Compte rendu

Commission d’enquête concernant l’organisation des élections en France

– Audition, ouverte à la presse, de représentants du ministère de l’Europe et des affaires étrangères : Mme Pauline Carmona, directrice des Français à l'étranger et de l'administration consulaire, M. François Penguilly, chef du service des Français à l’étranger, et M. Gérard Fromageot, chef du bureau des élections et du droit électoral.              2

– Présences en réunion.................................9

 


Jeudi
20 février 2025

Séance de 11 heures 30

Compte rendu n° 17

session ordinaire de 2024-2025

Présidence de
M. Thomas Cazenave,
Président de la commission

 


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La séance est ouverte à onze heures quarante.

 

M. le président Thomas Cazenave. La direction des Français à l’étranger et de l’administration consulaire (DFAE) du ministère de l’Europe et des affaires étrangères (MEAE) pilote un réseau de plus de 200 services consulaires, qui permettent aux 2,5 millions de Français résidant à l’étranger de bénéficier de notre service public et de pouvoir voter.

Cette audition s’inscrit dans le prolongement de celle que nous avons eue la semaine passée avec les représentants du ministère de l’intérieur. L’organisation des élections pour nos concitoyens qui vivent à l’étranger répond en effet à des spécificités sur lesquelles nous aurons l’occasion de revenir. Nous essaierons également de voir ensemble si cette organisation particulière peut nous aider à réfléchir à des évolutions plus générales – je pense notamment au vote électronique.

Je vous rappelle que l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d’enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

(Mme Pauline Carmona, M. François Penguilly et M. Gérard Fromageot prêtent successivement serment.)

Mme Pauline Carmona, directrice des Français à l’étranger et de l’administration consulaire. Je précise en préambule que le questionnaire complété qui nous a été transmis en amont de l’audition vous sera transmis postérieurement à celle-ci, dans les meilleurs délais.

La DFAE est chargée d’une mission de service public auprès de nos compatriotes résidant à l’étranger – 1,7 million de personnes sont inscrites au registre des Français établis hors de France –, qu’elle exerce au travers d’un réseau de 208 services consulaires dans près de 150 pays. Elle supervise la délivrance des titres d’identité et de voyage, l’état civil, la protection consulaire, l’action sociale ainsi que l’organisation des élections.

Notre tâche est de veiller au bon déroulement des scrutins – élections présidentielles, législatives, sénatoriales et européennes ; référendums ; élections des conseillers des Français de l’étranger et des conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger –, y compris en assurant la mise en œuvre du vote par internet lorsque celui-ci est autorisé. Concrètement, l’organisation recouvre la fixation du calendrier, la publication des textes réglementaires, la programmation budgétaire, des instructions à nos postes, le découpage électoral, les opérations de vote et la comptabilisation des résultats.

Nous travaillons en étroite liaison avec le ministère de l’intérieur – en l’occurrence, le bureau des élections politiques, qui dépend de la direction du management de l’administration territoriale et de l’encadrement supérieur (DMATES). Nous nous appuyons également sur plusieurs services du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, en particulier la direction du numérique pour le vote par internet et le service de la valise diplomatique pour l’acheminement du matériel électoral.

Nous travaillons également avec des titulaires de marchés publics : l’entreprise Koba, chargée du conditionnement du matériel électoral et de la mise sous pli de la propagande électorale ; La Poste, chargée de l’envoi postal de la propagande électorale aux électeurs ; divers prestataires du service de la valise diplomatique pour l’organisation des transports. Enfin, l’organisation du vote par internet fait appel à des partenaires institutionnels – l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI) et le ministère de l’intérieur – et privés comme Voxaly Docaposte pour la solution de vote.

L’éloignement et la dispersion géographique des électeurs constituent la première des spécificités de l’organisation d’élections pour les Français de l’étranger. Même si nous faisons en sorte d’avoir un dispositif de bureaux de vote le plus étoffé possible, nous ne sommes pas en mesure de couvrir l’ensemble des pays. Certains électeurs résidant dans des zones éloignées, difficiles d’accès ou dans des circonscriptions étendues doivent parcourir plusieurs centaines de kilomètres pour aller voter. Les services de l’État accordent une attention particulière à la définition et à l’organisation du dispositif de bureaux de vote. À titre d’exemple, lors des élections législatives de 2024, 599 bureaux ont été ouverts dans 352 sites.

Cette difficulté liée à l’éloignement crée des contraintes particulières pour l’envoi de la propagande électorale. Celle-ci arrive en effet rarement dans les temps, en particulier dans un calendrier resserré comme celui que nous avons connu à l’été 2024. L’entreprise Koba nous avait prévenus dès le début qu’elle ne serait pas en mesure de traiter la totalité de la mise sous pli. À la suite des nombreuses défaillances constatées, nous avons été amenés, avec l’accord de la commission de propagande, à établir des priorités pour le premier tour, c’est-à-dire à privilégier les circonscriptions les plus proches de la France en espérant que la propagande serait acheminée à temps ; dans les faits, cela n’a pas vraiment été le cas. Pour le deuxième tour, nous avons obtenu l’accord de la commission pour ne pas en envoyer du tout car nous savions qu’elle n’avait aucune chance d’arriver en raison du délai d’une semaine entre les deux tours. Cela nous a permis d’économiser 1,9 million d’euros, sans parler du coût environnemental ainsi évité.

Parmi les pistes d’amélioration, la dématérialisation de la propagande électorale fait partie de nos objectifs prioritaires, d’autant plus que l’outil existe : les circulaires des candidats figurent toutes sur le portail de vote par internet. Nous sommes donc très favorables à son autorisation pour tous types d’élections, comme elle l’est déjà pour les élections des conseillers des Français de l’étranger.

La question ne se pose pas dans les mêmes termes pour l’acheminement du matériel électoral puisque nous fonctionnons avec la valise diplomatique. Nous avons rencontré quelques difficultés avec la compagnie Air France, qui a débarqué des valises contenant des bulletins de vote. Même si nous avons dû gérer des situations de crise un peu compliquées, la quasi-totalité des envois a pu être acheminée par la valise. Dans le cas où un poste ne recevait pas les bulletins de vote, nous lui donnions instruction de les imprimer. Pour nous, le vrai sujet est donc celui de la propagande électorale.

Une autre modalité de vote existe pour les élections législatives des Français de l’étranger : le vote par correspondance. Toutefois, le décret de convocation des législatives anticipées de 2024 l’avait exclu. Cette spécificité du système électoral pour les Français de l’étranger pose une difficulté : elle est très peu choisie par les électeurs – moins de 0,1 % d’entre eux y ont eu recours en 2022. De plus, ce système est très complexe à mettre en œuvre, beaucoup d’électeurs se trompant dans l’ordre des enveloppes. Surtout, il se heurte à des contraintes d’acheminement telles que les bulletins arrivent trop tard et sont invalidés. Même si elle demeure marginale, cette modalité de vote est complexe et a un coût ; elle rentre de ce fait dans nos objectifs de simplification.

L’organisation au sein de l’administration centrale pour le suivi du déroulement des opérations de vote et du dépouillement s’adapte au décalage horaire lié à la présence de bureaux de vote sur tous les continents. Une permanence électorale est ouverte à partir du samedi à douze heures – le scrutin commence le samedi dans le territoire américain – pour aider nos postes et répondre à toutes les questions qui peuvent se présenter dans chacun des bureaux de vote. La permanence se poursuit jusqu’au dimanche dans la nuit et s’achève avec la remontée du dernier procès-verbal du dernier bureau de vote, en l’occurrence celui de Dublin pour les législatives.

Autre spécificité, la possibilité de voter par internet est offerte pour deux scrutins : les élections des conseillers des Français de l’étranger et les législatives. Cette modalité rencontre un engouement de plus en plus important puisque, pour les législatives anticipées de 2024, nous avons battu de nouveaux records : 75 % des électeurs y ont eu recours, avec 416 000 électeurs au premier tour et 460 000 au second tour. Cela répond à une très forte demande. Du reste, dans la demi-heure qui a suivi l’annonce de la dissolution, le 9 juin, j’ai reçu un appel de la présidente de l’Assemblée des Français de l’étranger, Mme Hélène Degryse, me demandant si le vote par internet serait bien autorisé pour les législatives anticipées. Le cabinet du ministre délégué, M. Franck Riester, était également assailli de demandes en ce sens. Cette modalité de vote est vraiment entrée dans les mœurs car elle répond à une appétence de nos compatriotes de l’étranger.

Le système fonctionne, même s’il se heurte à une certaine complexité – et non défaillance – technique liée au système d’identification des électeurs, qui repose sur deux clés : un identifiant qu’ils reçoivent par mail, ce qui pose très peu de difficultés, et un mot de passe qu’ils reçoivent par SMS. Les problèmes techniques rencontrés lors des législatives de 2022 nous ont conduits à apporter de nombreuses améliorations au système. Toutefois, tant que l’envoi par SMS sera nécessaire pour l’identification des électeurs, nous ne réglerons pas complètement la question car cela impose de passer par des opérateurs locaux pour relayer les SMS dans chaque pays. Or la réglementation dans ces pays peut avoir changé, raison pour laquelle nous avions prévu d’effectuer un test grandeur nature, à l’été 2024, pour vérifier l’état de la réglementation. Cela n’a pas été possible et c’est en constatant que des SMS n’arrivaient pas dans certains pays – Singapour, Royaume-Uni – que nous nous sommes rendu compte qu’il fallait demander un nouvel accord aux autorités de tutelle locales. Nous avons aussi rencontré des obstacles techniques, par exemple un opérateur téléphonique qui ne reçoit pas les SMS depuis l’étranger.

Nous travaillons à une solution qui permettrait à terme de ne plus dépendre des envois par SMS. Cela passe par le recours à l’identité numérique souveraine, qui sera déployée à l’étranger dans le courant de ce semestre. Les consulats seront habilités à certifier l’identité numérique souveraine portée par la carte nationale d’identité. Nous avons demandé à Voxaly Docaposte de travailler à une nouvelle solution de vote par internet. Elle devra être utilisée pour les élections des conseillers des Français de l’étranger de 2026 et intègrera la possibilité de s’authentifier via l’identité numérique souveraine. Lorsque tous les Français de l’étranger en seront dotés, nous pourrons éviter de recourir au SMS.

M. Antoine Léaument, rapporteur. Vous avez rappelé les chiffres concernant le vote par internet des Français de l’étranger – 460 000 au second tour de 2024 sur 1,7 million de personnes inscrites. Sachant que 75 % du vote passe par internet, cela signifie que près de 1 million de personnes ne participent pas aux élections, sous aucune forme – papier, internet ou par correspondance quand cela est possible. Menez-vous des campagnes d’information en amont des élections pour lutter contre l’abstention ?

Concernant les élections de 2022, vous avez évoqué des difficultés techniques. Étaient‑elles dues à une saturation du nombre de visites ? On imagine assez facilement que si l’on envoie un SMS pour indiquer que le vote est ouvert, tout le monde se connecte en même temps, ce qui peut provoquer des problèmes. De même, si l’on n’envoie pas les SMS à tout le monde en même temps, certains peuvent dire qu’ils l’ont reçu trop tard alors qu’ils étaient disponibles pour voter à l’ouverture du scrutin. Pourriez-vous détailler ces différents problèmes afin d’éclairer notre commission ?

Par ailleurs, toutes les élections organisées en deux tours prévoient une semaine entre les deux tours, à l’exception de l’élection présidentielle pour laquelle le délai est de quinze jours. Serait-il utile de prévoir un écart de deux semaines pour toutes les élections, afin de permettre une meilleure information des Français de l’étranger ?

Enfin, pourriez-vous nous donner des détails concernant l’histoire des valises débarquées par Air France ? Je m’inquiète un peu du fait que l’on perde des valises qui contiennent des bulletins de vote.

Mme Pauline Carmona. On ne les perd pas : elles sont sur le tarmac et on les retrouve. Mais cela nous a beaucoup énervés.

La participation des Français de l’étranger aux élections présidentielles et législatives est en hausse régulière. Lors du second tour des législatives, elle s’est établie à 16 % en 2017, 24 % en 2022 et 37,69 % en 2024. La participation est très inférieure pour le scrutin européen, avec 11 % en 2014, 18 % en 2019 et 17,34 % en 2024 – ce sont toutefois des chiffres à prendre avec précaution car de nombreux Français résidant dans les pays de l’Union européenne votent localement.

Nous menons des actions concrètes pour inciter les Français de l’étranger à participer davantage aux scrutins. Lors de leur organisation, un courriel de convocation, qui comporte la date du scrutin et toutes les informations utiles concernant les conditions de vote, est envoyé à chaque électeur inscrit sur la liste électorale consulaire. Des publications régulières paraissent également sur le site France Diplomatie et sur les sites des postes, avec des vidéos, des articles et des infographies. Le bureau des élections coordonne toute la communication faite par nos postes pour leur fournir un contenu harmonisé. Nous faisons également des campagnes de communication en amont des scrutins par le biais des réseaux sociaux, ainsi que dans des interviews à différents médias en ligne des Français de l’étranger, comme lepetitjournal.com et lesfrancais.press. Nous sommes ouverts à toutes les bonnes idées.

Pour les législatives anticipées de 2024, nous avons constaté que le vote par internet avait contribué à augmenter la participation. On le voit notamment dans les commentaires portés sur le procès-verbal du bureau de vote électronique. Des jeunes qui ne votaient pas ont trouvé tellement simple de voter par internet en cinq minutes qu’ils l’ont fait. Avec 416 000 votants au premier tour et 460 000 au second, nous avons eu un très fort taux de participation.

Les difficultés du vote par internet en 2022, qui ont conduit à l’annulation du scrutin dans trois circonscriptions, étaient principalement liées, dans la deuxième et la neuvième, à un problème de réception des mots de passe par SMS. Dans la deuxième circonscription, le Conseil constitutionnel a constaté que : « à l’ouverture de la période de vote, seuls 11 % des messages téléphoniques contenant les mots de passe […] avaient été effectivement délivrés aux électeurs. Ce taux n’a atteint que 38 % à l’issue du premier tour, selon le procès-verbal du bureau de vote électronique relatif au second tour. » Dans la neuvième circonscription, le taux de réception n’a pas dépassé les 38 % non plus. Aussi, un trop grand nombre d’électeurs qui souhaitaient voter par internet n’avaient pas pu le faire.

Cela nous a conduits, dans le cadre des élections partielles organisées en 2023, à prendre plusieurs mesures, qui ont été reconduites en 2024. Les données des électeurs – adresse mail et numéro de téléphone – ont été fiabilisées, à la suite d’une grande campagne de communication. Nous avons mis en place une assistance en ligne renforcée, activée une semaine avant le début des opérations de vote, pour sensibiliser les électeurs et appeler leur attention sur de possibles difficultés de réception. Nous avons également activé pendant la durée des élections une assistance téléphonique qui permettait le réassort, soit de renvoyer un mot de passe à un électeur qui ne l’avait pas encore reçu. Dans ses décisions de validation des résultats des trois scrutins de 2023, le Conseil constitutionnel mentionne expressément ces mesures d’amélioration et d’accompagnement.

Il faut par ailleurs relever que le portail de vote par internet est ouvert dans la semaine qui précède le week-end électoral. Quelqu’un qui n’a pas pu voter par internet est donc toujours en mesure de se rendre au bureau de vote ou de faire une procuration.

Le problème de saturation du portail ne s’est pas posé en 2022 ni en 2023 mais pour les législatives anticipées de 2024. En effet, un très grand nombre de personnes se sont connectées dès les premières minutes. Si le vote par internet suscite un véritable engouement, il faut également se rappeler que les délais étaient réduits. Alors que le portail est habituellement ouvert pendant cinq jours, il ne l’était que quarante-huit heures pour le premier tour et trente-six heures pour le second. Nous avons été confrontés à un fort afflux qui a posé des difficultés techniques, résolues par notre direction du numérique – tout est hébergé sur les serveurs du ministère. Cela est relaté très précisément dans le procès-verbal du bureau de vote électronique.

Nous avons reçu trois alertes relatives aux capacités infrastructurelles du système. La première a eu lieu le 25 juin, très peu de temps après l’ouverture du bureau de vote. Il s’agissait d’un ralentissement et de difficultés d’accès au portail de vote, ce qui a conduit notre direction du numérique à augmenter les capacités du serveur, interrompant l’accès au portail pendant vingt-neuf minutes. Une deuxième alerte a concerné l’accumulation des bulletins de vote, sans avoir d’impact sur l’ouverture du portail, puisque les opérations de vote étaient terminées. Nous avons dû augmenter la mémoire des serveurs. Cela n’a eu aucun effet sur l’intégrité du vote ; ces interventions ont été menées sous la supervision très étroite de l’ANSSI et d’auditeurs indépendants.

Enfin, la troisième alerte, qui a eu un impact sur le portail, a eu lieu le 3 juillet, à quatorze heures, soit deux heures après l’ouverture du portail pour le deuxième tour. La plateforme s’est engorgée assez vite, ce qui a conduit à redémarrer les services, avec une interruption du portail pendant dix minutes. Nous ne nous attendions pas à une telle participation. Nous avons eu peu de temps pour nous préparer, puisque le portail du premier tour a ouvert quinze jours après l’annonce des élections. Le fait de tout avoir sur nos serveurs et de disposer d’une direction du numérique très professionnelle et réactive a permis de trouver des solutions. Cette expérience nous sera utile pour les prochains scrutins.

En 2024, la succession de deux week-ends électoraux a accentué les difficultés que je mentionnais sur l’envoi de la propagande, en la rendant impossible.

Pour ce qui est des valises, nous avons été consternés. Nous avons dû faire intervenir le directeur de la sécurité diplomatique du ministère et avons même eu recours au cabinet du ministre délégué pour faire passer des messages.

M. Gérard Fromageot, chef du bureau des élections et du droit électoral. Alors que des réservations avaient été faites pour ces valises contenant le matériel électoral à destination de nos postes diplomatiques et consulaires, au dernier moment, la compagnie ne les a pas embarquées. Nous avons dû batailler pour réserver de nouveaux vols. Or, pour certaines destinations, comme Luanda, nous ne disposions pas d’un vol tous les jours. Heureusement, quasiment tous les cas ont pu être résolus, parfois in extremis. Cela reste tout de même un sujet d’inquiétude.

M. le président Thomas Cazenave. Pensez-vous que le vote électronique fait venir de nouveaux électeurs ou qu’il s’agit plutôt d’un changement de pratique électorale ?

M. Vincent Caure (EPR). Je tiens d’abord à saluer la manière dont nous travaillons et avons travaillé avec Mme la directrice et ses services, tout au long de l’année comme dans le cadre ponctuel des dernières élections.

Les gens s’habituent au vote en ligne, si bien que la participation augmente. Si certains qui seraient allés aux urnes font le choix du vote en ligne, d’autres n’y seraient pas allés, notamment à cause de l’engorgement des bureaux de vote, comme à Londres. Les députés de l’étranger y gagnent en légitimité, avec un taux de participation qui dépasse les 50 %.

Considérez-vous qu’il existe des marges pour élargir le champ du vote en ligne aux élections européennes et présidentielles pour les Français de l’étranger ? Échangez-vous avec d’autres ministères sur des expérimentations en ce sens ?

Mme Pauline Carmona. Je vous remercie pour vos mots sympathiques qui sont très appréciés !

À la demande du ministre Jean-Noël Barrot, nous avons engagé un échange sur l’élargissement du vote par internet à d’autres scrutins avec l’administration du ministère de l’intérieur, qui a émis deux très fortes réserves. La première concerne la sécurité de l’élection, surtout présidentielle, et les risques d’une annulation en cas de faille. Nous avons suggéré de créer une circonscription spécifique pour les Français de l’étranger – les annulations en 2022 n’ont pas empêché la démocratie française de continuer de fonctionner. Le ministère nous a objecté que cela entraînerait une inégalité devant les modes de scrutin, puisque, pour l’élection de la même personne, les Français de France ne pourraient voter qu’à l’urne ou par procuration, quand les Français de l’étranger auraient une modalité supplémentaire.

S’agissant des élections sénatoriales, que vous n’avez pas mentionnées, il y a des circonscriptions pour les Français de l’étranger.

M. Gérard Fromageot. N’oublions pas non plus le risque assez fort de contentieux. Imaginons que 300 000 Français de l’étranger votent par internet et que leur vote soit remis en cause en raison d’une cyberattaque. Si l’écart de voix entre deux candidats est inférieur à ce nombre, cela poserait un gros problème et conduirait à une annulation totale de l’élection.

M. Vincent Caure (EPR). Vous qui êtes en contact avec les postes et l’ensemble du réseau diplomatique, considérez-vous que l’introduction du vote en ligne à partir des législatives de 2012 a permis à des Français de voter ou que l’effet de substitution prime ?

Mme Pauline Carmona. Ma seule expérience, depuis que j’ai pris mes fonctions en 2023, est celle des législatives anticipées de 2024. Assez empiriquement, d’après des témoignages d’amis ou d’enfants d’amis, je crois que cela a amené des gens qui ne votent pas d’habitude, plutôt jeunes, à voter, pas nécessairement parce qu’ils habitent très loin d’un bureau de vote, mais parce qu’ils n’avaient pas envie de se déplacer et de prendre deux heures pour aller voter au consulat. Il y avait aussi des gens en vacances qui n’avaient pas fait de procuration – des amis qui habitent au Luxembourg étaient ainsi ravis de voter par internet en Grèce.

M. François Penguilly, chef du service des Français à l’étranger. Peut-être faut-il faire une distinction sur l’effet du vote par internet (VPI) en fonction des scrutins. L’effet bénéfique du VPI sur le taux de participation est davantage visible lors des élections législatives que lors des élections des conseillers des Français de l’étranger, où l’effet de substitution est plus important.

M. le président Thomas Cazenave. Je vous remercie pour toutes vos réponses.

 

La séance s’achève à douze heures trente-cinq.

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Membres présents ou excusés

Présents. – M. Vincent Caure, M. Thomas Cazenave, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Antoine Léaument

Excusé. – M. Xavier Breton