Compte rendu
Commission
des affaires sociales
– Examen du rapport de la mission d’information sur les congés parentaux (M. Thibault Bazin et Mme Céline Thiébault-Martinez, rapporteurs) 2
– Informations relatives à la commission......................3
– Présences en réunion..................................4
Mercredi
15 octobre 2025
Séance de 9 heures 30
Compte rendu n° 2
session extraordinaire de 2025-2026
Présidence de
M. Frédéric Valletoux,
président
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La réunion commence à neuf heures trente.
(Présidence de M. Frédéric Valletoux, président)
La commission examine le rapport de la mission d’information sur les congés parentaux (M. Thibault Bazin et Mme Céline Thiébault-Martinez, rapporteurs).
M. le président Frédéric Valletoux. Mes chers collègues, je vous informe en préambule que le bureau de la commission vient de fixer les modalités d’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026. Nous débuterons ainsi nos travaux mardi 21 octobre à 16 heures 30 par l’audition des ministres concernés. Les articles et amendements seront examinés à partir du jeudi 23 octobre à 9 heures, jusqu’au mercredi 29 octobre. Le délai de dépôt des amendements expirera en commission le lundi 20 octobre et en séance le jeudi 30 octobre ou peut-être le vendredi 31 octobre.
Les modalités d’audition des ministres évoluent également, pour privilégier une réponse après chaque intervention des députés, dans un délai total de 4 minutes pour chaque ensemble question/réponse, plutôt qu’une réponse globale à l’issue de l’ensemble des interventions.
Mme Céline Thiébault-Martinez, rapporteure. À la suite des annonces du Président de la République en juin 2024 concernant un congé de naissance plus court et mieux rémunéré, la réforme des congés parentaux reste à clarifier, notamment sur la durée, l’indemnisation, le fractionnement et le partage entre parents. Cette réforme doit être pensée globalement, en tenant compte de l’environnement dans lequel s’exerce la parentalité en France ainsi que des besoins et attentes des familles.
Au-delà des aspects techniques, il s’agit d’améliorer la reconnaissance publique de la parentalité et de faciliter l’équilibre entre vie professionnelle, familiale et temps de repos. Deux principes guident cette approche : le libre choix du mode de garde et l’égalité professionnelle et parentale entre hommes et femmes.
Les consultations menées auprès d’experts, de familles et d’acteurs institutionnels soulignent l’inadéquation du modèle actuel et la nécessité d’une réforme structurelle pour mieux soutenir les parents et renforcer leur confiance dans l’avenir.
Notre intervention s’articulera en trois temps : nous procéderons d’abord à un état des lieux du cadre actuel et des modes de recours aux congés parentaux existants, avant d’établir un bilan des réformes les plus récentes, et enfin de présenter nos pistes de réflexion pour l’avenir.
M. Thibault Bazin, rapporteur. Le modèle français des congés parentaux repose sur deux modalités principales. Il s’agit en premier lieu des congés « courts » – congés maternité, paternité, adoption, accueil du jeune enfant – relativement bien indemnisés mais de courte durée : seize semaines pour les mères dans le cas d’une naissance simple de rang 1 ou 2, et de vingt-cinq jours pour les pères depuis juillet 2021, dont quatre jours obligatoires.
Il s’agit ensuite du dispositif des congés « longs », dits « congés parentaux d’éducation ». Il peut faire l’objet d’une indemnisation à travers la prestation partagée d’éducation de l’enfant (PreParE), dont le montant s’élève à 456,05 euros par mois à taux plein au 1er avril 2025.
Le modèle français se caractérise donc par un système à deux vitesses : un congé relativement court de moins de trois mois pour les mères – contre 18,4 semaines dans la moyenne des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) – mais bien indemnisé ; et un congé long, mais très faiblement rémunéré.
Les données disponibles restent insuffisantes, contraignant à des conjectures approximatives, notamment concernant le suivi des congés pathologiques et plus largement le recours à des congés « informels » comme des congés payés ou du chômage indemnisé ; le nombre et les profils des bénéficiaires du congé parental d’éducation ; l’articulation entre le recours aux congés parentaux et les modes de garde « formels » ; et enfin, les effets de l’allongement du congé de paternité de 2021 sur le recours des pères.
Il existe d’importantes disparités dans l’accès et le recours aux congés parentaux en France entre les pères et les mères, mais aussi selon les situations statutaires. Le recours au congé de paternité s’inscrit en progression depuis quelques années mais demeure moindre que le recours au congé de maternité : en 2021, 93 % des mères éligibles utilisent leurs droits au congé de maternité contre 71 % des pères.
La maternité et la naissance d’un enfant modifient les trajectoires professionnelles et sociales des femmes et des hommes, au détriment des premières. Les mères ajustent, interrompent ou réduisent en effet plus fréquemment leur activité professionnelle que les hommes après une naissance. La perte de revenus dans les dix premières années de l’enfant a pu être estimée à près de 38 % pour les femmes, quand l’effet de la paternité sur les revenus et trajectoires professionnelles des pères n’est pas ou peu significatif.
Si les fonctionnaires, agents publics et salariés du secteur privé en contrat à durée indéterminée apparaissent relativement protégés, les travailleurs indépendants, les chômeurs indemnisés et les salariés en contrat court ou discontinu recourent significativement moins à leurs droits. À ce titre, nous recommandons notamment une communication destinée aux allocataires de France Travail et la diffusion d’informations dans le cadre du parcours des « 1000 premiers jours ».
La PreParE, qui indemnise le congé parental long, est de moins en moins attractive, avec 209 000 bénéficiaires en juin 2023 contre 495 000 bénéficiaires en 2014. Elle bénéficie aujourd’hui à moins de 15 % des familles et 94 % de ses allocataires sont des femmes. Son faible montant explique le faible taux de recours des pères, contrairement à certains pays comme la Suède, où près de 30 % du congé parental est utilisé par les pères grâce à un système de quotas et à une indemnisation proche de 80 % du salaire.
Sur le plan financier, les dépenses en faveur des congés parentaux ont représenté 4,7 milliards d’euros en 2023, dont 3,2 milliards d’euros d’indemnités journalières de maternité, 700 millions d’euros d’indemnités journalières de paternité et d’accueil du jeune enfant et 700 millions d’euros de PreParE. Le montant total apparaît stable depuis une dizaine d’années et les différentes prestations connaissent également des dynamiques divergentes. Le coût des congés parentaux liés à leur prise en compte dans le calcul des droits à la retraite demeure par ailleurs très mal évalué.
D’une manière générale, nous regrettons un manque de suivi et de pilotage des dépenses liées aux congés parentaux et préconisons d’intégrer aux futures conventions d’objectifs et de gestion des caisses d’assurance maladie et de mutualité sociale agricole, des objectifs et indicateurs de suivi.
Mme la rapporteure. Les dix dernières années ont été marquées par d’importantes réformes des congés parentaux, visant à harmoniser les droits entre régimes, valoriser la place des pères et promouvoir le partage des responsabilités familiales. Cependant, les marges de progrès demeurent considérables.
La première évolution concerne l’harmonisation entre régimes. Bien que l’alignement des règles pour les travailleuses indépendantes et agricultrices ait marqué un progrès, des disparités subsistent, notamment pour le congé pathologique et d’adoption. Nous recommandons de poursuivre cette harmonisation, en alignant le montant minimal des indemnités journalières de maternité et la durée du congé d’adoption des indépendantes sur celles du régime général ; mais aussi d’assouplir les conditions du service de remplacement pour les non-salariés agricoles.
La deuxième évolution a trait à l’allongement du congé de paternité. L’allongement du congé de paternité à vingt-huit jours en 2021 a renforcé la reconnaissance du rôle des pères, mais le manque de données récentes limite l’évaluation de son impact. Les premières enquêtes de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, menées juste après sa mise en œuvre, indiquaient que 65 % des pères prenaient la totalité des vingt‑cinq jours, et que seulement 20 % le fractionnaient.
Les principaux obstacles identifiés concernent le niveau d’indemnisation, la complexité administrative, la méconnaissance des droits, les réticences de certaines entreprises et les pressions culturelles. Ainsi, plusieurs pères nous ont confié avoir ressenti des pressions, explicites ou implicites, pour ne pas « s’éloigner » trop longtemps du travail.
Dans les faits, le congé de paternité agit souvent comme une parenthèse heureuse au cours de laquelle les tâches familiales se rééquilibrent temporairement. Mais elle se referme rapidement au retour à l’emploi : quelques mois après la naissance, la priorité est presque toujours redonnée au travail.
M. le rapporteur. La troisième évolution est relative à la création de la PreParE en 2015, qui visait à mieux partager le congé parental d’éducation et à limiter l’éloignement durable des mères du marché du travail.
L’indemnisation a ainsi été réduite à vingt-quatre mois par parent pour deux enfants ou plus, et à six mois pour le premier enfant. Dans les faits, ces ambitions n’ont été que partiellement atteintes. Si la reprise d’emploi des mères a progressé, cet effet reste lié à la fin de l’indemnisation, avec de fortes disparités selon le niveau de revenu, la profession ou la composition familiale.
La participation des pères demeure très faible, soit moins de 1 % à taux plein et à peine 2 % à taux partiel, freinée par une indemnité insuffisante, la méconnaissance du dispositif et des freins culturels. Finalement, la réforme a surtout réduit la durée moyenne d’indemnisation sans améliorer significativement le partage du congé.
Une réforme paramétrique des congés parentaux doit s’inscrire dans une approche globale de la parentalité, prenant en compte l’accueil du jeune enfant, l’articulation entre la vie professionnelle et la vie familiale, et le bien-être de tous.
Nous suggérons trois grandes recommandations. Premièrement, il importe de renforcer le dialogue social et de rendre obligatoire la négociation collective sur ces sujets, ainsi que de diffuser les bonnes pratiques afin de promouvoir des transitions « douces » – complément de salaire, aménagements, télétravail, modes de garde. Ces mesures favoriseraient une reprise d’activité facilitée des mères, l’accès au congé paternité et un exercice serein de la parentalité au bénéfice de l’enfant dans ses premiers mois.
Mme la rapporteure. Deuxièmement, de nombreux travaux s’accordent sur la baisse de l’offre d’accueil « formel » du jeune enfant en France depuis 2017, notamment en raison du recul du nombre d’assistantes maternelles non compensé par les places en crèche, suscitant des inégalités territoriales. La réforme des congés parentaux doit également s’accompagner d’une réforme service public de la petite enfance ainsi que le déploiement effectif de 200 000 nouvelles places d’accueil supplémentaires, attendues à l’horizon 2030.
Il est nécessaire de favoriser un libre choix entre garde parentale rémunérée et modes d’accueil formels, ainsi que de faciliter les transitions, tout en reconnaissant que si le premier choix parental était respecté, la garde parentale à titre principale pourrait être très inférieure à son niveau observé – 36 % contre 56 % –, au profit d’un accueil en établissement d’accueil du jeune enfant – 35 % contre 18 %.
M. le rapporteur. Troisièmement, nous constatons que la politique des « 1000 premiers jours » est insuffisamment articulée avec la politique relative aux congés parentaux. Nous recommandons d’introduire davantage de temps d’accompagnement pendant ces congés, grâce à des actions de sensibilisation et de soutien aux parents.
Pour la réforme des congés parentaux, nous proposons d’allonger le congé de maternité postnatal de deux semaines, pour l’aligner sur la moyenne de l’OCDE, soit un coût estimé à 0,4 milliard d’euros.
Mme la rapporteure. S’agissant du congé de paternité et d’accueil de l’enfant, qui pourrait être rebaptisé « congé du second parent », je souhaite rendre obligatoire la prise du congé dans son intégralité avant d’envisager, dans un second temps, d’aligner sa durée sur celle du congé de maternité.
M. le rapporteur. Les auditions ont permis de dégager un consensus sur l’inadéquation de l’actuel congé parental d’éducation et de la PreParE aux besoins de nombreuses familles. Pour ma part, je préconise d’étendre les possibilités de fractionnement du congé de paternité et d’accueil du jeune enfant de manière à donner davantage de flexibilité aux pères pour s’adapter à leurs contraintes professionnelles et familiales.
Mme la rapporteure. Il convient de créer en ce sens un congé parental plus court et mieux rémunéré, dont l’indemnisation serait proportionnelle aux revenus. Je préconise de combiner une indemnisation équivalente à près de 80 % du salaire, dans la limite d’un plafond, avec un système de quotas non transférables pour chaque parent.
M. le rapporteur. Il existe également une volonté partagée de maintenir une forme de congé long et moins bien indemnisé, qu’il s’agisse du maintien de la PreParE actuelle ou de l’intégration au sein d’un futur congé de naissance d’un congé de longue durée sous forme de droit d’option pouvant aller jusqu’à l’entrée à l’école maternelle.
À plusieurs égards, notre système actuel n’encourage véritablement ni la mixité des congés, ni le libre choix ou la flexibilité des parcours. Ma co-rapporteure et moi-même sommes à ce titre unanimes sur la nécessité d’une réforme ambitieuse des congés parentaux et appelons de nos vœux un débat de qualité dans le cadre du PLFSS 2026.
M. le président Frédéric Valletoux. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes..
Mme Angélique Ranc (RN). La parentalité engendre un fort impact sur les membres du couple, en particulier les femmes, comme vous l’avez souligné. En revanche, certaines de vos propositions se perdent dans des approches uniformes et technocratiques. Il est plus que jamais nécessaire de favoriser la natalité et revaloriser le rôle des familles plutôt que d’imposer des modèles d’égalité artificiels. Le groupe Rassemblement National affirme que le libre choix des parents concernant la répartition du congé parental doit être garanti, sans politique de quotas, ni contraintes budgétaires ou idéologiques.
Certaines mesures du rapport tendent à aggraver la situation, afin de réaliser des économies déguisées. Si elles étaient adoptées, elles affaibliraient le soutien concret aux familles, notamment monoparentales. Au Rassemblement national, nous pensons que la famille est le cœur battant de la nation. Elle doit être protégée par des mesures visant à garantir la libre répartition du congé parental entre les deux parents et à encourager la natalité, en instaurant une part fiscale pleine dès le deuxième enfant.
Mme Camille Galliard-Minier (EPR). Votre rapport aborde le sujet essentiel du congé parental, dresse un état des lieux faisant apparaître les faiblesses de notre système, et formule de nombreuses recommandations afin de l’améliorer.
Une des mesures du PLFSS 2026 prévoit d’instaurer un congé supplémentaire de naissance indemnisé en fonction du salaire antérieur, dont la durée sera au choix du parent jusqu’à deux mois. Comment accueillez-vous cette proposition ?
Mme Zahia Hamdane (LFI-NFP). La natalité diminue, la précarité augmente, et les femmes continuent de payer le prix fort de la maternité. Aujourd’hui, les congés parentaux ne garantissent ni égalité ni justice. Moins de 15 % des familles y ont recours, presque uniquement des femmes, qui en paie le prix : dix ans après la naissance de son enfant, une femme a perdu près de 40 % de revenus par rapport à une collègue sans enfant.
Ce rapport propose des avancées : allonger le congé maternité, rendre le congé du second parent obligatoire et mieux indemnisé. L’enjeu concerne également le travail : la parentalité demeure un motif de discrimination ; il importe de la rendre inattaquable. En outre, il faut investir massivement pour créer les 200 000 places d’accueil promises. Enfin, pensons également aux mères seules, trop souvent oubliées, pour lesquelles un statut spécifique est nécessaire.
Réformer les congés parentaux ne relève pas d’une affaire budgétaire, mais d’un choix de société, un choix féministe. L’égalité entre les femmes et les hommes commence à la maternité ; un pays qui prépare l’avenir doit d’abord protéger ceux qui le font naître. Je doute que le budget Lecornu prenne en compte ces besoins.
M. Joël Aviragnet (SOC). Votre rapport le montre clairement : les dispositifs actuels sont éclatés, peu lisibles, faiblement indemnisés et surtout profondément inégalitaires. Ce rapport propose des pistes solides : allongement du congé maternité, renforcement du congé du second parent, meilleure indemnisation du congé parental, reconnaissance du temps d’accueil du nourrisson comme un enjeu partagé entre les deux parents. Ce débat doit maintenant se traduire dans les actes.
Lors des débats sur le PLFSS 2026, le Gouvernement devra assumer les choix budgétaires qu’exigent ces réformes. L’accompagnement des 1 000 premiers jours joue un rôle majeur dans la lutte contre les inégalités sociales et les inégalités de santé. C’est un enjeu de justice sociale, d’égalité réelle, de soutien à la parentalité et de développement harmonieux des enfants.
Mme Sylvie Bonnet (DR). La loi Vallaud-Belkacem de 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes n’a pas porté ses fruits. Madame la rapporteure, votre recommandation n° 18 visant à aligner la durée du congé du second parent sur la durée du congé de maternité me semble négliger clairement le rôle de celui-ci, qui vise aussi à préserver la santé de la mère. Le rôle du père est important pour soutenir et accompagner les différentes tâches du foyer.
Il faut revoir les dispositifs actuels pour mieux garantir la protection de la santé maternelle, l’égalité professionnelle et l’accompagnement de la petite enfance. Que préconisez-vous pour améliorer le dispositif proposé par le Gouvernement dans le cadre du PLFSS 2026 ?
Mme Marie-Charlotte Garin (EcoS). Le congé parental tel qu’il existe aujourd’hui est injuste, mal indemnisé et massivement pris par les femmes, qui en subissent les conséquences. Nous, écologistes, défendons une réforme ambitieuse : un congé obligatoire pour le second parent, aligné sur la durée du congé maternité, puis un congé parentalité réellement partagé de six mois pour chaque parent, non cessible et bien indemnisé. L’enjeu de l’égalité parentale est aussi une question de santé publique. En France, le suicide maternel est la première cause de mortalité chez les jeunes mères lors de la première année après l’accouchement.
Une telle réforme ne peut se réussir sans un plan massif pour la petite enfance, davantage de places en crèche, une revalorisation des métiers du soin, des conditions d’accueil dignes et un accompagnement renforcé pour les familles, en particulier monoparentales. Le choix de l’égalité ne se discute pas au nom de la rigueur budgétaire, il s’impose au nom de la justice.
Mme Anne Bergantz (Dem). La conciliation entre vie familiale et vie professionnelle constitue un enjeu central de notre politique familiale, qui doit offrir un cadre, mais aussi donner le choix aux familles, un véritable choix et non un choix subi.
Le congé supplémentaire de naissance par le gouvernement sera débattu prochainement lors de l’examen du PLFSS 2026. Quel doit être l’objectif premier de ce nouveau congé : égalité hommes-femmes ou présence parentale plus longue auprès de l’enfant lors des premiers mois ?
Ne faudrait-il pas dans un premier temps faire primer l’objectif d’une meilleure rémunération et faire confiance aux familles dans le choix qui serait le leur ? Quel est votre avis sur la proposition du gouvernement permettant à chaque parent de prendre le congé simultanément ou en alternance ?
Mme Nathalie Colin-Oesterlé (HOR). Aujourd’hui encore, notre pays connaît des difficultés persistantes d’articulation entre le temps de travail et les responsabilités familiales. Les discriminations liées à la grossesse et à la parentalité demeurent trop fréquentes, représentant plus de 3 % des saisines de la Défenseur des droits.
Toute réforme des congés parentaux doit s’inscrire dans une approche globale de la parentalité. Notre groupe salue plusieurs orientations fortes de votre rapport, telles l’allongement proposé de deux semaines du congé de maternité postnatal pour rapprocher la France des standards européens et le renforcement du dialogue social afin de diffuser dans les entreprises de bonnes pratiques.
Quel est votre point de vue sur l’article 42 du PLFSS 2026, dont nous avons pu prendre connaissance hier et qui propose la création d’un congé supplémentaire de naissance indemnisé d’un ou deux mois pris simultanément ou alternativement par chacun des parents ?
M. le président Frédéric Valletoux. Nous en venons aux questions des autres députés.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Ce rapport plaide de manière presque consensuelle pour l’allongement et la démocratisation des congés parentaux.
L’article 28 du PLFSS 2026 supprime la visite médicale de reprise après un congé maternité, dans l’objectif de réaliser des économies. La santé des jeunes mères devient une variable d’ajustement budgétaire de ce gouvernement. Les mères d’enfants en bas âge subissent davantage de discriminations et de risques professionnels, tandis que 17 % présentent des signes majeurs de syndrome dépressif après l’accouchement. Depuis 2000, les accidents du travail chez les femmes ont augmenté de 40 %.
Je salue votre rapport, mais déplore un budget à venir, qui ira à l’encontre des avancées qu’il propose. En conséquence, j’espère que la commission maintiendra obligatoire la visite médicale de retour de congé maternité. En cas de doute, une autre possibilité consiste à censurer le Gouvernement, demain matin.
M. Fabien Di Filippo (DR). Le taux de natalité ne cesse de diminuer, atteignant aujourd’hui 1,6 enfant par femme en France. La réponse aux enjeux démographiques passe notamment par les projets familiaux, qui doivent rester au cœur de nos politiques.
Je ne partage pas les principes de la lutte contre le non-recours. Il faut conserver la notion de liberté, offrir plus de souplesse en matière de congé parental, éventuellement plus court et mieux rémunéré, ce qui nécessitera de procéder à des arbitrages.
Mme la rapporteure. Je déplore en préambule qu’aucun des ministres sollicités pour répondre à nos questions n’ait jugé utile et pertinent de se rendre devant la mission d’information. La proposition du Gouvernement contenue dans l’article 42 du PLFSS 2026, déposé hier, n’a pas été transmise aux rapporteurs. Or elle n’est pas sans lien avec la présentation de notre rapport, ce jour. Je trouve cette manière de procéder surprenante.
Certains d’entre vous mentionnent les notions de choix, de liberté à laisser aux femmes et aux parents. Mais aujourd’hui, le seul choix qui existe est celui du père. Actuellement, la maternité implique pour les mères des obligations auxquelles elles ne peuvent guère échapper, tandis que les pères, bénéficiant de congés optionnels, reprennent souvent plus vite le travail. Lorsqu’elles y échappent, la société vient leur rappeler quelles sont leurs « obligations », principalement des obligations morales.
Vous avez quasiment tous cité le programme d’accompagnement des parents dans le cadre des « 1000 jours », mais comment peut-on imaginer que l’objectif de présence des parents auprès d’un enfant soit atteint dès lors qu’il n’existe pas d’obligation ?
Ce déséquilibre entretient des inégalités professionnelles : les femmes sont moins sollicitées pour de nouvelles responsabilités, alors que les hommes poursuivent leur carrière sans contrainte. Pour avancer vers l’égalité entre les sexes et garantir la présence des deux parents auprès de l’enfant, notre rapport propose de rendre le congé parental obligatoire et équivalent pour chacun, avec une utilisation flexible.
M. le rapporteur. Monsieur Clouet, vous avez évoqué l’article 28 du PLFSS 2026, qui ne supprime pas la visite de reprise du travail après un congé maternité, mais seulement son obligation.
Madame Ranc, notre rapport intègre bien la situation des familles monoparentales, évoquée en page 133.
Ensuite, les deux rapporteurs ont des approches différentes : ma collègue Céline Thiébault-Martinez insiste sur l’égalité, quand je suis plus attaché à la liberté. À ce titre, certaines recommandations nous distinguent, puisque ma co-rapporteure s’est approprié les recommandations n° 17, n° 18 et n° 34.
Nombre d’entre vous nous ont questionné sur PLFSS 2026. L’article 42 prévoit deux mois supplémentaires en option pour les mères et les pères dans les neuf mois suivant la naissance, indemnisés en fonction du salaire, de la manière suivante : 70 % du salaire net le premier mois et 60 % le second mois. Cet allongement répond plutôt aux besoins exprimés par les familles et le congé est mieux indemnisé, ce qui favorisera un meilleur recours. En revanche, dans la proposition, le congé n’est pas fractionnable, ce que je déplore.
Monsieur Aviragnet, vous avez attiré notre attention sur les parents et les enfants vulnérables. Je regrette que nous n’ayons pas pu aborder la problématique des parents ayant des enfants en situation de handicap. Ma seconde frustration concerne le cas des familles qui accueillent un troisième enfant.
Madame Garin a évoqué la question cruciale de la santé mentale, que nous avons traitée dans le rapport. Nous mesurons pleinement le besoin de présence et d’accompagnement des mères après la naissance.
Madame Bergantz, le principe du libre choix est au cœur de mes convictions concernant notre politique familiale, y compris sur le mode de garde. Je souligne à nouveau, pour le déplorer, le manque de données concernant les besoins, attentes et satisfactions éventuelles des parents.
Monsieur Di Filippo, la mesure prévue dans le PLFSS 2026 ne relancera naturellement pas à elle seule la natalité et telle n’est pas son objet, puisqu’elle concerne également les familles avec enfants.
En tant que rapporteur général de la commission, je suis convaincu que la pérennité de notre modèle de protection sociale repose sur deux piliers : le taux d’emploi à court terme et le renouvellement des générations, à long terme.
En application des dispositions de l’article 145, alinéa 7, du Règlement, la commission autorise le dépôt du rapport de la mission d’information sur les congés parentaux.
La séance est levée à dix heures quarante.
Informations relatives à la commission
La commission a désigné :
– M. Bruno Clavet rapporteur de la proposition de loi portant simplification administrative des droits et prestations pour les personnes en situation de handicap (n° 1827) ;
– M. Thierry Frappé rapporteur de la proposition de loi relative à la gratuité des parkings d’hôpitaux publics (n° 1826).
Présences en réunion
Présents. – M. Joël Aviragnet, M. Thibault Bazin, M. Christophe Bentz, Mme Anne Bergantz, M. Théo Bernhardt, Mme Sylvie Bonnet, M. Bruno Clavet, M. Hadrien Clouet, Mme Nathalie Colin-Oesterlé, Mme Josiane Corneloup, M. Hendrik Davi, Mme Sandra Delannoy, M. Fabien Di Filippo, Mme Sandrine Dogor-Such, Mme Nicole Dubré-Chirat, Mme Stella Dupont, M. Olivier Fayssat, M. Guillaume Florquin, M. Thierry Frappé, Mme Martine Froger, Mme Camille Galliard-Minier, Mme Marie-Charlotte Garin, M. François Gernigon, Mme Océane Godard, Mme Justine Gruet, Mme Zahia Hamdane, M. Sacha Houlié, M. Cyrille Isaac-Sibille, M. Michel Lauzzana, M. Didier Le Gac, Mme Christine Le Nabour, M. René Lioret, Mme Brigitte Liso, Mme Christine Loir, Mme Joëlle Mélin, M. Thomas Ménagé, Mme Joséphine Missoffe, M. Serge Muller, Mme Angélique Ranc, Mme Anne-Sophie Ronceret, Mme Sandrine Runel, M. Nicolas Turquois, M. Frédéric Valletoux, Mme Annie Vidal, M. Stéphane Viry
Excusés. – Mme Anchya Bamana, Mme Béatrice Bellay, M. Elie Califer, M. Paul Christophe, Mme Sylvie Dezarnaud, M. Gaëtan Dussausaye, Mme Karine Lebon, M. Éric Michoux, M. Jean-Philippe Nilor, M. Laurent Panifous, M. Sébastien Peytavie, M. Jean-Hugues Ratenon
Assistait également à la réunion. – Mme Céline Thiébault-Martinez