Compte rendu
Commission d'enquête relative à l’organisation du système de santé et aux difficultés d'accès aux soins
– Table ronde, ouverte à la presse, sur le système hospitalier public, réunissant M. Arnaud ROBINET, président de la Fédération hospitalière de France (FHF), Mme Zaynab RIET, déléguée générale et M. Vincent PREVOTEAU, président de l’association des directeurs d’hôpital, directeur des Centres hospitaliers de Rodez, d’Espalion, de St Geniez d’Olt, du Vallon, de Decazeville et de l’EHPAD d’Aubin. 2
– Présences en réunion............................18
Mardi
29 avril 2025
Séance de 17 heures
Compte rendu n° 7
session ordinaire de 2024-2025
Présidence de
M. Jean-François Rousset,
Président
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La séance est ouverte à dix-sept heures quinze
M. le président Jean-François Rousset. Nous poursuivons aujourd’hui les travaux de notre commission d’enquête sur l’organisation du système de santé et les difficultés d’accès aux soins en nous concentrant sur le système hospitalier public.
La FHF vient de publier son deuxième baromètre de l’accès aux soins, mettant en évidence une amorce de reprise qui nécessite un soutien pour enrayer la dégradation de l’accès aux soins et éviter un retour en arrière significatif, notamment au vu de la situation financière des établissements.
L’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d’enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».
(M. Arnaud Robinet prête serment.)
M. Arnaud Robinet, président de la Fédération hospitalière de France (FHF). Cinq ans après la crise de la Covid-19, notre système de santé reste sous forte pression. La santé constitue la deuxième préoccupation de nos concitoyens, juste après le pouvoir d’achat. Et pourtant, l’accès aux soins devient de plus en plus difficile au quotidien.
Je souhaite mettre en lumière le rôle crucial des hôpitaux publics dans l’accès aux soins. L’hôpital public assure 55 % des séjours hospitaliers et 70 % des séjours avec nuitée, par nature plus lourds. Le service public prend également en charge 80 % des séjours en obstétrique, 85 % en réanimation, la majorité des cancers lourds et 100 % des greffes d’organes. Les centres hospitaliers universitaires (CHU) obtiennent le plus fort taux de certification « haute qualité des soins » avec 35 % contre 29 % pour le secteur privé lucratif et 30 % pour le secteur privé associatif. L’hôpital public gère 81 % des 21 millions de passages aux urgences annuels et assure 83 % de l’activité de permanence des soins la nuit et le week-end. Ces chiffres traduisent des vies sauvées, 24 heures sur 24, 365 jours par an.
Le secteur public représente également 300 000 places pour les personnes âgées et handicapées, gérées par les hôpitaux ou les établissements publics autonomes, assurant un maillage territorial essentiel. Dans certaines régions, les établissements publics sont souvent les seuls à garantir une offre de soins, notamment pour les besoins non programmés.
Malgré leur engagement, les établissements publics font face à de lourdes difficultés financières. Le déficit des hôpitaux publics atteindra 2,8 milliards d’euros en 2024, soit cinq fois plus qu’en 2019. Ce déficit n’est pas dû à une mauvaise gestion, mais résulte d’un sous-financement chronique, aggravé par la crise sanitaire et l’inflation. Il persiste malgré le milliard d’euros supplémentaires annoncé dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2025 et d’autres avancées comme le Ségur de la santé qui a permis d’engager 19 milliards d’euros d’investissement pour reconstituer les capacités financières des établissements. De 2011 à 2019, les tarifs hospitaliers ont diminué chaque année, entraînant une décennie de désinvestissement tarifaire. Les hausses tarifaires post-Covid n’ont que partiellement compensé l’augmentation des charges.
Le secteur médico-social connaît également une crise profonde. En 2023, 85 % des établissements d’hébergement des personnes âgées dépendantes (EHPAD) publics étaient déficitaires, une situation aggravée par l’augmentation non compensée des cotisations à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL). La pérennité de cette offre publique, souvent la seule accessible dans certains territoires, est en jeu.
Concernant les ressources humaines, malgré quelques signaux positifs, les tensions persistent. Notre dernière enquête révèle que 98 % des hôpitaux rencontrent des difficultés de recrutement de médecins dans au moins une spécialité, notamment en gériatrie, urgences, psychiatrie, radiologie et anesthésie. Ces tensions s’expliquent par une démographie médicale globalement insuffisante et une désaffection pour certaines spécialités pourtant cruciales.
Pour lutter contre les déserts médicaux, la FHF propose plusieurs leviers concrets : favoriser les disciplines en tension dès la formation, réinstaurer une participation généralisée à la permanence des soins pour les jeunes médecins, instaurer un crédit temps territorial, encadrer l’installation en secteur 2 dans les zones bien pourvues, encourager l’universitarisation maîtrisée des territoires, faciliter l’exercice mixte entre ville et hôpital, et renforcer le rôle des hôpitaux de proximité. Toutes ces propositions sont concrètes et opérationnelles avec des traductions récentes comme dans le GHT 72 dans la Sarthe qui a été précurseur avec son équipe paramédicale d’urgence et sa maison de santé implantée au sein même de l’hôpital.
Le baromètre FHF-Ipsos de mars dernier montre que les inégalités en matière d’accès aux soins se creusent. Plus de deux tiers des Français ont renoncé à au moins un acte de soins ces cinq dernières années, tous secteurs confondus. La situation est particulièrement critique en psychiatrie, où 41 % des personnes nécessitant un psychiatre n’ont pas pu obtenir de rendez-vous. Dans ce contexte l’hôpital public est en première ligne et il tient. En 2024, son activité a progressé de 4,6 % mais cet engagement a un coût humain qui mérite reconnaissance, soutien et moyens durables. Face à cette situation, deux leviers doivent être mobilisés dont en premier lieu la pertinence des soins.
Cette pertinence est un enjeu majeur qui garantit la qualité des prises en charge tout en assurant la soutenabilité de notre système face au vieillissement et à l’augmentation des maladies chroniques. La Fédération demande un engagement fort dans la lutte contre les actes inutiles ou redondants, proposant de cibler une dizaine d’actes à fort volume et à faible valeur ajoutée, souvent surfinancés. La FHF propose également de lancer une campagne grand public pour faire de la pertinence un enjeu partagé de qualité et de sécurité.
Par ailleurs, notre système de santé solidaire ne pourra se maintenir s’il reste ancré dans une logique uniquement curative. La prévention constitue un élément clé pour garantir l’accès aux soins pour tous. En intervenant en amont, elle permet de réduire les inégalités, de fluidifier les parcours et d’assurer un système de santé plus équitable. Il est important de noter que 40 % des cancers pourraient être évités et qu’un nombre bien plus important d’entre eux pourraient être guéris s’ils étaient diagnostiqués plus tôt.
La prévention présente également l’avantage de réduire les dépenses publiques. Comme le souligne la Cour des comptes, une année d’espérance de vie en bonne santé supplémentaire représente une économie de 1,5 milliard d’euros pour l’assurance maladie. La prévention n’est donc pas un coût, mais un investissement, y compris à court terme, notamment grâce à la vaccination.
La FHF avance plusieurs propositions concrètes pour structurer cette ambition préventive. Nous suggérons de définir un cap politique clair avec des objectifs de santé publique partagés, notamment en matière d’espérance de vie en bonne santé et de déterminants de santé publique. Nous préconisons également d’intégrer systématiquement la prévention à chaque passage d’un patient dans un établissement public pour informer, dépister et accompagner.
Nous devons aussi avoir le courage de repenser l’organisation de l’offre de soins. Pour garantir un accès équitable à des soins de qualité et sécuriser les parcours, il est nécessaire de structurer l’offre de soins à l’échelle des territoires. Cela implique une gradation des soins, où chaque niveau (soins de proximité, soins spécialisés, soins de recours) doit être clairement défini et articulé. Cette organisation est essentielle pour éviter les ruptures de parcours, améliorer les prises en charge et mieux répondre aux besoins des patients là où ils vivent.
Nous plaidons également pour la généralisation d’un modèle d’organisation structurée et éprouvée appelé la responsabilité populationnelle. Ce modèle repose sur une logique d’intégration des soins à l’échelle d’un territoire, avec des objectifs partagés entre acteurs, des indicateurs de résultats en santé publique et une allocation de moyens adaptés à la population. Les résultats de ce modèle sont concrets et significatifs. Nous observons une réduction de près de 50 % de la part des séjours pour diabétiques arrivant par les urgences, passant de 22 % fin 2019 à 13 % fin 2024. La part des longs séjours a également diminué de 50 %, passant de 26 % en 2019 à 13 % en 2024. Parallèlement, nous constatons une augmentation de 70 % de la part des soins ambulatoires, passant de 34 % en 2019 à 58 % fin 2024. De plus, le coût moyen par patient est 6 % inférieur à la moyenne nationale.
Ces chiffres ne sont pas de simples statistiques. Ils traduisent une amélioration concrète de la prise en charge des patients et une fluidification des parcours de soins. C’est pourquoi la FHF demande que cette logique de responsabilité populationnelle soit étendue à l’ensemble du territoire français, car elle constitue un levier puissant pour favoriser l’accès aux soins.
En conclusion, l’hôpital public joue un rôle fondamental en tant que pilier de l’égalité d’accès aux soins, acteur performant de l’excellence en santé, de la recherche, de la formation et de la réponse concrète face aux crises. Cependant, pour maintenir ce rôle crucial, il est impératif de lui allouer les financements nécessaires, mais surtout de définir une stratégie claire, une programmation pluriannuelle et une reconnaissance politique de son rôle unique.
C’est dans cette optique que la FHF appelle de ses vœux une loi de programmation en santé. L’objectif n’est pas de dépenser plus, mais de dépenser mieux, en inscrivant dans la durée des objectifs de santé publique, des moyens cohérents et une visibilité partagée entre tous les acteurs du système de santé.
Derrière les chiffres présentés, il y a avant tout des équipes engagées, des usagers, des patients, des citoyens souvent acteurs, et des élus locaux qui s’impliquent pour faire vivre leur territoire. C’est en les citant que je souhaite conclure mon propos.
(M. Vincent Prévoteau prête serment.)
M. Vincent Prévoteau, directeur des centres hospitaliers de Rodez, d’Espalion, de Saint-Geniez-d’Olt, du Vallon, de Decazeville et de l’EHPAD d’Aubin. Je m’exprime ici non pas en tant que président de l’Association des directrices et directeurs d’hôpitaux, même si certaines de mes remarques reflèteront nos propositions, mais en ma qualité de gestionnaire d’établissements de santé sur un territoire spécifique.
Je dirige plusieurs établissements dans l’Aveyron, territoire particulièrement attractif. Contrairement à certaines idées reçues, nous parvenons à recruter dans cette région, malgré les contraintes démographiques qui touchent l’ensemble du pays. L’Aveyron offre une qualité de vie exceptionnelle.
Le territoire que je couvre s’étend de l’Aubrac jusqu’au sud de l’Aveyron et compte 280 000 habitants sur une vaste superficie. Cette configuration géographique impose des défis particuliers en termes d’offre de soins. Les CHU les plus proches, qu’il s’agisse de Toulouse, Montpellier ou Clermont-Ferrand, sont tous situés à plus de deux heures de route. Cette situation exige la structuration d’une offre de soins solide et autonome sur notre territoire.
Notre action en Aveyron vise plusieurs objectifs essentiels. Tout d’abord, nous nous efforçons de recruter des professionnels de santé, tant médecins que paramédicaux, car sans eux, l’accès aux soins est impossible. La stabilité des équipes médicales et paramédicales est cruciale pour assurer la continuité et la qualité des soins.
Nous privilégions également une approche collaborative entre les hôpitaux publics, comme en témoigne l’importance des groupements hospitaliers de territoire (GHT) et des directions communes. À titre d’exemple, nous avons mené des travaux significatifs avec le centre hospitalier de Decazeville pour renforcer l’accès aux soins dans cette zone.
Notre stratégie inclut aussi une coopération étroite avec la médecine de ville, les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) et les autres acteurs de santé. L’objectif est de ne pas faire reposer la permanence des soins uniquement sur l’hôpital public.
L’investissement dans nos infrastructures est également primordial. Pour être attractifs, nos établissements doivent disposer d’un plateau technique suffisamment dimensionné. À Rodez, ville de 30 000 habitants, nous disposons d’un plateau technique comprenant bientôt deux IRM, deux scanners, une caméra TEP, un secteur de radiothérapie et une unité neuro-vasculaire. Cette offre complète est un atout majeur pour le recrutement dans diverses spécialités.
Notre approche intègre également l’innovation et l’adaptation aux spécificités du territoire. Nous nous efforçons de créer des structures hybrides de fonctionnement, en nous appuyant sur les réalités locales et en renforçant nos liens avec la médecine de ville.
En somme, notre stratégie multidimensionnelle vise à garantir un accès aux soins de qualité pour tous les habitants de notre territoire, en dépit des défis géographiques et démographiques auxquels nous sommes confrontés.
Nous observons des cas exemplaires où la médecine de ville participe activement au fonctionnement des services de soins médicaux et de réadaptation ou de médecine interne dans les hôpitaux de proximité. Cette collaboration entre hospitaliers et médecins de ville est essentielle pour consolider une offre de soins cohérente. C’est une ambition forte qui soulève également la question cruciale de l’universitarisation des territoires. Ce processus représente un enjeu majeur d’attractivité pour les professionnels de santé, attirés par les opportunités de recherche et la dimension hospitalo-universitaire.
Nous menons quotidiennement ce combat pour porter une ambition inscrite dans un projet médico-soignant partagé, dans une logique territoriale. Pour illustrer concrètement ce propos, prenons l’exemple du centre hospitalier de Rodez. Sans recherche active d’activité supplémentaire, cet établissement a vu son activité augmenter de 20 % en sept à huit ans. Cette croissance ne résulte pas d’une quête délibérée d’activité, mais d’une réponse adaptée aux besoins de santé de la population.
Nous devons également prendre en compte le contexte d’augmentation significative de la population dans certaines métropoles, notamment Toulouse et Montpellier. Si des territoires comme l’Aveyron ne sont pas en mesure de renforcer et d’étendre leurs capacités de soins, nous risquons de voir l’accès aux soins se compliquer pour les populations locales, en raison de la pression démographique croissante dans les grandes métropoles.
(Mme Zaynab Riet prête serment.)
Mme Zaynab Riet, déléguée générale de la FHF. Je répondrai avec diligence aux questions qui nous seront adressées.
M. Christophe Naegelen, rapporteur de la commission d’enquête relative à l’organisation du système de santé et aux difficultés d’accès aux soins. Nous sommes tous conscients de l’importance capitale de l’hôpital public dans nos territoires respectifs. Mes questions porteront précisément sur ce sujet, notamment sur les relations avec le secteur privé concernant la permanence des soins.
Nous ne voyons pas encore les effets de la loi Valletoux. Ne devrions-nous pas aller plus loin dans la collaboration entre hôpitaux publics, cliniques privées et professions libérales pour la permanence des soins ? Une participation élargie ne permettrait-elle pas de désengorger efficacement les services d’urgence ?
Le succès des collaborations entre les différents types d’hôpitaux ne repose-t-il pas essentiellement sur des relations interpersonnelles ? En effet, j’ai pu constater, lors de mes déplacements, que les difficultés de coopération entre établissements dépendent souvent des relations entre les communautés médicales. C’est le cas par exemple entre Remiremont et Épinal, dans les Vosges, où des problématiques relationnelles entravent la coopération territoriale pourtant indispensable.
Madame Riet et Monsieur Prévoteau, en votre qualité de directeurs d’hôpital, comment percevez-vous vos pouvoirs, qu’ils soient disciplinaires ou organisationnels, vis-à-vis du corps médical ? Sachant que les décisions disciplinaires relèvent exclusivement du Centre national de gestion, cette situation ne complique-t-elle pas votre gestion quotidienne ? Ne serait-il pas judicieux d’accroître l’autorité des directeurs d’hôpitaux, à l’instar du secteur privé, ou d’envisager une direction bicéphale ?
M. Arnaud Robinet. Votre première question sur la permanence des soins s’inscrit dans le cadre plus large des missions de service public obligatoire. Depuis 2016, le service public hospitalier impose des obligations cohérentes à l’ensemble des établissements et des professionnels de santé, indépendamment de leur statut juridique. Si les établissements publics et privés non lucratifs assurent naturellement ces missions, les établissements privés à but lucratif peuvent également y participer, à condition de respecter scrupuleusement l’intégralité des obligations et des engagements associés. Ces obligations comprennent une accessibilité réelle aux soins pour tous, une permanence et une adaptation de l’accueil, y compris pour les personnes en situation de précarité ou de handicap, l’absence de dépassements d’honoraires, ainsi que des exigences de transparence de gestion et de participation des usagers. Nous affirmons qu’il ne peut exister de service public à la carte : l’engagement doit être total.
Concernant la permanence des soins, la loi Rist de 2023 a introduit de nouvelles dispositions permettant aux directeurs généraux des agences régionales de santé (ARS) de conditionner l’attribution d’autorisations à la participation effective à la permanence des soins. C’est un levier intéressant qu’il convient de saluer et d’encourager. Cependant, ces dispositions ne prévoient pas de sanctions en cas de non-respect des engagements pris par les établissements. Nous estimons qu’il est nécessaire d’aller plus loin dans ce domaine.
Une permanence des soins assurée conjointement par les établissements publics, privés et la médecine de ville contribuerait significativement à désengorger les urgences. Je tiens d’ailleurs à saluer l’engagement croissant de la médecine de ville dans ce domaine, notamment à travers les maisons médicales de garde. Rappelons que 30 % des patients se présentant aux urgences n’ont pas vocation à y être pris en charge et que le nombre de passages a doublé ces vingt dernières années. Une permanence des soins élargie et coordonnée permettrait indéniablement d’améliorer la situation des services d’urgence.
Mme Zaynab Riet. Une alternative envisageable consisterait à conditionner l’exécution de l’ensemble des missions de service public au maintien de l’autorisation concernée. Cela impliquerait un acte supplémentaire au regard des dispositions actuelles.
En ce qui concerne la question du rapporteur sur les enjeux personnels en matière de coopération, je suis convaincu que la meilleure approche, comme pour un hôpital, réside dans la définition d’organisations solides. Pour notre secteur, tant l’hôpital public dans sa gouvernance que les groupements hospitaliers de territoire (GHT) constituent des structures robustes. Leur gouvernance est clairement établie, définissant le rôle de chacun, qu’il s’agisse des fonctions médicales ou administratives. Ces structures s’appuient avant tout sur les besoins de santé du territoire, traduits dans un projet médico-soignant partagé. Ce dernier définit les filières de soins prioritaires et organise les parcours de soins de manière optimale, de l’urgence à la permanence des soins.
Pour autant, les GHT pourraient jouer un rôle encore plus important, ce qui permettrait de surmonter l’éventuel écueil de personnalité évoqué. L’analyse des GHT montre que les difficultés sont rarement dues uniquement à des questions de personnes, qu’il s’agisse d’un président de commission de groupement ou d’un directeur d’établissement. Dans les cas où une personne pose problème, les ARS disposent de moyens d’action. Elles évaluent les chefs d’établissement sur la base d’objectifs fixés par le directeur de l’ARS. En cas de non-atteinte de ces objectifs, des mesures peuvent être prises en collaboration avec le Centre national de gestion, ce qui se produit régulièrement.
Pour optimiser le fonctionnement des GHT, nous proposons plusieurs axes d’amélioration : il convient tout d’abord de simplifier les modalités de mise en place et de fonctionnement des groupements de coopération sanitaire (GCS), notamment en levant l’exigence d’unanimité. La loi du 27 décembre 2023 offre désormais aux GHT la possibilité d’opter pour la personnalité morale, ce qui favorise une plus grande fluidité et rapidité dans la prise de décision, particulièrement en matière de stratégie et d’organisation des soins. Cependant, ce droit d’option reste limité par la nécessité d’un accord unanime des membres, ce qui peut s’avérer bloquant si un seul établissement s’oppose à une décision soutenue par la majorité.
Il serait judicieux aussi d’attribuer davantage de missions propres aux GHT, notamment en renforçant le rôle des commissions médicales de groupement dans le maillage de la gradation de l’offre territoriale. Cela permettrait un meilleur suivi et une optimisation des filières organisées sur le territoire. Parallèlement, il conviendrait de recentrer la commission médicale d’établissement sur des rôles plus locaux, tels que l’accompagnement des équipes médicales, la qualité des soins et la gestion des parcours de soins au sein de l’établissement. Il serait aussi bénéfique de renforcer certaines directions communes fonctionnelles, comme une direction des affaires médicales commune ou une direction de la stratégie commune. Cela permettrait de garantir le suivi de la stratégie définie, même en cas de résistance individuelle.
Enfin, il conviendrait d’officialiser le rôle des GHT en lieu et place des délégations territoriales des ARS. La gestion de la crise sanitaire a démontré le rôle crucial et structurant des GHT. Bien que les ARS aient délégué des compétences et des missions aux établissements supports de GHT, cela s’est fait sans contractualisation ni objectifs clairement définis, laissant l’entière responsabilité aux établissements. Il serait donc judicieux que les ARS contractualisent avec les GHT volontaires pour assurer certaines missions des délégations territoriales, sur la base d’objectifs clairs et d’indicateurs de suivi, afin de garantir une réponse adéquate aux enjeux et besoins de santé à l’échelle du territoire.
M. Vincent Prévoteau. Concernant la permanence des soins, nous souscrivons pleinement aux propositions de la FHF. Permettez-moi de partager quelques éléments de terrain. À Rodez, bien que nous n’ayons pas de structures privées, nous disposons de structures privées intégrées à l’hôpital sous forme de groupements de coopération sanitaire (GCS), qui participent activement à la permanence des soins, notamment à travers un plateau d’imagerie médicale mutualisé. Cette mutualisation a permis d’augmenter significativement les effectifs de radiologues, qui sont passés de deux à douze, ce qui constitue un facteur d’attractivité non négligeable. L’attractivité repose en effet sur le plateau technique, mais aussi sur la flexibilité organisationnelle.
J’ai évoqué précédemment la participation des médecins à exercice partagé au fonctionnement de nos structures. À l’hôpital intercommunal du Vallon, ce sont ces médecins qui font fonctionner le service de soins médicaux et de réadaptation (SMR) et qui assurent la permanence des soins. De même, à Espalion et Saint-Geniez, ce sont également des médecins à exercice partagé qui animent les services de médecine.
En ce qui concerne les urgences, notre organisation territoriale implique tous les acteurs dans l’accès aux soins et le déploiement du service d’accès aux soins (SAS). Nous avons mis en place le SAS dans le cadre d’une régulation des urgences, même si ce terme est impropre. Il s’agit plutôt d’assurer un accès justifié aux urgences, et non de restreindre cet accès. En tant que citoyen, j’ai pu expérimenter personnellement le SAS et je peux témoigner de sa rapidité et son efficacité remarquables en termes d’accès aux soins.
Le déploiement du SAS a été rendu possible grâce à la collaboration avec la médecine de ville. En effet, le SAS repose sur des urgentistes qui assurent la régulation, mais il faut veiller à ce qu’ils ne soient pas submergés par un trop grand nombre d’appels. C’est pourquoi la participation des médecins libéraux au système de régulation est essentielle. Cette collaboration s’articule autour du numéro d’appel 116 117. Il est important de souligner que le SAS ne se limite pas à la régulation, mais concerne également la gestion et l’adaptation des flux de patients.
Les urgences de Rodez ont enregistré une baisse significative de plus de 20 % du nombre de passages. Cette diminution s’accompagne d’une régulation territoriale efficace, utilisant d’autres structures d’urgence pour optimiser les temps de passage en fonction de la gravité des cas. Cette approche nécessite une organisation adaptée de la médecine de ville.
J’ai récemment échangé avec le président d’une communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) qui a mis en place des plages d’urgence au sein d’un cabinet médical. L’élément clé de ce dispositif est une régulation bicéphale, combinant des services d’urgence pour les prises en charge immédiates et de nombreux conseils médicaux, ainsi qu’un réseau d’effecteurs variés pour garantir l’accès aux soins. Cette organisation de la médecine de ville, associée au SAS, améliore considérablement l’accès aux soins.
Lors de notre discussion, j’ai soulevé la question d’un potentiel risque de rupture du lien entre les médecins traitants et leurs patients, essentiel pour la prévention. Le médecin m’a rassuré en expliquant que ces plages d’urgence sont également destinées à leur patientèle habituelle, préservant ainsi la continuité des soins.
Cette permanence des soins, illustrée par l’exemple des groupements de coopération sanitaire (GCS), de la médecine de ville et du SAS, démontre qu’une structuration efficace de l’accès aux soins est possible. Je soutiens pleinement la question des nouvelles autorisations, notamment dans des secteurs comme l’imagerie. Il est crucial que la permanence des soins en imagerie soit assurée par l’ensemble des acteurs lors de l’octroi d’une nouvelle autorisation. Le risque d’une radiologie affaiblie est réel dans un contexte concurrentiel. L’idée de recourir à des radiologues à distance n’est pas viable, car les cliniciens ont besoin d’échanger directement avec les radiologues. Une carence en radiologie pourrait dissuader certains cliniciens de rejoindre un établissement. Cette réflexion s’applique également à la biologie, soulignant l’importance d’une structuration solide de l’ensemble des services.
Concernant les GHT, l’ADH appelle de ses vœux une seconde phase des GHT. Nous soutenons pleinement la position exprimée par Zaynab Riet sur le renforcement des prérogatives et des compétences des GHT. La crise sanitaire a démontré l’efficacité de cette collaboration étroite avec les ARS.
Par exemple, l’offre de soins de l’hôpital de Decazeville a été entièrement recomposée en sept ans. Initialement, malgré la présence de chirurgie et de soins intensifs, les parcours de soins n’étaient pas structurés. Nous avons donc procédé à une refonte complète de l’offre de soins, en collaboration avec les élus locaux et un collectif « Tous ensemble ». Cette restructuration a permis d’améliorer l’accès aux soins et l’intégration dans des parcours cohérents.
En cardiologie, nous avons mis en place un système bicéphale, s’appuyant à la fois sur un GCS et une équipe publique. Cette collaboration étroite irrigue tout le territoire de Decazeville et Villefranche-de-Rouergue, avec des liens établis jusqu’à Millau via le SAMU. Nous proposons des consultations avancées à Decazeville, facilitant l’accès aux soins de proximité avant une éventuelle prise en charge sur le plateau technique spécialisé. Cette approche répond à la nécessité de sur-spécialisation en cardiologie, justifiant notre projet de création d’un institut cardiologique et vasculaire du Rouergue, porté conjointement par le GCS et l’équipe publique.
Cette restructuration de l’offre de soins a été rendue possible grâce à une approche fondée sur la confiance. Nous avons démontré que le renforcement de l’hôpital ne passe pas par le maintien à tout prix de certaines activités, mais par la création d’équipes territoriales, tant médicales que paramédicales et de support. À l’ADH, nous défendons la reconnaissance de la dimension territoriale pour les professionnels paramédicaux et aussi les fonctions support, essentielles pour des compétences telles que l’ingénierie ou le contrôle de gestion à l’échelle du territoire.
L’hôpital de Decazeville illustre parfaitement cette approche. Il dispose aujourd’hui de deux radiologues, offrant des soins de proximité de première ligne. Suite à la fermeture d’un cabinet privé de radiologie, l’hôpital a repris cette activité, assurant notamment les dépistages du cancer du sein. Sans cette restructuration, l’accès aux soins pour la population locale, parfois défavorisée, aurait été compromis. Cette réorganisation a non seulement amélioré l’accès aux soins, mais a également permis une maîtrise économique tout en maintenant une performance de soins élevée.
Mme Zaynab Riet. Monsieur le rapporteur, il convient tout d’abord de rappeler l’existence de procédures disciplinaires clairement établies, tant pour le personnel non médical que médical. Ces procédures sont claires, réglementaires et assez exhaustives, avec un éventail défini de sanctions disciplinaires. Néanmoins, nous estimons qu’il serait judicieux d’harmoniser davantage les procédures disciplinaires entre le personnel non médical et médical. Pour le personnel non médical, la gestion s’effectue au niveau de l’établissement, en impliquant les organisations syndicales locales. Cette approche permet une réactivité et une appréciation au plus près du terrain concernant la faute commise et la sanction appropriée, toujours dans le respect du cadre réglementaire.
En revanche, pour le personnel médical, la gestion est centralisée au niveau national. La FHF propose que, pour les fautes ne relevant pas directement de l’exercice médical, mais plutôt de comportements inappropriés, incluant les violences et les comportements sexistes et sexuels, l’examen puisse se faire localement. Dans ce cas, le binôme directeur-président de la commission médicale d’établissement (CME) serait à même d’étudier ces situations, de réagir et de prendre les mesures adaptées, sous réserve d’une évolution réglementaire en ce sens. Cette proposition vise à améliorer la réactivité face à ces situations qui, actuellement, sont toutes traitées au niveau national.
M. Christophe Naegelen, rapporteur. Pourquoi limitez-vous cette approche à certaines violences, notamment sexuelles, et n’incluez-vous pas les problématiques médicales ou autres ? Vous avez clairement fait une distinction.
Mme Zaynab Riet. D’une part, la gestion des disciplines médicales est assurée efficacement par les pairs, notamment à travers les sociétés savantes qui définissent les critères et les évolutions des prises en charge. Ce système fonctionne assez bien. D’autre part, les aspects non médicaux, liés aux comportements ou au management, souffrent d’un processus décisionnel excessivement long. Le délai entre l’identification d’un problème au niveau de l’hôpital, la réalisation d’une enquête, la remontée au niveau national, la suspension conservatoire du praticien avec maintien de sa rémunération, et la décision finale est inacceptable. Cette lenteur est préjudiciable tant pour la gouvernance que pour les victimes potentielles. La question se pose donc principalement sur ce second aspect, car la gestion de l’exercice médical en lui-même semble satisfaisante.
M. Vincent Prévoteau. Concernant l’exercice médical, nous disposons de procédures nationales, avec un rôle prépondérant des conseils départementaux de l’Ordre des médecins. Bien que des procédures pénales et administratives existent, la médecine reste un art. La France a su éviter une judiciarisation excessive, préservant ainsi un rapport de confiance. Nous devons prendre en compte la notion d’aléa thérapeutique et de responsabilité sans faute. Par exemple, un cas extrêmement rare de choc anaphylactique ne saurait engager la responsabilité d’un praticien.
Actuellement, nous disposons de dispositifs permettant la mise en cause des établissements, du directeur en tant que représentant de la personne morale, voire des praticiens. Cependant, j’interprète un second aspect dans votre question, qui ne concerne pas directement le binôme directeur-président. Ce tandem est fondamental pour la reconstruction, le développement d’un projet médico-soignant partagé et la structuration de l’offre de soins. Votre interrogation semble porter sur la capacité de ce tandem à évaluer les résultats des praticiens. Ai-je bien saisi votre préoccupation ?
M. Christophe Naegelen, rapporteur. La différence est notable entre les hôpitaux publics et privés. Dans le secteur privé, la direction s’apparente davantage à celle d’une entreprise, avec un chef clairement identifié. En revanche, dans les établissements publics, un rapport de force s’établit fréquemment entre le corps médical et l’administration. Les directeurs expriment souvent un manque de leviers suffisants pour influencer les décisions des médecins sur certains aspects. Ma question porte donc sur ce point précis : estimez-vous que les directeurs disposent d’une autorité suffisante sur le corps médical dans le contexte hospitalier public ?
M. Arnaud Robinet. Votre question soulève la problématique plus large de la gouvernance de l’hôpital public. Ce sujet a d’ailleurs fait l’objet d’une mission mandatée par le président de la République et le ministre François Braun, dont nous attendons toujours les conclusions.
Il est vrai que le président de la République salue souvent la gouvernance des centres de lutte contre le cancer, où le directeur est un médecin, présentant ce modèle comme idéal. Cependant, ces établissements diffèrent fondamentalement des hôpitaux publics par leur spécialisation et l’étendue de leurs missions.
Dans le cadre de mes fonctions à la FHF et lors de nos visites mensuelles d’établissements, tant sanitaires que médico-sociaux, je peux affirmer que dans plus de 95% des cas, le tandem directeur/directrice et président de CME fonctionne de manière optimale. Certes, des discussions et des divergences peuvent survenir, comme dans toute structure, mais globalement, le système fonctionne efficacement, chacun occupant sa place. À un moment, une seule personne porte la responsabilité décisionnelle, généralement le directeur d’établissement. C’est pourquoi la remise en question de cette gouvernance, qui semble avoir été temporairement abandonnée, ne me paraît pas pertinente. Ce n’est pas un changement de gouvernance qui résoudra les problématiques d’accès aux soins que vous soulevez.
Il faut garder à l’esprit qu’une personne unique assume la responsabilité, notamment pénale : le directeur ou la directrice d’établissement. Cela n’exclut pas la possibilité qu’un directeur soit issu du corps médical, comme c’est le cas à Strasbourg par exemple. L’essentiel est qu’une seule personne prenne les décisions, et c’est le directeur d’établissement qui assume ce rôle.
M. Christophe Naegelen, rapporteur. Je me permets de préciser ma pensée, car il semble que je me sois mal exprimé. Mon propos ne concernait pas le rapport demandé par le président de la République et par François Braun, mais plutôt un constat de terrain. Les directeurs que nous avons rencontrés, bien que leurs relations avec les présidents de CME soient généralement excellentes, expriment un sentiment d’impuissance face à la pénurie médicale généralisée, particulièrement dans leurs interactions avec les chefs de service et les médecins.
Contrairement aux établissements privés, où la hiérarchie est clairement établie, les hôpitaux publics font face à un rapport de force complexe avec les praticiens. Cette situation ne se traduit pas par un chantage quotidien, mais elle engendre des tensions significatives, notamment dans la gestion de l’intérim médical. C’est sur cet aspect spécifique que je souhaitais attirer votre attention.
M. Vincent Prévoteau. Votre question soulève en réalité la problématique du statut, souvent débattue. La gestion des cliniques privées repose principalement sur un système de prélèvement sur les honoraires. Dans le contexte hospitalier public, nous sommes face à un management complexe mais néanmoins efficace. Sur le terrain, nous observons généralement une grande harmonie, fondée sur des valeurs communes et centrée sur le patient. Il serait contre-productif d’opposer les différents acteurs.
L’hôpital public incarne parfaitement la philosophie de Saint-Exupéry : c’est dans la complémentarité et le travail collectif que réside sa force. Les décisions sont prises de manière concertée, impliquant les présidents de CME, les bureaux, les chefs de pôle et de service. Cette approche collaborative s’étend au-delà de l’hôpital, englobant les élus et l’organisation territoriale des soins.
L’accès aux soins ne se résume pas à une question de gouvernance. Il s’agit d’un enjeu d’organisation, d’innovation, de portage de projets et d’ambition collective. Face à la pénurie de médecins, notre défi est de rendre l’hôpital plus attractif dans un environnement concurrentiel. La solution ne réside pas dans le jugement, mais dans la construction commune d’un projet de santé ambitieux et innovant.
M. Jiovanny William (SOC). J’ai remarqué que le panel utilisé dans le baromètre de la FHF se limite à la France hexagonale, excluant ainsi les territoires d’outre-mer. En tant que député de la Martinique, je m’interroge sur cette méthodologie et ses implications.
Vous avez évoqué par ailleurs un excès de judiciarisation. Pourriez-vous préciser votre pensée à ce sujet ? Envisagez-vous une augmentation des modes alternatifs de règlement des conflits ? Estimez-vous que l’Office national d’indemnisation des victimes d’accidents médicaux (ONIAM) devrait disposer de plus de moyens pour réduire le volume des contentieux ?
Enfin, avez-vous abordé la question de la perte de chance dans vos études ? Cette problématique est particulièrement pertinente dans le domaine du cancer, où les retards de prise en charge et de diagnostic sont cruciaux. Nous interrogeons fréquemment les ARS, notamment en Martinique, sur ce sujet, mais nous manquons d’indicateurs précis. Quelle est votre approche sur cette question ?
M. Arnaud Robinet. Vous soulevez un point important concernant l’enquête Ipsos. Bien que celle-ci se concentre effectivement sur la métropole, nous avons veillé à intégrer les problématiques spécifiques aux hôpitaux d’outre-mer dans notre analyse globale. Nous nous sommes rendus en Martinique, en Guadeloupe et récemment à Mayotte et à La Réunion. Nous maintenons un contact étroit avec les directeurs des établissements hospitaliers ultramarins, qu’il s’agisse de CHU ou de centres hospitaliers (CH).
Nous sommes pleinement conscients des enjeux particuliers auxquels font face ces territoires en termes d’accès aux soins, de formation et de ressources humaines. Il est important de noter que ces défis varient considérablement d’un territoire à l’autre. Par exemple, la situation en Martinique diffère grandement de celle de La Réunion en matière de ressources humaines, d’attractivité et de fidélisation du personnel. Soyez assuré que nous prenons en compte toutes ces spécificités dans notre approche.
Mme Zaynab Riet. Je tiens à précise que l’objectif du baromètre santé est d’évaluer annuellement la perception de notre système de santé et des enjeux sanitaires dans le contexte politique global.
Concernant l’outre-mer, nous sommes non seulement parfaitement informés des problématiques propres à chaque territoire et nous avons également élaboré une feuille de route spécifique qui a été préparée en collaboration avec les fédérations régionales et présentée lors d’une audition à la Cour des comptes. Notre contribution détaillée couvre les enjeux sanitaires spécifiques à chaque territoire ultramarin, qui varient considérablement d’une région à l’autre.
En Martinique : au-delà de l’évolution des maladies chroniques, nous faisons face à un véritable défi lié au vieillissement de la population et à sa prise en charge. D’ailleurs, nous avons prévu une réunion demain pour discuter de la mise en place d’une approche de responsabilité populationnelle dans ce territoire.
Notre contribution aborde également les enjeux économiques et financiers propres aux territoires ultramarins, tels que les surcoûts liés à l’insularité, les difficultés d’approvisionnement et leurs conséquences sur la sécurité des professionnels, ainsi que la question cruciale du coefficient géographique. C’est grâce à l’action de la FHF que nous avons pu préserver ce coefficient, qui était menacé.
Je tiens à vous assurer que, bien que le baromètre santé ne traite pas spécifiquement des territoires ultramarins, ceux-ci font l’objet d’un suivi très rapproché. Nous avons alerté les pouvoirs publics sur leur situation particulière et nous y travaillons activement.
M. Vincent Prévoteau. Concernant la judiciarisation, il est essentiel de rappeler que nous évoluons dans un état de droit qui accorde, à juste titre, une place prépondérante aux patients. De nombreux établissements, dont le centre hospitalier que je dirige, développent des initiatives centrées sur l’expérience patient, intégrant les usagers et les patients experts dans l’amélioration des pratiques hospitalières.
Lorsque j’évoque un excès de judiciarisation, je fais référence à une crainte qui existait au début de ma carrière, celle de voir la relation patient-médecin se transformer en un lien purement juridique. Heureusement, nous maintenons un lien de confiance, tout en reconnaissant l’importance cruciale des directions des affaires juridiques dans tous les établissements.
Il est primordial de renforcer les directions communes, notamment en matière juridique, pour garantir l’accès à ces compétences même dans les petits établissements. Nous devons préserver des mécanismes de protection et d’écoute des patients sans pour autant basculer dans une logique de judiciarisation excessive. L’exercice médical reste un art, soumis à une obligation de moyens.
Cette obligation de moyens se traduit également par notre organisation territoriale. Prenons l’exemple de la radiologie : un secteur radiologique solide sur un territoire permet de réduire les délais de prise en charge, contribuant ainsi à l’obligation de moyens. C’est pourquoi une organisation territoriale efficace, évitant la concurrence stérile entre établissements, est cruciale pour garantir un accès aux soins de qualité.
Nos équipes médicales hospitalières sont d’une qualité exceptionnelle. Notre défi est d’assurer, à travers une organisation territoriale cohérente, la même qualité et sécurité des soins, que ce soit en ville ou à l’hôpital. Un patient présentant des troubles du rythme cardiaque, par exemple, doit bénéficier de la même prise en charge optimale, quel que soit son lieu de résidence.
Enfin, il est essentiel d’identifier les problématiques de santé spécifiques à chaque territoire et de développer des filières organisées pour renforcer l’accès aux soins, en tenant compte des particularités locales.
Mme Josiane Corneloup (DR). Je partage pleinement votre vision d’un parcours de soins organisé en filières adaptées aux spécificités de chaque territoire. Il est en effet primordial de partir des besoins locaux pour recomposer l’offre de soins. Vous avez manifestement réussi à mettre en place une dynamique remarquable, fondée sur la connaissance mutuelle, le partage et la construction collective.
Cependant, je m’interroge sur la reproductibilité de votre démarche. Comment faire évoluer l’organisation pour impliquer l’ensemble des structures d’un territoire ? Qui doit être à l’initiative de ce processus ? Nous avons récemment auditionné un chef de service des urgences qui soulignait l’importance cruciale de l’aspect organisationnel. Il affirmait qu’augmenter simplement les effectifs sans repenser l’organisation ne ferait qu’ajouter de la confusion à une situation déjà complexe.
Il est évident qu’une stratégie claire est nécessaire, prenant en compte les ressources du territoire tout en visant l’équité, l’égalité et l’accessibilité des soins pour tous. Votre réussite semble reposer sur votre initiative personnelle. Comment pourrions-nous généraliser cette approche et l’adapter à d’autres contextes ?
M. Vincent Prévoteau. Il existe de nombreux exemples probants de cette approche. Ma carrière a débuté en Picardie, où des établissements comme les hôpitaux de Montdidier et de Corbie ont su s’intégrer efficacement dans ces filières de soins, malgré leur proximité avec le CHU d’Amiens. La clé réside avant tout dans un état d’esprit collaboratif. Il s’agit de vouloir travailler ensemble, en prenant en compte les contraintes tout en exploitant les synergies potentielles. Cette démarche ne peut être menée en solitaire ; elle nécessite une co-construction impliquant plusieurs acteurs.
Prenons l’exemple concret des équipes médicales. Deux équipes de deux médecins restent distinctes, mais une équipe de quatre offre une dynamique différente. Le recrutement devient plus aisé, la permanence des soins s’organise plus facilement, et du temps peut être libéré pour la recherche. Nous créons ainsi une véritable matrice de synergies.
La reproductibilité de ce modèle dépend largement de la maturité et de la volonté des acteurs locaux. Certains territoires peuvent se voir offrir d’excellentes infrastructures sans parvenir à les exploiter pleinement. À l’inverse, des initiatives comme celle de Decazeville émergent d’un collectif uni, impliquant direction et corps médical, fondé sur la confiance mutuelle.
L’état d’esprit est déterminant. Sans volonté de collaboration, aucun progrès n’est possible. Il faut une stratégie claire, basée sur un diagnostic précis du territoire. Certains établissements ayant refusé de se restructurer se sont retrouvés en difficulté, tandis que d’autres ont su évoluer positivement. Il n’existe pas de schéma unique reproductible partout. Le succès repose sur l’engagement des personnes, leur volonté de travailler ensemble et la création de collectifs dynamiques. C’est un processus qui s’amplifie, telle une boule de neige, générant une synergie positive sur l’ensemble du territoire.
M. Arnaud Robinet. Chacun des 137 GHT représente un exemple remarquable d’innovation. J’ai récemment visité Le Mans, où une cellule d’ordonnancement pilotée par des infirmières a été mise en place, démontrant une approche novatrice en termes d’accès aux soins, d’orientation et d’accompagnement des patients. Ces initiatives émanent généralement du corps médical, soutenu par les équipes de direction.
Il ne faut pas non plus négliger le rôle des ARS dans la coordination de l’offre de soins territoriale. Leur implication peut varier selon les régions, mais leur mission d’accompagnement des initiatives portées par le corps médical, les établissements et la médecine de ville est essentielle. Nous avons observé des exemples remarquables lors de nos visites en Martinique et en Guadeloupe, notamment concernant la gestion des maternités à Marie-Galante. Ces modèles pourraient d’ailleurs être transposés dans certains territoires métropolitains, comme dans le Grand Est.
Ces réussites reposent sur une volonté commune, une dynamique collective et une capacité d’innovation territoriale. Il ne s’agit pas d’appliquer une recette unique venue d’en haut, mais de favoriser l’émergence de solutions adaptées à chaque territoire.
Mme Zaynab Riet. Pour systématiser ces approches et lever les freins existants, il est impératif de clarifier le rôle des ARS, tant au niveau territorial que régional, en tant que régulateurs et organisateurs de l’offre de soins. Il faut définir précisément les responsabilités de chaque acteur, jusqu’à envisager des délégations de compétences.
La pédagogie est aussi un élément clé. Il est essentiel d’impliquer en amont les élus et les populations dans l’identification des besoins de santé non couverts et dans l’adaptation des organisations. Les besoins évoluent constamment avec le vieillissement de la population, l’augmentation des maladies chroniques et les variations démographiques.
Pour réussir, chaque acteur doit assumer pleinement son rôle et bénéficier du soutien nécessaire. Il est crucial que les décisions prises soient maintenues dans la durée. Nous avons malheureusement connu des situations où des efforts considérables ont été anéantis par des revirements politiques.
Il est primordial de rétablir une vision claire et d’expliquer que l’adaptation de l’offre de soins ne signifie pas nécessairement une dégradation des services. La FHF considère qu’il est de la responsabilité et de l’honneur de l’hôpital public d’ajuster son offre aux besoins de santé du territoire. Notre objectif est que le système s’adapte aux patients, et non l’inverse.
M. Vincent Prévoteau. Dans mon propre management, j’ai modifié mon approche pour intégrer davantage les services, les chefs de service et les cadres. L’énergie d’un hôpital réside dans sa capacité à libérer les envies, à stimuler les projets et à insuffler de la vie. Cela doit se manifester au sein de l’établissement, mais également sur l’ensemble du territoire. Il est donc crucial de renforcer ce rôle pour favoriser l’innovation et l’émergence de nouvelles énergies.
Nous disposons de véritables terreaux d’innovation. Les plateaux d’imagerie médicale mutualisés (PIMM), issus de la loi de 2016, constituent par exemple des structures innovantes s’inscrivant dans un schéma concurrentiel. Nous pouvons également innover en repensant le rôle des infirmiers en pratique avancée (IPA) sur un territoire, notamment en abordant la question cruciale de la valorisation de leur exercice territorial.
En tant que président de l’ADH, je tiens à souligner que l’innovation implique nécessairement une part de risque. Ce risque doit être transparent, visible et partagé. Actuellement, une préoccupation majeure concerne la protection fonctionnelle devant les juridictions financières. Le nouveau régime de responsabilité des gestionnaires publics ne permet pas de bénéficier d’une telle protection. Cela pose problème lorsqu’une décision est prise dans l’intérêt général, sans qu’il s’agisse d’une faute détachable du service. Le régime actuel inquiète de nombreuses personnes et risque d’entraver toute forme d’innovation.
Il est primordial que l’Assemblée se penche sur cette question. Le régime de responsabilité doit évoluer pour ne pas freiner l’innovation dans nos structures. Cette problématique constitue aujourd’hui une inquiétude majeure pour les gestionnaires publics.
M. Christophe Naegelen, rapporteur. Comment la Fédération Hospitalière de France perçoit-elle la répartition actuelle des activités ? Sur le terrain, il semble que celles qui sont les plus rentables soient souvent attribuées aux cliniques privées, alors que les hôpitaux privés ne respectent pas toujours leurs obligations en matière de permanence des soins. Les décisions prises par les ARS semblent parfois préjudiciables aux hôpitaux publics.
Par ailleurs, ne pensez-vous pas qu’il faudrait revoir en profondeur les cotations des actes médicaux ? Prenons l’exemple de la cataracte : alors que la durée de l’intervention a été considérablement réduite au fil des années, elle reste élevée. Ne serait-il pas pertinent de réévaluer ce système ?
Enfin, de nombreux praticiens hospitaliers (PH), profondément investis dans leurs établissements, ne comprennent pas l’écart de rémunération avec les contractuels recrutés en motif 2, parfois au niveau H13. Cette différence significative de rémunération peut décourager des PH engagés dans l’hôpital public.
M. Arnaud Robinet. Concernant votre dernière question sur les contractuels et les PH, cette situation découle de la régulation de l’intérim, que nous avons soutenue à la FHF à travers la loi Rist. Il est évident que, lorsque des PH et des professeurs universitaires, fidèles à l’hôpital public, constataient que certains de leurs confrères étaient rémunérés trois à cinq fois plus, cela soulevait des interrogations. Cette disparité affectait non seulement la cohésion d’équipe, mais aussi la continuité des soins. Aujourd’hui, l’augmentation des contrats de motif 2 pose effectivement problème en termes de coûts pour l’hôpital public et de cohésion au sein des équipes médicales.
Concernant la question des cliniques privées et des hôpitaux publics, je ne souhaite pas adopter un discours manichéen. La richesse du système de santé français réside dans la coexistence de ces deux piliers, public et privé. Néanmoins, il faut reconnaître que leurs missions diffèrent. Les établissements privés, particulièrement ceux gérés par de grands groupes se concentrent davantage sur les soins programmés et la rentabilité. L’hôpital public, quant à lui, accueille tous les patients, quel que soit leur niveau social, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Il est important que les ARS s’efforcent d’atténuer ces différences. Je ne peux affirmer que les ARS favorisent délibérément les cliniques en leur accordant des autorisations plus lucratives. Ces décisions font l’objet de discussions au sein des fédérations régionales, comme nous l’avons expérimenté dans le Grand Est. Bien que nos philosophies soient différentes, elles doivent rester complémentaires.
Concernant la tarification à l’activité (T2A), nous demandons depuis longtemps une refonte de cette grille. Des actes comme la dialyse ou la cataracte, très pratiqués dans les établissements privés, sont devenus particulièrement lucratifs. Or la T2A représente 50 % des recettes de l’hôpital public. Nous avons entendu des annonces en 2020-2021 sur une refonte du financement, mais il est crucial que toute modification s’applique à l’ensemble du système et non pas uniquement à l’hôpital public. Nous ne remettons pas en cause spécifiquement la T2A, mais nous plaidons pour une révision équitable du système de financement.
Mme Zaynab Riet. L’hôpital public assure 85 % de la permanence des soins dans les établissements, pour un financement de 69 %. En comparaison, le secteur privé n’en assure que 5 %, mais bénéficie d’un financement de 23 %. Cette répartition s’explique en partie par la nature de l’activité du secteur privé, qui est à plus de 70 % ambulatoire. Néanmoins, il est impératif de rééquilibrer les financements en faveur de ceux qui assurent réellement la permanence des soins. Sur certains territoires, il faut alléger la charge de cette permanence en la répartissant sur l’ensemble des opérateurs.
Le problème d’attractivité ne réside pas tant dans la rémunération que dans les contraintes imposées par la permanence des soins. C’est précisément l’absence de ces contraintes qui attire vers le secteur privé, mettant ainsi en tension l’offre publique et privée.
Concernant la T2A, une mission Inspection générale des finances/Inspection générale des affaires sociales a souligné dans son rapport que ce n’est pas tant le principe de la T2A qui pose problème que son inadaptation à certaines situations. Elle ne finance pas suffisamment la coopération et les parcours de soins sur les territoires, ni la mise en place d’équipes partagées. Il est donc nécessaire d’adapter les tarifs à la réalité du coût de la prise en charge et d’affiner la nomenclature des actes. Cependant, une baisse du financement des actes réalisés en ambulatoire risquerait d’entraîner une course à l’acte. De même, un sous-financement des prises en charge complexes, généralement assurées par l’hôpital public, conduirait inévitablement à des manques à gagner et probablement à l’aggravation des déficits des établissements.
M. Vincent Prévoteau. La T2A constitue un levier important de dynamique pour les équipes dans le développement de projets. Il est crucial que ceux-ci ne se développent pas de manière isolée ; d’où l’importance des structurations à travers les GHT.
Quant à la question de la rémunération, il convient de souligner l’impact positif du Ségur pour les paramédicaux dans le territoire où je travaille actuellement. Nous observons en effet aujourd’hui des tensions sur certaines spécialités comme les infirmiers et infirmières, les manipulateurs en électroradiologie et les sage-femmes. Il est important de noter que le rapport salarial à l’hôpital reste d’environ 1 à 6 ou 1 à 7, ce qui est relativement modéré comparé à d’autres structures.
Les professionnels attendent avant tout de bonnes conditions de travail, des équipes suffisantes, une gestion de projet efficace et un plateau technique performant. Il est donc crucial pour nos établissements de pouvoir continuer à investir. L’attractivité de l’hôpital passe également par le développement de la recherche, y compris dans ceux qui ne sont pas des CHU. Nous aspirons à universitariser le territoire, voire à y implanter une première année de médecine. Cela implique de s’appuyer sur les lycées, de former des IPA dans les instituts de formation en médecine de santé et de développer la recherche en collaboration avec des CHU comme celui de Toulouse.
L’attractivité de l’hôpital ne se limite pas à la régulation des modalités. Il s’agit aussi de créer un écosystème attractif dans son ensemble.
M. le président Jean-François Rousset. Les élus locaux, qu’il s’agisse des maires ou des présidents d’EPCI, jouent un rôle majeur dans les territoires. Leur dynamisme et leur engagement personnel, ainsi que celui de leurs équipes, ont un impact significatif sur l’engagement d’un territoire tout entier. Il est important de souligner cette réalité, car l’implication des élus varie considérablement d’un territoire à l’autre.
M. Arnaud Robinet. Vous avez entièrement raison de souligner l’importance du rôle des élus. Bien que, depuis la loi Bachelot de 2009, les maires ne soient plus systématiquement présidents du conseil de surveillance des hôpitaux, ils le sont encore majoritairement. Au-delà de leur présence dans ces instances, c’est l’implication de la collectivité à travers l’élu dans une politique de santé partenariale qui est cruciale, notamment via les contrats locaux de santé sur les territoires.
Lorsque nous parlons de responsabilité populationnelle, il ne s’agit pas uniquement de réunir les professionnels de santé, qu’ils soient du public, du privé ou de la médecine de ville. Il est essentiel d’inclure les élus et les collectivités dans ces discussions. Pour garantir l’accès aux soins pour tous, il faut aussi mettre en place des démarches proactives. Les centres communaux d’action sociale de nos collectivités sont des outils précieux pour détecter les personnes éloignées du système de santé.
Le rôle des élus est devenu de plus en plus important, particulièrement depuis la crise sanitaire liée à la Covid-19. Leur implication est fondamentale pour une approche globale et efficace de la santé sur nos territoires.
M. Vincent Prévoteau. En tant que directeur d’hôpital, je peux témoigner que la gouvernance est un véritable sport collectif. Un directeur d’hôpital ne peut agir seul. Il a besoin des médecins, des soignants et surtout des élus. J’ai évoqué précédemment la question de l’universitarisation d’un territoire. Malgré toute ma détermination, je ne peux mener à bien un tel projet sans le soutien des élus. Leur rôle est absolument fondamental pour un directeur d’hôpital dans la réalisation de projets d’envergure.
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La séance s’achève à dix-huit heures quarante-huit.
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Présents. - Mme Josiane Corneloup, M. Christophe Naegelen, M. Jean-François Rousset, M. Jiovanny William