Compte rendu

Commission d’enquête relative à l’organisation du système de santé et aux difficultés d’accès aux soins

– Table ronde, ouverte à la presse, sur « l’état des lieux de l’industrie des produits de santé » réunissant Mme Laurence PEYRAUT, directrice générale du Leem, Mme Juliette MOISSET, directrice de l'Accès et des affaires économiques du Leem et M. Pierre MEZERAY, directeur exécutif de Roche Diagnostics.              2

–  Présences en réunion............................14

 


Mercredi
28 mai 2025

Séance de 10 heures 30

Compte rendu n° 19

session ordinaire de 2024-2025

Présidence de
M. Jean-François Rousset,
Président

 


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La séance débute à dix heures trente-cinq.

M. le président Jean-François Rousset. Je vous souhaite la bienvenue et vous rappelle que cette séance est retransmise en direct sur le site internet de l’Assemblée nationale. L’enregistrement vidéo sera ensuite disponible à la demande. L’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées dans le cadre de travaux d’enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».

(Mme Laurence Peyraut, Mme Juliette Moisset et M. Pierre Mezeray prêtent serment.)

Mme Laurence Peyraut, directrice générale du Leem. Je vous remercie de nous donner l'opportunité de nous exprimer devant cette assemblée. Le Leem est une organisation professionnelle représentant les entreprises du médicament dont la mission est de garantir l'accès quotidien des patients à leurs traitements sur l'ensemble du territoire français.

Le Leem représente plus de 100 000 personnes en France, réparties sur 271 sites de production, dont 32 dédiés à la bioproduction. Nos 150 métiers, bien qu'orientés vers l'avenir, sont actuellement sous tension. Nos objectifs principaux sont d'assurer la viabilité économique de nos entreprises, de contribuer à la souveraineté sanitaire et de mener les transitions sociales, sociétales et environnementales nécessaires.

L'accès aux soins inclut indéniablement l'accès aux médicaments. Nos défis couvrent l'intégralité de la chaîne de valeur du médicament, de la recherche à la production et à la distribution. Je souhaite mettre en lumière certains points essentiels, notamment dans le contexte de la préparation du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour l’année 2026.

Concernant la recherche, nous constatons un déplacement massif des investissements vers les États-Unis qui dépasse les 250 milliards de dollars. Il est donc impératif que la France et l'Europe reprennent le leadership dans ce domaine. Les entreprises pharmaceutiques françaises investissent annuellement 6 milliards d'euros en R&D, en interne ou par l’intermédiaire de partenariats public-privé, collaborant avec 147 établissements.

Je souhaiterais formuler un point d’alerte, qui concerne la recherche en matière d’essais cliniques. Dans la chaîne de production du médicament, investir en France dans la phase des essais cliniques permet, en aval, de créer les conditions favorables à l’investissement en production. Il est donc essentiel de préserver notre position de leadership dans ce domaine. Or la France, auparavant leader dans ce domaine, est désormais reléguée à la troisième place, derrière l’Allemagne et l’Espagne, et talonnée de près par l’Italie. Il est donc urgent d’engager une réflexion avec vous sur les leviers permettant de remettre notre pays en capacité d’être aussi performant qu’il l’a été par le passé en matière d’essais cliniques. À cet effet, nous avons proposé, dans le cadre du projet de loi de simplification, un ensemble de mesures ne générant aucun coût budgétaire mais visant à alléger les procédures, dans le but de réattirer des essais cliniques sur notre territoire.

Quant à la production de médicaments, nous visons à relocaliser en France et en Europe. Cependant, l'absence d'une loi de programmation en santé entrave nos efforts. L'ouverture d'une usine nécessitant sept à dix ans avant d'être pleinement opérationnelle, une visibilité à long terme est essentielle. La France est actuellement sixième en Europe pour la production pharmaceutique, une position que nous devons améliorer.

Dans la mesure où l'accès aux médicaments est financé par les cotisations sociales, la régulation du secteur est essentielle. Toutefois, nous observons aujourd’hui une réelle difficulté à anticiper les évolutions du cadre réglementaire, car celui-ci, modifié d’année en année, s’alourdit progressivement, ce qui réduit considérablement la capacité de projection sur le marché français.

Cela étant, il faut souligner que certaines mesures d’accès aux soins mises en œuvre en France sont scrutées avec attention par nos voisins européens, notamment en matière d’accès précoce. Ce dispositif, auquel nous sommes particulièrement attachés, concerne aujourd’hui près de 50 000 patients qui ont pu bénéficier d’un traitement anticipé. Nous avons démontré, par ce biais, notre capacité à inventer de nouveaux mécanismes favorisant l’accès rapide des patients aux traitements.

En ce qui concerne la régulation, il convient toutefois de rappeler quelques données essentielles. Les quatre leviers principaux qui sont mobilisés sont les remises, les baisses de prix, les actions sur les volumes et la clause de sauvegarde. En conséquence, nous sommes devenus les champions d’Europe en matière de pression fiscale sur l’industrie pharmaceutique. Aujourd’hui, 60 % de l’excédent brut d’exploitation des entreprises du secteur sont soumis à des mécanismes fiscaux, tandis que les prix pratiqués en France sont les plus bas d’Europe. Les études que nous menons chaque année confirment l’existence d’un véritable effet de ciseaux avec, d’un côté, une fiscalité parmi les plus élevées et, de l’autre, des prix parmi les plus faibles. Cette double contrainte empêche notre pays de retrouver la souveraineté sanitaire dont les patients ont pourtant cruellement besoin.

Malgré ces défis, nous restons engagés. Nous avons lancé des initiatives visant à soulager le secteur comme le programme de bon usage du médicament, visant à optimiser les prescriptions pour les personnes âgées. Ce programme, initialement destiné à 20 000 médecins, sera étendu à 40 000 cette année. Notre objectif est d'assurer une prescription plus judicieuse, résumée par notre slogan : « Moins de médicaments, c'est médicamieux ».

En conclusion, notre industrie s'efforce de surmonter les nombreux obstacles auxquels elle fait face. Nous sommes prêts à collaborer pour simplifier ces processus et à répondre à vos questions afin d’améliorer la situation.

M. Pierre Mezeray, directeur exécutif de Roche Diagnostics. Je vous remercie d'avoir accepté notre demande d'audition du 20 mars dernier, visant à mettre en lumière une dimension souvent négligée des inégalités territoriales que sont les déserts diagnostiques. Notre intervention se concentrera spécifiquement sur cette problématique et sur la biologie délocalisée hors les murs. Il est important de noter que nos propos s'inscrivent dans le prolongement de l'analyse des déserts médicaux présentée par l'UFC-Que Choisir le 14 mai dernier devant cette commission.

Notre conviction est qu'il est possible d'améliorer significativement la situation en allant vers les populations et en fournissant des outils pour répondre aux défis posés par les déserts médicaux. En tant que leader mondial du diagnostic in vitro et membre du groupe Roche, leader en santé à la fois sur le médicament et sur le diagnostic, nous abordons ces enjeux dans une perspective de parcours, du dépistage au suivi des maladies chroniques et de la réponse aux traitements.

Il nous a semblé essentiel de mener une première étude et de réintroduire des éléments scientifiques dans le débat relatif à ce que nous avons identifié comme des déserts diagnostiques, qui sont étroitement liés aux déserts médicaux. L’objectif était de replacer ces données objectivées au cœur des discussions, afin de permettre les prises de décision qui s’imposent. Il y a un peu plus de trois ans, nous avons ainsi lancé des études concrètes fondées sur des données statistiques issues de l'Insee, de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) et de l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes), afin d’évaluer le maillage territorial des laboratoires de biologie médicale, de leurs sites de prélèvement, ainsi que le déploiement des infirmiers et infirmières mobiles. Nous avons comparé ces éléments à la densité géographique observée dans nos territoires, en nous appuyant sur la même méthode que celle utilisée par la Drees pour identifier les déserts médicaux, mais en l’appliquant à l’accès aux diagnostics.

Nous avons mobilisé la notion d’accessibilité potentielle localisée (APL) en la fondant sur deux variables principales que sont la densité démographique des laboratoires et leur répartition sur le territoire d’une part, et la distance géographique entre la population et les structures de biologie médicale d’autre part. L’une des limites de notre analyse est que nous n’avons pas pu intégrer la volumétrie des actes, faute d’accès aux données du système national des données de santé (SNDS).

Néanmoins, les conclusions de cette première étude, que nous avons partagée dès 2023 puis actualisée, sont claires. Aujourd’hui, 7,8 millions de nos concitoyens, soit 12 % de la population, n’ont pas accès à un laboratoire de biologie médicale et, par conséquent, aux actes diagnostics correspondants.

Nous avons simulé différents scénarios permettant de répondre à ces déserts diagnostiques. Concrètement, nous avons étudié les effets d’une ouverture de biologie hors les murs visant à la rendre accessible là où se trouvent les professionnels de santé, que ce soit dans les maisons de santé pluridisciplinaires, les Ehpad ou chez les médecins généralistes. Cette modélisation démontre clairement qu’une telle ouverture permettrait de faire passer la part de population sans accès à la biologie de 12 % aujourd’hui à seulement 0,5 %, voire de résorber totalement cette inégalité géographique.

En 2024, nous avons enrichi notre travail par une analyse du profil social et sanitaire des populations concernées. Parmi ces 7,8 millions de personnes, plus de 74 % vivent en zone rurale, dont 54 % dans des zones rurales subies. Il s’agit majoritairement d’une population plus âgée, connaissant un taux de chômage plus élevé et un revenu médian inférieur à la moyenne nationale. Ces personnes, qui sont davantage exposées aux effets de l’inflation et aux difficultés de mobilité, accèdent ainsi moins aux parcours de soins proposés par notre système de santé.

Cette deuxième étude a également examiné l’état de santé de ces populations. Nous avons observé une forte corrélation entre l’éloignement des services de biologie médicale et la prévalence de certaines pathologies telles que les affections de longue durée, les maladies cardiovasculaires, les cancers ou le diabète. Dans les quinze départements les plus touchés, les taux de maladies cardiovasculaires et de cancers sont systématiquement supérieurs à la moyenne nationale.

Ces populations ont donc besoin de davantage de biologie, de davantage de suivi, et il est manifeste que des investissements dans la prévention et dans des dispositifs de dépistage concrets auraient un impact extrêmement fort sur leur santé.

Pour conclure, nous disposons aujourd’hui de tous les outils nécessaires, qu’il s’agisse des technologies, des innovations, des instruments, ou des solutions numériques, pour déployer une biologie médicale accessible sur l’ensemble du territoire. Comme je l’ai mentionné précédemment, l’intégration de cette biologie délocalisée dans les structures déjà existantes du système de santé telles que les maisons de santé pluridisciplinaires ou les Ehpad, permettrait de réduire à néant les inégalités d’accès. Nous avons donc, autour de cette table et au sein de cette commission d’enquête, l’opportunité de résoudre cette difficulté de manière concrète, car cette contrainte repose aujourd’hui sur un seul obstacle juridique, à savoir un décret de 2014, qui limite l’usage de la biologie hors les murs aux seules situations d’urgence.

M. Christophe Naegelen, rapporteur de la commission d’enquête relative à l’organisation du système de santé et aux difficultés d’accès aux soins. Pourriez-vous tout d’abord nous indiquer quelles sont les principales pénuries de médicaments ou de dispositifs médicaux auxquelles nous sommes actuellement confrontés en France ?

Ensuite, madame Peyraut, vous avez évoqué la nécessité de réindustrialiser la France dans le domaine de l'industrie médicamenteuse. Pouvez-vous nous informer d’éventuels projets en cours dans ce domaine ? Plus précisément, quelles molécules sont concernées, quel est le potentiel d'emploi espéré de ces éventuelles relocalisations et, surtout, quels sont les délais envisagés pour leur mise en œuvre ?

Mme Laurence Peyraut. J’ai pris mes fonctions il y a tout juste dix-huit mois. Dès ma première semaine, j'ai participé à une réunion initiée par le ministre de la santé de l'époque, M. Rousseau, rassemblant l’ensemble des acteurs impliqués dans la production et la distribution de médicaments. Cette collaboration a abouti à l'élaboration d'une charte d'engagement contre les pénuries et d'une feuille de route gouvernementale. Depuis lors, nous travaillons étroitement avec l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) sur cette problématique.

Les données récentes communiquées par l'ANSM révèlent une diminution des risques de rupture et un retour des ruptures effectives à un niveau comparable à celui d'avant 2019. Bien que cette situation soit encourageante, elle n'est pas encore satisfaisante, car notre objectif est de garantir un accès sans faille aux médicaments pour tous les patients français. Néanmoins, nous avons réussi à stabiliser la situation.

Il est essentiel de comprendre que la disponibilité des médicaments repose sur une chaîne de valeur impliquant de nombreux acteurs. Les entreprises du médicament et les distributeurs ont chacun leur part de responsabilité dans ce processus. Pour améliorer la traçabilité des stocks, nous avons développé pour l'ANSM un outil baptisé TRACStocks, qui centralise toutes les déclarations de nos laboratoires et remplace l'ancien système de fichiers Excel individuels. Nous préconisons l'extension de cet outil à l'ensemble de la chaîne de distribution afin d’obtenir une vision globale des stocks à tout moment sur le territoire français.

Bien que le plan hivernal mis en place cette année ait permis une meilleure gestion des pénuries, des tensions persistent, notamment dans le domaine de la santé mentale. Par exemple, pour la quétiapine, principalement produite en Grèce, nous avons mis en place avec l'ANSM des plans de remédiation visant à limiter les exportations parallèles et à ajuster les prescriptions au plus près des besoins des patients.

Pour conclure, j'insiste sur le fait que la réindustrialisation et la sécurisation de l'approvisionnement nécessitent une révision de l'économie du médicament. Nous sommes confrontés à cet effet ciseau entre les prix les plus bas et la fiscalité la plus élevée d'Europe. Cette situation est particulièrement problématique pour les molécules anciennes, dont les prix ont tellement baissé que nous n'avons plus les moyens de réinvestir dans leur production, ce qui contribue aux pénuries. Il est donc impératif de revaloriser le médicament pour permettre aux industriels de maintenir et de moderniser leurs chaînes de production, assurant ainsi l'accès aux traitements pour nos concitoyens, notamment face au vieillissement de la population et aux défis de santé mentale chez les jeunes.

M. Pierre Mezeray. En tant que représentant de Roche Diagnostic France, je tiens à préciser que je ne suis pas en mesure de m'exprimer au nom de l'ensemble de la filière du diagnostic in vitro. Pour une vision plus complète sur les pénuries dans ce secteur, il serait plus pertinent de consulter le Syndicat national de l'industrie des technologies médicales (Snitem) ou le Syndicat de l'industrie du diagnostic in vitro (Sidiv), dont nous sommes membres.

M. le président Jean-François Rousset. Je vous invite à nous communiquer les éléments de réponse par écrit.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Concernant les organisations professionnelles que vous représentez, s'agit-il uniquement d'organisations françaises ou disposez-vous également d’une vision globale de la production mondiale incluant les produits importés en France ? Cette perspective est essentielle pour comprendre l'étendue des pénuries au-delà du contexte national.

Vous avez par ailleurs mentionné à plusieurs reprises les prix les plus bas d'Europe et l'effet de ciseau. Dans vos comparaisons entre pays, avez-vous pris en compte les différences de taux de prise en charge par la solidarité nationale ? Pourriez-vous préciser quelle est la part restant à la charge des patients français par rapport aux autres pays européens que vous avez étudiés ?

Mme Laurence Peyraut. Les entreprises du médicament en France représentent l'ensemble des acteurs pharmaceutiques opérant sur le territoire français, des plus petites entreprises locales aux grands groupes internationaux. Toutes ces entreprises, quelle que soit leur taille ou leur origine, sont pleinement engagées dans la mise en œuvre de notre feuille de route, articulée autour des trois piliers précédemment mentionnés.

Les 271 entreprises sont, tout d’abord, engagées en faveur de leur compétitivité économique, afin de pouvoir produire et répondre à leurs engagements. Elles sont également engagées en faveur de la souveraineté sanitaire, notamment face aux pénuries, et cela indépendamment de leur lieu de production ou de l’usage qui est fait de leurs produits. Enfin, elles sont engagées sur les transitions sociales, sociétales et environnementales.

Concernant les systèmes de protection sociale et de prise en charge, il est effectivement vain d’effectuer des comparaisons directes entre pays en raison des différences significatives dans les modèles de couverture santé. Même au sein de l'Europe, où les systèmes sont globalement plus protecteurs qu'aux États-Unis, les modalités de prise en charge varient considérablement. Il est ainsi difficile d'établir une comparaison précise entre le prix facial et le prix net, qui reflète la prise en charge par l'État, d'autant plus que le droit de la concurrence limite l'accès à certaines informations. Nous pouvons néanmoins affirmer qu'en comparaison avec d'autres pays européens, les prix des médicaments en France sont généralement inférieurs d'environ 20 %. Cette estimation se base sur les données dont nous disposons, bien que la comparaison ne soit pas toujours parfaitement équivalente en raison des différences de systèmes.

Mme Juliette Moisset, directrice de l'Accès et des affaires économiques du Leem. Une récente étude de la Toulouse School of Economics a comparé les ruptures d'approvisionnement en France et au Royaume-Uni en fonction des prix observés. Cette recherche démontre que les ruptures sont plus fréquentes et plus intenses lorsque les prix en France sont bas, particulièrement quand ils sont inférieurs à ceux d'autres pays européens. Ainsi, des prix français inférieurs à ceux de nos voisins européens entraînent des ruptures plus importantes et plus difficiles à résoudre que dans d'autres territoires. Cette étude constitue actuellement la référence scientifique la plus pointue sur l'impact des prix et des comparaisons internationales sur les ruptures d'approvisionnement en France.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Bien que je comprenne la logique économique derrière les ruptures d'approvisionnement, ma question porte sur la structure du prix du médicament pour le patient final. Ce dernier se décompose généralement en trois parties, à savoir une prise en charge par la solidarité nationale issue des cotisations, une part couverte par les mutuelles et potentiellement un reste à charge pour le patient. Dans la mesure où ces éléments devraient être facilement accessibles pour vos organisations professionnelles présentes dans différents pays, j'aimerais comprendre comment la France se positionne par rapport à ses voisins. La part prise en charge par la solidarité nationale est-elle plus importante en France ? Est-elle comparable à celle d'autres pays ou, au contraire, est-elle moindre, avec une plus grande contribution des mutuelles ou un reste à charge individuel plus élevé dans d'autres pays ?

Mme Juliette Moisset. Effectivement, plusieurs rapports publics, notamment ceux de la Drees, examinent régulièrement les taux de prise en charge des différents soins, y compris les produits de santé et les médicaments. À ma connaissance, la France figure aujourd’hui parmi les pays européens où le taux de prise en charge par l'assurance maladie obligatoire est l'un des plus élevés. Bien que je ne dispose pas des chiffres détaillés pour une comparaison précise, nous pourrons vous fournir les rapports de la Drees qui établissent ces comparaisons.

M. Pierre Mezeray. Concernant la problématique d'accès aux soins due aux pénuries et la comparaison avec nos voisins européens, je souhaite souligner la situation en Allemagne, en Suisse et en Italie, où la biologie délocalisée hors les murs est disponible et prise en charge. Concrètement, lorsqu'un patient consulte un professionnel de santé, qu'il s'agisse d'un médecin généraliste ou d'un gynécologue, il a accès à des solutions de biologie délocalisée directement au sein du cabinet. Cela permet d'obtenir des résultats lors de la consultation initiale, améliorant ainsi le dépistage et le suivi des maladies chroniques, sans nécessiter de visite supplémentaire au laboratoire pour certains tests de base. Cette approche résout efficacement la problématique d'accès aux soins de proximité dans ces pays.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. J'aimerais également obtenir une comparaison entre l'Allemagne, la Suisse et l'Italie concernant la répartition entre la prise en charge individuelle, la solidarité nationale et la couverture mutualiste.

M. Pierre Mezeray. Les modèles de prise en charge diffèrent significativement entre ces pays et le nôtre, tant en termes de couverture généralisée que de système mutualiste. Néanmoins, ces solutions de biologie délocalisée ont été pleinement intégrées à l'offre de base, ou bénéficient du moins d'une couverture pour les soins primaires. Nous pourrons vous fournir des informations plus détaillées sur les modalités de couverture, notamment concernant la nomenclature des tests et les niveaux de remboursement associés, pour une analyse plus approfondie.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Puisque nous abordons l'aspect financier, pouvez-vous nous indiquer la marge moyenne des entreprises de votre organisation professionnelle, et plus particulièrement celle de Roche ? De même, quel est le ratio résultat net sur chiffre d'affaires pour ces entreprises et pour Roche spécifiquement ?

Mme Laurence Peyraut. En tant qu'organisation professionnelle, je ne suis malheureusement pas en mesure de vous communiquer ces données. Pour des raisons de droit de la concurrence, je n'ai pas accès aux prix nets par entreprise et ne peux donc pas calculer les marges. Les seules informations dont nous disposons sont les chiffres d'affaires bruts, mais nous n'avons pas les données de rentabilité par entreprise.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Le chiffre d'affaires à lui seul n'est que peu significatif. Ce qui m'intéresse davantage, ce sont les marges et les résultats. Concernant les entreprises de votre organisation professionnelle, disposez-vous uniquement d'un chiffre d'affaires cumulé ou pouvez-vous fournir un chiffre d'affaires moyen ?

Mme Laurence Peyraut. Le chiffre d'affaires remboursé par l'assurance maladie, qui est une donnée connue et sur lequel nous basons nos discussions annuelles dans le cadre du PLFSS, s'élève à environ 27 milliards d'euros pour l'ensemble des entreprises en France. Calculer une moyenne serait toutefois peu pertinent compte tenu de la diversité des modèles d'affaires, allant de la production de produits matures ou génériques à celle de produits hautement innovants. Je ne dispose pas de chiffre d'affaires moyen et je doute de sa pertinence étant donné les différences significatives entre les modèles d'entreprises.

Mme Juliette Moisset. Pour compléter ces informations, je précise que l'Insee fournit des données comparatives sur les excédents bruts d'exploitation, que nous pourrons vous communiquer ultérieurement. Il est important de rappeler que la France applique l'une des fiscalités spécifiques les plus lourdes d'Europe à l'industrie du médicament, ce qui impacte significativement cet excédent brut d'exploitation.

Je confirme l'ordre de grandeur de 27 milliards d'euros pour le chiffre d'affaires net de l'ensemble des entreprises du médicament en France, concernant la partie remboursable par l'assurance maladie.

M. Pierre Mezeray. Roche étant une entreprise publique, nos comptes globaux et détaillés par entité et division sont publics et disponibles. Nous pourrons vous les transmettre ultérieurement.

Par ailleurs, il est pertinent de considérer l'industrie du diagnostic in vitro dans son ensemble, qui représente aujourd'hui un peu plus de 1,5 milliard d'euros, soit moins de 2 % des dépenses de santé. Cependant, pour ce chiffre d'affaires relativement modeste, l'industrie du diagnostic in vitro informe plus de 70 % des décisions des professionnels de santé. Ces décisions orientent ensuite le pilotage de l'allocation du reste des dépenses publiques, qu'il s'agisse d'hospitalisations, de choix de traitements ou de suivis médicaux. Il est essentiel de replacer ces chiffres dans ce contexte plus large pour en saisir toute l'importance.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. J'imagine que de grandes entreprises telles que la vôtre disposent d'une comptabilité analytique détaillée. Si le chiffre d'affaires global pour le diagnostic in vitro atteint 1,5 milliard d'euros, pouvez-vous nous donner une idée de la part que cela représente dans le résultat global ?

M. Pierre Mezeray. Le chiffre d’1,5 milliards d’euros mentionné concerne l'ensemble de l'industrie du diagnostic in vitro, et pas uniquement Roche. Notre part de marché oscille entre 17 et 20 % selon les gammes de produits mais nous ne sommes pas présents sur tous les types de tests, d’autant que la valeur de ces tests peut varier. Bien que les chiffres spécifiques par pays ne soient généralement pas rendus publics, je peux confirmer que votre estimation est dans le bon ordre de grandeur.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Dans cette optique de comptabilité analytique, si nous considérons environ 300 millions d'euros pour Roche, soit 20 % de 1,5 milliard, pouvez-vous nous donner une idée de la part que cela représente dans le résultat final et de la marge nette sur les diagnostics in vitro ?

M. Pierre Mezeray. Je ne suis pas en mesure de vous fournir une réponse précise concernant ces 300 millions d'euros. En effet, ce chiffre représente le chiffre d'affaires généré en France alors que les investissements du groupe Roche sont répartis à l'échelle mondiale, avec une petite partie en France et une partie importante en Allemagne. Je ne peux donc pas, de mémoire, appliquer le pourcentage de profitabilité de notre division diagnostic à ces 300 millions d'euros. Nous pouvons cependant effectuer ce calcul et vous le communiquer ultérieurement pour vous donner un ordre de grandeur.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Vous avez évoqué à plusieurs reprises la question du poids de la fiscalité française sur les entreprises du médicament. S'agit-il d'une fiscalité spécifique ou sommes-nous dans le cadre de la fiscalité générale applicable à toutes les entreprises ? Dans votre analyse, prenez-vous en compte les 800 millions d'euros de crédit d'impôt recherche (CIR) dont bénéficient les entreprises du médicament ? Avez-vous une idée du nombre d'entreprises qui en bénéficient et de la répartition de ce crédit d'impôt ? Existe-t-il des entreprises qui en profitent de manière plus importante ?

Mme Laurence Peyraut. Permettez-moi d'abord de préciser que nous publions chaque année, au mois de juin, notre baromètre de l'attractivité en France qui fournit des données précises et actualisées sur ces sujets. Nous pourrons donc vous communiquer des chiffres plus détaillés après cette commission d'enquête.

Concernant la fiscalité, la France impose non seulement la fiscalité générale la plus lourde d'Europe, mais également une fiscalité spécifique à notre secteur. Celle-ci comprend plus de cinq taxes additionnelles, incluant la clause de sauvegarde et divers systèmes de remises. Cette fiscalité sectorielle, qui absorbe environ 60 % de l'excédent brut d'exploitation des entreprises, s'applique en fonction de la capacité de production, d'innovation ou de la production elle-même.

Mme Juliette Moisset. Nous sommes notamment soumis à une taxe spécifique sur le chiffre d'affaires des entreprises pharmaceutiques ainsi qu'à une taxe sur les dépenses de promotion. Certaines de ces taxes ont d'ailleurs été mentionnées dans un récent rapport de la Cour des comptes sur les taxes à faible rendement. Nous pourrons vous fournir un panorama plus complet dans l’étude actualisée de la fiscalité que nous mettons régulièrement à jour.

Mme Laurence Peyraut. S'agissant du crédit d'impôt recherche, je ne dispose pas immédiatement des informations précises sur le nombre de laboratoires qui y ont recours. Je rappelle que ce dispositif est une déduction fiscale accordée après la réalisation des investissements. Je m'engage à me renseigner et à vous communiquer les éléments dont nous disposons sous réserve qu’ils soient accessibles publiquement.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Je souhaiterais connaître votre avis sur le conditionnement unitaire des médicaments, voire la distribution en vrac, comme cela se pratique dans certains pays pour des médicaments spécifiques. Quels sont les obstacles qui rendent aujourd'hui la production à conditionnement unitaire si complexe en France ? Pensez-vous que cela pourrait générer des économies pour la sécurité sociale ?

Mme Laurence Peyraut. Cette question est complexe. Je tiens tout d’abord à souligner que notre secteur n'est pas opposé à l'idée d'envisager une dispensation à l'unité lorsque cela est possible, et que nous collaborons d'ailleurs actuellement avec l'ANSM sur ce sujet. Il faut cependant comprendre que toutes les formulations médicamenteuses ne se prêtent pas à ce type de conditionnement.

La principale difficulté réside dans le caractère mondial, ou du moins européen, des modes de fabrication actuels, ce qui implique que les chaînes de production ne puissent pas être modifiées uniquement pour répondre aux exigences françaises. Si nous décidons d'explorer cette voie et de mener des projets pilotes, nous devrons pouvoir compter sur l'engagement des entreprises et de l'ensemble de leurs groupes.

Cette mesure, qui pourrait sembler simple en termes d'économies et de simplification, s'avère en réalité complexe à mettre en œuvre. Néanmoins, nous l'étudions car nous sommes conscients de notre responsabilité en tant qu'acteurs du secteur. C'est à la fois un enjeu économique et écologique, car nous savons que la surproduction et le stockage excessif de médicaments représentent un réel problème. D’ailleurs, nous utilisons déjà ce principe de dispensation limitée en collaboration avec l'ANSM lors des périodes de pénurie, afin de gérer au mieux les difficultés d'approvisionnement.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Je m'interroge sur l'impact économique de ce conditionnement unitaire. En effet, la production à grande échelle avec des conditionnements par six ou douze permet généralement aux entreprises pharmaceutiques de réaliser des économies d'échelle. Le passage à un conditionnement unitaire entraînerait-il une hausse ou une baisse du prix du produit fini, ou l'impact serait-il relativement neutre ? Cette question soulève trois aspects importants que sont le prix de vente, le coût de revient pour l'entreprise et le coût pour la solidarité nationale, c'est-à-dire pour le patient final. De plus, comme vous l'avez mentionné, il faut également prendre en compte l'impact écologique de ce changement.

Mme Laurence Peyraut. Intuitivement, on peut penser qu'une production ajustée au plus près de la demande génère des économies. Bien que je ne dispose pas de données précises sur les comptes d'exploitation comparés entre un conditionnement unitaire et un conditionnement groupé, il est généralement admis qu'une production mieux ajustée à la demande est économiquement avantageuse.

Par ailleurs, nous devons également travailler à l'adéquation entre les indications de prescription et le conditionnement. Actuellement, des écarts persistent et il serait bénéfique de les réduire.

J’attire toutefois votre attention sur le point essentiel de la sécurité sanitaire. La vente en vrac soulève des questions importantes en termes de traçabilité des médicaments, qui est un gage de sécurité pour nos concitoyens. Il est donc essentiel de ne pas prendre de décisions qui pourraient potentiellement compromettre la santé publique en entravant notre capacité à suivre le parcours d'un médicament de bout en bout.

Pour toutes ces raisons, ce sujet est plus complexe qu'il n'y paraît, et des solutions apparemment évidentes peuvent en réalité soulever de nouvelles problématiques. Néanmoins, lorsque cela possible et sans compromettre la sécurité, nous pouvons effectivement envisager ces ajustements.

Mme Géraldine Bannier (Dem). Dans le secteur vétérinaire, il est courant de voir les praticiens découper les blisters pour fournir le nombre exact de médicaments nécessaires au traitement de l'animal. Ne serait-il pas envisageable d'appliquer un système similaire pour les médicaments à usage humain ? Cela permettrait de vendre à l'unité tout en préservant une certaine rentabilité des conditionnements.

J’aimerais également aborder une polémique récente concernant des lots de médicaments destinés à l'exportation qui auraient été détruits en raison de problèmes de conditionnement. Des mesures sont-elles prises pour éviter le gaspillage de médicaments dû à de simples défauts de conditionnement, comme l'a récemment rapporté la presse ?

Enfin, étant originaire d’un territoire considéré comme un désert médical, je souhaiterais savoir s’il existe une corrélation directe entre le manque de médecins traitants et les problèmes de diagnostic. Ces deux phénomènes sont-ils étroitement liés ?

Mme Laurence Peyraut. N'étant ni médecin ni pharmacien, je ne suis pas en mesure de répondre de manière exhaustive à la première partie de votre question. Je peux néanmoins confirmer que nous commençons à mettre en place des systèmes de dispensation à l'unité basés sur un découpage.

Concernant l'incident médiatisé que vous évoquez, il est important de préciser qu'il s'agissait d'une exportation vers le Japon. Le problème ne se limitait pas uniquement à une question d'emballage puisque la formulation du médicament en question était spécifiquement adaptée au marché japonais et n'était donc pas réutilisable pour d'autres usages.

M. Pierre Mezeray. Concernant la corrélation entre les déserts médicaux et les problèmes de diagnostic, nos données démontrent que le coefficient atteint 0,98, ce qui indique un lien extrêmement étroit entre ces deux phénomènes.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Je souhaite approfondir le point soulevé par Mme Bannier. Concernant les autorisations de mise sur le marché (AMM), vous avez évoqué les difficultés fiscales rencontrées par les entreprises. Observez-vous des différences significatives entre les procédures d'enregistrement des AMM dans les différents pays voisins ? Bien que ces autorisations soient souvent délivrées au niveau européen, constatez-vous des écarts importants avec les pays situés en dehors de l’Europe ? Par ailleurs, constatez-vous des différences notables entre l'industrie médicamenteuse humaine et vétérinaire en termes de procédures d'AMM ?

M. Pierre Mezeray. En tant que représentant de Roche Diagnostics, je ne suis pas compétent pour répondre aux questions relatives aux médicaments.

Concernant le packaging, il ne s’agit pas d’un enjeu prioritaire, ni pour les laboratoires, ni pour les industriels du diagnostic.

Mme Laurence Peyraut. Concernant les AMM, entre nos process d'accès au marché et la compétitivité des prix finalement octroyés, 60 % des innovations médicamenteuses n'atteignent pas le marché français. Ainsi, seules 40 % des nouveautés parviennent effectivement aux patients, en raison notamment de nos processus d'évaluation et de fixation des prix. Par conséquent, de plus en plus d'entreprises se détournent du marché français.

Nous saluons cependant la nouvelle approche d'accès précoce, qui permet de contourner les obstacles de l'accès en droit commun et offre à près de 50 000 patients en France l'accès à de nouveaux médicaments. Ce qui fonctionne dans ce cas mériterait d'être étendu car, pour les patients français, ne pas avoir accès aux dernières innovations représente une réelle perte de chance.

Mme Géraldine Bannier (Dem). Concernant la question du gaspillage, qu'en est-il du retour des médicaments non utilisés en pharmacie ? Cette pratique a-t-elle progressé ? S’agit-il réellement d’une solution efficace ?

Mme Laurence Peyraut. Auparavant, nous pouvions effectivement rapporter nos médicaments en pharmacie pour qu'ils soient recyclés. Aujourd'hui, nous pouvons toujours les rapporter mais ils sont incinérés pour des raisons de sécurité. Nous travaillons actuellement sur les questions de réemploi et de reconditionnement. C'est un sujet complexe et très encadré, qui mériterait d'être réexaminé pour lutter contre ce gaspillage et la non-consommation des médicaments.

C'est également pour cela que nous sommes engagés dans une campagne de promotion du bon usage du médicament, notamment auprès des personnes âgées, car nous savons qu’elles ont tendance à stocker davantage de médicaments chez elles. Il est donc important d'influencer les comportements pour que les patients n’achètent que ce dont ils ont réellement besoin.

Le recyclage des médicaments reste un sujet complexe, principalement pour des raisons de sécurité sanitaire.

Mme Juliette Moisset. Je souhaite rectifier les chiffres mentionnés par Laurence Peyraut. Actuellement, 60 % des nouveaux médicaments sont disponibles sur le territoire français, ce qui signifie que 40 % des médicaments ayant obtenu une AMM n'arrivent pas sur notre marché.

Pour être plus précis, sur l'ensemble des nouveaux médicaments obtenant une AMM en Europe, seuls 60 % intègrent le circuit de remboursement en France. Ce taux est supérieur à la moyenne européenne qui s'établit à 50%, mais reste inférieur à celui de nos principaux voisins.

40 % des nouveaux médicaments ayant obtenu une AMM européenne n'entrent pas dans le circuit de remboursement français car, après l'obtention de l'AMM au niveau européen, le processus comprend encore une évaluation par la Haute Autorité de santé (HAS), suivie d'une négociation des prix avec le Comité économique des produits de santé (CEPS). Certains laboratoires ne s'engagent pas dans ces étapes supplémentaires, ou leurs produits ne les franchissent pas, pour diverses raisons.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Si je comprends bien votre explication, il existe une autorisation potentielle, mais sans remboursement. Cela entraîne deux conséquences possibles. Premièrement, les Français pourraient ne pas avoir accès à ces produits, les entreprises jugeant leur commercialisation peu rentable sur le marché français en raison du faible nombre de patients susceptibles de les acheter sans remboursement. Deuxièmement, ces médicaments pourraient être produits, mais leur absence de remboursement exclurait de fait une partie de la population. Aussi, le non-remboursement n’est-il pas justifié par des données scientifiques qui, sans remettre en cause l'efficacité du produit, indiqueraient que celle-ci ne justifie pas nécessairement une prise en charge par la solidarité nationale ?

Mme Juliette Moisset. Effectivement, bien que l'obtention d'une autorisation de mise sur le marché européen permette la commercialisation, la prescription et la délivrance d'un médicament aux patients, cela n'implique pas automatiquement son remboursement par l'assurance maladie.

En France, la première étape du processus de remboursement consiste en une évaluation par la HAS, qui évalue et émet un avis sur l'intégration du médicament dans le système de sécurité sociale français. Le non-remboursement peut résulter de plusieurs facteurs. Certains industriels, anticipant les exigences méthodologiques strictes de la HAS, renoncent d'emblée à demander le remboursement. Dans d'autres cas, la HAS peut conclure à un service médical rendu insuffisant et ne pas recommander le remboursement par l’assurance maladie. Des situations plus complexes surviennent lorsque la HAS recommande le remboursement, mais que l'évaluation ne permet pas de trouver un accord tarifaire entre le CEPS et l'industriel, empêchant ainsi le remboursement.

Notre baromètre de l'attractivité, en cours de mise à jour, fournira des données chiffrées sur ces différentes étapes, notamment sur les négociations de prix actuellement bloquées ou n'aboutissant pas depuis longtemps après l'évaluation de la HAS.

Mme Géraldine Bannier (Dem). La pénurie de médecins entraîne parfois l'autodiagnostic et l'automédication. Bien que certaines pratiques, comme la prise régulière de tension ou le suivi du rythme cardiaque, puissent être bénéfiques, l'automédication comporte également des risques. Disposons-nous de données chiffrées sur ces risques et les dérives potentielles liées au manque de médecins pour conseiller les patients ?

M. Pierre Mezeray. Même si notre étude n'a pas spécifiquement abordé la question de l'automédication, des analyses mondiales révèlent que le manque d'accès au diagnostic entraîne des conséquences graves pour les patients, avec plus d'1,1 million de décès annuels attribuables à des diagnostics tardifs ou erronés. Malheureusement, nous ne disposons pas de données aussi détaillées pour la France, notamment concernant l'impact dans les zones de déserts diagnostiques.

Mme Laurence Peyraut. Pour compléter cette réponse, il faut noter que la France élargit le rôle des pharmacies dans l'accompagnement des diagnostics. Nous avons proposé aux autorités de santé de promouvoir un parcours de soins par le biais des pharmacies, qui sont des professionnels de santé, afin de réduire la pression sur les médecins et de pallier les déserts médicaux. Nous encourageons les Français à consulter leurs pharmaciens, ce qui peut constituer une alternative à l'autodiagnostic dans les zones de désert médical, en s'adressant à de véritables professionnels de santé.

M. le président Jean-François Rousset. Vous pouvez, au besoin, compléter nos échanges par écrit avec tout sujet ou toute recommandation que vous jugerez utile.

La séance s’achève à onze heures trente-cinq.

 

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Membres présents ou excusés

 

Présents. - Mme Géraldine Bannier, M. Christophe Naegelen, M. Jean-François Rousset