Compte rendu

Commission d’enquête relative à l’organisation du système de santé et aux difficultés d’accès aux soins

– Table ronde, ouverte à la presse, sur l’hospitalisation privée, réunissant : M. Patrick Jourdain, directeur médical France de Ramsay Santé ; M. Benjamin Guiraud-Chaumeil, président de Clinavenir et M. Bernard Assoun, président directeur général ; Dr François-Bruno Le Bot, médecin, administrateur du groupe Vivalto ; M. Sébastien Proto, président du groupe Elsan et M. Lamine Gharbi, président de la Fédération hospitalière privée (FHP)...              2

–  Présences en réunion............................16


Mercredi
28 mai 2025

Séance de 17 heures 45

Compte rendu n° 22

session ordinaire de 2024-2025

Présidence de
M. Jean-François Rousset,
Président

 


  1 

La séance débute à dix-sept heures quarante.

 

M. le président Jean-François Rousset. Messieurs, je vous remercie de votre présence et chacun d’entre vous disposera d'une intervention liminaire de cinq minutes, suivie d'une séance de questions-réponses, initiée par notre rapporteur.

L’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d’enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure. »

(MM. Patrick Jourdain, Benjamin Guiraud-Chaumeil, Bernard Assoun, François-Bruno Le Bot, Sébastien Proto et Lamine Gharbi prêtent serment.)

Dans un souci de transparence, je tiens à préciser que j'ai exercé en tant que chirurgien libéral à Toulouse jusqu'en 2014, après une carrière au CHU. Cette information n'a pour but que de contextualiser mes propos et d'éviter toute polémique inutile.

M. Lamine Gharbi, président de la Fédération hospitalière privée (FHP). En tant que président de la FHP, je souhaite présenter notre secteur. La Fédération représente 1 030 cliniques et hôpitaux privés qui prennent en charge annuellement 9 millions de patients, dont 3 millions en urgence. Notre secteur assure 35 % de l'activité hospitalière avec seulement 17 % des ressources allouées par l'État, démontrant ainsi notre efficience. Nous employons 170 000 professionnels de santé, dont 55 000 infirmières et 30 000 aides-soignantes. La qualité de nos soins est attestée par le fait que 88 % de nos établissements sont certifiés avec mention par la Haute Autorité de santé (HAS), dont 34 % avec la mention « très haute qualité des soins ».

Contrairement à certaines idées reçues, notre activité ne se limite pas à la chirurgie esthétique. Nous réalisons 56 % de la chirurgie toutes spécialités confondues, 65 % de la chirurgie ambulatoire, 42 % des soins de réadaptation, 22 % de la psychiatrie et 20 % de l'hospitalisation à domicile. Malheureusement, nous ne représentons plus que 16 % des naissances, une situation qui nous préoccupe en raison des difficultés de recrutement et de financement dans ce domaine.

Notre engagement dans l'accès aux soins se traduit par 122 services d'urgence, un chiffre qui pourrait être plus élevé si l'histoire n'avait pas privilégié le secteur public dans ce domaine. Malgré cela, 55 millions de Français se trouvent à moins de 30 minutes d'une clinique privée, ce qui souligne notre rôle crucial dans l'aménagement du territoire et l'accès aux soins de proximité.

Notre revendication principale est simple : nous souhaitons pouvoir accomplir l'ensemble des missions de service public. Bien que la loi Touraine nous ait exclus du service public hospitalier en raison de la présence de médecins en secteur 2, nous prenons en charge une part importante des patients et assurons de fait une mission de service public. Cette exclusion est d'autant plus paradoxale que 4 000 praticiens hospitaliers exercent en dépassement d'honoraires dans les hôpitaux publics.

Concernant la permanence des soins, nos médecins assurent entre 20 et 30 % de cette mission, souvent de manière bénévole, alors que seulement 6 % de cette activité est financée pour notre secteur. Cette situation contraste avec celle du secteur public qui reçoit 90 % des financements pour la permanence des soins. La réforme en cours de cette permanence des soins représente une opportunité de rééquilibrer la charge et le financement entre les secteurs.

Nous demandons à être soumis aux mêmes contraintes et obligations que le secteur public, mais également à bénéficier des mêmes tarifications, dans un souci d'équité et d'efficience du système de santé français.

La Fédération exprime une demande forte pour une harmonisation des conditions entre les secteurs public et privé, notamment en termes de contraintes, de patientèle et de tarification. Actuellement, des écarts tarifaires significatifs persistent : 20 à 30 % en chirurgie, médecine et obstétrique, 85 % en soins médicaux et de réadaptation (SMR) et 200 à 300 % en psychiatrie.

Nous sollicitons également une vision pluriannuelle, sans nécessairement passer par une loi de programmation, qui nous permettrait d'anticiper nos budgets sur les trois prochaines années.

La préparation de la campagne tarifaire nous mobilise intensément pendant six mois, en collaboration avec la commission des affaires sociales. S'ensuivent généralement trois mois de contestation de ladite campagne, une situation qui perdure. L'augmentation actuelle de nos tarifs de 0,5 %, face à une inflation non compensée de 1,5 %, engendre des difficultés financières majeures. Il est crucial que vous saisissiez l'ampleur de la situation : 45 % de nos établissements sont déficitaires aujourd'hui, contre 25 % en 2023. Nous prévoyons que ce taux atteindra 50 % en 2025. Contrairement au secteur public, ces déficits doivent être compensés par l'actionnaire, sans quoi nous risquerions des fermetures ou des suspensions d'activité, comme ce serait le cas pour des hôpitaux publics en situation similaire. La situation sociale est également préoccupante. Nous menons des discussions pour réviser notre convention collective, notamment concernant des coefficients actuellement inacceptables.

Notre présence sur les territoires est significative, représentant 35 % de l'activité. J'insiste sur le fait que notre absence entraînerait un surcoût de 5 à 7 milliards d'euros pour la collectivité si nos activités devaient être transférées au secteur public. Je milite depuis trente-cinq ans pour l'égalité de traitement entre le public et le privé, non pas pour annoncer notre disparition, mais pour souligner notre pertinence et notre fierté d'accomplir nos missions quotidiennes au service du bien collectif. Mon souhait est que nous évoluions vers un véritable service public de santé, où nous serions considérés à égalité avec le service public hospitalier. Nous assurons également une présence continue, notamment dans les services d'urgence, de réanimation, d'obstétrique, et garantissons la continuité des soins pour nos patients opérés, y compris les week-ends.

En conclusion, je tenais à souligner à la fois la beauté de notre métier et les défis auxquels nous sommes confrontés.

M. Sébastien Proto, président du groupe Elsan. En tant que dirigeant du groupe Elsan, qui prend en charge annuellement 5 millions de patients, je souhaite vous présenter les caractéristiques distinctives de notre organisation.

Premièrement, notre groupe couvre l'intégralité des parcours de soins, depuis les soins primaires et l'imagerie en amont de l'hospitalisation, jusqu'aux soins de suite et l'hospitalisation à domicile en aval, en passant par l'hospitalisation elle-même en médecine, chirurgie et obstétrique.

Deuxièmement, nous collaborons avec 7500 médecins libéraux qui assurent la majorité des spécialités médicales dans nos établissements. Nous sommes notamment le deuxième acteur dans le domaine du cancer en France, prenant en charge un patient sur huit opérés pour cette pathologie. De plus, nous gérons 29 services d'urgence et sommes le premier acteur privé en obstétrique avec 24 maternités.

Troisièmement, notre ancrage territorial est fondamental. Contrairement à une présence concentrée dans les grandes métropoles, 60 % de nos établissements sont situés dans des villes de moins de 50 000 habitants, et 30 % dans des communes de moins de 20 000 habitants.

Quatrièmement, cette implantation territoriale fait de nous un acteur majeur de l'accès aux soins et de la proximité. Présents dans 61 départements, nous sommes souvent le seul acteur privé aux côtés du public, voire parfois l'unique prestataire de soins hospitaliers dans certaines zones.

Cinquièmement, en tant que groupe privé, nous jouons un rôle majeur dans la diffusion de l'innovation et de la qualité des soins sur l'ensemble du territoire. Nous investissons annuellement 185 millions d'euros dans nos équipements, permettant l'acquisition de technologies de pointe comme la robotique chirurgicale ou la télésurveillance en chimiothérapie, et ce, dans des zones souvent éloignées des grands centres urbains.

Concernant l'accès aux soins, nous partageons avec le secteur public des défis communs : le contexte économique difficile, la pénurie de personnel médical et paramédical, et la nécessité d'orienter le système de santé vers davantage de prévention et de coopération. Dans ce contexte, l'opposition entre public et privé me semble contre-productive. Cette opposition repose sur des présupposés erronés. Contrairement aux idées reçues, nous ne versons aucun dividende à nos actionnaires et ne tirons aucun profit des dépassements d'honoraires, qui reviennent intégralement aux praticiens libéraux.

Je tiens à réfuter deux idées préconçues majeures. D'abord, l'assertion selon laquelle le privé se cantonnerait aux activités les plus lucratives, privant ainsi l'hôpital public de ressources financières, est inexacte.

Notre secteur assure 35 % des prises en charge et représente 16 % de l’objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam), avec un écart tarifaire oscillant entre 20 et 30 %, parfois davantage, pour des actes identiques entre public et privé. Concernant la nature des prises en charge, les chiffres démentent l'idée d'un recentrage du privé sur les interventions les plus légères ou rentables. Le taux de chirurgie lourde dans le secteur privé lucratif est resté stable depuis 2019. Notre part dans les urgences a même augmenté. Pour les endoscopies, les opérations de la cataracte, les prothèses - actes parfois considérés à tort comme moins nobles mais essentiels face au vieillissement démographique - notre part n'a pas évolué depuis 2019. Cette prétendue course aux actes les plus rentables n'est donc pas avérée et ne correspond pas à notre politique.

Concernant la permanence des soins, il est logique que celle réglementée, liée aux autorisations en réanimation, urgences et cardiologie, se retrouve majoritairement dans le public qui détient ces autorisations. La Cour des comptes l'a d'ailleurs souligné dans son rapport sur la complémentarité public-privé. Quant à la permanence non réglementée, de nombreux professionnels libéraux l'assurent sans reconnaissance ni financement des agences régionales de santé (ARS), ce qui n'apparaît pas dans les statistiques malgré sa réalité sur le terrain.

Plutôt qu'une opposition stérile, nous avons un besoin impérieux de coopération accrue entre public et privé. Cela implique de reconnaître la valeur de chaque secteur. Par exemple, le privé a atteint 70 % de chirurgie ambulatoire, y compris pour des prises en charge complexes, augmentant ainsi la capacité quotidienne des établissements, réduisant les délais d'attente et améliorant l'accès aux soins. C'est un atout indéniable.

Notre groupe, par son maillage territorial, a particulièrement développé les coopérations locales, notamment via des groupements de coopération sanitaire, pour maintenir ou améliorer l'offre de soins. Ces coopérations, bien que complexes, sont essentielles. Leur simplification est nécessaire : actuellement, l'envoi d'un praticien d'une clinique vers un hôpital public ne requiert aucune structure juridique particulière, alors que l'inverse nécessite la création d'un groupement de coopération sanitaire, processus qui peut prendre jusqu'à un an.

Sur le plan financier, il est indispensable de ne pas opposer public et privé. Les deux secteurs sont économiquement fragilisés, alors que nous entrons dans la phase la plus critique du vieillissement démographique, enjeu territorial majeur. Cette situation résulte d'un sous-financement chronique. Sans la capacité des groupes à soutenir certains établissements déficitaires, nous aurions bien plus que les quinze établissements privés lucratifs actuellement en redressement ou liquidation judiciaire.

Aborder le vieillissement démographique avec une offre hospitalière publique et privée aussi fragilisée nous condamne à le subir dans les années à venir.

Dr François-Bruno Le Bot, médecin, administrateur du groupe Vivalto. Je suis le docteur François-Bruno Le Bot, ophtalmologiste à Saint-Malo depuis vingt-sept ans et médecin administrateur au sein du groupe Vivalto Santé depuis sa création.

Vivalto Santé, troisième groupe d'hospitalisation privée français, compte 53 établissements, plus de 7 000 lits, 11 000 salariés, 5 000 médecins et prend en charge 2 millions de patients. Contrairement à ce que son nom pourrait suggérer, Vivalto est un groupe d'origine bretonne, né en 2009 de la fusion de trois cliniques à Rennes, Saint-Malo et Brest.

La création du groupe répondait à un besoin de renouvellement générationnel et de développement, les actionnaires historiques souhaitant partir à la retraite et les jeunes médecins n'ayant pas les moyens financiers pour reprendre les parts. L'association avec des investisseurs s'est faite sous deux conditions essentielles : maintenir une voix prépondérante des médecins dans la gouvernance et permettre leur participation au capital. Actuellement, plus de mille médecins sont actionnaires, représentant 30 % du capital du groupe. Cette participation significative garantit que notre voix est entendue sur tous les projets importants. L'actionnariat, stable depuis quinze ans, inclut des institutions financières françaises comme Arkéa, BNP, Crédit Agricole, auxquelles se sont joints la MACSF, la BPI et, récemment, un fonds danois. Aujourd'hui, plus de 80 % du capital est détenu par des fonds français, dont 30 % par les médecins.

Cette structure de gouvernance et d'actionnariat partagé est cruciale pour nous. Une carrière médicale s'étendant sur trente à trente-cinq ans, il est essentiel d'assurer la pérennité de notre outil de travail. Notre participation au capital nous protège des aléas du marché et des changements de propriétaire potentiellement préjudiciables. Nous disposons même d'un droit de veto au conseil de surveillance pour empêcher toute vente à des fonds que nous jugerions inadéquats.

La gouvernance partagée est également fondamentale, car elle ancre notre action dans les territoires. En tant que médecins libéraux, nous connaissons précisément les besoins locaux et les coopérations nécessaires avec nos collègues de ville pour optimiser l'organisation des soins. Nous sommes en première ligne pour répondre à une demande sanitaire considérable.

Ce modèle de gouvernance partagée, loin d'être une innovation de notre part, s'inspire de pratiques éprouvées. Dès 2003, le député René Couanau évoquait dans son rapport d’information sur l'organisation interne de l'hôpital l'importance d'associer les médecins aux conseils de surveillance hospitaliers.

Il est nécessaire que toutes les personnes travaillant dans le secteur de la santé, qu'il s'agisse d'hôpitaux ou de cliniques, de soignants ou d'administratifs, comprennent qu'elles sont là pour le soin. Ces entreprises ou organisations de soins doivent s'intégrer pleinement dans la cité, au sens grec antique du terme, en participant activement à la citoyenneté et à la société.

C'est dans cet esprit qu'en 2019, à la suite de la promulgation de la loi Pacte sur l'entreprise à mission, Vivalto a immédiatement postulé et obtenu ce statut. Nous sommes fiers d'être la première entreprise de santé accréditée comme entreprise à mission et d'avoir récemment été renouvelés avec une note exceptionnelle de 96 %, la plus élevée tous secteurs confondus.

La lutte contre les déserts médicaux est au cœur de notre action quotidienne. Nous organisons 161 consultations avancées, projetant des médecins ou des chirurgiens dans les zones qui en ont besoin, sans recourir à la télémédecine. Nous structurons des filières de soins et des services de soins non programmés, avec une trentaine de dispositifs d'urgence dans nos cliniques. Nous assurons plus de 50 lignes de permanence des soins et optimisons l'organisation des soins pour réduire les durées de séjour. Nous améliorons constamment la qualité chirurgicale, notamment grâce à la récupération améliorée après chirurgie et au fast-track.

Notre secteur nécessite des investissements conséquents en matériel et nouvelles technologies. Sur les treize dernières années, nous avons investi plus d'un demi-milliard d'euros en équipements médicaux dans nos établissements.

En tant que professionnel de santé libéral, je constate que nous passons souvent notre temps à nous justifier d'exercer en clinique privée ou en libéral. Pourtant, nous accomplissons notre mission, et nous le faisons bien. Notre action ne s'oppose pas à l'hôpital public ; au contraire, nous avons besoin d'un hôpital public fort, source d'innovations et de formations. Nous appelons à une articulation basée sur l'équité de traitement et le respect mutuel.

Je tiens à souligner que l'expression « établissement privé à but lucratif » me heurte profondément. Je ne considère pas travailler dans un tel établissement, mais dans un hôpital dédié aux soins des patients.

M. Patrick Jourdain, directeur médical France de Ramsay Santé. Je suis professeur de cardiologie, formé à Saclay, et j'ai l'honneur de représenter Ramsay Santé en tant que directeur médical. Ramsay Santé, c'est un réseau de 156 établissements de soins couvrant le territoire en médecine, chirurgie, obstétrique (MCO), SMR et psychiatrie. Notre entreprise à mission vise à offrir aux médecins libéraux une organisation optimale pour la prise en charge des patients.

Nous sommes un facilitateur de soins, avec un engagement social fort : 11 % de nos patients bénéficient de la complémentaire santé solidaire, ce chiffre atteignant 19 % en santé mentale. Notre groupe intervient dans toutes les spécialités autorisées par les ARS. Nos revenus proviennent à 85 % de financements publics, basés sur l'activité et la qualité des soins, cette dernière étant évaluée par la HAS. Nos comptes sont publics, comme pour toute entreprise cotée.

Nous avons récemment augmenté significativement les salaires de notre personnel paramédical, avec des hausses allant jusqu'à 30 % pour les sages-femmes. Nous sommes le principal offreur de soins privés en Seine-Saint-Denis et nous investissons dans des centres de santé en zones déficitaires, expérimentant de nouveaux modes de financement. Nous gérons également des centres en zones tendues, avec des médecins exerçant en secteur 1, obtenant un taux de satisfaction patient très élevé. Nous sommes aussi un acteur clé de la recherche médicale, en collaboration avec le secteur public.

Notre réalité quotidienne, c'est la gestion de millions de séjours avec un financement inférieur à celui du public, pour une prise en charge équivalente. Nos médecins assurent une continuité des soins 24h/24, 7j/7, y compris les jours fériés. Cette continuité s'applique également en psychiatrie, même sans garde sur place.

Concernant la participation aux gardes, notre implication dépend largement des choix des ARS, expliquant les variations régionales importantes. Par exemple, le privé assure 3 % des permanences des soins en établissements de santé (PDSES) en Bourgogne-Franche-Comté contre 28 % en Occitanie. Cette différence est le choix de l’ARS, et non pas des établissements privés.  Il est important de noter que le budget alloué à la PDSES par les ARS a diminué de près de 25 % entre 2018 et 2022, comme le souligne le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas).

Le choix d'ouvrir des lignes de garde s'effectue davantage dans le secteur public, malgré un coût nettement supérieur. En effet, selon le rapport de l'Igas, une ligne de garde coûte 182 000 euros dans le public contre 105 000 euros dans le privé. Néanmoins, nous parvenons à assurer 12 % des activités de garde, ce qui est significatif. Il convient cependant de nuancer cette comparaison, car la nature des gardes diffère sensiblement entre les deux secteurs.

Notre secteur dispose de moins de services de médecine, mais davantage de services de chirurgie hautement spécialisés. Ainsi, pour l'activité interventionnelle, notre part s'élève à 23 %, bien au-delà des 8 % globaux, car nous accueillons de nombreux patients en urgence dans ce domaine.

La composition des équipes de garde constitue une autre différence majeure. Dans le public, 25 % des gardes sont assurées par des internes ou des médecins extérieurs, ce qui augmente la présence médicale d'environ 20 %. De plus, le système public bénéficie de 5 200 volontaires supplémentaires grâce aux docteurs juniors pour la PDES. Nous ne disposons pas de cette ressource, car on nous interdit de les recruter, tout comme les praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue).

Notre engagement dans la continuité des soins s'étend également aux zones défavorisées, particulièrement celles avec un faible taux d'accessibilité potentielle localisée (APL). Plus de 60 établissements de notre réseau se situent dans des zones à APL très sévère, considérées comme zones d'intervention prioritaires ou d'actions concertées. De même, nous avons repris des centres Cosem pour offrir un accès à un médecin de premier recours à des milliers de patients.

La qualité des soins est un autre aspect crucial de notre contribution à la continuité des soins. Nous bénéficions d'une reconnaissance par la certification, comme l'a souligné mon confrère. La sévérité des cas que nous traitons est également notable, avec 33 % de nos patients en cardiologie admis en soins intensifs. Nos résultats en termes de mortalité sont constamment bons, avec un taux de mortalité pour un infarctus du myocarde classique d'environ 3,2 %, nettement inférieur à la moyenne européenne. Nous obtenons également d'excellents résultats concernant les taux d'infection sur prothèses de genoux et de hanches.

Nous développons des parcours d'excellence dans l'ensemble de nos groupes, notamment en obésité, orthopédie, cardiologie et cancérologie, et ce, pas uniquement dans les grandes métropoles. Cependant, nous sommes confrontés à des difficultés liées à des tarifs qui ne couvrent pas l'inflation et à des limitations dans les soins, imposées au niveau régional par le choix des autorisations. La politique de la PDES en est un exemple flagrant.

Pour conclure, je tiens à rappeler l'esprit de solidarité qui nous a unis pendant la crise du Covid-19. Nous étions tous frères dans l'épreuve, soignants de cœur et d'esprit. Il est crucial de retrouver cet état d'esprit et de repenser notre approche à l'échelle d'un territoire de santé. Au-delà des querelles de chapelle, nous devons nous concentrer sur l'objectif de garantir à nos citoyens, dans chaque territoire, une prise en charge minimale d'un panier de soins essentiels.

M. Benjamin Guiraud-Chaumeil, président de Clinavenir. Le docteur Bernard Assoun et moi-même vous présentons aujourd'hui un témoignage à deux voix sur un exemple de coopération territoriale en Haute-Garonne et dans le nord du Tarn-et-Garonne.

Clinavenir, notre groupement, comprend onze établissements couvrant l'ensemble du spectre des disciplines et des secteurs hospitaliers : médecine, chirurgie, obstétrique, soins médicaux d'adaptation, psychiatrie et hospitalisation à domicile. Nous avons constitué un groupement de coopération sanitaire de moyens. Notre activité se chiffre à 160 000 séjours par an, avec 2 000 lits et places, 3 000 collaborateurs et plus de 650 médecins, pour un volume d'activité de 330 millions d'euros. À titre de comparaison, le CHU de Toulouse dispose de 3 000 lits et places pour un volume d'activité de 1,5 milliard d'euros.

L'ancienneté moyenne de nos établissements est de 57 ans. Nous desservons un bassin de population incluant la métropole toulousaine, qui compte plus de 1,4 million d'habitants et accueille 17 000 nouveaux résidents chaque année. Notre zone d'intervention s'étend également aux départements limitrophes : l'Ariège, le Gers, le Tarn et le Tarn-et-Garonne. Cette responsabilité populationnelle nous oblige à faire preuve d'inventivité et de coopération.

Notre ambition allie la recherche d'excellence par l'innovation médicale et organisationnelle à un humanisme de proximité. Notre gouvernance, bien que non monolithique, repose sur des acteurs locaux qui poursuivent l'œuvre des médecins fondateurs. L'actionnariat varie selon les établissements : médical, familial ou croisé entre structures. Le pilotage est toujours bicéphale, associant médecin et gestionnaire, avec le projet médical au cœur de la collaboration interne pluridisciplinaire.

L'objectif de notre alliance coopérative est de décloisonner nos organisations pour faciliter la collaboration interne et externe, incluant les acteurs privés, publics et les professionnels de ville. Nous avons mis en place plusieurs initiatives pour améliorer l'accès aux soins.

Nous avons créé Emy Santé, une plateforme gratuite permettant aux médecins généralistes de prendre des rendez-vous sur l'ensemble des plateaux techniques d'imagerie et de consultations spécialisées, y compris hors de nos établissements. Cette plateforme, mise à disposition de la coordination des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) de la métropole toulousaine, permet chaque année à 2 500 patients d'obtenir des rendez-vous plus rapidement.

Nous organisons également des journées de sensibilisation à l'antibiorésistance pour le grand public. Trois de nos établissements sont reconnus comme hôpitaux de proximité, offrant une réponse hospitalière de premier recours.

Nos établissements accueillent et prennent en charge les publics les plus vulnérables. Par exemple, après la crise du Covid-19 et dans le contexte de la guerre en Ukraine, nous avons collaboré avec la permanence d'accès aux soins de santé du CHU de Toulouse pour organiser l'accueil et l'entrée dans le parcours de soins des réfugiés ukrainiens.

Dans nos centres de santé, 19 % de nos patients bénéficient de la complémentaire santé solidaire. 22 % de nos patients en situation de précarité sont pris en charge dans notre dispositif article 51 pour les maladies chroniques. Dans nos cliniques psychiatriques, 25 % des patients ont la complémentaire santé solidaire, contre 12 % dans la population générale. Nos services sociaux sont très actifs et des référents handicap sont nommés dans toutes nos cliniques.

M. Bernard Assoun, président directeur général de Clinavenir. Je souhaite exposer cinq axes concrets mis en place dans notre structure pour améliorer l'accès aux soins. En tant que cardiologue depuis trente ans et président du conseil d'administration depuis dix ans à la clinique Pasteur, membre de l'Alliance, je peux témoigner de notre modèle unique. Notre clinique indépendante fonctionne avec un actionnariat médical et une gouvernance partagée efficacement entre un directeur administratif et un conseil d'administration médical. Depuis près de soixante-dix ans, nous réinvestissons intégralement nos résultats dans l'innovation, l'outil de travail et les mesures sociales, sans aucun reversement de dividendes.

Premièrement, pour répondre à l'augmentation de la demande, nous avons optimisé la disponibilité de notre plateau technique sans augmenter notre capacité en lits. Nous avons ainsi développé l'ambulatoire, atteignant 40 % d'hospitalisations le jour même de l'intervention en 2024. Nous utilisons également le dispositif d'hôtel hospitalier, comptabilisant 1 130 nuitées en 2024. La coordination s'avère fondamentale dans ce processus et mériterait d'être valorisée comme un véritable métier.

Deuxièmement, nous nous impliquons territorialement en investissant dans des consultations avancées de spécialistes en cardiologie, diabétologie et urologie. Nous avons également développé l'AI Center et les téléconsultations. Il est crucial d'établir des organisations et des réflexions locales impliquant tous les acteurs, y compris les municipalités, pour créer des modèles attractifs, étant donné la surcharge de travail des spécialistes. Parallèlement, nous préconisons une uniformisation du support numérique, notamment via le développement optimal de « Mon espace santé ».

Troisièmement, nous nous engageons fortement dans la prise en charge non programmée, bien que nous ne disposions pas de service d'urgences. Depuis près de dix ans, nous avons développé cette approche en cardiologie, puis en urologie et gastroentérologie. Dans notre modèle d'établissement à plateau technique, le non-programmé nécessite une régulation téléphonique médicale. Notre centre de la douleur thoracique, qui a accueilli 5 000 patients en 2024, illustre parfaitement ce concept. Nous disposons d'un numéro de régulation téléphonique direct avec le Samu, SOS Médecins et l'ensemble de la communauté médicale.

Quatrièmement, nous avons considérablement développé notre activité à domicile. Notre service d'hospitalisation à domicile (HAD) réalise 40 000 séjours par an. Un point crucial de cette activité est la mise en place d'une astreinte infirmière de nuit. Nous avons établi des conventions avec 103 Ehpad, assurant ainsi le suivi de 8 000 résidents chaque nuit. En 2024, ce service a traité environ 400 appels sans déplacement, permettant le maintien à domicile dans 85 % des cas.

Enfin, nous nous concentrons sur la gestion des maladies chroniques et la prévention. Nous avons initié une activité pluridisciplinaire basée sur un article 51, offrant un soutien sur deux ans pour la prise en charge des maladies chroniques. Cette approche implique divers professionnels tels que des infirmières, médecins, diététiciens, tabacologues et psychologues. Face au succès de ce dispositif, nous avons créé un centre dédié aux maladies chroniques et à la prévention, proposant des parcours pluridisciplinaires d'une demi-journée. Il est essentiel de promouvoir ce type d'activité tout en réfléchissant collectivement à un modèle médico-économique adapté.

M. Christophe Naegelen, rapporteur de la commission relative à l’organisation du système de santé et aux difficultés d’accès aux soins. Je souhaite soulever plusieurs points critiques concernant les interventions précédentes. Tout d'abord, malgré l'affirmation de M. Gharbi sur l'engagement du secteur privé dans la permanence des soins, les chiffres révèlent une réalité différente. En effet, 69 % des prises en charge en soirée et le week-end sont assurées par le secteur public. Cela soulève la question de la rémunération de la permanence des soins, qui ne devrait pas se limiter aux horaires les plus commodes, mais s'étendre aux périodes de plus forte demande.

Par ailleurs, je m'interroge sur la raison pour laquelle les établissements de santé privés en psychiatrie, malgré leur rentabilité élevée, participent peu ou pas du tout à la prise en charge des urgences psychiatriques.

Concernant la solidarité évoquée par M. Jourdain en référence à la période Covid, les faits contredisent cette vision. Un article du Monde du 10 avril 2020 rapporte que le secteur privé francilien n'a pris en charge que 20 % des hospitalisations et 13 % des réanimations liées au Covid, alors que l'Île-de-France était la région la plus touchée.

Ces observations mettent en lumière un écart significatif entre les discours et la réalité des chiffres. En tant que chef d'entreprise, je constate une différence notable entre les secteurs public et privé. Alors que la dette des hôpitaux publics s'élève à 3 milliards d'euros en 2024, le résultat cumulé net des établissements privés atteint 627 millions d'euros.

Je pose donc la question suivante : quelle est la recette miracle permettant aux établissements privés d'obtenir de tels résultats financiers tout en assurant un service équivalent à la population ? Comment l'hôpital public pourrait-il atteindre une telle performance économique tout en maintenant une permanence des soins 24h/24 et 7j/7, ainsi qu'un accueil aux urgences plus conséquent que dans le privé ?

M. Lamine Gharbi. Vous dites que 70 % de la permanence des soins sont assurés par le public, ce qui correspond à mes propos. Nous assurons effectivement 30 %, mais avec une rémunération aléatoire à hauteur de 6 %. Actuellement, la permanence des soins dans le privé repose sur le volontariat des médecins et l'accord entre un directeur et les praticiens. Cette approche artisanale n'est plus acceptable.

La réforme de la PDSES en cours va clarifier cette organisation par l'introduction d'appels d'offres. Concrètement, les ARS détermineront les besoins en lignes de garde pour chaque spécialité dans une zone donnée. Les établissements publics et privés pourront alors candidater, et l'ARS choisira en fonction de la qualité des dossiers présentés. Cette approche, inédite jusqu'à présent, devrait apporter une transparence bienvenue.

Il est vrai que le secteur public prend en charge 20 millions de patients aux urgences, en partie parce que, pendant des années, on nous a refusé l'ouverture de services d'urgence dans le privé.

La crise du Covid a mis en lumière notre capacité d'adaptation. Avant la pandémie, nous disposions de 500 lits de réanimation autorisés, contre 5000 dans le public. Nous sommes parvenus à augmenter notre capacité à 2500 lits. 80 services de réanimation ont été créés de manière dérogatoire et immédiate dans le privé, démontrant la capacité de l'administration à agir rapidement en cas de nécessité. Malheureusement, sur ces 80 services, un seul a été pérennisé, le mien à Montpellier, malgré l'intérêt d'une quinzaine d'établissements pour maintenir cette activité.

La réforme de la PDSES, avec son système d'appels d'offres, devrait apporter plus de transparence et d'équité dans la répartition des lignes de garde. Les disparités régionales actuelles, comme les 3 % de PDSES en Bourgogne-Franche-Comté contre 27 % en Occitanie, s'expliquent en partie par le nombre de services d'urgence privés. En Occitanie, nous avons 27 services d'urgence privés sur 122, ce qui justifie mathématiquement une plus forte participation à la PDSES.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Vous soulignez à juste titre que les discussions avec les ARS peuvent aboutir à l'établissement de plusieurs lignes de garde dans un même département si le volume d'activité le justifie.

M. Lamine Gharbi. Il est effectivement important de se baser sur la réalité des volumes d'activité. Il n'est pas pertinent d'avoir deux lignes de garde pour une même spécialité sur une même agglomération, à dix kilomètres de distance. La rationalisation des ressources de la permanence des soins est essentielle, compte tenu de son coût élevé.

Par ailleurs, nous rencontrons des difficultés avec nos médecins libéraux dans les services d'urgence, qui souhaitent obtenir un statut salarié. Notre rémunération actuelle ne nous permet pas de répondre à cette demande. La rémunération des gardes à l'hôpital public étant plus élevée que dans le privé, nous demandons un rattrapage. Des progrès ont été réalisés, mais ils doivent se poursuivre, conformément à l'engagement du ministre Valletoux l'année dernière.

Dr François-Bruno Le Bot. Je souhaite apporter un exemple concret. À Saint-Malo, dix praticiens du privé assurent depuis trente ans la permanence des soins en ophtalmologie via les urgences de l'hôpital. Ce système permet à l'hôpital de couvrir toutes les spécialités, tandis que nous prenons en charge les patients. Ainsi, bien que la permanence soit officiellement assurée par l'hôpital, ce sont les ophtalmologistes de la clinique qui interviennent. Cette collaboration fonctionne remarquablement bien.

M. Sébastien Proto. Il est important de distinguer la permanence des soins réglementée de celle qui ne l'est pas. Je pourrais citer de nombreux exemples similaires. Dans notre établissement, nous assurons la permanence en cardiologie, bien qu'elle ne soit ni rémunérée ni reconnue officiellement. Au Puy-en-Velay, nous sommes les seuls à assurer la permanence en neurologie pour l'ensemble du territoire, sans reconnaissance ni financement. Ces contributions, bien que bénévoles, ne sont pas reflétées dans les statistiques officielles.

Concernant la situation financière, le déficit des hôpitaux publics à la fin de l'année 2024 s'élève à 3 milliards d'euros. Il convient de distinguer ce déficit de la dette, qui fait l'objet de reprises régulières par le gouvernement, comme ce fut le cas en 2020 à hauteur de 6 milliards d'euros.

Pour les établissements privés lucratifs, la situation s'est considérablement dégradée. En 2019, 10 % des établissements étaient en perte. Fin 2024, ce chiffre atteint 45 %. Cette dynamique extrêmement négative nous concerne tous, quel que soit le modèle d'établissement.

Il est important de noter que le déficit de 3 milliards dans le public existe malgré un niveau de financement par acte substantiellement supérieur à celui du privé. Cette différence ne s'explique pas par des missions spécifiques, celles-ci étant financées par d'autres mécanismes tels que les missions d'intérêt général et d'aides à la contractualisation (Migac).

La situation est préoccupante pour l'ensemble de l'infrastructure hospitalière, publique et privée. Après quatre années d'inflation forte, l'indexation des tarifs n'a couvert en moyenne que 50 % de l'augmentation des coûts. Cette situation contraste fortement avec d'autres secteurs bénéficiant de délégations de service public, où les clauses d'indexation sur l'inflation sont systématiquement intégrées aux mécanismes contractuels.

Les sociétés d'autoroutes bénéficient d'une couverture de l'inflation à hauteur de 90 %, tandis que l'infrastructure de santé n'est couverte qu'à 50 %, ce qui est manifestement insuffisant. Les prix ne baissent pas, c'est simplement l'augmentation qui est moins prononcée. Les établissements publics et privés subissent une perte définitive, un appauvrissement structurel. C'est pourquoi j'insiste sur la nécessité de ne pas opposer le secteur public au secteur privé.

Concernant le secteur privé, dont je parle spécifiquement ici, la situation est inquiétante. Nous sommes passés de 10 % à 45 % d'établissements déficitaires en quelques années, avec une accélération marquée ces trois dernières années. Cela démontre clairement que le système de financement actuel est obsolète. Je suis convaincu que les mécanismes doivent être revus en profondeur, et pas simplement en supprimant un tiers des établissements hospitaliers sur le territoire. Une telle approche serait particulièrement problématique dans les zones où l'accès aux soins est déjà difficile.

Il convient de repenser les mécanismes de financement de l'infrastructure et le fonctionnement de l'assurance maladie obligatoire, qui sont complémentaires. Les établissements de santé, rappelons-le, n'ont pas de liberté tarifaire et ne peuvent donc pas répercuter l'inflation. Pendant ce temps, les Français voient les tarifs de leurs assurances complémentaires augmenter significativement : 3 à 4 % en 2022, 6 % en 2023, et 8 % prévus pour 2024. Ces mécanismes de répercussion expliquent l'appauvrissement du système hospitalier, tant public que privé. Je le répète, c'est une menace grave pour l'accès aux soins, et nous devons y faire face dès maintenant.

M. Lamine Gharbi. Je souhaite apporter un complément d'information. Nous avons tous constaté la diminution de l'excédent de la branche hospitalière privée. Je crains que les chiffres de 2024, qui malheureusement ne seront disponibles que tardivement, ne révèlent une branche déficitaire. Sans vouloir opposer le public et le privé, je tiens à souligner que si un jour une délégation de service public était envisagée pour le secteur hospitalier, nous serions candidats pour reprendre la gestion de certains hôpitaux. Nous pensons en effet que nos méthodes pourraient être plus productives dans le secteur public.

Je me permets de faire une observation : 70 % des ressources humaines, incluant les salaires, sont allouées à l'hôpital public, qui ne réalise pourtant que 50 % de l'activité. Cette disparité entre notre branche et le secteur public mérite d'être soulignée.

M. Christophe Naegelen, rapporteur.  Ma dernière question porte sur la méthode spécifique aux établissements privés, sans chercher à les opposer au public. Je suis toujours surpris, de manière pragmatique, par certains aspects. Il faut reconnaître que le service rendu à la population aujourd'hui est majoritairement assuré par les hôpitaux publics, et ce pour diverses raisons que vous avez en partie évoquées, bien que la liste ne soit probablement pas exhaustive.

Il existe certainement des différences dans la gestion quotidienne, que ce soit au niveau managérial ou en termes d'effectifs par rapport au nombre de patients. Ma question est la suivante : avez-vous, notamment au sein de la Fédération, effectué des comparaisons sur des ratios par spécialité, sur le nombre d'interventions ou de personnel médical par rapport au nombre de patients ? Je serais intéressé de connaître la méthode permettant d'atteindre cette rentabilité nettement supérieure.

M. Sébastien Proto.  Ces dernières années, le secteur privé a entrepris un effort de réorganisation considérable. Le taux de chirurgie ambulatoire en est un excellent indicateur : nous atteignons 70 % dans notre secteur. Il est intéressant de noter que la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam) a développé un outil appelé Visuchir, accessible en ligne, qui évalue le potentiel de chirurgie ambulatoire en France, acte par acte et spécialité par spécialité. Bien que nous soyons à 70 %, la Cnam estime que le potentiel dépasse 80 %. Cette estimation s'applique tant au privé qu'au public, sans distinction. Actuellement, le secteur public n'atteint pas encore 50 % de chirurgie ambulatoire, un écart qui ne peut s'expliquer uniquement par des prises en charge spécifiques.

Concernant le non-programmé, souvent cité comme une spécificité du public, je tiens à préciser que le privé lucratif gère également des actes non programmés, hors services d'urgence. J'estime que ce qui est non programmé n'est pas nécessairement non programmable, ce qui soulève des questions d'organisation.

Il est important de ne pas opposer systématiquement public et privé, d'autant que les contraintes de gestion peuvent différer. Néanmoins, dans le privé, l'accent mis sur l'efficience est considérable, notamment en raison de financements par acte nettement inférieurs à ceux du public. Par exemple, pour une opération du rachis, nous percevons 40 % de moins que le public, et pour un cancer des voies digestives, 33 % de moins. Cette contrainte financière pousse naturellement le système à s'adapter, exigeant une plus grande efficience.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Je suis entièrement d'accord sur le fait qu'il ne faut pas opposer les secteurs public et privé. C'est une approche que je m'efforce d'adopter depuis le début de cette commission. Néanmoins, nous devons reconnaître que le secteur public fait face à des contraintes plus importantes sur certains aspects.

Je souhaite aborder la question de la fermeture de la maternité du groupe Ramsay à Versailles, qui réalisait 900 accouchements par an. Il est évident que dans le domaine MCO, particulièrement en obstétrique et dans la filière mère-enfant, les maternités ne sont pas les services les plus rentables actuellement. Nous observons un certain désengagement des cliniques privées dans ce domaine. J'ai pu le constater dans les Vosges, mon département de référence. Des accords entre le public et le privé sont mis en place pour maintenir un service adéquat, notamment parce que le privé constate une baisse du nombre d'accouchements. Ces partenariats public-privé deviennent intéressants, alors qu'auparavant, lorsque le nombre d'accouchements était plus élevé, entre 1300 et 1500, le privé assurait ce service de manière autonome et plus rentable.

M. Lamine Gharbi. Je tiens à apporter quelques précisions sur les maternités. Au cours des vingt dernières années, 45 services de maternité ont été fermés, répartis équitablement entre le public et le privé. Il est donc important de ne pas se fier aux idées préconçues. Ces données sont factuelles. Quant au taux de césarienne, souvent critiqué dans le privé, il s'élève à 23 % dans notre secteur contre 21 % dans le public. Là encore, il faut se méfier des idées reçues et ne pas généraliser à partir de certains cas de fermeture politiquement sensibles. J'aimerais maintenant que nous abordions la question de la psychiatrie, puis que nous revenions sur la carte sanitaire, si vous le voulez bien.

M. Christophe Naegelen, rapporteur J'insiste sur le fait que notre approche se veut factuelle et dénuée de tout préjugé. Notre objectif est d'élaborer un rapport permettant de formuler des propositions concrètes dans l'intérêt de nos territoires et de leurs habitants. Concernant les maternités, je note que le pourcentage évoqué est effectivement moins élevé que pour d'autres types d'opérations. J'entends vos observations sur les fermetures et je m'engage à vérifier précisément les chiffres, que je n'ai pas en mémoire actuellement. Nous prenons bonne note de tous ces éléments.

M. Benjamin Guiraud-Chaumeil. Concernant la participation des cliniques psychiatriques aux urgences psychiatriques, je vais illustrer mon propos par l'exemple du territoire toulousain que je connais bien en tant que directeur d'un établissement psychiatrique. En février dernier, à la suite d’incidents graves au CHU de Toulouse, une crise a éclaté, entraînant l'intervention du ministre et mobilisant l'ensemble des acteurs publics et privés pour trouver des solutions. Cette séquence a abouti à deux avancées significatives. Premièrement, lorsqu'on accorde du temps et de la confiance aux acteurs, comme l'a fait le directeur général de l'ARS dans notre région, ceux-ci s'investissent considérablement. Ainsi, huit établissements privés, en collaboration avec le CHU de Toulouse et le CHS Gérard Marchant, sont sur le point de signer un groupement de coopération sanitaire (GCS) pour améliorer la gestion des urgences psychiatriques.

Il est important de préciser que les urgences psychiatriques ne font pas l'objet d'une autorisation spécifique. Elles nécessitent un service d'urgence générale avec un plateau technique complet. Néanmoins, nous pratiquons quotidiennement des admissions directes, c'est-à-dire des hospitalisations non programmées. Pour chaque patient passant par un service d'urgence, trois ou quatre sont directement admis dans nos structures pour une hospitalisation rapide. Cette contribution est transparente et quantifiée.

Je considère que l'exemple toulousain démontre comment une période de crise a pu être transformée positivement grâce à la confiance, la visibilité et l'allocation de moyens adéquats. Actuellement, un établissement supplémentaire du groupe Ramsay a demandé l'autorisation pour les soins sans consentement auprès de l'ARS, ce qui portera à quatre le nombre d'établissements autorisés sur les huit existants. Notre contribution s'étend ainsi à tous les niveaux de la gradation des urgences psychiatriques.

M. Patrick Jourdain. Pour compléter les propos de mon collègue, je tiens à souligner que la complexité de la situation ne se résume pas à l'identification des établissements disposant d'une ligne de garde. Il s'agit plutôt de déterminer qui, en pratique, accepte les patients non programmés. La question cruciale est de savoir qui prendra en charge un patient nécessitant une hospitalisation, y compris en dehors des heures ouvrables, les week-ends et jours fériés. Cela implique la présence d'un médecin sur place, capable d'évaluer et d'admettre le patient.

Concernant la gynécologie et la fermeture de la maternité à Versailles, il convient de noter que nous ne sommes pas dans une zone défavorisée comme les Vosges, mais dans une région où les services seront simplement déplacés vers Le Chesnay, à une distance relativement courte. Il faut prendre en compte les recommandations et les résultats des études scientifiques, notamment concernant la mortalité maternelle qui est malheureusement en augmentation en France, avec environ 8,1 cas pour 100 000 grossesses.

Plusieurs facteurs influencent ces résultats, tels que l'âge de la mère, les critères de périnatalité habituels comme le poids et l'obésité, le pays de naissance, mais aussi la taille de l'établissement. En France, il existe une gradation des maternités, allant des petites structures aux établissements de haut niveau capables de gérer des cas complexes. Notre responsabilité est d'offrir non seulement une présence, mais surtout des soins de qualité visant à réduire les risques pour la mère et l'enfant.

Dans cette optique, la réflexion territoriale consiste à évaluer si le regroupement de deux petites maternités ne permettrait pas d'améliorer la qualité des soins. Cette logique sous-tend la création des groupements hospitaliers de territoire. Il ne s'agit pas simplement de considérer les chiffres, mais d'examiner si le temps de transport pour les patientes sera significativement modifié entre Versailles et Le Chesnay, ce qui ne semble pas être le cas.

Notre approche ne vise pas la rentabilité, mais plutôt à optimiser la prestation de soins avec les ressources disponibles. Cela nous ramène à la psychiatrie, où nous adoptons une approche plus moderne et holistique, moins axée sur la camisole chimique. De plus, l'appartenance à un groupe nous permet de négocier plus efficacement l'achat de médicaments, à l'instar de la logique des groupements hospitaliers de territoire dans le secteur public.

Enfin, concernant la gestion de la crise du Covid-19, je tiens à souligner que Ramsay Santé a pris en charge 17 % des patients franciliens atteints du Covid. Le secteur privé a pleinement assumé sa part de responsabilité, malgré des ressources initialement plus limitées en termes de services de soins critiques et de médecine.

Dr François-Bruno Le Bot. Je souhaite apporter un éclairage supplémentaire sur la situation en gynécologie-obstétrique, fort de mon expérience et de celle de mes collègues dans ces services. Le problème majeur n'est pas d'ordre financier, mais se situe à deux niveaux distincts. D'une part, il s'agit d'un enjeu de sécurité. D'autre part, nous faisons face à un manque criant de personnel qualifié. Pour assurer le fonctionnement sûr d'une maternité, il est impératif de disposer d'une équipe complète comprenant une ligne de garde de pédiatres, des anesthésistes-réanimateurs formés spécifiquement à la réanimation pédiatrique ainsi que des gynécologues-obstétriciens. La réforme de l'internat a malheureusement conduit à la formation de gynécologues médicaux qui ne sont plus en mesure de prendre en charge les aspects chirurgicaux tels que les césariennes ou les complications hémorragiques. Cette situation rend extrêmement complexe la gestion des maternités où l'on ne compte qu'un ou deux accouchements quotidiens, généralement sans complication. Cependant, lorsqu'une situation critique survient, une équipe complète et compétente doit impérativement être présente. Malheureusement, nous ne disposons plus des effectifs nécessaires pour faire fonctionner ce type de maternité. Bien que regrettable, cette réalité s'impose à nous.

M. Sébastien Proto. Concernant la situation des maternités, il est crucial de souligner que 70 % des établissements privés sont déficitaires. Si le critère financier était le seul déterminant des regroupements, on pourrait légitimement s'interroger sur la persistance de notre engagement dans le domaine obstétrical. Prenons l'exemple du groupe Elsan : nous gérons 24 maternités et consacrons une part importante de notre temps à revitaliser ces structures, alors même qu'elles subissent une baisse d'activité plus marquée que dans le secteur public. Cette diminution des accouchements résulte en partie des politiques publiques ayant instauré une hiérarchisation des maternités par niveau.

J'attire votre attention sur le débat actuel concernant les causes de l'augmentation de la mortalité infantile. Les chiffres varient considérablement entre les DOM-TOM et la métropole, ainsi qu'au sein même du territoire métropolitain. Ce constat alimente des arguments en faveur du maintien des petites maternités et du renforcement des exigences en matière de personnel, au-delà des normes établies ou modifiées en 1998. Il convient d'être extrêmement prudent sur ces deux aspects, car nous risquons d'exacerber davantage les difficultés existantes.

Je réitère que le maintien de maternités réalisant seulement 300 accouchements par an s'avère extrêmement complexe. Cependant, il est essentiel de comprendre que cette problématique ne se résume aucunement à des considérations économiques.

M. le président Jean-François Rousset. Je vous remercie pour la richesse de vos propos.

 

La séance s’achève à dix-neuf heures.


 

Membres présents ou excusés

 

 

Présents. - M. Christophe Naegelen, M. Jean-François Rousset