Compte rendu
Commission d’enquête sur
les défaillances des
pouvoirs publics face à la multiplication des plans
de licenciements
– Table ronde, ouverte à la presse, réunissant M. Pierre Ferracci, président du Groupe Alpha, Mme Estelle Sauvat, directrice générale, et M. Olivier Guillou, directeur associé ; M. Jean-Marie Michelucci, directeur de Cidecos, M. Lilian Brissaud, directeur des missions économiques, et M. Erwan Jaffrès, responsable des études « santé, sécurité et conditions de travail » ; M. Matthieu Bidaine, directeur de Syndex, et M. Paul Motte, responsable des activités « licenciement et restructuration » 2
– Présences en réunion................................19
Lundi
5 mai 2025
Séance de 17 heures
Compte rendu n° 26
session ordinaire de 2024-2025
Présidence de
M. Denis Masséglia, président
— 1 —
La séance est ouverte à dix-sept heures.
Présidence de M. Denis Masséglia, président.
La commission d’enquête auditionne M. Pierre Ferracci, président du Groupe Alpha, Mme Estelle Sauvat, directrice générale, et M. Olivier Guillou, directeur associé ; M. Jean‑Marie Michelucci, directeur de Cidecos, M. Lilian Brissaud, directeur des missions économiques, et M. Erwan Jaffrès, responsable des études « santé, sécurité et conditions de travail » ; M. Matthieu Bidaine, directeur de Syndex, et M. Paul Motte, responsable des activités « licenciement et restructuration ».
M. le président Denis Masséglia. Nous recevons à présent les représentants de plusieurs cabinets d’expertise et de conseil qui interviennent auprès des employeurs ou des salariés et de leurs représentants.
Je souhaite la bienvenue à :
– M. Pierre Ferracci, président du Groupe Alpha, Mme Estelle Sauvat, directrice générale, et M. Olivier Guillou, directeur associé ;
– M. Jean-Marie Michelucci, directeur de Cidecos, M. Lilian Brissaud, directeur des missions économiques, et M. Erwan Jaffrès, responsable des études « santé, sécurité et conditions de travail » ;
– M. Matthieu Bidaine, directeur de Syndex, et M. Paul Motte, responsable des activités « licenciement et restructuration ».
Je vous rappelle que l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d’enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc, Madame, Messieurs, à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».
(M. Pierre Ferracci, Mme Estelle Sauvat, M. Olivier Guillou, M. Jean-Marie Michelucci, M. Lilian Brissaud, M. Erwan Jaffrès, M. Matthieu Bidaine et M. Paul Motte prêtent serment.)
M. Olivier Guillou, directeur associé du Groupe Alpha. Les plans de sauvegarde de l’emploi (PSE) ont une forte résonance médiatique, notamment lorsqu’ils concernent de grandes entreprises. Fin 2024, ce fut le cas de ceux annoncés chez Auchan et Michelin. Cependant, malgré une augmentation de leur nombre, nous restons bien en deçà des niveaux atteints lors de la crise financière de 2008. On dépassait alors les deux mille plans annuels, contre six à sept cents actuellement.
Les défaillances d’entreprises explosent ces dernières années, avec un effet post-covid marqué. La réduction des mesures gouvernementales de soutien révèle de nombreuses fragilités, avec 65 000 à 67 000 défaillances annuelles, contre une moyenne historique de 50 000 à 55 000. Cette situation contribue significativement à la hausse du nombre de plans de sauvegarde de l’emploi observée aujourd’hui.
Nous constatons aussi que l’État intervient principalement en temps de crise, mais peu en tant que stratège. Bien qu’il mobilise des moyens conséquents, comme l’activité partielle de longue durée, les prêts garantis par l’État (PGE) ou le fonds de développement économique et social (FDES), son influence sur les grands groupes engageant des restructurations semble limitée. La situation politique actuelle ne paraît pas renforcer ce pouvoir d’influence.
L’absence de mesure du coût réel d’un emploi perdu est également à noter, tant par les entreprises que par la puissance publique. Une évaluation comparative entre les coûts de suppression et de maintien des emplois pourrait encourager des actions volontaristes de la part des autorités publiques pour les préserver davantage.
Enfin, contrairement à l’idée reçue, nous estimons que les entreprises anticipent bel et bien les évolutions de marché et les opportunités d’investissement ou de désinvestissement. Cependant, ces anticipations ne sont pas partagées avec les représentants du personnel, ce qui a pour conséquence des annonces brutales, un manque de concertation et une absence de temps pour élaborer des alternatives crédibles.
Face à ces constats, nous formulons plusieurs recommandations concrètes. En ce qui concerne l’anticipation, nous suggérons d’enrichir les consultations sur les orientations stratégiques en y incluant la présentation de scénarios concrets, y compris les éventuelles restructurations. Nous préconisons également l’obligation de présenter l’ensemble des projets de transformation prévus pour l’année à venir, avec l’impossibilité de mettre en œuvre un plan de sauvegarde de l’emploi s’il n’a pas été préalablement débattu.
Quant à la loi n° 2014‑384 du 29 mars 2014 visant à reconquérir l’économie réelle, dite loi « Florange », nous estimons que son efficacité pourrait être améliorée en engageant la recherche de repreneurs avant même l’ouverture d’une consultation sur un plan de sauvegarde de l’emploi. Nous proposons que cette recherche débute au moins six mois avant toute consultation sur un plan, augmentant ainsi significativement les chances de solutions alternatives.
M. Pierre Ferracci, président du Groupe Alpha. Depuis l’instauration de la rupture conventionnelle individuelle en janvier 2008, soit près de vingt ans, les comités d’entreprise (CE) et désormais les comités sociaux et économiques (CSE) ont perdu leur rôle d’anticipation face aux mutations et restructurations aboutissant à des licenciements. Désormais, le comité social et économique ne fait que constater les conséquences et donner son avis une fois les dés jetés. Il est impératif de rééquilibrer les pouvoirs au sein de l’entreprise.
Actuellement, près de la moitié des pays européens intègrent un tiers d’administrateurs représentant les salariés dans leurs instances de gouvernance, comme les conseils d’administration et de surveillance. La France pourrait devenir le quatorzième État à adopter cette pratique, créant une majorité absolue au sein de l’Union européenne. C’est dans ces instances que se prennent les décisions majeures concernant la gestion, les mutations et les restructurations, alors que les comités sociaux et économiques sont aujourd’hui réduits à des organes consultatifs sur les conséquences de ces décisions. Bien que la loi n° 2019‑486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi « Pacte », ait apporté des avancées non négligeables, nous sommes encore loin des pratiques en vigueur dans les pays scandinaves et en Allemagne, mais aussi dans certains pays d’Europe centrale qui nous surpassent en matière de représentation des salariés. Cette situation est d’autant plus regrettable que les directions anticipent effectivement ces restructurations et mutations. Le dialogue social et l’échange entre parties prenantes font défaut ; ils ne sont pas suffisamment développés au niveau de la direction et de l’orientation stratégique.
Nous ne vivons pas dans un monde idéal et la gouvernance n’évoluera probablement pas aussi rapidement que souhaité. Cependant, il est crucial de donner aux salariés et à leurs représentants les moyens d’être proactifs face aux restructurations et aux mutations qui les affectent. Les transitions environnementale et numérique engendrent déjà de profonds changements dans les entreprises. Il est impératif de renforcer considérablement la gestion des compétences, élément moteur tant pour la compétitivité économique que pour la sécurisation des parcours professionnels des salariés. Cependant, le dialogue social autour du plan de développement des compétences reste insuffisant, et les négociations encore plus rares. Nous portons ce débat depuis longtemps avec Estelle Sauvat, ancienne commissaire à la transformation des compétences : convaincre de la nécessité de négocier les enjeux de compétences au sein des entreprises, du moins celles d’une certaine taille.
Cette négociation est essentielle pour que le compte personnel de formation (CPF), qui s’est révélé être un bon outil, puisse efficacement contribuer à la gestion de ces mutations. Il faut envisager un dialogue approfondi avec les représentants des salariés et les organisations syndicales pour déterminer les priorités en matière d’abondement. Cette approche permettrait de rendre les salariés plus réactifs, les impliquant davantage dans les décisions relatives aux restructurations. Certains outils existants pourraient être rénovés ou mieux pris en compte.
Mme Estelle Sauvat, directrice générale du Groupe Alpha. Les conséquences directes du manque d’alternatives économiques se reflètent dans la succession de mécanismes d’accompagnement mis en place depuis une vingtaine d’années. Ils se sont parfois paralysés, complétés ou superposés. Ayant dirigé une des activités d’accompagnement et de reclassement au niveau national au sein du Groupe Alpha lors de la crise de 2008, j’ai observé l’émergence de dispositifs tels que le contrat de sécurisation professionnelle (CSP), qui a constitué un filet de sécurité pour les Français en situation économique difficile, le compte personnel de formation ou le plan d’investissement dans les compétences (PIC).
Il faut aujourd’hui réexaminer ces dispositifs. Par exemple, le contrat de sécurisation professionnelle s’est vu progressivement remplacé par d’autres mécanismes comme la rupture conventionnelle individuelle ou les ruptures conventionnelles collectives (RCC), qui offrent des modèles de prise en charge individuelle moins sécurisés en termes de contenu. Nous voyons émerger des dispositifs parallèles proposant seulement une ou deux heures de prise en charge pour des salariés de plus de trente ans d’expérience professionnelle ayant perdu leur emploi. Ces pratiques, observées dans de grandes entreprises françaises, sont préoccupantes. Elles relèvent de l’invisible et elles sont difficiles à appréhender.
Le contrat de sécurisation professionnelle, datant de 2011 et de la première crise des subprimes, mérite d’être réexaminé, notamment dans un contexte où les finances publiques sont problématiques. Les partenaires sociaux devront bientôt se pencher sur ce dispositif. Nous estimons qu’il faudrait internaliser son contenu pédagogique dans les entreprises et que celles‑ci assument une part du cofinancement, ce qui n’est plus le cas pour les entreprises de moins de mille salariés.
Dans un contexte de reprise des faillites, il serait pertinent de s’interroger sur l’uniformisation du congé de reclassement pour les entreprises en bonne santé ou de trois cents salariés et plus. Au-delà de mille salariés, il conviendrait de mobiliser les partenaires sociaux et l’État sur ce sujet, tout comme sur la possibilité d’une évaluation, au-delà de six à dix‑huit mois, de l’impact des restructurations, quel que soit le motif économique ou les statuts de l’entreprise.
Toute négociation impliquant le départ d’un nombre significatif de collaborateurs devrait être examinée avec la même rigueur, ce qui n’est actuellement pas le cas. Bien que des commissions existent au-delà de mille salariés, la majorité des départs se produisent dans les entreprises de taille plus modeste.
Cette réflexion nous amène à envisager un cofinancement des acteurs concernés, notamment à travers le plan de développement des compétences évoqué par Pierre Ferracci. Aujourd’hui, on recense sept fois moins d’accords pour sécuriser en amont et très tôt les départs en entreprise que sur l’égalité femmes-hommes. Cette disparité souligne la nécessité d’une approche proactive et équilibrée dans la gestion des compétences et des restructurations.
La transformation majeure à laquelle nous sommes confrontés exige une réflexion sur les priorités nationales. Au sein du Groupe Alpha, et particulièrement de Secafi, nous estimons crucial de distinguer les enjeux principaux des questions secondaires. Nous considérons que le plan de développement des compétences constitue la pierre angulaire de notre stratégie, car il permettrait d’insuffler la motivation nécessaire et d’optimiser les dispositifs existants.
Il convient de rappeler l’échec cuisant du dispositif Transitions collectives (Transco) mis en place durant la crise sanitaire. Malgré ses intentions louables de sécurisation des parcours professionnels en amont, il n’a pas atteint ses objectifs. Pour aller au-delà de Transco, nous disposons déjà d’outils pertinents. J’appelle votre attention sur la mobilité volontaire sécurisée, issue de la loi n° 2013‑504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi. Ce mécanisme nécessite simplement d’être renforcé dans un sens proactif, garantissant au minimum une formation adéquate. Dans l’éventualité où des salariés devraient quitter l’entreprise, il est préférable que ce soit après une formation interne, au lieu de solliciter des solutions externes moins efficaces.
Les grandes lois de sécurisation et de flexibilisation promulguées depuis une décennie ont produit des effets tangibles, sur lesquels nous reviendrons certainement.
M. Jean-Marie Michelucci, directeur de Cidecos. En tant que cabinet d’expertise spécialisé dans l’éducation et la sécurité au travail, nous intervenons régulièrement auprès des instances représentatives du personnel, conformément aux missions prévues par la loi. Nous déployons des équipes pluridisciplinaires capables d’aborder l’ensemble des problématiques, notamment dans le cadre des plans de sauvegarde de l’emploi.
Nos interventions se concentrent principalement sur le secteur industriel, en particulier dans les domaines du pétrole, de la chimie, du caoutchouc et du nucléaire. Ces secteurs sont caractérisés par la présence de grandes entreprises, souvent dotées de comités sociaux et économiques centraux (CSEC). Notre expertise se focalise sur les restructurations faisant l’objet d’un plan de sauvegarde de l’emploi, sans négliger pour autant les transformations plus discrètes, basées sur des gains continus de productivité ou des réorganisations sans plan opérées au moyen de mesures internes comme la gestion des emplois et des parcours professionnels (GEPP). Ces dernières, bien que moins visibles, s’avèrent souvent plus complexes à appréhender pour les organisations syndicales.
En ce qui concerne les plans de sauvegarde de l’emploi, la procédure vise clairement à accompagner et à encadrer la démarche de licenciement, tout en impliquant les différents acteurs. Elle est généralement mal maîtrisée par nos mandants, les représentants du personnel, qui ont parfois besoin d’un accompagnement approfondi. La stratégie adoptée dépend largement de celle des syndicats composant l’instance. Il n’est pas rare d’observer des divergences d’objectifs entre organisations syndicales face au plan proposé par l’employeur. Certaines privilégient la sécurisation rapide des mesures sociales, d’autres se concentrent sur l’élaboration d’alternatives au plan. Notre expérience montre que les représentants du personnel se focalisent souvent rapidement sur les mesures sociales du plan, en veillant au principe de proportionnalité des mesures par rapport aux moyens du groupe auquel appartient l’entreprise.
L’administration se montre généralement bienveillante dans l’examen des arguments avancés. Cependant, en l’absence d’un dossier critique solide, l’analyse approfondie de la situation de l’entreprise et des enjeux sociétaux plus larges est rarement effectuée. Pourtant, nous avons observé à plusieurs reprises que l’intérêt général ou national n’était pas toujours en adéquation avec les intérêts privés du groupe dirigeant l’entreprise. L’administration semble principalement préoccupée par le respect de la procédure et la facilitation de la négociation. Elle privilégie l’obtention d’un accord plutôt que le dépôt de documents unilatéraux par la direction. Nous estimons que le contrôle a posteriori de la justification économique du plan de sauvegarde de l’emploi constitue une aberration juridique et pratique. Ce contrôle n’est même pas systématique, il est conditionné à la saisine des parties. Cette situation crée des situations paradoxales où le comité social et économique doit émettre un avis et les organisations syndicales négocier sur un plan potentiellement illégal, avec des cas de plans homologués dont le motif économique est ensuite rejeté par l’inspection du travail lors de l’examen des licenciements de salariés protégés.
Nous préconisons que le contrôle de la justification économique ne se limite pas à la forme, qu’il porte également sur le fond. Il devrait être effectué en amont de la procédure, sur une période suffisamment longue pour permettre une analyse approfondie. La pression actuelle de la procédure sur les délais n’est pas propice à un examen rigoureux de la justification économique et des alternatives possibles. Il est crucial de consacrer un temps suffisant à l’analyse des possibilités de maintien de l’emploi avant la négociation des mesures sociales. Cependant, cela dépend également des objectifs que se fixent les organisations syndicales, elles‑mêmes soumises à la pression des salariés, notamment sur les indemnités de départ.
Dans ce contexte, les discussions se concentrent naturellement sur les mesures sociales pour les salariés partants, au détriment des conditions de travail et de la sécurité de ceux qui restent. Ces questions sont pourtant fondamentales, en particulier si l’on considère les effets à moyen terme de ces réorganisations sur la charge de travail, qui se manifestent souvent quelques mois après la mise en œuvre du plan à travers des accidents de travail, des incidents industriels ou l’émergence de risques psychosociaux. Notre mission consiste donc à intégrer les critères de conditions de travail et de sécurité dans la proposition d’organisations cibles plus robustes, ce qui peut conduire à une révision des effectifs cibles, constituant une forme de sauvegarde de l’emploi.
Dans cet exercice, nous rencontrons plusieurs obstacles qui mériteraient l’attention du législateur. Le manque de temps opérationnel pour l’appropriation et l’analyse du projet, tant pour les représentants du personnel que pour les experts, est un frein majeur. Le délai préfix de deux mois pour les procédures apparaît nettement insuffisant et devrait être réévalué pour permettre une analyse approfondie.
L’absence de consensus sur le modèle d’analyse de la charge de travail entre les différents acteurs (employeurs, administrations, experts) constitue également un défi. L’obligation d’évaluer l’évolution des risques professionnels et de la charge de travail, pourtant cruciale, est souvent contournée. Nous observons une standardisation croissante des réponses juridiques, souvent éloignées du travail réel et des enjeux concrets de prévention.
Enfin, nous recommandons que les autorités administratives exercent un contrôle approfondi de l’obligation d’évaluer les risques professionnels et la charge de travail, en se concentrant sur le fond plutôt que sur la forme. Cela permettrait une meilleure prise en compte des réalités du terrain et une prévention plus efficace des risques liés aux restructurations.
Je souhaite aussi soulever les points cruciaux de la traçabilité des risques chimiques et des enjeux environnementaux lors de fermetures d’ateliers ou d’usines. Il est impératif de renforcer l’information et la consultation des comités sociaux et économiques sur ces sujets. Ces moments constituent la dernière opportunité pour les travailleurs et leurs représentants d’apporter leur expertise du terrain à l’enrichissement des connaissances à ce propos.
Il est nécessaire de contraindre plus fermement les directions à communiquer systématiquement aux comités sociaux et économiques ainsi qu’aux experts les informations consolidées sur les expositions aux substances chimiques dangereuses, notamment cancérogènes, mutagènes ou reprotoxiques. Nous recensons des décisions administratives contradictoires sur ce sujet dans différentes régions, ce qui souligne un besoin d’harmonisation. Je préconise de renforcer les obligations de communication des expositions individuelles et collectives pour les ateliers chimiques avant toute fermeture. Il faudrait également instaurer une obligation d’archivage contrôlé, avec un accès libre pour les travailleurs et les organismes sanitaires intéressés.
En ce qui concerne les aspects environnementaux, nous observons un manque flagrant d’informations sur la caractérisation des pollutions des sols lors des projets de fermeture. Cette lacune entrave considérablement l’analyse des risques à long terme. Les plans de réhabilitation manquent souvent de précision, notamment sur les mesures concrètes de traitement des sols contaminés. Je propose d’inscrire explicitement dans les procédures de fermeture d’établissements l’application de la loi n° 2021‑1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, en renforçant les obligations d’information et de consultation des comités sociaux et économiques sur les aspects environnementaux.
Pour conclure, il semble primordial d’approfondir le pouvoir de contrôle des comités sociaux et économiques sur ces questions. Nous devrions envisager l’instauration d’un droit de veto suspensif dans la procédure d’information-consultation, permettant une saisine accélérée du juge judiciaire en cas d’irrégularités constatées.
M. Matthieu Bidaine, directeur de Syndex. Notre cabinet occupe une position particulière : nous sommes à la fois acteurs et observateurs du dialogue social. Cette dualité permet une vision globale des échanges et des positions adoptées par les différentes parties prenantes. Nous accomplissons des missions d’expertise pour les comités sociaux et économiques dans les domaines économiques, financiers et sociaux, ainsi que sur les questions de santé au travail, en qualité d’experts agréés. Notre champ d’action couvre toutes les entreprises de plus de cinquante salariés dotées d’un comité social et économique, bien que nos interventions soient plus fréquentes dans les structures de taille importante. Au service des représentants du personnel et des salariés, nous nous efforçons de contribuer à un dialogue social équilibré et exigeant. Cet objectif prend une importance accrue dans le contexte économique actuel, marqué par des difficultés qui engendreront de nombreuses restructurations.
Bien que notre discussion se concentre aujourd’hui sur les plans de licenciement et les restructurations, il est crucial de souligner que les difficultés économiques pourraient souvent être prévenues grâce à un dialogue social approfondi. Cette anticipation permettrait d’explorer des solutions alternatives aux suppressions massives d’emplois.
Les causes des restructurations, structurelles ou conjoncturelles, sont rarement soudaines. Nous constatons que les plans sont généralement élaborés très en amont, mais ne sont présentés aux partenaires sociaux qu’au terme du processus, dans des délais contraints qui varient selon l’ampleur de l’opération. Cette pratique s’applique également aux ruptures conventionnelles collectives et aux accords de performance collective (APC), limitant considérablement l’analyse et la réflexion. Ce manque de temps entrave la compréhension approfondie des enjeux, l’élaboration de solutions alternatives et l’accompagnement adéquat des salariés face aux mutations. Pourtant, des dispositifs légaux existent pour favoriser l’anticipation, mais ils semblent insuffisamment exploités. Je citerai par exemple la consultation annuelle sur les orientations stratégiques ou la négociation triennale sur la gestion des emplois et des parcours professionnels. Une consultation loyale et une négociation équilibrée sur ces sujets permettraient de préparer les évolutions à venir ; elles donneraient aux représentants du personnel l’opportunité de formuler des propositions constructives.
Malheureusement, nous constatons que les conditions d’une consultation et d’une négociation loyales ne sont pas toujours réunies. Les obstacles sont multiples : maîtrise insuffisante des enjeux économiques et sociaux, manque de temps pour analyser les problématiques et proposer des alternatives, absence des interlocuteurs décisionnaires lors des discussions. L’expertise joue un rôle crucial en apportant dans un cadre légal des informations essentielles, soumises à un devoir de confidentialité, contribuant à un dialogue social équilibré. Il est surprenant que le financement des expertises sur les orientations stratégiques, qui permettent cette anticipation, ne soit pas intégralement pris en charge par les entreprises, ce qui constitue un frein à ce dispositif pourtant bénéfique.
S’agissant des restructurations, nous observons fréquemment une déconnexion entre les lieux de prise de décision et d’application de ces décisions, particulièrement dans les grands groupes. L’expertise permet de resituer le contexte et d’aborder ces enjeux qui dépassent le cadre local de la discussion. Par ailleurs, nous estimons qu’un contrôle accru des pouvoirs publics serait nécessaire en amont de tout plan de licenciement. Ce contrôle devrait porter sur la loyauté de la consultation relative aux orientations stratégiques et sur l’effectivité de la négociation portant sur la gestion des emplois et des parcours professionnels, qui devraient être des prérequis à toute réorganisation contrôlée par la direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (Dreets).
M. Paul Motte, responsable des activités « licenciement et restructuration » chez Syndex. Depuis 2017, les employeurs disposent de plusieurs modalités pour restructurer et supprimer des emplois. Le plan de sauvegarde de l’emploi demeure la modalité historique, mais des options négociées ne nécessitant pas de motif économique ont émergé. Parmi celles‑ci figurent la rupture conventionnelle collective et l’accord de performance collective. Bien que ce dernier vise principalement à modifier les conditions d’emploi et de travail, il peut également entraîner des suppressions de postes. Les accords de gestion des emplois et des parcours professionnels offrent également des possibilités de suppression de postes grâce au congé de mobilité.
Ces dernières années, le plan de sauvegarde de l’emploi est resté, de loin, la principale modalité collective de restructuration et de suppression d’emplois : on dénombre environ quatre fois moins de ruptures conventionnelles collectives et trois fois moins d’accords de performance collective. Il convient cependant de ne pas négliger les modalités individuelles de rupture du contrat de travail ; ces restructurations masquées sont plus difficiles à tracer.
En ce qui concerne le plan de sauvegarde de l’emploi, Syndex dresse un double constat. Le modèle actuel présente des aspects favorables tant pour l’emploi que pour les conditions de travail. Pour l’emploi, la procédure issue de la loi relative à la sécurisation de l’emploi a légèrement amélioré la négociation des mesures d’accompagnement. Néanmoins, elle n’a favorisé ni une dynamique d’échanges autour des propositions alternatives portées par les représentants du personnel, ni une réduction du nombre de suppressions d’emplois. Cette loi a introduit une prime à la signature pour les employeurs. Un accord avec les organisations syndicales induit un processus de validation allégé par l’administration, avec seulement 4 % de refus environ. En l’absence d’accord, le risque de non-homologation d’un plan de sauvegarde de l’emploi unilatéral est plus élevé, atteignant environ 15 %. Les employeurs cherchent donc à obtenir un accord, qui constitue une forme d’immunité. Il est crucial de comprendre qu’un accord partiel, portant uniquement sur les mesures d’accompagnement des salariés licenciés, suffit à déclencher ce contrôle allégé pour l’ensemble du plan. Par conséquent, les employeurs concentrent leurs efforts de négociation sur les mesures d’accompagnement, sans chercher à négocier l’ampleur du plan ou leur organisation cible.
Les délais contraints introduits par cette loi ne permettent pas au comité social et économique d’élaborer et de discuter des alternatives solides avec l’employeur. Cette limite est particulièrement problématique dans le cas de fermetures de sites, puisque les délais pour la recherche de repreneurs sont alignés sur la procédure du plan de sauvegarde de l’emploi.
De plus, les représentants du personnel rencontrent des difficultés pour échanger avec les salariés en période de restructuration. La construction et la défense d’alternatives nécessitent leur implication et leur soutien. Or, la perte de proximité entre représentants et salariés, induite par les ordonnances de 2017, ainsi que l’absence de moyens de communication efficaces pour les représentants du personnel, créent une asymétrie avec les employeurs dans la communication sur la situation de l’entreprise.
Enfin, l’administration est peu impliquée dans les questions de l’emploi et du motif économique, qui ne font pas partie des points de contrôle lors du processus de validation ou d’homologation.
Les conditions de travail sont, quant à elles, souvent reléguées au second plan dans le processus. Les suppressions de postes sont déterminées sur des bases purement économiques, loin des réalités du travail. Le « livre 4 » du PSE, qui traite des conditions de travail et de leur évolution, est élaboré après la détermination du nombre de suppressions de postes, alors qu’il devrait en partie influencer cette décision. Ce document, souvent construit par les conseils des employeurs, ne reflète pas le travail réel de l’entreprise et se contente d’une évaluation des risques basée sur des standards macroscopiques, éloignés de la réalité du terrain. Cette approche formelle aboutit fréquemment à des organisations cibles pathogènes, comme nous le constatons lors de nos interventions sur les plans de sauvegarde de l’emploi ou par la suite.
L’administration ne dispose pas des moyens d’analyse en profondeur de la qualité de l’évaluation des risques professionnels. Elle se limite à un contrôle formel. L’expertise externe joue alors un rôle décisif. Dans 50 % des cas où nous intervenons sur le volet des conditions de travail, notre analyse conduit à réduire le nombre de suppressions de postes, en démontrant que l’organisation cible initialement prévue ne permettrait pas un travail soutenable.
Nos préconisations concernant les plans de sauvegarde de l’emploi visent à lier la procédure de validation, c’est-à-dire le contrôle administratif, à un accord total incluant la question de l’emploi et de l’ampleur du plan. En cas d’accord partiel, nous proposons le maintien de la procédure d’homologation avec un contrôle renforcé de l’administration. L’objectif est d’inciter l’employeur à négocier sur l’emploi.
Nous préconisons l’introduction de délais allongés pour éviter de précipiter l’instruction de scénarios alternatifs par l’expert du personnel. Il convient de modifier les délais concernant, après sa sollicitation, les décisions de la Dreets. La loi devrait également prévoir des moyens de communication pour les élus vers les salariés – courriel, affichage ou visioconférence sur le temps de travail. Il est crucial de doter la Dreets d’outils supplémentaires pour approfondir l’analyse de la validité du « livre 4 » relatif aux conditions de travail, en s’assurant que l’organisation cible a été élaborée en tenant compte des contraintes du travail. Nous recommandons de systématiser le refus de validation et d’homologation lorsque des éléments objectifs démontrent que le plan de sauvegarde de l’emploi présente des risques pour l’emploi. En outre, il faut renforcer l’obligation de l’employeur en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail lors des restructurations, notamment par une obligation d’étude d’impact lors de l’élaboration du plan.
En ce qui concerne les ruptures conventionnelles collectives et les accords de performance collective, nous observons des négociations déséquilibrées, souvent déloyales, caractérisées par une asymétrie dans la maîtrise des enjeux économiques et du cadre légal. Elles se déroulent fréquemment sous contrainte, sous la menace brandie par les employeurs d’un plan de sauvegarde de l’emploi en cas d’échec des pourparlers. Par la suite, nous constatons des effets délétères à long terme sur les conditions d’emploi et de travail.
Pour améliorer les ruptures conventionnelles collectives, nous proposons de rendre obligatoire, dans l’accord, un volet sur l’organisation cible et ses impacts en termes de santé et de sécurité. Nous préconisons également de rendre obligatoire le congé de mobilité dans les ruptures conventionnelles collectives afin que les salariés concernés bénéficient d’un accompagnement systématique. Quant aux accords de performance collective, nous suggérons qu’ils ne puissent être conclus à durée indéterminée ou que soit rendue obligatoire une clause de retour à meilleure fortune. Pour ces deux dispositifs, nous estimons crucial d’améliorer l’accompagnement des organisations syndicales dans la négociation, par exemple au moyen de missions d’expertise et d’assistance à la négociation intégralement financées par l’employeur.
M. le président Denis Masséglia. Vos interventions soulignent la nécessité d’améliorer le dialogue et la collaboration entre les représentants du personnel, les salariés et leurs employeurs. Cependant, ne serait-il pas plus pertinent d’instaurer un dialogue continu au sein de l’entreprise, plutôt que d’attendre l’apparition de difficultés ? Pour les grandes entreprises, ne pourrait-on pas envisager une représentation accrue du personnel au sein des conseils d’administration ou d’autres structures décisionnelles ? Cela permettrait un débat constructif entre les salariés et les autres parties prenantes. Il est dans l’intérêt de tous qu’une entreprise se porte bien.
M. Pierre Ferracci. Le dialogue social à la française souffre d’une lacune majeure depuis janvier 2008 et l’introduction de la rupture conventionnelle. Je me souviens d’un débat au sein de la « commission Attali » où l’on avait soulevé l’absence de mention de l’origine économique des ruptures conventionnelles, fait délibérément occulté. Cette omission s’est révélée être une erreur tragique. Au fil des années, nous avons constaté l’affaiblissement du débat économique et l’absence d’anticipation que vous venez d’évoquer.
Les syndicats ont parfois l’impression, malheureusement justifiée, que les débats sur les alternatives économiques n’intéressent pas les dirigeants d’entreprise. On attend des organisations syndicales et des représentants du personnel qu’ils se prononcent uniquement sur les conséquences de décisions prises en amont. Cette situation doit être corrigée. Au début de la mandature actuelle, on a évoqué le modèle de flexisécurité scandinave, notamment danois, en négligeant un aspect déterminant : dans ces pays, la sécurité commence par l’association des représentants du personnel aux choix stratégiques au sein des organes de gouvernance. Il faut rectifier cette situation, non pas en réduisant les prérogatives du comité social et économique, mais en s’assurant que ce débat ait lieu au moment opportun, lorsque la décision stratégique d’une restructuration est envisagée. Il faut que les représentants du personnel puissent s’exprimer et proposer des alternatives à ces restructurations.
Nous regrettons que la loi « Pacte » ait été très timide dans l’amélioration de la représentativité du personnel. Nous aurions pu nous aligner sur les pays qui accordent aux salariés une représentation significative dans les conseils d’administration. Sans aller jusqu’au modèle allemand qui prévoit 50 % de représentants du personnel dans les entreprises de plus de 2 000 salariés, un tiers des administrateurs constituerait déjà une minorité influente, capable de faire entendre sa voix lors de la prise de décision, et non simplement lors de l’analyse des conséquences de ces choix.
M. Lilian Brissaud. Bien que les conseils d’administration et les organes de gouvernance soient des lieux importants de décision, il est également capital de renforcer les prérogatives des instances représentatives. La disparition des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) dans les débats sur l’emploi et la qualité du travail constitue une véritable régression. Cette perte est particulièrement préjudiciable dans les secteurs à risques, comme les industries de transformation ou celles exposées aux risques chimiques.
Si la consultation sur les orientations stratégiques était menée de manière loyale, avec des éléments concrets, comme l’a proposé le cabinet Secafi, cela permettrait un véritable débat. Malheureusement, dans la majorité des cas où nous intervenons sur les orientations stratégiques, les informations fournies sont lapidaires, sans projections ni scénarios.
Il est donc essentiel non seulement de repenser la représentation au niveau des conseils d’administration, mais aussi d’optimiser les dispositifs existants. Il convient également de revenir sur les aspects qui permettaient une meilleure prise en compte du travail.
M. Matthieu Bidaine. Comme nous l’avons souligné dans notre introduction, les phases d’intégration et de restructuration atteignent un stade de maturité qui aurait dû susciter des débats antérieurs. De nombreuses transformations d’entreprises nécessitent une discussion approfondie. Nous identifions trois niveaux d’action.
Tout d’abord, les dispositifs de consultation actuels permettent des échanges structurés et réguliers avec les représentants des salariés. L’enjeu réside dans la loyauté de ces consultations, l’utilisation judicieuse de l’expertise et l’allocation de moyens adéquats pour préparer et construire cette expertise de manière efficace.
Ensuite, la question de la proximité est décisive. Les « ordonnances Macron » ont centralisé les instances représentatives du personnel au sein des comités sociaux et économiques, entraînant une perte de proximité dans les entreprises. Cette situation engendre de réelles difficultés, particulièrement dans les grandes structures, pour mener des discussions approfondies, notamment sur les questions liées au travail auparavant traitées de manière locale.
Enfin, nous sommes profondément attachés à la représentation des salariés dans les conseils d’administration. La loi « Pacte » a certes renforcé la présence des administrateurs salariés dans les grandes entreprises, mais des propositions plus ambitieuses existent. L’Institut Montaigne, par exemple, a suggéré cette représentation dès cinquante salariés. Cette approche est pertinente car elle favorise la participation des salariés et crée des espaces de discussion autour des décisions stratégiques. Cependant, il est impératif d’accompagner cette évolution par des formations adéquates. Si nous défendons souvent le recours à l’expertise, il est tout aussi nécessaire que les salariés participant aux discussions et aux prises de décision disposent des compétences requises.
M. le président Denis Masséglia. La loi « Florange » impose la recherche d’un repreneur dans le même domaine d’activité. Cependant, lorsqu’une entreprise se sépare d’une activité, c’est généralement parce que celle-ci n’est pas performante. Ne serait-il pas judicieux d’élargir cette possibilité à d’autres secteurs d’activité ? Par exemple, lorsqu’une société de climatisation ferme, il est souvent difficile de trouver un repreneur dans le même domaine. Ne pourrait-on pas ouvrir cette opportunité à d’autres activités industrielles plus dynamiques ?
M. Olivier Guillou. Dans l’application de la loi « Florange » au sein des entreprises industrielles, nous constatons fréquemment que l’offre faite à un éventuel repreneur comporte peu ou pas de fonds de commerce. Concrètement, cela signifie une absence ou une faible présence de produits et, par conséquent, un chiffre d’affaires limité voire inexistant. Cette situation place l’entreprise dans une position extrêmement délicate pour attirer un repreneur.
Ceci soulève effectivement la question de l’élargissement de la recherche de repreneurs à d’autres secteurs d’activité. Bien que cette possibilité existe déjà, elle implique une capacité à reconvertir l’entreprise vers de nouvelles activités. Cela nécessite des processus d’accompagnement conséquents pour soutenir cette transition, donc un investissement significatif pour l’entreprise en reconversion.
M. le président Denis Masséglia. Vous avez évoqué la nécessité d’allonger les délais pour permettre des négociations approfondies lors des plans de sauvegarde de l’emploi. Cependant, je n’ai pas systématiquement perçu cette attente du côté des salariés. En effet, lors de l’annonce d’un plan, de nombreux employés souhaitent obtenir rapidement des informations concrètes pour se projeter et prendre des décisions sur leur avenir professionnel. Il ne semble pas exister de position unanime et clairement définie sur cette question.
Mme Estelle Sauvat. Nous observons principalement un climat de défiance. Lorsque les salariés sont confrontés à un avenir incertain et à une décision rapide, ils sont généralement déjà bien informés de la situation de l’entreprise. Ils perçoivent et ressentent les difficultés si elle est en mauvaise santé. Le problème majeur réside dans le fait que les décisions importantes ne sont pas abordées suffisamment tôt en conseil d’administration. Par conséquent, lorsque l’information parvient au comité social et économique, le temps de négociation est souvent limité, parfois réduit à un, deux ou trois mois. Les accords de méthode préalables, qui permettraient de préparer le terrain et d’instaurer une pédagogie, sont rares.
Les directions sont généralement bien préparées et accompagnées pour ces situations, contrairement aux comités sociaux et économiques qui doivent organiser les négociations avec les organisations syndicales dans des délais extrêmement courts. Cette disparité engendre un sentiment de fatalisme. Il est essentiel d’accorder suffisamment de temps pour organiser les conditions parallèles, notamment le traitement des salariés, afin de garantir une information continue et leur permettre de se projeter, qu’ils choisissent de rester ou non. La recherche d’alternatives vise avant tout à pérenniser l’activité économique, même si cela ne concerne qu’une partie des effectifs.
La question de la confiance, actuellement fragilisée entre les organisations syndicales, les entreprises et les comités sociaux et économiques, est fondamentalement liée au sentiment que les décisions sont prises d’avance. Dans la majorité des cas, même lorsqu’il s’agit de gestion des emplois et des parcours professionnels ou de modèles de redéploiement, les salariés ont l’impression que les jeux sont faits avant même le début des discussions. C’est cet aspect qu’il faut modifier pour rétablir un dialogue constructif.
M. Paul Motte. Il est vrai qu’un certain nombre de salariés souhaitent une procédure rapide, notamment pour obtenir des informations sur les mesures d’accompagnement à la sortie. Cependant, ce sont généralement ceux qui ne se projettent plus dans l’entreprise. D’autres, à l’inverse, dont le poste est maintenu, préfèrent disposer de plus de temps pour que l’organisation cible soit élaborée afin de travailler efficacement à l’avenir. Entre ces deux extrêmes, nous trouvons également des salariés qui apprécieraient que les représentants du personnel aient le temps de discuter d’alternatives, car ils souhaitent rester dans l’entreprise. Nous sommes donc confrontés à des groupes aux attentes et aux rapports au temps différents, ce qui constitue une réelle difficulté.
Pour nous, l’une des solutions consiste à faire en sorte que le plan de sauvegarde de l’emploi ne soit plus systématiquement perçu comme un dispositif dans lequel la procédure d’information-consultation du CSE est fermée et dans lequel tout est décidé à l’avance. Si les salariés comprennent qu’il peut être porteur d’alternatives proposées par leurs représentants, le rapport au temps sera différent. C’est un élément clef.
De plus, le temps paraît souvent long pour les salariés en raison du manque d’information ou de la faible communication entre les représentants du personnel et les employés. Ce brouillard est parfois imposé par les directions, mais résulte aussi du manque de moyens des représentants pour communiquer efficacement. La perception du temps serait différente si les salariés étaient véritablement impliqués dans une dynamique de discussion autour de l’emploi. Cela nous ramène à la recommandation consistant à faciliter les échanges entre les représentants du personnel et les salariés pendant cette période déterminante du plan.
M. Benjamin Lucas-Lundy, rapporteur. Permettez-moi de revenir sur la proposition du droit de veto suspensif du comité social et économique que j’ai formulée récemment. Nous avions laissé la discussion ouverte sur la nature de ce droit. J’aimerais connaître vos réflexions à ce sujet. Comment envisagez-vous sa mise en œuvre ? Quelles limites temporelles fixer ? Comment être le plus efficace possible ? Quelles pistes suggéreriez‑vous pour approfondir cette réflexion ?
M. Jean-Marie Michelucci. Dès le début d’un plan, une réunion tripartite – employeur, administration, représentants des salariés – est organisée. Nous constatons que les salariés et leurs représentants se trouvent confrontés à un afflux d’informations à appréhender dans des délais contraints. Un mécanisme permettant de suspendre la procédure s’impose, afin que les représentants du personnel disposent d’un point de situation approfondi. L’administration pourrait jouer un rôle central dans la mise en œuvre de ce droit, en tant que garante du bon déroulement de la procédure. Elle serait à même d’évaluer le niveau d’information des salariés, y compris leur compréhension de la situation économique de l’entreprise.
Cela soulève les questions de la présence des salariés aux conseils d’administration et des moyens qui leur sont accordés. Mon expérience de représentant du personnel au conseil d’administration d’un grand groupe chimique m’a montré les limites de cette présence. Les procédures sont souvent expéditives, ne laissant pas suffisamment de place à une participation effective des représentants du personnel. Il est donc essentiel de repenser cette présence dans les instances décisionnelles.
L’intervention de l’administration semble indispensable. En tant que garante de l’ordre public social, elle devrait avoir la capacité de ralentir le processus lorsqu’elle estime que les salariés sont submergés par les informations, les empêchant de comprendre pleinement la situation ou d’élaborer des propositions alternatives.
La durée de cette suspension ne devrait pas être fixée de manière arbitraire, mais adaptée à l’importance et à la complexité du dossier, laissées à l’appréciation de l’administration. L’objectif est de donner aux salariés le temps nécessaire pour appréhender leur situation et, potentiellement, proposer des solutions alternatives préservant davantage d’emplois.
Le rôle des pouvoirs publics ne devrait pas se limiter à la simple vérification de l’existence d’un accord. Leur implication devrait être substantielle, en encadrant le processus de manière active, contrairement à la situation actuelle où ils sont souvent relégués au rôle de simples spectateurs.
M. Erwan Jaffrès, responsable des études « santé, sécurité et conditions de travail » chez Cidecos. Notre proposition sur le droit de veto suspensif cherchait à redonner un pouvoir d’action aux représentants du personnel pour contester les irrégularités du plan avant sa mise en œuvre effective. Actuellement, les contestations sur le motif économique ou l’insuffisance des évaluations des risques professionnels ne peuvent intervenir qu’une fois le plan exécuté, à travers des actions individuelles devant les prud’hommes.
Notre proposition autorise la saisine du juge judiciaire dans une procédure accélérée, dès lors que des irrégularités sont constatées, afin que ces questions soient débattues avant la finalisation du plan. Alternativement, nous suggérons d’étendre les pouvoirs de l’administration en l’autorisant à suspendre un plan tant que certaines conditions ne sont pas remplies, notamment la justification du motif économique ou l’évaluation détaillée des conditions de travail.
M. Matthieu Bidaine. Cette proposition n’est pas initialement la nôtre. Replaçons‑la dans le contexte de l’évolution normative depuis la loi relative à la sécurisation de l’emploi. Auparavant, des mécanismes permettaient effectivement de bloquer les restructurations si le comité social et économique ne disposait pas d’informations suffisantes, ce qui garantissait un accès loyal à l’information. Depuis, la législation a évolué vers une sécurisation des délais, ce qui pose problème lors des restructurations. En effet, lorsqu’on cherche à éviter ou à limiter les licenciements, il est nécessaire de construire des scénarios alternatifs, ce qui est difficile dans un délai de deux mois, surtout lorsque la restructuration est préparée de bien plus longue date.
Prenons l’exemple de la loi « Florange » : son application dès le premier jour d’une restructuration est peu réaliste. Chez Syndex, nous avons développé des accompagnements sur la reconversion de sites industriels en anticipant les évolutions futures de l’activité. Ce travail de prospective et de transformation nécessite du temps ainsi qu’une collaboration étroite avec les salariés et leurs représentants, qui connaissent parfaitement le métier.
Ainsi, des mécanismes permettant de suspendre les procédures pour construire des scénarios alternatifs semblent s’imposer. Il est crucial de disposer du temps nécessaire pour élaborer des propositions constructives face aux restructurations.
M. Pierre Ferracci. L’idée d’un droit de veto dans des situations extrêmes peut être envisagée. Mais je suis plus convaincu par l’approche évoquée par mon collègue de Syndex. Lorsque nous intervenons tardivement dans le processus de restructuration, l’efficacité d’un veto risque d’être limitée. Je suggère plutôt de renforcer le rôle des Dreets en leur donnant la capacité d’examiner les motifs économiques des restructurations. Actuellement, leur contrôle se concentre sur la forme et sur les modalités de mise en œuvre du plan de sauvegarde de l’emploi.
Il est important de noter que les plans de sauvegarde de l’emploi ne sont plus l’unique moyen de supprimer des emplois. Nous observons des évolutions subtiles, notamment à travers les ruptures conventionnelles individuelles, qui peuvent avoir des conséquences tout aussi importantes sans nécessiter de motif économique explicite.
Je propose donc une approche double : d’une part, envisager un droit de veto pour les situations les plus critiques, où les représentants des salariés sont confrontés à des pratiques inacceptables ; d’autre part, et c’est l’essentiel, modifier les modalités d’anticipation des restructurations en intégrant mieux les représentants du personnel dans ces choix stratégiques. Ce n’est pas un hasard si les principales organisations syndicales demandent aujourd’hui une amélioration de la représentation des salariés dans les conseils d’administration et de surveillance. C’est en renforçant leur présence en amont que nous pourrons obtenir les évolutions les plus significatives dans la gestion des restructurations.
L’enjeu majeur se situe à ce niveau, sans pour autant négliger les efforts déployés pour améliorer l’efficacité des comités sociaux et économiques, mise à mal récemment. Ces instances ont été considérablement affaiblies par les réformes successives, notamment les ordonnances de 2017. La fusion des instances, qui aurait pu être mieux gérée avec des moyens accrus, s’est avérée catastrophique avec des ressources réduites. Elle a démantelé le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, pourtant essentiel lors des restructurations. Ces changements ont des répercussions non seulement sur les départs, mais aussi sur les employés qui restent, entraînant une intensification du travail et une productivité mal maîtrisée. Une révision s’impose. L’équilibre entre les instances de gouvernance et de gestion de l’entreprise, toutes deux essentielles, doit être repensé différemment de ce qui a été fait ces quatre dernières décennies.
M. le rapporteur. Notre commission vise à établir un diagnostic de la situation, ce à quoi vous avez grandement contribué, mais aussi à formuler des recommandations. Considéreriez-vous pertinent, pour cette commission d’enquête, de préconiser le retour des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ? Si oui, sous quelle forme ? Devraient-ils être rétablis tels qu’ils existaient ou envisagez-vous des améliorations possibles ?
M. Jean-Marie Michelucci. Il est impératif de rétablir les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail en comblant leurs lacunes antérieures. Auparavant, ils ne disposaient d’aucun budget propre pour fonctionner ou pour décider de leurs missions d’enquête. Lors des réorganisations, leur consultation intervenait avant celle du comité d’entreprise, plaçant les questions de santé au travail au premier plan. Cette approche offrait des leviers d’action contre la brutalité de certains plans, souvent excessifs. L’expérience montre que parfois, des emplois ont été réintégrés quelques années plus tard, révélant les limites de la course à la productivité.
Le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, particulièrement dans le secteur pétrolier où nous intervenons, joue un rôle clef dans la transformation des situations de travail. L’actualité souligne l’importance de comprendre les événements passés sur les sites où se trouvaient des substances perfluoroalkylées, polyfluoroalkylées ou autres. Les comités étaient dépositaires de cette mémoire ouvrière des expositions aux risques. Il est essentiel de réintroduire cet outil de représentation fondamental.
M. Paul Motte. Chez Syndex, nous estimons crucial de recréer les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, notamment avec une personnalité juridique. Cette mesure remettrait les conditions de travail et l’activité réelle au cœur des instances et du dialogue social. Actuellement, la question des conditions de travail en est la grande absente. De plus, cela rétablirait une proximité entre les représentants du personnel et les salariés, le lien s’étant distendu avec la fusion des instances. Dans les grands groupes, où les établissements ont été réunis, on peut avoir des comités sociaux et économiques couvrant jusqu’à quatre mille salariés, ce qui rend les échanges directs pratiquement impossibles. L’instauration de comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail sur les sites d’au moins cinquante salariés restaurerait cette proximité et faciliterait les échanges sur le travail réel. Cela aiderait considérablement les représentants du personnel à exercer leur mission, qui ne se limite pas à éviter le travail mais à le comprendre et l’améliorer.
Mme Estelle Sauvat. Nous sommes, à l’instar de nos confrères, absolument favorables à la réintroduction d’un mécanisme, quel qu’il soit, qui remette en place des sentinelles dans toutes les organisations de notre pays. Leur disparition, avec les « ordonnances Macron », a conduit à des bilans alarmants. Chaque année, nous constatons une augmentation record du taux d’absentéisme – + 4,5 % pour l’année 2024 et + 7 % pour les arrêts maladie de longue durée. Ces chiffres révèlent une transformation profonde du rapport au travail, un enjeu déterminant pour l’avenir des entreprises.
À l’heure des grandes mutations induites par l’intelligence artificielle, qui sera à la fois un moteur de progrès et un perturbateur des organisations, il est fondamental de comprendre comment les équipes et les salariés absorbent ces changements au quotidien. La disparition des sentinelles a entraîné une incapacité à remonter l’information. Les dirigeants et leurs relais ne peuvent agir que s’ils disposent d’une structure organisée pour capter ces signaux.
La réintroduction de responsables de proximité, installés au minimum par accord succinct, stimulerait la possibilité d’un système organisé. Les ordonnances de 2017 ont eu des conséquences majeures, notamment sur la compréhension des questions relatives à la santé au travail. Les comités sociaux et économiques ont perdu les experts élus capables d’appréhender ces sujets, privant ainsi les organisations de leurs yeux et de leurs oreilles sur le terrain.
De plus, la perte du droit d’alerte, outil historique permettant de signaler des situations graves et imminentes, a amplifié cette cécité. La réduction des moyens des comités sociaux et économiques a rendu son exercice financièrement dissuasif pour ces instances.
Il est impératif de repenser ces mécanismes pour restaurer une vigilance effective au sein des organisations, essentielle tant pour les salariés que pour les dirigeants, face aux défis actuels et futurs du monde du travail.
Depuis la crise du covid‑19, il est urgent de réinjecter des moyens, même limités, pour prévenir les difficultés auprès des salariés. Cette charge ne peut être supportée par le seul comité social et économique. Il est impératif de répondre à toutes les questions de proximité, mineures ou majeures, le plus rapidement possible, non pas au sein du comité, mais dans une commission dédiée et réglementée. À mon sens, les ordonnances susmentionnées ne nécessitent pas de modifications majeures. Il ne s’agit pas de les remettre en question dans leur ensemble, mais plutôt d’utiliser les moyens juridiques existants pour atteindre nos objectifs. Nous avons élaboré plusieurs propositions en ce sens, notamment en collaboration avec l’ordre des experts‑comptables et les professions réglementées. Nous pouvons proposer des solutions techniques pour éviter une remise en cause des ordonnances, tout en garantissant un traitement efficace des problématiques de proximité.
M. le rapporteur. Pensez-vous que les pouvoirs publics disposent des moyens nécessaires pour vérifier la sincérité du motif économique du licenciement invoqué par les employeurs ? Pensez-vous qu’il serait pertinent que l’administration apprécie ce motif ? Si oui, selon quelles modalités ? Il n’est pas nécessairement question de revenir à une autorisation administrative du licenciement.
M. Olivier Guillou. Actuellement, les Dreets ont dans leur champ de compétences l’examen des moyens de l’entreprise et des groupes. Or on pourrait légitimement s’interroger sur la capacité de l’administration du travail à évaluer ces moyens. Cependant, elles s’appuient sur les éléments fournis par les experts intervenant dans ces situations, qui apportent une analyse permettant d’apprécier les ressources dont disposent l’entreprise et les groupes. Il serait envisageable d’habiliter les Dreets à analyser le motif économique des licenciements, en s’appuyant sur les travaux des experts qui examinent ce sujet. Cette approche renforcerait l’action des Dreets.
M. Paul Motte. La législation actuelle relative à la définition du motif économique présente des lacunes significatives. Nous sommes confrontés à plusieurs motifs, dont la notion de sauvegarde de la compétitivité qui fait l’objet d’une jurisprudence instable. Personne ne parvient à définir ce concept. Certaines décisions judiciaires suggèrent même qu’il n’est pas nécessaire d’examiner la situation concurrentielle, ce qui est difficilement compréhensible puisque la compétitivité est intrinsèquement liée à la performance sur un marché.
Par ailleurs, la définition des difficultés économiques repose sur des indicateurs pour le moins discutables, notamment en ce qui concerne la baisse de trésorerie. Prenons l’exemple d’une entreprise qui décide de verser des dividendes importants : elle n’est pas nécessairement confrontée à des difficultés économiques. L’évaluation du motif économique se heurte donc à une législation mal conçue qui mériterait d’être révisée.
De plus, la question du périmètre pose problème. La loi ordonne de considérer l’ensemble des entreprises en France d’une même activité. Ce périmètre, plutôt étrange, n’est pas celui utilisé par les groupes internationaux, qui suivent généralement leurs unités économiques transfrontalières ou leurs entités juridiques. La loi impose donc un périmètre qui n’est pris en compte par personne, pas même par les groupes concernés.
Dans ce contexte, il serait peut-être plus pertinent de se concentrer sur la loyauté de l’information économique. Si la loi n’est pas modifiée, l’autorité administrative devrait plutôt vérifier si les informations communiquées par l’employeur sont loyales et permettent d’évaluer les difficultés économiques. Néanmoins, je pense qu’une modification de la loi est nécessaire pour que l’administration puisse examiner correctement ces aspects.
M. Lilian Brissaud. Pour illustrer brièvement le caractère aberrant de la loi actuelle, je peux citer le cas d’un dossier que nous avons traité. Le motif invoqué était les difficultés économiques. Or, l’année où les salariés ont été licenciés, ils ont perçu la prime d’intéressement la plus élevée dans l’histoire de l’entreprise. Cette situation met en lumière une véritable absurdité. Il s’agissait de la fermeture d’un site produisant un bien classé stratégique au niveau européen. Nous sommes évidemment intervenus auprès de la Dreets, ce qui a suscité de nombreux débats. Cependant, l’employeur a finalement atteint son objectif : le site a été fermé et les salariés licenciés ont touché non seulement une prime d’intéressement record dépassant le plafond de 20 % de la masse salariale, mais aussi une prime complémentaire.
Face à une telle situation, on ne peut que constater un problème majeur. Cela a d’ailleurs conduit l’administration à invalider le licenciement et le motif économique pour les salariés protégés. Il y a manifestement quelque chose qui ne fonctionne pas.
La question du périmètre, évoquée par mon collègue, est également problématique. Il est parfois risible de voir les directions, au sein d’un groupe, établir un périmètre qui ne correspond pas aux méthodes habituelles de consolidation des résultats. Elles définissent un périmètre national sur un segment d’activité dont l’origine est obscure et produisent des chiffres qui ne sont pas toujours pertinents.
Cette approche inadéquate de la justification économique crée immédiatement un climat délétère. Les salariés et leurs représentants, habitués à prendre connaissance des résultats de l’entreprise, se trouvent soudainement confrontés à un périmètre national dont ils n’avaient jamais entendu parler, mais qui prétend démontrer l’existence de difficultés économiques. De plus, comme dans l’exemple cité précédemment, ils perçoivent une prime d’intéressement record. Cette situation est incompréhensible pour eux. Elle nuit gravement au dialogue social.
M. le président Denis Masséglia. Je vous propose de compléter nos échanges en répondant par écrit au questionnaire que nous vous avons transmis. Je vous remercie.
La séance s’achève à dix-huit heures trente.
Présents. – M. Benjamin Lucas-Lundy, M. Denis Masséglia, M. François Piquemal