Compte rendu

Commission d’enquête concernant l’organisation des élections en France

– Audition, ouverte à la presse, de représentants de la Commission nationale de contrôle de la campagne électorale en vue de l’élection présidentielle (CNCCEP)              2

– Présences en réunion................................14

 


Jeudi
17 avril 2025

Séance de 15 heures

Compte rendu n° 32

session ordinaire de 2024-2025

Présidence de
M. Thomas Cazenave,
Président de la commission

 


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La séance est ouverte à quinze heures.

La commission procède à l’audition de représentants de la Commission nationale de contrôle de la campagne électorale en vue de l’élection présidentielle (CNCCEP) : M. DidierRoland Tabuteau, vice-président du Conseil d’État, président de droit de la CNCCEP lors de l’élection présidentielle de 2022, M. Thierry-Xavier Girardot, secrétaire général du Conseil d’État, et Mme Isabelle de Silva, rapporteure générale de la CNCCEP en 2022.

M. le président Thomas Cazenave. Notre commission d’enquête a pour objectif d’examiner les conditions d’organisation des élections en France et procède depuis plusieurs mois à une série dauditions afin d’établir si ces conditions sont satisfaisantes pour garantir la bonne tenue des élections, échéances importantes pour notre pays et notre démocratie.

La Commission nationale de contrôle de la campagne électorale en vue de l’élection présidentielle (CNCCEP) n’est pas une commission permanente : elle est recréée à l’approche de chaque élection présidentielle et cesse d’exister une fois qu’elle a adopté son rapport et que celui-ci est publié au Journal officiel. Elle est chargée de veiller au respect de l’égalité de traitement entre les candidats à l’élection présidentielle comme des règles relatives à la campagne électorale et elle s’appuie pour ce faire sur des commissions locales de contrôle dans chaque département.

L’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d’enquête de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

(M. Didier-Roland Tabuteau, M. Thierry-Xavier Girardot et Mme Isabelle de Silva prêtent successivement serment.)

M. Didier-Roland Tabuteau, vice-président du Conseil d’État, président de la CNCCEP. Je commencerai par rappeler les caractéristiques et les missions de la CNCCEP, une commission particulière, comme vous l’avez dit, par son caractère temporaire, pendant la période de l’élection présidentielle. Sa création résulte non pas de la loi du 6 novembre 1962 relative à l’élection du président de la République au suffrage universel, mais des dispositions réglementaires prises pour l’application de celle-ci – j’y reviendrai. Il s’agit à l’origine du décret du 14 mars 1964 ; aujourd’hui, le texte applicable est un décret de 2001, modifié à plusieurs reprises et encore récemment, en 2021 et 2022.

La CNCCEP est donc réactivée à chaque scrutin. Elle exerce trois catégories de missions.

La première consiste à veiller au respect d’une disposition capitale de la loi de 1962, selon laquelle « tous les candidats bénéficient de la part de l’État des mêmes facilités pour la campagne en vue de l’élection présidentielle ». Au-delà de la question de l’utilisation des moyens mis à disposition par l’État, la CNCCEP est ainsi investie d’une mission de portée générale qui est de veiller à ce que l’égalité entre les candidats soit bien respectée.

Lui revient en deuxième lieu une tâche à la fois juridique et concrète : s’assurer que le matériel électoral officiel des candidats – affiches, déclarations, professions de foi – respecte les dispositions du décret de 2001 et celles du code électoral applicables à l’élection présidentielle, de sorte qu’il ne puisse risquer d’altérer la sincérité du scrutin.

Enfin, de manière plus générale, il lui appartient en troisième lieu d’exercer une mission de vigilance – plutôt que de surveillance – concernant les différents aspects de la campagne électorale, qu’il s’agisse des réunions publiques, de la presse écrite, des médias audiovisuels, des médias numériques ou des réseaux sociaux – autant qu’elle le peut et dans des conditions qui ne sont pas toujours simples – et d’intervenir lorsque des agissements ou des comportements sont de nature à compromettre l’expression libre et éclairée du suffrage. Elle adresse alors des avertissements ou invite à modifier certaines déclarations ou mentions. Ces missions sont détaillées dans le rapport où nous retraçons le déroulement de l’épisode de 2022 et en tirons des conclusions.

La commission n’exerce un pouvoir de décision qu’en ce qui concerne l’homologation des affiches et des professions de foi des candidats, les « circulaires », selon la terminologie de l’article R. 29 du code électoral. Cette mission a été étendue à l’enregistrement sonore transmis avec la profession de foi, ainsi qu’au document dit Falc (facile à lire et à comprendre) rendu obligatoire par le décret de 2021. En 2022, nous exercions notre contrôle pour la première fois sur ce document intéressant.

Pour le reste, la CNCCEP n’est pas investie d’un pouvoir de décision ou de sanction, mais exerce plutôt une autorité morale pour assurer le bon déroulement de la campagne électorale, faire respecter le principe d’égalité entre les candidats et la loyauté du débat politique, enfin garantir la libre expression du scrutin.

Elle peut en outre, comme toute autorité constituée, saisir le parquet en vertu de l’article 40 du code de procédure pénale, ce qu’elle a fait pour la dernière fois en 2017.

Enfin, la CNCCEP échange avec les nombreuses autres autorités qui interviennent dans ce scrutin et émet parfois un avis sur les règles qu’elles fixent, comme pour l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) en 2022.

La composition de la CNCCEP est la garantie de son impartialité à l’égard des candidats à l’élection et de tous ceux qui interviennent dans le débat public. Elle est fixée par l’article 13 du décret du 8 mars 2001. La CNCCEP se compose de cinq membres. Ses trois membres de droit sont le vice-président du Conseil d’État, qui la préside, le premier président de la Cour de cassation – ou sa première présidente, comme en 2022 – et le premier président de la Cour des comptes. S’y ajoutent deux membres en activité honoraire issus de ces mêmes institutions : traditionnellement – ce fut du moins le cas en 2017 et 2022 –, un magistrat de la Cour de cassation et un magistrat de la Cour des comptes. Sur ces dernières éditions, la CNCCEP comptait donc un membre du Conseil d’État, deux membres de la Cour des comptes et deux membres de la Cour de cassation.

Depuis sa création, la CNCCEP exerce ses missions en lien et en bonne intelligence avec le Conseil constitutionnel, garant de l’élection présidentielle, notamment par la désignation de délégués conjoints chargés de s’assurer du bon déroulement de l’élection, en outre-mer par exemple. Ces délégués, dont le rôle est très important, sont issus, eux aussi, des juridictions que j’ai évoquées et exercent leur mission de contrôle en vertu tant des compétences de la CNCCEP que de celles du Conseil constitutionnel.

Ainsi, notre rapport pour 2022 rappelle que la CNCCEP s’est adjoint neuf rapporteurs choisis parmi les membres du Conseil d’État, de la Cour des comptes et de la Cour de cassation et qu’elle a désigné, en lien avec le Conseil constitutionnel, sept rapporteurs issus de ces mêmes institutions pour suivre le déroulement de la campagne et des opérations électorales en outre-mer, compte tenu des différences d’horaires et d’organisation sur place.

Ce travail conjoint, qui fait la particularité de notre commission, s’étend à d’autres instances : l’Arcom, la Commission des sondages, la Cnil (Commission nationale de l’informatique et des libertés) et, bien sûr, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP). Nous nouons des relations très étroites avec ces institutions – autorités indépendantes ou non – avec lesquelles nous interagissons en temps réel pendant la période de l’élection présidentielle. Nous travaillons enfin avec le ministère de l’intérieur, le ministère des outre-mer et le ministère des affaires étrangères, ainsi qu’avec le SGDSN (secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale), l’Anssi (Agence nationale pour la sécurité des systèmes d’information) et Viginum, le service de vigilance et de protection contre les ingérences numériques étrangères, pour surveiller les influences potentielles.

En pratique, et selon la manière dont on compte les séances, la CNCCEP s’est réunie treize ou quatorze fois pendant son exercice 2022. Son rythme de travail varie selon les périodes mais peut être très soutenu, comme lors de l’homologation des documents. En effet, à la réception des documents envoyés par les équipes des candidats – affiches, grandes et petites, professions de foi, documents Falc et enregistrements sonores –, nous procédons avec les rapporteurs à leur examen minutieux compte tenu des règles du code électoral. La CNCCEP se réunit ainsi pour examiner chaque document.

J’exposerai pour finir les propositions et les enseignements que nous avons tirés de l’exercice 2022.

Notre première proposition, relative au fonctionnement de la CNCCEP, est juridique. Dans le cas où cette commission issue du décret de 1964 devrait se maintenir et garder son rôle de vigilance et de contrôle des documents électoraux, elle devrait logiquement relever de la loi organique sur l’organisation de l’élection du président de la République. En 2017, elle avait déjà souhaité que son statut soit conforté et mis au bon niveau ; nous avons repris cette proposition en 2022.

Notre deuxième proposition est liée aux circonstances dans lesquelles nous avons exercé nos fonctions. L’inscription sur les listes électorales des Français résidant en Ukraine ou en Russie a posé des questions particulières. Celles-ci se sont réglées par des mesures dans le détail desquelles je n’entrerai pas, mais qui ont conduit la CNCCEP à envisager un nouveau cas de figure permettant une inscription en urgence sur les listes électorales en cas de force majeure. Comme ces circonstances n’étaient pas prévues par le code électoral, elles ont nécessité des procédures exceptionnelles afin que les Français puissent s’exprimer par leur vote.

En ce qui concerne un aspect plus concret du travail de la CNCCEP, nous sommes saisis très tardivement et dans des délais très courts des documents de campagne – documents importants puisqu’ils seront reçus par tous les électeurs. Ces délais rendent leur examen difficile, même s’il revient à la CNCCEP de s’organiser. Mais ils sont aussi problématiques pour les équipes de campagne en cas de problème sur l’un des documents, notamment pour réimprimer en temps et en heure une version adaptée. Nous avons donc proposé que la transmission soit anticipée de quelques jours et ait lieu avant la date à laquelle le Conseil constitutionnel proclame la liste des candidats habilités à se présenter à l’élection présidentielle. Cette démarche, naturellement inutile si le candidat n’est pas sur la liste, aura cependant servi pour ce qui est de la gestion des documents. Notre but est de souligner que ceux-ci sont souvent trop tardivement finalisés, envoyés et réceptionnés par les autorités. D’ailleurs, les électeurs les reçoivent parfois la veille ou l’avant-veille du scrutin ; ce ne sont pas des conditions satisfaisantes pour l’expression de leur choix.

Nous formulons une deuxième proposition d’ordre pratique. Lors de l’homologation des documents, la CNCCEP a trois possibilités : homologuer, homologuer avec réserve, refuser l’homologation – seul pouvoir juridique, au demeurant important, dont elle dispose. C’est donc un peu tout ou rien. Refuser l’homologation, compte tenu des délais d’impression, notamment, peut mettre un candidat dans l’impossibilité de les fournir, ce qui, sauf cas majeur, n’est ni souhaitable ni envisageable puisqu’il faut que les électeurs disposent de ces éléments. Nous envisageons donc des formules plus sévères – par exemple que le document soit homologué avec réserve et envoyé, mais qu’il ne soit pas pris en charge financièrement par la collectivité – et des mesures graduées pour éviter le tout ou rien et donner plus de poids aux avis de la CNCCEP.

Enfin, nous nous sommes interrogés sur l’envoi de documents papier dans notre monde numérisé. Dans le cadre démocratique, est-ce indispensable à l’expression du suffrage ? Pourrions-nous réduire l’impact environnemental des documents ? Nous avons délibéré et conclu que les documents papier sont indispensables, en tout cas pour ceux qui le souhaitent. Nous avons dès lors envisagé deux formules. D’abord, que les électeurs s’inscrivent pour recevoir ces documents papier ; mais cette formule est à nos yeux trop restrictive – nombre d’entre eux ne recevraient pas les documents électoraux faute d’inscription. Nous suggérons donc plutôt que ceux qui souhaiteraient ne recevoir ces documents que par voie numérique se manifestent.

Quant à notre mission de vigilance vis-à-vis des contenus illicites ou problématiques, les règles sont à présent bien connues, en particulier celles qui concernent la diffusion des sondages ou les conditions d’intervention par voie audiovisuelle et numérique dans les dernières heures avant le scrutin. Nous avons d’ailleurs collaboré de manière satisfaisante avec les plateformes avec lesquelles nous avons été en contact lorsque des problèmes se sont présentés.

M. Antoine Léaument, rapporteur. Vous l’avez dit, la CNCCEP est temporaire. Quelle est sa durée de vie ? Ce caractère temporaire vous semble-t-il une bonne chose ? Dans l’hypothèse, évoquée un temps dans la presse, d’une élection présidentielle anticipée, la nécessité de recréer la structure pourrait être problématique. Je m’interroge donc sur cette absence de permanence. Quels sont vos liens et vos méthodes de travail avec la CNCCFP, qui est, elle, permanente ?

Vous avez par ailleurs évoqué les multiples organes avec lesquels vous êtes en lien. Notre commission d’enquête s’intéresse particulièrement aux sondages et à leur rôle ; nous aimerions donc connaître vos relations avec la Commission des sondages. Pouvez-vous l’interpeller à propos de certains sondages ou contrôler son action, y compris ses propres méthodes de contrôle ?

Enfin, le numérique a été évoqué à propos des modes de diffusion de la propagande électorale, mais d’autres questions se posent, en particulier sur l’usage des réseaux sociaux par les candidats. En la matière, il existe une inégalité fondamentale entre des candidats qui ne bénéficient pas tous du même niveau de suivi sur les réseaux sociaux ; c’était le cas pendant les campagnes présidentielles de 2022 et de 2017. La spécificité de la campagne de 2022 tenait en outre au fait que le président de la République était candidat à l’élection présidentielle ; vous aviez d’ailleurs averti sur l’utilisation du compte Twitter du président-candidat Macron. Avez-vous des recommandations quant à l’usage des réseaux sociaux ? Avez-vous mené des études sur le sujet afin de garantir l’équilibre et l’équité entre les candidats ?

M. Didier-Roland Tabuteau. La création de la CNCCEP se fait très vite, en quelques heures ou quelques jours : il suffit de désigner deux personnes et d’installer la commission. Le fait que son secrétariat général soit assuré par le secrétariat général du Conseil d’État la dote d’une capacité permanente d’installation rapide. Dans l’état actuel de ses missions et dans la mesure où l’élection présidentielle a lieu en principe tous les cinq ans – même si des échéances plus rapprochées peuvent advenir –, je ne suis pas convaincu que la commission ait besoin d’être permanente, du moins à la lumière de l’expérience courte et unique que j’en ai. S’il s’agissait d’une structure différente, dotée d’autres missions, la question pourrait se poser. L’enjeu est donc de savoir s’il serait utile de créer une structure permanente ou plus durable qui serait dotée de missions comparables pour d’autres élections que l’élection présidentielle. C’est une question à laquelle il ne m’appartient pas de répondre.

En ce qui concerne nos interactions avec la Commission des sondages ou la CNCCFP, voici comment nous avons travaillé. Nous avons d’abord rencontré l’ensemble des présidents et des représentants des structures concernées lors d’une séance commune organisée dans les locaux du Conseil d’État pour mettre au point un modus vivendi et des méthodes de travail. Cela a bien fonctionné et nous avons même publié des communiqués communs avec la Commission des sondages quand cela a été nécessaire. Nous menons avec ces institutions un travail conjoint et nous n’avons rencontré aucune difficulté.

Enfin, nous n’avons pas d’études concernant les réseaux sociaux, mais nous avons une expérience et nous faisons preuve de vigilance grâce aux moyens que le ministère de l’intérieur consacre à ces sujets et aux relations que nous entretenons avec le SGDSN, l’ANSSI et Viginum.

Mme Isabelle de Silva, rapporteure générale de la CNCCEP. Le décret de 2001 définit la commission de manière souple, ce qui lui permet d’être installée rapidement dès lors qu’une élection présidentielle se profile. Mais le fait que la CNCCEP soit temporaire ne lui permet pas de réfléchir de façon préventive et dans la durée aux questions qu’elle rencontre.

Voici comment la CNCCEP travaille avec les institutions très nombreuses qui interviennent dans la campagne pour l’élection présidentielle. Avant même d’être pleinement active, elle rencontre les responsables des autorités compétentes que sont la Commission des sondages, l’Arcom, la Cnil et la CNCCFP, et ceux des administrations appelées à intervenir – le ministère de l’intérieur, le ministère des affaires étrangères ou l’administration chargée de l’outre-mer.

En ce qui concerne la Commission des sondages, nous avons invité sa présidente et son rapporteur général à toutes les réunions préparatoires qui avaient pour but de préparer les communications destinées aux candidats ou aux organes de presse pour leur rappeler les règles et, le cas échéant, leur indiquer les nouveautés par rapport à l’élection présidentielle précédente – souvent, d’une élection à l’autre, les textes sont mis à jour, complétés ou modifiés compte tenu de ce qui a pu poser des problèmes.

Même si le droit des sondages est relativement stable et même si les obligations qu’il comporte font partie de celles que les candidats et les organes de presse connaissent bien, chaque élection conduit à de nouvelles questions. En 2022, nous avons ainsi vu apparaître de pseudo-sondages, qu’il était possible de prendre pour des sondages, mais qui correspondaient en réalité au bruit fait par un candidat sur les réseaux sociaux : des présentations tendancieuses laissaient penser que la présence marquée d’un candidat sur les réseaux constituait une forme de sondage prédictif. À cette occasion, nous avons décidé d’intervenir conjointement avec la Commission des sondages pour rappeler qu’il ne s’agissait pas d’un sondage et que cet élément ne pouvait donc pas être présenté comme tel. Face à ce type de problème inédit, la Commission des sondages dispose d’experts reconnus en techniques de sondage, qui vérifient la manière dont les sondages sont réalisés et elle est capable d’intervenir rapidement, notamment lorsque la validité des sondages est mise en cause.

Pendant la campagne, la CNCCEP fonctionne comme une administration de mission, de manière informelle dans la mesure où rien de tout cela n’est décrit par les textes, mais très précise. Nous échangeons quotidiennement avec les instances concernées – notamment avec l’Arcom au sujet de la campagne audiovisuelle – et invitons leurs plus hauts responsables à nos séances. Lorsque nous avons, par exemple, évoqué préventivement les risques cyber, le SGDSN est venu lui-même nous rencontrer, tout comme le responsable de Viginum, avec lequel nous avons échangé très régulièrement.

Ce modus operandi, bien qu’il ne soit pas décrit par les textes, se reproduit à chaque élection présidentielle et fonctionne très bien, y compris lorsque des faits nouveaux – comme la diffusion du sondage qui n’en n était pas un, dont j’ai parlé – nous obligent à réagir en urgence le week-end. Les week-ends de vote appellent une vigilance particulière. Nous mettons en place un processus permettant d’opérer les vérifications d’heure en heure et d’échanger avec les autres instances appelées à intervenir.

L’usage des réseaux sociaux par les candidats a effectivement posé de nouvelles questions en 2022. Les précédentes commissions avaient déjà souligné, en 2012 et en 2017, que le déroulement des campagnes électorales se trouvait modifié par le poids important des réseaux sociaux. Ceux-ci sont en effet le support à la fois de contenus diffusés par les candidats et de débats politiques dans lesquels tout un chacun peut intervenir, et ils sont liés au nouveau risque d’ingérence étrangère – une des priorités de la CNCCEP en 2022, compte tenu des problèmes constatés lors d’élections dans des pays étrangers.

Vous soulevez le problème de l’usage par les candidats de leur compte officiel ou personnel dans la campagne électorale de 2022, qui n’était pas encore apparu comme tel lors de la précédente élection. Il n’existe pas de texte spécifique traitant de cette nouvelle difficulté, mais seulement les principes généraux de la campagne électorale et les principes inscrits dans le décret donnant pour mission à la CNCCEP de garantir l’équité entre les candidats.

La CNCCEP a notamment délibéré sur la question de l’usage par un candidat, par ailleurs président de la République, de son compte personnel. Elle a transmis aux candidats une grille de lecture générale proposant, pour déterminer si l’utilisation du compte personnel d’un candidat pouvait remettre en question l’équité de la campagne, de tenir compte de sa nature, des moyens publics dont il avait bénéficié et de son utilisation antérieure – ce qui, en l’espèce, a conduit la commission à établir que ce compte était utilisé depuis longtemps et bénéficiait de ce fait d’un grand nombre d’abonnés.

C’est un des points que la commission a mis en avant dans son rapport de 2022, dans la mesure où il pourrait faire l’objet d’une réflexion en vue de la prochaine élection présidentielle. Il est difficile de réglementer ou de légiférer sur ces sujets très évolutifs, mais il pourrait appartenir au gouvernement de préparer des lignes directrices, comme il en existe pour certaines questions qui se renouvellent d’élection en élection.

M. le président Thomas Cazenave. Une des questions auxquelles notre commission d’enquête est confrontée, et qui ressort des auditions que nous menons, est l’ingérence étrangère. Nous avons même sous les yeux un cas d’école qui montre que la menace n’est pas théorique : en Roumanie, le premier tour de l’élection présidentielle a été annulé en raison d’une manipulation à grande échelle sur les réseaux sociaux – TikTok, apparemment –, qui était, d’après la presse, commanditée depuis l’étranger. Vous sentez-vous armés pour affronter une telle menace ? Comment procéderiez-vous, très concrètement, pour identifier clairement une entreprise d’ingérence étrangère, dont la menace n’est plus théorique, et établir si elle est suffisamment massive pour menacer l’intégrité du scrutin ? Comment seriez-vous certains de bien la caractériser ? Quelles conséquences en tireriez-vous compte tenu des compétences de la CNCCEP ?

M. Didier-Roland Tabuteau. Soyons clairs : la CNCCEP, en l’état actuel des textes et de son fonctionnement, est totalement, ou presque, dépendante des analyses du SGDSN, de Viginum et de l’ANSSI. À partir de là, elle peut émettre des avertissements ou signaler une déformation de l’information. Elle ne dispose pas d’autres moyens d’action que cette capacité d’information, pour laquelle elle est, je l’espère, crédible, en tant qu’autorité institutionnelle chargée de cette mission. Nous n’avons pas de moyens techniques de réponse.

Mme Isabelle de Silva. L’ingérence étrangère nous est apparue comme la question la plus vaste et la plus délicate. Elle appelle une réflexion en vue des échéances futures.

La création de la structure Viginum, à laquelle sont dédiés des moyens techniques substantiels et des équipes capables de contrôler l’activité sur les réseaux sociaux et d’identifier une ingérence étrangère numérique, est déjà un point très positif. Elle a permis d’affiner la technique d’identification d’une ingérence étrangère numérique, notamment par le repérage de comptes suspects et l’analyse de la viralité anormale de contenus pistés et liés à des comptes situés à l’étranger. L’exercice 2022 nous permet donc de conclure que nous disposons désormais d’une méthodologie, du moins en ce qui concerne un certain type d’ingérence étrangère numérique s’appuyant sur des bots ou des comptes falsifiés. C’est un acquis intéressant pour l’avenir.

Il est plus difficile de saisir les mouvements de manipulation de l’opinion ou la création de bulles de renforcement de contenus. Il ne s’agit pas stricto sensu d’une ingérence étrangère, mais différentes élections, aux États-Unis par exemple, ont montré combien ce phénomène pouvait peser dans la campagne électorale. Or une autorité de contrôle comme la nôtre n’a pas les moyens d’analyser en temps réel les activités de réseaux sociaux à la fois divers et plus ou moins ouverts au public – il peut s’agir de boucles de diffusion de contenus extérieures aux réseaux sociaux classiques.

Enfin, la CNCCEP est une structure légère, qui s’appuie sur une série d’administrations et d’autorités. Dispose-t-elle de moyens suffisants pour assurer, dans le temps court de l’élection, une veille intensive de phénomènes complexes qui nécessitent des analyses techniques ne pouvant être immédiates ? Ce point mérite des réflexions supplémentaires, y compris en ce qui concerne la définition de Viginum, conçu en réaction à différentes affaires comme celle de Cambridge Analytica. Serait-il opportun d’élargir son mandat, voire d’enrichir ses moyens d’investigation ? Pour finir, quels sont les réseaux sociaux qui doivent être surveillés le plus attentivement et en fonction de quels critères ? C’est un point d’attention pour les futures élections.

M. le président Thomas Cazenave. Dans une situation d’ingérence étrangère numérique, le rôle de la CNCCEP serait-il de conclure ex post – après un premier ou un second tour – que nous avons été confrontés à des menaces ou à une déstabilisation de l’opinion, ce qui conduirait le juge électoral à statuer sur une irrégularité ? Ou disposez-vous d’une capacité d’action a priori, qui s’exercerait avant ou pendant le processus électoral ? Autrement dit, quand on est en train de mettre au jour une manœuvre de déstabilisation, faut-il attendre pour la caractériser que l’élection ait eu lieu ? Au fond, jusqu’où va le rôle de la CNCCEP ?

M. Didier-Roland Tabuteau. Si des faits suspects sont identifiés par les services techniques – qui, nous venons de le dire, ne relèvent pas de la CNCCEP –, cette dernière peut simplement les faire connaître par un avertissement solennel et, éventuellement, saisir les autorités judiciaires s’ils relèvent d’une infraction pénale. Cela concerne ce qui se passe au cours du processus électoral. À partir du deuxième tour de l’élection, ces missions relèvent du Conseil constitutionnel puisque le mandat de la CNCCEP cesse à ce moment-là. En l’état des textes, il faudrait donc articuler son action avec la compétence pleine et entière du Conseil constitutionnel.

M. Antoine Léaument, rapporteur. Cette question intéressante sous-tend mes interrogations sur le caractère temporaire de la CNCCEP.

S’il est utile d’avoir des éléments sur l’élection présidentielle de 2022, nous sommes surtout préoccupés par la prochaine échéance. Les auditions nous ont inquiétés, notamment en ce qui concerne les ingérences étrangères dans l’élection présidentielle de 2027 et, plus généralement, dans l’ensemble des élections. Vous avez vous-même évoqué une autre question préoccupante : celle des bulles de filtre, des algorithmes, des enfermements dans une logique intellectuelle qui conduisent à des biais de confirmation politique ayant des conséquences sur l’élection, notamment présidentielle.

Vous développez une expertise sur une élection spécifique qui s’exerce dans un temps très réduit, alors que les questions continuent de se poser jusqu’à l’élection suivante – alors que nous parlons, nous savons déjà ce qui risque de se passer en 2027. Il ne s’agit pas de se réunir toutes les semaines lorsqu’il n’y a pas d’élection présidentielle, mais ne risque-t-on pas une perte d’information ? À chaque échéance électorale, la commission doit se remettre à niveau, rencontrer de nouveau les autres instances pour s’informer des risques apparus dans l’intervalle, etc. La commission pourrait avoir une durée de vie plus longue et de nouvelles missions, ou, comme vous l’avez évoqué, une commission distincte, plus durable, pourrait étudier les risques qui pèsent sur les élections en général.

Enfin, avez-vous parfois trouvé, en exerçant vos missions, qu’au-delà de votre magistère moral, vous manquiez de moyens autonomes de contrôle ou de contrainte pour faire respecter vos avertissements ?

M. Didier-Roland Tabuteau. Je comprends parfaitement votre interrogation. Je me suis jusqu’ici exprimé à droit constant, puisque je ne pouvais parler qu’au nom de la CNCCEP, qui ne s’est pas réunie et n’est pas allée au-delà des réflexions contenues dans le rapport très complet que nous avons diffusé. Mais si, en m’abstrayant de mon rôle d’ancien président de la CNCCEP, je réfléchis à ce que nous avons tiré de notre expérience en 2022, il est clair qu’une réflexion sur ces points est nécessaire, même si elle ne concerne pas forcément la CNCCEP en elle-même.

Je répète que celle-ci est totalement dépendante des moyens techniques qui permettent la surveillance de l’information numérique. Elle ne peut réagir que sur alerte et à la suite de la démonstration par des techniciens qu’il existe un problème, quel qu’il soit – notre rapporteure générale a évoqué les hypothèses dont nous avons discuté avec les autres instances.

Jusqu’à présent, la CNCCEP vivait dans un environnement électoral classique. Or, depuis 2017, nous avons constaté des changements profonds liés à l’évolution des moyens de communication comme à celle de la société. D’après mon expérience, je ne peux pas dire qu’il n’y aurait pas d’intérêt à créer une instance de réflexion, permanente ou régulièrement réunie, sur la manière de s’adapter en temps réel à ces évolutions parfois très rapides. Quant à savoir si cette mission devrait revenir à la CNCCEP telle qu’elle est constituée ou résulter d’une évolution des textes, c’est aux pouvoirs publics d’en décider. En tout cas, il est très clair que nous en avons besoin. Pendant les semaines où nous avons fonctionné, nous avons bien constaté que nous étions confrontés à de nouvelles questions, même si l’expérience de 2017 nous avait déjà alertés, comme le met en évidence le rapport publié alors.

M. Thierry-Xavier Girardot, secrétaire général du Conseil d’État. En 2022, nous avons eu la chance de ne pas faire face à un mouvement significatif de fausses informations. Le SGDSN nous a régulièrement informés de petits mouvements, certes, mais qui ne prenaient pas d’ampleur. Le législateur, par la loi du 22 décembre 2018 relative à la lutte contre la manipulation de l’information, a orienté vers l’Arcom le suivi régulier de ces phénomènes ; la question est de savoir de quels pouvoirs dispose effectivement l’Arcom pour intervenir vis-à-vis des plateformes – un sujet qui mérite débats, études et évaluation à l’issue de ces quelques années d’application de la loi. Quant à la CNCCEP, elle est une instance à la fois temporaire et légère, qui bénéficie néanmoins de l’autorité morale issue de sa composition puisqu’elle compte les trois chefs des plus hautes juridictions du pays, et qui travaille en collaboration avec l’ensemble des services spécialisés et des instances qui suivent ces questions de manière permanente, qu’il s’agisse du SGDSN ou de l’Arcom.

Mme Isabelle de Silva. J’ajouterai une remarque sur l’importance du travail mené avec les plateformes pour anticiper ces difficultés. Notre rapport le note, les plateformes se sont montrées très coopératives, se prêtant à l’instauration de protocoles dans le cadre desquels elles doivent nous répondre, désigner une personne à qui rapporter nos signalements et agir très rapidement en cas de demande de retrait de contenus. Mais que se passerait-il si elles n’étaient pas d’aussi bonne volonté ? En effet, ces protocoles ont été instaurés sans base juridique spécifique, et par une commission créée par décret. Une telle réflexion pourrait conduire à rehausser la définition de la CNCCEP et de son régime d’intervention au niveau de la loi organique, comme nous le proposons dans le rapport, mais aussi à prévoir un mécanisme par lequel la CNCCEP demanderait aux plateformes de prendre les mesures qui s’imposent pour assurer le bon fonctionnement de la campagne.

Par ailleurs, le fait que le droit français limite le financement des campagnes empêche ce qu’on a pu voir dans des démocraties proches, à savoir que des fonds privés très importants servent à financer des campagnes sur les réseaux sociaux. De tels financements entreraient au moins dans les comptes de campagne : nous ne pourrions pas assister à un déferlement massif de contenus achetés par les soutiens de tel ou tel candidat. Cet élément juridique important nous préserve donc de certaines dérives.

M. Antoine Léaument, rapporteur. Vous avez évoqué la question des financements. C’est intéressant, car c’est normalement la CNCCFP, comme son nom l’indique, qui s’en occupe. Avez-vous une mission de contrôle des comptes de campagne des candidats à l’élection présidentielle, ou un droit de regard sur eux ? La CNCCFP, lors de son audition, nous a alertés non pas sur les dons ou les prêts de personnes privées à des campagnes, très encadrés par la loi, mais sur les dons ou les prêts à des partis politiques qui, ensuite, financent les campagnes électorales.

M. Didier-Roland Tabuteau. Si nous constatons que des moyens publics ont servi à la diffusion de la propagande électorale, nous pouvons le signaler à la CNCCFP et le faire valoir. Mais l’appréciation des comptes ne relève pas de notre compétence.

Mme Isabelle de Silva. Lors de nos réflexions préliminaires à la mise en place du contrôle de la campagne, nous avons eu deux échanges : avec le président de la CNCCFP, qui a assisté à une grande part de nos travaux, et avec le médiateur du crédit aux candidats et aux partis politiques, afin de déterminer si certains candidats pouvaient être empêchés de candidater faute d’accès suffisant aux financements. Cette question aurait pu en effet relever de la compétence de la CNCCEP, qui s’assure qu’aucun candidat n’est indûment empêché de participer. Or, d’après les informations transmises par ces autorités au terme d’échanges avec les équipes des candidats, il n’existait pas d’obstacle appelant une intervention de la commission.

Enfin, divers signalements ont été transmis à la CNCCEP au cours de la campagne par des électeurs ne différenciant pas très bien notre rôle de celui de la CNCCFP. Ces signalements concernaient parfois des pratiques de candidats qui auraient pu ne pas être conformes au droit du financement des campagnes électorales, auquel cas nous les avons immédiatement relayés à la CNCCFP, tout en restant vigilants dans l’hypothèse où ces pratiques auraient affecté la régularité de la campagne électorale. Ainsi, notre contrôle, plus éloigné de cet aspect que celui de la CNCCFP, ne le met toutefois pas complètement de côté, pour autant qu’il soit systémique et qu’il puisse porter atteinte à l’égalité entre les candidats.

M. Antoine Léaument, rapporteur. Vous évoquez un lien avec les équipes de campagne. Existe-t-il des facilités pour entrer en communication avec vous ? Les équipes de campagne peuvent-elles vous solliciter pour une intervention ? Si oui, sur quels sujets ?

Il faut, pour se porter candidat à l’élection présidentielle, disposer de 500 signatures de maires. De nombreuses possibilités ont été envisagées pour procéder différemment ; le rapport de la commission Jospin a ainsi proposé d’autres modalités. Intervenez-vous d’une manière ou d’une autre dans le processus de parrainage ? De mémoire, c’est au Conseil constitutionnel que revient la validation des signatures. Néanmoins, dans le cas où un candidat disposerait déjà d’une certaine surface médiatique et politique mais serait empêché de recueillir des signatures, pourriez-vous intervenir pour éviter que des électeurs soient privés de voter pour lui ?

Mme Isabelle de Silva. Chaque équipe de candidats devait désigner auprès de la CNCCEP une personne qui soit le point d’entrée de toutes ses demandes. Cette personne était en général celle qui transmettait les informations, et devenait celle avec laquelle nous échangions sur tous les sujets concernant la propagande électorale, notamment la modification des circulaires, mais pas uniquement. Ainsi, certains représentants nous faisaient part d’attitudes qu’ils jugeaient problématiques de la part d’autres candidats ; c’est l’un des procédés de signalement qui donnait lieu à des analyses de la part de la CNCCEP. Cela a très bien fonctionné – nous demandions que les délégués des candidats soient très réactifs ; c’était nécessaire au stade de l’approbation du matériel électoral pour que celui-ci puisse être imprimé dans les délais.

En revanche, le mécanisme de signature est géré entièrement par le Conseil constitutionnel. Le seul cas où la CNCCEP interviendrait – un cas d’école qui, à ma connaissance, ne s’est jamais présenté – serait celui où le processus prévu par la loi pour obtenir des signatures serait obéré de telle manière que l’égalité entre les candidats serait remise en cause. Mais rien de tel n’a été signalé à la CNCEEP en tant qu’organisme spécialement chargé d’assurer le bon contrôle du déroulement de la campagne. In concreto, la commission devient plutôt active lorsque les candidats ont déjà satisfait à ces obligations.

M. le président Thomas Cazenave. Plus globalement, et à la lumière de vos travaux, quel regard portez-vous sur la solidité de l’organisation du processus de l’élection présidentielle en France, concernant la CNCCEP, mais aussi plus largement ?

M. Didier-Roland Tabuteau. Je garde de cette expérience de quelques semaines le sentiment d’un dispositif très affûté. La bonne collaboration entre les instances est nécessaire puisque ce dispositif est assez éclaté, mais je ne suis pas sûr qu’on puisse beaucoup le recentrer, compte tenu des compétences très techniques qu’il nécessite, à la Cnil ou à l’Arcom, par exemple.

La question qui demeure est celle des moyens. Sans vouloir parler au nom de la Commission des sondages, d’après les échanges que nous avons eus avec eux, je peux affirmer que son rôle est important et qu’il suppose un investissement pendant la période de l’élection, mais aussi à d’autres moments. On peut se demander si les moyens mis à sa disposition sont adaptés pour faire face aux enjeux actuels. Il faut également y réfléchir pour Viginum, même si je ne mesure pas ce que ses moyens représentent. Quand des problèmes très nouveaux apparaissent, il faut adapter les moyens.

Pour ce qui est de la CNCCEP, dès lors que celle-ci reste dans la logique ayant présidé à son établissement en 1964, sa force, et peut-être aussi sa faiblesse, est d’être une autorité morale. Son pouvoir de décision sur le matériel électoral est un élément à part, mais pour le reste, la CNCCEP est bien une instance dont les membres sont issus d’institutions reconnues et qui peut ainsi alerter, émettre des avertissements ou contester une conformité avec l’autorité requise. Des moyens techniques supplémentaires ne me semblent pas nécessaires. En revanche, il faut que les autres structures aient des moyens techniques adaptés et qu’elles puissent transmettre leurs observations à la CNCCEP afin que celle-ci use de son autorité morale pour faire respecter l’égalité entre les candidats.

J’ai constaté en 2022 – je pense que nous partageons tous les trois cette appréciation – qu’il n’y avait pas eu d’élément massif qui nous ait inquiété sur les conditions de déroulement de l’élection et que, face aux alertes, nous avions pu réagir avec réactivité et une bonne écoute de nos interlocuteurs. En revanche, je le répète, les moyens techniques des différentes composantes chargées de la surveillance comme la Commission des sondages et Viginum – je ne sais pas si la même question se pose pour la CNCCFP – sont très importants puisque la CNCCEP dépend de leur expertise.

M. Antoine Léaument, rapporteur. Je vous donne le sentiment de la commission d’enquête sur ce sujet. Les moyens de la Commission des sondages représentent une personne à temps plein et deux personnes qui travaillent à la tâche en fonction des sondages. Dans une période comme celle-ci, c’est manifestement suffisant puisque peu de sondages concernent l’élection présidentielle, mais dans une période où cette dernière fait l’objet de davantage de sondages, cela devient compliqué, ce qui rejaillit sur tout le processus qui s’ensuit et qui consiste à formuler des recommandations, voire des mises en demeure, et à faire appliquer la loi.

On peut s’interroger également sur ce qu’on entend par sondage. La loi le définit comme ayant trait de près ou de loin au débat politique. Or, pour l’instant, la Commission des sondages ne contrôle que ceux qui concernent les enquêtes électorales, et non ceux qui auront un impact dans le débat public. Cela soulève le problème des moyens.

Je note également ce point au sujet de Viginum. Il n’a pas été signalé par ses représentants, mais il est vrai que si l’on s’intéresse à l’ingérence étrangère et à ses moyens, notamment numériques, la question peut se poser ; nous y serons attentifs dans notre rapport.

M. le président Thomas Cazenave. Peut-être attendaient-ils la voix d’une autorité morale pour dire qu’il leur manque quelques moyens.

Je vous remercie au nom de la commission pour votre disponibilité et la qualité de nos échanges.

 

La séance s’achève à seize heures.


Membres présents ou excusés

 

Présents. – M. Thomas Cazenave, M. Antoine Léaument