Compte rendu
Commission
des affaires sociales
– Examen de la proposition de loi portant simplification administrative des droits et prestations pour les personnes en situation de handicap (n° 1827) (M. Bruno Clavet, rapporteur) 2
– Examen de la proposition de loi relative à la gratuité des parkings d’hôpitaux publics (n° 1826) (M. Thierry Frappé, rapporteur) 16
– Présences en réunion.................................30
Mercredi
22 octobre 2025
Séance de 9 heures 30
Compte rendu n° 4
session ordinaire de 2025-2026
Présidence de
M. Frédéric Valletoux,
président
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La réunion commence à neuf heures trente.
(Présidence de M. Frédéric Valletoux, président)
M. le président Frédéric Valletoux. Avant d’examiner les deux propositions dont le groupe Rassemblement National a demandé l’inscription à l’ordre du jour des séances qui lui sont réservées le jeudi 30 octobre, un mot sur la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS).
Le bureau de notre commission se réunira après l’examen des deux textes afin de modifier l’agenda. En effet, le PLFSS va faire l’objet d’une lettre rectificative. D’un point de vue juridique, nous aurons à discuter d’un nouveau texte – même si une large partie restera inchangée – et le délai d’amendement doit être rouvert. Sous réserve des décisions du bureau, l’examen des articles devrait intervenir à partir de lundi, et non plus de demain comme cela était initialement prévu.
J’avais noté une forme de sobriété en matière d’amendements, puisque leur nombre était inférieur à l’année dernière, alors que le PLFSS 2026 est plus volumineux. Je vous invite à persévérer dans cette voie.
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La commission examine d’abord la proposition de loi portant simplification administrative des droits et prestations pour les personnes en situation de handicap (n° 1827) (M. Bruno Clavet, rapporteur).
M. Bruno Clavet, rapporteur. Ce texte part d’un constat à la fois simple et accablant : actuellement, même lorsque le caractère irréversible d’un handicap est médicalement reconnu, les bénéficiaires sont contraints de renouveler régulièrement leurs demandes, de reconstituer des dossiers et de produire les mêmes justificatifs, encore et encore.
Cela concerne pourtant des pathologies dont l’évolution est connue et dont le diagnostic ne fait malheureusement aucun doute – trisomie 21, sclérose en plaques à un stade avancé, amputation, paralysie complète, séquelles neurologiques lourdes après un accident vasculaire cérébral, forme sévère d’autisme ou encore situation de polyhandicap. Chacun comprend que, dans ces cas-là, l’amélioration est à ce jour impossible et que la reconduction systématique des démarches n’a aucun sens. Beaucoup de nos concitoyens parlent même d’une sensation de surveillance et de suspicion permanente. Au fond, c’est comme si la réalité de leur handicap n’était jamais totalement reconnue par l’État.
Et cette situation perdure alors même qu’un décret de 2018 permet déjà, en théorie, d’attribuer certains droits sans limitation de durée. Ce texte avait été obtenu après un long combat d’associations telles que APF France handicap, dont je salue l’engagement.
Mais force est de constater, en particulier après les auditions que j’ai menées, que ce décret reste très inégalement appliqué sur le territoire national. Les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) disposent d’une marge d’appréciation si large que les écarts d’un territoire à l’autre sont devenus flagrants. À situation médicale identique, deux personnes peuvent se voir attribuer des droits radicalement différents simplement parce qu’elles ne vivent pas dans le même département. Prenons un exemple concret. En 2025, le taux d’attribution à vie de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) allait de 28 % dans la Marne à plus de 75 % en Eure-et-Loir ou en Savoie. Une telle inégalité de traitement n’est pas seulement choquante, elle est contraire au principe d’égalité, fondamental dans notre République.
Par ailleurs, les délais d’instruction des dossiers restent bien trop longs. Il faut compter en moyenne 5,9 mois pour une demande de prestation de compensation du handicap (PCH) et parfois plus de dix mois dans certains départements. Ce sont autant de mois d’attente et d’angoisse qui sont source de fragilité pour les demandeurs. Ce n’est pas de nature à améliorer leur pathologie et cela a même tendance à favoriser l’apparition d’autres troubles, liés au stress et à la dépression.
En 2023, près de 5 millions de demandes ont été déposées auprès des MDPH, soit une augmentation de plus de 9 % par rapport à 2022. Pourtant, les effectifs n’ont pas suivi cette progression. Les équipes sont souvent en sous-effectif, avec parfois un écart de plus de 20 % entre les effectifs théoriques et les personnels réellement en poste. En réalité, personne ne trouve son compte dans le système actuel. Je reconnais que chacun a le sentiment de remplir son rôle avec sérieux, mais nous devons également être capables d’admettre que ce système ne fonctionne pas et qu’il engendre de l’usure, de la frustration et, surtout, une perte de sens pour tous les acteurs.
C’est pourquoi cette proposition entend inscrire dans la loi, et non plus dans un simple décret, l’attribution sans limitation de durée de plusieurs droits essentiels que sont l’AAH, la PCH, l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH) et la carte mobilité inclusion (CMI). Et elle prévoit de sécuriser l’éligibilité à long terme pour les droits connexes, comme les aides personnalisées au logement (APL), tout en conservant bien entendu l’ajustement de leur montant.
Ce texte vise aussi à remettre de l’ordre et de la cohérence dans les responsabilités de chacun. Je propose de restaurer une ligne claire entre les fonctions, en confiant aux médecins le soin, l’évaluation médicale et le diagnostic, et à l’administration l’instruction des droits sur la base des constats médicaux. Chacun doit être à sa juste place. C’est à cette condition que nous aurons un système plus juste, plus fluide et plus digne.
La proposition s’en prend aussi à un autre verrou : le seuil d’incapacité de 80 %, en dessous duquel aucun droit à vie n’est possible, même en cas de pathologie médicalement irréversible. De nombreux professionnels de santé jugent ce seuil arbitraire et déconnecté de la réalité clinique. Il exclut des personnes qui devraient, au regard de leur état, pouvoir être soulagées d’une procédure de renouvellement. Là encore, nous choisissons de confier l’appréciation de l’irréversibilité d’une situation au corps médical, et non à un agent administratif.
Enfin, ce texte affirme un principe de cohérence républicaine et de justice sociale en réservant l’attribution des droits sans limitation de durée aux Français ainsi qu’aux étrangers ayant exercé une activité professionnelle à temps plein pendant au moins cinq ans sur notre sol. Il s’agit d’un critère non pas d’exclusion, mais d’engagement. La solidarité nationale repose sur une idée fondamentale : pour pouvoir en bénéficier pleinement, il faut y avoir contribué un minimum. C’est une question de justice à l’égard de ceux qui chaque jour cotisent, travaillent et participent à l’effort collectif.
Ce critère permet également de prévenir certains abus – demandes opportunistes formulées juste après l’arrivée sur le territoire, fraude documentaire, certificats médicaux douteux ou falsifiés et, surtout, retour définitif dans le pays d’origine une fois les droits accordés.
La fraude sociale est en effet estimée à environ 13 milliards d’euros par an, dont seulement 600 millions finissent par être recouvrés et plus de 2 milliards sont liés aux prestations indûment attribuées. Cette situation fragilise profondément la légitimité de notre système de protection sociale. Elle alimente la défiance d’une majorité silencieuse qui travaille, cotise et constate amèrement que l’accès aux droits peut être plus simple pour ceux qui n’ont jamais contribué. À terme, cette défiance délégitime l’ensemble du dispositif de solidarité. Elle sape le consentement à l’effort et bloque toute tentative de revalorisation des aides. Nous défendons donc une solidarité exigeante, fondée sur la réciprocité et non sur l’assistanat inconditionnel.
Pour éviter toute confusion, il convient de rappeler que cette disposition ne concerne pas les enfants mais bien les titulaires des droits, c’est-à-dire les parents.
Vous l’aurez compris, le présent texte est censé transcender les clivages partisans. Nous avons l’occasion de corriger une absurdité administrative, de restaurer la confiance dans nos institutions et, surtout, de reconnaître avec dignité le droit à la stabilité pour celles et ceux qui font face à un handicap irréversible.
Ce texte appelle chacun, quelle que soit sa sensibilité politique, à faire en sorte que notre système social tienne ses promesses et ne se perde pas en devenant illisible, mais aussi que la solidarité nationale ne soit plus perçue comme inéquitable ou vulnérable aux abus. Je vous invite donc à l’adopter largement, non par posture mais par souci d’efficacité et de justice.
M. le président Frédéric Valletoux. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
M. Serge Muller (RN). Cette proposition de loi vise à répondre à une injustice profondément ancrée dans notre système administratif. Aujourd’hui encore, des milliers de nos concitoyens atteints d’un handicap irréversible – amputés, autistes sévères, paralysés ou frappés par des pathologies incurables – doivent année après année déposer les mêmes dossiers et réunir les mêmes justificatifs pour continuer à bénéficier d’aides vitales. Ces démarches absurdes et répétitives, imposées par les caisses d’allocations familiales (CAF) et les MDPH traduisent une vision de l’administration froide, technocratique et parfois même déshumanisée. Elle inflige aux personnes concernées une double peine : celle de la souffrance du handicap et celle de devoir en permanence se justifier, comme si leurs paroles ne suffisaient jamais.
Le texte que nous défendons est simple. Il consacre un principe de justice et de bon sens : lorsque la science établit qu’un handicap est irréversible, il n’y a plus lieu de contraindre la personne à prouver son état tous les deux ou trois ans. Cette mesure permettra non seulement d’alléger la vie de milliers de familles, mais aussi de libérer les agents des MDPH et des CAF des tâches administratives répétitives. Ces personnels, souvent surchargés, pourront enfin se recentrer sur ce qui compte : l’accompagnement, le conseil et la lutte contre les véritables fraudes.
Depuis des années les associations comme l’Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis (Unapei) ou APF France handicap réclament cette simplification. Le Gouvernement a quant à lui préféré s’en remettre à des rapports, des comités et des annonces, sans aucune action concrète. Avec cette proposition de loi, le Rassemblement national agit.
Nous proposons une réforme pragmatique, respectueuse et profondément humaine. Elle permettra de garantir les principaux droits et prestations sans limitation de durée, qu’il s’agisse de l’AAH, de la PCH, de la CMI ou encore du projet personnalisé de scolarisation (PPS).
Le groupe Rassemblement National vous appelle donc à adopter ce texte, parce qu’il remet du bon sens et de l’humanité au cœur de l’action publique, au service de ceux qui ont le plus besoin de stabilité et de reconnaissance.
Mme Christine Le Nabour (EPR). Nous voulons tous simplifier la vie des personnes en situation de handicap. Mais simplifier ce n’est pas faire semblant d’innover en réécrivant des droits qui existent déjà. C’est faire en sorte que ces droits soient appliqués partout, de manière juste et efficace.
Le texte que nous examinons prétend répondre à cet objectif. En réalité, il ne crée aucun droit nouveau. Depuis 2018, sous l’impulsion de Sophie Cluzel, alors secrétaire d’État chargée des personnes handicapées, des décrets permettent déjà d’attribuer sans limitation de durée des droits pour les personnes dont le handicap n’est pas susceptible d’évolution favorable. Cela concerne l’AAH, la PCH, la CMI, la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) et l’orientation professionnelle. Ces avancées ont été le fruit de longs combats associatifs et elles sont désormais pleinement inscrites dans le droit.
Le problème n’est donc pas juridique mais pratique. Les disparités entre départements, les lenteurs administratives, les renouvellements inutiles et le manque de moyens dans les MDPH fragilisent les parcours. Avant de changer la loi, il faut garantir son application. Je pense par exemple au « Tour de France des solutions » conduit cette année par la ministre Charlotte Parmentier-Lecocq, qui vise précisément à harmoniser les pratiques, à identifier les écarts, à diffuser les solutions concrètes déjà mises en œuvre sur le terrain et à vérifier l’effectivité des droits.
Ensuite, cette proposition de loi témoigne d’une méconnaissance du droit du handicap. Le PPS n’est pas une prestation sociale, mais un outil pédagogique qui doit évoluer à chaque étape du parcours de l’enfant. L’AEEH ne peut être attribuée sans limitation de durée, puisqu’elle concerne des enfants qui, à 16 ans ou à 21 ans, basculent dans les dispositifs prévus pour les adultes. Les APL n’ont aucun lien avec le handicap et les avantages fiscaux évoqués sont déjà garantis par la CMI – qui peut elle-même être attribuée sans limitation de durée.
Enfin, l’article 1er réserve le bénéfice de la mesure aux personnes handicapées de nationalité française ou aux étrangers justifiant de cinq années d’activité à temps plein en France. C’est une restriction discriminante, contraire à l’esprit de la loi de 2005, au principe constitutionnel d’égalité devant la loi et aux engagements internationaux de la France.
Bref, en prétendant simplifier, cette proposition risque en réalité de complexifier, de restreindre et de discriminer. Il est de notre responsabilité de ne pas céder à la tentation de la communication législative. Les associations représentatives ont d’ailleurs exprimé leur opposition à ce texte.
Mme Zahia Hamdane (LFI-NFP). Cette proposition du Rassemblement national prétend simplifier la vie des personnes en situation de handicap. Mais derrière cet affichage séduisant se cache une grande illusion. En réalité, ce texte ne crée aucun droit nouveau. Depuis 2018, les prestations qu’il évoque – l’AAH, la PCH et la CMI – peuvent déjà être attribuées sans limitation de durée. Et ce, grâce au combat des associations, comme notamment APF France handicap ou l’Unapei. Elles sont contre cette proposition et nous l’ont écrit.
Ce ne sont pas les lois qui manquent, mais les moyens humains et financiers pour les appliquer. Les vrais problèmes sont les délais interminables de traitement des dossiers par les MDPH, les inégalités entre territoires et les équipes épuisées, faute de moyens. Les personnes concernées ne demandent pas une nouvelle loi, mais l’application juste, égale et rapide des droits existants.
Pire encore, ce texte introduit une clause de préférence nationale en réservant certains droits à vie aux seuls Français ou aux étrangers ayant travaillé cinq ans à temps plein en France. Autrement dit, un travailleur belge installé en France depuis quatre ans serait exclu des aides s’il devenait handicapé. Quelle aberration !
Imaginez une personne atteinte de troubles moteurs qui travaille à mi-temps, faute de pouvoir faire plus. Cette proposition de loi la priverait d’un droit qu’elle a aujourd’hui, plongeant toute sa famille dans la précarité. Une simple virgule révèle toute la philosophie de ce texte. Derrière le mot « simplification », le Rassemblement national trie les personnes en situation de handicap selon leurs origines et leur capacité à travailler.
Ce n’est pas une simplification, c’est une sélection. Ce n’est pas une politique du handicap, c’est une hiérarchisation des handicaps où certains seraient jugés suffisamment français.
Et, pour couronner le tout, le texte propose d’accorder à vie le PPS d’un enfant en situation de handicap ou l’allocation d’un mineur. Comme si un enfant ne grandissait pas et que ses besoins restaient figés. C’est une absurdité administrative et une négation de la réalité des parcours de vie.
En somme, cette proposition de loi est redondante, restrictive et discriminante. Nous voterons contre.
M. Elie Califer (SOC). Vingt ans après la grande loi de 2005, pour beaucoup de nos concitoyens en situation du handicap la promesse d’une société pleinement inclusive reste encore lointaine. Si le droit existe, il demeure trop souvent un droit empêché. Les démarches sont lourdes, les délais interminables, les situations inéquitables d’un territoire à l’autre. Comme on le sait, 12 millions de Français en font l’expérience quotidienne.
Les difficultés sont connues. Des mois d’attente pour une obtenir une réponse de la MDPH, des parents désemparés face à la rareté des solutions de scolarisation, des adultes qui peinent à conserver un emploi, des jeunes dys et TDAH encore trop peu accompagnés. Nous savons tout cela et nous avons le devoir d’y répondre avec sérieux.
En mars dernier, le Gouvernement avait présenté des mesures concrètes pour simplifier la vie des personnes concernées. Il ne s’agissait pas de promettre la lune, mais de tenter de substituer l’action à l’inaction qui s’était installée. Cela passe par le fait d’accorder le montant de base de l’AEEH sans limitation de durée pour tous les enfants dont le handicap n’est pas susceptible d’évoluer favorablement, par la réduction de la fréquence de renouvellement des dossiers et par la simplification des formulaires. Ces mesures sont concrètes et profitent à tous. Même si notre groupe est dans l’opposition, il ne peut qu’encourager la démarche qui avait été entreprise.
En revanche, la proposition de loi du groupe RN paraît floue et sélective. Sous ses airs séduisants, elle ne crée aucun droit nouveau mais ajoute des zones d’ombre. Qui décidera qu’un handicap est irréversible ? Surtout, pourquoi exclure des personnes étrangères, parfois gravement handicapées, parce qu’elles ne peuvent pas travailler ?
Tout cela est injuste et contraire à nos principes. Nous devons garder un cap clair et garantir partout sur le territoire l’accès réel aux droits, sans discrimination, sans délai et sans rupture. C’est à cette condition que la promesse d’une société inclusive formulée en 2005 cessera d’être un vœu pieux.
Par conséquent, comme le Collectif Handicaps, APF France handicap et l’Unapei, nous ne soutenons pas cette proposition et nous voterons contre.
Mme Sylvie Bonnet (DR). Le groupe Droite Républicaine salue l’inscription à l’ordre du jour de ce texte, qui met en avant le problème de la grande complexité des démarches administratives que doivent réaliser les personnes en situation de handicap ou leurs proches.
Pour les personnes qui souffrent d’un handicap irréversible, ces procédures sont l’une des plus grandes absurdités de notre administration. Elles sont chronophages et source d’angoisse pour les premiers concernés, tout en aboutissant à l’engorgement des administrations.
Notre groupe s’est engagé de manière constante sur ce sujet. Ainsi, en septembre 2024, Philippe Juvin a déposé une proposition de loi, largement cosignée, pour véritablement systématiser les aides et prestations sociales accordées aux personnes en situation de handicap ou atteintes d’affections de longue durée dont la situation n’est pas susceptible d’évoluer favorablement.
Si la loi a fait l’objet d’évolutions en 2018, son application reste encore insatisfaisante et les administrations sociales et les MDPH doivent s’adapter. La première des priorités est donc d’appliquer les textes dans tous les départements afin de désengorger les MDPH et de simplifier la vie des personnes handicapées. Alors qu’un délai maximal de quatre mois est prévu entre le dépôt de la demande et la décision de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées, certaines personnes doivent attendre six ou dix mois. Ce n’est pas acceptable.
Une nouvelle évolution législative permettrait de compléter le dispositif, notamment en élargissant la reconduction automatique à d’autres prestations sociales.
Cependant, la proposition de loi que nous examinons ne s’inscrit pas dans le cadre juridique existant. Le dispositif présente également certaines incohérences. Par exemple, il n’est pas possible d’attribuer l’AEEH sans limitation de durée, puisque cette prestation concerne seulement les enfants et que ceux-ci basculent dans le dispositif destiné aux adultes à partir de 16 ou 20 ans.
Les députés de la Droite Républicaine saluent l’intention de la proposition mais appellent à retravailler le dispositif pour le rendre opérant. En attendant, nous nous abstiendrons.
Mme Marie-Charlotte Garin (EcoS). Sous couvert de simplification administrative, ce texte du Rassemblement national introduit une sélection inacceptable parmi les personnes handicapées. Il réserve le bénéfice de la mesure aux Français et, à titre d’exception, aux étrangers ayant travaillé cinq ans à temps plein en France. Autrement dit, il exclut les enfants, les demandeurs d’asile, les personnes sans emploi et tous ceux qui subissent pourtant les mêmes obstacles, les mêmes handicaps et les mêmes humiliations administratives.
Ce n’est pas une simplification, c’est une hiérarchie des vies. Une hiérarchie qui signifie que seuls certains méritent d’avoir accès à leurs droits et que les autres ne peuvent y prétendre.
Pire encore, le texte prévoit que les droits pourraient être révisés si les données de la science remettent en cause le caractère irréversible du handicap. Cette phrase, que vous assumez, renoue avec une vision eugéniste du handicap, en considérant que la valeur d’une personne dépend de sa réparabilité.
Les écologistes refusent cette conception. Nous défendons une société inclusive, fondée sur les droits et la dignité, pas sur la productivité ou la nationalité. Les personnes handicapées ont besoin de confiance, de stabilité, de reconnaissance, pas d’un nouveau tri.
Les associations que vous citez le disent clairement : elles ne soutiennent pas ce texte – ni APF France handicap, ni l’Unapei, ni le Collectif Handicaps. Pourquoi ? Parce qu’il ne crée aucun droit nouveau.
Depuis 2018, les personnes dont le handicap est reconnu comme irréversible peuvent déjà bénéficier de droits sans limitation de durée. Le vrai problème n’est pas la loi, c’est son application – les lenteurs administratives, les inégalités entre départements et le manque de moyens dans les MDPH. Avant de changer la loi, il faut garantir son effectivité.
En voulant tout figer sans limitation de durée, votre proposition révèle également une méconnaissance flagrante des dispositifs.
Bref, ce texte est inutile juridiquement, dangereux politiquement et insultant humainement. Le groupe Écologiste et Social a donc déposé un amendement de suppression. Les personnes handicapées méritent mieux que vos mensonges et votre incompétence.
Mme Anne Bergantz (Dem). Cette proposition nous invite à attribuer sans limitation de durée l’AAH, la PCH, la CMI et d’autres prestations, ainsi que le bénéfice de dispositifs fiscaux. Mais, tout cela existe déjà. Les personnes dont le taux d’incapacité est reconnu supérieur à 80 % et dont les limitations d’activité ne sont pas susceptibles d’évoluer favorablement compte tenu des données de la science peuvent déjà bénéficier de droits sans limitation de durée. Cette disposition est applicable depuis le 1er janvier 2019.
Cependant, le véritable sujet de la proposition est sans doute ailleurs. Je pense en particulier à la disposition qui permet de réserver le bénéfice de la mesure aux personnes de nationalité française ou aux étrangers justifiant d’au moins cinq années de présence en France.
Une telle disposition porte atteinte de manière disproportionnée au principe constitutionnel d’égalité, comme l’a déjà relevé la jurisprudence. Le Conseil constitutionnel a ainsi censuré l’article 19 de la loi pour contrôler l’immigration, qui prévoyait de soumettre le bénéfice de prestations sociales à une condition de résidence pour les étrangers. J’ajoute que votre proposition a été largement remise en question par l’ensemble des acteurs associatifs du handicap, très engagés de longue date sur ces sujets.
Soyons clairs : votre texte n’apporte pas de droits nouveaux.
Le seul point sur lequel nous pouvons être d’accord est qu’il faut continuer à œuvrer pour améliorer le parcours des personnes en situation de handicap, réduire les délais et, sans doute, apporter de l’humanité dans les démarches administratives. La priorité doit être de renforcer les moyens permettant de faire appliquer les lois existantes et de lutter contre les disparités d’accès aux droits constatées en fonction des départements.
Pour toutes ces raisons, le groupe Les Démocrates s’opposera à cette proposition.
M. Stéphane Viry (LIOT). Nous évoquons ce matin un sujet humainement intéressant et délicat : le quotidien des personnes en situation de handicap, mais aussi de leur famille. Ce faisant, nous abordons les démarches qu’elles doivent accomplir pour obtenir les droits auxquelles elles peuvent prétendre conformément au principe d’égalité qui prévaut dans notre République.
Après avoir étudié le texte et entendu les différents orateurs, je considère que le principe d’universalité doit primer. Il ne s’agit pas d’accorder des droits selon des critères liés à la race ou à la situation. Il s’agit d’admettre que des personnes sont vulnérables et différentes et qu’il convient de leur permettre d’accéder à des droits et des prestations, car telle est la réponse politique de la nation.
Le rapport de qualité de la mission d’évaluation de la loi de 2005, que nous avons examiné, portait notamment sur la question de l’accès aux droits et aux prestations, et formulait un certain nombre de recommandations. L’idée à l’origine des MDPH est bonne, puisqu’il s’agissait d’établir un guichet unique et une entité où travailleraient ensemble toutes les parties prenantes. Il reste que, même si les situations diffèrent selon les départements, les procédures sont souvent beaucoup trop lourdes, lentes et redondantes. Or la répétition des démarches engendre parfois une forme de déshumanisation.
La priorité est de faire en sorte que les procédures soient plus fluides au sein des MDPH, qui m’apparaissent comme une bonne porte d’entrée et une bonne solution pour l’accès aux droits.
Le problème réside dans l’application de la loi. Je sais que des actions sont en cours au sein de cette assemblée – notamment à la suite de la mission d’information dont Sébastien Peytavie était l’un des rapporteurs – pour apporter une solution plus globale, ce qui me semble préférable à une réponse partielle. C’est la raison pour laquelle je suis très réservé sur cette proposition.
M. Yannick Monnet (GDR). Je souscris à tout ce qui a été dit par les collègues qui se sont opposés à ce texte. Leurs propos ont mis en évidence la stratégie de l’imposture du Rassemblement national, qui fait croire qu’il se préoccupe d’un sujet alors qu’il en fait seulement un objet de communication. S’agissant de choses aussi importantes, cette attitude nuit gravement.
Je me contenterai de reprendre les mots de l’association APF France handicap et du Collectif Handicaps, qui regroupe cinquante-quatre associations nationales, lorsqu’ils ont dit que ce texte méconnaissait les aides et prestations auxquelles ont droit les personnes en situation de handicap. Ils ont déclaré également que cette proposition introduisait des conditions d’accès injustes, discriminantes et contraires à l’esprit d’égalité et d’universalité du droit au handicap. Les associations appellent donc à garantir l’application du droit existant plutôt qu’à voter une loi redondante, restrictive et discriminante.
C’est la raison pour laquelle nous voterons contre cette proposition.
M. le président Frédéric Valletoux. Je suis saisi d’une demande de scrutin public sur l’amendement AS1 de Mme Marie-Charlotte Garin.
M. Éric Michoux (UDR). Cette proposition de loi, qui vise à simplifier les démarches administratives pour les personnes en situation de handicap irréversible, en mettant fin à l’obligation de renouveler régulièrement leurs demandes d’aides et de prestations sociales, nous paraît très bonne puisqu’on sait en effet que leur état ne s’améliorera pas.
C’est une proposition pleine de bon sens, pour trois raisons principales.
Tout d’abord, pour une raison de justice sociale. Contraindre la personne en situation de handicap irréversible à devoir réexpliquer à chaque fois sa situation et à se justifier est parfois difficile à vivre.
Ensuite, c’est un allégement administratif. Réexaminer le même dossier de manière récurrente n’a aucun intérêt.
Enfin, cela permettra d’améliorer la performance des services publics, en libérant du temps et des moyens pour que les CAF et les MDPH se consacrent à d’autres sujets qui intéressent le monde du handicap. Cela évite aussi parfois, il faut le reconnaître, des problèmes de fraude.
Le groupe UDR votera en faveur de cette proposition de loi, car c’est une question de dignité, de simplification et de bon sens. Elle permettra d’améliorer la vie des personnes handicapées, qui n’auront plus à se justifier à chaque fois d’une situation parfois difficile à vivre.
M. le président Frédéric Valletoux. Nous en venons aux questions des autres députés
M. Thibault Bazin (DR). Je souhaite formuler plusieurs remarques de fond sur cette proposition de loi, qui nécessite d’être retravaillée car elle méconnaît un certain nombre d’aides et de prestations auxquelles ont droit les personnes en situation de handicap.
Premièrement, le PPS permet d’assurer la cohérence et la continuité du parcours scolaire de chaque élève handicapé de 3 à 20 ans. Il doit donc être mis à jour régulièrement en fonction des besoins de l’enfant, notamment à chaque changement de cycle ou d’orientation scolaires.
Deuxièmement, il n’est pas possible d’attribuer l’AEEH sans limitation de durée puisque cette prestation concerne les enfants. À l’évidence, ils ne le resteront pas toute leur vie. Ils ont vocation à être pris en charge par le dispositif destiné aux adultes lorsqu’ils atteindront 16 ou 20 ans.
Troisièmement, les APL ne sont pas attribuées en fonction du handicap.
Quatrièmement, la déduction du revenu imposable et l’augmentation du quotient familial sont permises par l’obtention de la CMI invalidité, qui fait déjà partie des droits pouvant être attribués sans limitation de durée.
Cinquièmement, l’article 1er pose problème car le droit en vigueur vise toute personne handicapée dans l’impossibilité de se procurer un emploi compte tenu de son handicap. En effet, celui-ci peut empêcher d’avoir une activité professionnelle, a fortiori à temps plein.
L’objectif de simplification est louable mais, en l’état, le texte ne crée pas de droits nouveaux. Depuis les décrets de 2018, les personnes dont le handicap n’est pas susceptible d’évoluer favorablement peuvent déjà bénéficier de droits sans limitation de durée.
Comme l’ont dit de nombreux collègues, le véritable problème ne réside pas dans le cadre juridique mais dans son application sur le terrain – disparités selon les départements, lenteurs administratives, renouvellements inutiles et manque de moyen dans les MDPH. Il faut surtout garantir l’application effective des dispositifs existants, former les équipes et harmoniser les pratiques.
Monsieur le rapporteur, ne risquez-vous pas d’ajouter de la complexité et des rigidités avec votre proposition de loi, alors que le véritable enjeu est de simplifier et d’adapter ?
M. le rapporteur. Vous avez été nombreux à évoquer la possibilité d’accorder des droits à vie. Le décret de 2018 le permet en effet, mais il n’y oblige pas. C’est toute la différence. Si ce décret avait été vraiment efficace, nous ne connaîtrions pas de telles disparités selon les départements. Il faut être capable de s’interroger sur ce qui fonctionne et sur ce qui ne fonctionne pas.
J’en viens au critère d’attribution que nous proposons pour les étrangers. Mme Garin m’a traité d’incompétent. Il va falloir apprendre à lire, madame, car nous ne supprimons pas les aides pour les étrangers, mais nous réservons leur attribution automatique aux Français. Je suis député français, pas député européen ou du monde. Nous sommes là pour protéger les Français.
Mme Marie-Charlotte Garin (EcoS). Essayez donc de faire le malin !
M. le rapporteur. Je vois que vous êtes mal à l’aise. Ai-je dit quelque chose qui vous dérange ?
M. le président Frédéric Valletoux. J’invite chacun au calme et à se concentrer sur le fond.
M. le rapporteur. Il me semblait nécessaire de répondre aux injures de La France insoumise et des écologistes, même si nous y sommes habitués.
Certains ont critiqué la proposition de loi en estimant qu’elle aboutirait à davantage de complexité et de rigidités...
Mme Marie-Charlotte Garin (EcoS). Les associations sont toutes opposées à ce texte ! Elles l’ont écrit à chacun de nous.
M. le rapporteur. Il fallait venir aux auditions. Cela vous aurait permis d’entendre d’autres versions.
Il n’y a pas de risque d’accroître la complexité. C’est même l’inverse. Je me réfère sur ce point à l’audition d’une neuropsychiatre, qui expliquait combien le renouvellement incessant des demandes d’aide constituait une charge pour les soignants, pour le patient et pour sa famille. Quant aux MDPH, elles ne disposent pas toutes d’effectifs comparables pour traiter ces demandes. Il y a beaucoup de disparités entre les départements.
Le but évidemment est de décomplexifier le système. La proposition de loi crée une obligation opposable alors que le décret ne prévoit qu’une possibilité. Ainsi, la charge administrative des MDPH, des soignants, des familles et des patients sera allégée.
Contrairement aux accusations de duplicité qui ont été proférées, les étrangers ne sortent pas du dispositif, ils conserveront leur droit aux aides. Nous redéfinissons simplement le mécanisme d’attribution automatique à vie.
Article 1er : Attribution de droits et prestations sociales sans limitation de durée en cas de handicap présentant un caractère irréversible
Amendement de suppression AS 1 de Mme Marie-Charlotte Garin
Mme Marie-Charlotte Garin (EcoS). Cohérents avec notre position, nous défendons un amendement visant à supprimer l’article 1er. Il ne s’agit pas de se lever un jour en se disant qu’il faut se pencher sur la situation des personnes souffrant de handicap. Alors que c’est un travail de fond qu’il convient de mener, cette proposition de loi révèle une certaine incompétence : je ne suis pas la seule à le dire, les associations l’affirment également. Si vous vous souciiez du droit, vous sauriez que votre proposition de loi est contraire à la convention internationale relative aux droits des personnes handicapées (CIDPH) que la France a ratifiée, et que l’approche biomédicale du handicap est contraire à la loi de 2005.
La République française est inclusive et les personnes en situation de handicap ont droit à la dignité et à l’autonomie. Elles ne doivent pas forcément guérir ou être réparées. Ces personnes sont en situation de handicap parce que la société et l’environnement ne sont ni adaptés ni inclusifs. Notre responsabilité collective est d’agir sur ces aspects. Lorsque j’évoque une vision eugéniste du handicap, je ne profère pas d’insulte, je dresse un constat, partagé par les collectifs.
La législation actuelle permet déjà d’attribuer sans limitation de durée certaines prestations. C’est la question de l’application de la loi qui compte. Je maintiens mes propos : cette proposition de loi aux relents racistes témoigne de vos mensonges et de votre incompétence. Les associations s’opposent à ce texte et nous serons nombreux à voter en faveur de l’amendement de suppression car nous écoutons la société civile et les personnes concernées.
M. le rapporteur. Votre stratégie ne me surprend pas, car vous êtes toujours en première ligne pour diviser les Français. Le critère que pose le texte est logique et républicain ; il est également cohérent avec l’idée de solidarité nationale.
Il serait injuste de placer sur le même plan une personne qui a travaillé, cotisé et participé à l’effort collectif pendant des années et une autre récemment arrivée dans notre pays qui n’a jamais payé d’impôt ni travaillé. La solidarité n’est pas un guichet unique : la situation des finances de la France et le montant de la fraude sociale nous donnent le droit de nous interroger sur le ciblage des aides. Les Français le demandent car ils ne souhaitent plus payer pour le monde entier.
Mme Anaïs Belouassa-Cherifi (LFI-NFP). La proposition de loi montre votre incompétence en matière de handicap. Vous n’êtes pas là pour défendre les personnes en situation de handicap, mais pour avancer des éléments de communication, comme en atteste votre demande de scrutin public sur l’amendement de suppression.
J’ai lu avec attention votre rapport, lequel dit tout et son contraire. Vous nous présentez un tableau de droit comparé dans lequel vous montrez que toutes les prestations sont illimitées dans le temps : vous savez que votre proposition de loi est creuse et fausse.
Nous ne vous avons pas beaucoup vu lors des travaux de la mission d’évaluation de la loi de 2005 par plus que dans le groupe d’études sur le handicap, et vous prétendez parler des personnes concernées sans ces dernières. En effet, aucune d’entre elles ne figure sur la liste des personnes que vous avez auditionnées et il en va de même des associations. Votre proposition est une mascarade, votre seul objectif est d’instrumentaliser des personnes vulnérables qui souffrent. Vous ne défendez aucunement l’égalité des droits et le groupe La France insoumise votera en faveur de l’amendement de suppression.
M. Thomas Ménagé (RN). Je pensais que nous aurions des échanges apaisés sur un tel texte. Si certains ont exposé leur position de manière respectueuse, d’autres ont déversé des contrevérités alors que l’enjeu est grand pour les personnes en situation de handicap, lesquelles sont condamnées à suivre des parcours du combattant liés à la durée des délais d’attente dans les maisons départementales de l’autonomie ou dans les MDPH. Mon collègue Bruno Clavet a tenté de répondre à ces contrevérités dans un brouhaha qui n’est pas à la hauteur du sujet.
L’objectif de la proposition de loi est de rendre obligatoires des dispositions qui existent déjà. En outre, les personnes dont le taux d’incapacité permanent est inférieur à 80 % mais dont le handicap est irréversible ne devraient pas être contraintes de justifier régulièrement leur situation pour continuer à bénéficier d’aides. Nous voulons désengorger les MDPH et alléger le fardeau des personnes en situation de handicap.
Certains ont repris leurs anathèmes habituels et ont qualifié le texte de raciste et d’eugéniste : ces quolibets ne sont pas à la hauteur. Nous faisons une différence entre les personnes détenant la nationalité française et les autres : tous les pays du monde fonctionnent ainsi. Aucune considération n’est accordée à l’origine ou à la couleur de peau, mais la possession d’une nationalité donne des droits et implique des devoirs. Les étrangers ne sont pas soumis à ce régime, donc ne dites pas n’importe quoi.
Si le dispositif n’est pas parfait, n’hésitez pas à l’amender, mais la pure suppression d’une proposition de loi simplifiant la vie des personnes en situation de handicap, qui souffrent déjà, qui rencontrent des difficultés d’inclusion, qui peinent à trouver un emploi et à affronter les complexités administratives et la bureaucratie, est regrettable. Plutôt que de simplifier la vie de ces personnes sans aucun coût pour la collectivité, vous privilégiez une position sectaire : les Français jugeront.
Mme Christine Le Nabour (EPR). Sans prétention aucune, je pense être légitime pour parler du handicap. Je ne vous ai jamais entendu sur le sujet, monsieur le rapporteur, et je n’ai vu personne ou presque de votre groupe dans les auditions de la mission d’évaluation de la loi de 2005, dont les travaux ont duré six mois. Nous avons reçu soixante-quinze acteurs, avec lesquels Sébastien Peytavie et moi-même sommes en contact régulier. Mes collaborateurs ont participé à vos auditions, donc vous ne pouvez pas dire que nous étions absents.
Votre texte ne crée aucun droit nouveau. Les décrets posent déjà l’obligation que vous prétendez introduire. Mme la ministre Parmentier-Lecocq a effectué le « Tour de France des solutions » et a visité des MDPH : je vous invite à lire son document, qui fixe quatre axes de travail, lesquels comprennent des pistes pour remédier aux souffrances des agents des MDPH, qui font effectivement face à des lourdeurs administratives.
Votre proposition de loi est incohérente et elle méconnaît les droits des personnes handicapées. Tous les acteurs représentant celles-ci s’opposent à votre texte. Je suis désolée de vous dire que l’on vous a fait un cadeau empoisonné, monsieur Clavet.
Nous voterons en faveur de l’amendement de suppression de l’article.
Mme Marie-Charlotte Garin (EcoS). Je remercie les collègues Le Nabour et Peytavie pour leur travail de fond, qui nous aidera à avancer sur le long terme et à conquérir de vrais droits pour les personnes handicapées. Mme Belouassa-Cherifi a raison de pointer l’absence de collectifs représentant les citoyens concernés parmi les personnes auditionnées. Vous dites, monsieur le rapporteur, que vous n’avez pas eu le temps de le faire, mais nous ne sommes pas à l’école, à dire que le chat a mangé nos devoirs. Vous prétendez écrire une loi pour des personnes dont vous n’auditionnez même pas les représentants.
Vous nous avez dit qu’il fallait arrêter de payer pour le monde entier, mais vous n’avez pas parlé du fond. Sous couvert de souhaiter simplifier la vie des personnes handicapées pour améliorer leurs droits, vous voulez en réalité faire des économies sur leur dos. Pour ce faire, vous êtes prêts à faire le tri entre elles : c’est inacceptable.
Je veux bien entendre tous les discours regrettant, le cœur sur la main, la souffrance des gens reçus dans les permanences, mais vous ne réservez votre sollicitude qu’à quelques personnes en situation de handicap et pas aux autres : votre texte ne vise à simplifier la vie que de certaines d’entre elles. Cette approche est inadmissible, honteuse et hypocrite.
M. Sacha Houlié (SOC). Le groupe socialiste votera en faveur de l’amendement de suppression de l’article. Les débats ont mis en lumière l’instrumentalisation par la proposition de loi de ce sujet important. Le texte repose sur un mensonge dès lors que Collectif Handicaps, APF France handicap et l’Unapei ne sont pas associés à son élaboration et ne le soutiennent pas.
En outre, toutes les dispositions que vous proposez existent déjà. Les erreurs grossières ont été soulignées, qu’il s’agisse de l’APL qui n’est pas soumise à la modulation, de l’évolution dans le temps de l’AEEH ou du projet personnalisé de scolarisation. Quant à la constitutionnalité du dispositif, elle est largement contestée par des arguments étayés.
Cette proposition de loi doit être retirée ou supprimée, d’où notre vote en faveur de l’amendement.
M. le rapporteur. Les associations ont été sollicitées mais elles n’ont pas répondu.
Madame Le Nabour, vous avez dit que l’on ne m’avait pas fait un cadeau avec ce texte, mais sachez que j’en suis à l’initiative pour la simple et bonne raison que la mère d’un jeune autiste que j’ai pris en stage à l’Assemblée nationale m’a parlé des difficultés qu’elle rencontrait chaque année pour faire à nouveau reconnaître le handicap, pourtant irréversible, de son fils.
Voilà ce qu’est le terrain dont vous parlez : ce sont les personnes concernées par le handicap qui l’occupent. Les demandes d’APF France handicap en termes de simplification administrative se retrouvent dans la proposition de loi. Celle-ci élève au niveau législatif ce qui n’est actuellement qu’un dispositif réglementaire, qui plus est inappliqué parce qu’inefficace.
Conformément aux dispositions de l’article 44, alinéa 2, du Règlement, il est procédé au vote, par scrutin public et par appel nominal, de l’amendement.
Votent pour :
M. Raphaël Arnault, M. Joël Aviragnet, Mme Béatrice Bellay, Mme Anaïs Belouassa-Cherifi, Mme Anne Bergantz, M. Pierre-Yves Cadalen, M. Elie Califer, M. Hadrien Clouet, Mme Nathalie Colin-Oesterlé, M. Hendrik Davi, Mme Fanny Dombre Coste, Mme Nicole Dubré-Chirat, Mme Karen Erodi, Mme Martine Froger, Mme Marie-Charlotte Garin, Mme Justine Gruet, M. Jérôme Guedj, Mme Zahia Hamdane, M. Sacha Houlié, M. Michel Lauzzana, M. Didier Le Gac, Mme Constance Le Grip, Mme Christine Le Nabour, Mme Élise Leboucher, Mme Joséphine Missoffe, M. Yannick Monnet, Mme Sandrine Nosbé, Mme Sandrine Rousseau, M. Jean-François Rousset, M. Arnaud Simion, Mme Danielle Simonnet, Mme Prisca Thevenot, M. Frédéric Valletoux, Mme Annie Vidal
Votent contre :
M. Christophe Bentz, M. Théo Bernhardt, M. Bruno Clavet, Mme Sandra Delannoy, Mme Sandrine Dogor-Such, M. Gaëtan Dussausaye, M. Olivier Fayssat, M. Guillaume Florquin, M. Thierry Frappé, M. René Lioret, Mme Christine Loir, Mme Joëlle Mélin, M. Thomas Ménagé, M. Éric Michoux, M. Serge Muller, Mme Angélique Ranc
S’abstiennent : M. Thibault Bazin, Mme Sylvie Bonnet, M. Fabien Di Filippo
Les résultats du scrutin sont donc les suivants :
Nombre de votants : 53
Abstention : 3
Nombre de suffrages exprimés : 53
Pour l’adoption :34
Contre : 16
En conséquence, la commission adopte l’amendement et l’article 1er est ainsi supprimé.
Article 2 : Gage financier
La commission rejette l’article 2.
La commission ayant rejeté tous les articles de la proposition de loi, l’ensemble de celle-ci est rejeté.
(La réunion est suspendue de dix heures trente à dix heures quarante-cinq.)
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La commission examine ensuite la proposition de loi relative à la gratuité des parkings d’hôpitaux publics (n° 1826) (M. Thierry Frappé, rapporteur).
M. Thierry Frappé, rapporteur. Le texte que j’ai l’honneur de présenter est à la fois simple dans sa formulation et profond dans sa portée. Il a été déposé à l’initiative de mon ancien collègue Thibaut François, député du Nord lors de la précédente législature et membre du Rassemblement national. Il s’inscrit pleinement dans la ligne défendue par Marine Le Pen, à savoir une politique du bon sens, concrète, placée au service de la justice sociale pour ceux qui travaillent, souffrent et croient encore à la promesse républicaine d’égalité devant les droits fondamentaux.
La proposition de loi vise à rendre gratuit le stationnement dans les hôpitaux publics pour les patients, leurs visiteurs et les personnels. Il s’agit en apparence d’une mesure pragmatique, presque anodine, mais elle touche en réalité au cœur d’un sujet essentiel, à savoir l’accès équitable à la santé, l’un des grands défis contemporains de notre pays. Nous devons regarder la réalité en face : deux Français sur trois renoncent à au moins un acte de santé pour des raisons financières ou d’accès à un professionnel. Cette proportion est un signal d’alarme pour un système de santé qui s’éloigne de ses fondations. Les Français ne renoncent pas seulement à un soin ou à un rendez-vous, ils abdiquent une part de leur dignité.
Parmi les obstacles qui se dressent sur leur chemin figurent les coûts cachés qui, mis bout à bout, deviennent insupportables : le carburant, les trajets, les déserts médicaux et, désormais, le prix du parking à l’hôpital. Aller à l’hôpital pour un malade, un proche ou un soignant devient un parcours du combattant. À la douleur, à la fatigue et à l’inquiétude s’ajoute une forme d’injustice silencieuse, celle de devoir payer pour accéder au service public essentiel qu’est la santé. Le principe est pourtant clair et de valeur constitutionnelle depuis 1946 : la nation « garantit à tous [...] la protection de la santé ». Cet engagement solennel de la République a un sens, celui de protéger la santé de toute logique marchande, afin qu’aucun citoyen ne doive arbitrer entre se soigner et économiser quelques euros de stationnement.
Or, depuis environ une quinzaine d’années, les hôpitaux publics ont progressivement instauré la tarification du stationnement : deux établissements sur trois ont adopté un système payant. Le stationnement était autrefois gratuit car il relevait de la mission d’accueil ; il est désormais une source de financement complémentaire, déléguée bien souvent à des opérateurs privés. Trois grands groupes concessionnaires, Effia, Indigo et Q‑Park, se partagent la majorité des contrats. Ensemble, ils reversent près de 6 millions d’euros de redevances chaque année aux établissements. Nos auditions ont permis de connaître le prix moyen de revient d’une place de parking, lequel atteint environ 400 euros par an.
Les professionnels, les malades et leurs proches doivent payer pour éponger le laxisme des gouvernements successifs, lesquels ont abandonné et sacrifié les budgets hospitaliers. Ce raisonnement est contraire à la logique même du service public, selon laquelle le financement de la santé ne doit pas reposer sur une approche comptable mais sur la solidarité nationale. Là réside toute notre philosophie : refuser que la souffrance ou la maladie ne deviennent des opportunités économiques. Nous affirmons que la santé est un droit commun, protégé des logiques financières et accessible à tous, quelles que soient les ressources et la situation de chacun.
Certains objecteront que les hôpitaux ont besoin de cette recette pour fonctionner, que les budgets sont serrés et que les dépenses augmentent. Cela est vrai, mais est-ce une raison pour reporter cette charge sur les professionnels de santé et les malades ? Est-ce aux patients de financer le gardiennage du lieu où ils se font soigner ? Est-ce à la mère de famille venue visiter son enfant hospitalisé de choisir entre quelques heures de présence et le coût du plein d’essence ?
Prenons l’exemple concret du centre hospitalier universitaire (CHU) de Nancy où les visiteurs peuvent payer jusqu’à 21,70 euros de stationnement par jour. Résultat, les proches ne viennent plus et les malades terminent leurs journées, parfois leur vie, dans la solitude. Le parking est vide quand les chambres sont pleines. Cette politique conduit à une double peine, pour les patients et pour leur famille.
Pendant ce temps, l’État regarde ailleurs. Nous avons entendu un ancien ministre de la santé, François Braun, affirmer qu’il n’était pas là pour gérer les parkings des hôpitaux. Cette phrase en dit long. Elle illustre la dérive d’un pouvoir qui se détourne des réalités quotidiennes et qui se désengage de ce qui fait la substance du service public : l’accueil, la proximité et l’humanité. À l’inverse, je salue l’initiative de M. Yannick Neuder, qui, alors ministre de la santé, avait reconnu que le stationnement faisait partie de la dimension humaine de notre politique de santé publique. Il avait souhaité ouvrir une concertation sur le sujet, démarche qu’il y a lieu de saluer car elle démontre qu’un consensus peut naître, dès lors que l’on fait primer l’intérêt général et la dignité des patients sur les considérations financières.
Le texte que nous présentons s’inscrit dans cette optique, mais il la dépasse. En effet, il rétablit le principe fondamental de la gratuité d’accès aux services publics essentiels. Il affirme que les coûts doivent être assumés par la nation et non par les individus. Il prévoit que l’État compensera les frais de construction, d’aménagement et d’exploitation des parkings hospitaliers, afin d’éviter toute rupture financière pour les établissements. En outre, il respecte le droit en vigueur : les contrats de concession en cours ne seront pas brutalement rompus et iront à leur terme, pour éviter des pénalités évaluées à 400 millions d’euros – notre démarche est responsable et non idéologique.
La proposition de loi est juste, équilibrée et réaliste. Elle allie justice sociale et rigueur budgétaire. Elle dit aux Français qu’il est possible de faire autrement. Au-delà de l’aspect financier, le texte envoie un message de respect aux personnels hospitaliers. Les soignants, qui sont déjà soumis à des horaires difficiles, n’ont pas à payer pour être à leur travail : c’est une question de reconnaissance et de dignité professionnelles. De même, la gratuité n’est pas un confort pour les visiteurs, mais un droit moral. La présence d’un proche et le soutien d’une famille contribuent à la guérison. L’hôpital n’est pas un lieu isolé, il est un espace de vie, d’espoir et de solidarité.
À travers cette proposition de loi, nous défendons une idée claire : nul ne doit être empêché d’accéder à l’hôpital pour des raisons financières. Quand le coût du stationnement fait hésiter une famille à rendre visite à un malade, c’est le fondement même du service public hospitalier qui vacille. Nous devons restaurer ce socle et nous proposons de le faire dans ce texte.
Mon groupe parlementaire porte ici un message de bon sens et de justice. Il ne s’agit pas seulement d’assurer la gratuité, mais de redonner du sens à la solidarité nationale et de rappeler que la santé est un droit et non une variable d’ajustement. Cette proposition de loi est conforme à la vision que nous défendons, celle d’une République protectrice et proche des réalités du peuple, qui agit, non pour plaire à des experts mais pour soulager des vies. Elle ne coûte rien et rétablit un peu de confiance. Alors que les Français doutent parfois de leurs institutions, rendre à l’hôpital sa gratuité d’accès, c’est redonner à la République son aspect humain.
En conclusion, cette proposition de loi est une mesure de justice sociale, d’humanité et de bon sens. Elle s’adresse aux Français qui n’en peuvent plus de payer toujours plus pour en avoir moins, aux soignants qui continuent malgré tout de maintenir debout un système à bout de souffle, à la France des familles, des malades et des aidants à laquelle nous devons respect et reconnaissance. Nous nous réjouissons que d’autres groupes parlementaires se soient inspirés de nos réflexions : c’est la preuve que nos propositions, loin d’être marginales, répondent aux attentes profondes des Français. Pour toutes ces raisons, j’invite la commission des affaires sociales à adopter ce texte, fidèle aux valeurs défendues par Marine Le Pen, celles d’une France juste, protectrice et profondément humaine.
M. le président Frédéric Valletoux. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
M. Christophe Bentz (RN). Cette proposition de loi sur la gratuité des parkings à l’hôpital public est de bon sens car elle est réaliste. Elle améliore et facilite l’accès aux soins à l’hôpital public. Dans la notion d’accès se loge celle de l’accessibilité au service public de santé. Le texte constitue une avancée sociale concrète pour les soignants, les patients, les familles et les proches des malades. En effet, payer un stationnement parfois très onéreux revient à augmenter significativement le coût des soins, donc le reste à charge. Tout ce qui nourrit cette hausse contribue au renoncement aux soins, a fortiori dans un contexte de crise aiguë du pouvoir d’achat. Au-delà de la gratuité, il s’agit d’une question de dignité, de solidarité et d’égal accès à l’hôpital public. Ce texte de justice sociale facilitera la vie des malades, eux qui doivent suivre un parcours de soins souvent complexe.
Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Dans le cadre de la niche parlementaire du groupe Rassemblement National, nous examinons la proposition de loi relative à la gratuité des parkings d’hôpitaux publics. Le sujet de la circulation et du stationnement des véhicules à proximité des établissements de santé constitue une préoccupation pour tous les usagers ayant besoin d’accéder à l’hôpital pour une consultation, une hospitalisation ou une visite à un proche.
Pour ce faire, l’aménagement de parkings est une nécessité. C’est pourquoi 80 % des hôpitaux, dont la mission prioritaire est d’assurer des soins, ont délégué celle-ci à des sociétés privées dont c’est le métier et qui possèdent les compétences spécifiques nécessaires. Il convient de distinguer la délégation de gestion de la privatisation. Chaque établissement est confronté aux mêmes difficultés : la gratuité entraîne l’apparition de voitures ventouses et d’encombrements et rend les parkings inaccessibles pour les professionnels de santé, les usagers, les véhicules de secours, provoquant, en général, des retards pour les consultations. Gérer le stationnement facilite l’accès des professionnels et des usagers, mais également la rotation des véhicules et la possibilité, pour les établissements hospitaliers, de réinvestir.
Si l’intention de la proposition de loi est louable, son adoption créerait une rupture d’égalité dans le public très large qu’elle cible. La gratuité pour tous, sans distinction, bénéficiera autant à ceux qui peuvent payer leur stationnement qu’aux autres ; elle n’apportera aucun bénéfice aux patients et à leurs proches qui utilisent les transports en commun. En outre, comme pour les déplacements en taxi ou en véhicule sanitaire léger, l’assurance maladie propose déjà le remboursement des frais de stationnement dans les centres hospitaliers, dans certaines situations et sur justificatif.
S’agissant du volet financier de la mesure, l’entretien et le fonctionnement d’un parking génèrent des coûts : dans un contexte budgétaire contraint, la mesure proposée se répercutera forcément sur les dépenses publiques. En outre, la dénonciation des contrats entraînerait le paiement d’indemnités à la charge des établissements. Pour toutes ces raisons, le groupe Ensemble pour la République votera contre l’adoption de ce texte, même si nous sommes favorables à l’ouverture d’une réflexion sur le déploiement de mesures d’équité financière visant à encadrer les tarifs pratiqués et à assurer la gratuité pour les personnels hospitaliers.
M. Pierre-Yves Cadalen (LFI-NFP). Le Rassemblement national ment, le Rassemblement national ment énormément. Il a pour habitude de se saisir de besoins pressants pour ne pas les satisfaire. La proposition de loi présentée aujourd’hui ne fait pas exception à la règle.
Les parkings payants dans les hôpitaux publics sont un scandale national majeur, qui a suscité une indignation large et massive chez nos concitoyens. Cette indignation est légitime, donc il faut y répondre sérieusement. Or vous faites tout le contraire : que tout le monde le comprenne bien, votre texte n’impose pas la gratuité de tous les parkings des hôpitaux, mais d’un seul par hôpital, si petit soit-il. En outre, vous ne mettez pas fin aux contrats de concession, qui courent sur quinze, vingt ou même trente ans. Votre texte fait partie des miroirs aux alouettes dont vous avez le secret de fabrication : la gratuité pour vingt places dans vingt ans.
Pourtant, il convient de ne pas jouer avec un sujet si sérieux. Des familles doivent payer plusieurs centaines d’euros par mois pour se soutenir dans les moments les plus difficiles de la vie, lorsqu’un être cher est atteint d’une maladie chronique par exemple. Certains m’ont même dit qu’ils demandaient à leurs proches de ne pas venir les voir.
Si ces parkings payants sont un scandale aussi frappant, c’est qu’ils touchent au cœur de la République sociale. Ils font la paire avec les politiques de destruction de l’hôpital public, encore consacrées par le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Comment se sentir citoyen et attaché à la République sociale quand on ne vous reconnaît pas le droit de célébrer une naissance ou d’accompagner un mourant sans payer ? Tout devient marchand, même là où la relation marchande n’a pas sa place. Mais vous plaisantez et mentez en affirmant que vous allez rendre les parkings des hôpitaux gratuits. Le bon intitulé de votre texte est : proposition de loi faisant semblant d’instaurer la gratuité des parkings.
Comme le nom de votre parti, ce texte est un mensonge. Vous ne rassemblez pas la nation, vous la divisez ; vous ne rendez pas les parkings des hôpitaux gratuits, vous garantissez qu’ils puissent être payants pendant bien longtemps. Dans un mois, nous pourrons discuter de notre proposition de loi, déposée avant la vôtre, qui vise à établir une gratuité totale et immédiate. En attendant, nous nous opposerons à ce texte d’une hypocrisie lamentable.
M. Stéphane Hablot (SOC). L’objectif n’est pas de lancer une compétition entre les textes, mais de servir l’intérêt général. J’ai été maire de Vandœuvre-lès-Nancy, commune où se situe le CHU de Nancy, cinquième hôpital de France : la mobilisation contre les parkings payants y a débuté en 2017.
Votre proposition de loi s’appuie sur une triste réalité. À Brest, 25 000 usagers ont signé une pétition contre les parkings payants et la colère monte partout en France. À Saint‑Étienne et à Cambrai, les parkings ont été délégués pour une durée de trente ans. C’est un scandale ! Une dame a conduit un malade à l’hôpital à 17 heures, elle est sortie du parking et est revenue à 20 heures, mais elle a payé trois heures de stationnement : c’est du racket ! Il ne faut pas laisser faire n’importe quoi.
La proposition de loi de M. Frappé est impossible à appliquer. Le risque existe en effet d’encourager les voitures ventouses et le squat des parkings, au détriment de ceux qui ont besoin de les utiliser. À Dunkerque, le système est intéressant : le dispositif de barrières a dissuadé les squatteurs, les visiteurs bénéficient de deux heures de stationnement gratuites et les malades ainsi que les soignants ne paient rien. Il est donc possible de faire autrement.
Les sommes considérables qui ont été dépensées ont souvent été prélevées sur les fonds propres des hôpitaux. Elles doivent être amorties car elles représentent des budgets pharaoniques, or la compensation n’est pas toujours réaliste.
Au nom du groupe socialiste, j’avancerai une proposition alternative et pragmatique, qui tentera de rassembler et de convaincre les uns et les autres. Les parkings font partie de l’attractivité des futurs hôpitaux : il est temps de réunir les acteurs – collectivités locales, directions des hôpitaux, syndicats, représentants des usagers – et de rendre accessibles et attractifs les hôpitaux. L’objectif est de respecter la dignité des malades, des soignants et des visiteurs. Le groupe socialiste, par souci de cohérence, ne participera pas au vote sur la proposition de loi.
M. le président Frédéric Valletoux. Je suis saisi d’une demande de scrutin public sur l’article 1er.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Le groupe Écologiste et Social votera en faveur de la gratuité des parkings d’hôpitaux mais s’opposera à la proposition de loi qui nous est soumise.
Ces parkings sont payants pour deux raisons : d’abord pour assurer leur surveillance, lutter contre les voitures ventouses et garantir la rotation des véhicules garés et ainsi la présence de places disponibles pour les malades comme pour les visiteurs ; ensuite, il s’agit d’une source de financement des hôpitaux, qui, privés de celle-ci, n’auraient plus les moyens d’assurer le service public indispensable de soigner chaque malade et de permettre aux personnes hospitalisées de recevoir des visites.
Ne pas avoir à payer pour recevoir des soins ou visiter un proche malade fait partie du service public de santé, donc nous soutenons la gratuité de ces parkings. Nous voterons également en faveur de mesures donnant aux hôpitaux les moyens de gérer les espaces de stationnement. La gratuité des parkings s’inscrit dans un débat plus large : quels moyens ont les hôpitaux d’assurer un véritable service public ?
Ne s’intéresser qu’aux parkings et rejeter avec constance tout ce qui pourrait donner à l’hôpital public les moyens de sortir la tête de l’eau revient à refuser d’y entrer et de regarder en tant que législateur ce qui s’y passe réellement. Vous votez en permanence pour des mesures contribuant à affaiblir l’hôpital public et à le priver de moyens, et vous attisez les flammes quand les parkings deviennent payants.
Pourtant, vous êtes les premiers soutiens de la casse du service public organisée depuis plusieurs années. Lors de l’examen du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale, on a notamment pu entendre Hervé de Lépinau nous crier « Arrêtez de taxer ! », Emeric Salmon demander « Pas de taxes supplémentaires ! », Matthias Renault ou Sébastien Chenu nous traiter de « dingues des taxes ». Vous n’avez pas voté la proposition de loi visant à encadrer le nombre de soignants par patient ou la régulation du nombre de médecins installés dans les zones bien ou très bien pourvues. Vous n’êtes pas là lorsqu’il s’agit d’adapter notre modèle social aux besoins de la population, de lutter contre la désertification médicale ou l’éloignement des hôpitaux et des maternités, ainsi que de permettre à chacun d’accéder véritablement aux soins.
Votre fixation sur les parkings dit tout de la supercherie de vos positions : parkings gratuits mais plus d’hôpital, ou alors si loin qu’il faudra presque racheter une voiture neuve pour réussir à s’y rendre. Quand nous vous proposions de faire contribuer le capital à l’effort collectif, vous nous disiez que ce n’était pas possible. Vous n’êtes jamais là pour activer la solidarité nationale. La dignité des patients et celle de leurs proches ne sont pas négociables et c’est la totalité du respect qui leur est dû qui fait le service social.
Mme Sylvie Bonnet (DR). Cette initiative parlementaire fait écho à plusieurs situations vécues. Par exemple, au CHU de Nantes, début 2025, le proche d’un patient hospitalisé en urgence avait dû payer 62 euros pour stationner vingt-quatre heures. Je reçois très régulièrement des habitants de ma circonscription qui trouvent inacceptables les tarifs pratiqués. À Saint-Étienne, une journée de stationnement coûte 14,80 euros pour huit à douze heures. À l’hôpital de Lyon Sud, la facture s’élève à 28,20 euros pour dix heures, quand les vingt-quatre heures du « forfait accouchement 1er jour » coûtent 13 euros à la patiente. Les patients et leur famille ont l’impression d’être taxés abusivement, dans un moment de vulnérabilité et d’inquiétude. Un texte du groupe socialiste proposait, en septembre 2025, la gratuité totale pour les patients durant leur séjour, deux heures gratuites par jour pour les visiteurs et la gratuité pour le personnel pendant le temps de service.
L’auteur de la proposition de loi affirme, dans son exposé des motifs, qu’imposer une somme d’argent sur le parking d’hôpitaux publics contrevient au onzième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, qui dispose que la nation « garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé ». Le groupe Droite Républicaine partage l’indignation de l’ensemble des groupes politiques devant les exemples de proches payant au prix cher un stationnement pour se rendre au chevet d’un patient. Nous ne pouvons pas accepter que les Français renoncent à accompagner et à visiter leurs proches hospitalisés pour des raisons financières.
Une évolution de la loi peut permettre de combler ce vide, mais cela doit se faire en lien avec les directions des hôpitaux publics. C’est la raison pour laquelle le groupe Droite Républicaine pense qu’une concertation est nécessaire avec les établissements hospitaliers. Un projet de charte de bonnes pratiques a d’ailleurs été soumis, au printemps dernier, par le ministère de la santé. Il visait notamment à encadrer les pratiques tarifaires dans les parkings en délégation de service public.
Nous voterons pour cette proposition de loi, en souhaitant une reprise du dialogue entre les différents acteurs et le ministère de la santé.
M. Philippe Vigier (Dem). Monsieur le rapporteur, vous soulevez un vrai problème : celui du coût du parking des établissements hospitaliers. Je pense néanmoins que le sujet est plus large et concerne le coût du parking en général. Il y a eu beaucoup de dérives. Je fais partie de ceux qui ont contesté, il y a longtemps, la privatisation des autoroutes. Je considère que, à l’heure actuelle, certains tarifs pratiqués dans les parkings hospitaliers sont inacceptables. Il faut se remettre autour d’une table pour en discuter. Il ne s’agit pas de réclamer la gratuité absolue, car rien n’est gratuit. Vous parlez des hôpitaux, mais prenons le cas d’un patient qui va consulter un médecin en ville, il vous demandera aussi la gratuité pour se garer. À Perpignan, les tarifs sont de 4 euros de l’heure. La question s’appréhende à 360 degrés. Au-delà du texte que nous ne pouvons pas voter en l’état, il faut mener une démarche concertée pour avoir des référentiels s’appliquant partout.
Un petit hôpital que je connais bien doit doubler la surface de son parking, mais il n’a pas les crédits. Dans cette situation, il a fait le choix de privilégier le médical. Comment doit-on faire ? Vous dénoncez souvent la gratuité dans votre famille politique. S’agissant de l’accès aux soins, accordez-moi que la France est le premier des pays du monde où il est permis dans de telles conditions – je vous invite à voir ce qui se passe ailleurs.
Nous ne pouvons pas vous accompagner à ce stade dans votre démarche. De la même façon, les prix des parkings en ville sont extrêmement prohibitifs à certains endroits. Ne créez pas de nouvelles fractures, entre des parkings gratuits et d’autres payants.
M. François Gernigon (HOR). Le groupe Horizons & Indépendants partage l’objectif de garantir un stationnement accessible pour tous dans les hôpitaux publics. Il est légitime de vouloir soulager les familles, les patients et le personnel, face à des tarifs parfois abusifs, et d’examiner la possibilité d’une gratuité ciblée ou d’un encadrement strict des prix pour éviter que le stationnement ne devienne un obstacle à l’accès aux soins.
Toutefois, la proposition du groupe RN va trop loin. Interdire la délégation de service public et transférer à l’État la totalité du financement de la construction, de l’entretien et de l’exploitation des parkings reviendrait à nier l’autonomie de gestion des établissements et à créer une charge budgétaire massive sans étude d’impact précise, alors même que certaines délégations permettent aux hôpitaux d’entretenir leurs infrastructures sans peser sur les budgets de soins. Une voie médiane est donc souhaitable, reposant sur un encadrement des tarifs : la gratuité pour les patients et les longs séjours et des contreparties à la qualité du service rendu dans les concessions afin de concilier équité d’accès et soutenabilité financière.
Le groupe Horizons & Indépendants réservera donc son vote à l’évolution du texte, en commission ou en séance.
M. Éric Michoux (UDR). La proposition de loi qui nous est présentée aujourd’hui réinstaure la gratuité du stationnement dans tous les hôpitaux publics. C’est une proposition de bon sens. L’accès aux soins doit être garanti pour tout le monde. Or que penser d’un coût de stationnement à 20 euros par jour et jusqu’à 64 euros ? Ça peut représenter des centaines d’euros par mois pour les malades et leur famille. Il n’y a pas d’égalité, à ce moment-là, des citoyens devant les soins, encore moins dans les territoires ruraux, quand il faut se déplacer des centaines de kilomètres pour enfin trouver un hôpital. On peut aussi regretter une certaine forme de marchandisation du service public. Pourquoi ne pas faire payer dans ce cas la distribution de l’eau ou l’utilisation des toilettes dans les services publics ? On entre dans quelque chose qui devient carrément débile.
Parce que nous nous opposons au triptyque taxer, payer, interdire, nous serons pour la réinstauration de la gratuité des parkings des hôpitaux publics.
M. le président Frédéric Valletoux. Nous en venons aux questions des autres députés.
M. Raphaël Arnault (LFI-NFP). Il y a eu beaucoup d’indignation au moment de la privatisation de ces parkings, notamment à Avignon, où un homme a récemment payé plus de 200 euros pour rester au chevet de sa femme mourante. J’ai moi-même assisté à cette évolution en direct, pour avoir accompagné avec ma mère une personne de ma famille souffrant d’un handicap sérieux. Faudrait-il donc balarguer le patient à l’hôpital sans l’accompagner ?
Cette proposition de loi du Rassemblement national est évidemment très nulle. C’est une perte de temps pour nous, députés, pour les collaborateurs, mais surtout pour les Français et les Françaises. Il y a, en France, deux projets qui s’opposent : ou le tout‑privé, très largement incarné par la macronie, ou l’accès libre et gratuit, que nous défendons corps et âme. Le RN nous parle de gratuité, tout en s’assurant que tout reste privé, notamment, comme l’a rappelé mon collègue Pierre-Yves Cadalen, en ne mettant pas fin aux concessions qui rackettent les patients.
Heureusement, la niche de La France insoumise arrive dans quelques semaines. Nous pourrons alors nous battre pour la gratuité totale et la disparition des parkings privés. Que les usurpateurs le mettent bien dans leur tête, ce sont nos parkings ; ce sont nos cotisations sociales qui ont bâti nos hôpitaux et nos accès. On ne quémande pas, on récupère, n’en déplaise à l’extrême droite et à ses alliés. En ce mois d’octobre, nous fêtons les quatre-vingts ans de la sécu, qui nous rappelle que les grandes victoires sociales dans ce pays ont été obtenues lorsque les fascistes sont à terre. Férus d’histoire et assoiffés de justice sociale, nous tâcherons de faire perdurer cet héritage.
M. Thomas Ménagé (RN). Si la proposition de loi de Raphaël Arnault avait été soumise au vote aujourd’hui, mon groupe l’aurait votée, dans l’intérêt des Français, des soignants, des malades, de leur famille. C’est vraiment la différence entre votre vision de la politique et notre conscience de député. La proposition de loi permet d’améliorer le pouvoir d’achat et d’éviter la double peine. Souvent, une personne hospitalisée voit ses revenus diminuer. C’est aussi la double peine pour les ruraux, qui ne pourront pas prendre les transports en commun.
Le texte permet également d’éviter qu’un certain nombre de délégataires se mettent l’argent des Français qui cherchent à se soigner dans les poches. Mme Dubré-Chirat a dit que le privé pouvait se charger de cette tâche et que la caisse primaire d’assurance maladie viendrait payer le délégataire dans certaines conditions. Vous assumez donc que notre système social vienne nourrir des entreprises privées, main dans la main avec la gauche, qui préfère reporter son vote et faire perdurer cette situation d’injustice.
Vous êtes dans une contradiction totale, alors que l’on pourrait progresser vers plus d’accès aux soins, plus de justice sociale et plus de pouvoir d’achat pour des personnes en souffrance. Je vous appelle à la raison. Quant aux groupes qui ont des doutes sur la rédaction de ce texte, que je trouve pourtant très bien écrit, je vous suggère de l’amender. Je pense que notre rapporteur sera ouvert à la discussion. Notre objectif est bien d’améliorer la vie des Français qui souffrent déjà énormément.
Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Le RN est une imposture. Sous couvert de s’attaquer à cette injustice, qui est de faire payer les parkings des hôpitaux publics aux malades, à leurs proches et aux personnels, votre proposition de loi, en réalité, ne prévoit pas la gratuité totale des parkings, puisqu’elle prévoit que les hôpitaux publics mettent à disposition des parkings gratuits sans préciser le nombre de places. Elle ne met pas non plus fin aux contrats de concession, qui pourront aller jusqu’à leur terme, sachant qu’ils sont d’une durée de dix, vingt ou trente ans. En fait, sous couvert de répondre aux attentes des Français et de réparer une injustice sociale et inhumaine, votre texte propose la gratuité pour les personnes qui, au petit bonheur la chance, auront pu se garer sur une place gratuite dans... trente ans. Voilà la conception du Rassemblement national de la justice sociale : partielle et à la Saint-Glinglin. Cette proposition de loi n’est qu’un coup de com’ très mal ficelé, une véritable imposture. Mes collègues Pierre-Yves Cadalen et Raphaël Arnault l’ont dit : avec mon groupe, La France insoumise, nous avons déposé une proposition de loi pour la gratuité totale et immédiate des parkings des hôpitaux publics, comme le réclament nos concitoyens.
M. Thibault Bazin (DR). Monsieur le rapporteur, j’ai lu avec attention votre proposition. Nous gagnerions à ne pas tout voir en noir ou tout en blanc ; les sujets sont souvent beaucoup plus complexes. Votre question est légitime : le coût des parkings ne doit pas nuire à l’accès aux soins. La réponse doit être la plus adaptée possible. Il y a plusieurs risques, à mon sens. Le premier est celui du stationnement qui ne servirait pas aux personnes venant à l’hôpital. Le second, c’est le sujet des recettes pour les hôpitaux. Ils ont dû investir pour que l’on puisse se garer au plus près, dans les meilleures conditions d’accessibilité. Alors qu’ils ont des capacités d’investissement limitées, doit-on se priver de la possibilité de faire appel à des opérateurs pour financer de tels éléments ? Finalement, la bonne réponse ne serait-elle pas de définir, par voie réglementaire, la taille minimale de la partie gratuite et de fixer les conditions d’une politique tarifaire, avec une large gamme de formules prenant en compte la typologie des patients, des pathologies et des professionnels ? De cette manière, on pourrait répondre à la question de l’accès aux soins et à celle du financement de ces infrastructures très coûteuses. Sur les trente‑deux CHU, 90 % ont introduit la tarification et 60 % ont fait le choix de la gestion déléguée. L’hôpital récupère 70 % du chiffre d’affaires de ces parkings. Ce sont des équations à prendre en compte. La réponse est sans doute beaucoup plus complexe que la solution que vous proposez.
M. Fabien Di Filippo (DR). Les modes de gestion varient en effet selon les hôpitaux. Des questions de financement se posent. Qui paiera les infrastructures ? Qui compensera la perte de recettes pour certains hôpitaux ?
Mme Annie Vidal (EPR). Notre débat est un peu biaisé. Comme c’est souvent le cas dans les niches parlementaires, nous partons d’un sujet du quotidien des Français qui devient un prétexte pour enchaîner les postures politiques. On assiste à un débat politicien entre le tout-gratuit et la financiarisation. En l’occurrence, la question du stationnement dans les hôpitaux est extrêmement complexe et très différenciée. Ce n’est pas la même chose si l’on parle des CHU des centres-villes, dont la majorité des stationnements sont sous-traités à des opérateurs avec lesquels il serait sans doute nécessaire d’établir des conventions pour avoir un certain nombre de places gratuites à distribuer selon des critères à établir, ou si l’on parle des établissements plus ruraux, où il est souvent plus facile de se garer. La gratuité n’est pas du tout adaptée à cette question, qui, même si elle mérite qu’on y travaille, ne relève sans doute pas de mesures législatives.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Comme d’habitude, lorsqu’un texte arrive dans notre commission, je le lis dans le détail et en toute bonne foi. Une phrase m’intrigue un peu : « Tout établissement public de santé dispose d’un parc de stationnement gratuit destiné aux patients, à leurs visiteurs et au personnel de l’établissement. » Aux termes de l’article, il suffirait donc qu’il n’y ait qu’une seule place, ce qui n’a pas beaucoup de sens. Par ailleurs, ces places sont partagées. Comment est hiérarchisé l’accès au parking commun ? Est-ce que les salariés ne pourront plus se garer le matin si le parking est occupé par un grand nombre de patientes et de patients ? Enfin, comment faire pour régler la concurrence, dès lors que l’établissement n’a pas l’obligation d’avoir un parking disponible pour l’ensemble des personnes qui pourraient le fréquenter ? Vous allez organiser une tombola ? Qui plus est, vous maintenez les contrats sur une longue durée avec le privé. J’ai entendu dire que le texte était fragile ; c’est qu’il est écrit avec les pieds, sans qu’on se soit posé la question de son application concrète. Quoi que l’on pense de ses auteurs, à savoir le RN, dont je pense des choses détestables, le texte doit évidemment être rejeté.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). La question de la gratuité ne saurait être décorrélée de celle de la personne à qui seront confiées l’organisation et la gestion du service concerné. Le fait que les parkings soient payants permet certes aux hôpitaux d’engranger des recettes, mais il révèle surtout la logique de financiarisation à l’œuvre dans le secteur de la santé. Les uns après les autres, les hôpitaux se sont engouffrés dans le processus et ont passé des marchés publics ou des délégations de service public dont les grands groupes privés, comme Vinci, tirent profit. Une partie des sommes revient certes à l’hôpital, mais les personnes qui payent pour venir voir un proche à l’hôpital enrichissent avant tout le groupe privé qui gère l’exploitation du parking.
Pour garantir la gratuité du stationnement, il faut d’abord assurer le financement de l’hôpital public et la préservation de la sécurité sociale, qui fête ses quatre‑vingts ans. Il faut donc cesser de s’opposer, comme le fait systématiquement le Rassemblement national, à l’augmentation des recettes. On se donnerait ainsi les moyens de rendre la gestion des parkings intégralement publique et de ne plus gaver le privé.
Cette proposition de loi est parfaitement hypocrite, démagogique et populiste : vous voulez faire croire aux citoyens et aux citoyennes que vous vous préoccupez de leur situation alors que vous avez toujours méprisé le système hérité du Conseil national de la Résistance.
Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Non seulement le texte introduit une différence entre établissements publics et établissements privés, mais je rappelle que certains parkings appartiennent aux collectivités locales et non aux hôpitaux : ce sont elles qui ont passé une convention avec les gestionnaires. N’oublions pas, d’ailleurs, que les hôpitaux ont vocation à assurer des soins et non à exploiter des parcs de stationnement.
Un travail mérite vraisemblablement d’être conduit pour réguler les tarifs. Certains établissements garantissent déjà la gratuité du stationnement aux professionnels, d’autres ne font pas payer la première heure ou demi-heure, d’autres encore s’adaptent aux différents types de patients ou ont prévu des dépose-minute. Il faut sans doute s’efforcer d’améliorer ces systèmes, mais la gratuité totale reviendrait à priver les hôpitaux de ressources qu’ils peuvent réinvestir dans des aménagements dont bénéficient les patients.
Une charte nationale des bonnes pratiques et une convention avec les exploitants sont à l’étude. Plutôt que d’opposer le tout-gratuit au tout-payant, poursuivons ce travail.
M. Gaëtan Dussausaye (RN). Je tiens à rappeler que nous tentons d’apporter une solution à la situation absolument insupportable, tant sur les plans social et financier que sur le plan humain, dont souffrent les malades, les familles qui les accompagnent et des professionnels de santé déjà soumis à conditions de travail bien compliquées. C’est notre rôle que de tenter de leur apporter un peu de réconfort. À défaut d’avancer sur certains sujets, peut-être pourrions-nous œuvrer à la défense des droits sociaux des Français. Pensez un peu au bien commun ! Si vous avez des choses à redire sur le texte, faites votre travail de député et amendez-le ; vous êtes payés pour ça.
Je m’amuse en tout cas d’entendre la gauche s’opposer à ce texte. Si le droit reste en l’état, permettant aux délégataires de continuer à s’enrichir, ce sera grâce à elle. Merci à vous !
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Si nous adoptions votre proposition de loi, il reviendrait aux hôpitaux de gérer les parkings et de payer pour assurer leur gratuité, ce qui conduirait à diminuer encore leurs recettes. Cumulé à toutes les mesures de baisse des ressources des hôpitaux publics que vous avez votées, ce texte met donc tout bonnement en danger le service public hospitalier français. Ce n’est pas rien !
Permettez que nous soyons certes soucieux du fait que chacun puisse se garer sur un parking d’hôpital, mais aussi qu’il reste des hôpitaux dans lesquels être pris en charge. Or, si nous suivons vos préconisations, les parkings seront gratuits, mais il n’y aura plus d’hôpitaux dans lesquels se rendre.
M. Christophe Bentz (RN). Je vous prie, chers collègues du bloc central et de gauche, de bien réfléchir à votre vote, qui sera public. En rejetant ce texte par scepticisme ou par sectarisme, vous vous opposerez à la gratuité des parkings de l’hôpital public, qui vise pourtant à mettre fin à une profonde injustice sociale. Comment vos électeurs comprendraient-ils votre refus de voter cette mesure de bon sens ? Il est encore temps de vous rattraper : si ce texte vous semble insuffisant ou incomplet, vous pourrez l’amender en séance publique.
M. le rapporteur. Malgré la diversité des positions, chacun semble s’accorder sur le fait que le stationnement à l’hôpital mérite, à tout le moins, des aménagements. À l’exception de ceux qui sont gérés en régie directe, les modalités d’organisation actuelles sont le fruit d’accords conclus entre la direction de l’hôpital et une société privée. Mettre fin aux contrats ainsi conclus impliquerait le versement d’indemnités dont le total s’établirait à 400 millions d’euros. C’est pour cette raison que nous souhaitons les maintenir.
On explique souvent que les parkings sont payants pour compenser le coût de l’emprise foncière, mais il se trouve que les hôpitaux périphériques, pour lesquels le problème est beaucoup moins prégnant, facturent également le stationnement. Une autre piste consisterait à travailler avec les collectivités territoriales pour améliorer la desserte des hôpitaux, mais les transports en commun sont-ils réellement une option pour une femme sur le point d’accoucher, un parent dont l’enfant est malade ou une personne qui a du mal à se déplacer ? Je songe ici à l’exemple de Nancy.
La situation actuelle crée un sentiment général d’injustice. Certains affirment que les avis sont partagés, mais, à titre personnel, je n’ai reçu que des réactions en faveur de la gratuité des parkings hospitaliers. Il est vrai que cette mesure a un coût, car rien n’est jamais gratuit. En l’occurrence, cette dépense doit faire l’objet d’une ligne spécifique dans le projet de loi de finances. N’oublions pas qu’au-delà du fait que la protection de la santé est un principe constitutionnel, le droit du patient à recevoir des visites doit être respecté.
Les hôpitaux ont vu leurs moyens baisser d’année en année. Ils optent désormais pour le parking payant afin d’avoir un poste en moins à financer, mais il n’est pas normal qu’une structure qui dépend de financements publics fasse porter ce coût sur les patients et les usagers plutôt que sur les contribuables. Il en résulte, là encore, un sentiment d’injustice et d’abandon.
La gratuité est possible si on alloue aux hôpitaux un budget suffisant pour couvrir les frais de gestion des parkings. Le CHU de Lille a choisi d’exploiter ses parcs de stationnement en régie directe, pour un coût de 600 millions d’euros. Il est vrai que tous les hôpitaux, notamment les plus petits, n’auraient pas les moyens d’y consacrer une telle somme, mais les besoins ne seraient pas aussi élevés pour les hôpitaux périphériques, dont l’emprise foncière est moindre.
Le risque que certaines personnes profitent de la gratuité pour rester garés durablement sur les parkings – le fameux phénomène des voitures ventouses – est réel. Les auditions ont toutefois montré que le tarif journalier moyen des parkings hospitaliers est moins élevé que celui pratiqué en centre-ville, si bien que les automobilistes auraient déjà intérêt à se garer à l’hôpital et à prendre un transport collectif pour rejoindre le centre.
Je suis tout à fait d’accord avec ceux qui dénoncent les tarifs inacceptables qui sont pratiqués et la charge qu’ils créent pour les malades et leur famille. Nous avons un choix à faire pour transférer à l’État la gestion et le financement des parkings des établissements hospitaliers.
Je reste bien entendu ouvert aux discussions et aux amendements que vous pourriez déposer pour améliorer le texte.
Article 1er : Obligation faite à tout établissement public de santé de disposer d’un parc de stationnement gratuit
Amendement de précision AS1 de Mme Sylvie Bonnet
M. le rapporteur. Je suis favorable à ce qu’il soit précisé que l’État devra compenser « intégralement » les frais afférents aux parcs de stationnement gratuits.
La commission adopte l’amendement.
Puis, conformément aux dispositions de l’article 44, alinéa 2, du Règlement, il est procédé au vote, par scrutin public et par appel nominal, sur l’article 1er de la proposition de loi.
Votent pour :
M. Christophe Bentz, M. Théo Bernhardt, Mme Sylvie Bonnet, M. Bruno Clavet, Mme Sandra Delannoy, Mme Sandrine Dogor-Such, M. Gaëtan Dussausaye, M. Olivier Fayssat, M. Guillaume Florquin, M. Thierry Frappé, M. René Lioret, Mme Christine Loir, Mme Joëlle Mélin, M. Thomas Ménagé, M. Éric Michoux, M. Serge Muller, Mme Angélique Ranc
Votent contre :
Mme Ségolène Amiot, M. Raphaël Arnault, M. Joël Aviragnet, Mme Béatrice Bellay, Mme Anaïs Belouassa-Cherifi, Mme Anne Bergantz, M. Pierre-Yves Cadalen, M. Hadrien Clouet, Mme Nicole Dubré-Chirat, Mme Karen Erodi, Mme Zahia Hamdane, M. Michel Lauzzana, Mme Constance Le Grip, Mme Christine Le Nabour, Mme Élise Leboucher, Mme Joséphine Missoffe, Mme Sandrine Nosbé, Mme Sandrine Rousseau, Mme Sandrine Runel, M. Arnaud Simion, Mme Danielle Simonnet, Mme Prisca Thevenot, Mme Annie Vidal
S’abstiennent : M. Thibault Bazin, M. Fabien Di Filippo, M. François Gernigon, Mme Justine Gruet, M. Frédéric Valletoux
Les résultats du scrutin sont donc les suivants :
Nombre de votants : 45
Abstention : 5
Nombre de suffrages exprimés : 45
Pour l’adoption : 17
Contre : 23
En conséquence, la commission rejette l’article 1er.
Article 2 : Gage financier
La commission rejette l’article 2.
La commission ayant rejeté tous les articles de la proposition de loi, l’ensemble de celle-ci est rejeté.
La réunion s’achève à onze heures quarante-cinq.
Présents. – Mme Ségolène Amiot, M. Raphaël Arnault, M. Joël Aviragnet, M. Thibault Bazin, Mme Béatrice Bellay, Mme Anaïs Belouassa-Cherifi, M. Christophe Bentz, Mme Anne Bergantz, M. Théo Bernhardt, Mme Sylvie Bonnet, M. Pierre-Yves Cadalen, M. Elie Califer, M. Bruno Clavet, M. Hadrien Clouet, Mme Nathalie Colin-Oesterlé, Mme Josiane Corneloup, M. Hendrik Davi, Mme Sandra Delannoy, M. Fabien Di Filippo, Mme Sandrine Dogor-Such, Mme Fanny Dombre Coste, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Gaëtan Dussausaye, Mme Karen Erodi, M. Olivier Fayssat, M. Guillaume Florquin, M. Thierry Frappé, Mme Martine Froger, Mme Marie-Charlotte Garin, M. François Gernigon, Mme Océane Godard, Mme Justine Gruet, M. Jérôme Guedj, Mme Zahia Hamdane, M. Sacha Houlié, M. Michel Lauzzana, M. Didier Le Gac, Mme Constance Le Grip, Mme Christine Le Nabour, Mme Élise Leboucher, M. René Lioret, Mme Christine Loir, Mme Joëlle Mélin, M. Thomas Ménagé, M. Éric Michoux, Mme Joséphine Missoffe, M. Yannick Monnet, M. Serge Muller, Mme Sandrine Nosbé, M. Hubert Ott, Mme Angélique Ranc, Mme Sandrine Rousseau, M. Jean-François Rousset, Mme Sandrine Runel, M. Arnaud Simion, Mme Danielle Simonnet, Mme Prisca Thevenot, M. Frédéric Valletoux, Mme Annie Vidal, M. Stéphane Viry
Excusés. – Mme Anchya Bamana, Mme Stella Dupont, M. Paul Christophe, Mme Sylvie Dezarnaud, Mme Karine Lebon, M. Laurent Panifous, M. Sébastien Peytavie
Assistaient également à la réunion. – M. Stéphane Hablot, M. Nicolas Turquois, M. Philippe Vigier