Compte rendu

Commission d’enquête
sur les dysfonctionnements
obstruant l’accès à une justice adaptée aux besoins
des justiciables ultramarins

– Table ronde, ouverte à la presse, réunissant :

- M. Cyril Papon, secrétaire général de la CGT des chancelleries & services judiciaires, et Mme Corinne Lambla, secrétaire nationale

- M. Christophe Douchet, et M. Jean-Jacques Pieron, représentants du syndicat FO Justice

- M. Hervé Bonglet, secrétaire général de l’UNSa Services judiciaires, et Mme Catherine Solivellas, secrétaire générale adjointe

- M. Guillaume Grassaud, secrétaire général du Syndicat du ministère de la Justice CFDT 2

– Présences en réunion................................19

 


Mercredi
9 juillet 2025

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 12

session ordinaire de 2024-2025

Présidence de
M. Frantz Gumbs,
Président de la commission

 


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La séance est ouverte à seize heures trente-cinq.

 

M. le président Frantz Gumbs. Mes chers collègues, notre commission d’enquête a pour objet d’évaluer la mise en œuvre de la politique d’accès au droit et à la justice dans les territoires ultramarins et d’identifier précisément les obstacles qui subsistent encore dans ces territoires pour assurer un égal accès de tous nos concitoyens au droit et à la justice.

Il nous a dès lors paru pertinent d’entendre rapidement les syndicats représentatifs des personnels de la justice, qui sont probablement les mieux à même de nous décrire sans détour la réalité des difficultés de la justice outre-mer.

J’accueille donc M. Guillaume Grassaud, secrétaire général du Syndicat du ministère de la justice CFDT ; M. Christophe Douchet et M. Jean-Jacques Pieron représentants du syndicat FO Justice ; M. Cyril Papon, secrétaire général de la CGT des chancelleries et services judiciaires, et Mme Corinne Lambla, secrétaire nationale ; M. Hervé Bonglet, secrétaire général de l’UNSa Services judiciaires, et Mme Catherine Solivellas, secrétaire générale adjointe.

Je rappelle que cette audition est ouverte à la presse et qu’elle est retransmise en direct sur le site de l’Assemblée nationale.

Avant de vous céder la parole, je vous rappelle que l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes entendues par une commission d’enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».

(M. Guillaume Grassaud, M. Christophe Douchet, M. Jean-Jacques Pieron, M. Cyril Papon, Mme Corinne Lambla, M. Hervé Bonglet et Mme Catherine Solivellas prêtent serment.)

M. Cyril Papon, secrétaire général de la CGT des chancelleries et services judiciaires. Je suis secrétaire général de la CGT des chancelleries et services judiciaires, et greffier à l’instruction au tribunal judiciaire de Bobigny depuis 2010.

Nous vous ferons prochainement parvenir les réponses, encore en cours d’élaboration, à votre questionnaire très complet.

Un point essentiel me paraît d’ores et déjà manquer, au vu des déplacements que nous avons récemment effectués à Fort-de-France, Basse-Terre et Cayenne notamment : la question de l’immobilier, mal prise en compte par le ministère, faute d’adaptation aux réalités locales. Même les bâtiments les plus récents présentent des problèmes, tant en ce qui concerne les conditions de travail des agents que pour ce qui est de l’accès à la justice des usagers.

Le cas le plus frappant, parmi les déplacements que nous avons effectués, concerne Cayenne. Le tribunal y est éclaté sur plusieurs sites qui, bien que géographiquement relativement proches pour la plupart, créent des difficultés en termes de conditions de travail et de circulation pour les usagers. Alors que l’accès à la justice est déjà compliqué, se tromper de site et devoir se déplacer d’un bâtiment à l’autre n’est absolument pas confortable.

Nous avons par ailleurs constaté qu’aucun permis de construire n’était affiché sur le site de la future cité judiciaire, seuls deux permis de démolir étant visibles, ce qui suscite une inquiétude.

Par ailleurs, je précise que le contrat de mobilité a été considéré comme non réglementaire, ne respectant pas les normes supérieures, par le Conseil d’État. Une décision du Conseil d’État du 30 mai dernier a donné raison au Conseil supérieur de la magistrature (CSM) sur une décision contestée par une magistrate, qui n’a pas obtenu la mobilité qu’elle aurait dû avoir en application de ce contrat. Pour accorder dorénavant un tel contrat de mobilité, tant pour les magistrats que pour les fonctionnaires, il faudra nécessairement passer par la voie législative, si tant est que cela soit possible. Cette question nécessitera également une coordination avec le ministère de l’action publique, de la fonction publique et de la simplification et, pour les magistrats, une révision de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.

Mme Corinne Lambla, secrétaire nationale de la CGT des chancelleries et services judiciaires. Je suis secrétaire nationale de la CGT des chancelleries et services judiciaires et greffière placée sur le ressort de la cour d’appel de Colmar. Les propos de mon camarade étant déjà complets, je n’ai rien à ajouter à ce stade.

M. le président Frantz Gumbs. Que signifie être greffière placée ?

Mme Corinne Lambla. Cela signifie que je suis greffière remplaçante. J’effectue des missions de trois mois en fonction des besoins des juridictions. Je n’occupe donc pas un poste fixe.

M. Christophe Douchet, représentant du syndicat FO Justice. Votre questionnaire est très complet. Il nous reste simplement à peaufiner quelques éléments de forme pour vous transmettre l’ensemble de nos réponses rapidement.

Fort d’un réseau de délégués sur l’ensemble des territoires ultramarins, à l’exception de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Saint-Martin, notre syndicat dispose de retours assez complets sur les difficultés rencontrées.

Je suis greffier à Marseille, mais j’ai exercé pendant onze ans à La Réunion. Mon collègue Jean-Jacques est greffier à Vannes, porte de départ historique pour de nombreux métropolitains vers l’outre-mer. Ces éléments nous ont permis de disposer de nombreux retours pour vous apporter des réponses précises.

Deux types de difficultés se dégagent.

D’une part, nous notons les difficultés structurelles d’infrastructure qui touchent toutes les administrations en outre-mer, comme les problèmes d’accès à internet ou l’insuffisance des transports en commun. Ces éléments, bien que non spécifiques à ce secteur, impactent fortement l’accès à la justice pour les populations.

D’autre part, nous constatons des difficultés propres aux services judiciaires, notamment concernant l’immobilier, comme l’évoquait mon collègue. Ce point est d’autant plus crucial que les bâtiments se dégradent beaucoup plus rapidement qu’en métropole, ce qui nécessite un effort particulier.

Concernant l’accompagnement et la formation, à mon arrivée à La Réunion, j’ai pu bénéficier d’une formation de deux jours sur l’environnement réunionnais — dispensée par M. Vaxelaire, historien de La Réunion —, afin que nous comprenions la créolité de l’île. Cette démarche était particulièrement formatrice et nous a aidés à nous intégrer sur le territoire. Ce dispositif n’existe plus aujourd’hui : il serait pertinent de le rétablir.

La formation continue, dans nos métiers, fait également l’objet de restrictions budgétaires. Pourtant, les chefs de Cour se rendent chaque mois auprès de l’administration centrale sans difficulté, par le biais de vols surclassés, tandis que les fonctionnaires et magistrats n’ont droit qu’à un seul vol annuel. Cette formation est également supprimée l’année au cours de laquelle l’agent bénéficie de congés bonifiés. Nous avons accès à quelques formations interministérielles, mais celles-ci sont moins adaptées au système judiciaire.

M. Jean-Jacques Pieron, représentant du syndicat FO Justice. Je suis cadre greffier au tribunal judiciaire de Vannes, dans le Morbihan.

Le sujet que vous traitez est d’une importance capitale car nous avons, collectivement, encore beaucoup à accomplir. Cette problématique dépasse le cadre de l’institution judiciaire et des agents qui y travaillent, englobant de nombreux paramètres dont il faudra s’emparer.

Il serait nécessaire que nous parvenions ensemble — parlementaires inclus — à faire appliquer les textes qui existent déjà. Au-delà du contrôle de l’application des lois et de leur effectivité, nous le devons à nos collègues sur le terrain. Nous ne pouvons plus accepter que nos collègues ultramarins continuent à porter l’institution judiciaire dans les conditions qui sont les leurs. Cette réalité recoupe un nombre de champs important, dont il faudra s’emparer pour que l’application des textes soit effective.

M. Hervé Bonglet, secrétaire général de l’UNSa Services judiciaires. Je suis secrétaire administratif, affecté à Dijon, et secrétaire général de l’UNSa Services judiciaires.

Nous avons commencé à répondre à votre questionnaire et recueilli les retours de nos collègues de Guyane, de Guadeloupe, de Martinique et de La Réunion, qui nécessitent encore une mise en forme avant leur transmission.

Nous pouvons toutefois vous remettre dès aujourd’hui un rapport que nous avons déposé auprès du ministère de la justice en 2022.

Les sujets que nous abordons et les questions que vous soulevez ne sont pas nouveaux. Le rapport de 2022 que nous allons vous communiquer fait écho à un document similaire que nous avions produit au début des années 2010, après avoir visité l’ensemble des juridictions ultramarines.

Plusieurs points méritent d’être soulignés.

Tout d’abord, nos collègues ultramarins éprouvent un véritable sentiment d’abandon, lié à la rareté des visites des responsables du ministère. Leurs particularités sont régulièrement méconnues.

Ensuite, ils souffrent d’une absence de sites supports pour travailler, ne disposant ni de service informatique spécifique aux territoires ultramarins, ni de direction des ressources humaines inter-directionnelle propre.

Par ailleurs, les difficultés informatiques, déjà présentes en métropole, sont amplifiées dans ces territoires en raison des problèmes de réseaux et du décalage horaire qui complique les mises à jour, celles-ci étant programmées pendant la nuit métropolitaine.

Enfin, l’attribution des moyens aux juridictions ultramarines ne s’appuie pas sur les mêmes critères qu’en métropole, ce qui est un point important à considérer.

Nous avons formulé plusieurs propositions concernant ces différents aspects dans notre rapport de 2022, et nous vous les transmettrons avec les réponses au questionnaire.

Mme Catherine Solivellas, secrétaire générale adjointe de l’UNSa Services judiciaires. Je suis cadre-greffière au tribunal judiciaire de Chalon-sur-Saône, en Bourgogne.

Cette opportunité d’échanger est importante, afin que les parlementaires puissent relayer nos préoccupations et œuvrer pour répondre aux besoins de nos collègues en juridiction.

L’accès au droit demeure insuffisamment développé dans les territoires ultramarins. Le nombre de maisons de justice et du droit y est bien plus limité qu’en métropole. Les points d’accès au droit ne disposent généralement pas de juriste, fonctionnant davantage comme des points d’accès administratifs.

Pourtant, des structures comme les maisons de justice et du droit développent une synergie entre les différents acteurs et pourraient constituer un soutien. Cette synergie implique la présence d’écrivains publics et de juristes spécialisés issus de la Cimade, du conseil départemental d’accès au droit (CDAD) ou de la Chambre des notaires, pouvant traiter les questions spécifiques.

Nous pourrions également envisager la mise en place de services d’accueil unique du justiciable (Sauj) délocalisés. Les Sauj existent dans tous les tribunaux judiciaires métropolitains, ainsi que dans les juridictions ultramarines.

Malgré des réseaux informatiques insuffisants dans les juridictions ultramarines, le développement des ordinateurs ultraportables permet d’accéder à certains logiciels afin de renseigner utilement les justiciables.

Les audiences foraines, où magistrats et greffiers se déplaçaient au plus près de la population pour rendre la justice, ont pratiquement disparu pour des raisons budgétaires et faute d’effectifs suffisants.

Je souhaite évoquer l’exemple significatif des Pirogues du droit en Guyane, dispositif qui donnait entière satisfaction, mais qui a été supprimé, alors qu’il permettait de desservir en moyenne 36 communes lors de chaque déplacement, contribution non négligeable à l’accès au droit.

M. Guillaume Grassaud, secrétaire général du Syndicat du ministère de la justice CFDT. Je suis directeur des services de greffe placé sur le ressort de la cour d’appel de Paris.

J’interviens aujourd’hui en représentation de nos collègues ultramarins, et non à titre personnel. Je tiens à les remercier pour leur contribution substantielle à votre questionnaire. Des réponses continuent d’ailleurs de nous parvenir et nous vous transmettrons un retour aussi complet que possible.

Nous avons également étendu cette démarche à l’un de nos syndicats au sein de la police, considérant que certaines problématiques sont communes dans les territoires ultramarins, comme la place de l’État et de l’investissement que celui-ci souhaite y réaliser.

En tenant compte de la diversité des réponses reçues, je me garderai de parler de l’outre-mer de manière générale. Les réalités sont très variées, tout comme les territoires et les statuts. Certaines problématiques sont effectivement partagées — l’éloignement, les difficultés informatiques dans certains territoires et les problèmes liés à l’immobilier — mais tous les sujets ne sont pas communs et les réponses ne peuvent être uniformes pour l’ensemble de l’outre-mer. Cette diversité est essentielle à comprendre.

Ma collègue évoquait par exemple la suppression des audiences foraines dans certains territoires, alors qu’elles demeurent dans d’autres. Nous avons besoin que cette activité se poursuive — voire se développe — pour maintenir le contact avec nos concitoyens les plus éloignés de nos tribunaux judiciaires.

Le point saillant est le manque de connaissance de nos territoires ultramarins par notre administration. L’outre-mer est trop souvent imaginé et pensé depuis Paris, et non depuis les territoires où les agents qui vivent cette réalité quotidienne détiennent pourtant des solutions. Notre démarche, en tant qu’organisation syndicale, consiste précisément à recueillir le vécu de nos représentants et adhérents et les solutions qu’ils souhaiteraient mettre en œuvre. La grande difficulté dans notre ministère réside dans cette approche menée depuis Paris, avec une vision parfois angélique de certains territoires.

En effet, certaines autorités ministérielles, lorsque nous évoquons la situation de La Réunion, territoire en pleine évolution confronté à un phénomène de criminalité croissant dans certaines zones, en lien avec la situation mahoraise, ne perçoivent pas ce développement de la criminalité que les personnels vivent quotidiennement. Nos agents constatent pourtant une structuration du narcotrafic et une évolution de la criminalité. Malheureusement, notre ministère demeure trop centralisé pour prendre en compte les retours de ses agents. De ce fait, les agents ne se sentent pas entendus, leur territoire faisant l’objet de décisions inapplicables ou de perceptions erronées.

Par ailleurs, nous avons interrogé l’administration sur les mesures envisagées pour protéger les personnels face à l’épidémie de Chikungunya à La Réunion, nos bâtiments, conçus depuis la métropole sans prise en compte des besoins spécifiques, n’étant absolument pas adaptés. Des mesures aussi élémentaires que l’installation de moustiquaires ne sont pas envisagées. Il s’agit de problèmes qui touchent à la santé des agents et des justiciables qui fréquentent nos lieux d’accès au droit. Nous avons besoin que la parole des personnels soit entendue et que les spécificités de chaque territoire soient prises en compte.

Un autre exemple illustrant ce manque de connaissance m’a été signalé par un de nos représentants en Nouvelle-Calédonie : le guide de la direction des services judiciaires (DSJ) pour la Nouvelle-Calédonie comporte 18 pages, tandis que celui de l’armée en compte 80. Des progrès restent à accomplir en matière d’information.

Enfin, l’éloignement constitue également un obstacle pour l’accès à la formation de nos collègues.

M. le président Frantz Gumbs. Nous avons déjà entendu des représentants du ministère, des magistrats ou encore des avocats, mais vous êtes les premiers à identifier l’immobilier comme une problématique importante dans les outre-mer. Cette observation est particulièrement frappante, car nous n’avions pas retenu cet aspect comme essentiel lors de nos précédentes auditions. Vous avez bien sûr abordé d’autres thèmes, notamment la question de l’attractivité et la difficulté à recruter des volontaires.

M. Davy Rimane, rapporteur. Vous êtes effectivement les premiers à mettre en lumière la question de l’immobilier. Cette problématique présente deux dimensions : d’une part, les conditions de travail des personnels et, d’autre part, l’accès à la justice pour les citoyens. Ces aspects sont liés à la question de l’attractivité, puisque celle-ci englobe nécessairement la dimension immobilière et le logement.

M. le président Frantz Gumbs. Par ailleurs, j’ai noté l’intervention de M. Douchet, qui a évoqué une formation pour l’accueil des personnels arrivant à La Réunion, qui n’est plus dispensée aujourd’hui. Or, il me semble que, pour les magistrats, un dispositif similaire demeure en place.

M. Christophe Douchet. La formation est effectivement importante pour l’intégration des métropolitains ne connaissant pas le territoire. Lutter contre les rotations de personnel passe aussi par l’intégration. Certains collègues arrivent dans les territoires ultramarins comme en « terrain conquis » et il est nécessaire de leur expliquer les comportements appropriés. À titre personnel, j’ai été très bien accueilli tant à La Réunion qu’en Martinique.

M. le président Frantz Gumbs. Nous sommes heureux d’entendre votre témoignage. Vous portez la voix d’une corporation et avez toute la légitimité pour formuler ce type d’appréciation.

Mme Corinne Lambla. Lors de notre visite en Martinique, en Guadeloupe et en Guyane, plusieurs collègues se sont interrogés sur le discours tenu par l’École nationale de la magistrature (ENM) aux magistrats, et par l’administration aux personnels de greffe nouvellement affectés, concernant les territoires ultramarins. En effet, ils ont été assez choqués par certains comportements. Au sein de la DSJ, des livrets ont été élaborés pour chaque département ou territoire d’outre-mer, mais cette initiative demeure insuffisante. Nous nous interrogeons d’ailleurs sur la lecture effective de ces documents par les agents nouvellement affectés.

M. le président Frantz Gumbs. Pourriez-vous nous transmettre des exemplaires de ces livrets ?

Mme Corinne Lambla. Nous pourrons vous adresser ces documents.

Certains comportements ont choqué. Ayant moi-même exercé en Guadeloupe il y a quelques années, j’ai entendu des propos particulièrement choquants.

M. le président Frantz Gumbs. Quelle fonction exerçaient les auteurs de ces propos ?

Mme Corinne LamblaCes propos émanaient de magistrats comme de personnels de greffe.

M. Jean-Jacques Pieron. Je me permets de rebondir sur votre étonnement concernant le fait que nous soyons les seuls à évoquer la question immobilière. Ce point illustre le décalage de perception existant entre la DSJ, qui est notamment en charge de cette question, et les agents sur le terrain. Lors d’échanges avec cette direction concernant l’outre-mer, notamment Mayotte, alors que nos organisations ont évoqué les difficultés liées à l’insécurité dans certains territoires ultramarins, nous avons été confrontés à un étonnement profond de notre interlocutrice qui nous a répondu, en substance, qu’il existe toujours un sentiment exacerbé d’insécurité de la part des fonctionnaires sur le terrain, mais que ces derniers « exagèrent ». Cette réaction témoigne du fossé qui sépare l’institution de nos collègues sur le terrain qui, par leur engagement, font vivre l’institution judiciaire. Si on vous a parlé d’attractivité, c’est manifestement pour orienter votre commission dans une direction. Pourtant, l’attractivité ne se limite pas à ce seul élément, elle englobe également l’immobilier et bien d’autres paramètres.

M. Cyril Papon. Tous les territoires et pays d’outre-mer ne connaissent pas des problèmes d’attractivité, mais, pour ceux qui sont concernés, il est surprenant, voire choquant, d’aborder cette question sans évoquer les conditions de travail et de vie. Comment prétendre apporter des éléments de réponse à un problème sans l’envisager dans toutes ses dimensions ? Nous ne sommes pas simplement des travailleurs.

Les difficultés que rencontrent nos collègues et les populations ultramarines ne sont pas toujours spécifiques à ces territoires. Au ministère de la justice et dans les services judiciaires, nous constatons régulièrement que les textes et la législation sur le temps de travail semblent ne pas exister. C’est d’ailleurs ce qui génère des problèmes avec le contrat de mobilité, de même que la situation que nous connaissons à Bobigny, où l’on cherche à s’adapter localement en passant outre le cadre réglementaire. On refuse constamment de se préoccuper de la charge de travail, des moyens de subsistance, de la rémunération ainsi que des conditions matérielles de travail et de vie des agents. Cette attitude explique ce point de vue sur les questions immobilières.

Nous avons également été surpris que de constater, pour certains chefs de cour en outre-mer, la priorité, en matière d’amélioration des conditions de travail, soit de repeindre le tribunal. Or, cette considération est secondaire pour ceux qui font vivre la justice au quotidien, particulièrement quand on manque de tout.

M. Hervé Bonglet. En matière d’attractivité, un ensemble de facteurs entrent en jeu et nous ne devons pas placer tous les territoires sur le même plan.

Deux territoires se distinguent particulièrement par leur déficit d’attractivité : Mayotte et la Guyane.

Des dispositifs ont été mis en place, notamment les concours nationaux à affectation locale (Cnal), initiative plutôt positive puisqu’elle permet aux personnels originaires de ces territoires d’y être affectés après leur formation. Cependant, nous constatons un déficit de publicité, notamment en Guyane, où les candidats potentiels ne sont pas suffisamment informés de l’existence de ces concours.

Les problématiques d’attractivité s’avèrent particulièrement prégnantes à Mayotte et en Guyane en raison du déficit immobilier. Les juridictions sont traitées comme des juridictions métropolitaines, alors que les conditions climatiques impactent le vieillissement des bâtiments. Pour les agents, il est très difficile de se loger, notamment à Mayotte après le passage du cyclone Chido, qui a engendré une situation catastrophique, alors qu’il était déjà difficile de trouver un logement à Mamoudzou. Le ministère ne déploie manifestement aucune politique en la matière. De plus, quand la direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ) met en place une initiative, la direction de l’administration pénitentiaire (DAP) tente de la récupérer, tandis que la DSJ intervient ensuite comme elle peut. À Mamoudzou, par exemple, la DSJ avait recruté une personne chargée de trouver des logements pour les collègues nouvellement affectés, mais la DPJJ a finalement récupéré ce poste. Une politique ministérielle globale s’impose, incluant l’achat de terrains et la construction d’infrastructures adaptées, même si cela nécessite du temps.

Nous avons proposé la nomination, dans chaque territoire, d’un référent d’accueil dédié à l’accompagnement des nouveaux arrivants. Cette mesure permettrait une arrivée plus fluide et éviterait des désagréments. En 2022, lors de ma visite à Mayotte, de jeunes collègues, affectés depuis moins d’un an et résidant à Dzaoudzi, m’ont confié qu’ils n’avaient pas été informés des modalités de paiement des trajets sur la barge qu’ils doivent emprunter quotidiennement pour se rendre sur leur lieu de travail. Donner ces informations ne représente aucun coût, mais permettrait simplement d’apporter une assistance aux nouveaux arrivants.

Par ailleurs, nos collègues ont évoqué le contrat de mobilité applicable aux magistrats. Pour les fonctionnaires, cette disposition n’est pas possible pour des raisons statutaires. Dans la mesure où nous abordons cette question depuis un certain temps, il serait pertinent de rechercher des solutions, non pas pour contourner les règles, mais pour offrir aux personnes qui s’engagent à exercer durant un, deux ou trois ans à Cayenne, à Mamoudzou ou dans d’autres territoires ultramarins, la garantie d’obtenir, à leur retour, l’une des cinq ou six affectations métropolitaines qu’ils auront préalablement sélectionnées. Cette mesure contribuerait certainement à accroître le nombre de candidatures, car l’incertitude quant aux conditions de retour constitue un frein majeur.

Enfin, concernant la prime spécifique à l’Île-de-France, instaurée en raison du coût élevé de la vie dans cette région, pourquoi ne pas envisager sa transposition aux territoires ultramarins ?

M. le président Frantz Gumbs. Cette proposition est d’autant plus pertinente que des primes similaires existent déjà pour d’autres corps de fonctionnaires.

M. Davy Rimane, rapporteur. J’ai déjà exprimé mes réserves concernant cette notion d’attractivité. L’idée selon laquelle il faudrait rendre nos territoires attractifs pour pallier le déficit de personnels me préoccupe. Dans des territoires comme Mayotte et la Guyane, où la population compte une majorité de moins de 25 ans, de nombreux jeunes pourraient être formés pour occuper ces fonctions. Il conviendrait d’abord de susciter l’intérêt et l’appétence de nos jeunes pour ces métiers, ce qui n’est pas fait.

Le vieillissement prématuré des bâtiments s’explique aisément. Nous importons des matériaux depuis l’Europe, à huit mille kilomètres, pour construire dans des territoires au climat radicalement différent de celui de l’Hexagone. Malgré nos recommandations répétées d’utiliser des matériaux locaux et de s’inspirer des pratiques historiques d’adaptation à l’environnement, cette approche commence seulement à émerger. Selon l’Agence publique pour l’immobilier de la justice (Apij), pour les futures structures en Guyane et à Saint-Martin, l’utilisation de matériaux locaux, notamment le bois de la région, sera désormais intégrée.

Le problème fondamental réside dans l’environnement de travail. Lorsqu’un fonctionnaire envisage une mutation, il s’interroge légitimement sur les conditions professionnelles qui l’attendent, sur la qualité de l’immobilier et sur son cadre de vie quotidien. Les questions de logement, de déplacement, de scolarisation des enfants et d’opportunités professionnelles pour le conjoint constituent des préoccupations majeures. Sans réponses claires à ces questions, les candidats potentiels refusent de s’engager dans l’incertitude.

La question de l’attractivité ne peut se résoudre en un claquement de doigts. Or, depuis le début de nos travaux, cette question est systématiquement évoquée, avec deux territoires cités en tête : Mayotte et la Guyane. Nos territoires seront un jour attractifs et, en attendant, nous continuerons d’œuvrer pour améliorer cette situation dans la mesure de nos moyens.

En analysant les auditions réalisées, deux approches se distinguent. La première approche considère que, s’il existe certes un retard, des efforts et des investissements conséquents sont déployés dans différents territoires, permettant une amélioration. La seconde approche souligne que l’État n’a jamais véritablement adapté ses politiques aux réalités de nos territoires, qu’il s’agisse des spécificités environnementales, démographiques ou linguistiques. En Guyane, plus de quarante langues sont parlées, ce qui soulève la question des interprètes. Notons également les défis numériques et l’illectronisme. Comme nous le constations ce matin avec le directeur général des outre-mer, ces réalités sont connues depuis des décennies et, pourtant, en 2025, nous continuons de soulever les mêmes problématiques. Cette situation pénalise des citoyens qui se voient privés d’un accès à la justice et à leurs droits fondamentaux.

Au regard de votre analyse, quelles actions concrètes pourraient être entreprises, par le ministère ou les parlementaires, pour tendre vers la prise en compte de ces réalités et garantir à nos concitoyens un réel accès à leurs droits et à la justice dans ces territoires ?

Mme Catherine Solivellas. La DSJ a effectivement mis en place des dispositifs de soutien. Cependant, nous constatons des difficultés majeures quant à l’efficience de ces dispositifs.

Une cellule outre-mer spécifique a été créée pour accompagner les personnels affectés dans les territoires ultramarins et leur apporter un soutien technique. Nous avons toutefois constaté, d’après les retours de nos collègues, que les agents composant cette cellule ne se sont pas nécessairement rendus en outre-mer et méconnaissent donc les problématiques de terrain. Or, seule une confrontation aux difficultés permet d’apporter des solutions adaptées. Un autre problème concerne les horaires, car, ce service, basé à Paris, opère selon les horaires métropolitains, totalement inadaptés aux besoins des Ultramarins. Créer des outils qui ne correspondent pas aux réalités du terrain s’avère inefficace.

Le dispositif immobilier est également à repenser. Un contrôle qualité des services proposés serait intéressant. Les collègues nous rapportent que l’accompagnement à la recherche de logement repose sur des agences immobilières sélectionnées par le ministère, sans visite préalable des lieux, avec des photographies datant d’une décennie. Comme vous l’avez souligné, les bâtiments se détériorent plus rapidement qu’en métropole en raison des conditions climatiques. Cette situation engendre inévitablement une déception à l’arrivée, lorsque la réalité ne correspond pas aux attentes.

La question de l’attractivité des territoires ultramarins implique de lutter contre les préjugés. Le déficit d’attractivité de la Guyane ou de Mayotte résulte notamment d’une perception de ces territoires comme des lieux où sont envoyées les personnes faisant l’objet d’une sanction disciplinaire. Les aspects positifs des métiers et de la vie locale, y compris pour les personnels non originaires de ces territoires, ne sont pas assez présentés. Nous avions d’ailleurs formulé plusieurs propositions en ce sens. L’École nationale des greffes (ENG), qui assure la formation des cadres greffiers et des directeurs, devrait par exemple accueillir des collègues ultramarins qui viendraient partager leur expérience. Je peux témoigner personnellement que, lors de mes déplacements en Guyane, j’ai découvert une réalité qui diffère totalement de l’image véhiculée au sein du ministère.

Mme Corinne Lambla. Pour favoriser le recrutement local, bien qu’il existe déjà les Cnal, il serait judicieux de créer des forums des métiers dans les établissements scolaires et universitaires. Force est de constater que nos professions de greffiers, cadres greffiers et directeurs des services judiciaires sont très méconnues. Lorsque nous évoquons la justice avec les jeunes lors des forums auxquels j’ai pu participer, ils mentionnent spontanément les avocats et les magistrats, mais ignorent les autres métiers. C’est précisément en valorisant nos métiers auprès des établissements scolaires que nous parviendrons à susciter l’envie, pour des personnes locales, de s’intéresser à ces fonctions et de passer les concours.

M. Guillaume Grassaud. Le mot « attractivité » – actuellement à la mode dans de nombreux ministères, et particulièrement dans le nôtre – recouvre une réalité différente selon l’interlocuteur. Pour le ministère, l’attractivité signifie attirer suffisamment de candidats pour pourvoir les postes vacants. Notre vision, en revanche, considère l’attractivité sous un angle différent : nous recherchons des agents souhaitant être là et connaissant les réalités du territoire où ils exerceront leurs fonctions et construiront leur vie. Cette dimension fait défaut aujourd’hui.

Concernant les recrutements locaux, notamment en Guyane, où la population est particulièrement jeune, la question est : quelle est l’image de notre ministère auprès de cette jeunesse ? Les jeunes ont-ils envie de travailler au ministère de la justice quand on constate l’image de notre institution ? Un travail de fond s’impose, non seulement sur la connaissance de nos métiers, mais aussi sur la représentation du rôle de l’État et de notre institution dans ces territoires.

La Nouvelle-Calédonie illustre parfaitement cette problématique : notre système judiciaire n’intègre pas le droit coutumier à sa juste valeur. Le pardon coutumier et le dialogue entre auteur et victime constituent des éléments essentiels de la culture locale que notre système judiciaire ne comprend pas. La question de la connaissance et de l’acclimatation, pour ceux qui viendraient de métropole, s’avère cruciale. Des formations peuvent être proposées aux agents, mais encore faut-il vivre avec la population. Les récents événements en Nouvelle-Calédonie ont montré que les chefs de cour d’appel ont mis très vite fin au plan de continuité d’activité malgré la persistance des émeutes, tandis que nos personnels continuaient à vivre dans des quartiers non sécurisés. L’État employeur a été défaillant vis-à-vis de nos collègues. L’attractivité implique que tous les agents vivent la même réalité en outre-mer, ce qui n’est pas le cas actuellement.

Il faut être franc sur les conditions de vie pour donner envie. La mauvaise réputation d’un territoire se propage bien plus rapidement que sa bonne réputation : un seul témoignage très négatif peut entacher l’image d’un territoire pendant quinze ou vingt ans. L’enjeu consiste à multiplier les expériences positives, objectif dont nous sommes encore très éloignés.

Pour la première fois, sous l’impulsion du nouveau directeur des services judiciaires, un groupe de travail relatif à la Guyane a été constitué. Lors de ce groupe de travail, les représentants des quatre organisations syndicales présentes aujourd’hui ont pu évoquer la réalité du terrain. L’administration s’est engagée à mener certaines réflexions, notamment sur la création d’un poste dédié à l’accompagnement des agents au sein du service administratif régional. Cet accompagnement comprend l’assistance à certaines démarches, avant même l’arrivée des agents sur le territoire, comme l’inscription des enfants à l’école, procédure impossible à réaliser si l’on arrive le 1er septembre sans adresse établie. Sans famille sur place pour effectuer ces démarches, nos agents se retrouvent livrés à eux-mêmes. Une personne chargée de famille hésitera à s’installer en Guyane sans ce soutien administratif essentiel.

Un autre obstacle majeur à l’attractivité réside dans l’absence de prise en charge des frais de déménagement lors de l’arrivée en outre-mer dans le cadre d’un premier poste. Un tel déménagement est onéreux. Comment convaincre un agent, particulièrement avec le niveau de rémunération de certains premiers postes, de s’installer en outre-mer s’il doit assumer personnellement ces coûts ? Cette problématique relève de textes de la fonction publique, qui nécessitent une modification. Un agent sortant de formation ne dispose généralement pas des ressources suffisantes pour financer un tel déplacement. Doit-il s’endetter ou partir sans effets personnels ?

Certains territoires, comme Papeete, ne rencontrent pas de problème d’attractivité à proprement parler. Toutefois, la suppression de l’indemnité temporaire de retraite engendre d’autres difficultés, avec des problèmes liés au coût de la vie, communs à plusieurs territoires. Notre priorité doit porter sur l’amélioration des conditions d’arrivée de nos agents. Il convient également de s’interroger sur la pertinence de reproduire les habitudes de consommation métropolitaines dans ces territoires, rejoignant ainsi vos observations sur les marchés publics et la construction. Ne devrions-nous pas mettre en valeur auprès des agents la richesse et la production locale ? Cette démarche relève de l’accompagnement.

Concernant les marchés publics que vous évoquiez, je souhaite souligner qu’ils sont conçus depuis Paris, avec une vision interministérielle hexagonale, et ne correspondent pas, dans la majorité des cas, aux besoins spécifiques de nos différents territoires. Cette inadéquation ne se limite pas à l’immobilier, mais s’étend à tous les domaines. Pour illustrer ce propos, il suffirait parfois de confier la réparation d’un ordinateur à un professionnel situé à proximité du tribunal judiciaire, permettant ainsi de récupérer l’équipement dans la journée. À l’inverse, lorsqu’un ordinateur doit effectuer un aller-retour en avion vers la métropole pour être réparé, le système devient inopérant. L’administration ne comprend pas la richesse de nos territoires ultramarins. Nous constatons une perception erronée selon laquelle tout devrait provenir de métropole, alors qu’un grand nombre de ressources existent déjà localement. Au-delà même de la richesse culturelle, une véritable richesse économique se développe sur place. En tant que fonction publique d’État, nous avons également la responsabilité de contribuer au dynamisme de cette économie locale. Les règles actuelles des marchés publics rendent cette contribution impossible.

M. le président Frantz Gumbs. Vous soulignez tous la nécessité de comprendre la réalité du territoire pour améliorer votre adaptation et votre efficacité dans vos zones d’affectation. Comment le système judiciaire est-il perçu par les citoyens ultramarins ? La population ultramarine peut-elle accorder sa confiance à l’institution judiciaire lorsqu’elle s’y trouve confrontée ?

M. Hervé Bonglet. Sur cette question, la situation me paraît sensiblement identique à celle observée en métropole. La confiance des citoyens envers la justice s’érode progressivement. Notre position au cœur de la machine nous place peut-être au mauvais endroit pour identifier précisément les causes et les solutions. Nous déployons tous les efforts possibles pour améliorer la situation.

De plus, les hommes et les femmes politiques, ainsi que les journalistes, ont peut-être leur part de responsabilités sur ce point. En effet, ces dernières années, nous observons des attaques régulières contre l’institution judiciaire dans son ensemble. Le Président de la République, le Premier ministre et le ministre de la justice ont normalement pour mission de défendre l’institution, de signaler les excès et de rectifier les contrevérités. Ils devraient rappeler la nécessité d’éviter les déclarations à l’emporte-pièce. Ces attaques, souvent dirigées contre les magistrats, les avocats ou l’institution dans sa globalité, affectent l’ensemble des agents. Les services judiciaires comptent 22 000 personnels, mais la justice mobilise au total 90 000 agents qui se sentent visés lorsque l’institution est attaquée. Cette situation est difficile à vivre et peut contribuer au déficit d’attractivité. Nos équipes ont parfois l’impression de vider l’océan à la petite cuillère, particulièrement lorsque nous ne parvenons pas à réduire les piles des dossiers en juridiction.

En tant que magistrats, fonctionnaires et personnels pénitentiaires, nous ne réussissons peut-être pas suffisamment à expliquer et valoriser notre action. Nous sommes également des êtres humains confrontés à nos propres difficultés tout en assurant une mission de service public. Si le système judiciaire fonctionne encore, nous le devons à la conscience professionnelle des personnels de greffe. Comme l’évoquait mon collègue, nous dépassons régulièrement les limites légales en matière d’horaires de travail. Sans cet engagement, le navire de la justice aurait sombré depuis longtemps. Ce point est problématique.

Permettez-moi néanmoins de relever quelques éléments positifs.

À l’ENG, des collègues de Mayotte et de Guyane intervenaient auprès des futurs greffiers au moment de leur choix d’affectation. Cette pratique, moins systématique aujourd’hui, présentait un intérêt considérable. Ces collègues, particulièrement motivés, encourageaient les nouveaux venus à rejoindre leurs territoires en vantant la qualité de vie. Pour l’attractivité des postes, aucune action ne surpasse cette approche.

Je souhaite également indiquer qu’à Mamoudzou, nous avons rencontré une douzaine de collègues d’origine mahoraise qui ont débuté comme traductrices avant d’être recrutées comme adjointes administratives au sein de la juridiction. Certaines y exercent depuis dix, quinze, voire vingt ans. C’est l’exemple même d’une véritable intégration, qui fait vivre le territoire : il mériterait d’être généralisé.

M. Jean-Jacques Pieron. Notre réflexion ne doit pas se limiter à rendre les métiers de greffe attractifs d’une manière générale. Nous devons veiller à ce que les populations issues des territoires ultramarins puissent, elles aussi, avoir plus que jamais la possibilité d’intégrer l’institution judiciaire et ses professions. Nous pourrons élaborer tous les dispositifs d’attractivité que nous voudrons, mais c’est sur ce point, souvent oublié, que l’institution devra se concentrer.

M. Christophe Douchet. Concernant l’attractivité, je ne pense pas que Cayenne soit moins attractive que la Creuse.

L’enjeu réside dans l’appropriation, par les populations locales, de leur justice, ce qui passe par l’éducation. Il est impératif de relever le niveau d’éducation sur ces territoires. Il me semble que le dernier rapport de l’Insee fait état d’un taux d’illettrisme de 29 % en Guyane, ce qui interpelle et ne devrait pas exister. Sur l’ensemble des autres territoires, nous constatons des taux oscillant entre 15 et 20 % d’illettrisme. L’éducation constitue donc la clé.

Actuellement, de nombreux postes de catégorie C sont occupés par des locaux, mais, plus on s’élève dans les catégories, plus la proportion de métropolitains augmente.

Il est significatif de noter que la première présidente réunionnaise d’une juridiction n’a été nommée qu’il y a six ou sept ans. Je ne dispose pas d’informations précises concernant les autres territoires, mais je doute qu’il y ait eu des présidents locaux. Notre capacité d’action est limitée sur ce point.

Nous vous proposerons des leviers d’attractivité dans le questionnaire, mais l’objectif ultime, relevant de la responsabilité politique, devrait être d’élever le niveau pour développer les compétences nécessaires localement.

Par ailleurs, la perception de la justice varie considérablement selon les territoires. À La Réunion, par exemple, la population témoigne d’un profond respect pour ce qu’on appelle localement « la loi », plutôt que « la justice ». En Nouvelle-Calédonie, un grand respect existe également, malgré les problématiques politiques liées aux questions d’indépendantisme et de référendum. Cette confiance en la justice, présente dans beaucoup de territoires, risque d’être compromise si nous persistons à rendre la justice comme nous la rendons quelques fois. Il est primordial de préserver cette confiance.

Mme Corinne Lambla. Étant originaire de la Guadeloupe et y ayant exercé, je tiens à souligner que la difficulté majeure pour les personnels de catégorie C souhaitant accéder aux catégories B ou A réside dans l’obligation de suivre une formation en métropole sans garanties de retour. Cette contrainte conduit souvent les agents à renoncer à toute progression professionnelle.

En Guadeloupe, qui est une petite île, la perception de la justice est très négative. Lorsque des usagers sont interpellés, ils supposent l’existence de « copinages ». De nombreux facteurs entrent en jeu. La justice y a donc mauvaise presse.

M. le président Frantz Gumbs. Je n’ai pas compris : qui serait concerné par les « copinages » ?

Mme Corinne Lambla. Cette idée qu’il existe des copinages concerne les affaires impliquant un élu ou un avocat.

M. Cyril Papon. Je ne peux pas répondre à votre question sur les actions à mener rapidement.

Au-delà du centralisme hexagonal, un point est à noter. Lors de mon premier déplacement aux Antilles et en Guyane, au cours duquel j’ai pu rencontrer des collègues et observer leurs conditions de vie et de travail, j’ai constaté qu’ils avaient le sentiment que les personnes occupant les plus hautes responsabilités dans ces territoires conservaient un prisme colonialiste plus ou moins marqué. Or, ce prisme empêche la prise en compte des besoins locaux. Quand on adopte une posture de supériorité, il devient impossible de prendre en compte les besoins et la réalité des populations.

Il y a quelques années, lors d’un déplacement à La Réunion, un collègue mahorais nous avait interpellés, car il était victime de racisme de la part d’autres fonctionnaires, magistrats métropolitains. Les tensions existent également entre communautés ultramarines, notamment entre Réunionnais et Mahorais.

Je tiens à rappeler que Mayotte est occupée illégalement par la France au regard du droit international, droit du reste de plus en plus maltraité, y compris par la France actuellement. Malgré la volonté de la France d’occuper illégalement ce territoire, les efforts ne sont pas faits pour donner les moyens, non seulement à la justice, mais à l’ensemble des services publics, d’en assurer le fonctionnement normal et de garantir l’égalité des droits. L’égalité sur l’ensemble du territoire français, principe constitutionnel enseigné dès le plus jeune âge, s’avère en réalité totalement illusoire.

Je note qu’il aura fallu plus de dix ans pour qu’un Conseil des prud’hommes soit enfin créé à Mayotte, alors que cette dernière était devenue un département. Cette situation illustre le manque de priorité accordée à ces territoires. Leur occupation semble primer, au mépris du droit des populations d’accéder à une justice rendue de la moins mauvaise façon possible – rendre une justice de la meilleure façon possible n’étant plus envisageable au regard des difficultés de l’institution depuis de nombreuses années et des moyens insuffisants qui lui sont octroyés. Force est de constater que, sur certains territoires, la justice est encore moins bien rendue que sur d’autres.

M. Elie Califer (SOC). Si nous avons souhaité obtenir cette commission d’enquête sur le fonctionnement de la justice, c’est par conviction qu’il existe de réels problèmes.

Nous avons banni depuis longtemps, dans nos discours, les termes « métropole » et « métropolitain », en faveur de termes comme « Hexagone » et « Ultramarins », bien que ce dernier puisse également susciter des réserves. Le terme « métropole » renvoie à l’époque de la colonie historique. Se présenter d’emblée comme « métropolitain de la métropole » traduit déjà une approche problématique, d’autant plus lorsqu’on adopte une posture de supériorité.

Madame, vous avez suggéré que des agents seraient envoyés dans les territoires ultramarins pour des raisons disciplinaires. Dans ce contexte, ces fonctionnaires sont-ils performants ?

Par ailleurs, peut-on rendre « vaille que vaille » une justice de qualité sur ces territoires ?

Ensuite, existe-t-il des similitudes dans l’absence de prise en compte des singularités des territoires ? La non-considération des aspects culturels et des coutumes peut-elle se voir dans d’autres territoires, comme, par exemple, en Bretagne ?

J’ai entendu précédemment que, si nous continuons à rendre la justice de cette manière, nous perdrons le combat. Comment rend-on la justice sur nos territoires ?

Par ailleurs, vous évoquiez l’information autrefois transmise par les Ultramarins eux‑mêmes à ceux qui souhaitaient travailler dans nos territoires, une démarche que vous qualifiez d’excellente. Pourquoi avoir interrompu ce dispositif ?

En outre, nous, députés ultramarins, avons été interpellés par des greffiers exprimant un malaise terrible. Nous avons dû intervenir auprès des syndicats, ce qui a créé des tensions au niveau local. Ces greffiers ressentent une forme de plafonnement dans leur évolution professionnelle en tant qu’Ultramarins. Vous venez d’indiquer qu’une mobilité est nécessaire pour progresser dans sa carrière. N’existe-t-il pas des tableaux d’avancement ?

Quelqu’un a indiqué que, lorsqu’on est au cœur de l’institution et que l’on ne parvient pas à faire baisser les piles de dossiers, cela pose problème. Lorsque ces piles de dossiers sont traitées, tient-on véritablement compte de la réalité et du contexte pour rendre une justice de qualité, appréciable et appréciée des justiciables ? Nous avons besoin d’éléments qui nous permettraient d’agir.

Concernant le développement de nos territoires, nous menons ce combat depuis longtemps. Il est anormal que des territoires, qui sont des départements français, se trouvent dans cette situation. Pour obtenir le moindre coup de peinture, il faut systématiquement un mouvement venant des organisations syndicales ou l’intervention d’un député. Alors que les Algeco sont vieillissants, nous attendons toujours la réalisation des programmes de construction, notamment à la cour d’appel de Basse-Terre. Parfois, certains magistrats, y compris le président, en parlent avec sincérité, car ils ont certainement entendu une bonne parole, mais, en creusant, nous apprenons que les programmations ne sont pas encore réalisées.

Je vous invite à exprimer clairement les problématiques rencontrées afin que le travail de notre commission d’enquête puisse avancer efficacement.

Mme Catherine Solivellas. Il est effectivement essentiel d’aborder l’aspect qualitatif des services. Bien qu’il existe un regard biaisé, du point de vue de l’Hexagone, concernant les postes dans les territoires ultramarins souffrant d’un déficit d’attractivité – choisis en dernier ou parfois présentés comme une menace de sanction disciplinaire –, je tiens à souligner que ces territoires bénéficient d’un investissement des collègues et d’une résilience sans équivalent ailleurs. Quelles que soient les circonstances, le service public de la justice y est assuré, ce qui mérite d’être souligné.

Ensuite, je souhaite également revenir sur un point important concernant la confiance des citoyens envers leur justice et l’accès qui leur est octroyé. Cet accès repose sur deux éléments : la confiance en sa justice et la compréhension de son fonctionnement. Les citoyens doivent percevoir la justice comme un service public, dont ils peuvent avoir besoin. Dans cette perspective, il est impératif de développer les maisons de justice et du droit, car elles constituent des lieux de synergie significative réunissant divers partenaires de justice aux rôles complémentaires. On peut y trouver un écrivain public, un juriste spécialisé dans les conflits familiaux ou encore une aide concernant le surendettement. Ces structures offrent un soutien particulièrement adapté et, étant extérieures aux bâtiments de l’institution, les citoyens s’y rendent plus facilement.

Enfin, pour comprendre la justice et donc y avoir accès, il faut pouvoir la comprendre littéralement. La question de l’interprétariat représente un véritable enjeu. L’intelligence artificielle pourrait offrir un petit soutien. Une traduction en plusieurs langues pourrait être envisagée pour les formulaires Cerfa nécessaires pour saisir la justice ou simplement pour comprendre une question juridique.

M. Guillaume Grassaud. Concernant les difficultés liées à la réalisation des programmes immobiliers, il manque un échelon dans l’organisation du ministère en outre-mer. Habituellement, nous disposons du service administratif régional pour les opérations d’entretien courant, d’un département immobilier et de l’Apij. Cependant, le ministère n’a pas développé de département immobilier en outre-mer. Le service administratif régional, qui assure les entretiens courants, ne possède pas les compétences requises pour réaliser les entretiens plus lourds. L’Apij, établissement public situé en métropole, qui gère les grands projets, comme la restructuration de la cour d’appel de Paris, concentre son action sur les projets d’envergure majeure. Cette organisation crée une lacune dans nos territoires ultramarins où les bâtiments se dégradent progressivement. Cette détérioration atteint un niveau tel qu’il devient nécessaire de construire ou reconstruire plutôt que d’effectuer un entretien lourd. Ce défaut structurel du ministère, bien que connu et supposément traité par notre secrétariat général actuellement, affecte considérablement tous nos établissements ultramarins, tant les services judiciaires que pénitentiaires.

M. Jean-Jacques Pieron. Une justice de qualité repose d’abord sur la possibilité d’accéder à la justice en tout point du territoire. Ayant exercé dans ce qu’on appelait autrefois des tribunaux d’instance, que je qualifiais de justice de proximité, j’ajoute un élément : chaque affaire doit être jugée dans des délais raisonnables. L’État, vous le savez mieux que moi, est régulièrement condamné en raison de ses délais de jugement. Chaque affaire de voisinage, de bornage ou de toute autre nature, constitue pour le justiciable l’affaire du siècle et le reste lui importe peu.

M. Jean-Philippe Nilor (LFI-NFP). Nous avons compris qu’il existe un déficit d’attractivité, notamment dans certains territoires, peut-être ceux dépourvus de plages et d’eaux turquoise. Toutefois, au-delà de la carte postale, Mayotte et la Guyane regorgent de richesses. Cette attractivité doit en effet être renforcée pour les non originaires, ce qui nécessite d’expliquer les réalités locales et de faciliter les démarches.

Ma question relative à l’immobilier a déjà reçu une réponse. Les failles du système apparaissent.

S’il faut effectivement faciliter l’intégration, nous n’avons pas d’alternative : il est également crucial de susciter l’attractivité auprès des jeunes originaires. Un tel vivier ne peut rester inutilisé. Diverses solutions ont été avancées, qu’il s’agisse des Cnal ou de recrutements locaux, mais l’action devient urgente. Dans le cas contraire, nous risquons d’exacerber le sentiment d’une justice où les justiciables sont des originaires, tandis que ceux qui la rendent au nom de l’État ne leur ressemblent pas du tout. Les justiciables peuvent penser que, fort heureusement, les avocats, souvent issus des mêmes conditions et origines qu’eux, peuvent assurer leur défense. Cependant, même là, il existe des problèmes liés à la position de supériorité entre avocats et juges. La justice ne saurait être rendue efficacement par quelqu’un qui ne maîtrise pas les rudiments de l’histoire et de la culture du territoire et qui s’avère incapable de comprendre véritablement les situations.

J’ai personnellement vu des personnes non francophones avouer des délits qu’elles n’avaient pas commis, car elles étaient intimidées par la solennité de la robe et de la cour.

J’ai également compris, à travers vos explications, que nous recevons majoritairement, sauf exception, des profils de moindre qualité. Nous ne bénéficions pas des meilleurs éléments en termes de compétences, de prestation et de déontologie. Si nous accueillons davantage de profils problématiques qu’ailleurs, cela ne fait que renforcer la perception d’une justice biaisée. Je parle spécifiquement des magistrats, car ces profils de moindre qualité sont plus fragiles et tentés par la corruption ou simplement par la subordination. À la Martinique, on observe une hiérarchie bien établie entre les « gros » et les « petits ». Si les juges qui arrivent sur le territoire sont incompétents, il n’est guère surprenant que les personnes modestes, que je représente, ressentent que la justice favorise systématiquement les puissants. À titre d’exemple, alors que les békés représentent 5 % de la population martiniquaise, leur présence à la prison de Ducos est statistiquement nulle. Soit ils sont parfaits, soit ils s’arrangent pour ne pas être sanctionnés par la justice. Ces réalités statistiques interpellent et alimentent ce sentiment.

Contrairement à mon collègue, je tiens à préciser que le terme « métropole » ne me choque nullement, car j’estime qu’il existe encore une métropole fonctionnant comme telle, et qui dit « métropole » dit « colonie ». Je ne parle pas d’anciennes colonies, mais de néo-colonies. Jusqu’à présent, la France n’a pas démontré qu’elle était sortie de ce logiciel colonial. Vous pouvez donc sans crainte employer les termes « métropole » ou « colonialisme » : cela ne me choque pas. Au contraire, cela renforce mes convictions.

M. le président Frantz Gumbs. M. Nilor exprime une opinion personnelle, qu’il assume.

Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). À l’écoute de vos interventions, ce que je retiens, c’est que l’attractivité seule demeure insuffisante. La fidélisation constitue un enjeu crucial, car on peut temporairement rendre un territoire attractif par des incitations financières, notamment avec une prime relative à la vie chère, mais, si les agents restent deux ans, c’est peu. La fidélisation représente donc un objectif plus pertinent.

Je suis convaincue de la nécessité de former nos jeunes localement pour qu’ils puissent demeurer sur leur territoire, dont ils connaissent les spécificités. En tant que Réunionnaise, j’ai personnellement dû quitter La Réunion, tandis que certaines de mes amies, désireuses de rester, n’ont pas pu poursuivre les études qu’elles souhaitaient. Mon père lui-même, qui souhaitait passer un concours, a choisi de ne pas quitter La Réunion en raison de ses attaches familiales. Comment remédier à cette situation ? Comment permettre à nos jeunes, notamment aux agents de catégorie C, de progresser dans leur carrière sans faire ce sacrifice ? La création d’antennes locales ne constituerait-elle pas une solution adéquate, permettant aux candidats de passer les concours tout en poursuivant leur formation sur place ? Dans le cas contraire, nous perpétuerons un système où seuls des métropolitains occuperont certaines fonctions, empêchant nos jeunes de s’identifier à ces modèles. Le problème dans les territoires d’outre-mer réside dans cette absence de représentativité dans certaines professions, puisque les Créoles n’occupent jamais certaines fonctions. Êtes-vous convaincus que le développement de formations localisées constitue la voie à suivre ? Nous évoquions précédemment l’organisation de forums pour renforcer l’attractivité, mais la possibilité de se former localement s’avère tout aussi essentielle. Au sortir du baccalauréat, les jeunes doivent pouvoir envisager diverses orientations et disposer de véritables choix. Personnellement, je n’ai pas eu cette liberté et j’ai dû partir. Offrons au moins à nos jeunes cette possibilité de choisir.

Mme Corinne Lambla. Actuellement, il n’existe qu’une seule école nationale qui forme les greffiers, située à Dijon. Il revient aux parlementaires de porter un projet visant à créer des antennes dans les territoires d’outre-mer.

M. Hervé Bonglet. Je souhaiterais pondérer les propos précédents. Effectivement, l’ENG se trouve à Dijon. Pendant de nombreuses années, les candidats de La Réunion, de Martinique ou de Guadeloupe étaient contraints non seulement de s’y former, mais également d’effectuer leur première affectation en tant que greffier ou directeur en métropole. Toutefois, ces dernières années, nous avons signé des accords et réussi à obtenir des promotions possibles. Dès 2014, des dispositifs de promotion d’agents de catégorie C vers des postes de greffier ont été mis en place. Récemment, nous avons conclu un nouvel accord offrant des possibilités similaires, avec une affectation sur place. Concrètement, les agents recrutés localement en catégorie C souhaitant rester à La Réunion, en Martinique ou en Guadeloupe, pourront y demeurer tout en accédant au grade de greffier. Ils devront simplement effectuer dix semaines de formation à l’ENG de Dijon avant de revenir dans leur territoire d’origine. Cette avancée est très intéressante, bien qu’elle s’applique également dans d’autres juridictions en métropole. Certes, ce dispositif reste soumis à certaines conditions particulières, mais il constitue néanmoins une amélioration notable. En 2014, 800 agents de catégorie C ont accédé au statut de greffier. Prochainement, 700 agents supplémentaires, qui exerçaient déjà des fonctions de greffier, pour certains depuis plusieurs années, seront titularisés à ce grade. Ils choisissent immédiatement leur affectation, généralement sur leur territoire.

M. le président Frantz Gumbs. Je vous remercie pour vos interventions qui ont considérablement enrichi nos travaux. Vous avez exprimé des perspectives sensiblement différentes de celles des autres catégories de personnels du ministère de la justice que nous avons entendus, ce qui est probablement naturel. Je vous remercie de votre honnêteté à l’occasion de cette audition.

La séance s’achève à dix-huit heures quinze.

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Membres présents ou excusés

 

Présents. – M. Elie Califer, M. Frantz Gumbs, M. Jean-Philippe Nilor, Mme Sandrine Nosbé, M. Davy Rimane, M. Joseph Rivière

Excusé. – M. Philippe Gosselin