Compte rendu

Commission d’enquête relative à l’organisation du système de santé et aux difficultés d’accès aux soins

– Audition de M. Pierre Pribile, directeur de la sécurité sociale (DSS) ...... 2

–  Présences en réunion............................13


Mercredi
4 juin 2025

Séance de 15 heures

Compte rendu n° 26

session ordinaire de 2024-2025

Présidence de
Jean-François Rousset,
Président

 


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La séance commence à quinze heures dix.

 

M. le président Jean-François Rousset. Dans le cadre des travaux de notre commission d’enquête consacrée à l’organisation du système de santé et aux difficultés d’accès aux soins, nous recevons aujourd’hui M. Pierre Pribile, directeur de la sécurité sociale.

Avant de vous céder la parole pour un propos liminaire, monsieur Pribile, je rappelle que cette audition est diffusée en direct sur le site de l’Assemblée nationale, qu’elle y sera consultable en vidéo et fera l’objet d’un compte-rendu écrit. L’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées dans le cadre de travaux d’enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».

(M. Pierre Pribile prête serment.)

M. Pierre Pribile, directeur de la sécurité sociale. Je m’emploierai durant ce propos liminaire à répondre aux principales questions que vous m’avez transmises en amont de cette audition, concernant la situation financière de la sécurité sociale, en particulier celle de la branche maladie, ainsi que la nécessité et les moyens d’un retour à l’équilibre. J’aborderai également la question de la tarification à l’activité des hôpitaux.

La commission des comptes de la sécurité sociale, réunie hier à Bercy, a actualisé la trajectoire financière jusqu’en 2029. Pour 2025, le déficit global de la sécurité sociale est confirmé à 22 milliards d’euros, dont 16 milliards pour la seule branche maladie, l’autre branche pesant lourdement sur le déficit étant la branche vieillesse. À l’horizon 2029, ce déficit pourrait, sous certaines hypothèses, s’aggraver pour atteindre 25 milliards d’euros, dont près de 20 milliards d’euros pour la seule branche maladie.

Le retour à l’équilibre de la sécurité sociale dans son ensemble suppose un effort sur la branche vieillesse. À cet égard, le dialogue social est ouvert dans le cadre de la délégation paritaire permanente souhaitée par le premier ministre. Mais bien évidemment, un retour à l’équilibre de la sécurité sociale n’est pas concevable sans un retour à l’équilibre de la branche maladie elle-même.

Il importe de souligner que les projections que je viens de mentionner reposent sur des hypothèses macroéconomiques formulées par le gouvernement, qui pourraient être affectées par la situation internationale. En outre, elles supposent une maîtrise de la dynamique des dépenses d’assurance maladie, avec un objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) contenu à 2,9 % par an jusqu’en 2029. Cette hypothèse implique déjà la réalisation de près de 20 milliards d’euros d’efforts par rapport à l’évolution spontanée des dépenses.

Pour ramener la branche maladie à l’équilibre d’ici 2029, il faudrait non seulement réaliser ces 20 milliards d’euros d’efforts pour satisfaire l’Ondam, mais aussi combler le déficit persistant de près de 20 milliards d’euros. Cela représente un effort total de l’ordre de 40 milliards d’euros, soit l’équivalent de toute la dépense d’assurance maladie en remboursement de produits de santé.

Je partage l’avis de la Cour des comptes sur la nécessité absolue de ramener la sécurité sociale à l’équilibre. Il ne s’agit pas là, et je tiens à le souligner, d’une obsession comptable. Au contraire, au moins trois raisons fondamentales rendent ce défi indispensable. Premièrement, il s’agit d’assurer la pérennité de notre protection sociale, pilier de notre République. Deuxièmement, la persistance des déficits contribue à une perte de confiance de nos concitoyens dans la solidité de leur protection sociale, ce qui fragilise notre pacte social. Troisièmement, financer notre protection sociale à crédit revient à faire payer aux générations futures les soins d’aujourd’hui, ce qui contredit nos valeurs de solidarité intergénérationnelle de notre système et fait peser sur elles une charge d’autant plus démesurée qu’elles devront à leur tour faire face à des dépenses de santé, plus élevée encore en raison des progrès médicaux.

Retrouver ce chemin d’équilibre passe par une amélioration significative de l’efficience de notre système de santé, ce qui implique de payer les soins à leur juste coût. Cette approche peut sembler consensuelle dans son principe, mais en réalité elle se heurte à des résistances lors de sa mise en œuvre, notamment lors de la renégociation annuelle du prix de certaines prestations ou produits de santé.

Trois grands leviers sont à notre disposition pour améliorer l’efficience de notre système de santé. Le premier consiste à maîtriser les volumes de soins en se concentrant sur leur pertinence. Le deuxième, plus controversé, vise à réexaminer le périmètre de notre protection sociale et le niveau de socialisation des dépenses. Le troisième s’attache à augmenter les recettes de la branche maladie, ce qui soulève inévitablement des débats sur le consentement à l’impôt et aux contributions sociales.

Ces trois leviers sont légitimes, mais leur mise en œuvre et leur dosage font l’objet de discussions politiques. Compte tenu de l’ampleur des efforts nécessaires, il apparaît inévitable de les combiner. Le récent rapport de la Cour des comptes sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale propose des actions visant à maîtriser l’évolution des dépenses d’assurance maladie. Ces mesures, principalement axées sur l’efficience, pourraient permettre de contenir la croissance des dépenses à 2,9 % par an sur les quatre prochaines années, générant ainsi une économie d’environ 20 milliards d’euros. Cependant, une meilleure efficience ne suffira pas à rétablir l’équilibre de la branche maladie, ce qui implique la nécessité d’activer d’autres mécanismes.

J’en viens à la tarification à l’activité (T2A), dont il importe de considérer qu’elle constitue avant tout un modèle d’allocation et de répartition des ressources, et non un outil de régulation budgétaire ou un mode de régulation des dépenses. Ce modèle, actuellement en pleine évolution, permet de répartir les financements sans pour autant déterminer le montant global que la nation décide d’allouer aux soins hospitaliers.

La critique souvent formulée à l’encontre de la tarification à l’activité, mais aussi, de manière générale, à toute tarification hospitalière, se rapporte à ce que l’on pourrait appeler une régulation prix-volume : plus les volumes augmentent, plus les prix varient. Ce mécanisme vise à capter des gains de productivité dans notre système de santé. Bien que le terme de productivité puisse paraître inapproprié dans le contexte des soins, il est essentiel de rechercher une optimisation permettant de soigner mieux et davantage nos concitoyens tout en maîtrisant les dépenses publiques alors que l’augmentation spontanée des dépenses de santé dépasse 4 % par an.

Cette augmentation n’est pas le fruit d’une gabegie, mais s’explique par plusieurs facteurs : le vieillissement de la population, l’évolution épidémiologique avec l’essor des maladies chroniques, et le progrès médical. Ce dernier, naturellement précieux, contribue à transformer certaines pathologies aiguës autrefois mortelles en maladies chroniques, augmentant ainsi l’espérance de vie et, par conséquent, les dépenses de santé.

Pour pérenniser notre système de protection sociale et garantir l’accès aux soins de qualité pour tous, il est impératif de freiner la dynamique des dépenses, les recettes n’évoluant pas spontanément au même rythme. Aussi, la recherche des gains de productivité n’a pas pour fin de rémunérer quelque actionnaire du système de santé, mais à assurer la durabilité de notre système de sécurité sociale.

En conclusion, l’enjeu consiste à rechercher des gains d’efficience dans l’ensemble du système de santé. Cela permettra de maintenir un financement solidaire et une égalité d’accès aux soins, conformément aux attentes de nos concitoyens.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Votre analyse des enjeux à l’horizon 2026-2029 et la nécessité de trouver des pistes d’amélioration sont particulièrement éclairantes. Permettez-moi de me concentrer sur l’efficience de nos dépenses de santé et sur certains coûts qui semblent relever de l’anomalie, et à propos desquels la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) pourrait avoir son mot à dire.

Je souhaite aborder spécifiquement la question de la tarification de certaines activités médicales. Au fil des années, nous avons observé que certaines pratiques ont considérablement gagné en efficacité et en rapidité d’exécution. Cette évolution a engendré l’émergence de spécialistes se consacrant à ces opérations devenues particulièrement lucratives. Parmi les exemples notables, on peut citer la dialyse ou la chirurgie de la cataracte.

Dans ce contexte, comment envisagez-vous d’ajuster la tarification pour refléter ces gains d’efficience, tout en maintenant un équilibre entre la juste rémunération des professionnels de santé et la maîtrise des dépenses de l’assurance maladie ? Cette question de la remise à niveau de la tarification se pose depuis longtemps. Concrètement, quand allons-nous voir une actualisation qui tienne compte non seulement de l’inflation monétaire, mais aussi de la réduction du temps nécessaire pour réaliser certaines opérations ?

Au fil de nos auditions, il m’apparaît que tous les acteurs sont conscients du problème lié à la tarification de certains actes – j’ai cité la dialyse et la chirurgie de la cataracte, mais j’aurais pu évoquer d’autres interventions similaires –, mais que la complexité du système empêche de prendre à bras-le-corps ce problème. Il est nécessaire d’identifier les activités dont la rémunération devrait être ajustée, ce qui implique un travail important. Vous évoquiez l’efficience, et c’est précisément de cela qu’il s’agit : établir un juste prix pour une activité donnée. Or, pour ces pratiques, nous sommes loin de cette adéquation.

M. Pierre Pribile. Vous soulevez un point pertinent. Nous accusons effectivement un certain retard par rapport à l’évolution des pratiques et des technologies, ce qui ne doit pas nous empêcher de chercher à le combler. Concernant les activités que vous mentionnez, plusieurs chantiers sont en cours pour répondre à cette préoccupation, notamment dans les domaines de la dialyse et de la radiothérapie. Une réforme du financement est actuellement menée, visant à la fois des gains d’efficience et un mode de financement plus incitatif à la qualité. La direction générale de l’offre de soins (DGOS) y travaille activement.

Nous sommes également engagés dans une révision de la nomenclature des actes pris en charge. Ce processus, bien qu’il ne génère pas nécessairement des économies immédiates, permettra de rééquilibrer la rémunération de certains actes et d’intégrer de nouveaux actes innovants. C’est un mécanisme comparable à celui des médicaments : une innovation est initialement coûteuse, mais l’évolution des pratiques permet ensuite de réaliser des gains susceptibles d’être réalloués vers de nouvelles technologies porteuses de progrès médical.

Enfin, un dernier point, qui engage nos collègues de l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation (ATIH), se rapporte à notre capacité à mener des enquêtes de coûts suffisamment fréquentes. Ces enquêtes sont essentielles pour éviter des distorsions dans la tarification à l’activité au fil du temps. L’objectif est de répartir équitablement l’enveloppe allouée aux soins en fonction des coûts réels supportés par les établissements de santé. Sans ces enquêtes régulières, des décalages peuvent apparaître entre les tarifs et les coûts effectifs, créant des rentes pour certaines activités ou rendant d’autres chroniquement déficitaires. Ces deux situations envoient des signaux inadéquats à notre système hospitalier, pouvant conduire à une concentration sur certaines activités au détriment d’autres, alors que l’intérêt général exige une couverture complète des besoins de santé de la population.

L’actualisation régulière des connaissances des coûts, et donc des tarifs adaptés, constitue bien un sujet d’efficience. Malheureusement, ces enquêtes de coûts n’ont pas pu être réalisées aussi fréquemment que souhaité ces dernières années. Une enquête est en cours, dont les résultats seront disponibles l’année prochaine, permettant ainsi de réajuster le modèle pour un financement plus équitable et représentatif des coûts réels.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. À quel rythme sont lancées ces enquêtes de coûts ?

M. Pierre Pribile. De mémoire, il me semble que l’ATIH entreprend ces études de coûts selon un rythme triennal.

Mme Capucine Grégoire, adjointe à la sous-directrice du financement du système de soins. Les tarifs sont actualisés annuellement dans le cadre des campagnes budgétaires hospitalières. Cependant, depuis 2020, en raison de la crise du covid, nous n’avons pas été en mesure d’utiliser les études nationales de coûts, les données collectées n’étant pas exploitables. De plus, trois années de recul sont généralement nécessaires pour utiliser ces données de manière fiable et fonder des décisions de tarif.

Cela ne signifie pas l’absence de toute évolution tarifaire. Des ajustements ont été effectués pour certaines activités lors des récentes campagnes budgétaires, notamment en pédiatrie et en obstétrique. Ces ajustements ont été motivés par la constatation de déficits dans ces secteurs, particulièrement dans les établissements de santé publique, et par des considérations de santé publique prises en compte par le ministère.

Concernant la nomenclature en ville, sur laquelle vous nous aviez interrogés lors de votre visite au ministère, une mise à jour est en cours après une longue période sans révision. Les évolutions tarifaires qui en découleront relèvent du champ conventionnel et des négociations entre l’assurance maladie et les représentants des professions de santé. L’enjeu est donc double : non seulement mettre à jour la nomenclature, mais aussi s’assurer que cette mise à jour se traduise par des évolutions tarifaires appropriées dans le cadre conventionnel, ou selon d’autres modalités si elles venaient à être décidées à l’avenir.

M. le président Jean-François Rousset. Pour prolonger la question de M. le rapporteur, qui citait l’exemple de la chirurgie de la cataracte, j’aimerais évoquer le cas de la chirurgie robotisée. Lorsque les investissements matériels pour de nouvelles techniques opératoires sont particulièrement élevés, disposez-vous d’une évaluation de la rentabilisation de ces investissements en fonction du nombre d’actes réalisés ?

Par exemple, dans une structure privée, l’acquisition d’un laser pour la chirurgie de la cataracte ou d’un robot chirurgical implique une durée d’exploitation quotidienne ou hebdomadaire nettement supérieure à celle d’autres structures. Ne s’agit-il pas là de pistes potentielles pour améliorer l’efficience des investissements, au-delà de la seule considération du soin ?

M. Pierre Pribile. Votre réflexion soulève un point intéressant concernant un mode de régulation qui prendrait en compte le niveau de rentabilité des activités. Actuellement, ce n’est pas directement le cas, mais cela se fait indirectement par le biais des enquêtes de coûts que nous venons d’évoquer. Ces enquêtes permettent de hiérarchiser les coûts des différents actes et d’ajuster les tarifs en conséquence, notamment en identifiant et en captant les gains de productivité.

En effet, lorsqu’une activité se généralise ou se massifie, son coût unitaire tend à diminuer. Si nous sommes suffisamment réactifs, nous devrions être en mesure de capter ces gains de productivité dans notre échelle des coûts. C’est précisément ce à quoi devrait aboutir une enquête de coûts régulière, couplée à une réactivité adéquate de notre part pour ajuster les tarifs. Cependant, il convient de reconnaître que la temporalité de ce processus reste assez longue. À cet égard, réguler par les marges des opérateurs pourrait constituer une alternative.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. J’aimerais à présente aborder la question du suivi budgétaire de l’Ondam, et obtenir des informations précises sur le coût de l’intérim dans le secteur hospitalier, ainsi que sur les dépenses liées aux contrats de motif 2, de manière à calculer le surcoût par rapport à l’activité d’un praticien hospitalier traditionnel.

Je trace un parallèle avec mon propos précédent relatif à la tarification de certaines activités médicales parce qu’il me semble que, depuis des années, et comme le montrent nos auditions, la plupart des acteurs sont en réalité parfaitement conscients des économies potentielles à réaliser dans notre système de santé, notamment dans la branche maladie. Aussi, je peine à comprendre si nous nous heurtons à un manque de volonté ou à l’influence de lobbys qui freinent les avancées dans ce domaine. Dans tous les cas, la situation révèle un manque de courage.

De manière très concrète, certaines activités requièrent deux à trois fois moins de temps qu’auparavant. Et même si le matériel peut être plus onéreux, la marge sur ces activités a augmenté, conduisant à un développement presque industriel de ces pratiques. Pour rétablir une véritable justice sanitaire, ne faudrait-il pas diminuer la part remboursable de ces activités ?

De même, j’estime qu’en matière d’intérim et de contrats de motif 2, une égalité de traitement doit prévaloir. À cet égard, il me semble que nous pourrions réduire le recours à ces modes de recrutement et réduire la rémunération de ces praticiens, de manière à éviter l’éveil d’un sentiment de frustration chez les praticiens hospitaliers qui effectuent correctement leur travail mais sont payés deux à trois fois moins que des personnes intervenant ponctuellement dans leurs hôpitaux. Cela pourrait également contribuer à rééquilibrer la situation entre le secteur privé et le secteur public.

M. Pierre Pribile. Je ne dispose pas des chiffres exacts concernant le coût de l’intérim hospitalier, qui concerne à la fois les personnels médicaux et paramédicaux. Cependant, il s’agit effectivement d’une source importante de surcoûts pour les hôpitaux, contribuant ainsi à leurs déficits. D’ailleurs, j’aimerais faire observer que pour aboutir à une vision globale des équilibres économiques de notre système de santé et de ses besoins de financement, il convient d’additionner le déficit de la sécurité sociale et celui de notre système hospitalier.

La question de l’intérim fait partie des pistes d’efficience potentielles. D’ailleurs, nous avons intégré dans la construction de l’Ondam des sources d’économies liées à la régulation des dépenses d’intérim. Il convient de saluer le travail de nos collègues de la DGOS sur ce sujet. De leur côté, les pouvoirs publics n’ont pas été inactifs face à cette problématique. Nous sommes passés d’une situation relativement anarchique concernant les dépenses et les tarifs de l’intérim à une régulation plus encadrée de ce secteur. Une loi a été votée et des décrets ont été rédigés pour mettre en place certaines limites et éviter les abus.

Cependant, il est important de noter que le recours à l’intérim est aussi le symptôme de difficultés plus profondes : problèmes de recrutement, enjeux démographiques pour certaines professions de santé, et une organisation hospitalière qui consomme parfois excessivement des ressources humaines. Souvent, l’intérim est utilisé pour pallier des organisations hospitalières qui ne peuvent fonctionner avec les ressources humaines disponibles.

Pour lutter efficacement contre les abus de l’intérim, il ne suffit pas de réguler les rémunérations. Il faut également veiller à ce que l’organisation hospitalière permette d’assurer le meilleur service possible avec les ressources médicales et paramédicales disponibles. Ces ressources seront amenées à évoluer et à augmenter, comme en témoignent les hausses du nombre de professionnels formés. Néanmoins, notre organisation hospitalière ne doit pas reposer sur l’hypothèse de ressources humaines indisponibles, car cela conduirait inévitablement soit à des excès d’heures travaillées pour les professionnels en poste, soit à un recours démesuré à l’intérim. Ces deux options sont préjudiciables, tant pour la santé financière des hôpitaux que pour la qualité des soins prodigués.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Je comprends que cette question relève davantage de la DGOS. Toutefois, j’aimerais vous soumettre un scénario.

Imaginons que, par voie légale, nous soyons en mesure de limiter la rémunération des professionnels de santé, notamment des médecins, dans les hôpitaux privés et les cliniques. Cette limitation serait basée sur leur source principale de revenus, à savoir la sécurité sociale et les mutuelles. Prenons en compte également le fait qu’une majorité de praticiens hospitaliers ne se plaignent pas de leur rémunération, qu’ils considèrent confortable. Dans ce cadre hypothétique, nous pourrions également prévoir que les remplacements et l’intérim seraient limités en termes de rémunération à ce que gagne un praticien hospitalier traditionnel, particulièrement s’ils ne participent pas à la permanence des soins en établissements de santé (PDSES) et à la continuité des services. Imaginons, donc, que tous ces professionnels de santé se trouvent sur un pied d’égalité en termes de rémunération.

Dans un tel scénario, quelles seraient les problématiques potentielles ? Certes, à court terme, certains professionnels pourraient exprimer leur mécontentement. Mais à moyen et long terme, quelle autre option auraient-ils que de pratiquer avec des rémunérations convenables, correspondant à celles des praticiens des hôpitaux publics ? Quelles seraient, selon vous, les implications et les conséquences d’une telle approche sur notre système de santé ?

M. Pierre Pribile. La problématique que vous soulevez dépasse effectivement la seule question de l’intérim pour englober la rémunération des professionnels de santé, tant en ville que dans le système libéral. Il est indéniable que les modes de régulation de ces secteurs diffèrent considérablement. Les praticiens libéraux voient leurs revenus influencés par la tarification des actes qu’ils réalisent, établie par la sécurité sociale. Plusieurs rapports ont mis en lumière des écarts de rémunération significatifs, non seulement entre le secteur public et le secteur privé, mais également entre les différentes spécialités médicales. Notre système actuel ne régule pas ces disparités. Il serait pertinent de s’interroger sur la mise en place d’une forme d’équité dans la rémunération des professionnels médicaux, qui ont tous suivi de longues études. La question se pose notamment sur les raisons pour lesquelles, dans notre pays, un ophtalmologue bénéficie une rémunération supérieure à celle d’un pédiatre.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Je tiens à préciser que je ne cherche pas à comparer des spécialités différentes, mais plutôt à souligner la nécessité d’une équité au sein d’une même spécialité. En d’autres termes, je ne dis pas qu’un pédiatre doit gagner plus qu’un ophtalmologue, je dis qu’un pédiatre exerçant dans un hôpital public devrait percevoir une rémunération équivalente à celle d’un pédiatre intervenant en tant que praticien sous contrat de motif 2, en intérim, ou dans une clinique privée. Une uniformisation des rémunérations au sein des spécialités, à formation égale, et indépendamment du cadre d’exercice auprès des patients, me semble souhaitable.

M. Pierre Pribile. Aujourd’hui, notre système ne permet pas de garantir l’équité ou l’égalisation des rémunérations que vous proposez. L’hôpital public s’appuie sur sa propre réglementation, à laquelle s’ajoutent des régulations visant à limiter les inégalités, notamment dans l’intérim médical. Parallèlement, le secteur de l’hospitalisation privée fonctionne sur un modèle différent, basé sur la tarification d’actes de soins par des professionnels libéraux. Ce système peut être complété par des dépassements d’honoraires, pratique également observée dans les activités libérales à l’hôpital public.

Atteindre l’uniformisation des revenus que vous évoquez supposerait par conséquent de revoir l’ensemble du système. Cela pourrait constituer un objectif envisagé par la représentation nationale, mais vous voyez bien quelles difficultés se dressent.

M. le président Jean-François Rousset. Concernant les dispositifs médicaux, notamment chirurgicaux, il semble qu’une marge d’économie substantielle existe. La question se pose quant à l’évaluation rigoureuse de ces dispositifs. Prenons l’exemple des interventions chirurgicales qui peuvent être réalisées de différentes manières, soit avec du matériel d’auto-suture complexe et onéreux, souvent importé, soit avec des fils de suture traditionnels, moins coûteux. Ne serait-il pas judicieux d’engager une collaboration avec les sociétés savantes pour déterminer la meilleure approche chirurgicale ou médicale, en tenant compte non seulement de l’efficacité clinique, mais aussi des coûts et de l’impact environnemental ? Cette réflexion devrait inclure les aspects liés au recyclage et à la destruction de ces matériaux, dont les coûts induits ne sont pas négligeables. Cette piste ne mériterait-elle pas d’être explorée plus en profondeur ?

M. Pierre Pribile. La Haute Autorité de santé (HAS) joue un rôle éminent dans l’évaluation de la valeur en santé des dispositifs médicaux et des médicaments. Pour les produits remboursés à 100 % ou les dispositifs médicaux implantables, une négociation de prix s’ensuit entre le Comité économique des produits de santé (CEPS) et l’industriel. Cette négociation, loin d’être arbitraire, se fonde sur l’évaluation de la HAS, prenant en compte les indications pertinentes et les progrès apportés pour chaque pathologie.

Toute décision est prise en vertu d’un principe directeur voulant que tout nouveau produit n’apportant pas d’amélioration significative voit son tarif établi de sorte qu’il permettre une économie pour l’assurance maladie. À l’inverse, une innovation apportant une réelle amélioration fait l’objet d’une négociation basée sur la valeur ajoutée pour le traitement des patients. Ces tarifs sont régulièrement renégociés, notamment lors de l’établissement de l’Ondam, en tenant compte des nouvelles données en vie réelle et de l’arrivée d’alternatives concurrentes.

Cette dynamique de renégociation et de réévaluation des produits permet de dégager des gains d’efficience. Il est important de souligner que ces économies ne sont pas des coupes sèches. Elles ne servent pas à baisser les dépenses, mais à financer l’accès à de nouvelles innovations médicales. Ce système d’autofinancement vise à permettre aux patients d’accéder aux meilleurs soins disponibles, y compris aux dernières technologies, dans les meilleurs délais possibles.

Mme Murielle Lepvraud (LFI-NFP). Face aux informations récentes concernant une possible restriction de l’accès au dispositif des affections de longue durée (ALD), il convient de souligner que ce régime, censé garantir une prise en charge à 100 %, laisse en réalité de nombreux patients exposés à des restes à charge conséquents. Ces coûts supplémentaires proviennent notamment des dépassements d’honoraires non couverts et des soins de support non remboursés, obligeant souvent les patients à souscrire à des complémentaires santé onéreuses. Dès lors, comment justifier une diminution de la prise en charge des ALD ? Ne risque-t-on pas d’aggraver la vulnérabilité de ces patients, tant sur le plan médical que financier ?

Concernant les transports sanitaires, la récente mobilisation des chauffeurs de taxi contre la nouvelle tarification soulève des questions importantes. L’augmentation des coûts de transport sanitaire ne peut être dissociée de la réalité structurelle de l’éloignement croissant des soins pour de nombreux assurés, résultant de la désertification médicale, des fermetures de lits et du recentrage hospitalier. Comment justifier une volonté de restreindre la prise en charge des transports sans s’attaquer à la racine du problème, à savoir l’organisation territoriale de l’offre de soins ? N’assistons-nous pas à un paradoxe où les patients sont rendus dépendants de transports coûteux par les politiques publiques elles-mêmes, avant d’être pénalisés pour y avoir recours ?

Enfin, concernant la tarification à l’acte, une révision des tarifs est-elle envisagée dans le secteur périnatal, manifestement en difficulté financière chronique, comme en témoigne le nombre important de fermetures de maternités observées ces dernières années ?

M. Pierre Pribile. La croissance des coûts de transports sanitaires pour la sécurité sociale s’explique en partie par la nécessité pour les patients d’accéder à une offre de soins parfois plus éloignée. Il convient cependant de préciser que cet éloignement résulte principalement du progrès médical. En effet, le traitement de certaines pathologies requiert désormais le recours à des spécialités de haut niveau, qui ne peuvent être disséminées dans l’ensemble du territoire. La nécessité pour les patients de consulter un spécialiste uniquement disponible dans un centre hospitalier universitaire (CHU) n’est pas le fruit d’une décision visant à éloigner l’offre de soins, mais plutôt la conséquence du développement de spécialités médicales pointues. Ces spécialités, qui n’existaient peut-être pas auparavant ou ne disposaient pas de moyens d’action sur certaines pathologies, sont aujourd’hui un recours utile pour les patients. Cependant, elles ne peuvent être exercées efficacement que dans des centres où le volume de cas traités est suffisant, d’où leur concentration dans des structures telles que les CHU.

Cette évolution génère inévitablement des besoins accrus en matière de transports, et par conséquent des coûts supplémentaires pour l’assurance maladie. Les économies recherchées à travers la nouvelle convention liant l’assurance maladie aux transporteurs et aux taxis ne visent pas à remettre en cause la légitimité de cette croissance des coûts. Nous reconnaissons que cette augmentation est en grande partie justifiée par la nécessité d’accès aux soins, même s’il est également nécessaire de lutter contre les fraudes.

Néanmoins, cette croissance doit s’accompagner de gains de productivité, comme dans tout secteur économique. Il est légitime que la puissance publique et la sécurité sociale en bénéficient. C’est précisément l’objectif recherché, par exemple, en encourageant le transport partagé de patients. Cette approche permettra de réaliser des économies, non pas en diminuant la dépense absolue, mais en ralentissant sa croissance. Ce principe s’applique tant aux taxis qu’à l’ensemble du secteur de la santé.

Il est important de souligner qu’il n’y a pas de réduction du périmètre de prise en charge des transports sanitaires par la sécurité sociale. Cette démarche illustre parfaitement la recherche de gains d’efficience dans un système de santé en croissance. Aucun sous-secteur de notre système de santé ne peut s’exonérer de cette quête d’efficience, indispensable pour assurer le financement pérenne de notre système de santé.

En ce qui concerne les ALD, je voudrais faire observer que, sur le long terme, le taux de prise en charge des dépenses de santé par la sécurité sociale augmente. Il atteint aujourd’hui environ 80 %, un niveau bien supérieur à celui d’il y a cinq, dix ou quinze ans. Cette évolution s’explique par l’augmentation de la part des dépenses de santé liée aux personnes en situation d’ALD, due à la fois à leur nombre croissant et au fait qu’elles nécessitent les soins les plus coûteux.

Ce phénomène entraîne une concentration de la dépense publique sur les patients souffrant d’ALD. Si cette tendance est en grande partie normale et souhaitable, elle soulève néanmoins des questions importantes. En effet, dans un contexte où nous devons réguler l’évolution des dépenses de santé, cette concentration pourrait conduire à recentrer l’intervention de l’assurance maladie principalement, voire exclusivement, sur les patients les plus malades. Bien que ce choix puisse être politiquement défendable, il comporte le risque de voir la sécurité sociale se désengager progressivement de la prise en charge des soins courants, essentiels pour prévenir l’apparition de pathologies chroniques.

La réflexion sur le rôle respectif de l’assurance maladie obligatoire et complémentaire dans la prise en charge des soins pour les patients en ALD est donc légitime et nécessaire. Il est important de rappeler que la dynamique des dépenses de santé est amplifiée par l’augmentation du taux de prise en charge par l’assurance maladie obligatoire, un fait souvent méconnu du grand public, qui a tendance à penser le contraire.

J’en viens à la révision des tarifs associés à la périnatalité, pour dire que deux facteurs expliquent les difficultés financières rencontrées par les hôpitaux publics dans ce domaine. D’une part, la baisse de la natalité entraîne une augmentation du coût unitaire de cette activité, les coûts fixes restant importants. D’autre part, il existe un décalage entre les coûts réels et la rémunération accordée aux hôpitaux. La réactualisation en cours de l’enquête de coûts permettra de réajuster les tarifs consentis aux hôpitaux pour différentes activités, y compris la périnatalité. Dans l’intervalle, des hausses de tarifs ponctuelles ont été accordées pour soutenir ces secteurs en difficulté, en attendant une révision plus globale basée sur des études de coûts actualisées.

M. Christophe Naegelen, rapporteur. Il apparaît que les membres de notre commission s’accordent sur plusieurs points, notamment la nécessité de revaloriser certains actes médicaux. Pour compléter la remarque de Mme Lepvraud sur le secteur de la périnatalité, il nous semble qu’une augmentation des moyens alloués à ce secteur permettrait probablement d’attirer davantage de pédiatres, une spécialité actuellement en pénurie. De même, un rééquilibrage des tarifications dans la nomenclature de l’ATIH pourrait influencer les choix de spécialisation des étudiants en médecine.

Êtes-vous en mesure de nous donner une estimation précise du calendrier de mise en œuvre de la revalorisation de ces actes et de la nomenclature ? Nous avons été informés qu’un travail avait été initié il y a quatre ans, qu’il avait été interrompu par la crise du covid, et qu’il venait de reprendre depuis un an. Concrètement, quand pouvons-nous espérer l’instauration d’une tarification plus équitable ?

Ma seconde question s’inscrit dans notre recherche commune d’efficience. Quel est votre avis sur le concept d’une « grande sécu » issue de la fusion des différentes branches d’assurance maladie ? Certaines analyses suggèrent que cette approche présenterait un double avantage, ou du moins un avantage certain et un statu quo. L’avantage financier, selon diverses estimations, se chiffrerait entre trois et six milliards d’euros d’économies potentielles. Parallèlement, le statu quo se manifesterait par le maintien du niveau actuel de remboursement et de protection pour nos concitoyens. Cette fusion pourrait même être étendue pour englober la prise en charge de l’ensemble du volet mutualiste.

M. Pierre Pribile. À ma connaissance, les premières étapes de révision de la nomenclature sont prévues dès l’année prochaine dans le cadre des négociations conventionnelles. Cela permettra d’intégrer ces révisions dans la tarification. Comme évoqué précédemment, le processus se déroule en deux phases : d’abord la révision de la nomenclature, puis la renégociation de la tarification des actes sur cette nouvelle base. Vous devriez constater certaines évolutions dès l’année prochaine.

Quant à l’idée d’une « grande sécu », je vous renvoie à un excellent rapport du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (HCAAM), publié il y a quelques années, qui analyse en détail les avantages et les inconvénients de ce modèle.

En substance, cette réflexion émerge du constat qu’en France, contrairement à d’autres pays, nous avons une superposition de l’assurance maladie obligatoire, c’est-à-dire la sécurité sociale, et de l’assurance maladie complémentaire. Cette configuration engendre des coûts de gestion très élevés. Il est en effet naturel que l’assurance maladie complémentaire fasse valoir des frais de gestion plus importants que l’assurance maladie obligatoire, puisque n’étant pas obligatoire elle doit, contrairement à la sécurité sociale, supporter des coûts d’acquisition des contrats, de publicité, d’affiliation et de désaffiliation.

Les partisans d’une unification en un système obligatoire argumentent, à juste titre sur le plan intellectuel, que cela permettrait de réallouer les cotisations actuellement consacrées à ces frais de gestion vers le financement direct des soins. Cependant, il ne faut pas négliger que ces frais de gestion financent actuellement de l’emploi chez les opérateurs de l’assurance maladie complémentaire. Une telle réforme entraînerait donc une restructuration majeure de ce secteur.

Dans ce scénario, côté dépenses, les fonds actuellement alloués aux frais de gestion pourraient être réorientés vers les soins. Côté recettes, il faudrait transformer les cotisations actuellement versées aux assurances complémentaires en prélèvements obligatoires. Ces fonds restent nécessaires pour financer la partie complémentaire des soins qui deviendrait alors obligatoire.

L’idée d’une « grande sécu » représenterait un changement fondamental de notre système de protection sociale, et si cette option est intellectuellement envisageable, en revanche sa mise en œuvre pratique serait complexe. Il est à noter, enfin, qu’à l’issue d’un examen approfondi de cette hypothèse, les membres du HCAAM ne sont pas parvenus à un consensus.

Mme Annie Vidal (EPR). Ma question, qui revient malheureusement de façon récurrente, concerne l’accès aux soins des personnes en situation d’obésité. Cette problématique est d’autant plus pressante que le nombre de personnes concernées est en augmentation.

Actuellement, pour les soins non programmés, ces personnes peuvent bénéficier de transports en ambulance bariatrique pris en charge. Cependant, pour tous les soins programmés, le transport en ambulance bariatrique, qui est onéreux en raison des équipements spécifiques et du personnel supplémentaire requis, reste à leur charge. Les coûts peuvent atteindre 400 ou 500 euros, voire davantage.

Nous avons fréquemment soulevé cette question, notamment concernant la convention avec les ambulanciers, sur laquelle nous n’avons pas, sauf erreur de ma part, obtenu de retour. Quelles mesures concrètes peuvent être ou seront prises pour mettre fin à cette inégalité d’accès aux soins entre les personnes malades et les personnes malades en situation d’obésité ?

M. Pierre Pribile. Pour répondre à cette problématique, nous envisageons la mise en place d’une tarification spécifique pour la prise en charge de ces patients, qui relèverait de dispositions conventionnelles. Cette piste me semble pertinente et je peux vous confirmer que nous y travaillons actuellement. C’est une approche similaire à celle adoptée pour les transports sanitaires urgents. En effet, les transports sanitaires programmés, régis différemment, relèvent de la convention entre l’assurance maladie et les transporteurs sanitaires. Cette voie semble être la plus appropriée pour résoudre cette problématique.

Mme Annie Vidal (EPR). Pardonnez-moi, monsieur le directeur, de vous le dire ainsi, mais votre réponse, il me semble l’avoir entendue huit ou dix fois. Or nous en sommes toujours au même point. Nous sommes confrontés à des situations véritablement dramatiques pour les patients en situation d’obésité, avec un non-recours aux soins et parfois même des décès à domicile, faute de pouvoir se rendre en consultation. Cette situation affecte particulièrement les personnes les plus vulnérables et les plus précaires. Dès lors, pouvez-vous nous donner une indication précise sur les délais ?

M. Pierre Pribile. Je comprends votre impatience. Bien que je ne puisse pas vous donner une réponse extrêmement précise, je puis vous assurer que nous travaillons activement sur ce sujet. J’espère que nous serons en mesure d’apporter à cette question prioritaire une réponse dans un délai raisonnable.

Mme Murielle Lepvraud (LFI-NFP). Le déficit actuel de la branche maladie est fréquemment invoqué pour justifier des réformes à court terme. Cependant, comme l’ont souligné plusieurs experts et responsables hospitaliers, une part importante de ce déficit découle du financement non pérenne du Ségur de la Santé, notamment en ce qui concerne les revalorisations salariales dans les établissements publics et médico-sociaux. À Saint-Brieuc, ce matin même, « le collectif breton CGT des discriminés du Ségur » s’est mobilisé pour obtenir un décret mettant fin à l’injustice privant 3 000 agents du complément de traitement indiciaire. Ce cas n’est qu’un exemple parmi d’autres.

J’aimerais également vous entendre, monsieur le directeur, sur l’impact des baisses de cotisations, de l’ubérisation du travail, et du recours aux primes plutôt qu’aux augmentations de salaires, qui entraînent une diminution des cotisations dans les caisses de la sécurité sociale. N’est-il pas permis de voir dans ces dispositions un refus de financer durablement le système, compromettant ainsi son équilibre et son accessibilité ?

M. Pierre Pribile. Le coût du Ségur de la Santé pour l’assurance maladie cette année s’élève à environ 13 milliards d’euros. Une grande partie de ces dépenses est effectivement pérenne, s’agissant principalement de revalorisations salariales. Certaines dépenses sont plus ponctuelles, notamment celles liées à l’investissement, bien que l’on puisse considérer que les investissements sont récurrents dans un système de santé. Face à ces coûts, aucun nouveau financement n’a été alloué à l’assurance maladie, ce qui explique en partie la dégradation des comptes depuis la crise du covid.

À cet égard, il est important de rappeler qu’en 2019, la sécurité sociale était quasiment à l’équilibre et avait presque remboursé sa dette. Ramener la sécurité sociale à l’équilibre n’est donc pas un vœu pieux, mais un retour à la situation d’avant la crise du covid. Cet objectif est atteignable, mais nécessite des efforts importants, compte tenu des changements intervenus depuis, notamment les revalorisations qui ont engendré des coûts sans ressources supplémentaires correspondantes.

Concernant les recettes de la sécurité sociale, nous sommes confrontés à une contradiction sociétale : d’un côté, l’aspiration à une sécurité sociale toujours plus protectrice, impliquant davantage de dépenses collectives, et de l’autre, le désir de nos concitoyens d’avoir plus de pouvoir d’achat et donc de payer moins de cotisations. Concilier ces deux aspirations est un défi complexe.

Lorsque l’Assemblée nationale décide d’exonérations qui privent la sécurité sociale de ressources, c’est souvent pour favoriser l’emploi, ce qui génère indirectement des ressources, ou pour augmenter le pouvoir d’achat via des compléments de salaire exonérés de cotisations. Cependant, on ne peut pas utiliser l’argent à deux fins : soit il sert à un gain de pouvoir d’achat immédiat, soit il garantit l’ampleur de notre protection sociale. C’est la question de la socialisation des dépenses, mais il est impossible de réduire les impôts tout en augmentant la protection sociale. Cette quadrature du cercle reste un défi majeur.

M. le président Jean-François Rousset. Je vous remercie, monsieur le directeur, pour vos réponses détaillées. Je rappelle que vous pouvez envoyer par écrit tout complément de réponse que vous jugerez utile de porter à la connaissance de notre commission.

 

La séance s’achève à seize heures vingt.

 

Membres présents ou excusés

 

Présents. - Mme Murielle Lepvraud, M. Christophe Naegelen, M. Jean-François Rousset, Mme Annie Vidal

 

Assistait également à la réunion. - M. Emmanuel Mandon