Compte rendu

Commission
des affaires culturelles
et de l’éducation

 Projet de loi de finances pour 2026 (n° 1906 – seconde partie) : audition de M. Edouard Geffray, ministre de l’Éducation nationale, et examen pour avis des crédits de la mission Enseignement scolaire (M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis)              2

 Informations relatives à la commission              41

 Présences en réunion              42

 

 


Mardi
4 novembre 2025

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 14

session ordinaire de 2025-2026

Présidence de
M. Alexandre Portier,
Président

 


La séance est ouverte à seize heures trente.

(Présidence de M. Alexandre Portier, président)

La commission auditionne, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2026 (n° 1906  seconde partie), M. Edouard Geffray, ministre de l’Éducation nationale, et examine pour avis les crédits de la mission Enseignement scolaire (M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis).

M. le président Alexandre Portier. Avant d’entamer l’examen des crédits de la mission Enseignement scolaire, nous avons le plaisir d’auditionner le nouveau ministre de l’éducation nationale.

M. Édouard Geffray, ministre de l’éducation nationale. Je vous remercie de me recevoir pour échanger avec vous sur les enjeux du système éducatif, en lien avec le projet de loi de finances (PLF). Jeudi sera la Journée nationale de lutte contre le harcèlement à l’école : ce problème, que vous avez tous rencontré dans vos territoires et peut-être personnellement, constitue l’une de mes priorités.

Le premier défi que nous devons relever est démographique. Si la France était un bateau, l’école en serait la figure de proue, en première ligne pour essuyer cette vague immense. En 2024, 660 000 enfants sont nés, contre plus de 800 000 dix ans plus tôt. Il faut nous projeter à quinze ou vingt ans : nous devons travailler aussi bien pour l’enfant déjà dans le système scolaire que pour celui né en 2025, qui entrera à l’école en 2028 et passera le bac en 2043. À ce moment-là, le système éducatif abritera 20 % d’élèves en moins. Entre la rentrée 2019 et la rentrée 2029, le premier degré aura perdu 1 million d’élèves ; au total, d’ici à 2035 ou 2040, le système scolaire aura perdu 2 millions d’élèves. Soit nous laissons la démographie dicter l’avenir du système éducatif année après année, soit nous nous adaptons pour anticiper l’évolution.

Dans un avenir plus immédiat, j’ai établi trois priorités.

En premier vient le niveau des élèves. Cela ne va pas sans la formation, initiale et continue, des professeurs : pour avoir des élèves bien formés, il faut des professeurs compétents, que leur institution accompagne et soutient – ce dernier point est essentiel. Le PLF prévoit de financer la réforme du recrutement, en cours, qui place le concours en troisième année de licence (L3) et le fait suivre d’un master rémunéré.

Deuxièmement, il faut lutter contre les inégalités scolaires. Elles sont d’abord territoriales. En nous mobilisant sur 15 % des collèges, nous pourrons prendre en charge 40 % de la très grande difficulté. Je suis partisan d’une action ciblée sur ces établissements, dont plus de la moitié des élèves n’obtiennent pas le diplôme national du brevet (DNB).

Viennent ensuite les inégalités culturelles, qui sont un des premiers vecteurs de discrimination. Celles entre les filles et les garçons concernent notamment les matières scientifiques : je m’inscrirai dans les pas de ma prédécesseure, avec les travaux « Femmes et sciences » et le plan Filles et maths.

La santé physique et psychique des élèves constitue ma troisième priorité. Un tiers des jeunes âgés de 11 à 24 ans présentent des troubles anxieux ou dépressifs – les filles sont deux fois plus touchées que les garçons. À l’entrée en seconde, ils sont 45 %. Nous devrons donc mener à la fois des politiques de prévention, en particulier concernant l’exposition aux écrans, puisque c’est l’une des principales causes de la dégradation de la santé mentale, et de prise en charge, dans la perspective d’une orientation efficace vers la médecine de ville. L’école ne peut pas tout résoudre toute seule, mais elle doit être au cœur de l’action en faveur de la santé physique et psychique des élèves.

Quel que soit le sujet, nous devons obéir à deux exigences. Il faut certes nous montrer lucides et partager les informations. Cela implique de travailler à long terme, et non seulement à l’horizon de la prochaine rentrée – laquelle nous mobilise évidemment tous les jours. Mais nous avons aussi une obligation d’espoir collectif. Nous avons parfois tendance à peindre un tableau sombre de l’école. Tout n’y va pas bien, et je ne tairai aucune de ses difficultés, mais elle possède de grandes forces. Elle peut s’appuyer sur ses 1,2 million d’agents, dont 800 000 professeurs, 149 000 accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) et 7 000 infirmiers ; tous mobilisés, ils font notre fierté et nourrissent notre espérance. En outre, on constate que certaines évolutions ont produit des améliorations objectives. Je pense notamment au dédoublement des classes de CP et de CE1 en éducation prioritaire : il a réduit les écarts avec les autres écoles – de 6 à 9 points en mathématiques, ce qui est considérable. Le travail entamé dans le second degré doit également être poursuivi.

Doté de 63 milliards d’euros, le budget de l’éducation nationale reste le premier de l’État. Il a augmenté de 30 % depuis 2017 et il continue de le faire, avec quelque 200 millions d’euros et plus de 5 300 postes supplémentaires. Il faut l’articuler avec les enjeux et les priorités que j’ai évoqués.

Ce budget tient compte de la chute de la démographie, qui ne cesse de s’accélérer. La courbe illustrant l’évolution des effectifs d’élèves dans le premier degré entre 2009 et 2027 le montre clairement : croissante jusqu’en 2016, elle s’inverse ensuite, de sorte qu’en 2029, il y aura 1 million d’élèves de moins qu’en 2019. Les discussions sur le calibrage seront évidemment de votre ressort, mais nous devons œuvrer ensemble pour amortir les effets négatifs de la chute démographique. On peut comparer cette évolution avec celle du nombre de professeurs, resté stable entre 2015 et 2024. En plaçant les deux sur un même graphique, on constate que nous n’avons pas suivi la démographie – je m’en réjouis.

Nous n’avons que partiellement répercuté l’évolution démographique, parce que nous ne pouvons pas ne pas tenir compte de réalités territoriales douloureuses. En effet, il nous faut profiter de cette triste aubaine pour tenter de faire mieux. Cela consiste d’abord à poursuivre la baisse progressive du nombre d’élèves par classe : à la rentrée 2026, ils seront 21 dans le premier degré, ce qui n’est encore jamais arrivé. Ensuite, c’est l’occasion de réfléchir à l’évolution de l’offre scolaire, en particulier dans les territoires ruraux, qui sont les plus touchés. Troisièmement, il faut mieux accompagner les élèves dans toutes leurs dimensions, donc aussi en dehors de l’enseignement. C’est pourquoi nous proposons de créer 300 équivalents temps plein (ETP) d’infirmiers scolaires, de psychologues de l’éducation nationale et d’assistants sociaux, et 1 200 ETP d’AESH. Nous avons également prévu d’ouvrir 300 postes supplémentaires au sein des unités localisées pour l’inclusion scolaire (Ulis). Enfin, parce que nous marchons sur deux jambes, instruire et protéger, nous voulons renforcer les contrôles, notamment du privé sous contrat, en créant 30 ETP d’inspecteurs et 60 ETP en appui administratif.

Le PLF doit aussi préparer l’avenir. J’ai évoqué la réforme de la formation initiale. Il est essentiel de réamorcer la pompe de l’attractivité, si je puis dire, pour pérenniser le recrutement à long terme. Cela aussi justifie d’amortir les effets de la démographie. La réforme se traduit par plus de 7 200 créations de postes pour l’enseignement public ; concrètement, nous augmenterons de 46 % le nombre de personnes recrutées au concours.

M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Cette année encore, malgré le contexte troublé, les crédits de la mission Enseignement scolaire sont préservés. Avec 89,6 millions d’euros d’autorisations d’engagement (AE), en incluant la contribution au compte d’affectation spéciale (CAS) Pensions, ils connaîtront une augmentation de 970 millions. En crédits de paiement (CP), la hausse atteindra 1 milliard. Dans les deux cas, l’augmentation sera d’environ 1,1 %, proche de l’inflation, estimée à 1,3 %. Ces crédits concourront à une grande stabilité, bienvenue après des années de réformes ambitieuses mais peu lisibles.

La seule réforme d’ampleur concerne le recrutement et la formation initiale et continue. Je salue son déploiement dans un contexte qui ne le favorisait peut-être pas : elle devenait indispensable pour renouveler l’attrait de certaines professions, enseignante en particulier.

À compter de cette année, les candidats pourront se présenter aux concours dès le niveau bac + 3, et les étudiants pourront s’inscrire dans la nouvelle licence préparant au professorat des écoles. Les lauréats des concours suivront deux années de formation, pendant lesquelles ils auront le statut d’élève fonctionnaire, puis de fonctionnaire stagiaire, et seront rémunérés : cette nouveauté est déterminante. L’éducation nationale se donne ainsi les moyens d’attirer les meilleurs profils ainsi que de diversifier son vivier de recrutement : pour les candidats les plus modestes, il sera moins risqué de préparer le concours.

L’application de cette réforme et l’organisation exceptionnelle de deux concours expliquent le schéma d’emplois positif de la mission.

En revanche, les effectifs d’enseignants baisseront, pour prendre en compte la diminution du nombre d’élèves. Un peu plus de 4 600 ETP seront supprimés, public et privé confondus : 2 240 environ dans le premier degré, 1 565 dans le second degré public et 810 dans l’enseignement privé sous contrat. Le personnel de santé, lui, bénéficiera de 300 ETP supplémentaires, ce que nous ne pouvons que saluer, eu égard aux carences observées en la matière.

Les crédits de la mission permettront de poursuivre l’essentiel des chantiers engagés pour garantir que tous les élèves acquièrent les savoirs fondamentaux, pour lutter contre les inégalités et pour garantir l’inclusion. Cela passe notamment par des investissements et des créations de postes ciblés sur ces priorités.

Ainsi, les moyens alloués à l’école inclusive continueront d’augmenter, accompagnant la hausse du nombre d’élèves en situation de handicap scolarisés : en 2026, 1 200 nouveaux emplois d’AESH compléteront le recrutement, en 2025, de 2 000 ETP. Les Ulis seront renforcées par 300 postes supplémentaires.

L’école inclusive ne saurait reposer sur l’addition de moyens, sans considération de leur usage. C’est pourquoi 500 nouveaux pôles d’appui à la scolarité (PAS) seront déployés afin d’offrir aux élèves en situation de handicap un accompagnement mieux adapté et de veiller à la complémentarité des aides qui leur sont fournies en milieu scolaire.

Le ministère accentue la lutte contre les assignations sociales et territoriales, en prévoyant de doter les publics fragiles de 500 postes. Par exemple, l’accueil dès 2 ans dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) est élargi, avec l’ouverture de 100 nouvelles classes de toute petite section. Les territoires éducatifs ruraux (TER) et les contrats locaux d’accompagnement (CLA) manifestent progressivement leur utilité ; ils seront renforcés.

L’enseignement agricole est essentiel. Dans un contexte de fort renouvellement des générations au sein des exploitations, il doit rester dans nos esprits. L’augmentation du nombre d’apprenants est un facteur d’optimisme ; nous devrons nous assurer que les moyens alloués soient appropriés.

Le contrôle des établissements privés sous contrat a également constitué une priorité des ministres qui se sont succédé ces dernières années. À la suite des dysfonctionnements qu’ont mis en lumière les travaux d’enquête de notre commission, son renforcement se poursuit. Là encore, il faudra que les moyens suivent.

Notre réflexion sur l’école de demain doit embrasser d’autres aspects. Comment bien accompagner les collégiens dans ce moment si particulier de leur scolarité et de leur vie qu’est l’adolescence ? Il serait pertinent d’individualiser les parcours, en prévoyant des options et en laissant aux établissements et aux élèves une véritable liberté. Par ailleurs, nous devons garder à l’esprit les défis que constituent les nouvelles technologies, car elles vont bouleverser tous les aspects de l’apprentissage et de la vie dans les établissements.

Je me suis plus spécifiquement intéressé au bilan du dédoublement des classes et du plafonnement des effectifs. Ce sont des leviers majeurs pour lutter contre les inégalités et assurer la réussite des élèves.

Entrepris à partir de 2017 pour les classes de CP, puis de CE1 et de grande section de maternelle, des réseaux d’éducation prioritaire (REP et REP+), le dédoublement constitue un effort significatif consenti en faveur des élèves les plus défavorisés. Dans les autres classes des mêmes niveaux, les effectifs ont été plafonnés à 24 élèves : sans exiger le même investissement, la mesure était également salutaire.

Pour permettre le dédoublement, on a redéployé les effectifs du dispositif « plus de maîtres que de classes » – il était utile mais sa mise en œuvre était trop hétérogène – et créé de nouveaux postes d’enseignants, affectés en priorité dans les écoles concernées.

Le dédoublement des classes continue de représenter un investissement substantiel, estimé à 800 millions d’euros par an. On entend parfois que cette mesure aurait dépouillé les zones rurales pour habiller les quartiers prioritaires de la politique de la ville. C’est faux : le taux d’encadrement s’est amélioré partout depuis 2017. Le dédoublement n’a pas davantage affecté la capacité à remplacer efficacement les enseignants absents.

Ses effets sur l’apprentissage sont visibles, en particulier pour les élèves les plus défavorisés, puisque l’amélioration des résultats est plus prononcée encore en REP+. En revanche, la question de la persistance des effets se pose : pour de nombreux élèves, le retour dans des classes non dédoublées peut entraîner des difficultés – nous devons y prêter attention. Le dédoublement a en outre assaini le climat scolaire et radicalement amélioré les conditions de travail des enseignants ; cela ne peut que contribuer au regain d’attractivité du métier. Il ne serait ni réaliste ni souhaitable de revenir sur cette mesure salutaire.

Pourtant, des pistes d’améliorations existent. Tout le monde s’accorde à le dire, la carte de l’éducation prioritaire est dépassée, mais le contexte politique ne permet pas de la réformer à court terme. Aussi serait-il opportun d’augmenter les marges de manœuvre des recteurs, afin qu’ils puissent adapter les décisions de dédoublement aux réalités des établissements.

Dans mon avis, j’évoque également le plafonnement à 24 élèves, en passe d’être achevé, sauf exceptions localement justifiées. Cet objectif a pu être atteint au prix de simples redéploiements de postes : la réussite a surtout reposé sur la diminution du nombre d’élèves.

Le ministère justifie la baisse des effectifs d’enseignants par celle du nombre d’élèves. L’an dernier, j’ai défendu un amendement tendant à annuler la suppression de postes. Je ne le ferai pas cette année, non seulement en raison de la dégradation de la situation budgétaire, mais aussi et surtout parce que cette baisse s’accélère et qu’elle est appelée à durer. En 2029, le système scolaire comptera 1 million d’élèves de moins qu’en 2019. Il y a eu 663 000 naissances en 2024, contre 832 800 en 2011 : cette baisse se répercutera forcément sur le nombre d’écoliers, mais aussi de collégiens et de lycéens.

Le maintien du personnel a permis d’améliorer un taux d’encadrement longtemps moins favorable en France que dans les autres pays développés. Depuis 2017, le nombre de postes pour 100 élèves a augmenté de plus de 10 %. Le nombre d’élèves par classe a déjà connu une forte diminution : de 5,6 % depuis 2015 en REP+, de 5,7 % en REP et de 1,7 % dans le reste du réseau public.

En appliquant au nombre d’enseignants une baisse proportionnelle à celle des effectifs d’élèves, on aurait supprimé plus de 9 000 postes pour la rentre 2026 – ce que le rapporteur spécial de la commission des finances du Sénat a proposé de faire. Je récuse une telle possibilité, qui pérenniserait un taux d’encadrement moins favorable que dans les autres pays d’Europe.

La réduction des effectifs prévue dans le PLF ne m’enthousiasme pas. Toutefois, cet ajustement – 4 000 ETP sur plus de 850 000 – n’empêchera pas la décrue du nombre d’élèves par classe de se poursuivre, ni le redéploiement des moyens libérés pour l’école inclusive et la lutte contre les inégalités. Par ailleurs, la limitation des effectifs contribue à garantir un recrutement de qualité. En revanche, cet ajustement ne sera acceptable qu’à condition d’accorder une attention particulière à certains territoires, ruraux notamment. Lorsque les fermetures de classes et d’écoles, qui tiennent surtout au nombre insuffisant d’élèves, sont inévitables, il faut les planifier.

Sous réserve de l’adoption des amendements que je soutiendrai, j’émettrai un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Enseignement scolaire.

M. le président Alexandre Portier. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Roger Chudeau (RN). Monsieur le ministre, vous voici membre d’un gouvernement d’Emmanuel Macron, dont le bilan en matière de politique éducative est désastreux. Ipso facto, vous l’assumez et en prenez votre part.

Des innombrables indicateurs du déclin de notre école, je ne retiens que deux : 50 % des collégiens de sixième ne maîtrisent pas la lecture fluide ; 20 % des jeunes de 17 ans éprouvent de sérieuses difficultés de lecture. L’opinion s’inquiète, et beaucoup cherchent à éviter l’école publique – le système éducatif se défait à bas bruit.

Pourtant, vous ne pouvez ignorer les enjeux qui s’attachent, pour notre pays et son avenir, à la reconstruction d’un système éducatif qui transmette aux jeunes générations notre patrimoine culturel et scientifique ainsi que les valeurs et principes qu’il sous-tend. L’économie du XXIe siècle et les rapports de puissance dépendent de la qualité des systèmes éducatifs. Pour ne prendre qu’un exemple récent, les budgets successifs des dernières années n’anticipent ni ne programment en rien une réindustrialisation pourtant urgente, notamment le réarmement.

Nous savons tous que l’école primaire est le talon d’Achille du système éducatif. Pourtant, comme toujours depuis des décennies, vous projetez de n’y affecter qu’une part très insuffisante des crédits de l’enseignement scolaire public. Un élève du primaire coûte en moyenne 7 500 euros par an, contre 10 000 euros pour un élève du second degré. Or les pays de l’OCDE dont le système éducatif est performant consacrent la même part de la richesse publique aux collégiens et aux lycéens. Vous auriez pu actionner ce levier et ne l’avez pas fait : ce budget, considérable – 89 milliards d’euros, dont 63 pour l’éducation nationale –, ne pourra aucunement interrompre la déliquescence de l’école. Vous ne faites que reconduire un système faillible.

Nonobstant la durée très incertaine de votre ministère, avez-vous l’intention de redonner à notre pays un système éducatif à la hauteur de son histoire, de sa grandeur et de son destin ? Ou vous contenterez-vous d’appliquer, sur un navire qui prend l’eau de toutes parts, de nouvelles rustines ?

Croyez que le Rassemblement national, quant à lui, a élaboré un projet à même d’y parvenir ; il le mettra en œuvre dans un proche avenir.

Mme Violette Spillebout (EPR). Au nom de mon groupe, je vous félicite pour votre nomination, monsieur le ministre, et vous souhaite un plein succès. Nous savons que nous pouvons compter sur votre expérience, votre exigence et votre attachement profond à l’école pour faire vivre la promesse républicaine d’égalité et d’émancipation. Dans un contexte budgétaire contraint, l’école a besoin de stabilité, d’écoute et d’efficacité collective.

L’enseignement scolaire demeure le premier budget de l’État, symbolisant la priorité donnée à la jeunesse et à la transmission des savoirs fondamentaux. Ses crédits franchissent un nouveau palier budgétaire pour atteindre 76 milliards d’euros. L’orientation politique est claire : il s’agit de stabiliser l’effort éducatif global tout en accentuant celui consenti en faveur de l’égalité des chances et du climat scolaire, notamment dans les collèges prioritaires. L’attractivité du métier d’enseignant et la maîtrise des savoirs fondamentaux apparaissent également comme des priorités.

Nous saluons l’attribution de crédits supplémentaires à l’inclusion et au bien-être des élèves. Nous soutenons en particulier le déploiement de 500 PAS, pour les élèves en difficulté ou en situation de handicap ; la généralisation des protocoles de santé mentale ; le renforcement des politiques de santé scolaire, en particulier du plan « Brisons le silence, agissons ensemble », que la précédente ministre de l’éducation nationale a présenté en mars pour lutter contre le harcèlement et les violences ; la continuation des internats d’excellence.

Ces orientations visent à répondre à un besoin majeur : l’accompagnement global de l’élève, lequel doit faire l’objet d’une attention individualisée, sur les plans éducatif, social, psychologique et, tout simplement, humain, grâce notamment à la lutte contre la violence.

Paul Vannier et moi, co-auteurs du rapport d’enquête sur les violences dans les établissements scolaires et les défaillances de l’État, défendrons plusieurs amendements cosignés par de nombreux collègues appartenant à divers groupes. Ils visent à mettre en place un fonds d’indemnisation et d’accompagnement des victimes de violences commises en milieu scolaire par des adultes, à créer 240 postes supplémentaires d’inspecteurs et les postes administratifs nécessaires pour gérer au mieux les contrôles et protéger les élèves, à élaborer un plan pluriannuel pour recruter 500 agents médico-sociaux de plus, et à pérenniser les financements des associations de protection de l’enfance.

Nous devons poursuivre ce travail afin que l’école redevienne un lieu sûr, protecteur et émancipateur.

M. Paul Vannier (LFI-NFP). Le secrétaire général de l’enseignement catholique (Sgec) a annoncé, il y a quelques semaines, vouloir organiser des prières sur le temps scolaire. C’est une attaque frontale contre la liberté de conscience des élèves et une remise en cause fondamentale de la loi Debré. Allez-vous réagir à cette provocation ?

Depuis huit ans, les gouvernements d’Emmanuel Macron désorganisent profondément notre école : 9 000 postes d’enseignants supprimés ; 2 238 écoles fermées ; réformes du lycée et du bac ; choc des savoirs. La litanie des ordres et des contre-ordres a épuisé les équipes éducatives. Dans ce chaos organisé, une constante se dessine : la baisse des dépenses de l’État pour son école. Les crédits de la mission Enseignement scolaire, hors retraites, sont passés, en euros constants, de 65 milliards en 2024 à 64,3 milliards en 2025 et à 63,9 milliards pour 2026. En intégrant les effets de l’inflation, le budget recule de 0,8 % par rapport à l’an dernier. En autorisations d’engagement, il passe pour la première fois derrière celui de la mission Défense. L’éducation n’est plus le premier poste de dépenses de la nation.

Cette bascule conduit cette année à la suppression de plus de 4 000 postes d’enseignants et marque le renoncement à saisir l’opportunité historique de diminuer enfin le nombre moyen d’élèves par classe en s’appuyant sur la baisse de la démographie scolaire. Des coupes massives frappent les crédits pour la formation des enseignants, qui accusent une baisse de 1 milliard d’euros. Le recrutement des AESH est divisé par quatre en près de quatre ans. La stagnation des salaires aggrave, quant à elle, la crise profonde du métier d’enseignant.

La comparaison internationale fait apparaître de façon plus saisissante encore les effets à long terme du sous-investissement planifié depuis 2017. La dépense intérieure d’éducation réelle, hors surcotisations retraite des fonctionnaires d’État, représente aujourd’hui 5 % du PIB, bien loin des 6,2 % du Royaume-Uni et des 6,5 % de la Norvège. Le déclassement de la France annonce l’effondrement du service public de l’éducation, dont les 15 millions d’heures de cours non remplacées chaque année, les fermetures d’établissements au gré des tempêtes hivernales ou des canicules, la crise des vocations et l’envolée des démissions ne sont que les signes avant-coureurs.

Un autre chemin, que nous dessinerons dans nos amendements, est néanmoins possible : celui d’un rattrapage, grâce à un investissement massif, pour reconstruire notre école, soutenir notre jeunesse, nos enseignants ainsi que tous les personnels de l’éducation nationale, et répondre enfin aux grands défis du futur.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Les années passent et les budgets se ressemblent. Cette année encore, votre décision de faire des économies en supprimant des postes d’enseignants est tout à fait déconcertante. Alors que la baisse démographique permettrait de réduire le nombre d’élèves par classe à moindre coût, vous décidez de supprimer 4 000 postes pour la rentrée 2026. Ce seront autant de fermetures de classes et, partant, de classes surchargées. Au lieu de faire des économies sur le dos des élèves, le groupe Socialistes et apparentés vous propose trois axes de travail pour améliorer notre école.

Premièrement, la formation continue des enseignants doit être renforcée, puisque 76 % d’entre eux considèrent qu’ils font des tâches pour lesquelles ils auraient besoin d’être plus formés. Or votre projet de loi de finances ne propose aucune augmentation du budget à cet effet. Pire encore, il est en baisse pour la formation des enseignants du premier degré. Pourtant, le nouveau programme d’éducation à la vie affective et relationnelle et à la sexualité (Evars) en nécessite une. Il s’applique enfin depuis la rentrée, après plusieurs mois d’errance, lorsque vous étiez vous-même directeur général de l’enseignement scolaire. Sans moyens spécifiques, la seule publication du programme ne permettra pas de répondre aux grands objectifs fixés : améliorer le climat scolaire et le bien-être des élèves, lutter contre les discriminations et les violences faites aux filles, encourager la parole des enfants victimes.

Deuxièmement, il faut améliorer l’inclusion des élèves en situation de handicap. Vous proposez d’augmenter le nombre d’AESH grâce à 1 200 ETP supplémentaires pour la rentrée 2026. Mais cela ne suffit pas, quand le nombre de notifications des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) respectées est en constante baisse. Le budget alloué à la formation des AESH a été divisé par deux entre 2024 et 2026, alors même que la formation initiale de soixante heures n’est pas toujours effectuée avant la prise de poste – une situation largement dénoncée par la profession.

Troisièmement, la santé scolaire est un impératif. La remise en question de la visite obligatoire effectuée par un médecin scolaire en sixième doit nous alerter. Seuls 10 % des élèves y ont accès – 20 % dans les réseaux d’éducation prioritaire. Dans un contexte de désertification médicale, l’accès à un médecin scolaire est une nécessité.

En conclusion, cette première version du budget de l’enseignement scolaire va à rebours des besoins. Nous espérons vivement que nos débats permettront de revoir la copie.

M. Fabrice Brun (DR). Alors que nous examinons le principal budget de l’État, même si le pays consacrera bientôt plus d’argent au remboursement de sa dette qu’à l’enseignement dispensé à nos enfants, nous souhaitons vous adresser quelques messages forts.

Lors de votre prise de fonctions, vous avez déclaré vouloir revenir aux fondamentaux de l’école de la République. Sachez que vous nous trouverez toujours à vos côtés sur le chemin des droits et des devoirs, de l’autorité parentale, de la lutte contre le harcèlement et contre toutes les violences et de l’acquisition du quadriptyque fondamental – lire, écrire, compter et respecter.

L’école rurale doit vivre. Un certain Michel Fournier, président de l’Association des maires ruraux de France, demandait un moratoire sur la fermeture de classes en zone rurale. Il est aujourd’hui ministre délégué à la ruralité. J’imagine que vous ferez tous les deux de cette question une priorité gouvernementale.

L’inclusion scolaire est à la base de la société plus solidaire que nous devons aux plus fragiles d’entre nous. En septembre 2024, la Cour des comptes a souligné la souffrance des élèves, des familles et des personnels, ainsi que le manque de moyens. Comment l’État tiendra-t-il, dans le budget, la promesse républicaine de l’inclusion des élèves en situation de handicap ?

Doté d’un peu plus de 89 milliards d’euros en autorisations d’engagement et de 58 milliards de dépenses pour les personnels, le budget de la mission Enseignement scolaire augmente de près de 1 milliard. Si nous partageons avec vous la conviction de l’importance absolue de l’enseignement scolaire pour l’avenir de nos enfants, il nous incombe de déterminer si ce budget considérable est bien orienté. L’augmentation de 5 400 ETP s’impose à notre attention, même si elle traduit une réalité contrastée entre la baisse du nombre d’enseignants et le recrutement d’AESH, qui sont l’un des piliers de l’école inclusive.

Il nous apparaît salutaire pour la qualité de l’enseignement que la réduction des effectifs des enseignants soit proportionnellement inférieure à la décrue démographique, dans la mesure où le nombre d’élèves par classe est l’un des plus élevés de la zone euro.

Quelles sont vos pistes pour accroître l’attractivité du métier d’enseignant ?

Enfin, de quelle manière envisagez-vous la restructuration de votre ministère afin d’en réduire la masse salariale sans diminuer le nombre d’enseignants ?

M. Arnaud Bonnet (EcoS). Bien que le premier ministre ait annoncé qu’une rupture était nécessaire, c’est vous, le bras droit de Jean-Michel Blanquer et de tous ceux qui l’ont suivi, qu’il a nommé. Dans la valse des ministres de l’éducation depuis 2022, vous avez été la constante macabre des politiques d’Emmanuel Macron. Je ne vois pas en quoi le projet de loi de finances pour 2026 est une rupture, d’autant que nous travaillons sur un budget biaisé, du fait de la surévaluation des prestations de retraite qui empêche toute comparaison internationale.

La constante macabre de ce PLF, c’est d’abord l’absence de considération à l’égard des personnels. La gestion des ressources humaines de votre ministère, dont vous avez été vous-même chargé, est l’une des pires qui soient : infantilisation généralisée, maltraitance dans les affectations, non-reconnaissance des accidents du travail, gestion répressive des lanceurs et lanceuses d’alerte, salaires indignes. Seuls 3,8 % des professeurs du second degré se disent valorisés dans la société, ce qui place la France au dernier rang de l’enquête Talis. Les AESH ne bénéficient toujours pas du statut de fonctionnaire ; aucune revalorisation salariale n’est envisagée. Les PAS sont passés en force à l’Assemblée. Vous prévoyez de ralentir la création de postes en 2026 alors qu’à la rentrée 2025, 50 000 élèves n’avaient toujours pas d’AESH.

Vous poursuivez également les suppressions de postes d’enseignants – 4 000 sont ainsi prévues. Pourtant, la baisse démographique serait l’occasion d’améliorer nettement le taux d’encadrement dans nos écoles. La France a les classes les plus chargées d’Europe. Votre moyenne de 21 élèves par classe ne veut rien dire : si Bernard Arnault entrait dans une salle avec 200 000 professeurs, en moyenne, tous seraient millionnaires. Les enseignants font partie des fonctionnaires de catégorie A les moins bien payés ; ils démissionnent de plus en plus en cours de carrière, sans que rien soit prévu en matière de rémunération. Toutes ces politiques provoquent le mal-être des personnels de l’éducation nationale, mais aussi le renforcement des inégalités sociales à l’école, entretenues par la supériorité des dotations horaires dans le privé.

La France fait partie des mauvais élèves pour son faible investissement dans le premier degré. Pourtant, la lutte contre les inégalités est cruciale dès le plus jeune âge, où l’individu commence à se construire et, avec lui, notre société. Il est plus que temps que nous fixions ensemble les buts à donner à l’éducation nationale. Que souhaitons-nous pour nos enfants ?

Notre école tombe en ruines, y compris physiquement : 10 % du bâti scolaire est vétuste. En juin dernier, des centaines d’établissements ont dû fermer à cause des fortes chaleurs. Face à ces événements qui vont se reproduire, s’accélérer, s’intensifier, les collectivités sont en première ligne. Mais que peuvent-elles faire, quand vous sabrez dans le fonds Vert et les privez de financement ? Votre budget ne prévoit rien en faveur du bâti.

En somme, il poursuit la politique austéritaire. La pédagogisation des maux de la société ne sert à rien sans moyens – pensons à l’Evars. Ne soyez pas une virgule de plus dans la liste des ministres de l’éducation nationale !

M. Laurent Croizier (Dem). « L’enfant s’appelle l’avenir », écrivait Victor Hugo. Les crédits de la mission Enseignement scolaire sont parmi les plus déterminants pour l’avenir de notre pays. Dans nos écoles, nos collèges et nos lycées s’incarne la promesse républicaine et s’écrit l’avenir de la France. Nous souhaitons une école qui permette à chaque élève de se construire un avenir solide. C’est à l’école que se livrent les batailles contre les inégalités et les déterminismes sociaux. Aussi convient-il de relever trois défis : élever le niveau des élèves ; restaurer l’attractivité du métier d’enseignant ; anticiper plutôt que subir les effets de la baisse démographique.

Élever le niveau sur tout le territoire est un impératif. Si nous voulons bâtir une école bienveillante, nous la devons exigeante. Ainsi, les savoirs fondamentaux, la culture générale, l’esprit critique et la laïcité doivent figurer parmi ses priorités. Pour élever le niveau, nous avons également besoin d’enseignants bien formés, mieux considérés et rémunérés à la hauteur de leur mission. Notre groupe défend la mise en œuvre d’un plan ambitieux et pluriannuel de revalorisation. C’est l’une des conditions de l’attractivité du métier du professeur. Après avoir appelé au retour du concours de recrutement à bac + 3, suivi de deux années de stage rémunérées, nous saluons la réforme de la formation initiale : devenir professeur ne s’apprend pas dans un amphithéâtre, mais au contact des élèves et des professeurs expérimentés.

La baisse de la démographie est une réalité : ce seront 1 million d’élèves en moins entre 2017 et 2029. Profitons-en pour faire baisser les effectifs et améliorer ainsi les conditions d’apprentissage et d’enseignement. Nous saluons votre choix de ne pas aligner mécaniquement les suppressions de postes sur cette baisse. S’il y aura, à la rentrée 2026, 21 élèves par classe en moyenne, ce chiffre masque cependant de fortes disparités, puisque certaines classes de maternelle de ma circonscription comptent 30 élèves, ce qui n’est pas acceptable. Plus aucune classe ne devrait dépasser les 23 ou 24 élèves. Aussi avons-nous déposé des amendements pour revenir sur la suppression de postes d’enseignants.

Avec 64,5 milliards d’euros, en hausse de 200 millions, le budget de l’éducation nationale reste le premier de la nation. Nous réaffirmons la nécessité d’inscrire nos politiques éducatives dans une vision de long terme, de les repenser dans un cadre pluriannuel. Depuis 2017, les réformes se sont succédé, les priorités se sont multipliées, mobilisant et épuisant nos enseignants. Désormais, notre école a besoin de stabilité et de sérénité.

Mme Béatrice Piron (HOR). J’aimerais revenir sur l’annonce récente de la suppression d’environ 2 300 postes dans le premier degré, à la rentrée prochaine. Si cette décision peut se justifier par la baisse démographique, elle suscite néanmoins une profonde inquiétude, car elle envoie un signal contraire aux besoins du terrain et aux ambitions que nous devons défendre pour l’école primaire. Le premier degré constitue le socle de tout le parcours éducatif. C’est là que se font les apprentissages fondamentaux, que s’acquièrent la maîtrise du langage et les savoirs de base, et que se joue l’égalité des chances. Or la France consacre moins de moyens au primaire que la moyenne des pays de l’OCDE. Même si le nombre d’élèves diminue, les besoins restent importants. Les classes sont plus chargées que la moyenne internationale et l’école inclusive requiert un renforcement des moyens humains.

Le maintien de ces ETP pourrait améliorer la situation des directeurs d’école, dont la charge administrative ne cesse de croître, en particulier pour gérer les situations de harcèlement ou mettre en œuvre l’école inclusive. Cela permettrait également d’améliorer les remplacements. Il est essentiel de leur accorder davantage de décharges, pour qu’ils puissent exercer pleinement leur mission de pilotage pédagogique et de soutien aux équipes enseignantes.

À la rentrée, 48 000 enfants étaient en attente d’AESH sur les 352 000 qui y ont droit. Même si la situation semble s’être légèrement améliorée, fin octobre, 12 % sont encore sans accompagnant, ce qui représente une forte hausse par rapport à la rentrée 2024. Ces chiffres cachent de grandes disparités territoriales. L’académie d’Aix-Marseille affiche ainsi un taux de carence de 33 %, tandis que celle de Bordeaux est proche des 3 %. Alors que l’école inclusive est une priorité nationale, comment justifier que les moyens humains restent insuffisants et si inégalement répartis sur le territoire ?

Vous avez dit que votre priorité était de renforcer les moyens des 15 % de collèges qui accueillent 50 % des enfants qui échouent au DNB. Ne pensez-vous pas que ces enfants échouent parce qu’ils n’avaient peut-être pas le niveau requis à leur entrée en sixième ?

Enfin, si certaines rationalisations sont nécessaires, l’effort devrait désormais porter sur les structures administratives et les fonctions d’encadrement plutôt que sur les postes d’enseignants, qui constituent le cœur du métier de l’éducation. Pourriez-vous nous préciser le nombre total de postes administratifs et le nombre de ceux supprimés depuis 2017 ?

M. Paul Molac (LIOT). L’éducation nationale reste le premier budget de la nation. Je plaide évidemment pour préserver le nombre de postes. Le dédoublement des classes, en particulier en CP, est une excellente mesure. Alors que l’école a dû s’adapter à l’arrivée d’un certain nombre d’élèves en situation de handicap, je salue l’augmentation du nombre d’AESH. Une alerte toutefois : le remplacement est parfois compliqué, en particulier dans l’enseignement professionnel.

Remplaçant la formation en cinq ans, la création d’une licence professorat des écoles (LPE) est une très bonne mesure, qui permet de pallier les difficultés de recrutement dans plusieurs académies. Nous ne connaissons pas ce problème en Bretagne, où il y avait, l’an dernier, 1 886 candidats pour 135 postes. En revanche, nous avons besoin de recruter des enseignants capables d’enseigner aussi bien le français que le breton. Le programme de la licence professorat des écoles (LPE) prévoit 100 heures d’adaptation régionale ; dans la mesure où il faut beaucoup plus de temps pour apprendre le breton, par exemple, qu’une langue romane, je comprends que ces 100 heures sont un plancher et non un plafond, afin de permettre une réelle adaptation aux besoins.

Mme Soumya Bourouaha (GDR). Vous avez récemment reconnu que la situation de l’école était extrêmement inquiétante. C’est un constat que nous partageons, tout en déplorant que ce diagnostic ne soit pas accompagné d’un budget ambitieux. Plus de 3 200 postes pourraient être supprimés, dont 1 891 dans le premier degré et 1 365 dans le second. Contrairement à ce que prétend le gouvernement, à savoir que l’on pourrait profiter du déclin démographique pour améliorer le taux d’encadrement, vos choix budgétaires saignent davantage les effectifs d’enseignants, alors même que l’éducation nationale est déjà en déficit.

Ce constat est d’autant plus grave que, à la rentrée 2025, 73 % des collèges et des lycées et 55 % des établissements étaient confrontés à des absences de professeurs non remplacées. Un tel manque de continuité pédagogique nuit gravement et directement aux élèves. Je reçois chaque semaine des alertes de parents d’élèves scolarisés en Seine-Saint-Denis. Pourtant, au printemps 2025, un dispositif spécifique permettait de mobiliser des enseignants expérimentés pour pallier ces absences. Sa suppression est totalement incompréhensible.

En ce qui concerne les AESH, vous prévoyez la création de seulement 1 200 postes, un nombre bien insuffisant pour répondre au besoin croissant d’accompagnement. De plus, ce sont des postes précaires et instables. Mon groupe a déposé une proposition de loi visant à créer un corps de fonctionnaires pour les AESH, afin de garantir leur sécurité professionnelle et de soutenir les enseignants dans leur mission. Une telle précarité ne permet pas aux AESH de vivre dignement ni de se projeter dans l’avenir. Si des progrès ont été réalisés en matière d’inclusion, votre décision de ne pas financer le déploiement des PAS montre clairement que vous n’avez pas d’ambition pour une école véritablement inclusive. Par ailleurs, l’accès au sport reste inégal en fonction des territoires, malgré le rôle crucial de l’éducation nationale en la matière.

Face à un tel manque d’ambition et d’engagement, nous ne pourrons que nous prononcer en défaveur de ces crédits.

M. Maxime Michelet (UDR). Avec vous, c’est le septième ministre de l’éducation nationale que nous accueillons en trois ans. La France n’avait pas connu une telle valse depuis un siècle. Comme l’écrivait Lampedusa, « il faut que tout change pour que rien ne change ».

Cette valse masque mal la continuité que vous incarnez. Directeur général de l’enseignement scolaire de 2019 à 2024, vous avez servi cinq de vos sept prédécesseurs, en qualité de numéro 2. En somme, vice-ministre de l’éducation nationale durant cinq ans, vous devenez aujourd’hui ministre en titre. Tout comme vos prédécesseurs, vous faites mine de découvrir la situation extrêmement inquiétante de notre école ; elle résulte pourtant des politiques éducatives menées depuis bientôt neuf ans et dont vous avez supervisé l’exécution durant cinq ans. La continuité des politiques éducatives se lit également dans votre budget, où nulle trace de changement majeur ne se devine. Vous conservez les orientations budgétaires de vos prédécesseurs.

Dernière preuve de continuité : vous faites perdurer l’ambiguïté des rapports qu’entretient l’éducation nationale avec l’enseignement privé. Comme Pap Ndiaye et Amélie Oudéa-Castéra, il aura suffi de quelques jours pour que vous soyez confronté à la question de vos propres choix pour la scolarisation de vos enfants. Comme la moitié des familles françaises, vous avez fait le choix légitime du public et du privé, démonstration s’il en fallait une de la complémentarité de ces deux structures.

Cette complémentarité repose notamment sur une répartition des élèves, des personnels et des crédits résumée dans la célèbre règle non écrite du 80/20 issue de la loi Debré. Mais à la lecture de votre budget, alors que le remplacement des professeurs absents est un défi national, je m’étonne de découvrir que les crédits consacrés au remplacement obéissent à une répartition très éloignée du 80/20. En effet, les crédits de remplacement du programme 139, Enseignement privé du premier et du second degrés, représentent seulement 5,25 % du total de ces crédits, bien loin des 17 % d’élèves scolarisés ou des 11 % de masse salariale que représente l’enseignement privé. Nous proposerons que cette proportion soit rectifiée, grâce à un transfert de crédits, même si nous préférerions évidemment que le gouvernement lève le gage et abonde le programme 139 sans rien enlever à l’enseignement public – nous n’avons pas le goût de la guerre scolaire.

Une telle disparité pose question, à l’heure où les établissements privés font état de difficultés croissantes dans la couverture des absences et où certaines académies ont déclaré qu’elles réserveraient les remplacements aux classes à examen. Elle nous interpelle d’autant plus que la proportion des crédits affectés à l’enseignement privé n’est pas anecdotique, mais qu’elle répond à une liberté fondamentale, celle du libre choix des familles. Comment expliquez-vous une telle disparité dans la répartition des crédits de remplacement ? Est-elle l’effet d’un sous-investissement volontaire, ou reconnaît-elle implicitement que le système de remplacement est mieux organisé au sein des établissements privés et, partant, plus économe ? Le cas échéant, les économies réalisées par l’enseignement privé dans ce domaine ne devraient-elles pas inspirer l’enseignement public ?

M. Édouard Geffray, ministre. Vous avez été plusieurs à me rappeler mes anciennes fonctions. Nul n’ignore ici ce qu’est un fonctionnaire et ce qu’est un ministre. J’ai été fonctionnaire et je n’ai pas à en rougir. J’ai émis des propositions et des avis, dans le secret des quatre murs du ministère ; j’ai été suivi ou non, peu importe. Je suis désormais dans une situation sensiblement différente, dans laquelle je ne me sens pas lié outre mesure par ce que j’ai pu faire en tant que serviteur de l’État.

Vous avez aussi été nombreux à appeler à une forme de stabilité pour l’institution scolaire – non pas tant celle des personnes que de la politique éducative. Je ne demanderai pas, en décembre 2025, à des professeurs d’envisager une rentrée 2026 dans des conditions d’organisation encore différentes de la rentrée précédente. Nos collègues ont besoin d’un peu de stabilité. Il pourra évidemment y avoir des ajustements, mais pas de grands bouleversements pour retracer les lignes d’un jardin à la française.

Monsieur Chudeau, la priorité donnée au premier degré se traduit par un effort objectivement sans précédent. L’un des indicateurs, c’est le nombre d’élèves par classe, qui sera passé de 23,5 en 2016 à 21 en 2026, notamment sous l’effet du dédoublement et du plafonnement.

Je ne partage pas tout à fait votre appréciation sur l’évolution de la performance des élèves du premier degré. Vous mentionnez le chiffre de 50 % de collégiens qui entrent en sixième avec une fluence de lecture aisée. De mémoire, ce chiffre remonte à 2022. À la rentrée 2024, il était remonté, si je me souviens bien, à plus de 60 %. Cela prouve non seulement l’engagement du corps professoral, dont je me ferai toujours le promoteur et le défenseur, mais aussi la réactivité de notre système éducatif, qui peut faire évoluer très vite les pratiques pédagogiques dès lors qu’il dispose d’outils permettant de mieux cerner les besoins.

J’ai bien l’intention de continuer à donner la priorité au premier degré, ainsi qu’à la lecture et à l’écriture. Je travaillerai avec les partenaires sociaux et l’ensemble de la communauté éducative sur les pratiques dès le plus jeune âge. Je tenais à partager un élément symptomatique, qui montre que nous pouvons tous agir : la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (Depp), qui est notre service statistique ministériel, a établi une parfaite corrélation entre le nombre de livres par foyer et la capacité de l’élève à progresser. Si un élève a 200 livres à son domicile, il obtiendra les mêmes résultats, qu’il vienne d’un milieu favorisé ou non. Lire aux enfants, dès leur plus jeune âge, permet de diversifier leur vocabulaire ; les faire lire et travailler le geste scripteur de façon régulière permet aussi de réduire massivement les inégalités. Certaines écoles défavorisées obtiennent d’excellents résultats grâce à cette pratique pédagogique. La lecture fera donc partie de mes champs d’investissement majeurs.

Madame Spillebout, je vous remercie pour le travail transpartisan que vous avez mené avec M. Vannier sur les violences scolaires. Je suis en train de m’approprier votre rapport. L’école repose sur deux jambes : instruire et protéger. Plus de 850 contrôles ont déjà été effectués cette année – il y en aura eu 1 000 à la fin de l’année. En 2027, 40 % des établissements privés sous contrat auront été contrôlés. Le plan « Brisons le silence, agissons ensemble », lancé par ma prédécesseure, va s’amplifier. Il faut pouvoir détecter ces violences et y répondre plus systématiquement, grâce notamment au dispositif Faits établissement, dont je veillerai à la bonne diffusion dans le privé. Nous proposons également de recruter, à la rentrée 2026, trente inspecteurs et près de soixante personnels administratifs en appui des contrôles. La formation et le signalement sont des enjeux transversaux : l’actualité nous démontre malheureusement trop régulièrement que les établissements scolaires sont des lieux de comportements criminels ou délictuels. Je serai attentif à la périodicité des contrôles concernant les personnels, ainsi qu’à la reconnaissance des victimes. Vous avez recommandé la création d’un fonds d’indemnisation ; l’instruction en est techniquement complexe, mais nous y travaillons.

Monsieur Vannier, je vais répondre très clairement à votre première question, parce que la réponse me semble évidente, en droit et en bon sens : l’État paie les professeurs pour enseigner. Une minute payée par l’État doit être une minute d’enseignement. Je ne vois donc pas comment on pourrait faire une prière pendant le temps consacré à l’enseignement. Je me tiendrai à la même clarté avec le secrétaire général de l’enseignement catholique, que je rencontrerai prochainement pour évoquer ce sujet et celui de la mixité sociale.

Vous déplorez l’insuffisance de l’effort éducatif général. Il faut comparer l’intégralité du système : les autres pays n’ont pas forcément de CAS Pensions, mais ils ont aussi un système de retraite reposant sur des cotisations. Dans le rapport « Regards sur l’éducation » de l’OCDE, les critères d’appréciation sont uniformisés : on y lit que la France consacre 5,4 % de son PIB à l’éducation, soit plus que la moyenne de l’OCDE, qui s’établit à 4,7 %, et plus que la moyenne de l’Union européenne, qui est de 4,2 %. Le budget de l’éducation nationale a augmenté de 30 % en huit ans ; il n’est ni négligeable ni en queue de classement.

Par ailleurs, permettez-moi de préciser que le nombre de postes d’AESH n’est pas divisé par quatre ; c’est le nombre de postes supplémentaires d’AESH ouverts dans le PLF pour 2026 qui est réduit. Nous continuons de créer des postes d’AESH assez massivement. Il y en a 70 % de plus depuis 2017, alors que le nombre d’élèves en situation de handicap a augmenté de 40 % dans le même temps.

Madame Keloua Hachi, vous avez évoqué l’école inclusive et les moyens qui lui sont consacrés. Il nous faut poursuivre la réflexion collective entamée à ce sujet, qui est guidée par un principe et une réalité.

Le principe, c’est l’objectif de l’inclusion scolaire pour tous, auquel je crois infiniment : la République garantit à tous ses enfants l’accès à un parcours scolaire, éventuellement adapté à ses besoins. En la matière, permettez-moi de rappeler quelques bonnes nouvelles. Depuis deux ans, nous accueillons plus d’élèves en situation de handicap dans le second degré que dans le premier degré : cela signifie que ces élèves sont amenés non seulement jusqu’au brevet, mais aussi, désormais, jusqu’au baccalauréat – pour lequel les demandes d’aménagement d’examen augmentent de 10 % par an – et aux études supérieures.

La réalité, quant à elle, soulève une question de politique publique : depuis plusieurs années, nous traitons le défi de l’inclusion scolaire par la compensation plutôt que par l’accessibilité. La compensation est devenue le droit commun de l’inclusion scolaire ; ce mouvement social correspond notamment aux attentes des parents. Autrement dit, en raison d’une forme d’inversion psychologique des facteurs, l’aide humaine est devenue la clé d’entrée de la prise en charge du handicap dans l’éducation nationale, alors que l’accessibilité et l’adaptation pédagogique devraient venir en premier lieu. Ce n’est que lorsque le besoin d’accompagnement vers l’autonomie de l’enfant le justifie que se pose la question de l’aide humaine.

Le nombre d’élèves en situation de handicap bénéficiant d’une aide humaine s’accroît de 10 % par an. Nous courons après un mouvement dont le dynamisme est tel que nous rencontrons les plus grandes difficultés à le suivre en matière de recrutement. Nous dénombrions ainsi, à la rentrée, 50 000 élèves dont l’accompagnement par un AESH n’était pas assuré – ils étaient bien pris en charge à l’école, dans un cadre collectif et avec des adaptations, mais sans AESH. Ce nombre est tombé à 42 000 juste avant les vacances de la Toussaint et continuera de diminuer au cours des prochaines semaines. Malheureusement, le pic de notifications intervient pendant l’été et nous essayons d’y répondre dans les mois qui suivent.

Nous devons poursuivre ce travail. J’ai rencontré la semaine dernière le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) afin de réfléchir à la manière d’améliorer le modèle de prise en charge et l’équilibre entre l’accessibilité universelle et la compensation, pour ceux qui en ont besoin.

Le nombre de 21 élèves par classe est bien une moyenne. Si certaines classes en comptent 10 ou 12, d’autres en comptent 25 ou 28, voire 30. Je m’attacherai bien sûr à résoudre les situations les plus extrêmes qui ont été évoquées tout à l’heure, avec les recteurs concernés.

On ne peut pas déplorer que cette moyenne soit plus élevée qu’ailleurs en Europe tout en rejetant ce chiffre au motif qu’il n’est qu’une moyenne. La moyenne en France est de 21 élèves par classe, mais ce taux tend à se rapprocher de la moyenne des pays de l’OCDE, qui est légèrement supérieure à 19 élèves par classe.

Ma préoccupation est de trouver le bon équilibre à long terme. Nous devons prendre en considération les conséquences de l’évolution démographique sur les effectifs, mais pas entièrement – c’est ce qui vous est proposé dans ce budget. Sinon, dans dix à quinze ans, nos successeurs n’auront quasiment plus besoin de recruter de professeurs. Nous proposons le financement d’une réforme de la formation initiale visant à relancer l’attractivité du métier, mais pour maintenir une continuité dans le recrutement, nous devons, je le répète, trouver un équilibre, dont il vous appartient de débattre. La courbe du nombre d’élèves étant en chute libre, si nous maintenons constante celle du nombre de professeurs, la question de savoir s’il faut continuer à recruter dans les mêmes proportions se posera inéluctablement. Il s’agit de ne pas fabriquer une crise du recrutement pour les successeurs de nos successeurs.

Vous avez aussi mentionné la santé scolaire et l’Evars. Là encore, je vous répondrai en droit et en bon sens : un programme est obligatoire et doit s’appliquer partout. Il n’est ni discutable, ni négociable, ni amendable.

Une étude menée en 2024 a montré qu’avant le lancement de ce programme, moins de 15 % des élèves bénéficiaient des trois séances annuelles d’information et d’éducation à la sexualité. La conception de ce programme a duré deux ans et demi, en raison de très nombreux échanges – c’est le programme le plus interministériel que je n’aie jamais vu –, et 119 millions d’euros ont été engagés pour la formation des personnels et l’élaboration des différents outils pédagogiques. Ce programme sera piloté, et deux enquêtes nationales de suivi seront menées, en décembre 2025 et en juin 2026 ; je vous en communiquerai les résultats. Sur le terrain, le taux d’adhésion des personnels et des familles est très élevé. Je ne suis donc pas inquiet quant à la capacité de l’institution à appliquer ce programme. Quoi qu’il en soit, je m’assurerai qu’il le soit partout.

La médecine scolaire pose un problème, qui ne résulte pas des budgets que vous votez chaque année, mais d’un désintérêt pour cette fonction. Année après année, en dépit d’une revalorisation de 4 000 euros annuels il y a deux ans et de diverses actions, le nombre de médecins scolaires s’effrite : nous en dénombrons 704, alors que 1 500 postes sont ouverts. Vous pourriez voter la création de 3 000 postes pour envoyer un signal, cela ne changerait malheureusement rien. C’est pour moi un sujet de préoccupation majeur.

Les postes d’infirmières scolaires que nous créons sont pourvus, mais celles-ci ne peuvent pas tout faire. Il faut à la fois recentrer les missions des médecins scolaires sur des actes véritablement médicaux – à la suite des assises de la santé scolaire, nous publierons prochainement un décret déchargeant les médecins scolaires de la signature de tous les plans d’accompagnement personnalisé (PAP) – et mener une réflexion plus large, dont les résultats ne seront pas immédiats ni nécessairement massifs. En tout état de cause, l’une de mes priorités est de tenter de redonner au métier une réelle attractivité dans un contexte de démographie médicale particulièrement tendu.

Monsieur Brun, vous avez parlé de la restructuration du ministère. Je m’inscris en faux contre une image que je peux comprendre mais que je crois factuellement erronée : il est tentant de voir le ministère de l’éducation nationale comme une gigantesque machine bureaucratique et étouffante, comme un pachyderme préhistorique ou contemporain, mais il faut savoir que la quasi-totalité des décisions sont en réalité déconcentrées. Alors que le ministère emploie presque la moitié des fonctionnaires de l’État, son administration centrale est l’une des plus petites. C’est une tête d’épingle : moins de 29 000 personnels administratifs font tourner l’éducation nationale, qui est essentiellement constituée des équipes éducatives. Le rapport annuel de performances montre d’ailleurs que le ratio entre personnel gérant et personnel géré est trois fois plus faible que dans le reste de la fonction publique.

Je ne crois donc pas que restructurer les fonctions administratives rendrait service à l’éducation nationale. Nous devons plutôt améliorer l’accompagnement de nos collègues, notamment grâce aux fonctions RH de proximité déployées depuis 2018 – une mesure que j’ai eu l’honneur de promouvoir.

En revanche, pour répondre à M. Bonnet, cela n’empêche en rien de revoir la conduite globale du système. Je considère que les différents corps de l’éducation nationale connaissent leur métier ; ma priorité est de les laisser travailler, tout en leur fournissant des boussoles communes et en fixant un niveau d’exigence commun. À cet effet, nous devons les former, pour satisfaire aux missions que vous avez, par la loi, attribuées à l’école.

Madame Piron, l’effort consacré ces dernières années à l’augmentation des décharges des directeurs d’école a représenté plusieurs milliers d’ETP. Je n’exclus pas de le poursuivre à long terme.

J’ai évoqué les 15 % d’établissements sur lesquels je voudrais faire porter un effort particulier, qui n’est pas uniquement financier. J’ai demandé aux recteurs de dresser un portrait type de ces établissements, avec les équipes éducatives, afin de déterminer les leviers sur lesquels nous pourrons agir. Dans ces établissements, des élèves sont en situation de très grande vulnérabilité sociale ou sanitaire alors qu’il n’y a quasiment pas d’infirmières, de psychologues de l’éducation nationale ou d’assistantes sociales. Si l’on veut agir, il faut arrêter le saupoudrage – deux heures par ici, trois heures par-là – et mettre le paquet ; nous proposons la création de 300 postes. Ce n’est pas uniquement une question de moyens d’enseignement, mais d’approche globale, notamment pédagogique.

Monsieur Molac, vous m’avez interrogé à propos de l’enseignement du breton. Les 100 heures de formation, qui sont réglementaires, sont considérées comme un plafond, mais cela n’interdit pas de traiter spécifiquement le cas des langues vivantes régionales – car il y a un enjeu à produire de nouvelles générations de locuteurs complets de langues régionales. Normalement, les futures LPE ont vocation à intégrer ou à absorber les PPPE (parcours préparatoires au professorat des écoles). Cependant, je ne suis pas certain qu’il faille suivre cette pente s’agissant des territoires concernés par l’enseignement important d’une langue régionale ; il faut plutôt épouser la réalité territoriale. Je vous proposerai donc des aménagements à ce sujet.

Enfin, monsieur Michelet, je n’ai pas de réponse définitive, à ce stade, à la question des taux de remplacement dans l’enseignement privé. La règle veut que les moyens du secteur privé sont calculés à parité, en appliquant la règle des 20 %. En principe, l’enveloppe globale suit la trajectoire de celle de l’enseignement public, à l’intérieur même de cette enveloppe, la répartition est sans doute différente.

M. le président Alexandre Portier. Nous en venons aux questions des autres députés.

M. Abdelkader Lahmar (LFI-NFP). À l’école Henri-Wallon de Vaulx-en-Velin, dans la banlieue est de Lyon, il manque des AESH, comme dans plein d’autres écoles du pays, si j’en crois les derniers chiffres communiqués par l’Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis (Unapei). La situation est telle que les enseignants doivent choisir entre délaisser une partie de leurs élèves pour s’occuper des élèves en situation de handicap et diminuer le nombre d’heures de scolarisation de ces derniers. Des parents d’élèves m’ont sollicité et j’ai interpellé la rectrice ; sa réponse, totalement à côté de la plaque, a été de proposer des heures de formation supplémentaires.

Pourquoi se retrouve-t-on dans cette situation aussi absurde ? Parce que la montée en puissance des effectifs d’AESH a tout de même ralenti d’année en année. Le PLF pour 2026 prévoit la création d’à peine 1 200 postes, alors que les PLF pour 2021, 2022 et 2023 en prévoyaient plus de 4 000.

M. Édouard Geffray, ministre. Ces huit dernières années, l’augmentation du nombre d’AESH a été plus forte que celle du nombre d’élèves en situation de handicap : 70 % contre 40 %. L’effort consenti a été considérable, mais les viviers territoriaux continuent de présenter de grandes disparités : s’il n’est pas difficile de recruter des AESH dans certaines zones, c’est au contraire très difficile dans d’autres.

Par ailleurs, les MDPH prescrivent sans connaître l’environnement scolaire de l’élève, et l’éducation nationale n’est pas toujours capable de réorganiser son service. Pour régler le problème que vous évoquez, ces deux points doivent être pris en considération.

M. Pierrick Courbon (SOC). La commission d’enquête sur les défaillances des politiques publiques de prise en charge de la santé mentale et du handicap a révélé les chiffres détaillés des carences dans la prise en charge des élèves en situation de handicap à la rentrée 2025 ; ils sont édifiants. Dans le département de la Loire, sur 4 571 élèves notifiés, plus de 894 élèves attendent un accompagnement.

Une meilleure coordination avec les MDPH est nécessaire, mais ces dernières prennent des décisions en fonction des besoins des enfants et notifient des droits, que nous avons le devoir de rendre effectifs. Sur le terrain, cela ne fonctionne pas : au collège Aristide-Briand de Saint-Étienne, en grève illimitée, la promesse républicaine de l’école inclusive est loin d’être effective.

Vous dites que ce n’est pas qu’une question de moyens, et sans doute avez-vous raison ; pour les AESH, c’est aussi une question de statut. En attendant la création d’un véritable statut et du salaire associé, qui contribuerait sans doute à résoudre rapidement le problème, comptez-vous modifier leur grille indiciaire ?

M. Édouard Geffray, ministre. L’histoire des AESH est celle d’une consolidation progressive, qui a abouti à un quasi-statut. Ils obtiennent un CDI au bout de trois ans, et leur rémunération a augmenté de 13 % au cours des deux dernières années. Alors que le service public de l’école inclusive était encore inexistant il y a quinze ou vingt ans, les AESH sont désormais le deuxième métier de l’éducation nationale.

L’enjeu, comme je l’ai indiqué, est celui de la disparité des viviers : le problème n’est pas toujours le nombre d’ETP, mais leur disponibilité au moment où les notifications sont communiquées, à la rentrée.

Mme Virginie Duby-Muller (DR). En Haute-Savoie comme dans de nombreuses académies, les AESH, essentiels à l’école inclusive, sont dans une situation d’instabilité professionnelle inacceptable. La mise en place précipitée des PAS, sans réelle concertation ni clarification au sujet des nouvelles conditions de travail, a entraîné des licenciements, des démissions, des contraintes supplémentaires et une désorganisation de l’accompagnement des élèves.

Ces difficultés humaines ont aussi un coût éducatif et budgétaire. La précarité structurelle des AESH, leur faible rémunération et l’absence de perspectives de carrière compromettent la qualité du service public et mettent en danger l’inclusion scolaire des élèves les plus vulnérables. À cet égard, je salue la proposition de loi de notre collègue Corentin Le Fur visant à améliorer le statut des AESH.

Quelles mesures concrètes le gouvernement entend-il déployer pour garantir la stabilité des contrats et la pérennité des emplois des AESH ? Que compte-t-il faire pour sécuriser le financement de ces postes indispensables dans le budget pour 2026 et pour s’assurer que la réforme des PAS n’aggrave pas la précarité déjà forte dans cette profession ?

M. Édouard Geffray, ministre. Les deux tiers des AESH sont en CDI. Cette évolution est en cours de consolidation et la prévisibilité des contrats se renforce.

Les PAS sont un autre sujet. En principe, ils sont un outil intéressant et intelligent : c’est une bonne chose que de réunir les équipes médico-éducatives et celles de l’éducation nationale, autrement dit de faire entrer des compétences d’éducateur spécialisé dans le système éducatif. Néanmoins, les PAS ne fonctionnent sans doute pas tous de manière satisfaisante, et l’évaluation de leur fonctionnement fait partie des travaux que nous devrons mener. La démarche est utile, à condition qu’elle soit adaptée administrativement, pour éviter de placer des personnes dans des situations intenables.

Mme Sarah Legrain (LFI-NFP). Adoptée il y a vingt-cinq ans, la loi prévoyant trois séances d’Evars par an n’a jamais été appliquée.

Le premier enjeu est celui des moyens. Alors que le budget est en baisse, notamment pour la formation, combien d’enseignants peuvent être formés avec les 119 millions d’euros que vous avez annoncés ? Ce montant couvre-t-il réellement les besoins ? Quel est le budget nécessaire pour assurer ces heures, qu’il s’agisse du temps de travail des enseignants dans les dotations horaires globales ou du financement des interventions extérieures ?

Le deuxième enjeu est celui du contrôle. Quelles garanties pouvez-vous donner en matière de respect du programme d’Evars sur tout le territoire, en particulier dans l’enseignement privé catholique ? Il semble que l’affaire Bétharram n’a pas suffi, puisque le Sgec parle d’adapter cet enseignement et a produit une sorte de programme bis.

Qu’en est-il du contrôle dans le choix des intervenants ? Des associations dont l’expertise est reconnue, comme le Planning familial, sont mises en péril par le manque de moyens financiers et par des amendements, déposés notamment par des députés du Rassemblement national, visant à leur retirer toute subvention. Dans le même temps, des officines sans aucune légitimité et animées par des idéologies religieuses organisent des ateliers en non-mixité au lieu d’apprendre l’égalité – je pense notamment à CycloShow-XY France et à Lift, une entreprise financée par M. Stérin.

M. Édouard Geffray, ministre. J’ai été très clair : un programme n’est ni négociable, ni amendable, ni discutable.

Le ministère ne dispose pas des moyens permettant d’envoyer un inspecteur tous les trois mois dans les 8 000 établissements publics et privés pour s’assurer que chaque élève a bien bénéficié de la formation d’Evars prévue par la loi. S’il faut certes pratiquer des contrôles, il faut aussi faire confiance au système. Pour ma part, je n’ai pas eu connaissance de refus d’application de ce programme.

Les associations sont agréées au niveau national ou académique. En tout état de cause, une association intervient sous le contrôle du chef d’établissement et ne peut tenir un discours qui serait contradictoire ou incompatible avec le programme.

M. Jean-Claude Raux (EcoS). Depuis une quinzaine d’années, les réformes du lycée professionnel s’enchaînent, sans vision claire ni cohérence d’ensemble, au nom de la promesse hypocrite de l’excellence. La mission flash sur les impacts des réformes successives sur le baccalauréat professionnel, que j’ai menée avec ma collègue Géraldine Bannier, a permis de dresser le constat suivant : alors même qu’ils sont les premiers à subir ces changements incessants et la perte de centaines d’heures de cours, les personnels et les élèves ne sont pas ou peu consultés – pas plus que les impacts d’une réforme ne sont évalués avant d’en imposer une nouvelle. La conférence de presse de Mme Borne annonçant le décalage des épreuves du baccalauréat, à la suite du fiasco annoncé du « parcours en Y », a une nouvelle fois montré que les réformes se font et se défont au gré des injonctions ministérielles, sans concertation.

Quelles sont les priorités du gouvernement pour le lycée professionnel ? Envisagez-vous une véritable concertation avec les acteurs de terrain pour construire une vision durable, cohérente et émancipatrice de la voie professionnelle ?

M. Édouard Geffray, ministre. Je ne souscris pas à votre propos sur l’hypocrisie de l’excellence de la voie professionnelle. La semaine dernière, j’ai rencontré ici même une jeune fille qui avait obtenu une médaille de bronze en aide à la personne à la compétition des métiers WorldSkills ; elle visitait l’Assemblée nationale avec son député et ses professeurs, et son excellence était incontestable.

Je n’ai pas l’intention de bouleverser de nouveau la voie professionnelle, mais simplement de réaliser les ajustements nécessaires – j’ai rencontré différents acteurs de la filière à ce sujet. La priorité est double : satisfaire la demande en fin de troisième, qui est en hausse pour la première fois depuis des décennies ; faire en sorte que la carte des formations corresponde à la fois aux attentes des élèves et à notre capacité à leur proposer soit une insertion professionnelle, soit la poursuite de leurs études.

Mme Delphine Lingemann (Dem). La réussite éducative, quel que soit le lieu de résidence, est au cœur des enjeux de l’école de la République. Je salue les efforts budgétaires réalisés dans les QPV et les zones rurales. Je me réjouis également de la création, prévue dans le projet de loi de finances, d’une cinquantaine de territoires éducatifs ruraux, et de l’annonce de la création de 21 000 places dans les 171 internats d’excellence.

Malgré ces avancées, les trajectoires de réussite restent inégales, souvent en raison d’une autocensure, d’une méconnaissance des formations et de difficultés liées à la mobilité. Seuls 13 % des jeunes ruraux aspirent à des études longues, contre 22 % en milieu urbain. Quelles mesures collectives pouvons-nous promouvoir pour modifier cette assignation à résidence et donner à chaque jeune, où qu’il vive, l’opportunité de réussir pleinement son parcours éducatif ?

M. Édouard Geffray, ministre. L’école rurale est performante, au sens où ses élèves sont bons. Le problème concerne leur ambition, qu’ils ajustent à ce qu’ils croient être leur situation sociale.

Je n’ai pas de recette miracle, bien que le simple fait d’en parler soit déjà un bon début. Permettez-moi cependant de rappeler quelques éléments. Tout d’abord, les internats d’excellence font partie de la solution, notamment parce qu’ils contribuent à élargir les horizons. Nous devons mener un travail d’information auprès des parents, car il reste, partout en France, des places dans ces établissements. Ensuite, près des deux tiers des collèges sont désormais inscrits au dispositif des Cordées de la réussite, qui s’avère, là encore, indispensable en zone rurale pour ouvrir les horizons.

Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Le 30 septembre dernier, à Rennes, vingt-cinq AESH ont été licenciées. Leur faute ? Avoir refusé un avenant élargissant leur zone d’affectation à 70 kilomètres, pour moins de 1 000 euros net par mois. Ces licenciements sont une honte, alors même que les besoins explosent.

En 2022, lors de sa niche parlementaire, La France insoumise a défendu une proposition de loi visant à créer un corps de fonctionnaires pour ces accompagnants. Bien évidemment, votre camp l’a combattue. Trois ans plus tard, rien n’a changé pour les AESH, qui connaissent toujours la précarité, les temps partiels subis et les salaires indécents sans qu’on leur manifeste aucune reconnaissance. Trois ans plus tard, il en manque partout, alors que les besoins ont augmenté de 35 % en un an.

Vous avez beau laisser croire que tout va bien ou que les MDPH sont à l’origine du problème ; en octobre dernier, 42 000 enfants étaient toujours laissés pour compte, dont 1 500 rien qu’en Ille-et-Vilaine, où un tiers des élèves n’avaient plus d’AESH au 1ᵉʳ octobre. Ce matin encore, j’ai été interpellée à ce sujet par le collectif Handicaps 35.

Entre la pénurie d’accompagnement et le licenciement honteux de ces vingt-cinq AESH, ne voyez-vous pas une violence gratuite de l’État contre ces femmes, contre ces enfants et contre le service public lui-même ? Allez-vous, oui ou non, réembaucher ces vingt-cinq AESH, si elles le souhaitent, selon leurs conditions de travail initiales ?

M. Édouard Geffray, ministre. Je ne vous dirai jamais que ça va alors qu’il faut appeler un chat un chat. J’ai d’ailleurs été parfaitement transparent en vous donnant les chiffres. À la veille des vacances, pas moins de 42 000 enfants n’étaient toujours pas accompagnés, ce qui veut dire que deux fois plus de parents étaient inquiets – sans parler des professeurs qui se trouvent ensuite en difficulté. S’il y a un sujet auquel je suis attentif, c’est bien celui-là, car je sais combien il est sensible pour les familles concernées.

Mais, par honnêteté intellectuelle, je ne peux pas vous dire que le problème serait résolu si vous votiez la création de 10 000 postes d’AESH. Et ce, pour une raison simple : je ne saurais pas recruter au rythme de l’explosion des notifications. Je n’ai pas de solution miracle. Si nous voulons continuer à construire une offre, nous devons réfléchir collectivement à une adaptation du système de prescription.

S’agissant des cas que vous avez mentionnés en Ille-et-Vilaine, la localisation géographique est une clause substantielle du contrat. Même si les 1 300 autres contractuels n’ont pas considéré que ce qu’on leur proposait était déplacé, j’ai demandé que ces vingt-cinq dossiers soient réexaminés.

Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Il n’y a pas de problème à résoudre de façon plus urgente que la crise d’attractivité du métier d’enseignant. C’est évidemment une question de salaire ; les efforts qui ont été faits en la matière doivent être soulignés, mais il faut accélérer. Il y a également un problème plus large de volonté politique. Le climat scolaire au sein des établissements se détériore à très grande vitesse. Le nombre d’enseignants qui disent avoir été victimes d’agressions, de la part d’élèves ou de parents, augmente constamment – et ce ne sont pas des microagressions comme on le dit souvent. Votre prédécesseure, Mme Borne, avait engagé un travail à ce sujet et voulait annoncer un grand plan sur le climat scolaire. Entendez-vous poursuivre ce chantier de manière urgente ?

M. Édouard Geffray, ministre. Comme je l’ai indiqué, les deux chantiers urgents sont la démographie et le climat scolaire. On assiste à une spirale de violence dont sont victimes les enseignants et les élèves. Nous savons tous que ce n’est pas par un coup de baguette magique ou en annonçant un énième plan dès la semaine prochaine que tout ira mieux. Nous devons réfléchir collectivement à la manière d’enrayer l’engrenage de la violence. Il faut y mettre un coup d’arrêt dès le début. Il faut aussi agir sur ce qui se passe en dehors de l’école, car celle-ci est le reflet de la société – je pense notamment aux invectives et aux violences entre adultes, mais aussi à la tonalité générale des échanges, y compris sur les réseaux sociaux. Moins on s’invective, moins nos enfants s’invectivent.

M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Les écoles rurales sont l’âme des communes, et souvent le dernier service public. Elles sont le creuset de la promesse républicaine : offrir à chaque enfant les mêmes conditions d’enseignement et les mêmes chances de réussite, qu’il vive en ville ou à la campagne.

La baisse démographique sans précédent va entraîner de nouvelles fermetures de classes et d’écoles, qui fragiliseront nécessairement les territoires ruraux. Si nous voulons éviter les drames humains et les fermetures non anticipées et non concertées, il est temps de changer de méthode.

On se gargarise de l’école de la République, mais on continue de fermer des classes du jour au lendemain, en traitant dans certains cas les élèves et les enseignants comme des numéros. Je l’ai vécu comme député à plusieurs reprises. Au printemps 2023, Élisabeth Borne, alors première ministre, avait promis une nouvelle méthode. Or, deux ans plus tard, les enseignants, les élèves, leurs parents, les maires et les élus locaux attendent toujours la carte scolaire à trois ans qui doit donner de la visibilité et éviter les fermetures surprises quelques semaines avant la rentrée. Ils attendent également que les fameux conseils de la concertation soient mis en place dans chaque département. Quand votre ministère va-t-il mettre en œuvre ces engagements pris il y a deux ans ?

M. Édouard Geffray, ministre. J’aimerais vous répondre « dès cette année », parce que cela fait partie des sujets que j’ai évoqués hier avec les directeurs académiques des services de l’éducation nationale (Dasen). Je considère qu’on ne peut pas tenir les collectivités territoriales éloignées de cette affaire et les laisser tout découvrir au dernier moment. C’est une question de respect, mais également de travail collectif. C’est aussi la raison pour laquelle je me suis engagé à tout dire aux organisations syndicales avant de faire des annonces publiquement.

Tout d’abord, les observatoires ne doivent pas concerner seulement la ruralité, mais tous les départements, parce que la démographie chute partout.

Ensuite, il faut établir une carte modélisant sur trois ans les évolutions envisagées – sous réserve des décisions prises dans les lois de finances.

Enfin, on ne peut pas se contenter de fermer des classes. C’est pourquoi j’essaie de lancer une réflexion collective sur les conséquences à long terme de la baisse de la démographie. C’est l’occasion d’étudier une reconfiguration de l’offre scolaire dans les territoires. On pourrait par exemple affecter le professeur d’une classe fermée à du soutien scolaire, de 16 h 30 à 17 h 30, à destination des élèves en difficulté, ce qui permettrait aussi de libérer un peu plus tard de l’école les élèves dont les familles sont en zone rurale éloignée. Il y a des choses à faire, et j’aimerais mener dès cette année des expériences dans un ou deux départements, à l’échelle intercommunale. Nous devons aussi nous projeter sur la suite des évènements, faute de quoi nous n’aurons plus, dans dix ou vingt ans, que nos yeux pour pleurer, alors que nous avons les moyens de faire des choses formidables.

Mme Géraldine Bannier (Dem). Le projet annuel de performances (PAP) du programme 143 indique que l’enseignement technique agricole attire chaque année davantage d’apprenants, avec une hausse de 1,3 % pour l’année scolaire 2024-2025. C’est une bonne nouvelle, et ces chiffres sont encore amenés à s’améliorer, conformément à l’objectif de 30 % d’augmentation fixé par la loi d’orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture. Toutefois, la ligne budgétaire qui retrace les dépenses de personnel de cet enseignement est en baisse d’environ 22 millions d’euros, alors même que le PAP prévoit 1 478 départs d’enseignants pour 1 518 entrées, ainsi qu’un recrutement plus important d’AESH et d’assistants d’éducation (AED). Pouvez-vous faire un point sur le financement de l’enseignement agricole, s’agissant notamment du nombre de postes d’enseignants prévu ?

Enfin, je vous remercie d’avoir rappelé l’importance fondamentale du livre. On ne le fait pas assez.

M. le président Alexandre Portier. Je précise que nous auditionnerons le directeur général de l’enseignement agricole mercredi prochain.

M. Édouard Geffray, ministre. Première bonne nouvelle : l’enseignement agricole séduit de nouveau. C’est important, parce que des dizaines de milliers d’exploitations vont changer de main au cours des prochaines années. Si cet enseignement n’attire pas, nous perdrons notre souveraineté agricole.

À ma connaissance, les crédits ouverts en faveur de cet enseignement ont augmenté de 24 % depuis 2017, et le plafond d’emplois progresse de 174 ETPT par rapport à 2025, pour l’essentiel en raison de la prise en compte des effectifs d’AESH et d’AED.

Je ne suis pas un grand spécialiste de l’enseignement agricole, et son directeur général vous en dira plus la semaine prochaine. Mais vous pourrez compter sur nous pour promouvoir cet enseignement auprès des élèves, notamment à la fin de la troisième.

Mme Florence Herouin-Léautey (SOC). Je vous remercie pour la fermeté dont vous avez fait preuve dans votre réponse à ma collègue Fatiha Keloua Hachi à propos de l’enseignement d’Evars. Vous avez montré votre détermination à faire en sorte que cet enseignement ne soit pas optionnel, mais bel et bien obligatoire.

Quelle est votre appréciation du climat qui règne dans l’enseignement catholique ? Ses représentants ont exprimé très clairement leur refus d’enseigner l’Evars, tandis que l’idéologie d’extrême droite s’infiltre jusque dans les associations de parents d’élèves pour mettre en difficulté les enseignants. Ces derniers ont besoin du soutien appuyé de leur ministre et de leur ministère. Comment comptez-vous le matérialiser afin qu’ils puissent exercer leur mission avec la sérénité que requiert la prise en charge d’enfants ? Je fais référence à un article du journal Le Monde paru aujourd’hui et intitulé « “Enseigner en paix”, un “Graal” pour les professeurs confrontés aux tensions croissantes avec les élèves et leurs familles ».

M. Édouard Geffray, ministre. Je vais rencontrer le secrétaire général de l’enseignement catholique. Vous l’avez compris, ma ligne est très claire, et je ne suis pas très inquiet sur ma capacité à la faire respecter. Un programme doit être enseigné. Encore une fois, ce n’est pas négociable.

Ce que vous avez dit sur les professeurs mis en cause est très important. Ces comportements doivent cesser. Je vous le dis de manière catégorique, je serai le promoteur et le protecteur des professeurs, auxquels nous devons une grande partie de ce que nous sommes ainsi que la construction de notre unité collective future. Sans eux, il n’y en aura plus. Les professeurs sont la force centripète de notre société. Ils sont évidemment soumis à toutes les attentes contradictoires dont l’école fait l’objet.

L’exigence de protection est absolue. Cela signifie que lorsqu’un professeur est menacé ou mis en cause, il doit y avoir des poursuites pénales. La réponse doit également être symbolique : la figure du professeur ne peut pas faire l’objet d’une forme de dépréciation dans le discours public. Vous pourrez compter sur moi pour assurer cette double protection.

M. Philippe Fait (HOR). On peut se féliciter du taux d’encadrement, mais il est nécessaire de l’améliorer. Ce que l’on demande aux enseignants est de plus en plus lourd, et cela affecte leur santé mentale – grande cause nationale cette année. Les élèves aux besoins éducatifs particuliers sont de plus en plus nombreux, et les écrans toujours plus néfastes pour le développement des enfants. De plus, les directeurs d’école sont sous pression, tant les situations à gérer sont complexes, avec une charge administrative écrasante. Pourquoi ne pas maintenir le nombre d’enseignants en tirant parti de la baisse démographique pour renforcer l’attractivité du métier et construire une école plus inclusive ?

M. Édouard Geffray, ministre. Encore une fois, ce débat vous appartient.

Pour moi, l’enjeu est de maintenir la continuité du flux d’enseignants au cours des vingt ou trente prochaines années. Nous allons continuer d’améliorer le taux d’encadrement chaque année, et je ne ferai jamais partie de ceux qui proposent de diminuer le nombre de postes à due proportion de l’évolution démographique. Je ne crois pas un seul instant à une telle politique. En revanche, on ne peut pas complètement ignorer l’ampleur de cette évolution. Tout est affaire d’équilibre, et l’amélioration du taux d’encadrement contribue progressivement à celle des conditions de travail des enseignants.

M. Erwan Balanant (Dem). Vous avez beaucoup parlé du climat scolaire et vous voulez en faire une de vos priorités, ce dont je me félicite.

Lors d’une intervention à la télévision, vous avez rappelé que la loi visant à combattre le harcèlement scolaire avait permis d’engager 600 poursuites pénales. Ces dernières sont cependant un constat d’échec pour la société et l’institution scolaire. La loi comprenait également deux autres volets : la prévention et l’accompagnement. Comment pouvons-nous les renforcer ? Prendre soin de nos enfants est fondamental pour établir un bon climat scolaire.

M. Édouard Geffray, ministre. Je le disais tout à l’heure, nous marchons sur deux jambes : instruire et protéger. Prendre soin de nos enfants en milieu scolaire est une exigence collective, d’autant qu’ils sont bombardés d’images et de contenus objectivement assez effrayants sur les réseaux sociaux, qu’ils fréquentent de plus en plus jeunes.

Le harcèlement est un sujet majeur, auquel on doit répondre de trois manières.

Le travail de prévention est tout d’abord mené au sein de l’école, en lien notamment avec l’association e-Enfance, qui gère le numéro d’urgence 3018, et grâce aux vidéos d’information – une nouvelle, réalisée par des élèves, doit d’ailleurs être diffusée cette année – et au travail de formation considérable réalisé avec les 115 000 élèves ambassadeurs contre le harcèlement scolaire. Cette action a vocation à être poursuivie, mais elle doit être complétée par une coéducation entre les parents d’élèves et l’école. Cela fait des années qu’on la prône, mais il faut qu’elle s’appuie sur un objet. Nous en avons un, majeur, qui est la réduction de l’exposition aux écrans.

Le deuxième volet de notre action est celui de la détection. Il faut pouvoir mieux détecter les signaux faibles. Dès jeudi, les élèves de toutes les classes vont remplir un questionnaire sur leur situation. Alors qu’il était jusqu’à présent anonyme, il sera pour la première fois possible de s’identifier. Ce questionnaire va servir d’outil d’alerte interne dans chaque établissement, les élèves pouvant l’utiliser pour appeler au secours.

Le troisième élément est la sanction. Je rends d’ailleurs hommage à la loi dite Balanant, qui fait partie de la réponse. Cette dernière ne peut évidemment pas être uniquement pénale – elle doit être adaptée et complétée par des mesures éducatives –, mais il s’agit bien d’une sanction. La règle doit être claire : tu es harcelé, tu es protégé ; tu es harceleur, tu es sanctionné. On ne peut pas tergiverser. Les cas les plus graves appellent une réponse pénale – vous l’avez dit, 600 poursuites ont été engagées –, mais 4 200 mesures alternatives aux poursuites ont également été prononcées. Tout cela traduit une prise de conscience des jeunes et des familles, et il faut poursuivre dans cette voie.

Si nous ne nous appuyons pas sur ces trois éléments, nous n’atteindrons pas les objectifs que nous nous sommes fixés.

M. le président Alexandre Portier. Je vous remercie, monsieur le ministre, pour vos réponses très complètes.

La réunion est suspendue de dix-huit heures trente à dix-huit heures trente-cinq.

*

M. le président Alexandre Portier. Nous en venons à l’examen des amendements. Pour plus de clarté, ils ont été regroupés par thème lorsque cela était possible.

 

Article 49 et état B : Crédits du budget général

M. le président Alexandre Portier. Les quatre premiers amendements concernent la revalorisation des salaires du personnel de l’éducation nationale.

Amendements II-AC458, II-AC459, II-AC461 et II-AC470 de M. Arnaud Bonnet

M. Arnaud Bonnet (EcoS). L’amendement II-AC458 vise à revaloriser de 15 % les rémunérations de l’ensemble des personnels de l’éducation nationale – c’est ce qu’il conviendrait de faire dans un monde idéal. Si le point d’indice majoré annuel avait évolué au même rythme que le smic depuis 2002, sa valeur serait désormais de 91,05 euros, et non de 58,20 euros.

L’amendement II-AC459 prévoit la même augmentation, mais seulement pour les enseignants.

L’amendement de repli II-AC461 propose d’augmenter de 7,5 % la rémunération des enseignants.

Quant à l’amendement II-AC470, qui est le moins-disant, il vise à rétablir la garantie individuelle du pouvoir d’achat (Gipa).

M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Avis défavorable. De nombreuses mesures ont été prises pour améliorer les carrières et les rémunérations. Certaines ont concerné l’ensemble des personnels, qu’il s’agisse de relever les principales indemnités de fonction, de fluidifier les carrières pour accélérer l’accès aux grades supérieurs ou d’agir en faveur du pouvoir d’achat, notamment dans le contexte de la crise inflationniste de 2022-2024. Les enseignants ont bénéficié d’une revalorisation de la prime d’activité et de la mise en œuvre du pacte enseignant. Les personnels de santé scolaire ont, pour leur part, fait l’objet d’une revalorisation catégorielle exceptionnelle, dans le sillage du Ségur de la santé. Cela dit, l’attractivité des métiers passe par une revalorisation des salaires, et il faut écouter ce type de demande.

La Gipa a certes été supprimée, mais d’autres mesures catégorielles ont été prises pour soutenir le pouvoir d’achat des enseignants, notamment en début de carrière. Il est préférable de poursuivre dans cette voie, plus soutenable, au lieu de rétablir un dispositif aussi général que la Gipa, qui concernerait tous les agents publics et pas seulement ceux du ministère de l’éducation nationale.

M. Paul Vannier (LFI-NFP). Je soutiens ces quatre amendements. La revalorisation de la rémunération des enseignants et de tous les personnels de l’éducation nationale est une urgence absolue pour l’école. La crise du métier d’enseignant trouve sa source principale dans l’effondrement du pouvoir d’achat. Dans les années 1980, un enseignant en début de carrière percevait 2,2 smics ; désormais, il ne touche plus que 1,2 smic. Cela explique aussi en bonne partie l’envolée des démissions.

Je le répète, la situation est catastrophique. Dans la dernière enquête Talis, seuls 4 % des enseignants déclaraient être suffisamment reconnus – la France a, de ce point de vue, le plus mauvais résultat parmi les cinquante-quatre États membres de l’OCDE.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Monsieur le rapporteur pour avis, il faut distinguer les primes et le traitement. Des dispositifs comme le pacte enseignant permettent d’obtenir davantage de primes ; si celles-ci contribuent ponctuellement au pouvoir d’achat, elles ne sont pas prises en compte dans le calcul des pensions, à la différence du traitement. Augmenter ce dernier permettrait aux enseignants d’être plus à l’aise non seulement pendant leur carrière, mais aussi à leur retraite.

M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. J’appelle votre attention sur le coût de ces amendements. Le premier représente plus de 7 milliards d’euros, et le deuxième 6,5 milliards. Il faut faire très attention aux conséquences des mesures proposées.

M. Laurent Croizier (Dem). Il faut bien entendu augmenter la rémunération des professeurs, mais on ne peut malheureusement pas procéder de cette manière. Il convient de s’inscrire dans une démarche pluriannuelle, et non de voter un amendement à la seconde partie du PLF qui mettrait à mal les équilibres financiers de l’ensemble de la mission Enseignement scolaire. Je comprends l’intention de M. Bonnet, mais prenons garde de ne pas donner de faux espoirs. Je considère qu’il s’agit d’amendements d’appel, car augmenter les rémunérations de cette façon serait assez peu responsable d’un point de vue budgétaire.

Mme Géraldine Bannier (Dem). La réflexion doit en effet être poursuivie. On a revalorisé les traitements en début de carrière, mais le problème concerne en réalité l’ensemble de la carrière. Les professeurs ayant quinze ou vingt ans d’ancienneté ont connu une longue période de gel du point d’indice, ce qui a conduit à une stagnation de leur pouvoir d’achat.

La commission rejette successivement les amendements.

M. le président Alexandre Portier. Les deux amendements suivants portent sur la gratuité de l’accès à l’école.

Amendements II-AC375 de M. Paul Vannier et II-AC376 de M. Abdelkader Lahmar

M. Paul Vannier (LFI-NFP). Nous proposons que l’école soit réellement gratuite – y compris la cantine, les transports et les fournitures scolaires. De cette manière, l’école de la République tiendra ses promesses et fera vivre le principe d’égalité de traitement de tous les élèves. Il n’est actuellement pas observé, dès lors que la gratuité totale ou partielle dépend le plus souvent du choix des collectivités territoriales.

Notre amendement II-CE375 a également une portée éducative, car on n’apprend pas le ventre vide. On sait que les inégalités d’accès à la cantine sont très directement liées à l’origine sociale des élèves. Même avec une tarification sociale, la cantine peut rester une dépense trop importante pour les familles des catégories les moins favorisées.

Cette mesure de gratuité réelle est financée par les recettes que nous avons votées en première partie du PLF. Nous avons notamment adopté un amendement taxant davantage les multinationales, qui rapportera 26 milliards d’euros.

M. Abdelkader Lahmar (LFI-NFP). Avec notre amendement de repli II-AC376, nous proposons d’instaurer la gratuité de la cantine, du transport, des sorties, des manuels et des fournitures scolaires pour l’ensemble des enfants scolarisés dans les établissements relevant de l’éducation prioritaire.

Ces dépenses représentent un poids important pour les familles dont les enfants sont inscrits dans ces établissements, lesquelles sont statistiquement plus souvent issues des QPV, et par conséquent davantage touchées par la pauvreté et la précarité. Selon l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), le taux de pauvreté s’élevait en 2024 à 44,3 % dans les QPV, contre 14 % à l’échelle nationale. La part de la population sans diplôme y est presque deux fois plus élevée, de même que la proportion de familles monoparentales.

À défaut d’instaurer dès à présent la gratuité pour l’ensemble des élèves, cet amendement constituerait un premier pas décisif dans la lutte contre les inégalités sociales et scolaires.

M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. L’amendement de M. Vannier coûterait 6,2 milliards d’euros, soit 10 % du budget de l’éducation nationale !

Sur le fond, la mesure est insuffisamment ciblée. Il n’y a, à mes yeux, aucune raison de prendre en charge l’ensemble de ces dépenses pour toutes les familles, y compris celles qui ont les moyens de contribuer. Un certain nombre de dispositifs d’accompagnement sont prévus par les collectivités territoriales, de sorte qu’aucun enfant n’est empêché d’aller à l’école ou de manger à la cantine. Les cantines et les transports scolaires relèvent d’ailleurs des compétences des collectivités, et il n’appartient pas à l’État de les assumer. Un certain nombre de mesures spécifiques existent dans les zones d’éducation prioritaire ; c’est notamment le cas des petits déjeuners gratuits, dont un élève sur cinq a déjà bénéficié au cours de l’année scolaire écoulée.

Avis défavorable, donc, même si un enfant ne doit jamais être empêché d’aller à l’école parce qu’il habite loin et que le transport scolaire est payant, ni de manger à sa faim parce que la cantine lui serait refusée.

M. Paul Vannier (LFI-NFP). Le rapporteur pour avis nous invite à méditer sur le montant de la dépense. Je répète que l’Assemblée, souveraine, a voté des amendements qui augmentent les recettes.

J’observe par ailleurs que les crédits consacrés à l’école sont artificiellement gonflés par le niveau des cotisations employeur versées pour les retraites des fonctionnaires de l’État, qui avoisine les 14 milliards d’euros. Cette somme fait défaut pour investir dans l’éducation au même niveau que celui des pays proches, qu’ils appartiennent à l’Union européenne ou à l’OCDE. J’ai d’ailleurs utilisé ces 14 milliards comme référence pour calculer les montants proposés dans tous mes amendements. Ils permettraient un effort raisonnable, destiné à porter les dépenses en matière d’éducation à un niveau moyen comparable à celui de nos voisins.

Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Pour notre groupe, la gratuité de l’école est un vrai sujet.

La loi de 1881 a rendu l’école gratuite, laïque et obligatoire. De fait, on n’y est pas. Sans même parler de la cantine ou des activités périscolaires, beaucoup de sorties sont payantes. Or celles-ci sont très différentes : elles vont du voyage à l’étranger, dans les quartiers favorisés, à la simple visite du zoo local, dans ceux qui sont défavorisés, puisqu’il revient aux parents ou aux municipalités de payer. On voit donc bien qu’il y a une inégalité.

Cependant, demander la gratuité de la cantine, des activités périscolaires et des sorties scolaires consiste à mettre sur le même plan des choses qui relèvent de financeurs différents. Les collectivités locales gèrent les cantines et toutes les activités périscolaires. Si l’on prévoyait une gratuité intégrale sans compensation, on renforcerait les inégalités déjà fortes entre communes riches et pauvres.

Pour autant, la question de la gratuité mérite d’être vraiment posée dans le cadre d’un débat national. L’école est peut-être obligatoire, et elle est bien entendu laïque – même si ce n’est pas le cas partout –, mais elle n’est certainement pas gratuite, du simple fait que les activités proposées ne sont pas les mêmes selon que l’on est riche ou pauvre.

M. Abdelkader Lahmar (LFI-NFP). Le groupe Socialistes et apparentés avait pourtant voté cet amendement l’année dernière.

Mme Géraldine Bannier (Dem). Je me sens contrainte d’intervenir, parce que je suis fille d’agriculteur. Il est certes nécessaire que les collectivités aident les enfants qui en ont besoin pour qu’ils aient un repas – cela se fait déjà –, mais la cantine n’est pas une activité. Si l’on instaure la gratuité générale de la cantine, on laisse entendre que la nourriture ne coûte rien, qu’elle n’est pas le résultat du travail des agriculteurs et que ces derniers n’ont pas à être rémunérés.

M. Pierrick Courbon (SOC). Je m’inscris en faux contre les propos qui viennent d’être tenus. Dans la plupart des cantines, les tarifs sont déjà largement subventionnés. Quand une famille paie 1 ou 2 euros par repas alors qu’il en coûte 9, on ne dit pas que c’est un manque de respect envers les agriculteurs. Nous parlons simplement du pouvoir d’achat des familles. Si elles ne paient pas, parce qu’elles ne le peuvent pas, cela ne remet en question ni la qualité ni la valeur des produits servis aux enfants.

M. Paul Vannier (LFI-NFP). J’aimerais convaincre Mme Bannier qu’il s’agit au contraire d’assurer des débouchés aux agriculteurs, notamment à ceux qui s’engagent dans la bifurcation écologique, dans une production locale, paysanne, biologique, en finançant des menus issus de ce type d’agriculture. Ce levier de bifurcation, l’école peut contribuer à l’actionner, ce qui donnera des perspectives à un monde agricole en crise ayant manifestement besoin de changer de modèle.

M. Laurent Croizier (Dem). Ces programmes électoraux consistant à dire que tout peut être gratuit, des cantines scolaires aux transports collectifs, comme le demandent La France insoumise et une partie de la gauche, que l’on peut verser un revenu universel à tous les jeunes et augmenter en claquant des doigts les salaires de toute la population, à un moment donné, cela doit cesser ! Si un jour vous arrivez au pouvoir – ce que je ne souhaite pas –, vous regarderez les Français droit dans les yeux en leur disant : « On est désolés, tout ce qu’on vous a dit les années précédentes, on est incapables de le faire. » Il n’y a rien de pire pour la démocratie et pour la crédibilité du discours politique !

La réunion est suspendue de dix-huit heures cinquante-cinq à dix-neuf heures cinq.

Mme Violette Spillebout (EPR). Pour moi, la gratuité des cantines et des sorties scolaires relève de la liberté des maires et des élus locaux. La cantine fait partie du temps scolaire ; sa gratuité est un choix aux conséquences budgétaires importantes.

Je ne peux pas considérer l’idée comme mauvaise : c’était une mesure phare de ma candidature aux élections municipales de Lille, il y a cinq ans, car j’étais convaincue que cela favorisait la mixité. Mais le choix n’en revient pas moins aux maires, d’autant que la mesure est coûteuse et que les collectivités territoriales se verront confrontées à d’importantes difficultés budgétaires.

M. Abdelkader Lahmar (LFI-NFP). « Pour être studieux, solides, forts et vigoureux, buvez du lait ! » Tel était le slogan de Mendès France, qui a instauré en 1954 le verre de lait quotidien. Les enfants ont besoin de manger pour étudier. Si vous considérez cela comme du populisme, nous n’avons plus rien à nous dire.

M. Philippe Fait (HOR). Nous sommes remontés à la genèse de l’école publique. Ce qui est gratuit, c’est l’éducation, pas ce qui est arrivé après. Je ne pense pas que l’on parlait, il y a plus de cent ans, de cantines et de sorties scolaires, lesquelles sont à la main des collectivités. Lorsque j’étais maire, j’avais décidé de mener une politique volontariste en la matière, mais laissons aux édiles la liberté de choisir ! Peut-être nos collègues en connaissent-ils qui ont instauré la gratuité de la cantine ou du transport scolaire ; je demande à voir. Quant à l’école, elle est bel et bien gratuite. Il faut avoir la hauteur de vues et le courage de le dire.

La commission rejette successivement les amendements.

M. le président Alexandre Portier. Nous en venons à trois amendements relatifs au bâti scolaire.

Amendements II-AC493 de M. Arnaud Bonnet, II-AC108 de M. Alexis Corbière et II-AC478 de M. Arnaud Bonnet

M. Arnaud Bonnet (EcoS). La vétusté du bâti scolaire n’est pas un sujet secondaire, mais une urgence de santé publique. Comme l’a rappelé une intersyndicale lors d’une conférence de presse en avril dernier, 85 % des établissements ont été construits avant l’interdiction de l’amiante et 70 % d’entre eux en contiennent encore. Un dixième du bâti scolaire est considéré comme vétuste. Ce n’est absolument pas anecdotique.

Nos amendements prévoient des crédits de 5, 3 et 2 milliards d’euros. Un plan pluriannuel d’investissement dans le bâti scolaire s’impose, pour mettre celui-ci réellement aux normes. Nos collectivités ne peuvent pas le faire seules. La diminution du fonds Vert accentue cet état de fait. Le bâti scolaire aura beaucoup de mal à affronter le dérèglement climatique, notamment l’augmentation des chaleurs.

M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Nous ne pouvons que partager votre préoccupation, mais l’entretien du bâti relève de la compétence des collectivités locales, notamment des communes pour les écoles maternelles et élémentaires. En règle générale, l’État les aide dans le cadre de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) et de la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL), mais il n’a pas vocation à se substituer à elles. Il faut s’en tenir à l’équilibre entre la libre administration des collectivités territoriales et l’intervention, selon certains critères, de l’État.

La commission rejette successivement les amendements.

M. le président Alexandre Portier. Ces trois amendements portent sur le statut des AESH.

Amendements II-AC374 de M. Abdelkader Lahmar, II-AC450 de M. François Ruffin et II-AC339 de Mme Soumya Bourouaha

M. Abdelkader Lahmar (LFI-NFP). L’amendement II-AC374 vise à créer pour les AESH un corps de fonctionnaires de catégorie B, avec un temps complet à 24 heures de service, afin de titulariser les personnels en poste.

Selon les données révélées le mois dernier par France Inter, près de 49 000 élèves en situation de handicap – 35 % de plus qu’en 2024 – ne bénéficiaient pas d’un ou d’une AESH, pourtant indispensable à la bonne poursuite de leur scolarité. Et même quand les élèves ont la chance de bénéficier d’un accompagnement, il n’est pas toujours complet. Ces défauts de prise en charge sont avant tout le résultat d’un manque d’attractivité du métier d’AESH : 80 % de ces professionnels sont en CDD, et 98 % à temps partiel imposé ; mécaniquement, leur rémunération est faible, de l’ordre de 800 euros par mois. Aussi proposons-nous d’instituer un nouveau programme, intitulé Création d’un corps de fonctionnaires d’AESH de catégorie B, crédité de 2,5 milliards d’euros gagés sur le programme 230. Nous appelons bien entendu le gouvernement à lever le gage.

M. Jean-Claude Raux (EcoS). Nous manquons cruellement d’AESH – 50 000 élèves en sont privés. Lorsque nous soulevons la question, on nous répond souvent que le problème ne réside pas dans les crédits, mais plutôt dans l’attractivité du métier qui, avec un salaire moyen de 750 euros par mois, mène à la précarité, voire à la pauvreté – 96 % des AESH déclarent ne pas vivre dignement. La seule manière de résoudre le problème est de leur reconnaître le statut de fonctionnaire, comme nous le demandons année après année.

Mme Soumya Bourouaha (GDR). L’amendement II-AC339 est un amendement d’appel visant à souligner la nécessité de créer un corps de fonctionnaires de catégorie B chargés d’accompagner les élèves en situation de handicap, ce qui permettrait de mettre un terme à la précarité des AESH en leur garantissant un temps de travail complet, un statut et une formation renforcée, comme le prévoit d’ailleurs notre proposition de loi visant à la création d’un statut des accompagnants et accompagnantes d’élèves en situation de handicap.

M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Le sujet des AESH est majeur. Depuis 2017, nous l’évoquons chaque année, et pas uniquement lors de l’examen du projet de loi de finances. À terme, nous devons réussir à accompagner tous les élèves ayant besoin d’un accompagnement spécifique au titre de la reconnaissance du handicap.

Comme le ministre, qui a répondu précisément, me semble-t-il, aux questions à ce sujet, je considère qu’il s’agit d’une sorte de vis sans fin. Nous pouvons toujours créer 10 000 ou 20 000 postes d’AESH, nous aurions du mal à les recruter et, les notifications des MDPH étant chaque année plus nombreuses que les recrutements, la demande ne s’en trouverait pas résorbée pour autant.

Certes, notre société devient plus difficile, et certains de nos enfants rencontrent des difficultés qui n’existaient vraisemblablement pas autrefois, mais j’ai tendance à penser que la délivrance de notifications par les MDPH, dont je ne méconnais pas le travail de qualité, gagnerait à faire l’objet d’une meilleure concertation avec l’éducation nationale en général et avec les enseignants en particulier. Certains seront peut-être choqués par mes propos, mais je sais, pour avoir enseigné comme bon nombre d’entre vous, qu’il y a parfois trois, quatre ou cinq AESH dans une même classe sur le même créneau horaire. Est-ce aussi bénéfique qu’on pourrait le souhaiter ?

Les amendements visent à doter les AESH d’un statut de fonctionnaires, recrutés par concours. Je ne suis pas certain que cela réduise les difficultés de recrutement. Depuis 2017, de nombreuses mesures ont été prises, comme la revalorisation des rémunérations de base, l’attribution d’indemnités de fonctions, le recrutement sur contrat de droit public, la cédéisation après un certain nombre d’années, la formation et la prise en charge du temps de travail sur les pauses méridiennes. Si nous avons le devoir d’accompagner la scolarité de tous les élèves en situation de handicap, le sujet excède, par son ampleur et sa complexité, le cadre d’une discussion sur des amendements de crédits à un projet de loi de finances. Avis défavorable.

M. Pierrick Courbon (SOC). Je fais partie de ceux qui sont sinon choqués, du moins intrigués par vos propos. La MDPH notifie des droits en fonction non de la situation des écoles, mais des besoins des enfants. Il est de notre devoir de faire en sorte que les droits notifiés soient effectifs – ce qui, de toute évidence, n’est pas le cas. Il y va de la crédibilité de la parole publique au sens large, MDPH et école étant des services publics. Quelle image en donnons-nous si nous notifions des droits tout en assumant parfaitement d’être incapables d’en assurer l’effectivité ? À ce jeu-là, nous perdons tous.

M. le ministre disait tout à l’heure qu’en dépit des pics observés en début d’année scolaire, le nombre d’élèves privés d’accompagnement n’était pas de 50 000, mais de 30 000 ou 40 000. Pour autant, nous ne pouvons pas nous satisfaire d’être incapables de rendre effectifs les droits de dizaines de milliers d’enfants ! J’entends bien que la charge budgétaire est significative et que le problème réside aussi dans la capacité de recrutement, donc dans l’attractivité du métier, mais après avoir tous dénoncé, dans tous les groupes, la situation des AESH, nous pourrions à tout le moins adopter l’amendement d’appel de Mme Bourouaha.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Il y a peu de temps, Mme Bannier et moi-même avons évalué la loi visant à lutter contre la précarité des accompagnants d’élèves en situation de handicap et des assistants d’éducation, dite loi Victory. L’amélioration du statut des AESH se heurte à deux problèmes : le temps de travail et la cédéisation.

Depuis 2022, nous n’avons pas du tout avancé, la loi visant la prise en charge par l’État de l’accompagnement humain des élèves en situation de handicap durant le temps de pause méridienne, dite loi Vial, étant inapplicable – moins de 1 % des AESH travaillent à temps plein. Ce que demandent avec force les AESH, par la voix de leurs syndicats – ces agents sont désormais syndiqués, ce qui est une très bonne chose –, c’est d’obtenir le statut de fonctionnaire, non seulement parce qu’il les protégera, mais surtout parce qu’il leur assurera une formation convenable.

Si les contraintes budgétaires auxquelles nous sommes soumis nous interdisent de dépenser plusieurs milliards pour une telle évolution, adopter aussi largement que possible l’amendement d’appel de Mme Bourouaha aurait à mes yeux une importance symbolique, tant les AESH sont dans une situation financière calamiteuse et un statut précaire.

La commission rejette successivement les amendements.

M. le président Alexandre Portier. Nous examinons à présent quatre amendements portant sur le nombre de postes d’AESH.

Amendements II-AC418 de M. Sébastien Saint-Pasteur, II-AC468 de M. Arnaud Bonnet, II-AC334 de Mme Soumya Bourouaha et II-AC489 de M. Arnaud Bonnet

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Il s’agit d’aligner les moyens dédiés aux AESH sur l’évolution réelle des besoins. D’après la direction générale de l’enseignement scolaire (Dgesco), 48 726 enfants étaient sans AESH à la rentrée 2025, contre 36 000 l’année précédente. Ces chiffres, recueillis par Sébastien Saint-Pasteur dans le cadre de la commission d’enquête sur les défaillances des politiques publiques de prise en charge de la santé mentale et du handicap et les coûts de ces défaillances pour la société, montrent clairement une dégradation rapide et un manque de pilotage national. L’amendement II-AC418 ne vise qu’à couvrir les besoins des 48 726 enfants sans AESH.

M. Arnaud Bonnet (EcoS). Il convient effectivement d’accélérer le recrutement d’AESH en 2026. Nous sommes conscients des difficultés de recrutement mais, en l’absence de gestes en matière de statut et de conditions d’emploi, il ne peut en être autrement.

Le taux d’encadrement peut atteindre cinq élèves par professionnel. La difficulté est sociétale : la déficience en pédopsychiatrie et en structures capables d’accompagner au mieux les enfants provoque la défaillance de l’accompagnement de nombreux élèves en situation de handicap. Dans mes classes de collège, il m’est arrivé d’avoir plusieurs élèves en situation de handicap sans AESH. Ce n’est pas possible ! Aussi les amendements II-AC468 et II-AC489 prévoient-ils respectivement le recrutement de 4 000 et de 2 000 AESH supplémentaires.

Mme Soumya Bourouaha (GDR). L’amendement II-AC334 prévoit le recrutement et la revalorisation salariale de 1 000 AESH. Ce corps de métier est le deuxième de l’éducation nationale, comptant 143 000 membres en 2024 – soit une hausse de 47 % en sept ans – accompagnant 520 000 élèves. Pourtant, leur statut reste précaire et leur rémunération insuffisante, puisqu’elle est inférieure à 1 000 euros. Des temps partiels leur sont imposés, aucune perspective de carrière ne leur est proposée et la rotation des effectifs est élevée, ce qui fragilise les équipes et compromet la continuité de l’accompagnement. Le projet de loi de finances pour 2026 prévoit seulement 1 200 créations de postes, alors que les besoins augmentent de 6 % par an ; c’est pourquoi je propose d’en recruter 1 000 de plus, en leur offrant une rémunération digne, d’environ 1 850 euros par mois. On nous a dit tout à l’heure qu’il était difficile de recruter des AESH, mais comment le faire en offrant un salaire de moins de 1 000 euros ?

M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Le nombre d’AESH a augmenté de 70 % depuis 2017. Nous avons créé 15 000 postes depuis 2021, dont 2 000 en 2025. Pour 2026, 1 200 nouveaux postes sont prévus. Le sujet n’est donc pas laissé de côté.

Le déploiement progressif des PAS devrait permettre de mieux utiliser la ressource, notamment en améliorant les relations et les échanges entre les élèves, leurs familles et la communauté éducative. C’est en tout cas ce que j’appelle de mes vœux. Je ne parlerai pas de rationalisation, le mot me semblant inadapté, mais d’amélioration de la gestion des effectifs, qui ne doit pas exclure des recrutements futurs, dans le cadre des prochains projets de loi de finances, pour répondre aux besoins. Avis défavorable.

M. Paul Vannier (LFI-NFP). Quand bien même 1 200 recrutements sont prévus en 2026, il y en avait 4 000 il y a quatre ans. Le rythme a donc considérablement décéléré : c’est pourquoi il faut soutenir les amendements de nos collègues.

J’ai constaté dans ma circonscription que, faute d’AESH en nombre suffisant, le recours à des AESH privées se développe. En effet, confrontés à une redoutable carence, les chefs d’établissement se tournent vers les familles et leur demandent de prendre en charge les accompagnants de leurs enfants, ce qui leur coûte au bas mot 2 000 euros par mois, pour celles qui ont les moyens de payer. C’est aussi pour éviter ce type de dérive qu’il faut recruter des AESH sous statut public et, si possible, de fonctionnaire, comme le prévoyaient plusieurs amendements précédemment rejetés.

Mme Béatrice Piron (HOR). Nous sommes tous conscients qu’il manque encore quelques AESH, mais il y a eu de gros efforts de recrutement. Certes, 40 000 enfants sans AESH, c’est trop, mais tous n’ont pas forcément besoin d’un accompagnement à temps plein.

Par ailleurs, le bien-fondé de l’amendement de Mme Bourouaha, qui prévoit de recruter 1 000 AESH à un salaire deux fois supérieur au salaire habituel, m’échappe. Que diront les autres ? À ce rythme, plus aucun n’acceptera de travailler l’an prochain.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). La MDPH ne doit surtout pas être dépossédée de la notification et de la décision. Le flou qui entoure ce point, dans la mise en œuvre du PAS, est dangereux. On ne comprend plus qui notifie et qui exécute.

Je rappelle l’état actuel des choses : la MDPH notifie, ce qui donne à un enfant en situation de handicap la reconnaissance de ce dernier, assortie d’un pourcentage d’invalidité et d’un dispositif d’aide incluant un accompagnement humain ; l’éducation nationale gère ensuite les besoins de ces élèves. Qu’elle le fasse avec le secteur médico-social, c’est indispensable, mais elle n’a pas à mettre son nez dans le processus d’élaboration des notifications. Il faut distinguer le prescripteur et l’exécutant.

Mme Soumya Bourouaha (GDR). Mon amendement prévoit le recrutement de 1 000 AESH pour l’année 2026 et l’augmentation de la rémunération de toutes les AESH. Cet effort budgétaire me semble modeste compte tenu des besoins réels et des bénéfices attendus pour la qualité de l’inclusion.

La commission rejette successivement les amendements.

M. le président Alexandre Portier. Ces deux amendements portent sur le salaire des AESH.

Amendements II-AC333 de Mme Soumya Bourouaha et II-AC383 de M. Paul Vannier

Mme Soumya Bourouaha (GDR). L’amendement II-AC333 vise à amorcer la revalorisation tant attendue par les AESH en leur attribuant un salaire brut de 1 850 euros, conformément à une recommandation de la Fédération syndicale unitaire (FSU) et au constat du CNCPH. Il permet également de mettre en œuvre la recommandation formulée par la Cour des comptes d’intégrer ces personnels à la catégorie B de la fonction publique pour leur assurer une carrière et des formations pérennes ainsi qu’un salaire décent.

M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. De nombreuses mesures ont déjà été prises pour améliorer les conditions salariales et d’accompagnement des AESH. De 2017 à 2024, leur rémunération a augmenté de 41 %. Il est vrai que les temps pleins sont rares, faute d’heures à effectuer, ce qui explique le bas niveau des salaires et induit une forme de précarité. Le PAS permettra peut-être de rationaliser le temps de travail et de rendre la carrière plus attractive. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

M. le président Alexandre Portier. Nous en venons à trois amendements relatifs à la situation de l’école inclusive à La Réunion.

Amendements II-AC330, II-AC329 et II-AC331 de M. Frédéric Maillot

Mme Soumya Bourouaha (GDR). Faute de structure, les enfants en situation de handicap de La Réunion sont accueillis dans des écoles ordinaires qui, malgré la bonne volonté des équipes, ne sont pas adaptées à leurs besoins spécifiques – ces enfants souffrent notamment de troubles cognitifs, d’autisme, de polyhandicaps et de déficience sensorielle ou motrice. Ils ne bénéficient donc pas d’une scolarisation conforme au droit de l’éducation pourtant garantie par la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances. Aussi les amendements II‑AC330 et II-AC329 visent-ils à créer un institut médico-éducatif (IME) à La Réunion. Nous proposons aussi, par notre amendement II-CE331, de recruter des AESH à hauteur de 120 ETP supplémentaires, ce qui permettrait de faire face à une demande encore plus considérable qu’en métropole.

M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Notre vigilance ne doit pas être moindre dans les outre-mer qu’en métropole. Dans le cadre de la préparation de mon rapport, j’ai auditionné le recteur de Guyane : dans ce département, les besoins sont énormes, mais les créations d’écoles et de classes sont nombreuses, même si les conditions d’exercice du métier sont très particulières.

À La Réunion comme dans toutes les collectivités d’outre-mer, le suivi des élèves doit être identique à ce qu’il est dans tout autre territoire. Néanmoins, le projet de loi de finances n’a pas vocation à décider de la création d’un IME en particulier. Quant au recrutement d’AESH, les 1 200 nouveaux postes prévus par le texte seront en partie fléchés vers La Réunion et l’outre-mer en général. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-AC364 de Mme Fatiha Keloua Hachi

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Il s’agit d’abonder de 2,1 millions d’euros les crédits alloués à la formation des AESH afin de les porter au niveau de 2024, soit 4,2 millions. Nous nageons en plein film d’horreur. Les soixante heures de formation initiale étaient déjà insuffisantes. Alors que les AESH sont déjà sous-payées, on veut désormais qu’elles soient sous-formées, ou pas formées du tout !

M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Je doute que le gouvernement souhaite mettre un terme à la formation des AESH. Si tel était le cas, nous nous y opposerions.

La loi de finances pour 2025 a alloué 2,22 millions à la formation des AESH ; la baisse en 2026 ne serait donc que d’à peine 60 000 euros. La diminution des moyens consacrés à la formation suit celle des recrutements – 1 200 en 2026, contre 2 000 en 2025. Ce dont il faut s’assurer, c’est au moins que l’ensemble des AESH bénéficient des soixante heures de formation prévues, idéalement avant leur prise de fonctions. Avis défavorable.

Mme Béatrice Piron (HOR). L’objectif est de maintenir les AESH en poste le plus longtemps possible. Le texte adapte le volume des crédits alloués à la formation initiale au nombre des recrutements : celles d’entre elles qui ont conclu des contrats de trois ou six ans ou des CDI n’ont pas besoin de suivre soixante heures de formation chaque année.

Mme Soumya Bourouaha (GDR). Je soutiens l’amendement. Dans l’une des villes de ma circonscription, c’est la municipalité qui forme les AESH. Or il se trouve que, souvent, celles qui ont bénéficié de cette formation partent ensuite travailler dans d’autres communes. Il serait donc préférable que leur formation soit assurée par l’État.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Vous avez raison, monsieur le rapporteur pour avis, les crédits alloués à la formation sont à peu près stables, mais l’an dernier, ils avaient été réduits de 2 millions. J’irai plus loin : les AESH ne sont pas des couteaux suisses. Ce n’est pas parce qu’on les a formées pendant soixante heures qu’elles sont prêtes à prendre en charge tous les handicaps. Elles ont besoin d’une formation continue, que certaines d’entre elles financent sur leurs propres deniers ; or une journée de formation coûte 120 euros quand la rémunération mensuelle d’une AESH est de 800 euros par mois La moindre des choses serait de revenir au budget de 2024.

M. Roger Chudeau (RN). Je soutiens volontiers cet amendement, parce que les soixante heures de formation sont très insuffisantes et que les AESH ont besoin d’une formation continue. Il s’agit presque d’un point d’honneur. Nous confions aux AESH les enfants les plus fragiles. Il est du devoir de l’État, qui les emploie, de les préparer correctement à l’exercice de leur métier. Cette dépense est, en fait, un investissement dans la qualité du service que nous rendons aux élèves handicapés.

La commission adopte l’amendement.

M. le président Alexandre Portier. Nous en venons à trois amendements relatifs à la suppression de postes d’enseignants.

Amendements II-AC426 de M. Benjamin Lucas-Lundy, II-AC369 de M. Paul Vannier et II-AC456 de Mme Fatiha Keloua Hachi

M. Jean-Claude Raux (EcoS). Face à la baisse de la démographie scolaire, nous avons le choix entre deux logiques : celle de la contraction budgétaire, qui se traduit par la suppression de postes d’enseignants, ou celle, plus ambitieuse, de la réussite de nos élèves, qui consiste à réduire les effectifs des classes, ce qui contribuerait à rendre le métier de professeur plus attractif. Parce que nous optons pour la seconde logique, notre amendement II-AC426 vise non seulement à revenir sur les suppressions de postes prévues, mais aussi à en créer de nouveaux.

M. Paul Vannier (LFI-NFP). Nous proposons, quant à nous, de rétablir les 4 018 postes d’enseignants que le gouvernement propose de supprimer dans le projet de loi de finances pour 2026. Il y va des conditions d’apprentissage des élèves. Dans le primaire comme dans le secondaire, le nombre d’élèves par classe est bien supérieur à la moyenne européenne. La baisse de la démographie scolaire apparaît donc comme une opportunité historique de rattraper ce retard. Ce faisant, nous lutterions contre la croissance de la proportion d’enseignants contractuels, qui a plus que doublé ces dernières années et qui augmente à mesure que sont supprimés des postes de personnel sous statut.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Bien qu’il vise à maintenir les quelque 4 000 postes que le gouvernement souhaite supprimer, l’amendement II-AC456 ne coûterait que 52 millions d’euros. En effet, les enseignants concernés n’entreraient en fonction qu’en septembre prochain et n’enseigneraient donc que quatre mois en 2026.

Depuis 2017, 10 000 postes d’enseignants ont été supprimés. À un moment, il va falloir mettre fin à ce mouvement afin que le nombre d’enfants par classe corresponde, enfin, à la moyenne de l’OCDE, qui est de 19 élèves par classe.

M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Nous faisons face à une spirale démographique négative : les effectifs scolaires baisseront de 100 000 à la rentrée prochaine, de 125 000 à la rentrée suivante, et cette diminution est amenée à se poursuivre dans les dix à quinze années à venir. Cette évolution est telle que, si l’on appliquait un raisonnement purement comptable, il faudrait supprimer, dès cette année, 8 000 postes d’enseignants.

Ainsi, la suppression de 4 000 postes n’empêchera pas l’amélioration du taux d’encadrement de se poursuivre, dans l’ensemble des secteurs. Entre 2015 et 2024, le nombre d’élèves par classe est ainsi passé de 23 à 17 dans les écoles des réseaux d’éducation prioritaire (REP et REP+), et de 24 à 22 dans le public hors REP. Les effectifs budgétisés pour 2026 devraient conduire à passer, toutes écoles confondues, sous la barre des 21 élèves.

Au-delà de ces mesures ponctuelles, la principale question que nous devons nous poser est celle de l’organisation de l’école de 2035 ou 2040. Car, ne nous leurrons pas, faute d’un nombre suffisant d’élèves, tous ne pourront pas être scolarisés dans un collège ou un lycée proche de chez eux.

M. Arnaud Bonnet (EcoS). Il nous faut, en effet, remettre à plat l’organisation du système scolaire. Mais, en attendant, des classes ferment dans nos circonscriptions, et celles qui sont maintenues sont de plus en plus souvent à double, voire à triple niveau. En Seine-et-Marne, le taux d’encadrement est catastrophique : 28 élèves par classe dans le primaire, 30 au collège, entre 35 et 38 au lycée. Du reste, la carte scolaire n’ayant pas été redessinée, certains établissements sont confrontés à des situations sociales très difficiles. Face à une telle situation, on ne peut pas accepter que des postes soient supprimés.

M. Roger Chudeau (RN). Le Rassemblement national considère que la suppression de 4 018 postes d’enseignants titulaires est une erreur politique. Elle témoigne d’une politique à courte vue. Le ministre argue qu’il aurait pu en supprimer le double, mais sa réponse relève d’une logique comptable et non d’une politique éducative. L’état de l’école et la désaffection pour l’enseignement public sont tels que ce n’est pas le moment d’envoyer des signaux de cette nature. Nous nous opposerons donc à ces suppressions de postes.

Toutefois, nous ne pourrons pas voter les amendements de M. Lucas-Lundy et de M. Vannier, car ils gagent le rétablissement de ces postes sur les crédits de l’enseignement diocésain – c’est une sorte d’obsession. En revanche, celui de Mme Keloua Hachi est astucieux, car il prélève les crédits nécessaires sur le programme Soutien de la politique de l’éducation nationale, où des économies sont en effet possibles.

M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Il est important de continuer de diminuer le nombre d’élèves par classe. Cependant, je ne peux pas laisser dire que nous privilégions une logique comptable, puisque nous ne supprimons pas le nombre d’enseignants correspondant à la baisse démographique. Par ailleurs, il ne faudrait pas que cette question en occulte d’autres. Ainsi, on observe que le dédoublement des classes de primaire n’a pas eu les effets escomptés sur l’amélioration du niveau des élèves. Il faudra donc s’interroger sur l’efficacité de cette mesure qui, en tout état de cause, ne peut pas être la seule solution.

M. Paul Vannier (LFI-NFP). Je fais remarquer à M. Chudeau que, dans mon amendement, je demande au gouvernement de lever le gage. S’il cherche un prétexte pour ne pas voter le rétablissement des 4 018 postes d’enseignants supprimés, il devra donc en trouver un autre.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Je suis fermement opposée à la suppression de postes dans l’éducation nationale. C’est un très mauvais signal envoyé aux étudiants qui, du fait de la réforme de la formation initiale des enseignants, se sont engagés dans une licence professionnelle qui ne peut déboucher que sur l’enseignement. Qui peut vouloir embrasser la carrière d’enseignant si, chaque année, on annonce des suppressions de postes ?

Mme Delphine Lingemann (Dem). En tant que fille d’enseignants ayant grandi dans la ruralité, je peux vous assurer que les conditions d’apprentissage sont très bonnes dans les classes multiniveaux. J’ai ensuite été scolarisée dans un collège et un lycée d’une ville de sous-préfecture, et je n’étais pas dans les dernières de classe – j’étais même la première.

Cela dit, je suis opposée à l’approche statistique qui conduit à supprimer des postes, non seulement parce que les communes ont investi de l’argent public dans leurs écoles, mais aussi parce que nous devons tirer parti de la baisse de la natalité qui, je l’espère, ne sera que temporaire – c’est un vrai danger, et nous devons mettre en œuvre des politiques natalistes pour essayer d’inverser la tendance. Des outils existent, tels que les regroupements pédagogiques intercommunaux (RPI) ou les territoires éducatifs ruraux. Je voterai donc pour ces amendements.

M. le président Alexandre Portier. Les classes multiniveaux en zone rurale forment effectivement de très bons élèves, et parfois de futurs députés !

Mme Violette Spillebout (EPR). Je soutiens, à titre personnel, les amendements. Si l’effet du dédoublement des classes sur le niveau des élèves reste peut-être à démontrer, il est en revanche très positif pour le climat scolaire. À l’école, les enfants souffrent de problématiques de santé mentale, de harcèlement, voire de violence. Ils ont donc besoin que leurs enseignants jouissent de bonnes conditions de travail et soient suffisamment nombreux. Il serait très embêtant, sur le plan symbolique, de supprimer des postes alors que les enseignants ont besoin du soutien de l’État pour faire face à de nouveaux risques.

Néanmoins, nous savons que de nombreux postes ne sont pas pourvus. Ce n’est donc pas en revenant sur les suppressions proposées par le gouvernement que nous mettrons plus de profs devant les élèves. Il nous faut réfléchir à l’attractivité du métier.

M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Tout d’abord, je veux vous remercier pour la qualité de nos débats. Bon sang que c’est plaisant !

Ensuite, je vous invite à lire mon rapport, dont j’ai consacré la partie thématique au dédoublement des classes. Cette mesure a amélioré non seulement le climat scolaire et l’attractivité du métier, mais aussi les résultats scolaires, notamment ceux des élèves en REP+. En revanche, lorsque les classes cessent d’être dédoublées, certains élèves se trouvent à nouveau en difficulté.

Mme Géraldine Bannier (Dem). Examinerons-nous également, dans le cadre de cette discussion, ceux des amendements suivants qui visent à revenir partiellement sur les suppressions de poste d’enseignants ?

M. le président Alexandre Portier. Si vous le souhaitez, nous pourrons les inclure dans la discussion. Le vote sur les amendements II-AC426, II-AC369 et II-AC456 est donc renvoyé à la fin de cette discussion.

 

La séance est levée à vingt heures.

 


Informations relatives à la commission

La commission des affaires culturelles et de l’éducation a désigné :

 Mme Bénédicte Auzanot, M Rodrigo Arenas, M. Erwan Balanant, Mme Soumya Bourouaha, Mme Céline Calvez (rapporteure), M. Roger Chudeau (président), Mme Julie Delpech, Mme Virginie Duby-Muller, M. Steevy Gustave, Mme Florence Herouin-Léautey, Mme Florence Joubert, M. Maxime Michelet, M. Thierry Perez, M. Bertrand Sorre, M. Aurélien Taché, membres de la mission d’information sur « création, diffusion et acquisition des connaissances : comment l’intelligence artificielle transforme notre éducation et notre culture » ;

 M. Joël Bruneau, rapporteur sur la proposition du Président de la République de nommer M. Didier Samuel à la présidence de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm).

 


Présences en réunion

Présents.  M. Rodrigo Arenas, Mme Bénédicte Auzanot, M. Erwan Balanant, M. Philippe Ballard, Mme Géraldine Bannier, Mme Béatrice Bellamy, M. Idir Boumertit, Mme Soumya Bourouaha, M. Joël Bruneau, M. Fabrice Brun, Mme Céline Calvez, M. Roger Chudeau, M. Pierrick Courbon, M. Laurent Croizier, Mme Virginie Duby-Muller, M. Philippe Fait, M. Christian Girard, M. Steevy Gustave, Mme Ayda Hadizadeh, Mme Florence Herouin-Léautey, Mme Fatiha Keloua Hachi, M. Eric Liégeon, Mme Delphine Lingemann, M. Christophe Marion, Mme Graziella Melchior, Mme Marie Mesmeur, Mme Frédérique Meunier, M. Maxime Michelet, M. Julien Odoul, M. Jérémie Patrier-Leitus, M. Thierry Perez, Mme Béatrice Piron, M. Alexandre Portier, M. Christophe Proença, M. Jean-Claude Raux, Mme Claudia Rouaux, Mme Anne Sicard, M. Bertrand Sorre, Mme Violette Spillebout, Mme Sophie Taillé-Polian, M. Paul Vannier

Excusés.  Mme Farida Amrani, M. Gabriel Attal, Mme Yaël Braun-Pivet, M. Xavier Breton, Mme Nathalie Da Conceicao Carvalho, Mme Anne Genetet, M. Frantz Gumbs, M. Frédéric Maillot, Mme Nicole Sanquer

Assistaient également à la réunion.  M. Arnaud Bonnet, M. Abdelkader Lahmar, Mme Sarah Legrain, M. Paul Molac