Compte rendu
Commission d’enquête
visant à établir les freins à la réindustrialisation de la France
– Audition, ouverte à la presse, de M. Laurent Guillot, directeur général du groupe Emeis, auteur du rapport « Simplifier et accélérer les implantations d’activités économiques en France » 2
– Présences en réunion................................13
Mardi
15 avril 2025
Séance de 11 heures 30
Compte rendu n° 28
session ordinaire de 2024-2025
Présidence de
M. Charles Rodwell,
Président de la commission
— 1 —
La séance est ouverte à onze heures cinquante.
M. le président Charles Rodwell. Nous accueillons à présent M. Laurent Guillot, directeur général du groupe Emeis, anciennement Orpea. Ce ne sont pas cependant pas vos fonctions actuelles, monsieur le directeur général, que nous sollicitons ici, mais votre expertise en matière d’implantations industrielles. En effet, après avoir passé vingt ans au sein de la direction de Saint-Gobain, vous avez remis au gouvernement, en janvier 2022, un rapport qui concernait la simplification et l’accélération des implantations d’activités économiques en France.
Je vous remercie de déclarer tout intérêt, public ou privé, de nature à influencer vos déclarations.
L’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958, relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, impose aux personnes auditionnées par une commission d’enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.
(M. Laurent Guillot prête serment.)
Je vous remercie et vous laisse la parole.
M. Laurent Guillot, directeur général du groupe Emeis, auteur du rapport « Simplifier et accélérer les implantations d’activités économiques en France ». J’ai passé une vingtaine d’années chez Saint-Gobain pour manager des métiers qui avaient trait, essentiellement, à l’innovation. Le marché était mondial, même si les productions étaient réalisées en France, en Allemagne, en Chine ou aux États-Unis. En ce sens, la localisation, la compétitivité et la concurrence internationale figuraient au cœur des préoccupations.
Quelle est la philosophie que l’on doit adopter en matière de localisation ? Je la résumerai sous la forme de trois C. Le premier est celui de la certitude, non quant aux marchés finaux, aux produits ou aux procédures ou process, pour lesquels les risques sont inhérents au métier d’industriel, mais dans les domaines réglementaire ou fiscal, où le risque ne peut guère être géré, par exemple par la formation de personnels. Si toutefois il peut l’être, c’est beaucoup plus difficile.
Il faut constamment rappeler qu’une implantation industrielle est appelée à durer des dizaines d’années. La première décennie est fondamentale, car c’est au cours de cette période que l’on peut essayer d’avoir un retour sur investissement. Cependant, on sait que certains sites industriels restent actifs pendant vingt, trente ou cinquante ans, voire davantage, comme en témoigne l’usine de Saint-Gobain qui est implantée à Pont-à-Mousson, en Meurthe-et-Moselle, depuis 1856. Choisir la localisation d’une activité industrielle est le fruit d’une réflexion longue et approfondie sur l’environnement, lequel doit être aussi fiable que possible. Toutes les mesures de stabilité et de simplification réglementaire et fiscale sont donc fondamentales et prises en compte par les entreprises. À cet égard, si le président des États-Unis veut que des activités industrielles soient relocalisées dans son pays, sa valse-hésitation quant aux taxes, si elle peut donner satisfaction à ceux qui sont déjà sur place, risque de faire hésiter ceux qui réfléchissent à investir sur le sol américain.
Le deuxième C est celui de la compétence. Je me souviens d’une réflexion que nous avions menée, au sein de Saint-Gobain, au sujet d’une localisation en France ou en Allemagne. Si les écarts de coûts ou d’aides publiques entraient en ligne de compte, l’un des critères fondamentaux de la décision était la possibilité, ou non, de mener à bien l’innovation envisagée avec les compétences disponibles sur place – ou que l’on pouvait faire venir. La proximité des centres de R&D – recherche et développement –, les dispositifs de soutien à l’innovation, les écoles, les lycées professionnels, l’apprentissage ou l’enseignement de la science étaient essentiels. J’ajouterai que, depuis quelques années, les compétences numériques, en intelligence artificielle (IA) notamment, sont de plus en plus indispensables pour rendre les usines performantes.
Quant au troisième C, le coût – travail, énergie, fiscalité, etc. –, je ne m’y attarderai pas car il en a déjà été beaucoup question. Il me semble toutefois que, si l’on veut soutenir la réindustrialisation, il faut être drastiquement sélectif. Lorsque l’on n’a pas beaucoup d’argent, et dès lors que les dépenses publiques ne sont pas extensibles à l’infini, il faut privilégier, et de façon massive, les entreprises qui pourraient être remplacées par des concurrentes étrangères, celles qui sont à haute valeur ajoutée et celles qui sont un vecteur de souveraineté. A contrario, un soutien généralisé dilue l’efficacité des aides.
Ces trois C – certitude, compétence et coût – me semblaient donc être les critères sur lesquels nous nous fondions pour décider d’une implantation industrielle.
C’est au titre de mon expérience et de mes années passées chez Saint-Gobain que le gouvernement de Jean Castex m’a confié une mission sur la simplification et l’accélération des installations, en France, d’activités industrielles. Mon approche a été concrète, quantitative et comparative. Le plus important, selon moi, était de disposer de données chiffrées opposables en matière de délais réels d’implantation, que l’on puisse comparer à celles en vigueur à l’étranger.
Si l’on considère les délais théoriques en France et en Allemagne, deux pays soumis aux mêmes réglementations européennes, on constate que ces délais sont proches, à un mois près. Ils sont en revanche bien plus courts en Pologne, pourtant soumise, elle aussi, aux règles communautaires. Bruxelles n’est donc pas en cause en la matière. Les délais réels sont quant à eux très différents ; en France – dix-sept mois –, ils sont même deux fois plus longs que les délais théoriques, donc, globalement, deux fois plus longs qu’en Allemagne – neuf mois – et trois fois plus longs qu’en Pologne – cinq ou six mois en Pologne.
Qu’est-ce que cela signifie ? Que ces délais ne relèvent, principalement, ni des lois ni des règlements, mais de leur application. En allant sur le terrain, dans les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal) ou les préfectures, j’ai rencontré des fonctionnaires de bon niveau, engagés et défenseurs de l’intérêt public. Par conséquent, le problème tient au management public et à la définition des priorités. Ces fonctionnaires de bonne qualité, appréciés, sont confrontés à des instructions contradictoires entre lesquelles on leur demande d’arbitrer, ce qui très difficile lorsque des intérêts s’opposent. Il convient donc de définir des priorités publiques et de les suivre grâce à des indicateurs, tels que le délai moyen d’obtention.
Cela implique un changement profond, d’ordre culturel. Nous sommes en effet dans une culture de contrôle ex post plutôt que dans une culture d’appui ex ante. Un exemple : un fonctionnaire de la Dreal nous a confié que, si un industriel lui demandait où construire une usine, il lui dirait de le faire à tel ou tel endroit parce que les préoccupations environnementales y sont moindres ; et si ce même industriel pose la même question à un maire, celui-ci lui répondra qu’il dispose, sur son territoire, d’un terrain adéquat alors que, toujours selon ce fonctionnaire, ledit terrain se trouve dans une zone extrêmement sensible en matière environnementale. Remplacer le contrôle ex post par le conseil ex ante est donc l’un des changements proposés dans notre rapport. Dans une culture de conseil et d’appui ex ante, la question du foncier est cruciale, notamment en matière de préparation des sites. Certaines autorités publiques ont des préoccupations environnementales légitimes, cependant que les maires et les collectivités locales en ont d’autres, tout aussi légitimes. Il faudrait une structure capable d’arbitrer en vue de préparer des sites « clés en main ». Que nous apprend l’exemple polonais ? Que, s’il ne faut que cinq mois pour obtenir toutes les autorisations et pour commencer les travaux, c’est parce que le site a été préparé en amont, qu’il a été relié aux réseaux, partant qu’il est beaucoup plus simple à exploiter.
J’aimerais aussi formuler quelques propositions qui iront un peu plus loin que celles de mon rapport.
Pour ce qui est de la certitude – et même si cela peut sembler banal –, une certaine abstinence réglementaire et fiscale est nécessaire, et elle permettrait de lever un frein à l’investissement. La gestion par indicateurs et grands objectifs, en donnant par exemple aux administrations chargées de la réindustrialisation un délai pour réduire de la réglementation, pour délivrer une autorisation ou un nombre de terrains disponibles, irait également dans le bon sens.
La question des compétences est compliquée, car elle relève de l’éducation, de la réforme de la formation professionnelle et de l’investissement dans les sciences, tous domaines qui s’inscrivent dans le temps long. À plus court terme, et alors que l’effort consenti en France me semble moins important que chez nos voisins, un investissement massif dans le numérique et l’intelligence artificielle, à l’échelle de toute la population, est indispensable.
Enfin, pour ce qui est des coûts, je ne vais pas vous proposer des économies ou des réductions de charges sociales, car le budget de la France ne permet pas. En revanche, il faut de la sélectivité, encore de la sélectivité, toujours de la sélectivité. Il est nécessaire d’investir d’abord dans l’industrie de demain, celle qui est délocalisable, à forte valeur ajoutée et qui revêt un enjeu de souveraineté. Et il faut, au contraire, des aides moins saupoudrées et moins ciblées sur les entreprises et services non délocalisables.
Voilà, en résumé, ce que j’ai pu apprendre de mes vingt années passées dans l’industrie.
M. le président Charles Rodwell. Quel retour d’expérience pouvez-vous faire des mesures qui ont été mises en œuvre à la suite de la publication de votre rapport ? Je pense notamment au déploiement des sous-préfets à l’investissement, qui ont été déclinés dans chaque département ou chaque arrondissement. Quels enseignements cette mesure vous inspire-t-elle ?
Concernant la loi du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte, également élaborée après certaines de vos recommandations, comment jugez-vous la mise en œuvre des crédits d’impôt sectorisés et très précisément ciblés que nous avons votés ? Que vous inspire la parallélisation des procédures, également mise en œuvre dans le cadre de cette loi ?
Quelles leçons tirez-vous de l’Inflation Reduction Act (IRA) américain de 2022 et de la politique tarifaire et douanière de Donald Trump mis en œuvre aux États-Unis ? Certaines de ces mesures doivent-elles nous inspirer pour notre propre politique industrielle, en France et en Europe ?
M. Laurent Guillot. Comme vous le savez, peu après la publication du rapport j’ai pris d’autres fonctions, qui m’ont quelque peu éloigné de ces questions. Le temps consacré au redressement d’Orpea, à l’époque, puis d’Emeis ne m’a pas permis de faire le suivi exhaustif de ce que j’avais proposé. Je serai donc modeste quant aux conclusions que je pourrais faire.
Ce dont je suis convaincu, c’est que la parallélisation des procédures est une bonne chose pour la rapidité de mise en œuvre des investissements – laquelle a été légèrement améliorée –, mais également pour la qualité du débat public. Une précision cependant : les indicateurs que j’appelais de mes vœux, d’après ce que j’ai pu observer, n’ont pas été suivis ; de sorte que l’effet réel sur la rapidité n’est pas encore mesuré de façon tout à fait objective. Il s’agissait pourtant de l’un des points fondamentaux du rapport. De fait, la loi a été modifiée et nous disposons de chiffres qui peuvent servir d’indicateurs de l’efficacité de l’administration. Or, en l’absence de suivi, les résultats ne peuvent être objectivés. Il serait pourtant très facile, de mon point de vue, de demander aux services de l’État de fournir ces indicateurs afin d’évaluer l’impact réel des mesures concernées.
La difficulté, néanmoins, est que mon rapport se concentrait pour l’essentiel sur l’amélioration de l’efficacité des services puisque, comme je l’ai rappelé dans mon propos liminaire, les délais théoriques étaient de neuf mois, contre dix-sept pour les délais réels. Améliorer la loi nous permettrait de passer de neuf à six ou sept mois de délais théoriques, mais le gros du travail porte sur leur alignement avec les délais réels. Or, faute de mesure, on ne peut pas savoir ce qui a réellement changé.
S’agissant des crédits d’impôt, je n’ai pas d’avis. Quant à l’IRA, les retours sont excellents. Beaucoup d’investissements faits aux États-Unis s’appuient sur des aides ; c’est une bonne façon de faire de la politique industrielle car elle permet bien entendu de baisser les coûts, mais aussi de donner une forme de sécurité et de visibilité à long terme.
Je ne puis évidemment avoir totalement le même avis sur la politique tarifaire et douanière mise en place par l’administration Trump. On pourrait discuter d’une politique tarifaire stable, qui aurait réellement un impact, mais qui, je pense, renchérirait l’ensemble des coûts pour toute l’économie américaine. Si l’on impose des droits de douane de 10 % – et même si l’économie américaine n’est pas très ouverte –, il y aura un petit effet inflationniste général, qui peut se discuter. En revanche, les variations quasi quotidiennes de ces droits, pour tel ou tel pays, et l’incertitude dans laquelle se trouvent les industriels ont, j’en suis sûr, des effets très négatifs pour qui souhaite investir aux États-Unis.
M. Alexandre Loubet, rapporteur. Peut-être avez-vous vu que, dans le cadre de d’examen du projet de loi de simplification de la vie économique qui vient de passer en séance publique à l’Assemblée nationale, le recours à la Commission nationale du débat public (CNDP) avait été supprimé pour les grands projets industriels. En matière d’implantation de projets industriels, considérez-vous la saisine de cette instance indispensable ou, au contraire, facultative ?
Le projet de loi « industrie verte » prévoyait la parallélisation des procédures administratives, avec la consultation du public. Identifiez-vous d’autres procédures qui pourraient être parallélisées pour raccourcir les délais ?
M. Laurent Guillot. Concernant la CNDP, ce qui est important, à la fois vis-à-vis de la communauté et des principes démocratiques, c’est qu’il y ait une concertation. Si elle est bien menée, elle est fondamentale pour un industriel car elle permet de nouer une relation avec le territoire, et ce dans la durée. Je le répète, la stabilité est très importante pour un industriel, et une telle relation contribue à cette stabilité. On sait que la concertation donnera lieu à des oppositions – personne n’a envie d’avoir une usine dans son jardin, c’est normal –, mais l’engager le plus tôt possible permet d’avoir des discussions approfondies avec les citoyens et les pouvoirs publics. Quant aux modalités de son organisation, elles peuvent être flexibles dans l’ensemble des pays européens. Une saisine systématique de la CNDP ne me paraît pas justifiée, mais il ne s’agit pas d’un point dirimant dès lors qu’une telle saisine, je le répète, permet de gagner du temps.
En matière de parallélisation des procédures, les choses semblent se faire normalement. Auparavant, la procédure prévoyait une instruction par un premier service de l’État, puis une instruction par les autorités environnementales – cela faisait donc deux instructions – et, enfin, la consultation du public. Il s’agissait d’une approche historiquement très française, selon laquelle, une fois que toutes les consultations au sein de l’État avaient été faites et que ce dernier avait donné son accord, il était possible de proposer le projet à la population – laquelle, en réalité, n’avait plus grand-chose à dire puisque tout avait été « tamponné » en amont. Désormais, le fait de consulter les citoyens au début du processus permet aux industriels et aux services de l’État de tenir compte de leur perception et d’incorporer leurs commentaires dans leur propre travail. De même, grâce à la consultation des associations, qui ont parfois une meilleure connaissance du terrain que les services publics, on peut améliorer l’acceptabilité et réduire les délais.
Fondamentalement, les délais sont acceptables lorsqu’ils sont respectés. Le sont-ils ? Les délais sont suivis à la direction générale de la prévention des risques (DGPR), mais ces données ne sont pas publiques, alors qu’il serait intéressant de suivre leur évolution.
M. Alexandre Loubet, rapporteur. Quelles préconisations feriez-vous, concrètement, pour améliorer les relations entre les services déconcentrés et les services décentralisés, notamment pour dégraisser le millefeuille administratif qui, par son existence même, représente une très grande complexité pour les entreprises, notamment étrangères, qui souhaiteraient s’implanter dans notre pays ?
M. Laurent Guillot. Je ne me prononcerai pas sur le millefeuille administratif car cette question, très complexe, requiert des compétences que je n’ai pas.
Ce qui a été déployé et que j’avais préconisé, à savoir la mise en place de points de contact, permet de gérer l’ensemble des relations, mais aussi de faire de la gestion de projet. Ces points de contact – en l’occurrence les sous-préfets –, qui représentent l’État dans l’ensemble de ses compétences, ont la capacité de gérer à la fois les projets et les fonctionnaires qui en ont la charge. Normalement, dans une telle organisation, où les délais sont suivis par des indicateurs très clairs, les performances doivent s’améliorer très rapidement – et ce indépendamment du millefeuille administratif.
M. Alexandre Loubet, rapporteur. En ce qui concerne le foncier, la France est un des pays les moins denses d’Europe ; les objectifs de zéro artificialisation nette au sein de loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite « loi ZAN », sont souvent décriés par les industriels et par les élus locaux. L’association Intercommunalités de France estime ainsi que 90 % des intercommunalités n’auront plus de foncier disponible en 2030 pour accueillir des usines – et je ne parle même pas du foncier qui peut être nécessaire pour bâtir des logements, conséquence induite par l’implantation d’usines. Quel regard portez‑vous sur la loi ZAN telle qu’elle a été votée ? Même question pour la proposition de loi Trace – trajectoire de réduction de l’artificialisation concertée avec les élus locaux –, qui en permet un léger assouplissement.
M. Laurent Guillot. Les motivations initiales de la loi ZAN sont louables, et il suffit de voir ce que sont devenues les périphéries des villes pour les comprendre. Ces zones sont le résultat du manque de planification ; imposer quelques contraintes sur le foncier était une bonne idée. L’étude d’impact de la loi a cependant loupé quelques points importants, notamment pour ce qui est du foncier disponible. Partant, le fait qu’elle soit légèrement amendée pour apporter un peu de flexibilité va dans le bon sens ; il faudra sans doute aller un peu plus loin encore. En attendant, voyons comment se développe l’industrie ; si les contraintes sont trop fortes, il faudra les desserrer. Les besoins en matière de foncier industriel, dans le cadre d’une politique dynamique de réindustrialisation, sont assez importants. Comme je l’ai dit tout à l’heure, ce qui est crucial est de parvenir à produire très rapidement du foncier disponible pour réindustrialiser, c’est-à-dire du foncier « clés en main ». Concrètement, c’est ce qui se fait dans les zones industrielles ou d’activités, qui sont préparées à l’avance, raccordées à l’eau et à l’électricité, voire au réseau ferroviaire. Il s’agit en somme d’aménagement du territoire, travail du ressort des élus – avec le soutien de la puissance publique –, qui doivent planifier, organiser et s’assurer que du foncier est disponible pour l’industrie. Il nous faut une production continue de foncier, pilotée au niveau régional, à l’échelon responsable en matière de planification. Beaucoup de projets de taille moyenne, parfois de grande ampleur, butent encore sur des problèmes de foncier. En revanche, quand il s’agit de projets gigantesques, tous les pouvoirs de l’État se mobilisent et finissent par trouver une solution. Quant au logement, c’est encore un autre sujet.
M. Alexandre Loubet, rapporteur. Les sites « clés en main » que vous évoquez permettent à une entreprise de s’installer immédiatement, ou presque. Environ 2 900 hectares relèvent de ce dispositif en France : comment expliquez-vous les difficultés qu’il y a à le généraliser ? S’agit-il d’un manque d’effectifs dans nos préfectures ou plutôt d’une méconnaissance – je suppose que ce n’est pas le cas – de la part des collectivités pour sélectionner des territoires, voire d’une relative indifférence ? Pourquoi, selon vous, ces sites « clés en main » ne sont pas davantage développés ?
M. Laurent Guillot. C’est une bonne question, sur laquelle nous ne nous sommes pas penchés dans le cadre du rapport. La loi ZAN était clairement identifiée comme un frein par les élus. Quant aux services de l’État, je ne pense pas qu’ils soient sous-dotés. Ils ont certes beaucoup de priorités, mais si on leur demande de se concentrer sur celle-là, ils le feront avec vélocité et plaisir. C’est très difficile pour un élu – vous en êtes un, vous savez cela mieux que moi – d’accepter l’implantation d’une usine sans savoir ce qu’elle fait, ce qu’elle produit – dans ce cas, le risque est que l’élu n’ait finalement pas envie de voir arriver cette usine. Il faut faire preuve de pédagogie en disant, par exemple, que le terrain en question ne sera peut-être jamais utilisé. Le niveau d’incertitude est très élevé et je pense qu’il s’agit du principal frein au développement des sites « clés en main ». Le rôle des services de l’État et des élus est de réserver des terrains, peut-être en instaurant des catégories, mais sans rendre le dispositif trop complexe.
La méthode employée par un petit industriel pour trouver un site d’implantation est encore, souvent, celle d’un amateur : il cherche, rencontre un maire et, si la prise de contact se passe bien, il décide de s’installer. Ces entreprises doivent être mieux accompagnées car, en matière de recherche de terrain, nous en sommes encore à l’ère préindustrielle, malgré le travail accompli par Business France, les services déconcentrés ou ceux de Bercy. En Pologne ou en Chine, des zones industrielles gigantesques sont construites car les questions de destination se posent moins et il suffit de choisir un terrain. Mais j’imagine que c’est plus compliqué pour de petites entités.
M. Alexandre Loubet, rapporteur. L’implantation d’une industrie dépend de son écosystème, que ce soit, par exemple, en matière de raccordement électrique ou de présence à proximité de sous-traitants pertinents pour son activité. Or j’ai le sentiment que le déploiement des sites « clés en main » ne se fait pas tellement avec la volonté de développer certaines filières spécifiques, mais au gré de la disponibilité de certains fonciers. En conséquence, peut-être ne répondons-nous pas comme il le faudrait aux demandes de groupes français ou étrangers qui souhaiteraient s’implanter. Avez-vous un avis sur ce point ?
M. Laurent Guillot. Vous avez raison. Ce qui est difficile, lorsque l’on recherche un terrain pour s’installer, c’est qu’il faut réunir les trois C précédemment évoqués, mais aussi qu’il y ait du foncier disponible. Le cas de Dunkerque, où l’on a installé un pôle et développé des compétences autour de lui, prouve cependant que l’on peut et que l’on sait spécialiser une zone. Mais il est très compliqué de répondre ex ante à tous les besoins spécifiques d’un industriel sans le connaître. Nous buterons toujours sur cette difficulté et, à cet égard, nos voisins ne sont pas franchement meilleurs que nous. Il n’y a pas de recette miracle : il faut prendre chaque dossier et le traiter de manière spécifique.
M. Alexandre Loubet, rapporteur. Ces sites « clés en main » permettent d’anticiper les besoins des industriels. Si cette anticipation est primordiale, elle n’est pas la seule à l’être : l’accélération des procédures l’est également. En effet, tous les terrains sur lesquels les industriels souhaitent s’installer ne sont pas forcément « clés en main ». Que pensez-vous de la mise en place d’une mesure qui permettrait d’accélérer les procédures environnementales, notamment dans les situations qui relèvent de la raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM) ? De même, que pensez-vous de l’idée d’appliquer cette RIIPM à tout projet industriel créateur de nombreux emplois qui s’implanterait sur une friche industrielle – bénéficiant d’un statut défini par la loi –, ce qui leur permettrait notamment, pour aller plus vite, de déroger aux règles de protection d’une espèce ou d’un habitat naturel protégés ? Précisons que les éoliennes bénéficient très régulièrement – mais pas systématiquement – d’un tel dispositif alors que, à ma connaissance, elles ne créent pas d’emplois directs sur place, là où elles sont installées. Il me semblerait pragmatique et pertinent, au vu de ce « deux poids deux mesures », d’accorder une telle dérogation à tout projet industriel créateur de nombreux emplois qui s’implante sur un site qui, par définition, est déjà artificialisé.
M. Laurent Guillot. Votre question est très pointue. Le sujet des friches industrielles est particulier. Un industriel ne rêve pas spécialement de s’installer sur un tel site, qui représente un coût à court terme et qui implique une part d’incertitude quant aux produits que son sol renferme. La réglementation en vigueur peut en effet changer si l’on découvre, quinze ans après l’installation de l’entreprise, qu’un produit enfoui dans le sol est toxique. Or l’industriel ne sait rien de cette réglementation ni de son évolution future lorsqu’il s’installe. Dès lors, comment lui donner une forme de rescrit pour qu’il ne prenne pas de risque financier potentiellement considérable, tout en respectant et en préservant l’intérêt public ? Un équilibre délicat doit être trouvé : cela explique en partie les difficultés que l’on rencontre à réindustrialiser les friches, alors qu’elles restent la meilleure option en ce qu’elles permettent d’éviter le recours à des terrains vierges, agricoles notamment. En outre, les friches abritent souvent une biodiversité riche, qui peut paradoxalement être liée aux produits déposés dans le passé. Ce sont alors de véritables pièges, qui nécessitent une approche spécifique.
Dès lors, faut-il déroger complètement aux règles environnementales ? Je pense plutôt qu’il faut trouver un équilibre et que l’on n’échappera pas, à un moment ou à un autre, à l’analyse de la richesse environnementale de la friche. Il vaut mieux, dans ce cas-là, procéder à un « inventaire quatre saisons » et voir comment préparer le terrain, très en amont, plutôt que d’accorder une exemption complète à un industriel. L’enjeu est de trouver un équilibre entre les populations, l’environnement et l’installation d’entreprises nécessaire pour l’emploi.
M. Alexandre Loubet, rapporteur. Une proposition tout à fait pertinente a retenu mon attention dans le rapport de M. Mouchel-Blaisot et de M. Noisette, qui consiste « à garantir pendant cinq ans la stabilité des règles environnementales opposables aux projets par la création d’un certificat environnemental ». Les auteurs évoquent notamment les entreprises qui s’installent sur des sites « clés en main ». J’aimerais connaître votre avis sur cette approche – même si vous partagez sans doute le point de vue MM. Mouchel-Blaisot et Noisette.
M. Laurent Guillot. Tout à fait, et je trouve même que le délai de cinq ans n’est pas assez long. Pour une nouvelle usine, un retour sur investissement ou payback avant dix ans est un bon résultat. Pour des projets d’industrie lourde, c’est parfois plus long. Par conséquent, assurer une certaine stabilité, sous toutes ses formes – à l’image, par exemple, de la clause de la nation la plus favorisée –, qui permettrait de garantir que la situation ne sera pas demain plus difficile que ce qu’elle est aujourd’hui, serait très favorable.
M. Alexandre Loubet, rapporteur. Actuellement, le délai d’instruction des dossiers pour les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) est de près d’un an, ce que déplorent souvent les industriels. Considérez-vous, d’après les échanges que vous avez pu avoir avec les différents services de l’administration, qu’il serait possible de réduire ce délai de quelques mois ou, au contraire, l’estimez-vous justifié et difficilement compressible ?
M. Laurent Guillot. Grâce à la « loi industrie verte », qui a permis la parallélisation, un objectif de six à neuf mois – selon la complexité des projets – me paraît envisageable. C’est ce que font nos voisins, dans le cadre de la même réglementation communautaire, et c’est ce que prévoient nos délais théoriques. Un dossier complexe pouvait théoriquement être instruit en neuf mois avant la réglementation « industrie verte » ; il peut désormais l’être en sept ou huit mois. C’est donc tout à fait possible, mais cela nécessite un changement d’organisation et de pilotage au sein des services de l’État, qui coordonnent l’ensemble des actions. Une publication transparente des délais réels moyens, année après année, permettrait aussi de fournir des éléments d’incitation aux équipes, au sein des Dreal et des territoires, pour les aider à s’améliorer. C’est un indicateur qu’il serait important de suivre.
M. Alexandre Loubet, rapporteur. Il existe un organisme au sein du ministère de l’écologie, le Conseil national de protection de la nature (CNPN), qui passe souvent sous les radars. L’avez-vous auditionné ou avez-vous rencontré ses membres dans le cadre de votre rapport ? Il joue, en effet, un rôle central puisque la justice s’appuie sur ses avis lorsqu’il est question de problématiques environnementales, notamment lors de recours face à des projets industriels. À en croire votre réaction, vous ne semblez pas avoir eu affaire au CNPN. Pouvez‑vous cependant me donner votre avis sur la pertinence de cet organisme ?
M. Laurent Guillot. Nous n’avons pas pu étudier la question des recours dans le détail car nous n’avions pas de chiffres. Or ce qui est important est de pouvoir s’appuyer sur des données – pas sur les impressions des uns et des autres – pour savoir combien de recours ont réellement été déposés, notamment contre des projets industriels, pour connaître leur durée moyenne ou leur impact sur la décision finale. Nous nous sommes pourtant rendus au ministère de la justice, mais nous n’avons pas pu obtenir ces chiffres.
M. Sébastien Huyghe (EPR). J’ai l’impression que le dépôt de recours, divers et variés, notamment contre des projets industriels, est devenu un sport national. J’ai en tête l’annulation des autorisations qui ont permis de lancer la construction de l’autoroute A69 – qui n’est pas un projet industriel, mais d’infrastructure –, en Occitanie. Cette autoroute était en cours de construction et je ne vois pas très bien comment on peut remettre les terrains en état.
Que peut-on faire pour dissuader plus fortement les recours infondés, mais aussi pour accélérer les délais de réponse à ceux qui le sont et lancer ainsi la construction de l’outil industriel ?
Comme vous l’avez détaillé au début de cette audition, parmi les trois C figure celui de la certitude, en l’occurrence la certitude de pouvoir implanter une activité industrielle sur notre territoire dans des délais raisonnables. Nous avons reçu avant vous l’ancien « sous-préfet Toyota », M. Fiscus, qui estime possible de renouveler l’exploit qui a permis d’autoriser en trois ans l’implantation de l’usine du constructeur japonais. Mon avis est plus mitigé, notamment en raison des recours.
M. Laurent Guillot. J’ai été mandaté par quatre ministres, mais pas par celui de la justice. C’était un motif de frustration. Je ne sais si cela a eu un effet sur notre capacité à avoir accès à des données chiffrées sur les recours ou si l’outil statistique ministériel ne permettait pas de sortir ces données. Il serait important de le savoir et d’assurer un suivi de notre mission sur cette question, qui est fondamental.
En outre, nous n’avons pas rencontré beaucoup d’industriels qui avaient dû faire face à un recours et qui en avaient tiré des conséquences quant aux délais. Nous avons essayé d’explorer cette piste autant que possible, mais nous n’avons pas avancé. Au bout du compte, comme nous ne pouvions pas nous appuyer sur des chiffres, il nous était difficile de faire une proposition qui aurait reposé sur quelques témoignages d’industriels seulement.
M. Alexandre Loubet, rapporteur. Revenons à l’A69. Les travaux de construction ont été interrompus, alors qu’ils étaient bien avancés, au motif que le chantier menacerait des espèces protégées. Comment peut-on éviter de tels dysfonctionnements, qui relèvent du scandale pur et simple, alors que la construction de cette autoroute est un projet d’intérêt supérieur pour le pays ?
M. Laurent Guillot. Vu de loin, ce dossier paraît très compliqué et il est de l’intérêt public de bien l’étudier. Mais je ne me prononcerai pas sur ce sujet, car je ne le connais pas.
M. Alexandre Loubet, rapporteur. Des responsables de petites et moyennes entreprises et industries (PME-PMI) de ma circonscription me font souvent remarquer que, dès lors qu’il s’agit de grands projets, que ce soit ceux de Notre-Dame, d’EuroDisney, de Toyota ou encore des fameux projets d’intérêt national majeur (PINM), l’État accorde de multiples dérogations – c’est en tout cas leur ressenti. En revanche, les PME ou les ETI – entreprises de taille intermédiaire –, qui constituent notre socle industriel et qui, sans vouloir minorer, loin de là, le rôle des gros industriels et des grands projets, représentent les deux tiers du potentiel de réindustrialisation de la France, n’y ont malheureusement pas droit. La dérogation générale ne devrait-elle pas devenir la norme, en matière de règles environnementales notamment ?
Je reviens sur la proposition que j’ai faite tout à l’heure, à savoir accorder le régime dérogatoire de la RIIPM aux projets industriels, en le limitant aux friches industrielles – pour ne pas faire n’importe quoi sur des terrains vierges. Ces friches, qui sont des sols déjà artificialisés – même si la nature a pu y reprendre un peu ses droits – et qui, en ce sens, participent de la sobriété foncière, représentent au minimum de 100 000 à 150 000 hectares dans notre pays. Cette dérogation offrirait, qui plus est, un bonus à un industriel qui accepterait de s’installer sur ce type de terrain déjà artificialisé, alors même que, vous l’avez rappelé, il ne sait pas ce que le sol de cette friche abrite, inconnue qui laisse planer le risque d’une éventuelle dépollution.
M. Laurent Guillot. Oui, il y a clairement une différence de traitement entre les grands projets et les projets plus modestes, et c’est légitime. L’installation d’un site industriel comme celui de Toyota change profondément le territoire, et ce pour des dizaines d’années, peut-être même des siècles. Qu’il y ait un dispositif public particulier, de suivi et d’accompagnement notamment, pour permettre à ce genre d’entreprise de s’installer est normal. On critiquerait sans doute vertement, et à juste titre, tout gouvernement qui s’en affranchirait.
Il est tout aussi normal que le dirigeant d’une PMI se demande pourquoi il n’a pas droit au même traitement. C’est justement l’objet, dans notre rapport, du dispositif d’accompagnement à l’investissement par le sous-préfet, lequel aiderait le dirigeant à passer tous les obstacles administratifs. Un tel dispositif n’est pas très différent de celui qui est prévu pour les grands projets, si ce n’est que, pour ceux-ci, le gestionnaire est le préfet, lequel prend ses ordres directement auprès du gouvernement, avec une capacité d’action beaucoup plus grande. Mais, à son niveau, le sous-préfet dispose potentiellement des mêmes prérogatives.
Les éléments dirimants ne sont pas si fréquents que cela, pour peu que l’on s’y prenne suffisamment en amont. En revanche, si l’on s’entête à s’implanter sur un terrain qui abrite des espèces très protégées, les choses deviennent plus compliquées car il est nécessaire de faire respecter les lois de protection de l’environnement. Je ne suis pas d’avis que l’on s’en affranchisse, et je reste prudent sur la question de l’équilibre entre l’environnement et l’industrie. C’est une question qui peut être réglée si l’on anticipe et si les services de l’État aident les industriels à s’installer au bon endroit. Cela d’autant que, comme vous l’avez rappelé, l’Hexagone ne manque pas de terrains. En outre, si l’on passe en force, il risque d’y avoir des procédures contentieuses plus tard, ce qui représente une grande source d’incertitude. Peut-être avez-vous entendu parler, par exemple, de l’installation de l’usine Tesla en Allemagne – pays pourtant très accueillant en matière d’investissements –, qui a pris beaucoup de retard à cause de normes environnementales non respectées.
M. le président Charles Rodwell. Avez-vous procédé à une comparaison avec d’autres pays européens en matière de gestion foncière ? Si oui, quelles recommandations pourriez-vous faire en matière de gestion des friches, de parallélisation des procédures ou de négociations entre les autorités responsables de l’environnement et celles qui ont en charge l’implantation d’activités industrielles ?
Que pensez-vous d’une proposition d’incitation fiscale sur les friches ? Il s’agirait, tout en respectant la propriété privée, de fiscaliser la détention de friches, puis d’alléger cette fiscalité, grâce à un crédit d’impôt, si des mesures de dépollution du terrain sont prises. Une fois dépolluée et mise à niveau, cette friche pourrait être vendue. Ce peut être le cas, par exemple, lorsqu’une friche industrielle se trouve en centre-ville ou dans une zone d’activités et qu’elle nuit à l’écosystème environnant. Ce sont les élus qui décideraient ou non de mettre en œuvre cette fiscalité, selon leurs problématiques locales.
M. Laurent Guillot. Nous avons effectivement fait une comparaison entre quelques pays européens concernant les procédures et les modes de fonctionnement. C’est d’ailleurs ce qui nous a permis de conclure que la France était le seul pays d’Europe à faire une consultation du public à la fin de la procédure, une fois que l’ensemble du travail des administrations était achevé. La plupart des pays européens procèdent à cette consultation dès le début, parallèlement à toutes les autres étapes de la procédure. Nombre d’administrations et de conseils – y compris juridiques – que nous avons consultés nous ont pourtant affirmé que le droit communautaire empêchait que cette consultation intervienne au début. La comparaison avec d’autres pays européens nous a permis de signaler que la question ne relevait pas du droit communautaire mais du droit interne, lequel est modifiable ; d’où notre proposition mise en œuvre à travers la loi « industrie verte ».
Concernant la gestion du foncier nous n’avons pas remarqué de différences considérables, si ce n’est qu’il est difficile de trouver du foncier de taille significative en Allemagne et que, au contraire, des terrains de ce type sont disponibles en quantité au sein d’immenses zones industrielles dans des pays plus « neufs », comme la Pologne.
La question des friches est, j’en suis d’accord, tout à fait centrale. Il s’agit de foncier déjà exploité, parfois dégradé, et qu’il faut réutiliser. Votre proposition me paraît un peu compliquée et je ne suis pas sûr de l’avoir totalement comprise. J’en ai bien saisi le mécanisme, mais je ne suis pas sûr d’en voir les avantages ou les inconvénients, ni quelles sont les incitations possibles dans un tel dispositif.
M. le président Charles Rodwell. Il s’agit d’inciter à la vente de friches. Cette proposition m’a été faite par plusieurs associations d’élus locaux, lesquels déclarent que, au cœur de leur stratégie de réindustrialisation et d’implantation de nouvelles entreprises dans leur territoire, une partie des friches, qui sont détenues par des propriétaires privés – et ils respectent bien sûr la propriété privée – nuisent à la dynamique globale de leur centre-ville ou de leurs zones d’activités. Quels outils pourrait-on leur fournir afin d’inciter à la dépollution de ces friches en vue de les vendre, de les mettre à disposition ou de les allouer à de nouvelles activités ?
M. Laurent Guillot. Je comprends cette question lorsqu’elle concerne un centre-ville qui abrite une « dent creuse », une ancienne usine dont le sol est pollué, sur lequel il est difficile de créer des logements et que le propriétaire veut garder pour se protéger des recours environnementaux. C’est un sujet qui mérite que l’on s’y penche. Il est parfois nécessaire de faire évoluer la propriété foncière en centre-ville mais, pour une friche située en pleine campagne, je doute de l’intérêt public d’une fiscalité particulière – mais ce n’est que mon intuition.
M. le président Charles Rodwell. Je vous remercie pour votre présence et pour cette audition très intéressante. Je vous rappelle que vous pouvez compléter nos échanges en répondant au questionnaire qui vous a été adressé et en envoyant à notre secrétariat tout document que vous jugerez utile pour les travaux de notre commission d’enquête.
La séance s’achève à douze heures cinquante.
Présents. – M. Sébastien Huyghe, M. Alexandre Loubet, M. Charles Rodwell