Compte rendu

Commission
des affaires étrangères

– Examen, ouvert à la presse, des avis budgétaires sur le projet de loi de finances pour 2026 (n° 1906) :

- Examen de l’avis sur le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne (M. Arnaud Le Gall, rapporteur pour avis) et vote sur l’article              2

- Examen pour avis des crédits de la mission Immigration, asile et intégration (Mme Brigitte Klinkert, rapporteure pour avis) et vote sur les crédits              19


Mercredi
22 octobre 2025

Séance de 11 heures

Compte rendu n° 9

session ordinaire 2025-2026

Présidence
de M. Bruno Fuchs, Président


  1 

La commission procède à l’examen de deux avis budgétaires sur le projet de loi de finances pour 2026 (n° 1906).

La séance est ouverte à 11 h 00.

Présidence de M. Bruno Fuchs, président.

M. le président Bruno Fuchs. Nous poursuivons nos travaux sur l’examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2026, dans un contexte aussi compliqué que l’an dernier. Les délais constitutionnels nous conduisant à débattre des différents avis dans des délais contraints, je remercie nos rapporteurs de nous présenter, grâce à leur implication, leurs conclusions dans un calendrier très serré.

La commission des affaires étrangères s’est saisie pour avis de neuf ensembles de dépenses. Ils figurent pour la plupart dans la seconde partie du PLF, à l’exception du prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne (PSR-UE), sur lequel porte le premier de ces avis.

Pour nous permettre d’achever nos travaux dans les délais requis, j’en appellerai à la discipline de toutes et tous s’agissant de la durée des interventions liminaires ; conservons du temps pour le débat sur les amendements.

Pour 2026, la contribution de la France au budget de l’Union européenne est évaluée à un peu moins de 28,8 milliards d’euros, en augmentation de 24,6 % par rapport à la loi de finances pour 2025. Cette contribution prend la forme d’un prélèvement sur les recettes de l’État. Cette ressource, qualifiée d’équilibre, dépend du revenu national brut (RNB) de chaque État membre. Elle constitue l’un des quatre types de financements du budget de l’Union européenne (UE), parmi lesquels on trouve aussi, notamment, les ressources propres traditionnelles.

M. Arnaud Le Gall, rapporteur pour avis. Nous examinons ce jour l’article 45 du PLF pour 2026, qui prévoit un prélèvement de 28,78 milliards d’euros sur les recettes de l’État au titre de la contribution de la France au budget de l’Union européenne. Ce poste connaît une augmentation exceptionnelle de 24,6 % par rapport à la loi de finances pour 2025 : la troisième plus forte hausse, derrière celles de la charge de la dette et des crédits de la défense, dans un budget prévisionnel où l’immense majorité des postes budgétaires est en baisse.

Ce surcroît de près de 5,7 milliards d’euros mérite notre attention et soulève plusieurs questions cruciales quant à l’usage de cet argent public et quant aux priorités de l’Union européenne.

Comme l’an passé, je voudrais pointer les conditions de travail du Parlement : il est difficile d’entrer dans les détails alors que le PLF a été déposé il y a une semaine à peine et que le jaune budgétaire est incomplet.

L’explosion du prélèvement sur recettes tient d’abord à la mécanique de fin de cadre financier pluriannuel. Il en résulte un rattrapage des paiements pour la politique de cohésion – + 79 % –, une montée en charge de la facilité pour l’Ukraine – 3,2 milliards d’euros de paiements de l’UE en 2026 – et un effet technique lié aux rabais et corrections sur les modes de calcul, basés sur le revenu national brut. Autrement dit, la facture grimpe mécaniquement du fait notamment des modes de calcul et de la répartition des contributions des États, sans qu’il y ait de débat. On nous présente le résultat comme automatique et l’on considère qu’un désaccord traduirait une volonté de sortir de l’Union européenne. Je le redis : ce n’est pas le principe de la contribution à l’Union européenne qui est en cause mais l’usage, et je voudrais le questionner.

La politique agricole commune (PAC) est le premier poste budgétaire de l’UE, avec 55 milliards d’euros. Elle reste fondée sur des aides à l’hectare qui favorisent les grandes exploitations : 20 % des bénéficiaires captent 80 % des aides. Pendant ce temps, la transition agro-écologique, l’agriculture paysanne, les circuits courts et la polyculture restent marginalisés, alors qu’ils sont autant de conditions de notre souveraineté alimentaire et d’un revenu minimum garanti pour les agriculteurs. Ils sont même menacés d’éradication par l’accord entre l’UE et le marché commun de l’Amérique du Sud (Mercosur).

Avec 48 milliards d’euros, la politique de cohésion est le deuxième poste budgétaire de l’UE. Elle peine pourtant à réduire les fractures sociales et territoriales au sein de l’Union. Les procédures sont lourdes, les retards chroniques et les projets parfois déconnectés des besoins. J’insiste surtout sur un point : comment cette politique de cohésion pourrait-elle compenser le fait que, sur le plan économique, l’Union européenne – dont les traités ont gravé le néolibéralisme dans le marbre – fonctionne d’abord comme un système de compétition entre les nations, et à l’intérieur de celles-ci ? On peut alimenter des fonds de cohésion pour essayer de compenser mais, de mon point de vue, cela revient à tenter de remplir un trou que l’on ne cesse de creuser.

Enfin, les nouvelles priorités manquent de lisibilité. La plateforme des technologies stratégiques pour l’Europe – Strategic Technologies for Europe Platform, STEP –, censée incarner la souveraineté industrielle, concentre ses efforts sur les grands groupes au détriment des petites moyennes entreprises (PME).

L’aide à l’Ukraine, programmée à hauteur de 50 milliards d’euros – 17 milliards de subventions, 33 milliards de prêts – pour la période 2024-2027, souffre à mes yeux d’un manque de traçabilité et de l’empilement d’instruments financiers parfois peu compréhensibles. Quant à l’approche adoptée, qui conditionne les décaissements à des convergences réglementaires avec l’UE, elle ressemble parfois à une forme de pré-adhésion de facto. Le sujet vient en toile de fond de la question du soutien à l’Ukraine – dont nous ne remettons pas en cause le principe –, et l’on ne peut pas ne pas en débattre publiquement.

Dans le numérique, l’Europe renonce notamment à l’ambition du cloud souverain. Au sein des instances européennes, la France défend seule – et de moins en moins – le SecNumCloud, alors qu’il s’agit de l’un des exemples de ce qu’il faut absolument faire pour acquérir une autonomie dans le domaine hautement stratégique qu’est le numérique. Même si des choses positives ont été faites, inspirées notamment du rapport Draghi, tout a finalement été jeté par-dessus bord avec le deal catastrophique noué par Ursula von der Leyen cet été. Le fait qu’elle ait eu un mandat – certes informel – du Conseil sur ce sujet signifie qu’une majorité de chefs d’État et de gouvernement étaient d’accord. À nos yeux, c’est une véritable capitulation.

L’Europe n’avait d’ailleurs pas répondu non plus de façon cohérente à l’Inflation Reduction Act de Joe Biden. On voit bien qu’une guerre se joue aux États-Unis pour le rapatriement de capitaux et l’attraction de capitaux étrangers. Je ne sais pas si l’investissement productif partira là-bas mais ce qui est certain, c’est qu’il quittera l’Europe ! Il est question de 600 milliards d’euros de promesses d’investissements d’entreprises européennes sur le sol états-unien au cours des prochaines années, alors que le manque cruel d’investissement productif explique en grande partie la crise que traverse l’industrie européenne, outre l’explosion du coût de l’énergie aggravé par l’absurde fonctionnement du mécanisme européen pour l’électricité.

Sur le plan budgétaire, rien n’a changé. Les contributions des États représentent encore 71 % des recettes de l’Union, la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) 13 % et la taxe sur le plastique 5 %. Autrement dit, les États financent presque tout et les ressources propres promises depuis 2021 n’ont pas vu le jour.

C’est dans ce contexte qu’il faut rappeler l’ampleur des inégalités au sein de l’UE. Nous proposons des modalités de ressources propres qui pourraient se traduire, par exemple, par une sorte de taxe Zucman à l’échelle européenne. Selon les dernières données de l’Observatoire européen de la fiscalité, la fortune des 0,5 % les plus riches a augmenté de 35 % en dix ans, tandis que la moitié la plus pauvre des Européens détient autant que 0,001 % des plus riches, soit 3 600 personnes. Notons que 65 % des Européens sont favorables à un impôt européen sur la fortune. Comme plusieurs économistes, dont Gabriel Zucman, notre groupe au Parlement européen propose la création d’un impôt minimum de 2 % sur les fortunes supérieures à 100 millions d’euros, qui pourrait rapporter 67 milliards en ressources propres à l’Union européenne.

Alors que l’inflation vient pour moitié de la hausse des marges, et même si elle a légèrement baissé, on pourrait aussi proposer une taxation des bénéfices exceptionnels, entre autres mesures. On nous explique qu’il n’y a pas d’argent et qu’il faut continuer à verser toujours plus au titre du prélèvement sur recettes au profit de l’UE ; je constate pourtant que les multinationales ont localisé 1 000 milliards de dollars de profits dans les paradis fiscaux en 2022, dont la moitié au sein de l’Union européenne. On parle souvent d’autres pays, considérés à tort comme folkloriques, mais cet argent est au cœur de l’Union européenne, à Malte, en Belgique, aux Pays-Bas, en Irlande, au Luxembourg ! Dans un tel contexte, on ne peut pas avoir une politique industrielle et économique commune qui soit cohérente.

Enfin, la justice climatique appelle elle aussi des ressources nouvelles, notamment une taxe carbone sur les produits de luxe.

Ces propositions sont autant de pistes concrètes que je mets en débat. Il faut absolument développer des ressources propres sur ces bases car la part du prélèvement sur recettes au profit de l’UE atteint 8,3 % des ressources fiscales nettes de la France. Pour faire quoi ? Je le redis, nous ne sommes pas hostiles par principe à la contribution française mais nous refusons qu’elle soit un simple chèque en blanc.

Nous voulons une Europe utile, juste et transparente. Cela suppose un contrôle parlementaire renforcé, une meilleure traçabilité publique des dépenses européennes et une implication des Parlements dans les accords structurants. Ce qui est en train de se passer avec le Mercosur n’est pas acceptable ; c’est sans doute l’un des rares sujets qui fait consensus ici. Le deal entre von der Leyen et Trump sur un coin de table en Écosse, cet été, n’est pas acceptable non plus ! Certains, comme Bernard Arnault, l’ont défendu parce qu’ils défendent leur commerce et leurs profits personnels mais, si cet accord est appliqué en l’état, ce sera une catastrophe pour l’industrie européenne – si tant est qu’il devienne un jour un accord car le deal doit encore être formalisé sur le plan juridique.

Il faut également une réforme réelle des ressources propres, fondée sur la justice fiscale et sur des exigences écologiques et sociales. Les aides doivent être conditionnées à des critères sociaux et climatiques, ainsi qu’à des investissements productifs. Au moment de la pandémie, la Commission a accepté de lever certaines contraintes du pacte de stabilité et l’on a vu de l’« argent hélicoptère » arriver. Mais cela n’a pas été conditionné à des investissements, et l’on voit aujourd’hui le résultat : rien n’a avancé en matière de numérique ou de transition énergétique et l’Union européenne est en train de décrocher.

Ce prélèvement de 28,78 milliards d’euros ne traduit pas une ambition européenne alternative mais l’inertie d’un système à bout de souffle. C’est pourquoi, tout en étant en accord avec le principe de cette contribution, j’émets un avis défavorable à l’adoption de l’article 45 du PLF en l’état.

M. le président Bruno Fuchs. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes, que j’invite à la concision. Sur les questions européennes, nous connaissons bien les positions des uns et des autres et les enjeux débattus depuis des années.

M. Pierre Pribetich (SOC). Réunis pour discuter d’une disposition cruciale du projet de loi de finances pour 2026, j’aimerais rappeler que le montant de ce prélèvement sur recettes est en hausse significative de 5,7 milliards d’euros par rapport à la loi de finances 2025, atteignant 28,8 milliards.

Ce budget ne peut se résumer à un simple tableau comptable. Il incarne une vision : l’espoir d’une Europe capable de protéger, d’investir et de préparer l’avenir. Il traduit ce que nous voulons faire ensemble et non chacun dans son coin. Le budget européen est d’abord un outil de souveraineté partagée. Il n’a pas vocation à financer le fonctionnement propre d’un État mais à financer ce qu’aucun État ne peut accomplir : la sécurité alimentaire avec la PAC, la cohésion territoriale pour soutenir nos régions, la recherche, l’innovation, l’espace, la transition écologique, le soutien à l’Ukraine, le soutien à la sécurité de notre continent.

Je le dis avec force : il ne s’agit pas de céder une partie de notre souveraineté mais bien de partager nos ressources pour bâtir une Europe qui protège, qui investisse dans l’avenir, qui incarne nos valeurs communes.

Les bénéfices que nous retirons de notre appartenance à l’Union européenne sont immenses : renforcement de notre poids diplomatique et commercial, et capacité d’agir en commun face aux crises internationales. La France, second contributeur net au budget de l’Union européenne, en est également le second bénéficiaire en volume. Notre pays est en effet le premier bénéficiaire de la PAC, dont elle perçoit entre 9 et 10 milliards d’euros par an, le deuxième bénéficiaire des politiques de compétitivité et d’innovation et le troisième bénéficiaire de la facilité pour la reprise et la résilience (FRR).

Refuser ce prélèvement, c’est donc affaiblir l’Union à un moment où elle a besoin de cohésion et de solidarité face aux défis mondiaux que sont la crise climatique, les graves crises internationales ou encore les inégalités croissantes. J’aimerais redire que chaque euro versé par la France est un euro investi dans notre avenir collectif.

La France doit cependant avancer, porter une vision claire pour créer de véritables ressources propres européennes avec la taxation des géants du numérique, des émissions de carbone et des grandes multinationales. Il faut réguler la concurrence fiscale à l’intérieur de l’Union, pour y mettre fin, et mieux hiérarchiser ses grandes priorités, notamment la transition climatique et électronique et la défense commune. Ainsi, nous sommes favorables à l’article 45 du PLF.

M. Arnaud Le Gall, rapporteur pour avis. Vous dites que la France bénéficie du budget européen mais il faudrait débattre de ce qu’est la France. Au-delà de la facilité de langage, qui est gagnant et qui est perdant ? L’exemple de la PAC est excellent : certains grands dirigeants de l’agriculture française en bénéficient largement mais, à côté, de très nombreuses petites exploitations agricoles ferment alors qu’elles sont fondamentales pour la polyculture et pour notre souveraineté alimentaire.

On pourrait dire la même chose au sujet de l’industrie. On se focalise souvent sur la Chine et les États-Unis mais n’oublions pas que l’immense majorité des délocalisations industrielles ont eu lieu à l’intérieur de l’Europe.

Si nous avions du temps, nous pourrions parler de lutte des classes. Vous allez dire que mon propos est caricatural mais le sujet est là. Ce débat est abstrait : plutôt que de dire que la France bénéficie du budget, on pourrait faire la liste des gagnants et des perdants. C’est la raison pour laquelle j’ai insisté sur le fait que chaque euro versé n’est pas investi au profit d’un destin collectif. Le dumping fiscal et social à l’intérieur de l’Union européenne, ce n’est pas de la solidarité mais de la compétition à l’intérieur des nations et entre elles.

Voilà ce que je questionne en émettant un avis défavorable.

M. Michel Barnier (DR). Je vous remercie pour votre travail, monsieur Le Gall, mais je ne peux qu’exprimer le désaccord de mon groupe avec ce que vous proposez. Sans même me référer aux fonctions que j’ai occupées dans un passé récent, je ne pense pas que l’on puisse résumer le sujet européen en se demandant qui perd et qui gagne. Cette vision comptable m’étonne de votre part. Notre continent gagne-t-il à ce que nos nations soient ensemble ? Il ne s’agit pas de les fusionner – de Gaulle disait qu’il ne fallait pas que l’Europe les broie comme « dans une purée de marrons » –, mais d’être ensemble pour compter et pour avoir la masse critique qui, dans un monde dangereux, nous permet d’être un peu mieux respectés que nous ne le serions individuellement.

Ce que vous proposez ne m’étonne pas de vous, pas davantage que cela ne m’étonne de la part de partis de l’autre bord qui visent également la destruction du projet européen et se sont réjouis du Brexit : il s’agit d’affaiblir la France.

Comme M. Pribetich, nous sommes favorables à l’article 45 du PLF, sans naïveté mais avec lucidité. Beaucoup de choses méritent d’être corrigées dans le projet européen – dans l’attribution des crédits, la bureaucratie ou le contrôle – mais, de grâce, que l’on ne se mette pas, à droite ou à gauche, à vouloir amputer les crédits européens de façon idéologique car, en faisant cela – je vous le dis comme quelqu’un qui a passé quinze ans à Bruxelles –, on affaiblit la France. Dans un moment où il est faible pour toutes sortes de raisons internes et externes, notre pays a besoin de préserver son influence, voire de l’accroître, précisément pour corriger ce qui doit l’être.

Il ne s’agit pas de diminuer nos crédits de façon idéologique mais d’être ensemble pour faire en sorte, avec le gouvernement – en le forçant s’il le faut –, que nous ayons une vraie discussion sur la prochaine perspective budgétaire. J’ai écrit il y a trois semaines un article très critique sur le projet de budget de Mme von der Leyen ; il faut le maîtriser et éviter les excès. Je suis d’accord avec vous s’agissant du contrôle parlementaire, de la traçabilité et de l’implication des Parlements : vous avez raison d’évoquer ces sujets. Quoi qu’il en soit je le redis : le vrai rendez-vous aura lieu à l’occasion de la discussion de la perspective budgétaire.

M. Arnaud Le Gall, rapporteur pour avis. Qu’on l’analyse dans sa réalité historique ou au travers de ses mythes fondateurs – qui sont avant tout des mythes –, le projet européen ne se résume évidemment pas à une liste de gagnants et de perdants. Mais allez le dire à des ouvriers dont l’usine a été fermée pour être délocalisée non pas en Chine mais dans un autre pays européen ! À un moment donné, il faut quand même se demander très concrètement qui gagne et qui perd.

Vous dites que nous affaiblissons la France en ayant ces débats ; si j’étais désagréable, je renverrais au bilan de ceux qui ont été aux affaires, notamment à la Commission européenne. Pendant des années, on a laissé l’Allemagne y donner le la. Si la France, qui a une ambition très intéressante pour le SecNumCloud, a lâché l’affaire, c’est parce que les Google, Apple, Facebook, Amazon et autres Microsoft (Gafam) sont passés les uns et les autres voir Mme von der Leyen, et que celle-ci a renoncé. De ce fait, le président Macron a changé son fusil d’épaule et a décidé que nous serions les meilleurs amis des Gafam ! Je pourrais citer d’autres exemples dans le secteur numérique, qui est fondamental.

Ce ne sont pas le rapporteur Arnaud Le Gall et les Insoumis qui sont responsables de ce genre de choses. Faisons d’abord le bilan des politiques qui ont été menées et regardons qui les a menées.

Vous parlez d’un projet qui ne se résume pas à de la comptabilité ; je suis d’accord mais on pourrait alors poser la question de l’adhésion des peuples européens. Ce n’est pas moi qui ai piétiné le vote des Français en 2005. Ces choses-là laissent des traces dans le temps long. Ayons ces débats et ne résumons pas les choses en opposant les gens responsables, qui ne feraient pas d’idéologie, aux autres. Dire qu’on ne fait pas d’idéologie, c’est une idéologie en soi, de même que le fait de soustraire des choses fondamentales au débat démocratique.

Moi, j’assume. Oui, mes prises de position renvoient à une certaine forme d’idéologie. C’est notre cas à tous. Mais ne caricaturons pas le débat en faisant comme s’il y avait les pro-européens d’un côté et les anti-européens de l’autre. Vous le savez, les choses sont beaucoup plus complexes.

Mme Dominique Voynet (EcoS). Merci cher collègue pour cette intervention engagée. Nous partageons en grande partie votre constat sur les dérives et les faiblesses de l’Union européenne mais nous en tirons des conclusions bien différentes. Nous avons construit bien peu d’Europe en plus d’un demi-siècle et nous ne sommes pas les derniers à privilégier nos intérêts nationaux.

Je voudrais plaider pour plus et mieux d’Europe, pour un meilleur contrôle démocratique et pour des clauses sociales et environnementales contraignantes, permettant de remédier à des traités de libre-échange hostiles au climat et à la justice sociale – comme l’est, par exemple, l’accord avec le Mercosur.

Nous voulons une Europe politique démocratique, écologique et solidaire, qui protège les peuples. Nous voulons qu’elle mène des politiques ambitieuses pour la transition écologique, qu’elle ait de fortes exigences en matière de souveraineté alimentaire et de relocalisation de l’industrie, qu’elle nourrisse de fortes ambitions en matière d’éducation, de recherche et de défense coordonnée. Les 28 milliards d’euros que la France versera ne sont pas un chèque en blanc : ce sont des investissements communs pour permettre d’avancer vers cette ambition.

Je voudrais aussi plaider pour une contribution écologique et solidaire prélevée sur la fortune des multimillionnaires et milliardaires. D’après les calculs des économistes, elle permettrait de rapporter entre 303 et 357 milliards d’euros par an. Une contribution sur les transactions financières pourrait, quant à elle, rapporter plusieurs dizaines de milliards d’euros annuels, suffisamment pour financer une partie du cadre pluriannuel financier 2028-2034 ; par exemple l’action extérieure – l’élargissement, l’aide humanitaire et l’assistance prévue pour l'Ukraine, entre autres.

Nous sommes favorables à l’adoption de ces crédits européens, exprimant ainsi non pas un renoncement mais une ambition renouvelée pour une Europe qui, aujourd’hui, déçoit beaucoup trop.

M. Arnaud Le Gall, rapporteur pour avis. Nos différences sur ce point sont connues. Vous considérez qu’il faut encore plus d’Europe pour régler le problème ; nous considérons, quant à nous, que le problème n’est pas réglable dans le cadre existant et qu’il faut donc une révision des traités – laquelle fait partie du programme du Nouveau Front populaire sur lequel vous avez été élue. Pour cela, il faut instaurer un rapport de force. La France n’est pas n’importe quel pays. Nous nous sommes laissés en partie isoler au sujet du Mercosur mais nous n’allons pas accepter éternellement que des décisions structurantes nous soient imposées sous prétexte que nous n’avons pas la majorité au Conseil sur tel ou tel sujet ! D’autres pays passent leur temps à faire de l’opt-out : quand une règle ne leur convient pas ils ne l’appliquent pas, mais ils ne sortent pas de l’Europe pour autant.

Il est très clair qu’il ne peut y avoir de défense européenne sans une diplomatie cohérente, qui n’est pas possible pour l’instant. D’un côté, certains continuent de penser que le salut est à Washington. Même s’ils disent avoir pris conscience de l’importance de l’autonomie stratégique, je note qu’ils ont tous accepté de porter le budget de la défense à 5 % du produit intérieur brut (PIB) alors que c’est un véritable tribut qui va d’abord gaver l’industrie de défense états-unienne ! De l’autre côté, un pays comme la France a davantage développé son autonomie voire son indépendance dans ce domaine. Lorsque l’on entrera dans le détail et dans le fond, on ne pourra pas mettre tous ces pays d’accord sur une défense cohérente. Être un grand marché ne suffit pas à être une puissance ; c’est ce que les dirigeants nationaux pro-européens et les dirigeants européens successifs n’ont pas voulu voir – ou ce qu’ils voyaient, mais n’ont pas voulu régler.

Si nous avons des points communs s’agissant de l’objectif, nous divergeons sur la stratégie pour y parvenir : nous pensons, quant à nous, qu’à un moment, il faut dire stop.

Mme Maud Petit (Dem). Pour 2026, la contribution de la France au budget de l’Union européenne pourrait s’élever à 28,8 milliards d’euros contre 23 milliards dans la loi de finances pour 2025, soit une hausse de 5,7 milliards. C’est une forte progression, liée à plusieurs facteurs objectifs. Elle s’explique d’abord par un cycle classique d’augmentation du niveau des paiements en fin de cadre financier pluriannuel, cycle renforcé par les retards provoqués par la crise du Covid en début d’exercice. Elle tient aussi aux effets de plusieurs mesures. Je citerai notamment le plan de relance européen, qui a permis à l’Europe et à la France de rebondir après la pandémie, le maintien du soutien à l’Ukraine, qui est crucial à l’heure où les États-Unis menacent de se désengager – ce qui aurait des conséquences directes sur notre propre sécurité –, ou encore la réponse apportée au défi migratoire.

Il est important de souligner, puisque certains les mettent en doute, les retours significatifs dont la France bénéficie. Sur la période 2021-2024, ils se sont élevés en moyenne à 16,4 milliards d’euros par an, contre 14 milliards sur la période précédente. C’est l’enveloppe la plus importante de l’Union européenne, devant celle de la Pologne. Concrètement, près de 140 000 étudiants ont aussi bénéficié d’une bourse Erasmus et plus de 1 000 projets français de recherche ont été soutenus. Au-delà du budget européen, la France bénéficie aussi d’autres composantes de l’action financière européenne. En 2024, notre pays a ainsi été le premier bénéficiaire des financements de la Banque européenne d’investissement (BEI) et du Fonds européen d’investissement.

Ces retours importants sont peu visibles dans le débat public mais justifient pleinement la position du groupe Les Démocrates, qui émettra un avis favorable au vote de ces crédits. Nous assortissons cependant ce vote d’une double exigence. Nous souhaitons d’abord que le gouvernement fasse tout son possible pour contenir l’augmentation du versement à l’Union européenne dans le cadre des négociations budgétaires. Des mesures de gestion et d’économie peuvent être prises. En cette période de contrainte budgétaire pour nos concitoyens, notre contribution européenne ne saurait s’en exonérer. Nous enjoignons ensuite l’Europe à accroître la part de ses ressources propres, comme aux débuts de la construction européenne.

M. Arnaud Le Gall, rapporteur pour avis. Le plan de relance concentre à la fois les forces et les immenses problèmes que pose l’approche européenne. Oui, il fallait lever les contraintes du pacte de stabilité pendant l’épidémie ; sinon, tout se serait effondré. Mais le problème est que ce plan de relance et ses déclinaisons nationales ont été très peu conditionnés à de l’investissement productif. Pour une fois, des centaines de milliards – il en aurait fallu plus, soit dit en passant – ont été levés par la Banque centrale européenne, donc d’une certaine façon par la puissance publique. Mais on n’a pas saisi cette formidable opportunité car on a trop peu conditionné ces aides à de l’investissement productif dans les secteurs stratégiques. On a ainsi sauvé des PME, c’est vrai, mais on a aussi largement gavé le secteur financier, sans qu’il y ait de retombées.

De surcroît, les effets du plan de relance ont été en grande partie annulés par l’explosion du coût de l’énergie, lequel n’est pas une fatalité mondiale qui serait liée aux Russes ou aux Américains, même si c’est en partie vrai. L’explosion de ce coût s’explique d’abord par le fonctionnement du mécanisme européen, qui est absurde et qui nous a coûté la bagatelle de 70 milliards d’euros. Au lieu de le remettre en question et de faire payer aux industries françaises le prix réel de l’industrie produite en France, le gouvernement a préféré subventionner des intermédiaires qui s’en sont mis plein les poches !

On parle toujours de compétitivité et, du centre à l’extrême droite, on entend dire qu’il faudrait supprimer des normes sociales et environnementales, qui seraient trop nombreuses. Et à la fin, jusqu’où irons-nous ? Jusqu’au bol de riz ?

Mme Liliana Tanguy (EPR). C’est assez caricatural !

M. Arnaud Le Gall, rapporteur pour avis. Parce que vous n’êtes jamais dans la caricature, vous ? Le problème de compétitivité de l’industrie européenne est en grande partie lié au coût de l’énergie. Je ne suis pas le seul à le dire : les rapports de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) et du Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII) disent la même chose, même s’ils ne le font pas avec les mêmes mots.

M. Bertrand Bouyx (HOR). Le groupe Horizons & indépendants est favorable à l’article 45 du projet de loi de finances pour 2026, qui fixe à 28,8 milliards d’euros la contribution française au projet de l’Union européenne. Ce prélèvement sur recettes n’est pas une dépense parmi d’autres : il est notre participation au projet européen, consacré par l’article 88-1 de la Constitution. C’est à la fois un acte de souveraineté partagée et un investissement collectif dans la stabilité, la prospérité et la puissance de l’Europe.

Il faut rappeler que cette contribution ne se résume pas à un solde comptable. La France demeure le deuxième bénéficiaire du budget européen, avec une moyenne de 16 milliards d’euros de retours chaque année : 10 milliards pour les agriculteurs au titre de la PAC, plus de 3 milliards pour la cohésion territoriale, et des financements en hausse pour la recherche, l’innovation et la jeunesse au travers, par exemple, des programmes Horizon Europe et Erasmus +.

La France est aussi le premier bénéficiaire du plan de relance européen avec plus de 34 milliards d’euros déjà versés. Je ne partage pas vos propos à ce sujet car je crois que le plan de relance a été profitable à la France.

Le budget européen soutient les politiques à forte valeur ajoutée : transition énergétique, sécurité, innovation, mobilité, agriculture. C’est aussi un levier d’influence et de compétitivité dans un monde instable, comme notre précédente table ronde sur le commerce international l’a démontré. Voilà pourquoi le groupe Horizons & indépendants est favorable à l’adoption de ces crédits.

M. Arnaud Le Gall, rapporteur. Je ne suis pas d’accord. Le plan de relance a été un plan de sauvetage à court terme et il était fondamental ; personne ne dit le contraire. Nous ne pensons pas que la sortie du libéralisme, à laquelle nous aspirons, puisse se faire dans le chaos. Sans le sauvetage des banques, des économies, des petites entreprises – et même des grandes – pendant la pandémie et le confinement, tout se serait effondré. Il ne s’agit pas de mettre cela en question.

Mais le plan de relance aurait pu faire beaucoup plus en matière d’investissement productif. Oui, il a financé en partie Ariane 6, ce qui n’est pas rien – je n’ouvrirai pas le débat sur l’état de l’Agence spatiale européenne – mais on l’a aussi beaucoup retrouvé dans la finance, sans qu’il y ait d’investissement productif. Il y a là un vrai débat, que nous devons avoir. Comme le pointe le rapport Draghi, le problème fondamental en Europe est le manque d’investissement productif et ce n’est pas en rognant sur les salaires qu’on réglera ce problème : il faut contraindre. Tant qu’il sera plus profitable à court terme de faire dans la finance plutôt que d’investir dans l’économie productive, pourquoi les investisseurs s’embêteraient-ils ?

Dans le même temps, on est d’accord pour investir 600 milliards aux États-Unis, parce qu’ils veulent rapatrier de l’investissement productif sur leur territoire ! Y arriveront-ils ? C’est un autre sujet. En tout cas, je ne suis pas d’accord pour dire que le plan de relance a été très profitable à la France. Encore une fois, qu’est-ce que la France ? Il a été profitable à certains secteurs mais pas à la majorité des Français, ni à la relance industrielle que nous appelons de nos vœux.

M. Jean-Paul Lecoq (GDR). C’est un symbole : alors que l’Europe était présentée comme un projet accueillant, de défense des droits de l’homme, de paix et d’ouverture sur le monde, le projet de budget de l’UE prévoit une augmentation considérable des crédits alloués à l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes Frontex. Ainsi, le projet européen se replie sur lui-même, abandonne ses valeurs historiques et nous montre quelque chose de pas très beau. Pour cette seule raison, mon groupe émettra un avis défavorable à l’adoption de ce prélèvement sur recettes.

L’Europe pourrait être utile si elle suivait une autre approche. Je fais partie de ceux qui adorent l’aéronautique et l’aérospatial. Dans ce domaine, le rêve européen était beau mais il faut voir ce qu’il devient. Les entreprises françaises telles que Thales, Airbus Defence and Space, ou de plus petites, qui auraient besoin de l’Agence spatiale européenne, appellent désormais d’urgence à la protection de leur savoir-faire. Monsieur le rapporteur pour avis, il faut bien aborder cette question, au vu des énormes enjeux industriels et de compétences.

Je suis électricien ; notre pays a inventé le microprocesseur. Il disposait dans ce domaine de savoir-faire que nous n’avons pas su protéger. C’est non seulement notre industrie mais aussi notre patrimoine industriel et de recherche qu’il faut protéger ; or nous n’y arrivons pas très bien, à cause, notamment, de l’Europe.

Autre question majeure : au nom de la règle du retour géographique, des entreprises qui cherchent des financements sont dissuadées de se développer en France et invitées à s’installer ailleurs dans l’Union, pour y bénéficier de financements européens. Ainsi l’Europe, telle qu’elle est organisée, organise la délocalisation industrielle à l’intérieur de son territoire. Ce n’est pas possible !

Le projet européen, s’il doit être maintenu, doit être remis entièrement à plat. Il doit être reconstruit, à partir d’une discussion avec les peuples européens.

M. Arnaud Le Gall, rapporteur pour avis. Je suis totalement d’accord avec vous concernant Frontex. Nous avons d’ailleurs déposé des amendements sur ce point.

Certains vantent la solidarité ou les « valeurs communes » de l’Europe – jamais ses principes d’ailleurs car ils sont intangibles, alors que l’on peut faire ce qu’on veut des valeurs. Pourtant, même si on nous accuse d’être idéologiques, excessifs, le discours de Pierre Mendès France sur les risques du marché commun reste d’actualité, près de soixante-dix ans après avoir été prononcé : le modèle européen qu’on nous vend oppose les peuples les uns aux autres et attise la division à l’intérieur des nations. Oui, de nombreuses délocalisations ont lieu à l’intérieur de l’espace européen. C’est un vrai problème, qui exacerbe la détestation de l’Europe et les logiques identitaires.

La France a été le berceau des microprocesseurs mais aussi du format MP3, entre autres. Ce qui s’est passé ensuite est révélateur de l’incapacité de l’Europe – selon moi gravée dans le marbre des traités – à mener une politique industrielle digne de ce nom. Dans les années 1980-1990, les Américains ont lancé des commandes publiques massives, afin de doper le secteur du numérique ; l’origine du développement d’Apple est là, plutôt que dans le garage de Steve Jobs. Les Chinois ont fait de même, alors qu’ils ont un modèle très différent. L’Europe, en revanche, a fait confiance aux marchés comme le montrent les débats de l’époque. Or le marché ne s’est occupé de rien du tout car les investisseurs vont au plus simple et au plus facile ; ils recherchent des taux de rentabilité de 10 %, 15 % ou 20 % et rechignent aux investissements de très long terme qui ne sont pas ou peu rentables au début. C’est pour ça que l’Europe est désormais larguée.

M. Jérôme Buisson (RN). L’examen du budget pour 2026 nous place face à un constat accablant : le versement de la France à l’Union européenne augmentera encore de 5,7 milliards d’euros, pour atteindre près de 29 milliards. Même si cette progression s’explique en partie par la clôture du cadre budgétaire européen, elle reste inacceptable pour les Français. Dès l’année prochaine, 8,3 % des recettes fiscales, ces impôts qui pèsent chaque jour plus lourd sur nos concitoyens, seront directement transférées à Bruxelles. Pire, cette contribution ne diminuera pas. Les dettes contractées par l’Union européenne seront remboursées par les impôts futurs, aggravant encore la pression sur les ménages et les entreprises. C’est une spoliation organisée, une saignée fiscale qui s’ajoute à celle que subissent déjà les Français.

En 2023, notre pays était déjà contributeur net, à hauteur de 9,3 milliards d’euros. En 2026, cette contribution nette dépassera allègrement les 10 milliards, soit l’équivalent du budget de la justice. Comment justifier auprès des magistrats et des greffiers qui sont submergés, ou des soignants qui sont épuisés, que l’argent manque pour nos services publics mais abonde quand il s’agit de financer les indemnités exorbitantes de bureaucrates ou des infrastructures à l’autre bout de l’Europe ? Le pire, c’est que cette contribution ne sert plus à financer des politiques proches des Français, comme la PAC. Désormais, elle alimente des projets qui favorisent la délocalisation des entreprises, exploitant les écarts de niveau de vie entre l’Ouest et l’Est du continent. Nos impôts financent la concurrence déloyale et détruisent nos emplois.

D’autres États membres ont su se défendre : l’Allemagne, les Pays-Bas, l’Autriche, le Danemark et la Suède ont obtenu des rabais sur leurs contributions. Pourquoi la France n’en bénéficie-t-elle pas ? Pourquoi nos dirigeants acceptent-ils cette injustice ? Êtes-vous trop lâches pour demander des rabais et les obtenir ? Les Français méritent une réponse. Nous émettrons bien évidemment un avis défavorable à l’adoption de ce prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne.

M. Michel Herbillon (DR). Le RN et LFI sont d’accord !

M. Arnaud Le Gall, rapporteur pour avis. Monsieur Herbillon, il se trouve que si l’extrême droite critique l’Union européenne, c’est pour des raisons diamétralement opposées aux nôtres. Hier, nous avons passé une demi-heure à évoquer les obligations de quitter le territoire français (OQTF) des ressortissants algériens, à votre demande. Et ce n’est pas vers La France insoumise que M. Retailleau penche pour trouver des alliances...

Nous partageons avec le Rassemblement national le constat que l’Europe crée un système de compétition intérieur. Pour le reste, avec ce groupe, la question des migrants revient toujours par la fenêtre. Nous en reparlerons car j’ai déposé un amendement concernant Frontex.

M. Vincent Ledoux (EPR). Monsieur le rapporteur pour avis, vous avez le droit d’exprimer vos critiques et votre vision de l’Europe mais elles sont caricaturales et nous ne les partageons pas. La Commission européenne propose pour 2026 un budget qui porterait la contribution française à près de 29 milliards d’euros, soit 5,7 milliards de plus qu’en 2025. Oui, cette hausse interpelle mais elle s’explique.

Nous arrivons à la fin du cadre financier pour les années 2021 à 2027, qui a été marqué par le rattrapage post-Covid et de nouveaux défis communs : le soutien à l’Ukraine, la maîtrise migratoire et le plan de relance.

Même si nous ne devons pas nous laisser enfermer dans le débat sur les perdants et les gagnants de l’Europe, rappelons que la France tire aussi de vrais bénéfices de l’Union européenne, avec plus de 16 milliards d’euros de retours chaque année, une PAC vitale pour nos 260 000 agriculteurs, 140 000 jeunes soutenus par le programme Erasmus et plus de 1 000 projets de recherche accompagnés. Nous sommes le premier pays bénéficiaire du plan de relance européen. Dans ma région, les Hauts-de-France, l’Europe est une réalité tangible. Par exemple, plus de 80 % des bénéficiaires du Fonds européen de développement régional (FEDER), l’un des fonds structurels et d’investissement européens, sont des PME, des associations et des collectivités locales. Les petites structures profitent massivement du fonds, qui permet ainsi la rénovation énergétique d’écoles et la création de tiers lieux ruraux. Il soutient des entreprises artisanales ou des chantiers d’insertion : des projets souvent modestes mais dont l’impact social et économique est considérable.

Contrairement à ce que certains prétendent, les fruits de l’Europe ne vont pas qu’aux grands. L’Europe agit à hauteur d’hommes et de territoires, dans les communes, les exploitations agricoles, les universités. La Banque européenne d’investissement finance des hôpitaux, du logement social, des PME locales. Oui, notre contribution augmente mais elle nous renforce, nous protège, nous relie. Et le gouvernement a raison d’en maîtriser l’évolution : plus de 2 milliards d’euros ont déjà été retranchés de la proposition initiale. Notre groupe émet un avis favorable à l’adoption de ces crédits parce que défendre la France en Europe, c’est défendre l’Europe qui protège la France.

M. Arnaud Le Gall, rapporteur pour avis. Vous défendez la position de la Macronie mais allez dire à ceux qui ont perdu leur emploi parce que leur usine a été délocalisée en Pologne que l’Europe les protège ! Eh oui, nous avons le droit de ne pas être d’accord mais ces délocalisations sont des phénomènes massifs, qui durent depuis des décennies.

Oui, l’Europe finance des hôpitaux mais à quoi serviront-ils, quand on voit le contenu du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) ? Et puis, c’est à la France de financer ses hôpitaux, pas à l’Europe. Nous attendions de l’Europe une capacité à peser dans la mondialisation et à formuler une politique – notamment industrielle – commune.

Oui, beaucoup de PME ont profité à court terme du plan de relance mais en même temps elles sont plombées par le coût de l’électricité. À la fin du bouclier tarifaire, nous avons tous été saisis par les boulangers de nos circonscriptions confrontés à l’explosion du coût de l’électricité. Or cette explosion n’est nullement une fatalité : elle résulte des choix politiques et économiques de l’Europe en matière d’énergie.

Les gains que vous soulignez s’accompagnent de pertes dix fois supérieures. Surtout, plutôt que de se demander si la France gagne ou perd, il faut se demander qui, en France, gagne ou perd. Il n’est pas vrai que les 260 000 agriculteurs français bénéficient de la PAC : 80° % des aides vont à 20 % des agriculteurs car le choix a été fait de répartir les aides à l’hectare et non selon les productions. Plutôt que d’en rester à des abstractions, nous devons avoir ce débat fondamental.

M. Aurélien Taché (LFI-NFP). Je vous remercie pour ce rapport pour avis qui rompt singulièrement avec l’unanimiste un peu béat qui prévaut à propos de l’Europe et que j’ai longtemps partagé. J’espère que votre travail permettra à d’autres d’ouvrir les yeux. L’article 45 du projet de loi de finances prévoit une augmentation de 25 % de la contribution de la France à l’Union européenne, qui atteindrait ainsi 29 milliards d’euros. Pendant ce temps, en commission des finances, nos collègues se battent pour obtenir davantage de postes de professeurs, davantage de services publics, pour éviter l’austérité que le gouvernement veut nous imposer, à la suite de l’Union européenne.

Vous l’avez rappelé, l’obligation d’enregistrer un déficit inférieur à 3 % du PIB est gravée dans le marbre, au moins depuis le traité dit « Merkozy ». Pire, au moindre mouvement de la scène politique nationale – je pense au débat sur la suspension de la réforme des retraites –, la Commission européenne menace la France de lui couper des fonds européens. Cela ne va pas du tout, ni sur le plan budgétaire ni sur le plan politique.

Avec Mme von der Leyen, la Commission européenne s’est empressée d’acquiescer à l’exigence de tribut – c’est le mot qui convient – de M. Trump. Ainsi, les 5 % de budget que consacreront chacun des membres de l’Union européenne à la défense ne serviront pas à financer une hypothétique autonomie stratégique européenne mais l’industrie militaire américaine. Mme von der Leyen s’est également empressée, en Écosse, d’accepter un accord qui prévoit que les États-Unis pourront prélever des droits de douane de 15 % sur les marchandises originaires de l’Union. L’accord est peut-être bon pour les industriels allemands, qui continueront de vendre leurs voitures aux États-Unis, mais absolument pas pour les industriels français. Rien de tout cela ne convient.

Comme monsieur Lecoq l’a rappelé, les seules dépenses en hausse – comme celles pour Frontex – n’ont pas grand-chose à voir avec l’ambition européenne de départ : celle d’une Europe humaniste, héritière d’Érasme. Nous suivrons donc votre avis défavorable.

M. Arnaud Le Gall, rapporteur pour avis. Le projet de budget compte parmi ceux où les coupes budgétaires sont les plus lourdes dans l’histoire récente. Pourtant, cela ne suffit pas à la Commission européenne, qui a averti qu’il fallait faire beaucoup plus et a demandé une nouvelle réforme des retraites, quand bien même elle n’est pas compétente sur ces questions. C’est aussi à partir de tels rapports de force que l’on peut juger si nous sommes des gagnants ou des perdants de l’Europe.

Par ailleurs, même l’industrie allemande ne s’en sortira pas si bien que vous le dites, y compris aux États-Unis, car elle n’a pas investi dans les secteurs d’avenir, tels que le numérique ou la voiture électrique. Nous assistons à une fuite en avant. En cédant à M. Trump, Mme von der Leyen laisse l’Europe devenir une simple variable d’ajustement dans la guerre commerciale mondiale. Les politiques dominantes en Europe et ceux qui les soutiennent en France sont responsables de ce drame.

M. le président Bruno Fuchs. Nous en venons aux interventions et questions formulées à titre individuel.

M. Guillaume Bigot (RN). Effectivement, le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne atteint un niveau record, à près de 29 milliards d’euros, en hausse de plus de 24 %, dans un contexte de disette budgétaire et alors que le gouvernement promet de diminuer les dépenses. Sur ces fonds, 1,5 milliard d’euros alimenterait le fonds européen pour une transition juste, qui est lié au pacte vert pour l’Europe, alors que cette politique de transition énergétique accroît les contraintes pesant sur les filières industrielles et énergétiques. Automobile, sidérurgie, chimie : on ne compte plus les secteurs qui déclinent, alors que nous célébrons la réindustrialisation.

Justement, comment financer notre réindustrialisation, alors que l’Union européenne nous oblige, dans un système décidément pervers, à dépenser moins et à lui verser davantage ?

M. Pierre Cordier (DR). Nous sommes d’accord, le montant de la contribution française interroge, surtout au vu du contexte budgétaire et de ce que vivent nos compatriotes.

Toutefois, je voulais témoigner de ce que représentent les fonds européens pour une circonscription frontalière avec la Belgique comme la mienne. Je pense à Erasmus, au Fonds social européen (FSE), qui est géré par le département, aux crédits concernant l’économie, qui sont répartis par les régions, ou encore aux programmes Interreg, qui permettent de soutenir énormément de petits projets locaux, importants pour nos compatriotes. Je ne suis pas un Européen béat ; je ne pense pas que tout ce que fait l’Europe est bien. Je pense notamment que nous pouvons beaucoup améliorer notre communication, pour que nos compatriotes comprennent que l’Europe peut leur apporter quelque chose.

Mme Christine Engrand (NI). Le rapport pour avis met en lumière les évolutions du budget européen et les tensions qui en découlent. La hausse importante de la contribution française, qui atteindra près de 29 milliards d’euros en 2026, interroge sur la soutenabilité de cet effort et sur ses contreparties pour nos concitoyens.

Vous soulignez à juste titre le poids de politiques traditionnelles telles que la PAC et la politique de cohésion économique, sociale et territoriale, ainsi que la montée de nouvelles priorités, parfois mal définies, telles que la plateforme STEP sur les technologies stratégiques pour l’Europe ou la facilité pour l’Ukraine.

Il est essentiel de mieux mesurer l’efficacité concrète de ces instruments et leur impact sur nos territoires. Les collectivités, les entreprises et les agriculteurs doivent pouvoir percevoir plus clairement les bénéfices de l’engagement européen. Il faut améliorer la transparence et la lisibilité du budget européen, afin que chaque membre, notamment la France, puisse en percevoir les retombées concrètes. Le projet européen doit être repensé, le plus vite possible.

M. Pierre Pribetich (SOC). Ne pas voter pour le prélèvement serait une erreur fatale, notamment si nous voulons relever le défi, que vous avez cité, de la production de composants électroniques.

L’Europe produit 9 % des composants mondiaux. Si nous voulons que ce taux atteigne 20 % en 2030, il faudra des investissements considérables, dans le cadre d’une politique européenne de recherche, de transfert, d’innovation mais aussi de production. Seule, la France n’a plus les moyens d’assumer cette production. Il faut faire appel à l’Europe, et la formule « plus d’Europe, mieux d’Europe » de notre collègue, madame Voynet est parfaitement adaptée.

M. Michel Herbillon (DR). Monsieur le rapporteur pour avis, y a-t-il selon vous des choses positives dans le projet européen pour notre pays et nos concitoyens ?

Jusqu’à présent vous n’avez répondu qu’à une question que je n’avais pas posée – en vous prenant pour le général de Gaulle dans une célèbre conférence de presse, sans doute parce que le constat de votre proximité avec le Rassemblement national vous mettait mal à l’aise.

M. Arnaud Le Gall, rapporteur pour avis. Oui, monsieur Bigot, il faut une relance industrielle mais, contrairement à vous, nous pensons que la taxation des produits du capital qui ne sont pas réinvestis dans l’économie productive est fondamentale pour obliger à l’investissement productif – j’insiste sur cet adjectif car « investir », cela ne veut rien dire. Je pense à la taxe Zucman, par exemple. Or je note que vous faites alliance avec les macronistes pour rejeter toutes nos propositions en la matière, tant à l’Assemblée nationale qu’au Parlement européen.

Monsieur Cordier, nous sommes internationalistes, au sens strict. On présente souvent les ouvriers comme des gens fermés, par opposition à la bourgeoisie libérale, qui serait, elle, plus ouverte sur le monde. Mais l’histoire de l’internationalisme ouvrier, dont nous nous revendiquons, montre que c’est souvent le contraire. Je n’ai aucun problème avec Erasmus. D’ailleurs, quand ce programme était gravement menacé par des choix budgétaires au niveau européen, nous étions de ceux qui l’ont défendu.

Madame Engrand, le programme STEP et les conditions qui y étaient attachées posaient question au vu de leur manque de clarté mais ce programme est désormais en suspens. Il risque d’être balayé par l’accord von der Leyen-Trump. Cet accord sera-t-il respecté ? L’Europe investira-t-elle 600 milliards de dollars aux États-Unis et achètera-t-elle 750 milliards de dollars de produits énergétiques à ce pays ? Je ne partage pas la vision du monde de M. Trump mais ce n’est pas un imbécile, contrairement à ce qu’on nous fait souvent croire. En tout cas, si nous respectons cet accord, je ne vois pas comment nous réunirons la masse nécessaire pour l’investissement productif en Europe. Tout cela sera débattu au Parlement européen.

D’ailleurs, je note que, lors du débat sur la proposition de résolution européenne visant à rejeter le projet d’accord sur les droits de douane et le commerce du 27 juillet 2025 entre l’Union européenne et les États-Unis, les macronistes ont considéré que c’était un bon deal – M. Arnault était du même avis. De fait, cet accord permet de continuer à faire des affaires, sans se projeter dans l’avenir.

Oui, monsieur Pribetich, le numérique est fondamental. Or avec l’accord von der Leyen-Trump l’Europe s’est engagée à acheter pour 40 milliards de dollars de semi-conducteurs aux États-Unis, quand bien même des entreprises européennes ont le savoir-faire pour les produire.

M. Pierre Pribetich (SOC). Mais pas les capacités de production de masse !

M. Arnaud Le Gall, rapporteur pour avis. Certes mais cet accord ne réglera pas ce problème. Pour qu’une industrie naissante monte en capacité, il faut la protéger. On ne trouverait pas le moindre contre-exemple dans l’histoire.

M. le président Bruno Fuchs. Merci de vous acheminer vers votre conclusion car nous avons des amendements à examiner…

M. Arnaud Le Gall, rapporteur pour avis. J’ai encore le droit de parler. Ça suffit, ce mépris permanent !

Monsieur Herbillon, si un parti réfléchit à des alliances électorales avec le RN, ce n’est pas le mien. Nous avons d’ailleurs passé, hier, trente minutes à débattre de l’accord franco-algérien à votre demande, alors que c’est la grande marotte du RN. Et je ne me prends pas pour le général de Gaulle ; jamais je ne me le permettrai. Par ailleurs, j’affirme qu’il n’y a plus de gaullistes chez Les Républicains.

M. Michel Herbillon (DR). Pouvez-vous répondre à ma question ?

M. Arnaud Le Gall, rapporteur pour avis. M. Védrine avait souligné à raison que tous les programmes industriels qui ont réussi au niveau européen étaient des agencements de programmes nationaux, qui n’avaient pas été impulsés par l’Europe et où la Commission européenne n’avait pas fourré son nez. C’est le cas du programme aérospatial, même si, faute d’avoir fait de ce domaine une priorité, nous sommes menacés là aussi de décrochage. Les nombreuses réussites de l’Europe datent d’avant le traité de Lisbonne. Pour le reste, je suis un internationaliste.

*

Article 45 : Évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l’État au titre de la participation de la France au budget de l’Union européenne (PSR-UE)

Amendements I-AE3 de M. Michel Guiniot et I-AE8 de M. Arnaud Le Gall (discussion commune)

M. Michel Guiniot (RN). Mon amendement va dans le même sens que celui du rapporteur pour avis. De fait, nous sommes forcés au même constat : nous n’allons pas dire qu’il fait beau quand il pleut !

Toutefois, à la différence du rapporteur pour avis, le Rassemblement national, dans le cadre de son contre-budget, ne souhaite pas se contenter d’un retour au budget de l’an passé, qui, faut-il le rappeler, n’a pas été correctement approuvé par le Parlement. L’an dernier, nous avions obtenu de ramener le prélèvement sur recettes de 23,3 milliards à 18,3 milliards d’euros. Cette baisse de 5 milliards avait été approuvée par la majorité des députés présents en séance. Pourquoi donc proposez-vous le retour au budget de l’an dernier, alors que nous étions majoritairement d’accord pour dire qu’il n’était pas convenable ?

Le Rassemblement national veut aller plus loin. La France est une contributrice nette à l’Union européenne, malgré les contraintes normatives qui se multiplient contre les Français et les intérêts de la France. Alors que la France, ses citoyens et ses institutions doivent se serrer la ceinture, il est insupportable de constater que notre contribution augmentera de plus de 5 milliards d’euros.

En votant en faveur d’une contribution plus faible, nous limiterions la casse, en imposant à l’Union européenne une politique d’économie.

M. Arnaud Le Gall, rapporteur pour avis. Nous proposons pour notre part de ramener le montant de la contribution au budget de l’Union européenne à 23,8 milliards d’euros. Nous ne sommes pas opposés au principe du financement de l’Union européenne mais à l’utilisation de ces sommes.

Mon avis est défavorable à l’amendement I-AE3, qui affiche des priorités différentes. Son exposé sommaire indique ainsi que de nombreuses dépenses de l’Union européenne sont « futiles et inefficaces, en particulier celles liées au pacte vert pour l’Europe ». Pour notre part, nous ne croyons pas que le réchauffement climatique soit une invention. C’est une différence fondamentale : outre le dispositif lui-même, l’exposé sommaire des amendements compte.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements I-AE9, I-AE10 et I-AE11 de M. Arnaud Le Gall

M. Arnaud Le Gall, rapporteur pour avis. Ces amendements donnent une idée de ce que pourrait être une logique d’opt out, bien différente d’une sortie de l’Union européenne. Chacun des amendements prévoit une baisse de la participation de la France au budget de l’Union européenne de 10 %, au cas où l’Union maintiendrait une politique donnée ou au cas où l’accord UE-Mercosur serait confirmé – à ce stade la Commission s’entête à l’imposer.

Les macronistes et les autres européistes prétendent réduire le débat à une opposition entre pro et anti-Europe. La moindre critique équivaudrait ainsi à une demande de sortie de l’Europe. Non ! Nous voulons simplement défendre nos intérêts.

M. Guillaume Bigot (RN). C’est de l’intimidation. L’amendement I-AE9 dévoie le vocabulaire français. Dans notre langue, un « exilé » est une personne qui a été chassée, proscrite : c’est Victor Hugo à Guernesey, ce sont les Tutsis chassés du Rwanda. Les exilés, ce ne sont pas les candidats à l’immigration économique victimes d’esclavagistes modernes. Ce chantage sémantique est, chez vous, systématique, alors qu’il n’abuse personne.

Et vous ne vous encombrez pas de logique. Vous transformez un acte volontaire – le franchissement illégal de la frontière – en une tragédie subie. Vous êtes les complices des esclavagistes modernes et les idiots utiles des plateformes numériques capitalistes qui embauchent des sans-papiers.

Vous accusez Frontex de tuer nos semblables. Je vous invite à consulter l’article de la loi du 29 juillet 1881 relatif au délit de diffamation. Même si nous bénéficions de l’immunité parlementaire, cela ne nous dispense pas de montrer l’exemple et d’appliquer les lois.

M. Arnaud Le Gall, rapporteur pour avis. Des affaires sont en cours car Frontex aurait manqué à la règle d’or qui impose de secourir les personnes en détresse en mer, quelles que soient les raisons pour lesquelles elles sont en mer.

Vous nous accusez d’aider les plateformes numériques. Mais à votre avis, Frontex est-elle une association loi 1901 ? Avez-vous connaissance des enquêtes concernant les fraudes dans cette agence ? Je sais bien que la question vous dérange puisque son ancien directeur est désormais eurodéputé du Rassemblement national. Le fonctionnement de Frontex représente ce qu’il y a de pire dans le capitalisme de surveillance. Nous n’avons aucune leçon à recevoir dans ce domaine.

Mme Dominique Voynet (EcoS). Je suis choquée que vous utilisiez le mot « européiste », qui appartenait à d’autres discours par le passé. On peut critiquer durement et condamner fermement les graves dérives de l’agence Frontex, qui méprise le droit de la mer et les besoins vitaux des individus, sans pour autant défendre une approche à la carte des traités européens.

Nous serons là, en revanche, pour lutter avec vous pour la réforme des modalités d’intervention de Frontex. Nous ne voterons donc pas cet amendement. Je vous signale par ailleurs qu’alors que le budget annuel de l’Union avoisine les 200 milliards d’euros, celui de Frontex n’est que de 900 millions. Il serait fort de café de réduire la contribution de la France à l’Union européenne de 10 %, alors que Frontex ne représente que 0,5 % du budget de l’Union.

M. Arnaud Le Gall, rapporteur pour avis. Je qualifie d’européistes ceux qui considèrent que critiquer l’Europe, c’est vouloir en sortir. Je suis internationaliste, donc favorable à une autre Europe.

Pour ce qui est du caractère disproportionné de la mesure proposée, je vous renvoie à la remarque de monsieur Barnier : l’Europe ne se réduit pas à une question de comptabilité. Elle ne peut pas mener une telle politique migratoire et se présenter comme le phare des droits de l’homme dans le monde ; elle ne peut pas prétendre défendre le multilatéralisme onusien et avoir deux poids et deux mesures dans sa politique de sanctions à l’égard de la Russie et d’Israël. Certains symboles sont forts ; ils valent bien 10 % de la contribution française.

La commission rejette successivement les amendements.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 45 non modifié du projet de loi de finances pour 2026.

******

M. le président Bruno Fuchs. Les crédits de paiement de la mission Immigration, asile et intégration sont portés par le projet de loi de finances pour 2026 à un peu plus de 2,16 milliards, soit une hausse de 3,83 % par rapport à 2025. Le montant des autorisations d’engagement, quant à lui, augmentera de plus de 25 %, s’établissant à un peu moins de 2,24 milliards.

Notre rapporteure pour avis a choisi de consacrer la partie thématique de ses travaux aux perspectives de réforme de la directive du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, dite directive « retour ».

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure pour avis. La mission Immigration, asile et intégration regroupe les moyens, hors dépenses de personnel, attribués à la direction générale des étrangers en France (DGEF) du ministère de l’intérieur. Cette mission se structure autour de trois axes : la gestion des flux migratoires, l’accueil et l’examen de la situation des demandeurs d’asile et l’intégration des ressortissants étrangers en situation régulière. La politique de l’asile représente près des deux tiers des crédits qui y sont inscrits.

Deux opérateurs participent à la mise en œuvre de la politique relative à l’entrée et au séjour des étrangers en France : l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), chargé de l’accueil et de l’intégration des ressortissants étrangers admis au séjour, et l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA).

La mission comporte deux programmes : le programme 303, Immigration et asile, qui représente environ 83 % du budget de la mission en 2026, et le programme 104, Intégration et accès à la nationalité française, qui regroupe 17 % des crédits alloués à la mission.

Après les restrictions budgétaires qui ont marqué l’exercice 2025 – sur lesquelles j’avais émis des réserves –, les crédits de paiement de la mission progressent de 80 millions d’euros, pour atteindre la somme de 2,16 milliards, soit une hausse de 3,83 %. Je considère que la trajectoire budgétaire prévue par le PLF pour 2026 fournit désormais au ministère de l’intérieur les moyens de développer une politique rigoureuse de gestion des flux migratoires. C’est à cette condition que la lutte contre l’immigration irrégulière pourra être véritablement efficace – conformément à l’une des principales attentes de nos concitoyens – tout en facilitant l’intégration des étrangers admis au séjour en France. Il nous faut en effet mener une politique qui marche sur deux jambes : d’une part, la reconduite à la frontière de ceux qui n’ont rien à faire sur le territoire ; d’autre part, l’accompagnement et l’intégration de ceux qui adhèrent à nos valeurs, souhaitent apprendre notre langue et apporter leur contribution à notre économie par leur travail.

L’État doit faire des choix budgétaires. Pour garantir l’efficacité des missions régaliennes qui lui incombent – la sécurité, la défense et l’immigration –, il doit augmenter les moyens alloués à ces politiques moyennant des économies sur d’autres postes de dépenses, quitte à se désengager en partie de politiques moins prioritaires.

Le programme 303 présente un budget en hausse de 4,5 % en crédits de paiement. Le principal poste de dépense concerne l’action 02, relative au financement de la politique de l’asile. Quant aux autorisations d’engagement, leur augmentation de 22 % se justifie par les moyens supplémentaires dont l’OFPRA a besoin pour accélérer le délai de traitement des demandes d’asile. L’office bénéficiera ainsi, dès l’année prochaine, du recrutement de 48 agents supplémentaires.

En outre, la lutte contre l’immigration irrégulière bénéficie d’un appui budgétaire particulièrement élevé en 2026, puisque le montant des crédits de paiement augmente de plus de 40 % par rapport à 2025. Il s’agit, là encore, de faire œuvre de cohérence en finançant l’application du plan « CRA 3000 », qui doit porter à 3 000 le nombre de places en centres de rétention administrative (CRA) à l’horizon 2029, soit un doublement en l’espace d’une décennie. Il convient, en outre, de sécuriser le parc d’hébergement, compte tenu des publics qu’il accueille.

Quant au programme 104, sa dotation se stabilise en 2026. J’appelle votre attention sur l’offre de formation linguistique proposée aux étrangers primo-arrivants, qui a fait récemment l’objet d’une évolution majeure grâce à la dématérialisation de l’enseignement du français. L’apprentissage de la langue par l’intermédiaire de modules de formation en ligne représente une économie non négligeable pour l’État, puisque le coût annuel du recours à un professeur en présentiel est près de quatre-vingt fois supérieur à celui d’une solution numérique. Compte tenu de l’importance de l’apprentissage de la langue pour réussir son intégration, je suggère que l’on concilie cet impératif avec les contraintes budgétaires en développant des parcours d’apprentissage hybrides.

J’ai choisi, cette année, de consacrer la partie thématique de mon rapport pour avis aux perspectives de réforme de la directive « retour » du 16 décembre 2008, transposée en droit interne par la loi du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité. Ces textes, qui établissent le cadre juridique de l’éloignement des étrangers en situation irrégulière, se heurtent à plusieurs difficultés qui fragilisent durablement l’exécution des décisions de retour prises par les États membres. Face à ce constat, la Commission européenne a dévoilé une proposition de règlement dont l’objectif est d’harmoniser les législations nationales afin d’améliorer l’efficacité des règles applicables. Si la nécessité d’une réforme paraît évidente, les auditions que j’ai conduites ont montré que certaines orientations soulèvent de véritables interrogations quant à leur viabilité juridique et à leurs conséquences pratiques.

L’enjeu de cette réforme est important. Le fait que les étrangers, en situation régulière comme irrégulière, puissent circuler librement dans l’espace Schengen impose une unification des règles de retour mais aussi une coopération intergouvernementale efficace. Or la directive « retour », qui laisse une certaine latitude aux États membres, n’a pas permis l’harmonisation des politiques de retour.

Si la proposition présentée par la Commission me semble aller dans le bon sens, plusieurs éléments mériteraient d’être corrigés, sans qu’il soit d’ailleurs nécessaire d’opposer l’efficacité de la politique de retour à la protection légitime des droits des personnes. Permettez-moi d’évoquer trois d’entre eux.

Premièrement, il n’est pas souhaitable que la reconnaissance mutuelle des décisions d’éloignement prises par les États membres devienne obligatoire. En effet, cette évolution ferait peser des contraintes procédurales excessives sur les États, qui devraient vérifier le caractère exécutoire de la décision, la traduire et s’assurer qu’elle ne contrevient à aucun principe de droit national ou européen. En outre, un risque de nature politique tenant à la déresponsabilisation de l’État émetteur n’est pas à exclure : ces États, notamment ceux dits de première entrée, pourraient être tentés de recourir de façon potentiellement abusive à des décisions de retour sans en assumer le suivi et encore moins l’exécution.

Deuxièmement, la proposition de règlement prévoit de mettre fin à l’automaticité du caractère suspensif du recours contre la décision d’éloignement. Pour être contestée, cette suspension devra donc faire l’objet d’un second recours spécifique car dissocié du premier recours au fond. Cette évolution risque d’alourdir la charge des juridictions administratives, donc de ralentir leur activité, en complexifiant dangereusement la procédure contentieuse.

Enfin, la proposition de règlement ouvre la voie à l’éloignement d’étrangers en situation irrégulière vers des pays tiers avec lesquels un accord pourrait être conclu à cet effet. Le recours à ces plateformes de retour doit faire l’objet de précisions supplémentaires afin de garantir leur conformité juridique avec les principes constitutionnels et conventionnels. J’ajoute que la nature des contreparties – essentiellement financières – versées aux pays tiers reste à définir, ce qui implique de réfléchir au bilan coût-bénéfice de cette mesure.

La question migratoire comporte des enjeux humains, budgétaires, diplomatiques et juridiques de premier ordre. Conscients de la complexité de ces défis, nous devons pouvoir en débattre sereinement, sans démagogie ni déni de réalité.

M. le président Bruno Fuchs. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Jean-Louis Roumégas (EcoS). Vous vous réjouissez de la hausse des moyens budgétaires alloués à la mission Immigration, asile et intégration. Or elle permet simplement de rétablir ces crédits au niveau qui était le leur en 2024. En outre, cette augmentation est absorbée, pour l’essentiel, par la lutte contre l’immigration irrégulière, ce qui ne laisse aucun doute quant aux choix politiques du gouvernement : il s’agit de réprimer plutôt que d’accueillir, d’exclure plutôt que d’intégrer.

Ainsi, l’Exécutif préfère financer les expulsions et la construction de places en centre de rétention administrative plutôt que d’augmenter les crédits du programme 104, consacré à l’intégration, qui reste le parent pauvre du budget. Ne représentant que 17 % des crédits de la mission, celui-ci ne bénéficie pas de la hausse dont il aurait pourtant eu besoin après les coupes drastiques intervenues l’an dernier. Ainsi, le gouvernement exige que l’obtention d’un titre de séjour soit soumise à une meilleure maîtrise du français tout en remplaçant les profs et les cours de langue en présentiel par une plateforme numérique. Force est de constater que le relèvement du niveau de français vise non pas à favoriser l’intégration mais à exclure un maximum de candidats. On justifie ce choix par le maintien de l’ordre public mais faut-il rappeler que les migrants ne sont pas des délinquants a priori et sont avant tout des travailleurs ?

Surtout, comment prétendre garantir la sécurité des Français lorsqu’on supprime 6 000 places dans le dispositif national d’accueil, lorsqu’on réduit le budget de l’allocation pour demandeur d’asile (ADA) et les cours de français et lorsqu’on impose un prix exorbitant pour le timbre pour titres de séjour ?

Cette politique est une impasse : on ne maintient pas l’ordre public en marginalisant et en précarisant des populations qui ont parfois tout perdu. On ne construit pas la sécurité en détruisant l’intégration.

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure pour avis. Si le budget de la mission retrouve en effet un niveau similaire à celui de 2024, son augmentation témoigne néanmoins, dans un cadre contraint, de la volonté du gouvernement de faire de cette politique une priorité. C’est un choix politique : il s’agit de privilégier la reconduite aux frontières de ceux qui n’ont pas droit au séjour et l’amélioration de l’accompagnement de ceux qui y ont droit, notamment en mettant l’accent sur l’apprentissage du français.

Non, les migrants ne sont pas des délinquants. C’est la raison pour laquelle nous voulons éloigner rapidement et efficacement ceux d’entre eux qui représentent un risque pour l’ordre public. Cette politique doit marcher sur deux jambes.

M. Frédéric Petit (Dem). Le groupe Les Démocrates votera en faveur de ces crédits. Lors de l’examen de la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, notre commission avait exprimé la volonté de se saisir de ces questions, qui relèvent en partie de la diplomatie. Nous serions, pour notre part, favorables à la délivrance de visas multi-entrées car la présence de diasporas sur notre sol est un outil diplomatique.

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure pour avis. Je suis d’accord avec vous. Je rentre d’un voyage en Arménie, où j’ai évoqué notamment cette question.

M. Bertrand Bouyx (HOR). Pour être fidèle à l’esprit de la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, le budget de la mission Immigration, asile et intégration doit combiner fermeté et humanité. C’est ce qu’il fait en traduisant la volonté claire de renforcer la maîtrise des flux migratoires tout en garantissant la dignité et l’intégration des étrangers en situation régulière. Dotée de 2,16 milliards de crédits de paiement, en hausse de 3,8 % par rapport à 2025, cette mission redonne des marges de manœuvre à la politique migratoire de notre pays.

Fermeté, d’abord : le programme Immigration et asile, qui concentre plus de 80 % des crédits, bénéficie d’une progression significative au profit de l’action contre l’immigration irrégulière. L’investissement dans le plan CRA 3000, la modernisation des dispositifs d’éloignement et la montée en puissance du pacte européen sur la migration et l’asile permettront d’assurer à la fois l’exécution effective des décisions d’éloignement et le respect des droits fondamentaux.

Humanité, ensuite : le droit d’asile demeure un pilier de ce budget. Les moyens accrus de l’OFPRA, qui bénéficiera de 48 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires et d’un budget porté à 123 millions d’euros, permettront d’accélérer le traitement des demandes et de réduire encore les délais moyens tout en améliorant les conditions d’accueil.

En définitive, ce budget dote l’État des moyens de faire respecter ses lois, de tenir ses engagements européens et d’offrir à celles et ceux qui rejoignent la France la possibilité de s’y intégrer pleinement. Le groupe Horizons & indépendants votera donc en faveur des crédits de la mission Immigration, asile et intégration.

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure pour avis. Votre intervention est en phase avec mon rapport. L’objectif est d’accueillir dignement, de former et d’insérer en exigeant l’adhésion aux valeurs de la République et la maîtrise du français.

Les orientations de ce budget sont en effet cohérentes avec les principes de la loi de janvier 2024, qui combine fermeté et humanité. Je pense à l’augmentation du nombre de places en CRA et à leur sécurisation, ainsi qu’aux nouvelles exigences linguistiques.

Enfin, vous avez raison, nous devons nous donner les moyens de respecter les engagements que nous avons pris dans le cadre du pacte sur la migration et l’asile et mieux utiliser la force de l’Europe comme un outil diplomatique.

M. Jean-Paul Lecoq (GDR). Si le nouveau ministre de l’intérieur a annoncé une « rupture dans la forme » avec son prédécesseur, le budget pour 2026 de cette mission témoigne du contraire : il s’agit ici, ni plus ni moins, d’appliquer la loi pour soi-disant contrôler l’immigration, améliorer l’intégration et le pacte européen sur la migration et l’asile, deux textes qui auraient pu avoir pour titre : « réprimer les personnes étrangères et entraver leur accès aux droits fondamentaux ».

Pour preuve, le seul budget qui baisse est celui de l’action 02, Garantie de l’exercice du droit d’asile, un droit fondamental. Robert Badinter avait décidément raison, « la France n’est pas le pays des droits de l’homme mais le pays qui a donné naissance à la Déclaration des droits de l’homme ». Pourtant, la situation est déjà alarmante. Le montant de l’allocation pour demandeur d’asile s’élève à 209 euros par personne et par mois, soit 7 euros par jour ! Faut-il rappeler qu’en outre, pour éviter tout commentaire de l’extrême droite, les demandeurs d’asile n’ont pas l’autorisation de travailler ? Néanmoins, on décide de diminuer de 10 % le budget de cette allocation au motif que l’on a instauré un guichet unique. Quelle belle invention pour empêcher un peu plus les personnes étrangères d’accéder à des droits basiques !

Seul point positif, que nous devons saluer : l’OFII et l’OFPRA vont bénéficier respectivement de 48 et de 50 équivalents temps plein supplémentaires pour accélérer le traitement des demandes d’asile. Vous aurez compris que nous refusons de voter un tel budget, contraire à la liberté, à l’égalité et à la fraternité.

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure pour avis. Les orientations budgétaires me semblent cohérentes avec la loi « immigration » du 26 janvier 2024, adoptée par le Parlement.

L’an dernier, déjà, vous aviez évoqué la question de l’allocation pour demandeur d’asile. Des économies sont réalisées, non pas en réduisant son montant mais bien en rationalisant notre organisation administrative. Par ailleurs, je précise que, contrairement à ce que vous avez indiqué, l’OFII ne bénéficiera que de 2 emplois supplémentaires.

M. Jean-Paul Lecoq (GDR). Dans ce cas, ne tenez pas compte de mon compliment final !

M. Kévin Pfeffer (RN). Cela fait cinquante ans que les Français subissent une immigration hors de contrôle qui bouleverse profondément les équilibres économiques, sociaux et culturels dans notre pays. En 2024, le nombre des étrangers présents sur notre sol a dépassé 6 millions, soit un bond de 400 000 en un an. Contrairement à vous, je ne qualifierais donc pas la politique de gestion des flux migratoires de rigoureuse.

Quant à l’immigration illégale et clandestine, elle a, elle aussi, plus que doublé depuis 2015. Ce matin, M. Nuñez estimait à 700 000 le nombre des étrangers en situation irrégulière sur notre territoire ! Je ne dirais donc pas, contrairement à ce que vous écrivez dans votre rapport, que la lutte contre l’immigration irrégulière est plus efficace.

Loin d’être combattue, l’immigration illégale a souvent été et est encore encouragée par différentes politiques nationales beaucoup trop attractives : aide médicale de l’État – 1,2 milliard d’euros –, accords franco-algériens – 2 milliards d’euros –, aide juridique aux étrangers, hébergement des clandestins, prime d’activité, subventions aux associations, prestations sociales non contributives, etc. Soit plusieurs dizaines de milliards d’euros chaque année ! Les économies sont possibles et attendues ; vous ne pourrez pas mettre indéfiniment les Français à la diète budgétaire sans faire contribuer les étrangers.

Le budget alloué à l’accueil et à l’intégration des étrangers primo-arrivants ainsi que les crédits affectés à l’allocation pour demandeur d’asile et à l’hébergement devraient être drastiquement réduits. Quant au budget de la lutte contre l’immigration irrégulière, qui ne représente que 10 % du total, il est insuffisant, c’est le moins qu’on puisse dire. L’objectif de 3 000 places en CRA est, certes, en augmentation, mais 147 000 sans-papiers ont été interpellés l’an dernier.

Il existe de nombreux moyens de réduire efficacement l’immigration illégale tout en prenant des mesures positives pour le budget de l’État. Nous proposerons, par exemple, d’instaurer une taxe de 10 % sur les transferts de fonds tels que Western Union. Chaque année, 14 milliards d’euros sortent ainsi du territoire français. Or ces fonds sont transférés en grande partie hors de l’Union européenne et échappent à toute contribution spécifique. La taxe que nous proposons d’instaurer pourrait être annulée par décret, par exemple, pour les États étrangers qui acceptent de réadmettre leurs ressortissants.

Face à l’état catastrophique de nos finances publiques et à une immigration totalement hors de contrôle, nous devons faire de ces réformes de bon sens une priorité nationale. C’est en tout cas ce que demande une très large majorité de Français.

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure pour avis. En évoquant une immigration incontrôlée qui créerait une insécurité culturelle, vous faites, à mots couverts, l’apologie de la théorie du grand remplacement. Je ne souscris pas à cette théorie d’extrême droite.

M. Pierre Pribetich (SOC). Ce ne sont même pas des expressions à mots couverts.

M. Kévin Pfeffer (RN). Ce sont vos mots !

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure pour avis. Votre discours n’a rien de neuf. Toutes les études montrent que l’immigration ne coûte pas plus cher qu’elle ne rapporte. Par ailleurs, les moyens consacrés à la lutte contre l’immigration illégale bénéficient d’une hausse importante. Quant à votre proposition de taxe sur les transferts d’argent, je la désapprouve : je ne souhaite pas empêcher les personnes immigrées de soutenir ainsi leur famille.

M. Vincent Ledoux (EPR). La mission gérée par la direction générale des étrangers en France doit relever l’un des défis les plus sensibles et les plus structurants de notre pacte républicain en traduisant à la fois une exigence d’ordre et une exigence d’humanité. Je salue, à cet égard, la qualité de votre rapport, qui retrace avec justesse les deux dimensions complémentaires de la politique du gouvernement : la fermeté dans la maîtrise des flux et l’humanisme en matière d’accueil et d’intégration.

Le budget pour 2026 de la mission Immigration, asile et intégration, qui s’élève à 2,16 milliards d’euros, en hausse de 3,8 %, confirme la volonté de renforcer trois piliers essentiels : la gestion maîtrisée des flux migratoires, la protection des demandeurs d’asile et l’intégration durable des étrangers en situation régulière.

Le programme 303, qui concentre l’essentiel des crédits, voit ses moyens renforcés pour accélérer les procédures d’asile – 48 agents supplémentaires recrutés à l’OFPRA – tandis que le plan CRA 3 000 permettra de porter à 3 000, d’ici à 2029, le nombre de places en centres de rétention administrative. Ces efforts traduisent une volonté claire : mieux contrôler, mieux décider et mieux exécuter.

Le programme 104, consacré à l’intégration, demeure stable mais bénéficie de la modernisation des dispositifs linguistiques, notamment grâce aux outils numériques, pour favoriser l’apprentissage du français et l’accès à la citoyenneté.

Sur le plan européen, la réforme en cours de la directive « retour » vise à harmoniser les règles d’éloignement des étrangers en situation irrégulière. Si l’intention est louable, cette réforme comporte néanmoins quelques risques, notamment celui d’affaiblir la responsabilité des États membres dans l’exécution des décisions d’éloignement et celui de rendre plus complexes les recours juridiques. La France doit défendre une ligne claire : coopérer au niveau européen sans renoncer à sa capacité d’agir efficacement et souverainement pour faire respecter ses décisions.

La position du groupe EPR est simple : nous voulons une politique migratoire équilibrée, fondée sur le respect des lois, la maîtrise des frontières et l’intégration républicaine de ceux qui font le choix de la France. C’est dans cet équilibre que se joue au fond la cohésion de notre nation. Nous voterons donc en faveur de ces crédits.

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure pour avis. Vous avez raison de rappeler l’importance de notre pacte républicain. Nous aurons l’occasion d’en reparler lorsque nous examinerons les amendements du Rassemblement national qui visent à couper les financements du contrat d’intégration républicaine (CIR). Dans un pays démocratique et républicain comme le nôtre, l’immigration ne peut pas être traitée par des solutions simplistes. Il faut accueillir ceux qui ont le droit de s’établir sur notre territoire et souhaitent s’intégrer – et ils sont nombreux ! – et renforcer l’efficacité de procédures telles que le traitement des demandes d’asile et les reconduites aux frontières. Enfin, le cadre européen doit nous aider et non nous empêcher.

M. Pierre-Yves Cadalen (LFI-NFP). Le débat portant sur les personnes réfugiées et exilées se déroule dans un climat pourri en France. En 2015, le mot « immigration » a été prononcé 10 000 fois sur les plateaux de télévision ; en 2024, cinq fois plus. Une véritable obsession, née au pays des droits humains ! Dans les médias qui se mettent le plus directement au service de l’extrême droite, ces personnes sont systématiquement présentées comme menaçantes, dangereuses, formant une foule immense. Ces délires leur prêtent une puissance matérielle que leur condition ne leur confère évidemment pas. Leur véritable puissance, celle de leur travail, qu’ils soient en situation dite régulière ou non, ils la mettent au service de leurs proches, de leur famille et de la France elle-même.

L’obsession pour l’immigration et le fait de s’en prendre aux personnes réfugiées et exilées relèvent du racisme. Hérité de la situation coloniale, celui-ci prend à contre-pied l’évidence historique : celle d’une exigence de solidarité qui doit nous inciter, d’abord, à transformer l’ordre économique international pour qu’il soit plus égalitaire, ensuite, à accueillir celles et ceux qui arrivent sur notre sol. Or sous ce double aspect le budget de l’État est catastrophique. Il sabre l’aide publique au développement, d’un côté, et diminue l’argent consacré aux conditions matérielles de l’accueil, de l’autre. Il n’y a pas de crise de l’immigration ; il y a une crise de l’accueil, que ce budget aggrave. Ainsi, l’allocation pour demandeur d’asile est réduite de 10 % et, après la suppression de plus de 9 300 places l’an dernier, l’hébergement d’urgence en perdra encore 1 400 l’année prochaine alors que France Terre d’asile estime que 40 000 demandeurs d’asile ne sont pas hébergés.

En commission des affaires étrangères, les choses doivent être clairement dites : il faut nous donner les moyens de respecter les obligations juridiques qui nous incombent au titre de la convention de Genève. Des vies disparaissent en Méditerranée dans l’indifférence européenne la plus coupable, nous externalisons nos frontières comme un reste d’empire et nous accueillons mal. Ne pensez-vous pas que les proches des disparus, des maltraités, des renvoyés discutent et vivent, bref, que les sociétés font leur vie pendant que notre État devient de plus en plus répressif ? Déplorer la dégradation de l’image de la France en soutenant cette politique migratoire, c’est regretter les causes dont on chérit les effets. Les lamentations sur le recul de notre influence en Afrique devraient peut-être s’enrichir de ce point de vue et les pleureurs en tirer les conséquences en augmentant les moyens dévolus à l’accueil en France.

En matière de politique migratoire, il faut revenir à la raison et à la raison d’être de la République française : les droits humains. Ce n’est pas le chemin emprunté par ce budget, c’est pourquoi nous nous y opposerons.

Mme Brigitte Klinkert (EPR), rapporteure pour avis. Bien entendu, nous ne sommes pas d’accord. Vous n’avez évoqué ni les enjeux budgétaires ni ce que j’écris dans mon rapport sur la directive « retour ». Par ailleurs, le montant de l’ADA ne baisse pas : il est maintenu à 209 euros. La diminution des crédits est permise par l’optimisation de notre organisation, notamment l’instauration du guichet unique. Il en est de même pour les places d’hébergement d’urgence : le nombre des nuitées d’hôtel est réduit au profit de places pérennes, qui sont moins chères et permettent aux travailleurs sociaux de mieux accompagner les personnes.

Mme Pascale Got (SOC). Le groupe socialiste aborde l’examen de cette mission avec le souci de concilier maîtrise des flux migratoires, efficacité de l’action publique et fidélité aux valeurs humanistes de notre République. Le projet de loi de finances pour 2026, quant à lui, favorise le déséquilibre en affectant davantage de moyens au contrôle – le montant du programme Immigration et asile atteint presque 2 milliards d’euros – et en réduisant les crédits alloués à l’intégration – le programme Intégration et accès à la nationalité française, qui s’établit à 369 millions d’euros, est quasiment stable. Il traduit ainsi la priorité donnée à la contrainte plutôt qu’à l’accompagnement. L’attribution de 48 postes supplémentaires à l’OFPRA est, certes, un point positif, mais l’allocation pour demandeur d’asile perd 24 millions d’euros. Cela affaiblit la qualité de l’accueil et la dignité des parcours. Il en va de même pour les obligations linguistiques et civiques puisque les moyens de formation ne sont pas renforcés.

L’équation n’est pas bonne : on demande davantage aux primo-arrivants en leur donnant moins de chances de réussir. L’intégration n’est pas un supplément d’âme de la politique migratoire, c’est la condition de la réussite. La langue, l’emploi, le logement et l’accès aux droits construisent l’adhésion aux valeurs républicaines. Or ces leviers sont sous-estimés.

Nous regrettons également que cette mission demeure cantonnée au seul ministère de l’intérieur alors qu’elle recouvre des enjeux diplomatiques, sociaux et éducatifs qui dépassent largement le champ sécuritaire. L’immigration n’est pas qu’une question de frontières ; c’est aussi une question de société, de dignité et de projet républicain. Pour ces raisons, le groupe Socialistes et apparentés votera contre les crédits de cette mission.

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure pour avis. Il convient en effet de respecter un équilibre entre fermeté et humanité. Quant à l’OFPRA, il présente un déficit important lié à l’explosion des demandes d’asile et à la multiplication des recours relevant du contentieux des étrangers devant les juridictions administratives.

En conclusion, je vous invite à donner un avis favorable aux crédits de la mission Immigration, asile et intégration.

*

Article 49 et état B : Crédits du budget général

Amendement II-AE5 de M. Michel Guiniot

M. Michel Guiniot (RN). Il s’agit par cet amendement de réaliser une économie de plus d’un demi-milliard d’euros en supprimant l’Office français de l’immigration et de l’intégration. Plutôt que de rappeler le programme de Marine Le Pen, je citerai le président de cet office, M. Larrivé, nommé par le président de la République, qui a décidé de démissionner, estimant que « toute ambition de réduction de l’immigration a été abandonnée par le gouvernement ». Il regrette en effet qu’aucun effort opérationnel sérieux ne vienne « baisser drastiquement le nombre de visas et augmenter significativement celui des expulsions », ajoutant même : « Le chaos migratoire ne fera que s’amplifier ». De fait, l’intégration est un échec. L’OFII ne remplit pas sa mission ; continuer à le financer reviendrait à financer la déchéance de la société française.

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure pour avis. Avis défavorable, bien entendu. L’OFII, dont je tiens d’ailleurs à saluer le professionnalisme des agents, remplit des fonctions essentielles. Il joue un rôle primordial non seulement dans l’accueil des personnes qui ont acquis un droit au séjour pour des raisons professionnelles ou familiales mais aussi dans l’aide au retour volontaire, beaucoup moins coûteux qu’un retour contraint. J’ajoute que la dotation de l’office est stable.

Quant à la démission de M. Larrivé, j’y vois d’abord une dimension politique, que je regrette d’autant plus profondément qu’elle a pour conséquence de nourrir de vaines controverses, auxquelles vous semblez participer.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE8 de M. Kévin Pfeffer

M. Kévin Pfeffer (RN). Nous proposons par cet amendement de minorer de 10,9 millions d’euros les crédits alloués à l’action Garantie de l’exercice du droit d’asile du programme 303. Ces derniers sont en effet directement liés à l’application du pacte européen sur la migration et l’asile, qui aura pour conséquence d’alourdir considérablement les charges de l’OFPRA. Une fois de plus, les exigences européennes se traduisent par des surcoûts pour notre pays et amplifient l’appel d’air vers un dispositif d’asile totalement dévoyé.

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure pour avis. Avis défavorable. Vous proposez de réduire la dotation de l’OFPRA alors qu’il présente un déficit budgétaire. Il est au contraire urgent d’augmenter ses moyens financiers et humains. L’application du pacte sur la migration et l’asile impose en effet une hausse budgétaire pour permettre à notre pays de se conformer à ses obligations et à l’OFPRA d’accélérer le traitement des demandes d’asile, dont le délai devrait être divisé par deux, ce qui est source d’économies substantielles.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE4 de M. Michel Guiniot

M. Michel Guiniot (RN). Adopté par le Parlement européen le 10 avril 2024 et par le Conseil le 14 mai, le pacte européen sur la migration et l’asile constitue pour la France et les pays membres un véritable appel d’air en matière d’immigration. En effet, dès juin 2026, date de son entrée en vigueur, la France se verra imposer la prise en charge d’un certain nombre de migrants sous peine d’une amende de 20 000 euros par migrant refusé.

Le projet de loi de finances prévoit une participation à hauteur de 10,9 millions d’euros au financement des dépenses liées à la mise en œuvre de ce pacte. Alors que la dette publique augmente chaque jour et qu’une part considérable des finances publiques est consacrée à l’immigration, une telle dépense n’est pas raisonnable. Encore une fois, la France, avec l’argent du contribuable, verse à l’Union européenne des sommes démesurées, au détriment des Français et de leur sécurité.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE3 de M. Michel Guiniot

M. Michel Guiniot (RN). Il s’agit ici d’économiser 10 millions d’euros sur le budget dédié à l’ADA, puisque, selon les documents budgétaires, cette somme n’a pas été dépensée les années précédentes par les demandeurs d’asile. Nous sommes tous contents qu’ils n’épuisent pas la totalité de l’enveloppe qui leur est allouée mais pourquoi attendre quatre ans pour récupérer des sommes qui n’ont pas été dépensées ? Autant ne pas les provisionner dès le départ. L’amendement prévoit donc des crédits correspondant exactement à la dépense réelle. Il semble absurde de prélever de l’impôt aux Français pour une somme qui ne sera pas utilisée dans les quatre ans à venir.

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure pour avis. La dotation s’élève à 222,2 millions d’euros, en diminution de 10 %, soit - 24,4 millions, par rapport à 2025. Le montant mensuel de l’ADA est de 209 euros. Cette somme est vraiment un strict minimum pour les personnes concernées et n’est donc absolument pas excessive.

La baisse de la dotation tient principalement à la mobilisation de crédits européens du Fonds Asile, migrations et intégration (FAMI), à hauteur de près de 20 millions d’euros.

Là encore il n’y a aucun dérapage budgétaire. C’est pourquoi j’émets un avis défavorable.

M. Michel Guiniot (RN). Je tiens à faire observer à la commission que je n’ai pas employé le terme « dérapage ».

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE1 de Mme Laurence Robert-Dehault

Mme Laurence Robert-Dehault (RN). Alors que la facture s’alourdit pour les Français du fait de la création ou de l’augmentation d’une vingtaine de taxes, impôts et prélèvements, nos compatriotes ne peuvent pas comprendre l’absence d’économies structurelles dans le domaine de l’immigration. Il est donc proposé de réduire de 26 millions d’euros le financement que l’État attribue aux associations qui organisent des formations civiques et linguistiques pour les immigrés.

Dans un rapport de décembre 2024, la Cour des comptes étrille ce volet de notre politique d’intégration, laissant entendre que l’État a perdu la main en la sous-traitant à des associations qui ne font pas véritablement l’objet de contrôles. Un audit a ainsi révélé qu’un quart à un tiers des formations ne sont tout simplement pas conformes aux exigences fixées par l’État.

La Cour révèle aussi des écarts substantiels de tarification selon les régions : de 157 euros dans le Grand-Est jusqu’à 644 euros pour Cergy et Bobigny en région parisienne. Rien ne semble justifier de tels écarts.

La réduction des crédits proposée vise donc à inciter l’État à reconsidérer son financement aux associations qui ne respectent pas son cahier des charges.

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure pour avis. Je suis défavorable à votre amendement parce que le CIR est vraiment la première étape du parcours d’intégration personnalisé de l’étranger, qui comprend notamment l’apprentissage du français et l’appropriation des valeurs de la République.

Depuis le rapport de la Cour des comptes, la loi du 26 janvier 2024 a modifié significativement l’approche, l’obligation de moyens devenant une obligation de résultat. En outre, sont désormais requis le niveau A2 du cadre européen en langue, ainsi que la réussite à un examen civique.

Il ne me semble pas pertinent de réduire la dotation d’un dispositif tout à fait essentiel à l’intégration des étrangers.

M. Frédéric Petit (Dem). J’invite mes collègues du Rassemblement national à la cohérence. Vous n’avez habituellement pas de mots assez durs contre les opérateurs. Donc à qui pensez-vous confier des cours de langue si ce n’est à des associations ? Vous préférez faire appel à des structures privées lucratives ? À des fonctionnaires ?

La question est moins celle des structures que celle des contrôles. La rapporteure pour avis l’a rappelé : il y a eu des progrès mais beaucoup reste à faire notamment dans la fonction « achats » de notre administration.

Il est absurde d’écarter les associations des formations quand on réclame en permanence la suppression des opérateurs et la fin du recours à des organismes lucratifs.

M. Guillaume Bigot (RN). Un point vous a échappé : nous ne voulons pas de cette armée de réserve du capital ; nous ne voulons pas faire suer le burnous ; nous ne voulons pas d’une main-d’œuvre coloniale sous-payée. Donc nous ne voulons pas les cours de langue qui vont avec. C’est très simple.

M. Aurélien Taché (LFI-NFP). Je remercie monsieur Bigot de clarifier les choses. Les masques tombent du côté du Rassemblement national !

Le CIR est depuis l’origine très mal doté ; j’ai fait un rapport sur le sujet en 2018. Il donne droit au minimum du minimum d’heures de cours de français à des gens en situation régulière. Vous passez votre temps à nous dire que vous combattez l’immigration irrégulière et que les gens en situation régulière qui veulent s’intégrer et apprendre le français sont les bienvenus. Mais que montre votre amendement ? Exactement l’inverse. Vous voulez baisser les crédits y compris en matière d’intégration.

M. Retailleau nous a fait un petit cadeau avant de quitter le ministère de l’intérieur : il a pris un décret qui oblige, pour obtenir la nationalité française, à maîtriser l’histoire et la langue françaises mieux que beaucoup de Français natifs n’en seraient capables. Monsieur Guiniot nous a dit tout à l’heure son amitié pour M. Larrivé, qui a passé quinze jours à la tête du conseil d’administration de l’Office français et d’immigration et de l’intégration.

Tout ceci est une supercherie. La politique d’intégration ne vous intéresse pas. Vous faites de la politique politicienne. Seul monsieur Bigot dit les choses clairement : vous ne voulez aucun immigré en France, qu’il soit en situation régulière ou irrégulière. Arrêtez de nous faire croire autre chose.

M. Guillaume Bigot (RN). Citez vos sources : nous n’avons jamais dit que nous ne voulions pas de gens en situation régulière sur notre territoire.

En revanche, nous voulons stopper l’immigration illégale et revoir les conditions de l’immigration légale pour réduire drastiquement les flux. C’est un secret de polichinelle. Pourquoi nous faites-vous dire le contraire ?

La politique d’intégration est une tartufferie. Pour que l’immigration fonctionne bien, il faut une croissance économique forte, pas de chômage et des enfants indigènes en nombre suffisant dans les classes pour assimiler les nouveaux. (Exclamations.)

Chers collègues, le terme indigène figure dans le dictionnaire, il n’a aucune connotation.

M. Vincent Ledoux (EPR). Dans votre bouche, si !

M. Guillaume Bigot (RN). Je vous laisse les fantasmes racistes. Nous, nous sommes très clairs, nous sommes républicains. « Enfant indigène » signifie enfant du pays.

Aucune des conditions que je viens de citer n’est satisfaite.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE6 de M. Michel Guiniot

M. Michel Guiniot (RN). Cet amendement envisage une économie substantielle de 25,2 millions d’euros en refusant que la France contribue à la mise en œuvre du pacte européen sur la migration et l’asile, qui crée un droit à la migration et impose aux États de le respecter au mépris de leur législation nationale, de leur représentation nationale et de leur société. La France, comme les autres États membres, sera soumise à des sanctions financières pour chaque étranger qu’elle refusera. Très concrètement, selon un article du site Toute l’Europe mis à jour le 23 septembre, la France devra accueillir 4 000 demandeurs issus d’autres États dans l’attente du traitement de leurs demandes, en plus de tous les demandeurs d’asile déjà sur son sol, dont nous avons estimé le nombre à 140 650 en 2025.

Les 4 000 personnes que nous devrons accueillir sur notre territoire, alors qu’elles n’ont pas vocation à y rester et n’en ont potentiellement même pas l’intention, coûteront 25,2 millions d’euros. Pour combien d’individus qui disparaîtront dans la nature ? Combien qui ne s’intégreront pas ? Combien qui frauderont dans leur demande ? Combien qui auront peut-être un comportement regrettable sur notre sol ? La France ne peut pas financer cela.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE9 de M. Kévin Pfeffer

M. Kévin Pfeffer (RN). Encore des crédits supplémentaires pour se conformer aux exigences de Bruxelles ! L’amendement vise à réduire de 25,2 millions d’euros les crédits destinés à la l’application du pacte européen sur la migration et l’asile et de la nouvelle directive « accueil », qui doit entrer en vigueur en 2026.

Ces textes imposent à la France une hausse de l’ADA, qui devra désormais être versée dès l’arrivée du demandeur en structure d’accueil, avant même l’enregistrement de sa demande par l’OFPRA. Le versement sera obligatoire en cas de réexamen de la demande, de demande tardive et même d’absence de coopération du demandeur. Autrement dit, l’État français sera une fois de plus tenu d’indemniser des personnes qui ne respectent pas nos lois, et cela au nom d’une directive votée à Bruxelles. Vite un référendum sur l’immigration !

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure pour avis. Je rappelle que 19,3 millions d’euros proviennent du FAMI. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-AE2 et II-AE7 de M. Michel Guiniot

M. Michel Guiniot (RN). Le premier amendement vise à retirer 20 millions d’euros au budget alloué à l’intégration des étrangers primo-arrivants.

La signature du CIR est une obligation légale pour tous les étrangers primo-arrivants, à quelques exceptions. Pourtant, selon les données de la direction générale des étrangers en France, 80 % des primo-arrivants soumis au CIR en signent un. Qu’en est-il des 20 % restants ? Il est logique d’en déduire qu’ils bénéficient des largesses du contribuable français, alors même qu’ils ont refusé d’adhérer à notre contrat social. Pourtant, la loi s’applique à tous, étrangers ou non. Ce taux d’échec marque un refus de s’intégrer avant même d’avoir essayé. Autant baisser les crédits si la volonté d’intégration fait défaut.

Le second amendement prévoit une économie de 850 000 euros sur les crédits affectés aux besoins de transport des migrants. Il est précisé, d’un côté, que la dotation augmente de 1 million d’euros pour répondre à des besoins croissants et, de l’autre, que le nombre de personnes attendues au titre de l’asile ou de la protection internationale devrait être en baisse. Il paraît légitime de réduire les crédits si le nombre de migrants légaux diminue.

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure pour avis. Je suis défavorable au premier amendement. En vertu de l’accord franco-algérien de 1968, les primo-arrivants ressortissants d’Algérie ont le choix de signer le CIR ou non parce que, dans de nombreux cas, ils ont un niveau correct voire satisfaisant en français. Dans ce cas-là, le CIR est dit « sur proposition » ; il n’est pas obligatoire, ce qui explique en partie les chiffres que vous avez cités.

S’agissant du second amendement, les besoins de transport concernent les personnes migrantes qui sont secourues à la suite des naufrages dans les Hauts-de-France et qui doivent être transférées vers les centres d’accueil et d’examen des situations. Il n’y a donc pas matière à minorer les crédits.

La commission rejette successivement les amendements.

Puis, elle émet un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission Immigration, asile et intégration.

 

***

La séance est levée à 13 h 35.

_____


Membres présents ou excusés

 

Présents. - Mme Nadège Abomangoli, M. Pieyre-Alexandre Anglade, M. Michel Barnier, M. Hervé Berville, Mme Véronique Besse, M. Guillaume Bigot, M. Bertrand Bouyx, M. Jorys Bovet, M. Jérôme Buisson, M. Sébastien Chenu, Mme Sophia Chikirou, M. Pierre Cordier, M. Alain David, M. Nicolas Dragon, Mme Christine Engrand, M. Bruno Fuchs, M. Julien Gokel, Mme Pascale Got, M. Michel Guiniot, M. Stéphane Hablot, Mme Marine Hamelet, M. Michel Herbillon, M. Alexis Jolly, Mme Brigitte Klinkert, M. Xavier Lacombe, M. Arnaud Le Gall, M. Jean-Paul Lecoq, M. Vincent Ledoux, Mme Gisèle Lelouis, M. Laurent Mazaury, M. Christophe Naegelen, Mme Nathalie Oziol, M. Frédéric Petit, Mme Maud Petit, M. Kévin Pfeffer, M. Pierre Pribetich, M. Stéphane Rambaud, M. Franck Riester, Mme Laurence Robert-Dehault, M. Jean-Louis Roumégas, Mme Marie-Ange Rousselot, Mme Sabrina Sebaihi, M. Aurélien Taché, Mme Liliana Tanguy, M. Vincent Trébuchet, Mme Dominique Voynet, M. Lionel Vuibert

 

Excusés. - Mme Eléonore Caroit, Mme Christelle D'Intorni, M. Olivier Faure, M. Marc Fesneau, M. Perceval Gaillard, Mme Clémence Guetté, Mme Amélia Lakrafi, Mme Marine Le Pen, M. Jean-Philippe Nilor, Mme Mathilde Panot, M. Jean-François Portarrieu, M. Davy Rimane, M. Philippe Schreck, Mme Michèle Tabarot, M. Laurent Wauquiez, Mme Caroline Yadan, Mme Estelle Youssouffa

 

Assistait également à la réunion. - M. Pierre-Yves Cadalen