Compte rendu
Commission d’enquête
visant à établir les freins à la réindustrialisation de la France
– Audition, ouverte à la presse, de Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche, ancienne ministre déléguée chargée de l’industrie 2
– Présences en réunion................................19
Mercredi
4 juin 2025
Séance de 11 heures 30
Compte rendu n° 49
session ordinaire de 2024-2025
Présidence de
M. Charles Rodwell,
Président de la commission
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La séance est ouverte à onze heures trente.
M. le président Charles Rodwell. Nous poursuivons les auditions de la commission d’enquête visant à établir les freins à la réindustrialisation de la France en entendant Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
Madame Pannier-Runacher, avant d’être ministre, vous avez travaillé à la Caisse des dépôts et dans plusieurs groupes, notamment automobiles. Vous avez également été secrétaire d’État, ministre déléguée chargée de l’industrie pendant quatre ans, ministre de la transition énergétique et ministre déléguée auprès du ministre de l’agriculture.
Je vous remercie de nous déclarer tout autre intérêt public ou privé de nature à influencer vos déclarations.
Par ailleurs, l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958, relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, impose aux personnes auditionnées par une commission d’enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.
(Mme Agnès Pannier-Runacher prête serment.)
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche, ancienne ministre déléguée chargée de l’industrie. Outre les éléments de mon parcours que vous avez eu la gentillesse de rappeler, j’ai été responsable d’une unité commerciale ou business unit de 800 millions d’euros dans l’industrie automobile, lors de la crise de 2011-2013, dirigeante d’une entreprise de 5 000 salariés, ainsi qu’investisseur et membre de la direction exécutive du fonds stratégique d’investissement pendant plusieurs années, lorsque nous avons accompagné des industriels au moment de la crise de 2008-2011.
La réindustrialisation est le fil rouge de mon action depuis près de sept ans au gouvernement et je le dis d’emblée, je suis fière des résultats que nous avons obtenus en la matière. On peut, certes, toujours regarder le verre du côté à moitié vide, mais je vais vous parler du verre à moitié plein.
Entre 2000 et 2016, la France a réduit ses emplois industriels chaque année, à une exception près. Puis le phénomène inverse s’est observé entre 2017 et 2025. La seule année durant laquelle l’emploi industriel n’a pas progressé a été celle de la pandémie de Covid.
Après des décennies d’échec à réindustrialiser notre pays, tous bords confondus, nous avons enfin réussi à ouvrir plus d’usines qu’on en a fermées, et à passer le cap des 100 000 emplois nets créés. Comparé aux 2 millions d’emplois détruits entre 1980 et 2017, dont 1 million à partir des années 2000, ce mouvement est un frémissement, qui montre aussi que l’industrie est moins intensive en emplois qu’elle ne le fut. Le fait d’avoir une moindre composition « emploi » et une plus forte composition « technologie » est d’ailleurs l’une des caractéristiques de la réindustrialisation. Mais c’est aussi l’une de ses clés, qui mérite réflexion.
Ces succès sont le fruit d’une stratégie cohérente portée par le Président de la République, Emmanuel Macron, avec ses différents gouvernements et dans le cadre des combats que j’ai menés dans mes fonctions successives.
À Bercy, au cours du premier quinquennat, cette action s’est structurée autour de trois éléments.
D’abord, l’instauration d’un environnement plus favorable à l’investissement industriel en France, donc à la prise de risque, dans des secteurs dans lesquels la génération de cash n’est pas la plus aisée et qui ne sont pas les plus recherchés en matière d’investissement. Pour cela, nous avons réformé notre fiscalité en positionnant la France à un niveau d’imposition plus en ligne avec la moyenne européenne, alors qu’elle se trouvait jusqu’alors dans le haut de la fourchette par rapport aux pays comparables, ceux de l’ouest de l’Europe. Il ne s’agissait donc pas de dumping fiscal. Nous avons réformé l’impôt sur les sociétés, la fiscalité des investissements productifs – la réforme de l’impôt de fiscalité immobilière, c’était cela – et les impôts de production. Nous avons également consolidé la baisse du coût du travail entamée sous le quinquennat 2012-2017 et pris des mesures de simplification attendues de longue date, avec la loi du 10 août 2018 pour un État au service d’une société de confiance dite « loi Essoc », la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises dite « loi Pacte » et la loi du 22 mai 2019 d’accélération et de simplification de l’action publique dite « loi Asap ».
Le résultat de ces mesures est concret : chaque année, depuis 2019, la France est classée pays européen le plus attractif pour les investissements étrangers. C’est d’autant plus important que dans un territoire comme les Hauts-de-France, l’emploi industriel dépend à 40 % d’investisseurs étrangers, le plus souvent européens.
Au-delà de cette action structurelle, l’industrie a été placée au cœur de nos politiques économiques. Cela s’est traduit dans différents plans, parmi lesquels Territoires d’industrie en 2018, le plan de relance en 2020, ou encore France 2030 en 2021, qui ont permis d’engager des investissements utiles pour relocaliser des productions critiques et réduire, à partir de 2020, les vulnérabilités mises en lumière par la crise du Covid – autant d’investissements pour soutenir des projets industriels dans tous les territoires, avec un accent particulier sur des secteurs clés comme la santé, le nucléaire, les métaux critiques, l’aéronautique, l’automobile et la souveraineté alimentaire.
J’ai défendu avec détermination le dispositif Territoires d’industrie qui a permis d’accompagner des PME et des entreprises de taille intermédiaire (ETI) industrielles, ainsi que le dispositif Choc industriel dans les bassins d’emploi les plus difficiles. Je me suis pleinement engagée pour sauver des sites stratégiques, notamment à Ascoval, à Saint-Saulve, à Hayange et à Arques. J’ai également travaillé pour compenser des fermetures douloureuses. Je pense à celle de Bridgestone, qui a supprimé 863 emplois à Béthune : notre action a permis de créer plus d’emplois que cette entreprise n’en avait détruits.
Enfin, nous avons engagé la décarbonation de notre industrie. Ce travail s’est avéré crucial pour bâtir un modèle d’avenir et réduire les émissions de gaz à effet de serre, tout en développant des solutions compétitives pouvant nous permettre de gagner des parts de marché au plan mondial. D’une part, nous nous sommes appuyés sur les technologies de l’industrie 4.0, ou « industrie du futur ». Les machines à commande numérique, la digitalisation ou encore la maintenance prédictive permettent de gagner en compétitivité et en agilité. D’autre part, nous avons investi dans la décarbonation des industries les plus émettrices, en l’occurrence dans la chimie lourde, la métallurgie et le ciment – secteurs qui concentrent les trois quarts de nos émissions. Cette décarbonation requiert aussi d’investir dans les filières d’avenir que sont l’hydrogène, les batteries électriques, les matériaux biosourcés, le nucléaire et les composants d’énergie renouvelable, l’enjeu étant de se positionner dans des secteurs qui connaîtront une forte croissance et qui se substitueront aux secteurs en recul.
Il est essentiel d’anticiper cette transformation, qui est mondiale et dans laquelle de nombreux pays sont à la manœuvre, en particulier la Chine, les États-Unis, l’Inde, le Brésil, mais aussi le reste de l’Europe. La situation est similaire à celle de la photographie argentique lorsqu’elle a été confrontée au choc de la photographie numérique : on a intérêt à se trouver dans le wagon du numérique si l’on ne veut pas se retrouver sans industrie du tout. Cela s’observe dans les chiffres, puisque les filières vertes créent deux fois plus d’emplois que les autres et enregistrent une croissance supérieure.
Le plan France 2030, annoncé par le Président de la République en 2021, vise précisément à faire de la France un leader européen et si possible mondial, en particulier dans la décarbonation et le numérique.
À ce titre, j’ai promu la décarbonation industrielle à travers l’initiative des contrats de transition écologique avec les cinquante sites industriels les plus émetteurs, qui représentent près de 40 % des émissions de gaz à effet de serre sur notre territoire. Nous avons obtenu des résultats tangibles. L’objectif était d’anticiper le risque, pour certains industriels, de perdre leurs clients faute de pouvoir rendre compte de la baisse de leurs émissions. De fait, les grands investisseurs étudient désormais ces trajectoires de baisse et arbitrent, dans leurs choix d’investissement, en faveur des entreprises qui font la preuve de la réduction de leurs émissions.
Je suis également fière d’avoir défendu la réindustrialisation dans des territoires touchés par des cycles successifs de désindustrialisation, comme le bassin minier dans lequel nous avons lancé l’implantation d’une « vallée européenne de la batterie électrique », de l’amont à l’aval, avec une perspective de création de l’ordre de 20 000 emplois.
J’ai maintenu cette ambition au ministère de la transition énergétique, où j’ai œuvré pour la relance du nucléaire en France, en Europe et à l’international. Au niveau national, ce travail s’est traduit par l’adoption de la loi du 22 juin 2023 portant sur l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes pour enclencher la relance annoncée par le Président de la République, par une mise à jour du contrat stratégique de filière et par l’exigence de renforcement de la production d’électricité nucléaire d’EDF. Ce renforcement est essentiel, car c’est un gage de notre compétitivité : plus l’on produit d’électricité sur une base d’actifs stables, plus le prix de l’électricité a vocation à baisser. Entre 2022 et 2024, nous avons augmenté notre production d’électricité de plus de 30 % et les prix ont drastiquement baissé, après la crise que nous avons connue au niveau européen. Continuer à pousser la performance industrielle de nos productions est indispensable à notre compétitivité.
Au niveau européen, nous avons lancé l’alliance des pays du nucléaire, qui rassemble quinze États membres défendant la neutralité technologique dans toutes nos politiques européennes. Elle a permis de cranter cette neutralité technologique dans plusieurs textes européens, ce qui est inédit après quelques années à batailler avec des pays comme l’Allemagne, l’Autriche et le Luxembourg. Il faut également mentionner la création d’une alliance autour des petits réacteurs modulaires ou Small Modular Reactors (SMR), pour et la première référence au nucléaire dans les textes de la conférence des parties à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) à l’occasion de la COP 28 à Dubaï.
Désormais ministre de l’écologie, ma boussole est la même, même si l’approche est différente : il s’agit de soutenir la transition de notre industrie et de simplifier partout où c’est possible.
À cet égard, j’appelle votre attention sur la question des procédures environnementales. Alors que les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) se sont multipliées – 19 000 dossiers sont en instruction –, le nombre de fonctionnaires chargés de les instruire n’est plus adapté. Toutes ces ICPE ne concernent pas l’industrie. Du fait d’une surtransposition française, par exemple, une éolienne est considérée comme une ICPE. Une simplification devrait permettre à nos fonctionnaires d’instruire rapidement les ICPE industrielles, pour permettre aux projets de sortir. L’enjeu est réel, quand on parle de simplification, de rapidité et d’accompagnement des chefs d’entreprise. À défaut, la situation suscite de la frustration, tant pour les entreprises que pour les fonctionnaires.
De manière plus générale concernant la transition écologique, avec ma casquette énergie pendant deux mois cet automne ou avec d’autres casquettes, j’ai défendu et j’appuie une stratégie énergétique fondée sur quatre piliers concourant à la compétitivité industrielle : la sobriété, qui est une traduction du lean management, école de compétitivité dans le monde industriel, avec le juste usage de chaque intrant pour obtenir un maximum de productivité ; l’efficacité énergétique, qui est le recours à l’innovation pour disposer de techniques moins consommatrices d’énergie – en matière de rendement, un moteur électrique étant plus efficace qu’un moteur thermique et une pompe à chaleur étant trois fois plus efficace que son équivalent chaudière, ces éléments techniques et physiques sont aussi des facteurs de compétitivité et de productivité ; les énergies renouvelables ; le nucléaire.
Derrière chacun de ces piliers, il existe des enjeux de filière.
Derrière la sobriété, l’enjeu est celui du pilotage de notre système énergétique et de la gestion technique des bâtiments. Dans ce domaine, nous avons des leaders mondiaux, parmi lesquels Schneider.
Derrière l’efficacité, l’enjeu est celui du déploiement des pompes à chaleur et de la batterie électrique. Là encore, certaines de nos entreprises sont bien positionnées, même si je ne les qualifierais pas de leaders mondiales.
Derrière les énergies renouvelables, il y a l’enjeu de la consolidation de nos grands acteurs en géothermie, en méthanisation ou en composants d’éoliennes marines, qui peuvent être fragilisés par nos politiques pas toujours claires d’arrêts et de relances ou stop and go.
Enfin, nous sommes un des seuls pays au monde à avoir la maîtrise totale de la filière nucléaire. Cela signifie que, sur le papier, les acteurs maîtrisent chaque étape de la chaîne de valeur, du combustible jusqu’au recyclage et à la déconstruction des centrales. C’est primordial pour notre positionnement technologique. Cela étant, il faut continuer à investir dans l’innovation si l’on veut être au rendez-vous.
Alors que l’on est confronté à une forme de backlash ou retour de bâton, dans les domaines tant de l’écologie que de la décarbonation, rien ne serait pire que d’envoyer des signaux qui ne seraient pas lisibles pour les entreprises et qui les conduiraient à s’arrêter au milieu du gué – d’autant que, je le répète, les filières vertes créent deux fois plus d’emplois que les autres et les parts de marché industrielles se déplacent au profit des pays qui ont la maîtrise de ces filières. Il nous faut réagir pour prendre notre place et défendre nos industriels avec une politique claire, une vision claire et une stratégie claire, qui soutiennent cette transformation dans laquelle les gagnants – ils commencent à se dessiner – sont ceux qui maîtrisent les technologies du futur et gagnent des parts de marché sur le plan international. C’est dans ce wagon que je souhaite que soit la France, demain.
M. le président Charles Rodwell. Merci pour votre propos liminaire complet.
Nous avons auditionné, hier, le vice-président de la Commission européenne Stéphane Séjourné au sujet des propositions de directives dites « omnibus » actuellement négociées à l’échelle européenne. Que pensez-vous de la construction de ces mesures, notamment des volets sur les obligations de reporting et sur les ETI ?
Par ailleurs, vous avez évoqué la robotisation et la numérisation de nos entreprises. Lors de la création du pacte Dutreil par la loi du 1er août 2003, visant à alléger la fiscalité sur la transmission des entreprises, celles-ci étaient peu robotisées et numérisées. Considérez-vous que ce dispositif est suffisamment bien calibré pour prendre en compte ces nouveaux défis ou qu’il conviendrait de l’élargir ?
Enfin, le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) ne concerne que certaines matières premières, et pas les produits finis. Serait-il souhaitable de l’élargir à ces derniers, en négociant le prix ou le niveau de fiscalité par filière, notamment pour les produits importés ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Comme leur nom l’indique, les paquets omnibus abordent plusieurs enjeux. Je soutiens cette démarche, qui ne confond pas écologie et bureaucratie. Ces dernières années, on a voulu précisément définir des objectifs génériques essentiels. Ainsi, le pacte vert pour l’Europe, adopté en 2022 sous présidence française, pose les principes d’action fondamentaux pour donner une direction aux entreprises industrielles.
Lorsque j’étais dirigeante d’entreprise, j’élaborais des plans à moyen terme à cinq ans, que j’avais la réputation de tenir. La difficulté vient du manque de visibilité concernant le secteur dans lequel vous intervenez, quand la réglementation et les incitations ou, à l’inverse, les pénalités ne sont pas claires et peuvent vous faire perdre la compétitivité de votre produit. De ce point de vue, le pacte vert pour l’Europe est primordial. Il trace la bonne route et il a la vertu d’embrasser tous les secteurs.
En revanche, la précision des actes délégués contraint la capacité d’innovation des entreprises. Or le rôle des responsables politiques est de fixer des objectifs en laissant aux entreprises une souplesse dans les moyens employés pour les atteindre, notamment dans le mix technologique. En matière de décarbonation de l’énergie, par exemple, peu importe le mix énergétique entre renouvelable et nucléaire, ce qui compte est l’intensité carbone de la production énergétique. De fait, l’objectif est de sortir des énergies fossiles. De ce point de vue, un objectif qui consisterait à préciser la quantité d’énergies renouvelables dans la consommation finale serait aberrant : la meilleure façon de l’atteindre aurait consisté à fermer des centrales nucléaires. Ce raisonnement un peu absurde permet d’éclairer le propos.
S’agissant du reporting, l’avantage compétitif de l’Europe en matière de décarbonation tend à s’amenuiser. Il faut avoir conscience que la Chine a baissé le contenu carbone de ses activités à une vitesse stupéfiante. Nous sommes parfois focalisés sur les émissions de carbone brutes de la Chine, qui est le premier émetteur mondial, mais rapporté à sa production, son contenu carbone a drastiquement diminué. Il est probable que ce pays soit l’un de ceux qui sont allés le plus vite dans cette direction. En outre, les points de passage à 2030, 2035 et 2040 nous invitent à nous assurer que nous sommes capables d’aller aussi vite, au risque de connaître un problème de compétitivité.
Cela montre que la compétitivité peut aller de pair avec la décarbonation. En effet, la Chine a fait la preuve du découplage entre la décarbonation et l’économie, comme nous l’avons fait au niveau européen, en réduisant nos émissions de gaz à effet de serre de 37 % depuis 1990 et en augmentant notre PIB de 68 % sur la même période. Ce découplage existe, et il faut le mesurer.
L’Europe n’étant pas mal positionnée – attention, toutefois, à la vitesse de progression de certains acteurs –, elle peut revendiquer un reporting extrafinancier. Elle a également intérêt à couvrir les enjeux de lutte contre les pollutions et de biodiversité. Il n’existe pas encore d’études scientifiques complètement établies, mais les éléments dont on dispose laissent penser que nous sommes plutôt en avance dans ces domaines. Le revendiquer nous permettrait de construire un avantage compétitif, en affirmant que nous avons anticipé les externalités négatives et que les investissements publics ou privés doivent tenir compte du supplément de compétitivité de nos entreprises hors prix, qui n’est pas révélé par le marché. Tel est l’objet de la directive du 14 décembre 2022 relative à la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises ou Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD).
Au-delà de ce beau principe, il importe que le reporting ait du sens et évite deux écueils. Le premier consiste à donner de l’information stratégique à d’autres. En la matière, l’absence de naïveté doit être totale : certains chiffres ne doivent pas être donnés, et c’est indiscutable. Le deuxième écueil serait la perte de sens liée au travail généré par la construction d’un reporting, voire d’un marketing vert, et les coûts supplémentaires engendrés pour les entreprises. Ayant été investisseur, je connais l’importance de la capacité à lire rapidement des éléments de performance environnementale clairs, comparables et non faussés, qui permettent de savoir qu’une entreprise est meilleure qu’une autre.
Plusieurs propositions ont été défendues par des investisseurs. Il faut s’y reporter. Passer de 1 200 points de données à 150 n’est pas idiot. Encore faut-il qu’ils soient suffisamment robustes pour permettre la comparabilité. Ma recommandation, alignée avec la vision d’Éric Lombard, est de s’assurer que la loi de Pareto sera respectée, pour que 20 % du reporting permettent de comprendre 80 % de la performance.
J’en viens à votre question relative à la fiscalité. D’abord, la fiscalité ne doit jamais être étudiée aux bornes d’un pays, mais en comparaison avec d’autres. Ensuite, la France a défendu des approches de fiscalité internationale et de fiscalisation minimum à l’international, que ce soit dans le cadre de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et de l’Union européenne ou lors des négociations climatiques – ce sont des facteurs cruciaux de compétitivité.
Si vous ne pensez votre fiscalité qu’aux bornes d’un pays, dans un monde dans lequel les capitaux sont mouvants, vous prenez le risque que les plus grands groupes se déplacent et que les ETI qui n’en ont pas cette capacité de mouvement – par conviction ou parce que leur présence est principalement dans ce pays – perdent en compétitivité.
Je recommande donc deux mouvements. Le premier consiste à promouvoir une concurrence loyale en matière de fiscalité et de taxation minimale, après un grand mouvement de baisse de la taxation des entreprises et dans la mesure où il n’est pas illégitime de considérer que chacun doit prendre sa part des charges de services publics et d’infrastructures auxquelles font face tous les États. Le second mouvement consiste à penser les ajustements de notre fiscalité nationale en fonction de nos concurrents les plus proches, en particulier les Allemands et les Italiens, car les seconds ont récemment pris des décisions qui ne sont pas complètement neutres en la matière et les premiers ont historiquement une fiscalité très favorable à la transmission d’entreprises.
En somme, j’estime que le dispositif du pacte Dutreil dans l’absolu n’a pas de sens. En revanche, il en a s’il s’agit de comparer à d’autres notre compétitivité et notre capacité à faire face à des charges de services publics qui y participent. L’éducation nationale, c’est la compétitivité de notre pays. La santé, c’est la compétitivité de notre pays. Les infrastructures de transport, c’est la compétitivité de notre pays. Vous connaissez cela par cœur, c’est votre métier.
Votre dernière question portait sur le MACF. Je recommande qu’il soit robuste et fruste, et de commencer par l’appliquer à des produits simples et non transformés. Le bilan carbone d’un objet aussi complexe qu’un smartphone, qui est un produit fini, peut s’écrire de dix manières différentes, avec dix méthodologies différentes, et il y a fort à parier que le pays qui le fabrique sera très bon en lobbying pour faire adopter celle qui l’arrange – il y consacrera de l’argent et du temps. À l’inverse, il est plus compliqué de transformer le bilan carbone du ciment, de l’acier ou de l’aluminium, ou d’affirmer que plusieurs méthodologies permettent de le calculer.
Les domaines clés, pour le MACF, sont les filières aval et les exportations. Une fois que ce mécanisme de concurrence loyale est fixé pour ces domaines, il faut analyser ses conséquences pour les produits semi-finis et finis qui les incorporent et s’assurer qu’il ne crée pas de contre-incitations en aval de la filière. Telle était la position de la France dans les négociations.
Par ailleurs, d’autres mécanismes existent pour les produits finis. L’écoscore environnemental du véhicule, par exemple, est un mécanisme puissant qui a bien fonctionné.
De manière générale, pour rendre compte de la performance d’un produit, il faut promouvoir, comme le fait la France, la prise en considération du mix énergétique du pays de fabrication, et non du mix énergétique de l’usine concernée. À défaut, le pays qui fabrique des batteries électriques ou des engrais peut raconter qu’il utilise la seule partie décarbonée de son énergie pour les produits qu’il exporte. C’est facile à raconter.
En résumé, des mécanismes, frustes, doivent s’appliquer aux pays, quitte à ce que ceux-ci fassent leur affaire d’avoir, en interne, des malus pour ceux qui utilisent des énergies fossiles et des bonus pour ceux qui ont décarboné leur production. Cela ne nous regarde pas. En revanche, nous devons prendre en compte la performance pays – et pas la performance individuelle des entreprises.
M. Alexandre Loubet, rapporteur. J’aurai trois séries de questions, portant sur les normes qui s’imposent à nos entreprises, sur le plan de relance européen et les enjeux relatifs aux fonciers, puis sur l’énergie et le plan Eau.
S’agissant des normes qui s’imposent aux entreprises, considérez-vous que la France a commis une erreur en transposant rapidement la CSRD, alors que les autres États ne l’ont pas fait et qu’un allègement de la directive est annoncé ?
Que pensez-vous du devoir de vigilance qui responsabilise juridiquement les entreprises pour l’ensemble de leur chaîne de valeur ? Êtes-vous favorable à sa suppression, comme l’a demandé le Président de la République ? C’est mon cas.
Par ailleurs, vous souhaitez étendre, à terme, l’interdiction des substances per- ou polyfluoroalkylées (PFAS) – alors que le texte récemment adopté ne concerne que les cosmétiques et les textiles. Avez-vous effectué des études d’impact en la matière ?
Concernant l’interdiction de la vente des véhicules à moteur thermique en 2035, les constructeurs mettent en garde contre le risque de suppression de près de 100 000 emplois industriels, sans parler des emplois dans la distribution et les services. Ne faudrait-il pas rendre cette interdiction plus flexible, tant pour les délais que pour les technologies ? Ne faudrait-il pas exclure de l’interdiction le moteur hybride, qui est une technologie relativement maîtrisée par les constructeurs français ?
Enfin, la France devrait-elle appliquer la priorité locale dans la commande publique ? Une clause environnementale permet aux acheteurs publics de flécher l’impôt du contribuable vers certaines entreprises au motif que leur impact carbone serait réduit. Ne considérez-vous pas qu’il faudrait appliquer la priorité locale, comme en Allemagne ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. D’abord, la transposition de la CSRD n’était pas erronée, puisque les entreprises ont besoin de visibilité. On ne peut pas reprocher à un pays et à un gouvernement d’avoir anticipé plutôt que de mettre ses entreprises en difficulté.
Ensuite, je suis favorable au devoir de vigilance. Cette législation oblige à un minimum de vigilance dans la sélection des sous-traitants, ce qui est de nature à faciliter ou à favoriser la relocalisation en Europe. Le fait que la maîtrise des chaînes de sous-traitance est plus sécurisée en Europe que dans d’autres pays dont on n’est pas certain qu’ils ne pratiquent pas le travail forcé ou le travail des enfants. C’est un avantage compétitif extrafinancier dont l’Europe et la France peuvent se prévaloir.
Par ailleurs, je n’ai jamais dit qu’il fallait interdire les PFAS. Jamais ! Je ne sais pas d’où vous sortez cette affirmation. Je n’ai jamais dit cela.
Vous m’interrogez également sur l’interdiction de la vente des moteurs thermiques en 2035. Des véhicules thermiques circuleront encore en 2050, puisque ceux qui seront vendus en 2034 iront jusqu’à la fin de leur durée de vie. Je le précise, parce qu’on entend parfois des affirmations étonnantes, par exemple au sujet de zones de restriction dans lesquelles on aurait incité à ne laisser circuler que des véhicules électriques. Tout cela relève du pur fantasme.
Le règlement européen interdisant la vente de véhicules neufs à moteur thermique comporte une clause de revoyure en 2026, que j’ai introduite lors de la négociation finale du texte, ainsi qu’une clause, introduite par les Allemands, rendant possible une ouverture, en 2035, à des technologies décarbonées. En tout état de cause, la préoccupation principale est celle de la performance carbone du véhicule, avec le principe de neutralité technologique que je défends et que j’ai évoqué tout à l’heure. Il faut rester en neutralité technologique.
Concernant l’échéance de 2035, je peux vous rapporter une conversation que j’ai eue avec la commissaire européenne Margrethe Vestager en janvier 2022. Alors que j’observais que l’horizon 2040 était peut-être préférable à celui de 2035, elle m’a répondu que les constructeurs français, en particulier Stellantis, lui avaient fait savoir que l’horizon 2035 était tenable. Je vous fais part de cet élément, qui me semble intéressant du point de vue de la décision publique.
Par ailleurs, le moteur hybride est malheureusement beaucoup plus émetteur que le moteur électrique. La solution consiste à forcer au maximum l’utilisation de la partie électrique et limiter le relais par la partie fossile. On n’y est pas encore, mais des innovations sont en cours.
S’agissant de la priorité locale de la commande publique, l’Allemagne a le même droit de la concurrence que nous. La priorité locale y est donc aussi limitée ou permise qu’en France. En outre, lorsque vous savez utiliser le code des marchés publics, vous pouvez faire en sorte de retenir des acteurs du territoire, en proximité : à côté de la clause environnementale, il y a une clause sociale. En 2020, à ma demande, la direction des affaires juridiques (DAJ) du ministère de l’économie et des finances avait d’ailleurs élaboré un guide à destination des acheteurs publics, expliquant les divers moyens pouvant être employés pour favoriser les PME et suivre l’approche que vous appelez de vos vœux.
Enfin, le discours en faveur du protectionnisme ne doit pas oublier qu’Airbus n’existe pas sur le seul marché français. On ne peut pas demander que nos entreprises aient accès au marché mondial et considérer qu’il est anormal que des entreprises étrangères aient accès au marché français. Nous avons, plus que d’autres, des groupes internationaux relevant de catégories comme le CAC 40. Peu de pays peuvent revendiquer d’en avoir autant, en dehors des États-Unis et de la Chine. Si vous fermez la commande publique étrangère à ces groupes, ils se trouveront en difficulté.
M. Alexandre Loubet, rapporteur. L’Allemagne applique un critère de localisation qui n’existe pas en France. Vous avez évoqué les biais qui permettent aux acheteurs publics de favoriser une entreprise locale – la clause environnementale et la clause sociale. Pourquoi n’instaurerions-nous pas, comme en Allemagne, une clause de localisation ? Certes, le droit européen de la commande publique est le même pour tous, mais le cas allemand démontre que nous pourrions ajouter une clause de localisation pour favoriser nos entreprises. Je ne vois pas en quoi elle bloquerait l’internationalisation de nos entreprises, puisque le taux d’ouverture des marchés publics s’élève à 82 % en Europe, contre 32 % aux États-Unis.
Nous faisons preuve de naïveté en n’appliquant pas de mesures protectionnistes.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. J’ai peut-être mal formulé mes propos. Les clauses de localisation qui existent en Allemagne sont du même ordre que celles de notre code de la commande publique. Elles sont strictement encadrées et ne vont pas au-delà de ce que nous permettons en France. Je vous renvoie au guide de la DAJ.
L’un des enjeux est la formation des acheteurs publics, qui n’actionnent pas la totalité des leviers à leur disposition dans la commande publique. Je ne leur jette pas la pierre, puisque la judiciarisation des marchés publics peut constituer un frein au passage à l’acte d’acheteurs publics qui ne voudraient pas être mis en cause pour avoir choisi le mieux-disant. La facilité à choisir le moins-disant – qui n’est pas l’orientation du code de la commande publique – vient du fait que le moins-disant n’est pas discutable, c’est un chiffre.
Le code de la commande publique invite à choisir le mieux-disant, mais l’appréciation des critères complémentaires peut être interprétée différemment. Certaines interprétations ont donné lieu à des actions en justice de la part des candidats éconduits et à une jurisprudence abondante qui peut freiner le passage à l’acte des acheteurs publics – d’où l’importance de les former et de leur fournir des outils pour qu’il utilise le code des marchés publics dans sa complétude.
Le code des marchés publics est puissant et offre de nombreux leviers. Je communiquerai à la commission d’enquête le guide de la DAJ.
M. Alexandre Loubet, rapporteur. Confirmez-vous que le versement de plusieurs centaines de millions, voire de 1 milliard d’euros dans le cadre de ce plan, est conditionné à la mise en place des zones à faible émission dans notre pays ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Cette question relève davantage de Bercy, donc je ne connais pas exactement les tenants et les aboutissants, mais il me semble que ce versement est conditionné à l’application d’une stratégie d’amélioration de la qualité de l’air. En l’occurrence, réduire le nombre des maladies – notamment plus de 30 000 nouveaux cas d’asthme pédiatrique chaque année – et éviter les décès précoces, évalués à 48 000, fait partie des engagements pris par la France, puisque nous avons été plusieurs fois condamnés au titre d’une mauvaise qualité de l’air par l’Union européenne qui protège ses citoyens.
M. Alexandre Loubet, rapporteur. Mon autre série de questions concerne le foncier. Je ne reviens pas sur l’objectif de zéro artificialisation nette inclus dans la loi du 20 juillet 2023 visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols et à renforcer l’accompagnement des élus locaux, à moins que vous n’ayez un commentaire, étant donné qu’elle a été assouplie par la proposition de loi sénatoriale de trajectoire de réduction de l’artificialisation concertée avec les élus dite « proposition de loi Trace » ; qui réserverait 10 000 hectares de foncier pour une destination industrielle et afférente.
Que pensez-vous du projet de régionalisation de la liste des espèces animales et végétales protégées en fonction de leur répartition à l’échelle nationale ? Un projet industriel pourrait être bloqué en raison de la présence d’espèces sous-représentées dans la région concernée, mais sur-représentées dans d’autres.
Que pensez-vous du fait d’instaurer, comme c’est déjà le cas pour les projets d’intérêt national majeur et les installations renouvelables comme les éoliennes, une présomption de raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM) pour les projets industriels qui cumuleraient deux critères : la création de nombreux emplois – ce critère existe déjà dans la loi – et l’installation sur une friche industrielle ou dans le périmètre d’une plateforme industrielle ?
Je souhaite aussi connaître votre position concernant la proposition du rapport de la mission interministérielle de mobilisation pour le foncier industriel dirigée par M. Mouchel-Blaisot, de garantir pendant cinq ans la stabilité des règles environnementales opposables aux projets industriels, pour sécuriser leurs installations sur les friches industrielles et les sites clés en main.
Enfin, les travaux du projet d’autoroute A69 ont été interrompus par une décision de justice au motif qu’il existait des risques d’atteinte à des espèces protégées. Ils étaient pourtant bien avancés. Quelles leçons devons-nous en tirer pour faire évoluer notre arsenal juridique et éviter que de tels dysfonctionnements ne se reproduisent ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Je répondrai spontanément à votre première question en observant que le risque, avec la régionalisation des espèces protégées, est de créer une usine à gaz – imaginez ce qu’il en serait pour les projets qui se situeraient à 3 kilomètres d’une frontière administrative. Mon expérience de six ans et demi comme ministre m’incite à penser qu’à trop vouloir écrire le droit, on se retrouve toujours des situations qui n’avaient pas été prévues. En réaction, on décide alors de corriger le droit, mais le même cas de figure se reproduit.
L’objectif que nous devrions nous fixer est de suivre une approche par résultats plutôt que par process environnementaux, éventuellement avec des contrats prévoyant des engagements, une mesure de l’amélioration de la qualité environnementale d’un terrain, voire des malus. Cela donnerait plus de latitude d’action aux autorités déconcentrées.
On écrit tellement les choses, qu’on en finit par tomber en absurdie d’un côté comme de l’autre – que certains projets soient validés malgré un impact environnemental plus élevé qu’attendu ou que d’autres soient bloqués alors que leur impact s’avère modeste grâce au travail des porteurs de projet.
Concernant la présomption de RIIPM, les critères de friche industrielle, de plateforme industrielle et de création d’emplois me paraissent pertinents. Six plateformes industrielles concentrent une large part de nos émissions de gaz à effet de serre : Dunkerque, Saint-Nazaire, Le Havre, Fos-sur-Mer, Chalampé et Roussillon. Il serait assez malin de les couvrir avec une RIIPM et une procédure express ou fast track pour des implantations industrielles. De la même façon, nous devons parvenir à orienter les projets vers les fiches industrielles. Cela peut passer par une réflexion sur la fiscalité et cela irait dans le sens de l’objectif de zéro artificialisation nette (ZAN), qui vise à récupérer toutes les dents creuses et les friches industrielles existantes.
J’ajouterais probablement un critère sur la nature de l’activité envisagée, de façon à ce qu’elle corresponde à un agenda stratégique. Un projet d’intérêt public majeur doit correspondre à un agenda stratégique, énergétique ou de souveraineté.
Vous me demandez mon avis sur la stabilité des règles pendant cinq ans pour les sites clés en main. C’est une proposition que je défendais il y a quatre ans.
Pour vous répondre au sujet de l’autoroute A69, j’emploierai des termes littéraires sans doute difficiles à convertir en termes juridiques : il faut qu’un oui signifie oui et qu’un non signifie non, assez tôt dans le projet.
Si l’impact environnemental d’un projet conduit à lui dire non, il faut que ce soit un non ferme et qu’on n’y revienne pas au travers de recours administratifs qui embolisent nos services – ce sont mes services qui rédigent les mémoires de défense –, qui embolisent les tribunaux, qui embolisent l’action des ONG ou d’autres acteurs et qui embolisent les opérateurs. Tout cela est absurde. Je le répète, il faut qu’un oui soit oui et qu’un non soit non.
La traduction juridique de cette réponse ne semble pas évidente, sinon nous l’aurions trouvée plus tôt. En tout cas, il faut probablement aller dans cette direction.
Il importe aussi d’accélérer les leviers de compensation. Les crédits biodiversité de haute intégrité pour les sites naturels de compensation, de restauration et de renaturation (SNCRR) permettent à des porteurs de projet d’anticiper la compensation environnementale. Il faut probablement faire en sorte que ces crédits concernent aussi les terres agricoles, dans une perspective d’amélioration de la qualité des sols et de sécurisation de la production agricole. Ces crédits pour l’agroécologie peuvent s’avérer puissants. Il convient également de renforcer les sites clés en main, pour qu’ils le soient véritablement, en mettant en avant le fait qu’ils sont dans des friches, avec des niveaux de pollution plus élevés qui interdisent certaines opérations. L’objectif est que la décision soit prise sans regret.
Dans ces conditions, la nouvelle usine peut être exemptée de taxe foncière, avec la promesse que cette taxe s’appliquera cinq ans plus tard. De toute façon, si l’usine ne s’installe pas, il n’y en aura pas. Cette idée, que nous avions défendue en 2022, avait trouvé sa place dans des amendements, mais nous n’étions pas allés au bout, pour je ne sais plus quelle raison.
Des travaux ont été conduits à Bercy dans l’optique de mieux mobiliser la partie friches, pour soulager la partie naturelle. N’oubliez jamais que lorsqu’on abaisse le ZAN, on attaque les terres agricoles.
M. Alexandre Loubet, rapporteur. Le plan Eau, lancé en 2023, impose d’ici 2030 une réduction globale de près de 10 % des prélèvements en eau pour les filières industrielles. Ne pensez-vous pas qu’il faudrait différencier les objectifs de réduction de consommation d’eau par bassin hydrographique ? Cela permettrait non seulement d’adapter les contraintes environnementales aux réalités locales, mais aussi d’inciter les industriels consommateurs d’eau à s’installer dans les zones où il y en a davantage plutôt que dans celles concernées par des pénuries – même s’ils adoptent naturellement ce comportement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Je vous confirme qu’ils adoptent naturellement ce comportement. L’enjeu de l’eau est également pris en compte par les autorités instructrices.
Par ailleurs, l’échéance de 2030 n’est pas imposée. C’est une cible. Dans un site industriel, l’objectif de réduction de 10 % est couramment considéré comme la première marche d’une politique de lean management basique, même s’il y a toujours des exceptions – de nombreux industriels ont déjà effectué le cycle d’optimisation de leur empreinte eau. Pour les acteurs pour lesquels l’eau n’était pas une préoccupation, cette première marche de moins 10 % est atteignable, à condition de l’entendre à production égale.
En outre, certains process industriels ont des spécificités. Des gains sont possibles dans l’industrie agroalimentaire, par exemple, mais dans certains secteurs, cette réduction est limitée par le process industriel lui-même.
En somme, il faut considérer le plan Eau comme une stratégie générique pour nous obliger à faire de l’eau un élément cœur de metier ou core business des process industriels. Cela a fonctionné pour l’énergie, on a très vite atteint l’objectif de baisse de 10 %, et cela fonctionne plutôt bien pour l’eau, même si l’atteinte est plus lente.
M. Alexandre Loubet, rapporteur. J’en viens à ma dernière série de questions, relatives à l’énergie. Elles seront brèves.
D’abord, vous avez été ministre de l’industrie, ministre de l’écologie et ministre de l’énergie. Auquel de ces ministères considérez-vous qu’il soit plus pertinent de rattacher la question de l’énergie ?
Ensuite, les vrais objectifs d’une politique énergétique visent à avoir une énergie abondante, décarbonée et attractive. La programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) vous semble-t-elle compatible avec les objectifs de réindustrialisation du gouvernement ? Lors de son audition par cette commission d’enquête, le nouveau haut-commissaire au plan Clément Beaune a déclaré que la PPE est « non compatible » avec les objectifs de réindustrialisation du gouvernement.
Enfin, nous en avons débattu dans l’hémicycle, vous avez négocié une réforme du marché européen de l’énergie qui va dans le bon sens, puisqu’elle permet à certains acteurs industriels français de bénéficier d’un prix correspondant peu ou prou aux coûts de production et d’investissement en France. Toutefois, vous connaissez la critique que nous y apportons : on n’est malheureusement pas allé assez loin. Nous ne sommes pas les seuls à la dire. Olivier Lluanci, expert reconnu et que l’on ne peut pas soupçonner d’être proche du Rassemblement national, évoque les mêmes limites. Au nom de quoi les acteurs économiques et même, je vais plus loin qu’Olivier Lluansi, les ménages ne pourraient-ils pas bénéficier d’un prix attractif qui corresponde aux coûts de production ?
Nous sommes dans un marché unique, que je ne remets ni en question ni en cause, mais que nous constatons que le coût de la main-d’œuvre en Europe de l’Est constitue une distorsion de concurrence avec l’Europe de l’Ouest. La France se trouve privée de son avantage compétitif qu’est le prix de l’énergie. Rétablir un prix correspondant aux coûts de production constituerait à la fois un choc de compétitivité pour nos entreprises et un choc de demande et de pouvoir d’achat pour les ménages.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Il convient de distinguer les questions relatives à l’énergie de celles qui concernent la transition énergétique. L’énergie est un intrant important. C’est un sujet industriel, qui participe de la compétitivité de l’industrie. À cet égard, l’énergie doit être rattachée au portefeuille industriel. Inversement, la décarbonation, la planification, l’empreinte carbone des activités et les négociations internationales relèvent du portefeuille de l’écologie. L’organisation est peu ou prou celle-là, modulo les autres acteurs qui entrent en ligne de compte, comme les collectivités locales ou les acteurs du transport et du bâtiment, qui sont les deux secteurs à décarboner en priorité.
La PPE a été élaborée dans une large concertation et avec un haut niveau de modélisation du mix énergétique. Alors que la stratégie française pour l’énergie et le climat (Sfec) de novembre 2023 avait été saluée et défendue par l’ensemble des groupes politiques à l’exception de quelques-uns qui n’y ont pas contribué, j’ai été étonnée par le tombereau de critiques émanant des mêmes groupes cette année. Pourtant, entre novembre 2023 et mars 2025, trois ou quatre paragraphes ont été ajoutés, mais la vision est restée la même, étayée sur les mêmes faits scientifiques objectifs et sur la même réalité.
En revanche, depuis la fin 2023, on a fait la preuve du redressement de la production d’électricité. J’avais défendu, dans la PPE, un objectif de 400 térawattheures pour EDF, mais dans la mesure où mes collègues affirmaient que ce groupe ne parviendrait pas à l’atteindre, nous avions retenu un pied de pilote à 360 térawattheures. Le fait est que ce groupe y est parvenu. Or la compétitivité industrielle est au cœur de la compétitivité énergétique de notre pays, ce qui impose de maximiser le taux de charge des centrales nucléaires et d’optimiser le taux de charge de tous les autres moyens de production. C’est cela qui fait vraiment baisser le prix de l’électricité. Il a d’ailleurs baissé, sur les marchés – pas par l’opération du Saint-Esprit, mais parce qu’EDF est redevenu bon en production d’électricité, ce qui influe à la fois sur le marché français et sur le marché européen.
N’oubliez pas une chose : quand le prix de l’électricité s’est envolé, en 2022, c’était sous l’effet de l’augmentation du coût du gaz au premier semestre, mais c’est l’incapacité d’EDF à fournir le marché européen qui l’a fait exploser au second semestre.
M. Alexandre Loubet, rapporteur. C’était à cause de l’intermittence.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Non, la cause est qu’EDF ne produisait pas. Pourquoi ? Parce qu’il avait fermé des centrales et arrêté des réacteurs nucléaires. Pourquoi EDF avait-il arrêté des réacteurs ? Parce qu’il y avait un doute concernant la sécurité des installations. Cela pointe deux faits intéressants. Le premier est qu’EDF constitue un élément de sécurité d’approvisionnement électrique majeur en Europe. Cela a un prix, qu’il faut faire valoriser au niveau européen. Le second fait, qui explique la grande faiblesse de l’énergie nucléaire, est que lorsqu’un défaut générique apparaît sur un réacteur, il faut contrôler tous les autres. C’est normal, pour garantir un haut niveau de sécurité.
Cela peut imposer à l’opérateur d’arrêter d’un coup un quart, parfois plus, de sa capacité de production. Cette spécificité n’existe pas dans les autres moyens de production. Si une centrale à gaz rencontre un problème, cela ne signifie pas qu’il existe un défaut générique dans une autre centrale à gaz. Il en va de même pour le photovoltaïque, l’éolien marin, le terrestre et l’hydraulique : chaque site est indépendant.
Cette dimension caractéristique du nucléaire invite à ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier. La catastrophe de Fukushima, au Japon, en a témoigné, puisque 30 % de la production électrique ont été effacés sur le réseau électrique japonais quasiment du jour au lendemain.
Notre devise est une « énergie » – pas seulement électricité, mais aussi méthanisation et biomasse – « abondante, décarbonée et pilotable ». Peu importe les technologies employées pour piloter chaque énergie renouvelable, l’essentiel est que le coût de la pilotabilité doit être pris en charge par le porteur de projet.
Des groupes comme NWE, qui était l’une de nos premières licornes en matière de transition énergétique, font la démonstration de cette pilotabilité en couplant la production photovoltaïque, le stockage et les bornes de recharge, et en étant capable d’aller dans les deux sens, c’est-à-dire de renvoyer leur production vers le réseau ou d’y pomper en fonction de la structure de production. Nous devons vraiment changer notre logiciel, pour penser « système déconcentré de production énergétique, sécurité d’approvisionnement et pilotabilité ». En l’occurrence, nous comptons parmi les meilleurs groupes au monde dans ces domaines.
Cet élément manque un peu dans notre réflexion. On a tendance à se réfugier derrière l’opposition entre énergies renouvelables et nucléaire. Vous connaissez ma position à ce sujet. Toutes les énergies renouvelables n’ont pas les mêmes caractéristiques. Les taux de charge et les coûts varient fortement d’une énergie à l’autre. Du point de vue du taux de charge, du temps de production et de la puissance, une éolienne marine est ce qui se rapproche le plus du nucléaire, tandis que le photovoltaïque est probablement ce qui s’en rapproche le moins. L’acceptabilité sociale varie aussi selon le type d’énergie. Il convient d’être précis.
Si nous pensons « système déconcentré de production énergétique, sécurité d’approvisionnement et pilotabilité », notre PPE est cohérente avec une compétitivité industrielle.
J’ai optimisé les réseaux, comme RTE l’a fait après moi. Il ne s’agit pas de faire du réseau pour faire du réseau, car il se retrouve dans le prix. Il faut faire du réseau utile, ce qui implique d’établir des ordres de priorité.
En fait, tous les maillons de la chaîne sont optimisables. EDF doit avoir un objectif de production élevé, que l’on peut rehausser puisque la barre des 360 térawattheures a été franchie. C’est une très bonne nouvelle, bravo aux équipes d’EDF ! Il faut maintenant passer à l’étape 2. On monte le niveau de jeu. Il faut aussi demander aux énergies renouvelables d’aller vers plus de pilotabilité, et optimiser les réseaux au maximum – avec, à la sortie, un coût compétitif.
En 2026, les industriels se fourniront à un coût de l’électricité compétitif. Mais la suite les inquiète. Les tendances du marché de l’électricité sont quasiment alignées sur le prix de sortie du nucléaire historique, soit aux alentours de 70 euros, voire 60 euros. Nous devons avoir pour obsession d’aller vers le plus compétitif et le plus puissant, de moyenner nos risques et de ne pas mettre tous nos œufs dans le même panier.
En l’occurrence, les éoliennes marines renouvelables sont puissantes. Elles produisent 90 % du temps, avec 50 % de taux de charge et un coût d’électricité à la sortie de 45 euros et de 60 euros après raccordement. Certes, plus on les éloigne des côtes, plus le coût de raccordement est élevé, puisqu’il est au kilomètre d’éloignement. Mais ce modèle est très compétitif.
Le photovoltaïque sur petite toiture, quant à lui, sort un coût de production supérieur à 150 euros du mégawatt. Le risque existe donc de déséquilibrer le mix. Cela étant, le photovoltaïque sur toiture est intéressant pour du thermique ou pour de l’autoconsommation, en particulier dans un cadre d’adaptation au changement climatique, alors que les réseaux sont sous pression et que des catastrophes peuvent les faire tomber. Les petites boucles locales permettent de couvrir les besoins au minimum.
Les logiques ne sont pas les mêmes et il est indispensable de les reparamétrer, comme le prévoit la PPE. On lui a beaucoup fait dire ce qu’elle ne contient pas. Des montants ont été sortis de leur contexte et ne correspondent à aucune réalité économique. Il faut repartir du mantra « énergie bas carbone, abondante, compétitive et pilotable ».
M. Pierre Cordier (DR). Nous nous connaissons depuis huit ans, madame la ministre, et nos rapports ont parfois été tendus dans l’hémicycle après certaines de mes questions. Ces questions ne visaient pas à vous ennuyer. Vous donnez le meilleur de vous-même, quel que soit votre portefeuille. Mais, en tant que député des Ardennes, j’observe un décalage entre votre description du monde industriel français et ce que je vis sur ma terre, dans la vallée de la Meuse, une terre d’industrie traditionnelle de forge, d’estampage et de fonderie. Chez moi, il n’y a pas eu de création d’emplois.
En 2018-2019, je vous avais exprimé mes craintes concernant le passage du moteur thermique au moteur électrique. Le haut-commissaire au plan l’a rappelé hier, il y a beaucoup moins de pièces dans un moteur électrique. L’industrie ardennaise prend ce passage en pleine tête. C’est très dur.
Depuis le début de votre vie politique au plus haut niveau de l’État, au moment où j’ai été élu député, en 2017, la situation ne s’est pas améliorée chez moi. Vous aviez pourtant affirmé, à l’époque, qu’il ne fallait pas s’inquiéter, qu’il y aurait des plans d’accompagnement du passage au moteur électrique et que l’on nous aiderait. J’interroge les chefs d’entreprise autour de moi. Ils se retroussent les manches, se battent et prennent conscience qu’il faut en finir avec le moteur thermique, pour notre planète. Mais les accompagnements n’ont pas été à la hauteur. Je me fais le porte-parole de ces chefs d’entreprise qui devaient être soutenus.
Ces voitures, il faut aussi les vendre. Il faut donc que nos concitoyens aient du pouvoir d’achat, pour pouvoir les acheter. Or les chiffres publiés ces derniers jours montrent que les ventes de voitures, qu’elles aient un moteur électrique, hybride ou thermique, sont compliquées.
Vous avez également parlé d’investissement. Chez moi, les chefs d’entreprise se serrent la ceinture. Il est compliqué pour eux de trouver des fonds, auprès des banques ou de l’État. Vous dites qu’il faut suivre le niveau d’investissement et encourager les chefs d’entreprise à investir. Mais ils n’ont pas les moyens de le faire, parce qu’ils sont à flux tendu et ne parviennent pas à dégager de marge suffisante, donc de bénéfices suffisants pour les réinvestir dans leur entreprise.
Qui dit industrie traditionnelle ne dit pas Germinal. Vous le savez, vous en avez visité beaucoup. Ce sont des chefs d’entreprise qui ont un taux de robotisation élevé et qui ménagent la peine de leurs ouvriers, qui travaillent dans des conditions compliquées.
Je vous le dis, il faut absolument soutenir davantage l’industrie traditionnelle. Je vous attends chez moi, dans les Ardennes, pour rencontrer ces chefs d’entreprise, mais aussi l’Union des industries et des métiers de la métallurgie (UIMM) qui se bat pour les aider. À défaut, dans quelques années, ces forges et ces entreprises d’estampage n’existeront plus.
J’évoquais hier, avec Stéphane Séjourné, cette petite « fenêtre de tir » que représentent le militaire et les 50 milliards d’euros qui devaient être mis sur la table. On annonçait la fin du moteur thermique, tout en envisageant de se tourner vers l’industrie traditionnelle pour faire des pièces, des obus et autres matériels pour l’industrie militaire. Eh bien, l’on ne voit rien venir !
La situation reste tendue, chez moi. Je voulais vous le dire. C’est un peu un cri, mais vous le connaissez. Cela fait huit ans que je le pousse.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Je connais le territoire des Ardennes. Je m’y suis rendue. Il y a eu des dossiers difficiles, qui ne sont pas tous bien terminés, malheureusement – vous avez raison de souligner la perception et la détresse de certains salariés, car je présente des chiffres nationaux, lesquels sont positivement orientés. Il faut aussi regarder la situation à la maille des territoires.
J’ai toujours défendu avec détermination le programme Territoire d’industrie, qui est un peu moins doté mais un peu plus territorialisé, ou plus proche d’un tissu local de plus petite taille qui a besoin d’être accompagné.
Grâce au plan de relance, nous avons accompagné près d’une entreprise industrielle sur trois au niveau national. Certaines entreprises de votre territoire, comme Ardwen, 3D Métal Industrie, AFS-Sedan, ATM, Fetrot Industry, Mécarden, la Fonte Ardennaise ou Anon System, ont bénéficié directement du fonds de relance. Bestel indique que cela a permis « l’acquisition d’équipements pour développer les capacités d’usinage destinées à l’aéronautique ». Anon System déclare que « le but du projet est la production d’équipements de refroidissement pour les batteries des véhicules électriques de grande taille, pour permettre aux véhicules un fonctionnement optimum en toute sécurité ».
Donc oui, le gouvernement a agi pour les entreprises de votre territoire.
Oui, nous sommes dans une transformation. Il ne s’agit pas de comparer le présent et le passé. La situation des années 1980 ne reviendra pas. La question est celle du futur que nous sommes capables de construire en agissant versus celui dont on héritera si on n’agit pas. À la vitesse où vont d’autres pays, je peux vous assurer que si l’on n’agit pas et si l’on n’accélère pas cette transformation, tout en accompagnant un certain nombre d’entreprises, le risque est de voir tomber les sites industriels.
Je l’ai vécu, comme cheffe d’entreprise et comme membre de conseil d’administration. Des boîtes qui partent au tapis, je l’ai vécu. Je sais ce que c’est. Je sais ce que ça coûte. J’ai été amenée, parfois, à me substituer au dirigeant de l’entreprise pour annoncer la fin de l’activité. C’est extrêmement douloureux.
Je sais aussi que plus l’on tarde, plus il est difficile de redresser la situation. C’est un miracle qu’Ascoval soit encore debout. À chaque fois, je retiens mon souffle en me disant que ce n’est pas gagné. Si on n’avait pas été si présent au chevet d’Ascoval, il partait au tapis. Et pourtant, les savoir-faire sont là, les salariés ont déployé des trésors d’ingéniosité et de résilience. Je pourrais dire la même chose concernant Hayange.
Les heureux temps où une foncière de mécanique employait 6 000 personnes sont malheureusement derrière nous. La question est de savoir quoi bâtir et comment s’assurer que ce sera durablement compétitif sur notre territoire.
Je suis une fervente partisane de l’industrie et une fervente partisane de l’écologie. On fait beaucoup porter à l’écologie la responsabilité de la désindustrialisation. C’est une explication tellement facile ! Prenez Michelin. Une voiture thermique a quatre roues, tout comme une voiture électrique. Michelin fabrique des pneus et, quand il évoque ses difficultés de compétitivité, il ne parle pas d’écologie, il parle de la compétitivité du site France. C’est cela, l’angle d’attaque.
M. le président Charles Rodwell. Merci pour ces considérations, partagées par tous.
Je vous propose de compléter nos échanges en répondant par écrit au questionnaire qui vous a été envoyé il y a quelques jours pour cette audition et en envoyant au secrétariat les documents que vous jugerez utiles à la commission d’enquête.
La séance s’achève à douze heures cinquante-cinq.
Présents. – M. Roger Chudeau, M. Pierre Cordier, Mme Florence Goulet, M. Alexandre Loubet, M. Charles Rodwell, M. Thierry Tesson