Compte rendu

Commission d’enquête relative à l’organisation du système de santé et aux difficultés d’accès aux soins

– Audition de Mme Sarah Sauneron, directrice générale de la Santé par intérim (DGS)..... 2

–  Présences en réunion............................10


Mardi
3 juin 2025

Séance de 17 heures 45

Compte rendu n° 25

session ordinaire de 2024-2025

Présidence de
Jean-François Rousset,
Président

 


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La séance débute à dix-sept heures cinquante-cinq.

M. le président Jean-François Rousset. Nous poursuivons les travaux de cette commission d'enquête en accueillant Madame Sarah Sauneron, directrice générale de la santé par intérim. Je vous donne immédiatement la parole pour une intervention liminaire d'environ dix minutes, afin de laisser ensuite toute sa place aux échanges sous forme de questions-réponses, à commencer par celles de notre rapporteur. 

Auparavant, je vous rappelle que l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d’enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure. »

(Mme Sarah Sauneron prête serment.)

Mme Sarah Sauneron, directrice générale de la santé par intérim (DGS). Je vais vous présenter succinctement comment nos missions participent à l'accès aux soins, bien que nous ne soyons pas la direction d'administration centrale du ministère de la santé, chef de file en la matière.

La Direction générale de la santé est chargée de préparer la politique de santé publique. Nous intervenons dans tous les champs de la prévention, des maladies chroniques aux risques infectieux, des crises sanitaires aux effets sanitaires des risques environnementaux. Cette approche globale contribue à réduire la pression sur notre système de soins en diminuant la demande, améliorant ainsi l'accès aux soins.

Nos quatre missions principales sont les suivantes. Premièrement, nous coordonnons la préparation du système de santé face aux menaces et aux crises sanitaires. Notre action se fonde sur un triptyque : anticipation, préparation, gestion. Le centre de crise sanitaire, créé en mars 2024 à la suite de la crise Covid, assure cette mission. Il centralise les alertes, coordonne les réponses, anticipe les risques sanitaires et élabore des plans de préparation.

Deuxièmement, nous protégeons les Français en favorisant un environnement propice à leur santé. Nous prévenons les risques sanitaires liés à l'alimentation et aux pollutions des milieux de vie, notamment l'air et l'eau. Dans ce cadre, nous menons des politiques « une seule santé », intégrant les enjeux de santé environnementale, humaine et des écosystèmes.

Troisièmement, nous garantissons la sécurité et la qualité des produits de santé, particulièrement les médicaments et les dispositifs médicaux. Nous agissons pour assurer la disponibilité des médicaments sur notre territoire, un sujet de préoccupation majeure face aux tensions et pénuries actuelles.

Quatrièmement, nous favorisons le virage préventif en santé publique. Cela inclut des aspects médicaux comme les politiques de dépistage et de vaccination, ainsi que la structuration d'un parcours de prévention. Nous mettons également en place des dispositifs intersectoriels visant à agir sur les déterminants de santé tels que l'alimentation, l'activité physique, la santé mentale et la lutte contre les addictions.

Cette stratégie préventive est fondamentale pour le système de santé. Elle améliore la santé de la population, réduit les inégalités de santé, diminue la demande de soins et contribue au rétablissement des comptes sociaux. Parmi nos actions concrètes, citons la campagne de vaccination contre les papillomavirus humains (HPV) au collège, l'immunisation contre le virus respiratoire syncytial (VRS), et la lutte contre le tabagisme avec les récents décrets « Espaces sans tabac ».

Ces politiques sont essentielles face au vieillissement de la population et à la transition écologique, qui impactent directement le fardeau des maladies chroniques et les risques épidémiques.

La DGS exerce également la tutelle de six agences sanitaires, dont l'Établissement français du sang (EFS), l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), l'Agence de la biomédecine (ABM), Santé publique France, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) et l'Institut national du cancer (Inca). Nous collaborons étroitement avec les acteurs territoriaux, notamment les Agences régionales de santé (ARS) et les caisses primaires d’assurance maladie (CPAM) pour déployer nos politiques sur le terrain.

M. Christophe Naegelen, rapporteur de la commission d’enquête relative à l’organisation du système de santé et aux difficultés d’accès aux soins. Il est intéressant de noter que dans le cadre de ce rapport qui comportera sans doute des préconisations contre l'intérim, nous recevons justement la directrice générale par intérim. J'aimerais aborder deux points essentiels avant de laisser la parole à mes collègues.

Premièrement, concernant votre champ de compétences qui couvre l'ensemble de la prévention, nous constatons que les budgets alloués à ce domaine restent relativement modestes par rapport au budget total des dépenses de santé. De plus, il est difficile d'évaluer concrètement le retour sur investissement de ces actions préventives. Quelles seraient vos recommandations pour accroître les investissements dans la prévention ? Quels domaines considérez-vous comme prioritaires ?

Deuxièmement, en lien avec l’éducation et le ministère de l'éducation nationale, vous avez évoqué la vaccination des jeunes. Au-delà de cet aspect, le sport joue un rôle crucial dans la prévention de diverses maladies. Quelle est la nature de la collaboration entre la DGS et le ministère de l'éducation nationale pour encourager les jeunes à pratiquer une activité sportive régulière et à adopter une alimentation équilibrée ? Comment abordez-vous également les questions de la consommation d'alcool et de tabac chez les adolescents ? Pouvez-vous nous éclairer sur les interactions existantes avec le ministère de l'éducation nationale, le ministère des sports, et les associations concernées ?

Mme Sarah Sauneron. Je vous remercie pour ces questions pertinentes qui soulèvent effectivement trois points essentiels.

Concernant le financement de la prévention, il est important de souligner la complexité de l'évaluation précise des montants alloués. La nature intersectorielle de la prévention et la difficulté de traçage des dépenses, même au sein des comptes de la sécurité sociale, rendent cette tâche ardue. La direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) estime ces dépenses entre 8 et 9 milliards d'euros par an. La Cour des comptes, en approfondissant l'analyse, arrive à un chiffre d'environ 15 milliards d'euros. Ces montants nous placent dans la moyenne des pays de l'OCDE. Néanmoins, il est indéniable que notre système reste trop axé sur le curatif, ce qui se reflète dans la répartition des dépenses.

Pour réorienter les dépenses vers plus de prévention, nous devons surmonter plusieurs obstacles. Le principal défi réside dans la nature même de la prévention : c'est un investissement à long terme, dont les bénéfices ne sont pas immédiatement visibles. Dans un contexte de contraintes budgétaires, il est parfois difficile pour les décideurs de privilégier ces dépenses malgré leur efficience prouvée. Nous disposons de nombreuses études démontrant l'efficacité économique de certaines stratégies préventives, telles que la vaccination, les dépistages néonataux, ou la lutte contre le tabagisme.

Il convient d'adopter une approche basée sur l'efficience pour toutes nos stratégies de prévention. Nous ne pouvons pas nous contenter d'une vision simpliste où toute action préventive serait nécessairement bénéfique. Le rapport de la Cour des comptes nous invite à optimiser nos dépenses plutôt que de simplement les augmenter. Cela implique une évaluation rigoureuse de nos politiques et leur ancrage dans les territoires, avec une attention particulière portée aux publics les plus difficiles à atteindre.

Nous pouvons également gagner en efficience en personnalisant nos stratégies préventives. L'exploitation des données de santé offre des opportunités considérables en ce sens. Nous travaillons activement, en collaboration avec l'assurance maladie, pour que l'espace santé de chaque citoyen devienne un vecteur de messages de prévention personnalisés en fonction de son profil.

Par ailleurs, il est essentiel de développer la recherche sur les actions probantes en matière de prévention. Santé publique France évalue très positivement certains dispositifs, comme le développement des compétences psychosociales. Cependant, l'évaluation des dispositifs de prévention reste complexe, nécessitant une approche à long terme et la prise en compte d'impacts multisectoriels. Nous travaillons donc à l'élaboration de guides d'évaluation pour ces actions de prévention.

Un autre levier important concerne les modèles de financement de notre système de soins. Actuellement, le financement à l'acte ne valorise pas suffisamment les conseils de prévention. Nous cherchons à modifier ces incitations, notamment à travers la nouvelle convention médicale qui revoit les objectifs de santé publique associés à la rémunération des médecins.

Concernant notre collaboration avec l'éducation nationale, elle est effectivement primordiale. Les actions de prévention les plus efficaces sont celles qui ciblent les enfants, permettant d'ancrer des comportements favorables à la santé dès le plus jeune âge et de lutter contre les inégalités de santé. Notre partenariat s'illustre particulièrement dans la lutte contre le HPV. Cette collaboration, qui fonctionne depuis deux ans au niveau national avec la direction générale de l'enseignement scolaire (DGESCO) et au niveau local entre les ARS et les rectorats, a permis des avancées significatives. Alors qu'en 2022, la France était classée 27e pays de l'Union européenne en termes de taux de couverture du HPV, nous avons réussi en un an à augmenter ce taux de plus de 20 points chez les jeunes de 12 ans. Nous sommes passés à 62 % de couverture pour les jeunes femmes et 48 % pour les hommes, ce qui démontre l'efficacité de notre approche conjointe.

Nous déployons également des programmes de développement des compétences psychosociales pour renforcer la confiance des jeunes et leur capacité d'empathie. La lutte contre les addictions constitue un autre axe majeur de notre action commune.

Concernant l’activité physique, c'est effectivement un enjeu crucial sur lequel les deux ministères se sont engagés. Nous cofinançons des programmes et l'éducation nationale est très investie, notamment avec l'instauration des 30 minutes de sport quotidiennes au collège. D'autres initiatives sont en cours de développement pour renforcer cette dynamique.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Pensez-vous que les ARS sont les organismes idoines pour s'occuper de la prévention ? On voit qu'elles font énormément de choses. Ne devraient-elles pas se spécialiser ou se consacrer beaucoup plus à ce que l'on leur demande sur l'offre de soins, qui est sans doute la principale attente de nos concitoyens, et donc peut-être créer des directions régionales de l'offre de soins (Dros) ou des directions départementales de l'offre de soins (Ddos) qui soient en capacité de répondre vraiment à cette attente fondamentale et peut-être de leur enlever la partie environnementale ? Pour moi, cela paraît évident, mais pourquoi pas également la partie prévention, sachant que 4 à 6 % des effectifs des ARS y sont consacrés ?

Mme Sarah Sauneron. Je pense que les ARS ont toute leur légitimité sur le champ de la prévention en ce qu'elles sont l’interlocuteur au quotidien des élus et que, sans les élus, les stratégies préventives ne trouvent pas à s'appliquer de la même manière. Le lien avec l'éducation nationale, quand je dis que cela se fait avec le rectorat, c'est le bon échelon d'interface avec les ARS. A contrario, il faut se poser la question de qui porterait des stratégies préventives territorialisées sans que ce soit dégradé en termes de portage et d'implication politique. Je ne suis pas certaine que les CPAM, si c'est le schéma que vous aviez en tête, voudraient porter tous nos programmes. Ce sont des alliés, sur plein de politiques, mais sur ce type de programme territorialisé de prévention en santé publique.

Mme Murielle Lepvraud (NFP-LFI). Pour rester sur la prévention, je souhaite vous entendre sur la réintroduction des néonicotinoïdes, dont l'acétamipride, par la proposition de loi Duplomb sur la santé humaine. De nombreux collectifs dénoncent les effets de l'utilisation des pesticides sur la santé humaine, et pourtant le gouvernement, aidé par la droite et l’extrême-droite, décide de les réintroduire. J'aimerais connaître votre position, ou la position de la DGS, sur cette situation.

Deuxième question, nous avons traversé, ces mois derniers, une pénurie préoccupante de plusieurs médicaments psychotropes, notamment la quétiapine et la venlafaxine, essentiels pour la prise en charge de pathologies psychiatriques lourdes. Leur indisponibilité à entraîner des décompensations cliniques graves, des passages aux urgences et une mise en danger de la vie des patients. Bien que la situation semble s'améliorer ces dernières semaines, elle a mis en lumière la grande vulnérabilité de notre système d'approvisionnement pour des traitements de fonds essentiels.

Quelles mesures de prévention concrètes la DGS entend-elle mettre en place pour éviter qu'un tel scénario se reproduise à l'avenir ?

Mme Sarah Sauneron. Concernant la stratégie Écophyto 2030, nous sommes pleinement engagés dans sa mise en œuvre. Nous pilotons les agences sanitaires, dont l'Anses, qui mènent diverses études sur l'impact sanitaire et l'exposition aux pesticides. Nous prévoyons d'établir un comité de suivi sous ma présidence d'ici septembre, dès réception de l'étude de l'Anses. Ce comité examinera notamment les résultats attendus en 2025 sur l'imprégnation des riverains et les éventuels impacts sanitaires, afin de définir les mesures de gestion appropriées.

Quant aux néonicotinoïdes, je note que les débats au niveau européen se poursuivent, notamment sur leurs effets sur les pollinisateurs. Des études complémentaires sont en cours sur les aspects sanitaires, et nous suivrons attentivement l'évolution de la position européenne sur ce sujet.

Concernant les tensions d'approvisionnement en antipsychotiques et antidépresseurs, il s'agit effectivement d'une préoccupation majeure. Nous faisons face à des défis structurels, comme l'augmentation de la demande mondiale de médicaments, et conjoncturels, tels que des difficultés d'approvisionnement locales. Dans le cas spécifique de la quétiapine, un problème d'accréditation chez un fabricant grec, fournisseur de 60 % du marché français, a provoqué ces tensions.

L'ANSM a réagi de manière proactive en mettant en place un plan de suivi comprenant plusieurs mesures : l'interdiction d'exportation de ces produits, la sollicitation de la solidarité européenne, l'instauration de contingentements quantitatifs et qualitatifs, et l'incitation des pharmaciens à produire des préparations magistrales. Nous espérons une amélioration de la situation d'ici l'été, bien que nous restions vigilants sur d'autres molécules potentiellement concernées, comme la sertraline.

Nous assurons un suivi étroit de la situation au plus haut niveau. Un comité de liaison réunissant prescripteurs et associations de patients se tiendra le 5 juin pour garantir la transparence sur les actions entreprises et les perspectives d'évolution.

Mme Géraldine Bannier (Dem). En tant qu'ancienne enseignante ayant exercé plus de quinze ans dans les collèges et lycées, j'ai constaté une augmentation significative des cas de jeunes nécessitant un suivi psychologique, et ce, à un âge de plus en plus précoce. Bien que la santé mentale ait été désignée grande cause nationale 2024 et que le dispositif « mon soutien psy » ait été mis en place, comment gérons-nous la situation dans les territoires en pénurie de médecins, comme la Mayenne que je représente, où l'accès aux centres médico-psychologiques (CMP) est particulièrement difficile ? Pouvez-vous nous informer sur l'utilisation de « mon soutien psy » et sur la disponibilité des jeunes professionnels de santé face à l'explosion de la demande ?

Mme Sarah Sauneron. Je partage votre constat alarmant concernant la santé mentale des jeunes, particulièrement des jeunes femmes, dont la situation ne s'est pas améliorée cinq ans après la crise du Covid. La DGS se mobilise sur ce sujet, notamment à travers le développement des compétences psychosociales et d'autres déterminants de santé.

Bien que je ne sois pas directement responsable du dispositif « mon soutien psy », je peux vous indiquer que des mesures ont été prises pour améliorer son accessibilité. Nous avons revalorisé le nombre de séances et le forfait pour attirer davantage de psychologues. De plus, l'obligation d'adressage systématique par les médecins a été supprimée pour faciliter l'accès aux soins. L'assurance maladie a lancé une campagne de communication importante sur ce dispositif en début d'année.

Je ne dispose pas des chiffres précis sur l'utilisation du dispositif, mais je peux vous assurer que le ministère et l'assurance maladie sont mobilisés sur cette question. Nous pourrons vous transmettre ultérieurement des données plus détaillées via la direction compétente.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Permettez-moi de revenir sur votre propos concernant les ARS et leur relation avec les élus locaux. Je me dois de contester votre affirmation selon laquelle les ARS seraient l'administration la plus à même de conduire les politiques de prévention du fait de leurs liens avec les élus. D'après les retours que je reçois des élus de ma circonscription, l'ARS figure parmi les administrations avec lesquelles les échanges sont les plus difficiles, particulièrement pour les maires et les dirigeants de collectivités.

Ne serait-il pas plus judicieux de confier ces moyens directement aux collectivités, dans le cadre d'une véritable décentralisation ? En donnant aux communes la responsabilité de mener ces politiques de prévention, avec bien entendu le budget correspondant, ne serions-nous pas plus efficaces ? Les collectivités possèdent les compétences nécessaires et sont au plus près du terrain. Cette approche ne permettrait-elle pas une meilleure mise en œuvre des politiques de prévention ?

Mme Sarah Sauneron. Les collectivités jouent un rôle majeur dans la mise en œuvre des stratégies de prévention en santé publique et la gestion des crises sanitaires. À la DGS, nous collaborons étroitement avec les réseaux villes-santé pour déployer nos principales politiques de santé publique. Il est logique que le ministère de la santé coordonne ses actions avec ses services déconcentrés pour assurer une mise en œuvre efficace jusqu'au dernier kilomètre. Par exemple, il serait inconcevable de demander aux collectivités de déployer la campagne HPV sans établir un lien direct avec elles.

L'action déconcentrée de l'État en matière de prévention sanitaire est pleinement justifiée. Il serait incohérent de maintenir l'offre de soins dans les ARS tout en retirant la prévention du giron du ministère de la santé. Les ARS constituent notre bras armé sur le terrain. Nous leur transmettons des instructions quotidiennes, mais elles nous fournissent également de précieuses remontées du terrain qu'il conviendrait de mieux structurer.

Concernant la campagne HPV, il conviendrait d'organiser un retour d'expérience sur son déploiement dans chaque région. Je doute que les préfets, déjà très sollicités, souhaitent prendre en charge les politiques de prévention en santé. De plus, il est logique que l’acteur responsable de l'offre de soins s'occupe également de la prévention. Une séparation de ces deux aspects risquerait de perpétuer une dichotomie curatif-préventif, entraînant une hiérarchisation qui nuirait à une vision globale de notre système de santé. Les ARS ont donc toute légitimité à conserver l'intégralité de leurs compétences en matière de santé.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Je tiens à préciser que je ne remets pas en cause le principe même des ARS. Fort de mon expérience de parlementaire depuis huit ans, je cherche à identifier des propositions qui permettraient à nos concitoyens de se sentir mieux écoutés sur les questions de santé, de bénéficier de politiques sanitaires au plus près de leurs préoccupations, et d'améliorer les interactions avec les élus.

Je reconnais la pertinence de la structuration régionale des ARS, notamment en raison de l'organisation régionale des centres hospitaliers universitaires (CHU). Cependant, ne serait-il pas judicieux de renforcer considérablement l'échelon départemental, en lui accordant davantage de moyens et d'autonomie ? Je propose la création d'un poste de sous-préfet sanitaire, qui dépendrait à la fois du préfet et d'une structure régionale. Cette organisation permettrait d'atteindre efficacement le dernier kilomètre dont vous parliez.

Les préfectures constituent le point d'entrée privilégié pour les élus et les citoyens dans de nombreux domaines. À l'instar des secrétaires généraux pour l'économie ou des directeurs de cabinet pour le régalien, ne serait-il pas pertinent de placer un domaine aussi crucial que la santé sous l'égide des préfets ? Que penseriez-vous de la création d'une direction spécifique de la santé rattachée à la préfecture ? Cette proposition vous semble-t-elle utopique ou difficilement structurable ? Ou estimez-vous que l'organisation actuelle est optimale et ne nécessite aucun changement ?

Mme Sarah Sauneron. Bien que cette question dépasse largement mes attributions en tant que directrice générale de la santé par intérim, je pense que votre interrogation soulève principalement la nécessité de renforcer l'échelon départemental des ARS. Nous constatons effectivement que les délégations départementales n'ont pas été suffisamment dotées en moyens ni valorisées dans leur action territoriale jusqu'à présent.

Cette problématique soulève également des questions d'articulation de l'action, notamment en matière de gestion des crises sanitaires, peut-être en lien avec les centres opérationnels départementaux (COD). Je partage entièrement votre avis sur la nécessité de valoriser les délégations départementales des ARS. Quant à savoir si elles doivent dépendre du préfet ou des ARS, je ne me prononcerai pas sur ce point organisationnel.

Néanmoins, je tiens à souligner l’importance de l'échelon départemental. Les ARS sont des partenaires quotidiens indispensables. Elles font preuve de disponibilité, de réactivité et nous fournissent des retours de terrain particulièrement pertinents et efficaces. Je ne peux donc que réaffirmer l'excellence de notre collaboration avec les ARS, avec lesquelles nous travaillons de manière extrêmement positive.

M. le président Jean-François Rousset. Lorsque nous évoquons les soins, nous cernons précisément les dispositifs et les établissements sous l’égide du ministère de la santé. En revanche, dès que nous abordons la prévention, nous touchons à plusieurs ministères. Prenons l'exemple du sport-santé : cela concerne le ministère de l'éducation nationale pour le sport à l'école, au collège, au lycée et à l'université, mais aussi le ministère des sports et les fédérations sportives. De même, la prévention par l'alimentation et l'hygiène, notamment pour lutter contre l'obésité, implique les écoles, les élus et les producteurs.

Ne sommes-nous pas confrontés à un système excessivement complexe qui pourrait bénéficier d'une séparation nette entre le soin et la prévention ? Cette séparation pourrait-elle aller jusqu'à un financement totalement distinct ? S'agit-il d'une utopie ou d'une simplification potentiellement très intéressante à explorer, voire à modéliser avant une éventuelle mise en œuvre concrète ?

Mme Sarah Sauneron. Votre proposition n'est pas utopique, elle reflète en réalité la situation actuelle. La prévention s'étend au-delà du seul champ sanitaire, comme je l'ai souligné précédemment. Nous avons des programmes médicaux spécifiques, mais aussi des volets plus larges concernant les déterminants de santé, qui nécessitent une approche intersectorielle. Les financements associés suivent cette logique : nous disposons à la fois de crédits spécifiques et de crédits intersectoriels, que nous nous efforçons de retracer dans un document budgétaire qui vous est soumis chaque année, malgré la complexité de l'exercice.

Cependant, je ne crois pas en une dissociation totale de l'offre préventive et de l'offre de soins, et je ne la souhaite pas. Les professionnels de santé doivent également être responsables de ce discours préventif. Les Français attendent cela d'eux, car ce sont des personnes de confiance dont le message a un impact significatif sur leur santé. Dire aux acteurs de soins que la prévention n'est pas de leur ressort et qu'ils doivent se concentrer uniquement sur le curatif ne nous aidera ni à mettre en place des politiques efficaces, ni à transmettre le message à nos concitoyens.

L'intersectorialité est déjà une réalité. Toutes nos stratégies sont portées par plusieurs ministères. Par exemple, une stratégie sport-santé sera présentée à la rentrée prochaine, conjointement portée avec la direction des sports du ministère des sports. Vous verrez qu'elle comporte des mesures prometteuses. Il en va de même pour les questions d'alimentation. Nous menons une prévention intersectorielle, mais je reste convaincue que l'offre de soins a toute sa place dans les sujets préventifs et qu'il ne faudrait pas remettre cela en question.

Mme Murielle Lepvraud (NFP-LFI). Je souhaite revenir sur la question de la prévention, notamment concernant la réintroduction des pesticides et leurs conséquences sur la santé humaine. Vous avez mentionné les études de l'Anses, or la proposition de loi Duplomb remet en cause l'indépendance de l'Anses en la plaçant sous la tutelle du ministère de l'agriculture. Quelle est la position de la DGS sur cet affaiblissement de l'indépendance de l'Anses concernant les études et les conséquences sur la santé humaine ?

Mme Sarah Sauneron. La DGS est très vigilante quant à la préservation de l'indépendance scientifique de nos agences sanitaires. Ces dernières ont été créées précisément dans ce but, afin de protéger les citoyens et les ministres, à la suite de divers scandales sanitaires. L'Anses fait partie intégrante de ce dispositif. Nous veillerons scrupuleusement au maintien de cette indépendance scientifique, quelles que soient les décisions prises et les vecteurs choisis. Pour nous, c'est un principe non négociable, et je suis convaincue que la représentation nationale partage cette conviction quant à la nécessité absolue de cette indépendance.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Nous avons d’ores et déjà transmis toute une série de questions par écrit. C'est la raison pour laquelle je n'ai pas souhaité les aborder ici, préférant élargir le champ de notre discussion. Concernant les propos de notre collègue, il est crucial de souligner l'importance du poids de l'Anses. Bien que la décision ne soit pas encore définitivement entérinée, puisque nous aurons probablement une commission mixte paritaire ou une autre procédure, je souhaite aborder la question de vos relations avec vos homologues européens. Il est à noter que 26 des 27 pays de l'Union européenne avaient autorisé l'acétamipride, la France étant l'unique exception. Nous sommes souvent dans une position singulière, mais pouvez-vous nous éclairer sur la nature de vos échanges avec les autres pays européens ? Comment expliquer cette divergence entre la décision française et celle prise par 26 autres États membres ?

Mme Sarah Sauneron. La différence s'explique par la logique distincte des autorisations de mise sur le marché (AMM) entre les produits phytosanitaires et vétérinaires d'une part, et les médicaments d'autre part. L'Agence européenne des produits chimiques (ECHA) établit des AMM, mais les États membres conservent la possibilité d'adopter des mesures plus protectrices, en s'appuyant sur les avis de leurs agences sanitaires nationales. Dans le cas présent, la France a opté pour une approche plus prudente en 2018 ou 2019.

Néanmoins, nous accordons une grande importance à l'harmonisation de nos positions avec celles des autres États membres. Nous adressons fréquemment des notes aux autorités françaises et à la Commission européenne pour solliciter cette harmonisation. Nous demandons notamment que l’ECHA soit saisie afin d'uniformiser les approches concernant les pesticides.

Un autre sujet qui nous préoccupe concerne l'eau potable, où nous avons constaté des divergences entre les positions des États membres. C'est par l'intermédiaire de la Commission européenne et de l'Anses, qui siège au sein de l'agence européenne, que nous portons ces demandes d'harmonisation. Notre objectif est d'assurer, dans la mesure du possible, un traitement équitable des acteurs économiques tout en garantissant une protection optimale des citoyens.

Mme Géraldine Bannier (Dem). Je souhaite poser une question complémentaire, bien que j'ignore si elle relève de votre domaine de compétence. Elle concerne la santé professionnelle. Dans ma précédente carrière, nous ne bénéficiions d'aucun suivi médical tout au long de notre parcours professionnel. Une visite en début de carrière était prévue, mais elle a été supprimée. En revanche, lorsque je suis devenue maire, j'ai découvert que mes agents municipaux bénéficiaient d'une visite médicale tous les deux ans.

Il existe une disparité flagrante dans le suivi médical des fonctionnaires selon leur affectation, certains bénéficiant d'un suivi régulier tandis que d'autres n'en ont aucun, principalement pour des raisons financières. C'est d'ailleurs dans ce contexte que je porte une proposition de loi visant à instaurer une visite médicale obligatoire après 20 ans de carrière pour les enseignants. Cette mesure me semble justifiée, compte tenu des maladies professionnelles spécifiques à ce métier. Par exemple, les professeurs d'éducation physique sont sujets à des problèmes de voix, et de nombreux enseignants rencontrent des difficultés de santé au cours de leur carrière. Cette situation est pour le moins surprenante. Avez-vous un avis sur ces disparités de suivi médical entre les différentes professions ?

Mme Sarah Sauneron.  Bien que cette question ne relève pas directement de mes attributions, qui sont rattachées à la direction générale du travail, je peux vous informer que nous sommes associés à l'élaboration de leurs plans de santé au travail.

M. le président Jean-François Rousset. Je propose de conclure cette audition. Je vous rappelle que vous avez la possibilité de nous transmettre des informations complémentaires via notre secrétariat.

La séance s’achève à dix-huit heures trente-cinq.


 

Membres présents ou excusés

 

Présents. - Mme Géraldine Bannier, Mme Murielle Lepvraud, M. Christophe Naegelen, M. Jean-François Rousset