagesse de la commission.

M. Marc Ferracci, ministre. L’objectif de simplification des démarches de reporting et des procédures administratives applicables aux entreprises correspond à l’esprit du texte. Néanmoins, je vous demanderai de retirer l'amendement pour en retravailler la rédaction en vue de la séance publique.

M. Henri Alfandari (HOR). Je demanderai à Anne Le Hénanff de se rapprocher du rapporteur pour proposer une nouvelle rédaction.

L'amendement est retiré.

Article 16 : Dérogation à l’obligation d’allotissement des marchés de travaux, de fournitures ou de services et au paiement direct pour les projets d’éolien en mer

Amendements de suppression CS153 de Mme Danielle Brulebois, CS418 de Mme Frédérique Meunier, CS487 de M. Thierry Tesson et CS1175 de Mme Béatrice Bellamy

Mme Danielle Brulebois (EPR). Les dérogations à l’allotissement des marchés seraient préjudiciables aux petites entreprises, qui ont besoin de ce dispositif pour accéder aux marchés publics. Les TPE et PME ont un savoir-faire d’excellence et sont tout à fait capables d’exécuter ce genre de travaux.

M. Thierry Tesson (RN). Le Rassemblement national est opposé à l’article 16, qui prévoit l’élargissement des cas de dérogation au principe d’allotissement pour certaines infrastructures liées à la transition énergétique ainsi que la possibilité pour les sous-traitants de renoncer au paiement direct lorsqu’ils y trouvent un intérêt.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Je n'y suis pas favorable. L’article 16 apporte globalement un avantage en matière d'accélération des projets éoliens en mer. Tel que rédigé, il me paraît équilibré, avec un seuil qui sera suffisamment haut pour trouver un équilibre entre PME et grands groupes. Le projet de loi a pour objectif d'accélérer ce type de projets en simplifiant certaines contraintes. L’article 16 y participe utilement.

La commission rejette les amendements.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CS946 de M. Charles Fournier.

Amendement CS1213 de M. Gérard Leseul

M. Gérard Leseul (SOC). L'amendement vise à rétablir la rédaction initiale du 2° de l’alinéa 3 dans la rédaction suivante : « Le sous-traitant direct de son titulaire peut, par dérogation aux dispositions de l’article L. 2193-11 du même code, renoncer expressément au bénéfice du paiement direct. » Il a été rédigé en lien avec le Syndicat des énergies renouvelables.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Avis favorable. Il faudra néanmoins compléter l'amendement en séance publique.

L’amendement prévoit de rétablir la dérogation à la règle du paiement direct dans une logique de réduction des délais de paiement des sous-traitants. Toutefois, il ne fait que donner la possibilité de renoncer au paiement direct. Le sous-traitant peut le conserver s’il juge ce régime plus favorable pour son entreprise.

La difficulté tient au fait que l’amendement ne rétablit pas le dernier alinéa de l’article initialement déposé, lequel prévoyait que « les dispositions des articles 12 et 14 de la loi 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance sont applicables à ces sous-traitants ». Il résultait d’une recommandation du Conseil d’État dans son avis sur le projet de loi. En effet, ces deux articles apportent des garanties complémentaires importantes aux sous-traitants.

M. Marc Ferracci, ministre. Demande de retrait en vue de la séance publique. Je suis toutefois favorable aux objectifs de l'amendement.

M. Gérard Leseul (SOC). S’il est adopté, je m’engage à déposer un amendement de complément en séance publique.

M. Marc Ferracci, ministre. Compte tenu de cet engagement, je donne un avis favorable à l'amendement.

La commission adopte l'amendement.

Elle adopte l’article 16 modifié.

Après l’article 16

Amendement CS949 de M. Charles Fournier

Mme Lisa Belluco (EcoS). Cet amendement tend à définir un délai de cinq mois entre la date limite de dépôt des candidatures et la date limite de notification du cahier des charges final pour les procédures de mise en concurrence en matière de construction et d’exploitation d’installations de production d’énergies renouvelables en mer et de leurs ouvrages de raccordement.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement CS950 de M. Charles Fournier

Mme Lisa Belluco (EcoS). Il vise à faciliter l’accès des lauréats des appels d’offres à l’intégralité des informations environnementales nécessaires à la réalisation de l’étude d’impact jointe à leur demande d’autorisation.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement CS947 de M. Charles Fournier

Mme Lisa Belluco (EcoS). Issu du groupe écologiste du Sénat, cet amendement vise à introduire plus de souplesse dans la participation des PME et ETI dans les réponses aux appels d’offres des projets d’éolien en mer.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement CS948 de M. Charles Fournier

M. Stéphane Travert, rapporteur. Cet amendement propose une rédaction équilibrée. J’y suis donc favorable.

M. Marc Ferracci, ministre. Cet amendement vise à limiter à douze mois au maximum les délais d’instruction et de délivrance des autorisations relatives à l’éolien en mer, à compter du dépôt des demandes complètes. Mais si l’instruction n’était pas terminée dans les temps, l’autorisation serait tacitement refusée : je ne pense pas que ce soit l’objectif recherché. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS1302 de Mme Louise Morel

M. Philippe Bolo (Dem). Quiconque discute avec des chefs d’entreprise connaît les difficultés générées par l’instabilité réglementaire. Pour y pallier, cet amendement prévoit que l’instruction d’un dossier est réalisée en fonction de l’état du droit au jour de la demande, toute modification réglementaire intervenant en cours d’instruction n’étant pas prise en considération.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Je souscris au principe, mais la rédaction de l’amendement est imprécise. Je vous invite donc à le retirer et à le retravailler d’ici à l’examen en séance.

M. Marc Ferracci, ministre. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

M. Philippe Bolo (Dem). Nous allons le réécrire en vue de la séance.

L’amendement est retiré.

La réunion est suspendue de dix-sept heures trente à dix-sept heures cinquante.

Article 16 bis (nouveau) (art. L. 181-28-1 du code de l’environnement) : Modalités d’actualisation d’une étude d’impact pour les projets éoliens en mer

Amendements de suppression CS1393 de M. Stéphane Travert et CS892 de M. Robert Le Bourgeois

M. Stéphane Travert, rapporteur. Cet article prévoit que l’étude d’impact des projets faisant l’objet d’autorisations successives, comme c’est le cas des projets éoliens en mer, est valable pour l’ensemble du projet. Non seulement cet objectif est déjà satisfait par le droit actuel, mais en plus, cette disposition pourrait empêcher d’autres types de projet d’en bénéficier.

M. Robert Le Bourgeois (RN). Les projets composés de plusieurs phases échelonnées dans le temps ne doivent être autorisés que sur la base d’une étude d’impact précise, d’autant que l’éolien en mer suscite un très fort rejet des populations du littoral – c’est notamment le cas à Fécamp et à Saint-Valery-en-Caux. Nous proposons donc de nous en tenir au droit en vigueur.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 16 bis est supprimé.

Article 17 (art. L. 424-5 du code de l’urbanisme ; art. L. 34-9-1-1 du code des postes et des communications électroniques) : Modification des procédures relatives au déploiement du très haut débit mobile

Amendement de suppression CS243 de Mme Anne Stambach-Terrenoir

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). L’article 17 autorise les communes littorales à déroger, à titre expérimental, à l’application du principe de continuité du bâti pour installer des antennes relais. Or nous nous opposons à la multiplication des dérogations à la loi « littoral ».

M. Stéphane Travert, rapporteur. Élu d’un territoire rural, la presqu’île du Cotentin, je ne peux que témoigner du besoin pressant de couverture mobile dans les territoires ruraux, où de nombreux habitants et entreprises sont encore en zone blanche. Nous devons accélérer la mise aux normes et l’accessibilité numérique pour les citoyens et entreprises. Avis défavorable.

M. Marc Ferracci, ministre. L’article 17 vise surtout à prévenir les zones blanches et à maintenir une bonne couverture mobile dans l’ensemble du territoire. Je suis donc défavorable à sa suppression.

M. Aurélien Lopez-Liguori (RN). Élu d’une région littorale, je sais combien les zones blanches nuisent à l’activité économique – notamment aux pêcheurs – et aux services de secours. En outre, c’est une entrave au droit à la connexion des citoyens. Il est inadmissible qu’aujourd’hui, certains pans du territoire ne soient pas couverts par le réseau au nom de la loi « littoral ».

Nous devons faire un effort particulier sur le déploiement de la 5G : actuellement, seuls 30 % à 40 % du territoire sont couverts, alors que la Corée du Sud a atteint 95 % de couverture, et l’Inde près de 70 % en seulement deux ans. Pour une nation occidentale censée être avancée sur ces questions, on est à la ramasse ! Il faut trouver des solutions pour couvrir les zones blanches, et les dispositions prévues à l’article 17 en font partie.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CS45 de M. Fabrice Brun et CS498 de M. Éric Bothorel

Mme Josiane Corneloup (DR). L’article 222 de la loi dite « Elan » prévoyait une dérogation au droit de l’autorité administrative de retirer ses décisions d’autorisation relatives à l’établissement d’antennes de téléphonie mobile, jusqu’au 31 décembre 2022. Les opérateurs de télécommunication ont ainsi pu déployer leurs réseaux mobiles sans attendre l’expiration du délai de trois mois.

L’entrée en vigueur de cette mesure a permis d’améliorer la situation sur le terrain – diminution des cas de retrait, démarrage anticipé des travaux. Cet amendement vise donc à rétablir la rédaction initiale de l’alinéa 1, qui tendait à la pérenniser.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Les opérateurs téléphoniques ont effectivement besoin de clarté et de stabilité.

La commission adopte les amendements.

Amendement CS1394 de M. Stéphane Travert

M. Stéphane Travert, rapporteur. Cet amendement vise à rétablir la rédaction initiale du IV de l’article 17, qui conditionnait l’acquisition d’un terrain destiné à accueillir une infrastructure de téléphonie mobile à une obligation d’information préalable du maire ou du président de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) compétent et à la production d’une attestation formalisant l’engagement de l’opérateur mobile d’exploiter l’infrastructure concernée. Cela permettra de mieux articuler les impératifs d’aménagement numérique du territoire, de protection des prérogatives locales et de bonne gestion du foncier.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, les amendements CS40 de M. Fabrice Brun, CS232 de Mme Virginie Duby-Muller, CS442 de Mme Anne Le Hénanff, CS499 de M. Éric Bothorel, CS513 de M. Jean-Pierre Vigier, CS638 de Mme Marie-Noëlle Battistel, CS751 de Mme Mélanie Thomin, CS1217 de M. Gérard Le Seul et CS203 de M. Sylvain Maillard tombent.

Amendements identiques CS932 de Mme Lisa Belluco, CS951 de M. Charles Fournier et CS1218 de M. Gérard Leseul

M. Nicolas Bonnet (EcoS). La loi « Elan » interdisait, à titre expérimental, le retrait des décisions d’urbanisme autorisant l’implantation d’antennes de téléphonie mobile. Aujourd’hui nombreuses, elles assurent une couverture satisfaisante du territoire. Cet amendement vise donc à supprimer la prolongation du dispositif expérimental.

M. Gérard Leseul (SOC). L’introduction de cette mesure au Sénat vise une nouvelle fois à détricoter progressivement la loi « littoral », déjà fort mise à mal par les dispositions de la loi « Elan ». Nous nous y opposons.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Pour ma part, j’entends au contraire pérenniser cette expérimentation. Partant, avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques CS479 de M. Stéphane Travert, CS41 de M. Fabrice Brun, CS500 de M. Éric Bothorel et CS1117 de M. Aurélien Lopez-Liguori

M. Stéphane Travert, rapporteur. L’amélioration et l’accélération de la couverture mobile dans les communes littorales constituent une nécessité stratégique pour la continuité du service public numérique et l’attractivité économique résidentielle de ces territoires.

Les besoins en connectivité exacerbés par l’afflux saisonnier de population imposent un dimensionnement adapté des infrastructures mobiles pour garantir un accès équitable aux services numériques, conditions sine qua non du développement local et de la compétitivité des acteurs économiques.

Or l’application stricte de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme, issu de la loi « littoral », empêche l’implantation de nouvelles antennes relais en dehors des espaces déjà urbanisés, compromettant ainsi les objectifs du New Deal mobile. Cette contrainte juridique confirmée par le Conseil d’État engendre une carence structurelle dans la couverture mobile, notamment dans les communes où l’habitat est dispersé ou dans les territoires dont la géographie exige des implantations discontinues. Pour concilier préservation du littoral et aménagement numérique du territoire, il faut adapter la réglementation.

Mme Josiane Corneloup (DR). Cet amendement vise à autoriser l’installation de pylônes de téléphonie mobile en dehors des espaces urbanisés, dans des conditions strictement encadrées, lorsque l’intérêt général le justifie – par exemple, pour garantir un accès équitable aux services numériques et répondre aux exigences du New Deal mobile.

M. Éric Bothorel (EPR). Dans ma circonscription de Lannion-Paimpol, on connaît bien les difficultés rencontrées par les opérateurs pour déployer les infrastructures permettant de transporter les données et la voix.

L’expérimentation prévue par le Sénat reste insuffisante pour limiter les risques liés à la partie industrielle. Cet amendement prévoit donc un encadrement strict mais de nature à faciliter le déploiement des infrastructures mobiles, essentielles à la sécurité de nos concitoyens.

Récemment, chacun a pu mesurer, avec le cas de Mayotte, combien il était nécessaire de redéployer rapidement des infrastructures numériques, quitte pour cela à déroger à la loi. N’attendons pas des drames pour rattraper notre retard et continuer à déployer nos capacités mobiles.

M. Aurélien Lopez-Liguori (RN). Les opérateurs font face à des injonctions contradictoires : l’État leur enjoint de respecter leurs obligations en matière de couverture mobile, mais les dispositions de la loi « littoral » les en empêchent. Il en résulte une mauvaise couverture de certaines zones, empêchant les professionnels du tourisme, de la pêche, du commerce de travailler correctement et privant les habitants et les touristes d’un service essentiel – car je rappelle que la loi pour une République numérique a instauré un droit à la connexion. Pire : les zones blanches mettent en difficulté les services de secours des zones littorales.

Près de 200 projets d’antennes relais sont bloqués, 600 autres n’ont même pas été déposés en raison des limitations liées à la loi « littoral ». La couverture mobile n’est pas un luxe : à l’ère du numérique, c’est une nécessité.

Il faut en finir avec la demi-mesure : l’expérimentation, c’est la solution de ceux qui n’ont pas envie de trancher. Nous ne pouvons pas attendre de nos entreprises qu’elles investissent en dépit du flou juridique : il faut lever les blocages.

M. Marc Ferracci, ministre. Fort des préconisations formulées dans le rapport des députés Bothorel et Nury, le gouvernement a déjà fait évoluer sa position sur cette question au Sénat. Cette fois, il me semble de bon ton de m’en remettre à la sagesse de l’Assemblée.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, les amendements CS42 de M. Fabrice Brun, CS234 de Mme Virginie Duby-Muller, CS444 de Mme Anne Le Hénnanf, CS508 de M. JeanPierre Vigier, CS1118 et CS1116 de M. Aurélien Lopez-Liguori, CS43 de M. Fabrice Brun, CS235 de Mme Virginie Duby-Muller, CS445 de Mme Anne Le Hénnanf, CS510 de M. Jean-Pierre Vigier, CS657de Mme Marie-Noëlle Battistel et CS1119 de M. Aurélien Lopez-Liguori à l’article 17 tombent.

La commission adopte l’article 17 modifié.

Après l’article 17

Amendement CS501 de M. Éric Bothorel et sous-amendement CS1514 de M. Stéphane Travert, amendements identiques CS44 de M. Fabrice Brun et CS409 de Mme Louise Morel, et amendement CS756 de Mme Mélanie Thomin (discussion commune)

M. Stéphane Travert, rapporteur. Alors que la réussite du New Deal mobile repose sur le respect d’engagements calendaires fermes pour assurer l’égalité d’accès au réseau dans tous les territoires, il faut assurer la cohérence entre les autorisations administratives et la mise en service technique des infrastructures. Or le délai de raccordement au réseau électrique, qui prend en moyenne neuf mois, ne répond pas aux exigences opérationnelles du programme et constitue l’un des principaux goulets d’étranglement du déploiement.

En calquant le régime applicable à ces antennes relais sur celui prévu par l’ordonnance du 23 août 2023 pour les énergies renouvelables – un mois pour la convention, cinq mois pour le raccordement, indemnisations financières en cas de dépassement –, cet amendement, qui s’inscrit dans une logique de symétrie normative, vise à rendre le déploiement plus efficace.

Le sous-amendement précise qu’il peut être dérogé à ce délai en cas de circonstances exceptionnelles.

Mme Mélanie Thomin (SOC). Cet amendement traduit la quatrième recommandation formulée dans le rapport d’information sur le bilan et les perspectives du New Deal mobile. Nos collègues Bothorel et Nury y plaident en faveur de l’introduction, dans le code de l’énergie, d’un délai maximal pour le raccordement des antennes relais à compter de l’acceptation de la convention de raccordement.

Malgré les efforts pour simplifier et accélérer les raccordements électriques des installations de communication, les opérateurs télécoms constatent un délai moyen de près de neuf mois entre la demande de raccordement à Enedis et le raccordement effectif. En pratique, les stations du dispositif de couverture ciblée se trouvent majoritairement dans les zones rurales, où les raccordements nécessitent fréquemment une double maîtrise d’ouvrage. Je suis régulièrement alertée sur ce sujet dans ma circonscription.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Je demande le retrait de tous les amendements au profit de l’amendement de M. Bothorel, sous réserve de l’adoption de mon sous-amendement. À défaut, j’y serai défavorable.

M. Marc Ferracci, ministre. Je suis pour ma part favorable au sous-amendement et à l’amendement de M. Bothorel sous-amendé ; je demande le retrait de tous les autres amendements.

La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement sous-amendé.

En conséquence, les autres amendements tombent.

Amendement CS1151 de M. Éric Bothorel

M. Stéphane Travert, rapporteur. Favorable.

M. Marc Ferracci, ministre. Sagesse.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CS46 de M. Fabrice Brun

Mme Josiane Corneloup (DR). Les transformateurs d’antenne relais de téléphonie – en haute ou basse tension – sont d’ores et déjà inclus dans la catégorie des ouvrages de stockage d’électricité mentionnés dans l’article 46 de la loi d’orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture. L’amendement tend donc à supprimer du texte cette expression redondante.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Défavorable.

M. Marc Ferracci, ministre. Défavorable.

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP). L’article 46 a été censuré par le Conseil constitutionnel.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Effectivement, cet amendement a été rendu inopérant par la décision du Conseil constitutionnel.

L’amendement est retiré.

Amendement CS938 de Mme Lisa Belluco

M. Hendrik Davi (EcoS). Cet excellent amendement de ma collègue Belluco vise à définir une stratégie en faveur de la sobriété énergétique.

La sobriété numérique revêt plusieurs enjeux.

Tout d’abord, l’économie de l’attention. Les Gafam et plateformes de réseaux sociaux ont développé de nombreux services visant à récolter nos données. Or vous connaissez la formule : « Quand c’est gratuit, nous sommes le produit ». On ne peut pas continuer à alimenter cette course au développement sans s’interroger sur ses conséquences et l’utilité de ces produits. Nous devons en particulier nous assurer que les progrès du numérique sont un facteur de développement pour nos enfants, et qu’ils ne deviennent pas esclaves de produits inutiles.

Ensuite, le développement de l’intelligence artificielle générative. Bien que très utile, on constate jour après jour la nécessité de mieux le contrôler.

Enfin, la fracture numérique. Si l’accélération numérique bénéficiera à une partie de la population, certains en seront totalement exclus.

M. Stéphane Travert, rapporteur. La place croissante de la téléphonie et du numérique appelle effectivement des progrès en matière de sobriété énergétique. Cet amendement est très intéressant, mais il n’a pas de lien avec la simplification. Partant, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Article 18 (art. L. 163-1 du code de l’environnement) : Simplification de la mise en œuvre des mesures de compensation

Amendements de suppression CS244 de Mme Manon Meunier, CS940 de Mme Lisa Belluco, CS957 de M. Charles Fournier et CS1224 de M. Gérard Leseul

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Alors que la séquence « éviter, réduire, compenser » (ERC) a déjà tendance à être réduite à la seule compensation, voilà que cet article rendrait cette dernière complètement inopérante en accordant aux porteurs de projets un délai pour l’application des mesures compensatoires. La compensation est pourtant fondamentale – même si la droite n’est sensible à la protection des espèces que lorsqu’il s’agit de s’opposer à un projet éolien ! Prenons l’exemple d’une mare abritant des espèces protégées : il sera évidemment impossible de déplacer ces espèces sur le site de compensation si celui-ci n’est réalisé qu’après le projet.

Malheureusement, les questions écologiques perdent peu à peu de leur énergie, surtout dans le bloc central, qui cherche à revenir sur des nombreuses mesures adoptées ces huit dernières années – ZFE (zone à faibles émissions), ZAN (objectif zéro artificialisation nette). Mais la biodiversité conditionne la survie des espèces, à commencer par la nôtre. Il est donc fondamental de maintenir une compensation effective et fonctionnelle pour pallier les atteintes à la biodiversité.

M. Hendrik Davi (EcoS). Sous couvert d’un démarrage plus rapide des projets, la compensation va encore être affaiblie. Pourtant, chaque nouveau projet conduit à une artificialisation des terres et entraîne des conséquences sur la biodiversité. Revenir sur la compensation n’est absolument pas une mesure de simplification.

M. Stéphane Travert, rapporteur. La protection de la biodiversité reste l’un des fils rouges du travail parlementaire et de l’action gouvernementale.

Je comprends vos préoccupations et votre volonté de préserver la biodiversité, mais cet article, introduit par voie d’amendement au Sénat, n’abolit ni l’exigence de compensation ni l’objectif de non-perte nette inscrits dans le droit positif. Il prévoit uniquement, en cas de contraintes foncières, de complexités techniques ou de phasages opérationnels dûment justifiés, que les mesures compensatoires puissent être différées. Cela ne remet nullement en cause leur caractère obligatoire et leur finalité écologique. Il s’agit d’ajustements pragmatiques qui n’affaiblissent pas les principes de la séquence ERC. Avis défavorable.

M. Marc Ferracci, ministre. Cet article introduit de la souplesse pour ne pas retarder l’installation des projets industriels, mais il ne remet en cause ni le principe de la séquence ERC ni, de façon plus générale, les principes fondamentaux et les exigences écologiques que nous visons.

Avis défavorable

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Introduire un délai rend toute compensation inefficace. Je comprends que vous souhaitiez accélérer, mais la nature demande du temps long. Il n’est en outre pas possible de stocker les espèces qui doivent être déplacées. Comment faire ?

La commission rejette les amendements.

Amendement CS941 de Mme Lisa Belluco

Mme Julie Ozenne (EcoS). L’article 7 de la loi relative à l’industrie verte prévoit la possibilité de réaliser des opérations de restauration et de développement de la biodiversité sur des sites naturels agréés par l’autorité administrative. La réalisation de ces opérations donne lieu à l’attribution d’unités de restauration et de renaturation, qui peuvent être vendues à toute personne soumise à une obligation de compensation.

Ce mécanisme, qui obéit à une logique de marchandisation du vivant, est problématique car il est fondé sur un gain écologique attendu, sans garantie de résultat équivalent à la perte des habitats, des espèces et des fonctionnalités écologiques. La vente anticipée d’unités de compensation sans identification claire ni constatation de gains écologiques n’est pas satisfaisante. Ces dispositions facilitent le déploiement de projets industriels au mépris du vivant. Nous proposons donc de supprimer cette dérégulation de la compensation.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Le déploiement de ces sites commence à peine. Il est donc difficile à ce stade de les évaluer. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS316 de Mme Anne Stambach-Terrenoir

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP). Nous proposons de supprimer l’alinéa 2, qui annule l’obligation de résultat des mesures compensatoires, prévue dans la version initiale du texte, et qui permet de décaler les mesures de compensation dans le temps.

Les espèces protégées doivent être déplacées immédiatement pour ne pas être détruites et, avec elles, tout l’écosystème qu’elles soutiennent. Quelles solutions proposez-vous quand ce n’est pas possible ?

En supprimant l’obligation de résultat, vous réduisez l’effectivité du dispositif à néant. Or des études montrent qu’à peine un tiers des mesures compensatoires sont réellement mises en place et que leur gain biologique est très faible car elles sont souvent mises en place sur des terrains peu abîmés.

Je le répète, même si cela fait ricaner certains : nous vivons la sixième extinction. Le renforcement des mécanismes de compensation est un impératif scientifique qui devrait également être un impératif politique.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Supprimer cet alinéa revient à refuser toute possibilité d’adaptation dans la mise en œuvre des mesures compensatoires. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CS1004 de Mme Manon Meunier et CS1227 de M. Gérard Leseul.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Cet amendement de « super-repli » propose que, dans le cas où les mesures ne peuvent être mises en œuvre immédiatement, les sommes correspondantes à la compensation prévue soient consignées auprès de la Caisse des dépôts avant le début des atteintes.

Cela ne permettra pas malheureusement de réparer les atteintes à la biodiversité. Or il faut des siècles pour reconstruire ce qu’on détruit très rapidement. Les haies centenaires ne rendent ainsi pas du tout les mêmes services qu’une biodiversité jeune. Sans compensation effective, de très nombreuses espèces protégées, emblématiques de notre pays et faisant donc partie de son patrimoine, disparaîtront.

M. Gérard Leseul (SOC). Rendre la consignation obligatoire n’est pas une garantie absolue, mais c’est dissuasif.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Les modifications que nous souhaitons apporter à l’article 18 maintiennent des mesures de compensation. Elles sont nécessaires, mais l’ajout d’une obligation de résultat stricto sensu soulève des difficultés d’application. L’autorité environnementale encadre déjà rigoureusement les activités.

Avis défavorable.

M. Marc Ferracci, ministre. Les amendements sont déjà satisfaits puisque l’autorité administrative peut imposer au maître d’ouvrage la consignation d’une garantie financière en cas de doute sur ses capacités ou sa volonté de mettre en œuvre les mesures de compensation.

Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Amendement CS1005 de Mme Anne Stambach-Terrenoir

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP). Encore un amendement de super-repli : le délai de mise en œuvre des mesures de compensation est une très mauvaise idée, mais s’il doit être concédé, il est nécessaire que les sommes qui y sont dédiées soient consignées auprès de la CDC afin d’éviter que les causes de l’adoption d’un délai soient financières. Les porteurs de projet doivent pouvoir élaborer à l’avance un plan de financement du projet, y compris des mesures de compensation.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Défavorable.

M. Marc Ferracci, ministre. Même avis.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Prenons l’exemple du faucon pèlerin, qui niche sur des falaises. S’il doit être déplacé, il faudra trouver une autre falaise et, éventuellement, l’adapter. En attendant, où sera le faucon ? Au ministère de l’écologie ?

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS958 de M. Charles Fournier et amendements identiques CS955 de Mme Anne Stambach-Terrenoir et CS1226 de M. Gérard Leseul (discussion commune)

Mme Julie Ozenne (EcoS). Cet amendement vise à supprimer la temporalité et les délais introduits par l’article 18, qui marque un recul clair et annoncé des mesures de compensation des atteintes à la biodiversité.

Des conditions stables sont nécessaires pour les écosystèmes afin d’assurer leur pérennité. Demander à des spécimens d’une espèce protégée d’attendre un délai raisonnable jusqu’au début des travaux de compensation est absurde. Sans protection, les espèces disparaîtront et cela sera irréversible.

Au-delà des espèces, ce report aurait un effet social et économique négatif à l'échelle du territoire d’implantation du projet industriel, car permettre des dommages temporaires à l’environnement, c’est permettre des dommages temporaires au tissu économique et social des populations qui en dépendent. Les activités humaines dépendent des services gratuits rendus par la nature. Autoriser un délai à la compensation, c’est mettre en péril ou affaiblir certaines des fonctions supports des vies humaines.

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP). Décaler dans le temps la réalisation des mesures de compensation n’a aucun sens : on ne peut pas appliquer une logique comptable et économique à des écosystèmes vivants. Les espèces animales et végétales dépendent de conditions de vie qui doivent être satisfaites en continu. On ne peut pas leur demander d’attendre patiemment la fin des travaux de compensation.

De telles dispositions vont aggraver l’effondrement de la biodiversité et, par conséquent, la baisse des rendements en agriculture, qui dépend du support des écosystèmes. La simplification que vous proposez va créer des complications pour l’avenir.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Ces amendements, en supprimant les délais, vident l’article de sa substance. Avis défavorable.

M. Marc Ferracci, ministre. Même avis.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CS1166 de M. Charles Alloncle

M. Charles Alloncle (UDR). Cet amendement rédactionnel vise à assouplir la rédaction de l’article 18 pour renforcer la sécurité juridique, notamment des activités des maîtres d’ouvrage.

L’idée de la compensation, comme beaucoup d’idées des écologistes, est bonne, mais son application est rigide et ajoute encore de la lourdeur. Nous proposons donc de supprimer l’objectif extrêmement ambitieux d’absence de « perte nette, voire de gain de biodiversité » et d’accorder la possibilité d’étaler la compensation dans des délais raisonnables et dans des conditions moins strictes.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Cet amendement, qui n’est pas rédactionnel, promeut une libéralisation totale du régime de la compensation, à l’opposé des mesures proposées par Mmes Meunier et Stambach-Terrenoir. Entre les deux, je préfère suivre le chemin tracé par l’article 18. Avis défavorable.

M. Marc Ferracci, ministre. Je m’inscris dans le chemin proposé par le rapporteur.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Je me permets de donner un conseil de simplification à notre collègue du Rassemblement national : déposez donc un amendement proposant de supprimer toutes les mesures de compensation. Ainsi, vous afficherez clairement votre scepticisme à l’égard de la sixième extinction de masse que nous traversons.

M. le président Ian Boucard. Je précise que M. Alloncle appartient au groupe UDR. Je crois qu’il y tient.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS1395 de M. Stéphane Travert

M. Stéphane Travert, rapporteur. Cet amendement renforce l’exigence de rigueur écologique dans la mise en œuvre des mesures compensatoires en rappelant que, même en cas de décalage temporel justifié, les porteurs de projets demeurent tenus d’atteindre une absence de perte nette de biodiversité, voire un gain, au terme du délai autorisé. En supprimant la référence à des « difficultés à mobiliser du foncier », il évite d’entériner une incertitude foncière pouvant fragiliser juridiquement l’autorisation elle-même, tout en garantissant que les mesures compensatoires reposent sur des bases solides de protection de la biodiversité et des milieux, et de relocalisation des espèces qui pourraient être menacées.

M. Marc Ferracci, ministre. Avis favorable à cet amendement qui permet de lever toute ambiguïté pour les porteurs de projets.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CS959 de M. Charles Fournier et sous-amendement CS1517 de M. Stéphane Travert

Mme Julie Ozenne (EcoS). Le code de l'environnement définit depuis 2016 la manière dont les atteintes à la biodiversité occasionnées par les nouveaux projets doivent être évitées, réduites ou surtout compensées.

Aujourd’hui, la mise en œuvre de la séquence n’est toujours pas satisfaisante et les acteurs économiques peinent à respecter leurs obligations d’évitement et de réduction et s’engagent bien trop tard dans la compensation. Si un délai est introduit, il devrait uniquement être défini par des critères dépendant avant tout des impératifs écologiques et de l’impact d’un délai sur la biodiversité, car le vivant a besoin d’une continuité des éléments qui conditionnent son existence.

Cet amendement vise donc à supprimer l’introduction d’une temporalité dans la compensation des atteintes à la biodiversité.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Le sous-amendement est rédactionnel et correspond à une demande de l’administration. Il vise à préciser quelle sera l’autorité chargée, pour chacun des projets, de confirmer le délai raisonnable sur le plan écologique.

Avis favorable à l’amendement, sous réserve de l’adoption du sous-amendement.

M. Marc Ferracci, ministre. En cohérence avec l’adoption de l’amendement CS1395, la procédure d'appréciation du délai raisonnable fera l’objet d’un décret en Conseil d’État. Le sous-amendement n’est donc pas opportun. J’y suis défavorable, ainsi qu’à l’amendement.

M. Hendrik Davi (EcoS). Dans quelles conditions l’autorité en charge pourrait ne pas être une autorité environnementale ?

M. Marc Ferracci, ministre. L’avis est rendu par une autorité environnementale et l’autorisation est donnée par l’autorité préfectorale.

M. le président Ian Boucard. Comme c’est déjà le cas actuellement.

La commission adopte le sous-amendement et l’amendement sous-amendé.

En conséquence, les amendements identiques CS960 de M. Charles Fournier et CS989 de Mme Manon Meunier tombent.

Amendements identiques CS933 rectifié de Mme Manon Meunier et CS1225 rectifié de M. Gérard Leseul

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Nous souhaitons réintroduire l’obligation de résultat, qui est nécessaire à l’effectivité des mesures de compensation, qui sont déjà largement sous-utilisées et inefficaces. On constate en effet que les sites choisis sont déjà favorables à l’accueil des espèces. Pour faire une véritable compensation, il faudrait désartificialiser des zones.

M. Gérard Leseul (SOC). Nous ne comprenons pas pourquoi l’obligation de résultat a été supprimée. Il faut la rétablir.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Le droit en vigueur impose déjà des mesures de compensation efficaces, proportionnées, mesurables, avec des engagements de moyens et une trajectoire de performance dans la durée.

La formulation d’une obligation de résultat dans les termes proposés, sans cadre juridique, pourrait affaiblir la mise en œuvre effective des politiques de compensation et créer une insécurité juridique, et donc accroître le risque de contentieux.

Avis défavorable.

M. Marc Ferracci, ministre. Même avis.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). M. Roland Lescure, qui a défendu en tant que ministre le texte devant le Sénat, avait indiqué qu’il était prévu de retravailler la rédaction d’ici le passage à l’Assemblée nationale afin de confirmer qu’il existe bien une obligation de résultat, tout en garantissant la souplesse introduite par cet article en termes de temporalité. Sauf erreur de ma part, je ne vois pas d’amendement du gouvernement en ce sens.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques CS961 rectifié de M. Charles Fournier et CS1001 rectifié de Mme Anne Stambach-Terrenoir

Mme Julie Ozenne (EcoS). Cet amendement de repli vise à conditionner le délai raisonnable introduit par l’article 18 sur les conditions de compensation des atteintes à la biodiversité à la préservation des espèces protégées et à la protection de la biodiversité.

L’introduction d’un délai raisonnable enlève les garanties nécessaires à l’effectivité de la mise en œuvre des mesures de compensation des atteintes à la biodiversité. Des conditions écologiques favorables et pérennes sont nécessaires pour les écosystèmes. Il est insensé de demander à des spécimens d’une espèce protégée d’attendre un délai raisonnable jusqu’au début des travaux de compensation. Elles disparaîtront de façon irréversible dès le début des atteintes à leur environnement.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Cet amendement d’hyper-repli permettrait de limiter les cas où il y aurait le plus de pertes. J’espère que vous voudrez bien concéder ce garde-fou à la biodiversité.

M. Stéphane Travert, rapporteur. L’amendement CS959 que nous avons adopté prévoit déjà un encadrement au délai raisonnable. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Elle adopte l’article 18 modifié.

Après l’article 18

Amendements CS603 de M. Pierre Meurin

M. Thierry Tesson (RN). L’amendement CS603 propose que l’administration fournisse un délai prévisionnel d’instruction afin de donner une meilleure visibilité aux acteurs économiques sur des délais qui peuvent parfois être très longs.

M. Stéphane Travert, rapporteur. L’amendement CS215 a ma préférence car sa rédaction est plus précise.

M. Thierry Tesson (RN). Je le retire, ainsi que le suivant, l’amendement CS602, qui fait doublon.

Les amendements CS603 et CS602 sont retirés.

Amendements identiques CS229 de Mme Danielle Brulebois, CS607 de M. Pierre Meurin et CS1076 de M. Sébastien Huyghe

Mme Danielle Brulebois (EPR). La réforme introduite par la loi relative à l’industrie verte fait de la participation du public par voie électronique (PPVE) prévue par l’article L. 181-10-1 du code de l’environnement le droit commun de la consultation du public en matière d’autorisation environnementale et cela même lorsque l’étude au cas par cas conclut qu’une évaluation environnementale n’est pas nécessaire et qu’une simple étude d’incidence suffit. En conséquence, la procédure de participation du public pour étude d’incidence s’étale désormais, et d’une façon très souvent disproportionnée au regard du projet, sur trois mois et requiert un commissaire enquêteur alors que la PPVE de l’article L. 123-19 du code de l’environnement ne demande qu’un mois, sans exigence de commissaire enquêteur.

Dans une logique de simplification, cet amendement aménage donc l’article L. 181-10 pour permettre, sauf avis motivé de l’autorité environnementale, de conserver pour les études d’incidence la procédure de l’article L. 123-19.

M. Thierry Tesson (RN). Notre amendement suit la même logique que celle présentée par Mme Brulebois.

M. Sébastien Huyghe (EPR). Cet amendement vise à simplifier la réalisation des projets industriels en rétablissant une procédure plus souple pour la participation du public à l'évaluation environnementale tout en garantissant un équilibre entre efficacité et transparence.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Avis favorable.

M. Marc Ferracci, ministre. Ces amendements n’atteignent pas le but poursuivi de simplification puisqu’ils reviendraient à soumettre les projets à faible incidence environnementale à une procédure de consultation plus exigeante que celle dont feraient l’objet les projets à plus forte incidence. C’est paradoxal.

Avis défavorable.

M. Sébastien Huyghe (EPR). Il y a sans doute un paradoxe, mais plutôt que de ne pas simplifier au prétexte que certains projets ne le seraient pas, je propose que nous déposions pour la séance des amendements simplifiant la procédure pour ces autres projets.

La commission adopte les amendements.

Amendements identiques CS215 de Mme Danielle Brulebois, CS605 de M. Pierre Meurin et CS1074 de M. Sébastien Huyghe

Mme Danielle Brulebois (EPR). Il vise à sécuriser les acteurs économiques en leur communiquant un délai maximal pour l’instruction de leur dossier de demande d’autorisation environnementale.

En pratique, ce délai peut être extrêmement long – de trois à cinq ans pour les autorisations de carrière par exemple –, souvent faute de moyens des services instructeurs. En outre, les services de l’État signifient rarement au pétitionnaire la complétude du dossier, ce qui maintient celui-ci dans l’incertitude.

Il convient donc de trouver un moyen de préserver la qualité des procédures de consultation du public tout en assurant davantage de sécurité juridique aux pétitionnaires, dont on oublie qu’il s’agit souvent de TPE-PME qui n’ont pas forcément les moyens de faire face à une aussi longue incertitude.

M. Thierry Tesson (RN). Nous voulons permettre aux acteurs qui déposent une demande d’autorisation environnementale de disposer d’un délai prévisionnel maximal d’instruction, afin qu’ils bénéficient d’une plus grande visibilité pour entreprendre leur projet.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Retrait ou avis défavorable : l’amendement que nous venons d’adopter complète le dispositif que nous souhaitons mettre en œuvre.

M. Sébastien Huyghe (EPR). Dans le cadre de la simplification du droit minier, il me semble nécessaire de compléter l’amendement que nous venons d’adopter. Je maintiens cet amendement.

M. Hendrik Davi (EcoS). Nous pouvons comprendre cette volonté de réduire les durées d’instruction, mais les services de l’État n’ont pas les moyens de traiter les dossiers dans les temps. Que ceux qui veulent que ça aille plus vite s’engagent à demander les moyens correspondant lors de l’examen du projet de loi de finances(PLF). Pour se protéger, les services de l’État pourraient donner des avis défavorables dans la précipitation, ce qui serait contraire à l’effet recherché.

Mme Danielle Brulebois (EPR). Convaincue par les explications de mes collègues, je vais maintenir mon amendement.

M. Thierry Tesson (RN). Je vais aussi faire confiance à M. Huyghe et maintenir mon amendement.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Les carrières posent peut-être un problème spécifique comme l’indique M. Huyghe. Je propose que vous retiriez vos amendements et que nous complétions la rédaction d’ici à la séance.

M. Sébastien Huyghe (EPR). Je préfère que l’on adopte les amendements d’abord et que nous regardions ensuite.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques CS212 de Mme Danielle Brulebois, CS604 de M. Pierre Meurin et CS1073 de M. Sébastien Huyghe

Mme Danielle Brulebois (EPR). Cet amendement constitue à la fois une mesure de bonne gestion des gisements car il encourage les industriels à une exploitation raisonnée dans le temps, et de simplification administrative destinée à alléger la charge des services instructeurs.

Il étend pour ce faire aux autorisations de carrières le principe du code minier, clair et de bon sens, selon lequel la durée d’une autorisation de carrière doit être proportionnée à la capacité du gisement, ou, pour reprendre les termes du code minier, aux « possibilités du gisement ». La notion existe donc déjà dans les textes de loi applicables aux autorisations de carrières puisqu’aux termes de l’article L. 173-5 du code minier, tout titulaire d’une autorisation d’amodiation de titre minier peut, après mise en demeure, se voir retirer son titre ou son autorisation, notamment en cas « d’absence ou insuffisance prolongée d’exploitation manifestement contraire aux possibilités du gisement ou à l’intérêt des consommateurs et non justifiées par l’état du marché ».

La disposition proposée n’est pas plus imprécise que ne le sont les articles L. 173-5 et L. 161-1 du code minier, d’autant que les possibilités du gisement sont mesurées, objectivées et connues dès la première demande d’autorisation. Elle ne revient pas sur le marqueur de trente ans, bien que cette limite, sans équivalent en Europe, ait peu de portée, puisque dans la pratique les autorisations de carrières sont bien souvent accordées pour une durée variant de dix à vingt ans, et exceptionnellement de vingt-cinq ans.

En revanche, dans le même objectif d’encourager l’exploitation raisonnée, durable et optimale du gisement, constatant que cette limite à trente ans crée un effet de seuil et peut imposer le dépôt de dossiers successifs, y compris pour obtenir un renouvellement d’autorisation sur de très courtes durées, la disposition proposée ouvre, comme cela est possible aux termes du droit européen, la possibilité pour le préfet d’une procédure de renouvellement simplifiée, en sollicitant l’avis de la collectivité et en exigeant une mise à jour de l’étude d’impact.

M. Thierry Tesson (RN). Cet amendement, relatif aux carrières, vise à donner une durée d’autorisation proportionnelle à la capacité du gisement et au rythme de son exploitation. Dans la loi sur la restauration de Notre-Dame de Paris, la seule dérogation qui a été accordée concernait l’ouverture de carrières. Notre proposition est une mesure de bon sens qui revient à protéger les entreprises et prévoit aussi que le renouvellement puisse être fait de manière simplifiée une fois atteinte la limite des trente années d’exploitation.

M. Sébastien Huyghe (EPR). J’apporterai une petite précision : il s’agit là encore de prévenir toute incitation pour le carrier à hâter son exploitation comme il pourrait être tenté de le faire face à une échéance butoir trop proche. Il est préférable d’allonger les durées d’autorisation d’exploitation.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Monsieur Huyghe, c’est peut-être à cet endroit que vous pourriez ajouter la précision que vous souhaitiez précédemment. Il est proposé une articulation assez pragmatique qui concilie l’exigence de bonne gestion environnementale et la simplification administrative, en alignant la durée des autorisations de carrière sur celles des gisements exploités. On promeut ainsi une exploitation planifiée, proportionnée et conforme à l’intérêt général – dans nos territoires, de nombreux projets économiques peuvent s’en trouver facilités. Avis favorable.

M. Marc Ferracci, ministre. Ces amendements n’apportent pas réellement de simplification par rapport au cadre existant. D’une part, le code de l’environnement oblige les carriers à respecter l’environnement, mais aussi les contraintes et obligations nécessaires à la bonne utilisation du gisement et à sa conservation, ce qui signifie que la durée d’exploitation est estimée d’emblée dans le dossier de demande d’autorisation. Votre demande est donc satisfaite sur ce point. En outre, il est déjà possible de prolonger l’exploitation au-delà de trente ans si nécessaire. Il faut pour cela que le carrier porte à la connaissance du préfet les modifications qu’il veut effectuer, ce qui peut conduire à des adaptations légères des règles. Le cadre des droits existants répond aux objectifs de vos amendements. J’en demande donc le retrait ; à défaut, j’émettrais un avis défavorable.

La commission adopte les amendements.

Article 18 bis (nouveau) (art. 27 de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables) : Extension de la dispense d’évaluation environnementale

Amendement de suppression CS1396 de M. Stéphane Travert

M. Stéphane Travert, rapporteur. Cet article étend la dispense d’évaluation environnementale bénéficiant aux projets de raccordement d’installations industrielles ou d’installations de production ou de stockage d’hydrogène renouvelable ou bas-carbone, prévue par l’article 27 de la loi n° 2023‑175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, dite loi « Aper », aux procédures de mise en compatibilité des documents d’urbanisme nécessaires à la mise en œuvre de ces projets. J’en demande la suppression.

M. Marc Ferracci, ministre. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 18 bis est supprimé.

Après l’article 18 bis

Amendement CS1353 du gouvernement

M. Marc Ferracci, ministre. Il s’agit d’étendre le dispositif de concertation simplifiée, introduit par la loi Aper, à l’ensemble des projets d’ouvrages de transport d’électricité. La loi Aper a créé une dérogation ciblée en matière de concertation préalable du public, afin d’accélérer la réalisation des projets de raccordement au réseau électrique. Ce dispositif, actionné à deux reprises, a permis de réduire les délais administratifs liés à la concertation préalable du public, tout en garantissant un bon déroulement de celle-ci. Il est en cohérence avec les exigences de la charte de l’environnement en matière de participation au public. Cet amendement représente donc une véritable mesure de simplification et d’accélération.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Article 19 (art. L. 114-2, L. 142-2-1, L. 152-2, L. 163-11, L. 252-1, L. 611-1-2, L. 611-2-3 et L. 621-22 du code minier) : Modernisation du droit minier à des fins d’accélération de la transition énergétique

Amendements de suppression CS645 de Mme Claire Lejeune, CS952 de Mme Lisa Belluco et CS969 de M. Charles Fournier

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Cet article 19 revient sur des réformes du code minier qui permettaient de mieux concilier l’extraction minière et le respect d’obligations environnementales cruciales. Une fois de plus, je veux vous alerter sur les régressions majeures de ce projet de loi, que nous entérinons très vite et avec une grande légèreté. C’est systématiquement l’environnement qui est sacrifié dans cette pseudo-simplification.

Cet article tend à limiter les prérogatives de l’Office national des forêts (ONF) qui, jusqu’à présent, peut refuser des titres miniers pour des raisons environnementales. Il supprime également l’avis du Conseil général de l’économie, de l’industrie, de l’énergie et des technologies dans certains cas. Il facilite la conversion des installations d’exploration et d’exploitation vers des activités de stockage géologique de dioxyde de carbone. Or l’Agence de la transition écologique (Ademe) estime que cette technologie est encore coûteuse, énergivore et qu’elle comporte des risques environnementaux et sanitaires. Il faudrait se donner du temps et réfléchir au lieu de vouloir valider les projets miniers d’une manière de plus en plus rapide.

Nous vous invitons donc à supprimer cet article qui fragilise très grandement la dimension environnementale du code minier.

M. Hendrik Davi (EcoS). Nous voulons en effet supprimer cet article qui vise à assouplir le code minier pour favoriser l’exploitation de ressources du sous-sol, au détriment des précautions environnementales essentielles, notamment à l’égard des forêts. Si on ne demande plus l’avis de l’ONF, on met en danger les plans de gestion et la préservation des îlots de vieillissement, et on peut se retrouver avec des mines en pleine forêt, ce qui risque de ne pas être très bien accepté par la population. Il n’est pas raisonnable de simplifier au point de prendre des risques vis-à-vis des écosystèmes. Nous avons certes besoin de ressources du sous-sol, notamment pour développer les énergies renouvelables. Mais, comme dans le cas des centres de données, il va falloir poser le débat de manière démocratique, distinguer le nécessaire de l’accessoire, et établir un cadre. On ne peut pas le faire à la va-vite, au détour de ce projet de loi sur la simplification de la vie économique.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Nous n’agissons pas dans la précipitation : nos débats sont de bon niveau, il me semble. Cet article 19 s’inscrit dans une démarche de simplification du droit minier sans sacrifier l’ambition environnementale – la nécessité de protéger les espèces et la biodiversité est l’un de nos fils conducteurs. Avis défavorable.

M. Marc Ferracci, ministre. Cet article équilibré ne remet absolument pas en cause les principes de protection de l’environnement et de la biodiversité. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Amendement CS1010 de Mme Claire Lejeune

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Il s’agit de renforcer le pouvoir des communautés autochtones dans le cadre des projets miniers. L’une des constantes de ce texte est de priver les gens qui vont parfois subir les effets des projets – industriels, miniers ou autres – de toute possibilité de s’exprimer, de réagir à la dégradation de leurs conditions de vie et de leur santé. Cet amendement cible plus particulièrement les communautés autochtones qui peuvent se voir imposer tel ou tel projet minier.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Je suis totalement en accord avec cet amendement. Pour l’acceptabilité sociale, environnementale et populaire d’un projet, une large concertation est nécessaire. Lorsque j’étais au gouvernement, nous avons eu à gérer le conflit autour du projet minier « Montagne d’or » en Guyane. Si les populations autochtones vivant sur le site avaient été consultées, le projet n’aurait peut-être pas été rejeté comme il l’a été.

Cet amendement tend aussi à réparer une asymétrie juridique persistante dans l’encadrement des titres miniers dans les territoires autochtones d’outre-mer, dans les communautés amérindiennes. Ces communautés doivent avoir un droit de regard équivalent à celui des titulaires privés de concessions agricoles ou minières. L’amendement inscrit le respect du principe de non-discrimination des droits coutumiers et des usages de subsistance dans la procédure d’attribution des titres J’ai la conviction personnelle que celles et ceux qui vivent sur ces territoires doivent être consultés avant le lancement des projets. Avis favorable.

M. Marc Ferracci, ministre. Je suis évidemment très favorable à la démarche de cet amendement qui insiste sur la nécessité de consulter les communautés autochtones sur tout octroi de concession minière ou d’autorisation d’exploitation. Mais j’observe que le code minier le prévoit déjà dans son article L. 621-9 qui dispose : « Tout projet de décision d’octroi d’une concession ou d’une autorisation d’exploitation est soumis, dans un zonage déterminé par décret en Conseil d’État, à l’avis du grand conseil coutumier des populations amérindiennes et bushinenges. » Cet amendement étant satisfait, j’en demande le retrait.

M. Hendrik Davi (EcoS). Le projet interrompu de la Montagne d’or éclaire notre débat sur la simplification. L’échec est programmé quand on se lance dans des projets non écologiques et qui s’opposent aux communautés locales. En Guyane comme partout ailleurs sur le territoire, il faut prendre le temps de dialoguer avec les populations concernées et de mesurer les effets écologiques des projets.

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Je suis totalement en phase avec le rapporteur. Monsieur le ministre, vous nous dites que c’est déjà dans le code minier. Je pense que deux précautions valent mieux qu’une, car, à force d’alléger les textes, on ne sait plus trop ce qu’il en reste. Nous devrions adopter cet amendement.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CS970 de M. Charles Fournier

Mme Julie Ozenne (EcoS). Cet amendement vise à remplacer la consultation dématérialisée du public en matière de demande d’octroi, de prolongation ou d’extension d’un permis exclusif de recherches, par une consultation publique classique. Celle-ci a pour objet d’assurer l’information et la participation du public, ainsi que la prise en compte des intérêts des tiers, lors de l’élaboration des décisions susceptibles d’affecter l’environnement.

Il paraît en effet nécessaire de pouvoir associer plus étroitement la société civile à ces décisions qui ont un impact non négligeable sur la qualité de vie et l’environnement. Tous les citoyens, associations et entreprises pourront ainsi se prononcer sur l’opportunité et l’utilité que représente un projet industriel pour la bifurcation écologique et la réindustrialisation de la France.

Si l’extraction minière en France est un sujet majeur qui doit être abordé, des décisions structurantes pour notre avenir ne doivent pas être prises au détour d’un texte de simplification. Il faut donc prévoir d’associer de manière ambitieuse le public sur ce sujet et permettre vraiment aux citoyens et citoyennes de donner leur avis sur des projets industriels.

M. Stéphane Travert, rapporteur. L’adoption de cet amendement introduirait beaucoup de lourdeur dans la procédure. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

La commission adopte l’amendement de clarification juridique CS1399 de M. Stéphane Travert, rapporteur.

Amendement CS922 de M. Charles Fournier

Mme Lisa Belluco (EcoS). Il s’agit de supprimer les alinéas 7 à 10 qui permettent d’accélérer les procédures d’attribution ou de refus des permis exclusifs de recherche (PER) des mines. Ils permettent aussi la prolongation exceptionnelle d’un permis « en cas de circonstances exceptionnelles liées à des aléas de la recherche minière indépendants du titulaire du titre, entravant la mise en œuvre du programme de travaux ». On pourrait évoquer de tels aléas pour la quasi-totalité des PER en cours puisque ceux-ci ont souvent été ralentis par l’épidémie de Covid. La formulation floue des circonstances exceptionnelles indépendantes du titulaire ouvre donc la voie à de trop nombreuses et trop simples prolongations de PER. En conséquence, nous proposons de supprimer ces dispositions injustifiées et peu claires.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement CS971 de M. Charles Fournier

Mme Lisa Belluco (EcoS). Il s’agit d’impliquer les citoyens par le biais d’une participation du public aux conditions fixées par l’article L. 123-19-2 du code de l’environnement dans la validation des prolongations de PER des mines. À défaut d’empêcher les prolongations trop faciles, nous proposons d’impliquer davantage les citoyens.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement CS972 de M. Charles Fournier

Mme Lisa Belluco (EcoS). Encore moins contraignant : nous proposons d’impliquer les citoyens dans la validation des prolongations des PER des mines par le biais d’une consultation du public, les modalités de cette consultation étant fixées par décret.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Si les considérations de transparence sont légitimes, une telle consultation alourdirait vraiment la procédure. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CS973 de M. Charles Fournier

Amendement CS1397 de M. Stéphane Travert

M. Stéphane Travert, rapporteur. C’est un amendement à la fois de cohérence et de correction d’une erreur matérielle.

M. Marc Ferracci, ministre. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CS1402 de M. Stéphane Travert

M. Stéphane Travert, rapporteur. Il introduit un nouvel article au sein du code minier et procède à une clarification juridique. S’agissant du régime applicable aux actes de géothermie de minime importance, il vise à lever une ambiguïté qui résultait d’un chevauchement entre les dispositions du code minier et celle du code de l’environnement.

M. Marc Ferracci, ministre. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CS953 de Mme Lisa Belluco

Mme Lisa Belluco (EcoS). Il s’agit d’un amendement d’appel. Après l’incendie de l’usine Lubrizol de Rouen, le gouvernement s’était engagé à augmenter de 50 % le nombre des inspecteurs des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). Or cette augmentation n’est pas visible. Des crédits ont été votés pour le recrutement de trente nouveaux inspecteurs en 2021 et de vingt nouveaux inspecteurs en 2022. Dans une enquête publiée le 26 septembre 2022, Libération révèle que ces recrutements n’auraient pas été effectués et que le nombre d’inspecteurs aurait même diminué entre 2019 et 2021, passant de 1590 à 1529 équivalents temps plein (ETP).

Avoir assez d’inspecteurs est aussi un enjeu de simplification – ou en tout cas d’accélération – puisqu’ils s’assurent que les normes sont respectées et peuvent accompagner les industriels dans leurs démarches et dans le traitement de leur dossier. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous donner le nombre exact d’inspecteurs et d’inspectrice des ICPE à ce jour ? Quels sont les engagements du gouvernement dans la perspective du prochain PLF ? Que comptez-vous faire pour lever les freins au recrutement de nouveaux inspecteurs et de nouvelles inspectrices ?

M. Stéphane Travert, rapporteur. Je vois bien la portée symbolique de votre amendement : la suppression de l’alinéa 21 ne va pas donner de moyens supplémentaires permettant de créer des postes d’inspecteur des ICPE. C’est lors de l’examen du PLF que vous pourrez défendre ces demandes de moyens, que je peux d’ailleurs comprendre. Avis défavorable.

M. Marc Ferracci, ministre. Les inspecteurs des ICPE sont notamment chargés de la police des mines. Fin 2023, ce corps d’inspection était composé de 1 568 inspecteurs. En 2024, le gouvernement a augmenté ces effectifs d’une centaine. Cette augmentation, je le précise, ne s’est pas réalisée par redéploiement d’agents du ministère de l’environnement : il s’agit donc d’un recrutement exceptionnel, effectué dans le contexte budgétaire que vous connaissez. Avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Amendement CS954 de Mme Lisa Belluco

Mme Lisa Belluco (EcoS). Nous voulons apporter la précision suivante : même si les inspecteurs des ICPE ne peuvent pas se rendre sur site entre 21 heures et 6 heures pour réaliser leurs travaux, ils peuvent quand même le faire en cas d’exercice ou d’incident. La formulation nous semblait un peu floue et risquait d’empêcher toute intervention, même indispensable, sachant qu’en temps normal ces inspecteurs ne travaillent pas de nuit.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Cette précision est bienvenue : elle lève une ambiguïté pouvant nuire à la continuité des missions de contrôle, de prévention et d’intervention, notamment sur les ICPE. Avis favorable.

M. Marc Ferracci, ministre. Si je comprends et partage votre préoccupation, il me semble cependant qu’elle est prise en compte dans le projet de loi : ce nouvel article fixe les modalités d’accès aux locaux et installations pour ce qui concerne la recherche ou le constat d’infractions pénales. En d’autres termes, il est déjà possible d’avoir accès aux locaux et installations. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS1398 de M. Stéphane Travert

M. Stéphane Travert, rapporteur. Il renforce la logique de simplification de l’article 19 qui unifie les démarches relatives à l’occupation du domaine public ou privé de l’État et l’exploitation minière en Guyane. En outre, il sécurise les aspects domaniaux en encadrant la redevance due, sans affaiblir les exigences environnementales et de protection de la biodiversité.

M. Marc Ferracci, ministre. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CS1400 de M. Stéphane Travert

M. Stéphane Travert, rapporteur. Il s’inscrit dans une logique de simplification et de cohérence, et il sécurise juridiquement les procédures en assurant le maintien des exigences de consultation du public.

M. Marc Ferracci, ministre. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’article 19 modifié.

Après l’article 19

Amendement CS464 de M. Stéphane Travert

M. Stéphane Travert, rapporteur. Il s’agit d’aligner la durée maximale de renouvellement des concessions minières sur celle des autorisations d’exploitation et de la fixer à trente ans, ce qui permet de sécuriser les investissements et d’éviter des décalages administratifs artificiels et préjudiciables au modèle économique qui en découle.

M. Marc Ferracci, ministre. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CS714 de M. Nicolas Meizonnet

M. Antoine Golliot (RN). L’objectif de cet amendement est de revenir sur les principales mesures de la loi du 30 décembre 2017, dite loi Hulot, mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures et portant diverses dispositions relatives à l’énergie et à l’environnement. Cette loi, qui met un terme au renouvellement des concessions, prévoit la fin définitive des exploitations de gaz et de pétrole d’ici à 2040 et interdit la délivrance de nouveaux permis de recherche d’hydrocarbures.

Il nous semble important de poursuivre et de pérenniser ces extractions, même si elles sont marginales : le pétrole et le gaz extraits représentent respectivement 1 % et 0,1 % de la consommation française. Il reste absurde d’interdire toute extraction puisque ces énergies fossiles se trouvent à proximité et qu’elles n’engendrent pas les mêmes coûts que les importations massives de ces produits en termes de logistique et d’émissions de CO2. Nous vous proposons d’adopter cet amendement de bon sens.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Quand j’ai lu l’amendement, je suis un peu tombé de l’armoire. Nous examinons un projet de loi simplification. Je respecte les positions des uns et des autres, mais il est proposé ici un revirement total de la politique menée depuis une quinzaine d’années sur le territoire national, avec une trajectoire de décarbonation de notre économie. Avis défavorable.

M. Marc Ferracci, ministre. Même avis.

M. Hendrik Davi (EcoS). Le bon sens de tous les scientifiques du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) les conduit à demander de laisser les énergies fossiles là où elles sont, c’est-à-dire dans le sol. Pour l’instant, on ne peut pas le faire complètement. De là à relancer l’exploitation des énergies fossiles ! Cela relève d’un contresens historique hallucinant. C’est tout sauf du bon sens, je vous le jure.

M. Antoine Golliot (RN). Il y a quand même de formidables opportunités en France, en termes d’extraction de matières premières, notamment d’hydrogène. Il vaut mieux exploiter nos matières premières que d’en importer, même si ces extractions sont marginales par rapport à la consommation.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CS222 de Mme Danielle Brulebois et CS606 de M. Pierre Meurin

Mme Danielle Brulebois (EPR). Cet amendement vise à simplifier la procédure applicable aux projets d’exploitation de carrière, qui sont soumis à autorisation environnementale et à une obligation de renaturation, en facilitant la mise en compatibilité des PLU (plan local d’urbanisme).

Le schéma régional des carrières, qui fait l’objet d’une étude d’impact, s’impose au Scot (schéma de cohérence territoriale) et au PLU puisque l’activité des carrières est nécessaire tant à la construction de logements qu’à l’entretien et à la réalisation d’infrastructures. La mise en compatibilité du Scot et du PLU s’apparente à un parcours du combattant pour un élu local.

Pour y remédier, l’amendement permet de recourir à la procédure de mise en compatibilité intégrée, qui s’applique déjà à d’autres secteurs. Il est prévu une évaluation dans un délai de cinq ans.

M. Thierry Tesson (RN). Il s’agit également de faciliter, pour les maires qui le souhaitent, la mise en compatibilité du PLU avec un projet d’exploitation de carrière, sans remettre en cause les garde-fous habituels.

L’ouverture d’une carrière est un processus très compliqué que les petites communes, dépourvues de moyens administratifs, ne peuvent pas assumer.

Les carrières produisent des matières premières indispensables à de nombreux secteurs : outre la pierre, la santé, le bâtiment, l’automobile, l’aéronautique, l’agroalimentaire, la papeterie.

M. Stéphane Travert, rapporteur. L’amendement propose un outil facultatif, qui a déjà été éprouvé dans d’autres secteurs, pour simplifier la mise en compatibilité des PLU avec les projets d’exploitation de carrière dès lors qu’ils sont compatibles avec les Scot.

Le respect de la compétence communale et du cadre environnemental justifie un avis de sagesse.

M. Marc Ferracci, ministre. Je partage le souci d’accélérer la réalisation des projets de carrière.

Il me semble néanmoins que ce sujet mérite d’être abordé dans le cadre d’une réflexion globale sur le droit de l’urbanisme et l’aménagement afin de préserver la cohérence et la sécurité juridique des différents outils. C’est le travail que mène actuellement le gouvernement dans la perspective d’un texte législatif. Je vous demande donc de retirer l’amendement.

La commission rejette les amendements.

Amendement CS478 de M. Stéphane Travert

M. Stéphane Travert, rapporteur. L’amendement a pour objet d’inscrire l’ONF à l’annexe III de la loi relative à la démocratisation du secteur public (DSP) afin de préserver son mode de gouvernance actuel, adapté à ses missions spécifiques et à sa situation hybride entre le droit public et le droit privé. Cela évite une réorganisation complexe de son conseil d’administration qui pourrait fragiliser demain le fonctionnement de l’établissement.

Cette mesure de stabilité et de simplification est bénéfique aussi bien pour l’ONF que pour l’ensemble de ses partenaires économiques.

Je saisis l’occasion de rendre hommage aux agents de l’ONF qui font un travail remarquable dans l’ensemble du pays en protégeant nos massifs forestiers ou boisés.

M. le président Ian Boucard. L’ensemble de la commission se joint à votre hommage.

M. Marc Ferracci, ministre. Le gouvernement également. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Article 20 (art. L.152-5 du code de l’urbanisme) : Dérogation aux règles d’urbanisme pour l’installation de systèmes de production d’énergie renouvelable

Amendement de suppression CS488 de M. Thierry Tesson

M. Thierry Tesson (RN). L’article autorise des dérogations aux PLU pour l’installation de certains systèmes de production d’énergies renouvelables. Nous craignons que ces dérogations ne deviennent systématiques, avec le risque que notre patrimoine soit dénaturé.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement CS1404 de M. Stéphane Travert

M. Stéphane Travert, rapporteur. Afin de lever une incertitude juridique, l’amendement vise à réaffirmer la prévalence des obligations nationales en matière de transition énergétique sur les règles locales d’urbanisme.

Cette rédaction permet de sécuriser les projets de solarisation des parkings extérieurs en empêchant que des contraintes issues des PLU tels que les règles d’emprise au sol ou de hauteur ne les rendent inopérants ou économiquement non viables.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’article 20 modifié.

Après l’article 20

Amendement CS711 de M. Nicolas Meizonnet

M. Thierry Tesson (RN). L’amendement tend à simplifier les règles applicables à la construction ou aux rénovations lourdes pour les bâtiments de plus de 500 mètres carrés à usage commercial, industriel, artisanal ou de bureaux. Celles-ci imposent actuellement d’installer sur leur toiture des systèmes de production d’énergies renouvelables.

Nous souhaitons alléger les contraintes auxquelles sont soumises les entreprises du BTP (bâtiment et travaux publics). Alors que le secteur connaît déjà de grandes difficultés, ces règles ralentissent la construction neuve.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Défavorable.

M. Marc Ferracci, ministre. Même avis.

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Je suggère à nos collègues du Rassemblement national de déposer un amendement visant à abroger purement et simplement la loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables et la loi « climat et résilience ». Nous gagnerions du temps.

Amendement après amendement, vous cherchez à détricoter tout le travail que nous avons fait depuis deux ans, travail marqué par l’exigence et l’équilibre.

M. Antoine Golliot (RN). Nous défendons la liberté. On ne peut pas imposer des solutions technologiques pour la construction ou la rénovation des bâtiments.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement CS1137 de Mme Mélanie Thomin.

Amendement CS979 de M. Charles Fournier

M. Stéphane Travert, rapporteur. Il s’agit d’un amendement consacré au cool roofing et qui n’allonge pas les procédures de consultation, donc avis favorable.

M. Marc Ferracci, ministre. Défavorable. L’amendement vise à réduire les délais de procédure pour les projets de production d’énergies renouvelables. Or la loi relative à l’industrie verte a réformé les modalités d’instruction des demandes d’autorisation environnementale pour accélérer le traitement des dossiers. Nous n’avons pas suffisamment de recul pour juger de son efficience avant de décider éventuellement de la modifier.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS529 de M. Ian Boucard

M. le président Ian Boucard. Pour garantir une réponse rapide de l’administration, l’amendement vise à encadrer strictement les délais d’instruction des demandes d’autorisation environnementale, y compris l’approbation des études de danger pour les installations classées pour la protection de l’environnement incluant les sites Seveso. Les modalités d’application seront définies par décret en Conseil d’État.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Sagesse. Le sujet mérite d’être débattu, notamment quant à la compatibilité de cette contrainte avec la complexité de certains projets.

M. Marc Ferracci, ministre. Les délais que vous proposez correspondent peu ou prou aux délais fixés par la loi relative à l’industrie verte : les consultations durent trois mois, la phase de décision dure en principe deux à trois mois à compter du moment où le dossier est déclaré complet et régulier.

Le fait d’inscrire un délai strict risque de créer de l’insécurité juridique, l’absence de réponse pouvant valoir refus tacite. C’est la raison pour laquelle je demande le retrait sinon avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CS402 de M. Nicolas Ray, CS469 de M. Jean Terlier et CS824 de M. Guillaume Lepers

Mme Anne-Laure Blin (DR). Il s’agit d’un amendement important.

Malgré les déclarations d’utilité publique, certains projets peuvent être arrêtés par les juridictions administratives, qui annulent les autorisations environnementales pour défaut de raison impérative d’intérêt public majeur.

Tout le monde voit de quoi je veux parler. Dernièrement le tribunal administratif de Toulouse a annulé le projet d’autoroute A69, stoppant des travaux déjà très largement engagés.

Afin de garantir la sécurité juridique, l’amendement vise à définir avec précision la notion de raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM).

M. Jean Terlier (EPR). J’invite ceux pour qui la mésaventure de l’A69 n’est pas traumatisante à venir dans le Tarn voir le chantier. Après avoir été réalisé aux deux tiers, celui-ci a été abandonné, laissant sur le carreau 900 salariés du concessionnaire et plusieurs milliers de sous-traitants. Faites preuve d’un peu de décence vis-à-vis de ces gens.

L’amendement vise à faire coïncider la déclaration d’utilité publique (DUP) et la reconnaissance de RIIPM, ce afin d’éviter le désastre auquel nous assistons.

En 2021, la DUP relative à l’A69 a été validée par le Conseil d’État. Quatre ans plus tard, une juridiction de premier degré de l’ordre administratif se prononce sur l’autorisation environnementale. Comment faire en sorte que le contentieux sur la première purge prime celui sur la seconde ? Il ne s’agit pas de supprimer la possibilité de recours contre la RIIPM mais de l’examiner concomitamment à ceux contre la DUP afin de mettre fin à l’échelonnement des procédures administratives, lequel nuit au chantier de l’autoroute A69 mais aussi à tous les projets d’infrastructure dans les années à venir.

M. Guillaume Lepers (DR). Cet amendement est très important pour la suite. J’invite tout le monde à le voter.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Avis de sagesse.

M. Marc Ferracci, ministre. Monsieur Terlier, je partage en grande partie vos constats et, à titre personnel, je soutiens le chantier de l’autoroute A69.

Néanmoins, l’amendement crée non pas un mécanisme de reconnaissance anticipée, comme il en existe déjà pour les projets d’intérêt national majeur, mais une présomption de reconnaissance. Or cette présomption est source d’insécurité juridique forte. En effet, le Conseil constitutionnel ne l’a accepté que pour des dispositions ayant un objet à valeur constitutionnelle de protection de l’environnement en matière d’énergies renouvelables et de production nucléaire, suivant des critères très précis. C’est la raison pour laquelle mon avis sera défavorable.

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP). Je remercie M. le ministre pour sa sagesse.

Vous envisagez de modifier profondément la loi à cause de ce qu’il faut bien appeler un énorme raté. Malgré les avis négatifs et l’absence de raison d’intérêt public majeur, qui étaient connus de tous, le chantier de l’A69 a avancé. Puisque la justice a déclaré le projet illégal, vous vous dites maintenant qu’il faut changer la loi. J’appelle tout le monde à la raison et à la responsabilité. Ces amendements sont tout sauf nécessaires.

M. Jean Terlier (EPR). Je rappelle la procédure : la DUP est précédée d’une enquête publique qui dure plusieurs mois, au cours desquels une concertation avec les populations est organisée selon des modalités juridiques précises.

Le projet d’autoroute A69, sur lequel la concertation a bien eu lieu, est soutenu par tout un territoire, par des élus locaux de sensibilités diverses, qui souhaitent tous désenclaver un bassin d’emplois de plus de 80 000 personnes.

L’amendement n’a pas pour but d’étouffer le contentieux sur la RIIPM. L’idée est de considérer que la DUP, acte administratif qui peut être contesté, vaut reconnaissance de RIIPM.

La décision rendue par le tribunal administratif de Toulouse sur l’autorisation environnementale, fondée sur l’absence de RIIPM, est venue remettre en cause la DUP validée quatre ans auparavant par le Conseil d’État. En alignant les deux actes administratifs comme le propose l’amendement, on éviterait la déconvenue actuelle. Les recours peuvent viser aussi bien la DUP que l’autorisation environnementale mais ils sont examinés concomitamment pour éviter l’échelonnement des procédures. Une fois que le contentieux est purgé, il l’est pour les deux actes administratifs et les travaux peuvent commencer sans risque d’être interrompus à la suite d’une annulation par le tribunal. La DUP donne de fait la possibilité à l’État de commencer les travaux.

M. Arnaud Bonnet (EcoS). Je ne peux m’empêcher de penser que nous légiférons dans la précipitation.

Une DUP n’oblige absolument pas à commencer les travaux, elle permet de le faire. Tant que tous les contentieux ne sont pas purgés, je ne saurais trop conseiller aux décideurs d’attendre. Si vous cherchez des responsables, tournez-vous vers ceux qui ont lancé le chantier alors que tous les recours n’étaient pas épuisés. Ce sont eux qui ont engagé des dépenses importantes et détruit une bonne partie de la nature. Si des gens sont aujourd’hui contraints d’arrêter de travailler, la responsabilité en incombe à ceux qui n’ont pas attendu que tous les feux soient au vert. Il suffit d’avoir un petit peu de patience.

Nous légiférons pour l’avenir sur des cas généraux. Mais aujourd’hui, une fois que la DUP est faite, les travaux peuvent commencer à condition d’attendre que les recours soient purgés. Il suffit d’être raisonnable et de ne pas jouer à la roulette russe avec les décisions des tribunaux.

M. Marc Ferracci, ministre. Je vous invite à retirer les amendements, qui sont porteurs d’insécurité juridique. Le gouvernement est prêt à les retravailler afin d’aboutir à une rédaction dans laquelle la DUP peut reconnaître la RIIPM.

M. Jean Terlier (EPR). Je ne mets pas en doute votre bonne foi, monsieur le ministre. Mais l’enjeu est si important pour le territoire et les habitants que je représente mais aussi pour les collègues qui pourraient être concernés par des projets similaires dans leurs circonscriptions à l’avenir. J’entends la volonté du gouvernement de retravailler mais pour l’instant, je ne retire pas mon amendement.

La commission adopte les amendements.

Amendement CS964 de Mme Lisa Belluco

Mme Lisa Belluco (EcoS). L’amendement vise à autoriser l’installation, dans des espaces agricoles naturels ou forestiers, d’habitations réversibles et démontables pour l’usage des agriculteurs ou des exploitants agricoles.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Il s’agit, d’une part, d’une réponse pragmatique aux besoins de certains exploitants agricoles de modèles d’habitat alternatifs et sobres ; d’autre part, d’une simplification utile du droit de l’urbanisme en milieu rural, qui ne remet pas en cause les équilibres fonciers ni les impératifs de préservation paysagère. J’y suis donc favorable.

M. Marc Ferracci, ministre. Je suis partagé. Ces habitations, même démontables, ne sont pas anodines pour la préservation des espaces agricoles. Néanmoins, j’entends les arguments du rapporteur. J’émets donc un avis de sagesse.

La commission adopte l’amendement.

Amendements identiques CS390 de Mme Josiane Corneloup, CS414 de Mme Frédérique Meunier, CS977 de M. Charles Fournier et CS1056 de M. Sébastien Huyghe

Mme Josiane Corneloup (DR). L’article 20 prévoit des dispositions afin de contribuer notamment au déploiement des pompes à chaleur air/eau collectives et des énergies renouvelables implantées sur les bâtiments. Mais l’exposé des motifs souligne que les limites de gabarit et de hauteur imposées par les PLU peuvent se révéler bloquantes. D’autres procédés innovants et vertueux se heurtent aux mêmes freins.

Il est donc proposé d’introduire dans le code de l’urbanisme des possibilités de dérogation aux règles de densité, de gabarit ou de hauteur.

M. Sébastien Huyghe (EPR). Je voudrais profiter de la défense de cet amendement pour me plaindre des conditions dans lesquelles nous travaillons. J’ai dû vous quitter pour aller défendre des amendements en commission des lois et malheureusement, le temps de revenir, cinq de mes amendements ont été appelés.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Avis favorable sur ces amendements.

M. Marc Ferracci, ministre. Défavorable. Votre préoccupation est déjà satisfaite puisque l’autorité compétente pour délivrer l’autorisation d’urbanisme peut accorder un certain nombre de dérogations. En outre, le processus de délibération proposé a pour effet de complexifier la procédure d’instruction des permis de construire, ce qui ne va pas dans le sens du projet de loi.

La commission adopte les amendements.

Amendement CS712 de M. Nicolas Meizonnet

M. Antoine Golliot (RN). Depuis le 1er juillet 2023, la législation impose, dans les parcs de stationnement extérieur d’une superficie supérieure à 1 500 mètres carrés, l’installation de panneaux photovoltaïques. Afin de simplifier la vie économique et celle des entreprises, nous souhaitons supprimer cette norme absurde.

La filière des panneaux photovoltaïques en France est famélique, pour ne pas dire inexistante. Les investissements dans les panneaux photovoltaïques pèsent sur notre balance commerciale puisque la plupart d’entre eux proviennent d’importations extra-européennes. Bonjour l’empreinte carbone !

M. Stéphane Travert, rapporteur. Défavorable.

M. Marc Ferracci, ministre. Défavorable.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Ce matin, le Rassemblement national s’est fortement opposé à la proposition de loi sur l’agrivoltaïsme, qui consiste à installer des panneaux photovoltaïques sur les terres agricoles.

Si nous voulons développer les panneaux photovoltaïques en France et les entreprises qui les fabriquent, nous devons exploiter le potentiel sur les toitures plutôt que celui des terres agricoles. Il est donc important de maintenir l’obligation pour les entreprises d’installer des panneaux dans des espaces déjà artificialisés. Votre amendement me paraît donc contradictoire avec la position que vous avez défendue ce matin.

Des études montrent que l’agrivoltaïsme entraîne une baisse de la production. Nous devons d’abord trouver un moyen de financer l’agriculture, et donc de la protéger des concurrences internationales, avant de transformer nos agriculteurs en énergéticiens.

La commission rejette l’amendement.

 

La séance est levée à 20 heures.

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Membres présents ou excusés

 

Présents. - M. Henri Alfandari, M. Charles Alloncle, Mme Marie-Noëlle Battistel, Mme Béatrice Bellamy, Mme Lisa Belluco, Mme Anne-Laure Blin, M. Philippe Bolo, M. Nicolas Bonnet, M. Éric Bothorel, M. Ian Boucard, Mme Danielle Brulebois, Mme Françoise Buffet, Mme Josiane Corneloup, M. Hendrik Davi, M. Jocelyn Dessigny, M. Charles Fournier, M. Antoine Golliot, M. Sébastien Huyghe, M. Thomas Lam, Mme Annaïg Le Meur, Mme Nicole Le Peih, Mme Marie Lebec, M. Robert Le Bourgeois, Mme Claire Lejeune, M. Guillaume Lepers, M. Hervé de Lépinau, M. Gérard Leseul, M. Laurent Lhardit, M. Aurélien Lopez-Liguori, M. Éric Martineau, Mme Manon Meunier, M. Pierre Meurin, M. Éric Michoux, Mme Louise Morel, M. Christophe Naegelen, Mme Sandrine Nosbé, M. Jacques Oberti, M. Karl Olive, Mme Julie Ozenne, M. Matthias Renault, M. Vincent Rolland, Mme Anne-Sophie Ronceret, M. Xavier Roseren, Mme Valérie Rossi, Mme Sophie-Laurence Roy, M. Emeric Salmon, Mme Anne Stambach-Terrenoir, M. Emmanuel Taché de la Pagerie, M. David Taupiac, M. Thierry Tesson, Mme Mélanie Thomin, M. Stéphane Travert, M. Jean-Luc Warsmann

Excusé. - M. Davy Rimane

Assistaient également à la réunion. - M. Pierre Henriet, M. Jean Terlier, M. Frédéric‑Pierre Vos