Compte rendu
Commission
des affaires étrangères
– Suite de l’examen, ouvert à la presse, des avis budgétaires sur le projet de loi de finances pour 2026 (n° 1906) :
- Examen pour avis et vote des crédits du compte de concours financier Avances à l’audiovisuel public - Audiovisuel extérieur (M. Alain David, rapporteur pour avis) 2
- Examen pour avis et vote des crédits de la mission Aide publique au développement (M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis) 14
– Information relative à la commission.......................57
Mercredi
5 novembre 2025
Séance de 9 heures
Compte rendu n° 12
session ordinaire 2025-2026
Présidence
de M. Bruno Fuchs, Président
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La commission poursuit l’examen, ouvert à la presse, de ses avis budgétaires sur le projet de loi de finances pour 2026 (n° 1906).
La séance est ouverte à 9 h 00.
Présidence de M. Bruno Fuchs, président.
M. le président Bruno Fuchs. Mes chers collègues, avant d’aborder l’ordre du jour de notre séance, nous pouvons tous nous réjouir de la mise en liberté – ou la libération, dans un premier temps – de nos deux compatriotes, Cécile Kohler et Jacques Paris, que nous attendions avec une grande impatience et pour laquelle certains d’entre nous ont fait le maximum.
M. Jean-Louis Roumégas (EcoS). Nous nous réjouissons effectivement de cette libération et souhaiterions interroger les représentants de la diplomatie française à ce sujet.
M. le président Bruno Fuchs. Nous recevrons le ministre aujourd’hui en audition. Vous pourrez lui poser toutes les questions que vous souhaitez, notamment sur le sujet iranien.
M. Pierre Pribetich (SOC). Nous nous félicitons naturellement de cette libération qui n’en est pas tout à fait une, apparemment. En lisant les articles de presse et en écoutant l’ensemble des matinales, il s’avère que nos compatriotes restent en Iran, sur un territoire français, puisqu’ils sont au sein de l’ambassade. Selon l’ambassadeur de France, il semble que quelques étapes demeurent à franchir avant leur libération pleine et entière. Aux yeux de la justice iranienne, ils restent condamnés.
M. le président Bruno Fuchs. Le premier des avis budgétaires que nous sommes appelés à examiner aujourd’hui porte sur le compte du concours financier Avances à l’audiovisuel public – Audiovisuel extérieur.
Notre commission s’intéresse plus particulièrement, au sein de cette enveloppe, aux moyens accordés à France Médias Monde et à TV5 Monde, vecteurs audiovisuels essentiels au rayonnement et à l’influence de notre pays à l’international. Dans le projet de loi de finances pour 2026, la dotation de France Médias Monde est maintenue à un peu moins de 303,9 millions d’euros, celle de TV5 Monde étant reconduite à 84,24 millions d’euros.
Notre rapporteur pour avis a choisi, pour la partie thématique de son rapport, de porter son attention sur la nécessité de ne pas inclure France Médias Monde dans la holding de France Média, mesure qui avait initialement été envisagée dans la proposition de loi relative à la réforme de l’audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle, sur laquelle notre commission a justement émis un avis lors de sa première lecture à l’Assemblée nationale.
M. Alain David, rapporteur pour avis. L’audiovisuel extérieur français comprend les chaînes du groupe France Médias Monde – c’est-à-dire France 24, Radio France internationale et Monte-Carlo Doualiya – et la chaîne multilatérale TV5 Monde. Il est une source de rayonnement pour la France et un atout pour la francophonie.
Ce rayonnement est continuellement salué et les audiences de France Médias Monde (FMM) et TV5 Monde, régulièrement louées. Aussi, je ne peux que regretter, année après année, rapport après rapport, avis après avis, que la France ne soit pas tout à fait à la hauteur de ses ambitions en matière de financement. Pour résumer, France Médias Monde et TV5 Monde font beaucoup avec peu, depuis longtemps, et n’en sont pas récompensées.
Pour l’année 2026, le projet de loi de finances prévoit de doter le compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public d’un peu plus de 3,8 milliards d’euros. Il consacre seulement 10 % de ces crédits à l’audiovisuel extérieur, soit 387 millions d’euros, répartis à hauteur de 303,8 millions d’euros pour France Médias Monde – 7,8 % du total – et de 84,2 millions d’euros pour TV5 Monde – 2,2 % du total. Ce compte de concours financiers figure à l’état D annexé au projet de loi de finances (PLF) pour 2026.
Le programme 844 retrace les dépenses prévisionnelles de France Médias Monde, tandis que le programme 847 concerne celles de TV5 Monde. Avant de procéder à l’examen de ces deux programmes, j’ai tenu, dans mon avis, à porter à votre connaissance la modification de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), modification importante pour le financement de l’audiovisuel public. Je présenterai ensuite la décision du gouvernement de geler les dotations de France Médias Monde et de TV5 Monde à leur niveau de 2025 en euros courants. Enfin, je reviendrai brièvement sur la partie thématique de mon avis consacrée à une nécessité que je qualifierai d’impérieuse : celle de ne pas intégrer France Médias Monde dans la holding France Médias.
Dans mon précédent avis sur le PLF pour 2025, j’avais fait du rétablissement du financement de l’audiovisuel extérieur par affectation de ressources un préalable indispensable à l’adoption de la loi de finances pour 2025. Tel a bien été le cas, l’Assemblée nationale ayant adopté le 20 novembre 2024 la proposition de loi organique sénatoriale portant réforme du financement de l’audiovisuel public, ce dont je me félicite.
Pour autant, ce satisfecit – ils sont peu nombreux en matière d’audiovisuel extérieur – doit être immédiatement tempéré par le fait que cette loi organique a été adoptée dans l’urgence. Ce faisant, elle s’est bornée à pérenniser le système de financement en vigueur depuis la suppression hâtive de la contribution à l’audiovisuel public et n’a pas permis un débat de fond sur les voies et moyens de financer l’audiovisuel extérieur.
Je rappelle que sans modification de la LOLF, la seule solution consistait à budgétiser les ressources de l’audiovisuel public, ce qui faisait directement courir le risque pour France Médias Monde d’être labellisée comme un média d’État. La proposition de loi organique sénatoriale a évité cet écueil en permettant à une imposition de toute nature d’être directement affectée aux organismes du secteur public de la communication audiovisuelle.
Mon regret, en tant que rapporteur pour avis, est double. D’une part, cette réforme de la LOLF s’est faite à marche forcée, alors que le Parlement avait alerté le gouvernement dès 2022 sur la nécessité de modifier la loi organique. D’autre part – pour ne pas dire surtout –, il s’agissait d’une occasion de réfléchir à une véritable réforme du financement de l’audiovisuel public, réflexion dont la représentation nationale a été privée lors de la suppression de la contribution à l’audiovisuel public.
En réalité, on a considéré avoir résolu le problème sans avoir mené un débat de fond, parce qu’une fraction de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) avait été affectée à l’audiovisuel public de 2022 à 2025. Je plaide, comme nombre de mes collègues, non pour l’affectation d’une taxe qui frappe indistinctement tout consommateur sans prendre en compte ses ressources mais pour une contribution progressive, qui garantisse à la fois un financement pérenne de l’audiovisuel public et une réelle justice fiscale. Je considère donc que la modification de la LOLF ne clôt pas le débat du financement de l’audiovisuel public mais devrait permettre de l’ouvrir.
Concernant les avances inscrites aux programmes 844 pour France Médias Monde et 847 pour TV5 Monde, le choix du gouvernement pour 2026 réside dans leur gel. Sont donc reconduites les dotations de la loi de finances pour 2025 en euros courants. Ce gel aura bien évidemment des conséquences néfastes mais elles seront moins graves pour France Médias Monde que pour TV5 Monde, du moins à court terme.
La principale source de financement de France Médias Monde est sa dotation-socle, c’est-à-dire le montant réellement disponible pour ses dépenses, une fois retirées celles qui découlent des effets fiscaux induits par la suppression de la contribution à l’audiovisuel public. Elle s’élève à 273,1 millions d’euros pour 2026.
Au-delà du fait qu’un gel signifie pratiquement une baisse en valeur pour cause de non-compensation de l’inflation, la stagnation de la dotation-socle creuse l’écart, déjà observé en 2024 et 2025, avec la trajectoire fixée par le projet de contrat d’objectif et de moyens (COM) pour 2024-2028. Celui-ci prévoyait une dotation-socle de 269,2 millions d’euros en 2024 – soit un écart de 1,1 million d’euros par rapport à la dotation-socle en exécution –, de 276 millions d’euros en 2025 – soit un écart de 2,9 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2025 – et de 281 millions d’euros en 2026. L’écart sera donc de 7,9 millions d’euros pour l’année à venir. Autrement dit, l’État n’a pas été capable de tenir ses engagements financiers à l’égard de France Médias Monde, ni en 2024, ni en 2025, ni en 2026.
La trajectoire du COM n’a pas non plus été respectée dans un domaine de première importance pour France Médias Monde : l’aide aux actions prioritaires en matière de digitalisation. Le projet de COM prévoyait que France Médias Monde bénéficierait de 5 millions d’euros en 2024 et en 2025 et de 3 millions d’euros en 2026, abondés à partir du programme 848 Transformation, commun à l’ensemble de l’audiovisuel public. Or France Médias Monde a réellement obtenu 1,4 million d’euros en 2024 mais rien en 2025. Pour 2026, le PLF ne prévoit plus aucune dotation pour ce programme.
Au total, sur trois ans, de 2024 à 2026, France Média Monde n’aura perçu que 1,4 million d’euros au lieu des 13 millions d’euros prévus, soit 10 %. Il n’est donc pas étonnant qu’en novembre 2024, lorsque la dotation globale de France Médias Monde pour 2025 présentait un écart de 9,9 millions d’euros par rapport au projet de COM, le groupe ait été contraint de faire de nouvelles économies. Comme celles-ci n’étaient pas suffisantes, son conseil d’administration a adopté pour 2025 un budget en déficit de 4,9 millions d’euros.
Le gel des crédits sera cependant moins préjudiciable à France Médias Monde qu’à TV5 Monde, du fait d’une forte augmentation du soutien financier de son autre ministère de tutelle, le ministère de l’Europe et des affaires étrangères (MEAE). À travers le programme 209 Solidarité avec les pays en développement de la mission Aide publique au développement le MEAE a décidé de contribuer à hauteur de 14,85 millions d’euros au budget de France Médias Monde pour 2026, ce qui représente une augmentation de 10 millions d’euros. Cette forte augmentation financera de projets dits « de proximité » – à Beyrouth, à Dakar et à Bucarest – et contribuera au maintien de la position de France Médias Monde en Afrique. Ces actions sont détaillées dans l’avis.
Trois raisons semblent expliquer cet engagement massif du MEAE. La première tient au niveau d’intensité de la guerre informationnelle qui se déroule en Afrique. La deuxième, une nouveauté par rapport à 2024 et sur laquelle ont insisté tant les dirigeants de France Médias Monde que les représentants du MEAE, tient au retrait américain de l’espace médiatique mondial. Les 10 millions d’euros du programme 209 ont donc aussi pour objet de ne pas permettre à des « États non affinitaires » de profiter du vide laissé par les États-Unis, par exemple en reprenant les fréquences ou les canaux de diffusion qui se sont libérés ou en renforçant le soutien de FMM à des partenaires indépendants que le retrait américain a mis en difficulté. La dernière raison qui m’a été signalée lors des auditions est la tendance à la hausse des redevances dans certains pays d’Afrique, qui renchérit le coût de diffusion.
Je me félicite du fort engagement du MEAE, qui permet in fine une hausse de 3,6 % des crédits de France Médias Monde, mais mon enthousiasme reste modéré. Je m’interroge sur les raisons qui ont conduit le gouvernement à ne pas augmenter de 10 millions d’euros la dotation-socle et à privilégier le programme 209. Je crains que ce dernier ne fournisse pas de ressources complémentaires pérennes mais seulement ponctuelles. C’est précisément ce qui semble se dessiner pour le financement débloqué en urgence à l’été 2025, afin de renforcer la diffusion de France Médias Monde en Moldavie et en direction de celle-ci. Le MEAE s’est dit très satisfait des actions menées mais n’envisage pas aujourd’hui de prolonger son financement au-delà de 2025.
Par ailleurs, si l’on peut, comme les dirigeants de France Médias Monde, être favorable à un financement mixte, la dotation complémentaire du MEAE venant s’ajouter à la dotation-socle, le chemin est encore long pour atteindre les montants de la Deutsche Welle ou de l’audiovisuel extérieur de la British Broadcasting Channel (BBC), BBC World Service. En 2025, la Deutsche Welle, a reçu 450 millions d’euros de dotations publiques. BBC World Service a quant à elle obtenu 485 millions d’euros, dont plus de 100 millions versés par le Foreign Office au titre de l’aide publique au développement. Ces montants sont à comparer aux 273,1 millions d’euros de la dotation-socle de France Médias Monde, auxquels s’ajoutent les 14,85 millions du programme 209, soit un montant total de 287,95 millions d’euros. Nous sommes décidément très loin de nos voisins.
Malgré la dotation complémentaire, France Médias Monde estime que ce montant lui permet à peine d’assurer la continuité de son socle d’activité et qu’elle sera contrainte de réaliser en 2026 de nouvelles économies. En décembre 2024, le directeur adjoint au président-directeur général de BBC News, auditionné par la commission d’enquête de la Chambre des communes britannique sur l’avenir de la BBC a parfaitement illustré la situation à laquelle France Médias Monde est aujourd’hui confrontée. Interrogé sur la soutenabilité d’un gel ou d’une « stabilisation » du budget de l’audiovisuel extérieur britannique pour l’année 2025, il a explicité les conséquences qu’une telle décision entraînerait : « La stabilisation du budget actuel entraînera un déclin de l’audiovisuel extérieur (BBC World Service). D’autres acteurs étatiques dépensent à un rythme effréné et, d’une certaine manière, « nous taillent des croupières ». Nous nous sommes retirés du Liban relativement récemment, il y a quelques années, avec notre service de radio arabe, et les Russes ont pris le relais presque immédiatement. Le rythme de dépenses de ces acteurs étatiques est hallucinant. Nous estimons que la Russie et la Chine dépensent ensemble environ 8 milliards de livres sterling [9,2 milliards d’euros] par an. Nous dépensons environ 400 millions de livres sterling [460,8 millions d’euros]. Nous devons investir pour croître. Honnêtement, nous devons investir pour ne pas reculer. Cette stabilisation du budget n’est pas suffisante pour maintenir la croissance de l’audiovisuel extérieur à long terme. ». Je crois que cela se passe de commentaires.
Concernant TV5 Monde, la stagnation des crédits, qui s’élèvent, hors compensation des effets fiscaux, à 81,7 millions d’euros, aura des effets plus graves que dans le cas de France Médias Monde. TV5 Monde ne dispose en effet de plus aucune marge de manœuvre et ne bénéficiera pas de ressources complémentaires. Selon ses dirigeants, le groupe a absorbé plus de 10 millions d’euros en coûts d’inflation non compensés par l’évolution des dotations des six États et régions bailleurs depuis 2017. Pour 2026, ils estiment le besoin de financement supplémentaire, à activités constantes, à 3,4 millions d’euros auxquels s’ajoute 1 million de frais spécifiques, afin de retrouver le niveau d’achat de programmes français d’il y a dix ans. Ils envisagent donc de procéder à de nouvelles mesures d’économies et de redéploiement pour 1,5 million d’euros.
TV5 Monde a, par ailleurs, réalisé une évaluation des financements nécessaires à sa modernisation et à son développement en fonction des standards du marché pour un opérateur de son envergure. Sur les trois prochaines années, de 2026 à 2028, ils représentent 72 millions d’euros répartis en une quarantaine de leviers d’investissements : plus d’un tiers pour les contenus, un tiers pour la transformation numérique et un quart pour la distribution, le marketing et le développement de ressources.
Les crédits prévus par le gouvernement sont donc largement insuffisants et ils ne seront pas de nature à entraîner les autres États et régions bailleurs à accroître leur participation financière. L’inverse est en train de se produire du côté de la Suisse, dont le gouvernement souhaite se retirer du financement de TV5 Monde à partir de 2027.
Malgré ce constat assez triste, la présidente-directrice générale, nommée en octobre 2024, a commencé à mettre en œuvre un nouveau plan stratégique pour 2025-2028 qui donne des résultats. À titre d’exemple, je peux citer l’accent mis sur les jeunes publics francophones, en particulier africains : les contenus de la chaîne TiVi5Monde à destination des 4-14 ans ont été revus et cette chaîne a pu bénéficier en 2025 d’une nouvelle phase de déploiement au Maghreb, grâce à une dotation exceptionnelle du MEAE de 1,3 million d’euros.
Par ailleurs, le processus d’adhésion de plusieurs pays africains à TV5 Monde s’est poursuivi en 2025 mais il n’en est qu’à ses débuts. Un heureux développement a ajouté un possible nouveau candidat, le Maroc, qui, comme la Côte d’Ivoire, dispose d’un secteur audiovisuel particulièrement étoffé. Ce dernier a manifesté un intérêt de principe pour une adhésion et le dossier est désormais à l’étude au ministère des affaires étrangères marocain.
Mes chers collègues, le choix de geler les crédits de France Médias Monde et TV5 Monde, alors que ces deux groupes ont consenti d’importants efforts au cours des quinze dernières années et que leur niveau de financement reste très éloigné de celui des audiovisuels extérieurs de l’Allemagne ou du Royaume-Uni me conduisent à émettre un avis défavorable sur les deux programmes de la mission Avances à l’audiovisuel public relatifs à l’audiovisuel extérieur.
J’en viens maintenant à la partie thématique de mon avis consacrée à la nécessité de ne pas inclure France Médias Monde dans la holding France Médias. L’idée de regrouper l’audiovisuel public, c’est-à-dire France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l’Institut national de l’audiovisuel (INA) dans France Médias est ancienne, puisqu’elle date d’un rapport sénatorial de nos collègues André Gattolin et Jean-Pierre Leleux.
Sa traduction législative a été jusqu’à présent chaotique, comme le détaille mon avis. J’y ai indiqué que, grâce à l’action de notre commission et en particulier à l’avis que nous avons adopté en décembre 2024 à l’initiative du président Fuchs, France Médias Monde a été retirée de la holding. Dans mon avis, j’ai répondu aux différents arguments avancés par les défenseurs de l’intégration de France Médias Monde dans la holding. J’ai notamment écrit que la nécessité de créer un « champion national » dans le domaine de l’audiovisuel public, verticalement intégré et surtout « global », me paraissait plus relever d’une croyance que de l’aboutissement d’une réflexion de fond.
M. le président Bruno Fuchs. Je cède la parole aux orateurs des groupes politiques.
M. Jean-Paul Lecoq (GDR). Je salue la qualité du rapport pour avis et me félicite que le rapporteur puisse suivre, année après année, l’évolution de ce compte.
TV5 Monde et France Médias Monde ne constituent pas un coût pour notre pays mais un investissement. Ces médias sont indispensables pour porter les valeurs universelles que nous considérons utiles de défendre dans le monde mais aussi une certaine conception du journalisme et du traitement de l’information. À l’heure des réseaux sociaux et des fake news, il est pertinent de disposer d’un réseau fiable de chaînes de télévision et de radio qui permettent de produire une véritable information et de la défendre. TV5 Monde nous a fait part des menaces auxquelles font face des correspondants, par exemple au Togo, à Madagascar. Nous le déplorons et espérons que le Quai d’Orsay a rappelé à ces pays l’importance du journalisme et de l’information.
Au même titre que le rapporteur, nous nous opposerons à l’intégration de France Médias Monde dans la holding France Média, si ce texte devait être à nouveau examiné. Enfin, nous soutiendrons avec force l’amendement de monsieur le rapporteur.
M. le président Bruno Fuchs. Je pense que la dissociation de France Médias Monde de la holding est quasiment acquise.
M. Alain David, rapporteur pour avis. France Médias Monde et TV5 Monde représentent des outils de rayonnement de la France à l’étranger. Dans cette guerre informationnelle que se livrent les pays – en particulier les pays totalitaires – en Afrique, en Asie du Sud-Est ou ailleurs, la présence et la voix de la France sont importantes.
Notre audiovisuel extérieur représente une contribution importante pour maintenir la paix et éviter la guerre ; transmettre un certain nombre de valeurs républicaines comme l’égalité ou le droit des femmes.
M. Michel Guiniot (RN). Monsieur le rapporteur, vous indiquez en pages 35 et 36 de votre rapport que vous êtes convaincu de la pertinence et de l’excellence des outils France Médias Monde et TV5 Monde pour le rayonnement de la France et de la francophonie. Vous les pensez sous-utilisés car sous-dotés.
Pourtant, les cadres de France Médias Monde ont été condamnés en 2024 à des amendes de plusieurs milliers d’euros par la Cour des comptes, en raison d’une mauvaise gestion interne, de méconnaissances graves des règles de la commande publique, provoquant un préjudice financier important, difficile à estimer. La Cour des comptes ajoute que des pans entiers de la gestion du groupe doivent gagner en rigueur.
Depuis 2023, de nombreux problèmes liés au militantisme propalestinien décomplexé de certains journalistes de France Médias Monde sont relevés dans la presse, occasionnant même des fins de collaboration avec des journalistes en freelance. Trois cas sont explicitement cités par la presse.
Dans votre rapport, vous détaillez en page 45 les 10 millions d’euros d’économies estimées par l’Inspection générale des finances (IGF) en 2024 pour la mutualisation des fonctions support et vous estimez que ces économies sont d’un faible niveau. Cependant, il s’agit malgré tout d’une économie.
En résumé, nous sommes confrontés à un organisme surdoté, dont les journalistes se font reprendre puisqu’ils diffusent des messages non conformes à la ligne française, ni à la ligne éditoriale. Des problèmes éthiques et économiques se posent dans le management. C’est la raison pour laquelle je m’interroge : comment France Médias Monde peut-elle continuer à bénéficier d’une telle impunité ? Comment le rayonnement et la crédibilité de la France peuvent-ils être diffusés à l’international par un organisme qui en manque ?
M. Alain David, rapporteur pour avis. Pensez-vous raisonnablement que si le ministère des affaires étrangères estimait que France Médias Monde était dirigée par des voyous, une telle dotation serait accordée ?
Vous m’aviez déjà posé la même question l’année dernière. Je m’épargnerai donc d’y répondre et vous renvoie au compte-rendu de la réunion en question. France Médias Monde conserve toute notre confiance. Les écarts que vous mentionnez concernaient un ou deux journalistes à l’époque ; l’affaire a été réglée par le conseil d’administration de France Médias Monde. L’incident est clos. La direction de France Médias Monde n’était pas responsable mais a apporté un certain nombre de correctifs.
M. Michel Guiniot (RN). Ma question n’est pas un copier-coller de celle que j’avais posée l’année dernière, puisque je cite des chiffres de 2025.
M. le président Bruno Fuchs. Je ne crois pas que l’on puisse résumer l’ensemble des engagements pris par France Médias Monde de cette manière. Il nous appartient d’adopter une vision élargie de l’action de ce média, plutôt que de nous concentrer sur un élément qui a été réglé. Toute organisation, quelle qu’elle soit, peut être confrontée à des dysfonctionnements d’ordre individuel.
M. Vincent Ledoux (EPR). L’audiovisuel extérieur constitue un instrument de souveraineté, un levier majeur de notre diplomatie d’influence et de notre sécurité informationnelle.
Dans un monde bouleversé, où la bataille de l’information est devenue aussi décisive que la bataille militaire, la France ne peut se permettre de baisser la garde. Aujourd’hui, notre pays fait face à de véritables offensives informationnelles, notamment sur le continent africain. La Russie, par ses relais médiatiques et numériques, orchestre des campagnes de désinformation massive, destinées à miner notre image et à affaiblir nos partenariats. Au Mali, malgré les succès tactiques contre l’islamisme radical, nous avons perdu la bataille de la perception. Nos soldats ont été poussés au départ sous la pression de récits falsifiés. De la Centrafrique au Niger, le scénario se répète.
Face à cela, France 24, RFI, TV5 Monde sont nos « boucliers de vérité ». Ils portent la langue française, la rigueur journalistique et la liberté d’informer. Ils incarnent une France qui explique, qui éclaire, qui tend la main plutôt que le poing. Ils représentent notre francophonie vivante, notre diplomatie du dialogue, notre influence par la confiance. Le projet de loi de finances pour 2026 stabilise les crédits de France Médias Monde et de TV5 Monde. Cette stabilité traduit un effort de préservation dans un contexte budgétaire contraint ; nous le saluons. Mais elle demeure insuffisante, tant la concurrence internationale est désormais rude, très organisée. La Chine, la Russie, le Qatar, la Turquie investissent massivement dans leurs médias extérieurs pour imposer leurs récits. Et à l’heure où la désinformation se propage à la vitesse d’un clic, notre audiovisuel public international doit disposer des moyens d’agir et pas seulement de résister.
C’est pourquoi le groupe EPR soutient cette trajectoire, à condition que les contrats d’objectifs et de moyens traduisent une vision offensive, en ciblant les zones d’influence prioritaires, en renforçant la distribution numérique et, surtout, en maintenant France Médias Monde en dehors de la future holding France Médias, pour garantir son autonomie, sa réactivité internationale. Je veux enfin saluer la qualité du rapport de notre collègue Alain David, dont l’expertise et la rigueur ont nourri utilement notre réflexion.
Le groupe EPR votera donc ces crédits, avec soutien et vigilance : soutien à nos médias extérieurs mais vigilance sur les moyens et les ambitions que nous devrons leur garantir à l’avenir.
M. Alain David, rapporteur pour avis. Vous avez eu raison de souligner l’importance de France Médias Monde et la faiblesse de la participation de la France dans ce domaine par rapport à nos concurrents, et en particulier la Russie et la Chine. Un des responsables de BBC World a ainsi indiqué que la Chine et la Russie investissement à elles deux environ 9 milliards d’euros par an et que le budget de la BBC s’établit à 450 millions d’euros.
Comparés à la Russie et la Chine, nous sommes des nains. Ces deux pays parviennent à diffuser leur politique, leurs fake news. Souvenons-nous de ce qui s’est passé au Sahel, des massacres injustement attribués à la France. Le travail de sape régulier nous a été extrêmement défavorable, dévalorisant la présence de la France, en particulier en Afrique. Nous devons redorer notre blason, en luttant contre cette désinformation.
M. le président Bruno Fuchs. Le traitement de la désinformation et des efforts de vérification sont particulièrement bien réalisés par France Médias Monde. La Russie utilise abondamment les armes de la désinformation, y consacre d’importants moyens, notamment en Afrique, pour déstabiliser la France.
M. Aurélien Taché (LFI-NFP). France Médias Monde ne sera pas intégrée à la holding France Médias et il faut s’en réjouir.
La question du financement demeure malgré tout essentielle. Tant que nous ne disposerons pas de financements pluriannuels indépendants reposant sur des recettes distinctes – comme l’ancienne redevance audiovisuelle – plus à même de garantir l’indépendance de France Médias Monde, cette question reviendra perpétuellement. Je partage l’idée qu’il faille investir davantage dans ces outils, et nous suivrons votre avis défavorable, monsieur le rapporteur, en ne votant pas ces crédits trop faibles cette année. Au-delà, la France doit témoigner de sa différence vis-à-vis de ses adversaires, en respectant ses propres médias, en faisant entendre sa voix singulière, une voix qui ne soit pas celle de la propagande.
L’indépendance éditoriale de ces médias doit être consolidée. Elle passe par une plus grande association des rédactions locales, par une plus grande décentralisation. Cet ancrage local, au cœur du succès de la stratégie de TV5 Monde, doit être renforcé. En outre, TV5 Monde est un média francophone et non un média uniquement français.
En revanche, un sujet ne progresse pas suffisamment rapidement. Il s’agit de la participation de pays africains à la gouvernance de TV5 Monde. Nous avions précisément promu une action volontariste dans ce domaine dans le rapport sur l’avenir de la francophonie que nous avions rédigé avec Amélia Lakrafi. À ce titre, je suis heureux d’apprendre que de nouveaux candidats se sont manifestés. Je pense au Maroc mais également à la Côte d’Ivoire.
Enfin, des plateformes de type Netflix ou Disney+ ne sont pas obligées de prévoir des contenus francophones. Il faudrait sérieusement envisager cette question. Elles pourraient contribuer d’une manière ou d’une autre à renforcer la francophonie audiovisuelle, et notamment TV5 Monde.
M. Alain David, rapporteur pour avis. Le conseil d’administration de TV5 Monde comporte un certain nombre de pays francophones, au nombre de six, qui cherchent à renforcer leur potentiel d’intervention. Il est certain que l’entrée du Maroc, un des pays leaders du continent africain, constitue un gage important pour l’avenir de TV5 Monde.
Il convient cependant de prendre garde. En adoptant une politique financière aussi restreinte, nous menaçons également l’avenir de TV5 car les pays membres du conseil d’administration ne s’engageront pas plus s’ils constatent que la France fait preuve d’hésitation. Tel est le cas de la Suisse, dont le gouvernement fédéral prévoit de mettre un terme à sa participation financière en 2027.
En conséquence, la France doit, à l’inverse, montrer son intérêt en défendant TV5 Monde. Malheureusement, les signaux que nous envoyons ne sont pas forcément les meilleurs.
Mme Pascale Got (SOC). France Médias Monde n’est pas un acteur comme les autres. Il s’agit d’un vecteur de francophonie, un refuge démocratique dans des environnements informationnels parfois hostiles. À l’heure où le mensonge se structure, où la propagande se professionnalise, France Médias Monde tient la ligne. Il documente, il explique, il vérifie. En Afrique francophone, au Proche-Orient, dans le Caucase, ce travail contribue à la liberté de penser.
Les moyens de France Médias Monde sont stabilisés cette année. Pourtant, ce gel ne constitue pas une avancée mais une ligne de défense immobile. Sans renforcement du numérique, le risque de décrochage irréversible de France Médias Monde est réel. Sans outils pour nos rédactions, la Russie et la Chine écriront le récit du monde. Sans prévisibilité des ressources, la voix française est affaiblie.
Nous continuons à plaider pour un financement de l’audiovisuel public juste, indépendant et stable via une contribution universelle et progressive. Monsieur le rapporteur, pour sécuriser réellement la capacité d’action et d’indépendance de l’audiovisuel extérieur, vous proposez par amendement une mesure immédiatement opérationnelle concernant le versement des crédits. Elle est essentielle pour éviter que TV5 Monde ne devienne qu’une simple variable d’ajustement, au gré des régulations budgétaires. Le groupe Socialistes et apparentés soutiendra cette démarche et se prononcera sur les crédits de cette mission en fonction des conclusions de nos débats.
M. Alain David, rapporteur pour avis. France Médias Monde est connue et reconnue pour l’objectivité de ses informations. Lors du Printemps arabe, France 24 était la chaîne la plus regardée, particulièrement en Tunisie, car la population avait confiance dans ce média face aux autres informations qu’elle recevait des télévisions et médias africains, en général, et tunisiens en particulier.
Ensuite, il convient effectivement de stabiliser le financement. Il n’est pas normal que TV5 Monde ne dispose d’aucune visibilité sur l’enveloppe qui lui sera attribuée chaque année. Un climat négatif s’est ainsi établi à l’intérieur de l’entreprise. Les cadres de valeur, les journalistes de grand talent éprouvent des difficultés à demeurer dans une société qui ignore chaque année si elle pourra être financée.
Aujourd’hui, il convient de stabiliser cette situation et de rassurer le personnel. L’amendement que je présente a précisément pour objet d’offrir cette assurance.
M. Jean-Louis Roumégas (EcoS). Les chiffres que vous avez cités parlent d’eux-mêmes. Face aux 9 milliards d’euros dépensés au total par la Russie et la Chine, aux 485 millions d’euros du Royaume-Uni et aux 450 millions d’euros de l’Allemagne, la France ne dépense que 350 millions d’euros.
De fait, les moyens alloués par la France à son audiovisuel extérieur ne sont pas à la hauteur des ambitions et ne lui permettent plus de rivaliser avec ses voisins. Certes, nous avons échappé au pire. La budgétisation des ressources a été écartée, France Médias Monde ne sera pas intégrée dans la holding France Médias et il n’existera pas de coupe budgétaire à proprement parler, puisque les crédits sont gelés. Mais il ne s’agit que d’un moindre mal, qui ne constitue pas véritablement un projet en soi. En effet, la sous-dotation chronique a engendré des effets. France Médias Monde est en déficit ; les besoins ne sont plus couverts ; 25 emplois ont été supprimés. TV5 Monde a dû arrêter trois émissions, cesser la diffusion satellite de certains programmes et peine à remplacer ses plateaux et ses matériels vieillissants.
L’immobilisme nous coûtera cher dans un contexte de guerre informationnelle mondiale. Quand Spoutnik, Al Jazeera ou d’autres médias avancent leurs pions, la France recule. En effet, geler le budget revient à renoncer, à reculer. Comment comprendre, par exemple, l’annulation de 2 millions d’euros pourtant promis à France Médias Monde pour son programme de transformation numérique ? C’est un non-sens stratégique.
La France doit tenir son rang dans le paysage audiovisuel mondial. Nous risquons un décrochage irréversible. Je partage donc l’avis du rapporteur pour avis quand il indique qu’il faut rouvrir le débat sur un financement pérenne et équitable de l’audiovisuel public en général, et en particulier de l’audiovisuel extérieur.
Nous devons, par exemple, rétablir une contribution à l’audiovisuel public progressive, adaptée aux revenus, contrairement à la TVA qui frappe tous les contribuables, sans distinguer les revenus.
M. Alain David, rapporteur pour avis. Dans mon rapport, je développe l’idée d’une contribution progressive, une participation des citoyens adaptée à leurs revenus. L’Allemagne est très sensible à la question du mode de financement de France Médias Monde pour ne pas le qualifier de « média d’État » et a demandé des garanties. Elles ont lui été apportées mais son indépendance financière pourrait être encore plus manifeste.
Tout le monde sait que France Médias Monde représente la France mais il ne s’agit pas de la voix du gouvernement de la France. France Médias Monde porte la voix des Français, en quelque sorte.
Mme Sophie Mette (Dem). Mon groupe souhaite rappeler l’importance stratégique de l’audiovisuel public extérieur dans notre politique étrangère pour le rayonnement de la France. France Médias Monde et TV5 Monde ne sont pas de simples acteurs médiatiques mais des vecteurs de la francophonie et les relais essentiels de nos valeurs dans un monde où la bataille de l’information est devenue un enjeu de souveraineté. De fait, lors des dernières années, lors des troubles au Sahel, ces médias étaient fréquemment les premiers ciblés par les juntes arrivées au pouvoir. Ces régimes ne supportent pas ces rédactions indépendantes, qui défendent les valeurs universelles des droits de l’homme.
Pour 2026, les crédits alloués à France Médias Monde s’élèvent à 303,9 millions d’euros, un montant stable par rapport à 2025. TV5 Monde bénéficiera quant à elle de 84,2 millions d’euros. L’ensemble de la mission Avances à l’audiovisuel public représente 3,878 milliards d’euros, malheureusement en recul de 1,8 % par rapport à la loi de finances pour 2025. Cette stabilité ne doit pas masquer la tension croissante sur les moyens de nos opérateurs internationaux. France Médias Monde agit dans un environnement particulièrement concurrentiel et instable, marqué par la montée en puissance des médias d’influence des grandes puissances, souvent porteurs de récits contraires à nos valeurs et à nos intérêts.
La pertinence et la crédibilité de notre voix francophone reposent sur la capacité de ces médias à innover, à diffuser largement et à maintenir une présence sur les terrains les plus sensibles, qu’il s’agisse du Sahel, du Proche-Orient ou de l’Europe de l’Est. Le travail réalisé par RFI, France 24 et Monte Carlo Doualiya est remarquable, notamment dans la lutte contre la corruption et la promotion d’une information libre et plurilingue.
Nous saluons la participation croissante du ministère de l’Europe et des affaires étrangères au financement de certains projets, qui traduit la reconnaissance de cette dimension diplomatique, mais l’audiovisuel public extérieur doit bénéficier d’un financement pérenne et lisible. Il ne peut dépendre de montages budgétaires temporaires. Enfin, le groupe Les Démocrates reste attaché au statut distinct de France Médias Monde, au cas où une éventuelle holding France Médias serait créée. Sa mission est internationale, comme en témoigne sa double tutelle. Son intégration dans une structure tournée vers le seul audiovisuel national risquerait d’affaiblir son rôle d’acteur majeur de la francophonie mondiale.
Nous soutenons donc les crédits proposés tout en appelant à un engagement durable, à la hauteur des enjeux géopolitiques et culturels que porte l’audiovisuel extérieur de la France.
M. Alain David, rapporteur pour avis. Nous sommes d’accord, tous partis confondus, pour effectivement maintenir, voire augmenter les crédits budgétaires à France Médias Monde et à TV5 Monde. Il nous faudra surtout obtenir l’appui du président de la République dans le combat que nous menons pour maintenir cet outil très performant. Cela dit, tant que nous n’arriverons pas à persuader l’ensemble des partenaires, nous serons toujours confrontés à des difficultés.
M. Bertrand Bouyx (HOR). Le groupe Horizons et Indépendants soutient l’analyse développée dans le rapport pour avis. Bien évidemment, l’audiovisuel extérieur constitue un outil essentiel pour le rayonnement de la France et de la francophonie.
Dans un contexte où une guerre d’influence fait rage partout dans le monde, il est important que la France et ses alliés francophones puissent faire valoir à la fois leur vision du monde mais aussi des valeurs essentielles comme celles de la démocratie, de l’État de droit et des droits de l’homme. Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe Horizons et Indépendants soutiendra ces crédits budgétaires.
M. Alain David, rapporteur pour avis. France Médias Monde est un outil important, la voix de la France. Il diffuse des valeurs démocratiques. Ce n’est pas un hasard si l’exclusion de la France du Sahel a débuté par l’exclusion de nos médias. Mais ils n’ont pas réussi à nous faire taire, nous conservons une voix forte en l’Afrique.
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Article 51 : Compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public
M. le président Bruno Fuchs. Je vous propose de passer au vote sur les crédits, en rappelant que le rapporteur formule un avis négatif.
La commission émet un avis défavorable à l’adoption des crédits du compte de concours financier Avances à l’audiovisuel public – Audiovisuel extérieur.
Avant l’article 66 :
Amendement II-AE115 de M. Alain David
M. Alain David, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à renforcer l’indépendance financière de TV5 Monde, l’une des deux composantes de l’audiovisuel extérieur, en organisant le versement précoce de l’intégralité de la fraction de TVA appelée à la financer.
J’ajoute que cet amendement, limité à TV5 Monde, s’inspire de celui de notre collègue Denis Masseglia. Ce dernier l’a fait adopter l’an dernier par la commission des finances afin que la dotation de l’audiovisuel public soit versée en une seule fois.
M. Frédéric Petit (Dem). Je souhaite revenir sur la prévisibilité des financements. Depuis une dizaine d’années, je préconise que nous travaillions sur la synchronisation des COM et des contrats d’objectifs et de performances (COP). Cette synchronisation permettrait d’aboutir à un engagement plus réaliste et plus parlementaire qu’une loi de programmation exceptionnelle.
M. Alain David, rapporteur pour avis. Je m’interroge. J’ai le sentiment que dans la nouvelle formule de gestion, la consultation de la commission des affaires étrangères devient moins incontournable et que les commissions des affaires culturelles du Sénat et de l’Assemblée nationale sont désormais prépondérantes. Je souhaite que nous fassions preuve de la plus grande vigilance dans ce domaine.
La commission adopte l’amendement.
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M. le président Bruno Fuchs. Le montant inscrit dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2026 au titre de la mission Aide publique au développement (APD) s’élève à 3,67 milliards d’euros en crédits de paiement.
Au sein de cette enveloppe, les dotations inscrites dans le programme 209, Solidarité à l’égard des pays en développement, pilotées par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères, s’établissent à 1,54 milliard d’euros, soit une diminution de 22 % par rapport à l’enveloppe allouée en 2025, elle-même substantiellement affectée par les réductions budgétaires qui se répètent depuis plusieurs années. Au vu de cette tendance fortement dégressive, force est de reconnaître que la France s’écarte durablement et significativement de l’objectif de 0,7 % du revenu national brut (RNB) consacrés à l’aide publique au développement, tel que fixé dans la loi du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales. Il y a quelques années, ce ratio atteignait 0,43 %.
Alors que les crédits connaissent une contraction notable, il nous appartient de rappeler l’importance de l’aide publique au développement comme investissement stratégique et élément de rayonnement de la France, tout en nous interrogeant sur son efficacité, comme le rapporteur pour avis s’y emploie régulièrement. Il est logique que nous nous assurions que chaque euro investi contribue réellement à son objet initial. J’insiste également sur l’exigence d’efficacité et de transparence. Sur ce point, nous pourrons compter sur la contribution de la commission d’évaluation de l’aide publique au développement, dont les membres viennent d’être désignés, conformément à la loi du 4 août 2021.
Le rapporteur pour avis a choisi de consacrer la partie thématique de ses travaux aux processus d’attribution et d’évaluation de l’aide publique au développement française, dans ses dimensions multilatérales et bilatérales. Nous pourrons nous rapprocher de la commission d’évaluation pour recueillir des éléments d’appréciation objectifs et instructifs sur l’aide consentie par la France à des pays partenaires moins avancés.
M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Pour la deuxième année consécutive, les crédits de la mission Aide publique au développement diminuent assez fortement – de 16 % en crédits de paiement –, ce dont je ne peux que me féliciter. Cette tendance de fond est partagée par la plupart des pays donateurs : les États-Unis de Donald Trump, dans une démarche très excessive qui a fait couler beaucoup d’encre, mais aussi le Royaume-Uni ou l’Allemagne ont nettement réduit leurs contributions.
La mission budgétaire compte cinq programmes, pilotés par trois acteurs : le ministère de l’Europe et des affaires étrangères, le ministère chargé de l’économie et des finances et l’Agence française de développement (AFD). Pour mémoire, ces cinq programmes sont le programme 110, Aide économique et financière au développement, qui voit ses crédits baisser de 15 %, soit 220 millions d’euros, jusque-là consacrés principalement à l’aide multilatérale ; le programme 209, piloté par le Quai d’Orsay, qui baisse de 16 % pour la coopération bilatérale et de 60 % pour la coopération multilatérale ; le programme 384, Fonds de solidarité pour le développement (FSD), dont l’abondement reste stable ; le programme 370, consacré à la restitution des biens mal acquis, qui n’est plus pourvu depuis que les différentes procédures engagées les années passées ont pris fin ; enfin, le programme 365, qui renforce les fonds propres de l’AFD à hauteur de 100 millions d’euros pour se conformer aux normes prudentielles européennes.
Je ne vous assommerai pas de chiffres. Après deux mois d’auditions, il me semble plus utile de partager avec vous quatre constats assez simples. Premièrement, l’APD française reste très éclatée, très morcelée, tant sur le plan thématique ou géographique que sur celui des canaux d’acheminement. Deuxièmement, elle demeure marquée par une forme d’inertie. Troisièmement, les projets conduits sont trop souvent en inadéquation avec les besoins des populations aidées et les intérêts de la France. Enfin, nous sommes bien placés pour le savoir, l’APD échappe en grande partie au contrôle parlementaire.
Premier problème : l’éclatement. La mission Aide publique au développement ne couvre qu’un quart de l’ensemble de l’aide publique comptabilisée par l’Organisation de développement et de coopération économiques (OCDE) : 3,7 milliards sur 13 milliards d’euros. Même à l’intérieur de la mission à proprement parler, le morcellement est évident : un même bénéficiaire – par exemple le Fonds vert pour le climat – reçoit des financements provenant de plusieurs programmes, en l’occurrence les 110 et 384. Cette dispersion, qu’on retrouve à tous les étages, complique le contrôle parlementaire. Je ne vais pas jusqu’à imaginer qu’elle soit délibérée mais une réorganisation s’impose pour faciliter le contrôle du Parlement.
Deuxième problème : l’inertie. En dépit des contraintes budgétaires, la France continue de financer, notamment par l’intermédiaire de fonds multilatéraux, des programmes dont elle maîtrise mal l’efficacité ou la cohérence politique. Il arrive ainsi que nous soutenions, via ces fonds, des pays du Sahel qui nous ont pourtant chassés de leur territoire. Aux termes de la loi de programmation de 2021, la composante multilatérale de l’aide française ne devrait pas dépasser 35 %. En pratique, ce ratio atteint 46 % pour la mission APD dans le PLF pour 2026, soit 11 points de plus. La contribution française à l’aide européenne au développement a elle aussi augmenté très rapidement et fortement, passant de 2,6 milliards d’euros en 2021 à 3,5 milliards en 2024. Elle s’établira encore à 127 millions d’euros cette année pour le seul périmètre de la mission, alors même que, comme je l’avais déjà signalé, les rapports consacrés à cette action par la Cour des comptes européenne dénoncent un véritable naufrage.
Cette inertie trahit une forme de laisser-faire. En 2024, 21 % des projets multilatéraux financés par la mission affichaient des résultats insatisfaisants, ce qui signifie que plus de 300 millions d’euros d’argent public ont été mal employés. Les écarts d’efficacité d’une action à l’autre sont d’ailleurs considérables. D’après le Centre de crise et de soutien du Quai d’Orsay, les quelques opérations humanitaires conduites par la France dans les zones de crise, directement ou à travers des organisations non gouvernementales (ONG), consacrent environ 30 % de leur budget aux frais de structure : logistique, frais de siège, transport, sécurité. Pour les missions onusiennes, ce taux peut doubler. Ainsi, sur 100 euros donnés aux agences de l’Organisation des Nations unies (ONU) ou à certains fonds, seuls 45 euros, voire moins, parviennent aux populations aidées. C’est du gâchis.
Troisième problème : le décalage entre les priorités affichées et les besoins réels. Les orientations de notre APD semblent répondre davantage à une communication diplomatique sur des sujets à la mode, comme le genre, qu’à une logique de résultats. Certains gouvernements bénéficiaires ont d’ailleurs compris qu’il suffisait de cocher le maximum d’objectifs de développement durable (ODD) pour obtenir des financements. La France finance ainsi des études – très – théoriques sur le genre et la fiscalité dans neuf pays africains, sans que cela corresponde à une demande réelle de ces pays. Il faut cesser de nourrir l’entre-soi d’ONG et de cabinets de conseil déconnectés du terrain.
Tout n’est pas pour autant à jeter dans l’aide publique au développement, loin de là : certains projets sont très utiles, voire indispensables, et la plupart sont menés par des professionnels compétents. Mais ils ne donnent presque jamais lieu à un retour d’expérience – un « Retex », diraient les militaires – ou à une correction de trajectoire. C’est là que le bât blesse. J’ai pu le constater à l’occasion de ma visite aux Comores l’an dernier : lorsque j’ai demandé si l’équipe de l’AFD qui était également présente sur place avait rédigé un rapport d’étonnement proposant des correctifs et documentant les aberrations et anomalies, on m’a transmis un document lénifiant n’appelant nullement à corriger le tir.
L’intérêt national n’est pas mieux pris en compte. L’AFD se félicite d’un taux de retour très élevé pour les entreprises françaises : 83 % des projets exécutés en 2024 impliqueraient un acteur français, public ou privé. Mais ce chiffre avancé dans l’enquête Empreinte France est trompeur : il englobe les cas où une entreprise française participe simplement à un appel d’offres, et même les opérations conduites dans les outremers, c’est-à-dire sur le territoire national. En réalité, les marchés les plus importants bénéficient souvent à des entreprises étrangères. À titre d’exemple, 15 % des appels d’offre internationaux de l’AFD, soit 195 millions d’euros, sont remportés par des entreprises chinoises. Les contribuables apprécieront.
Nos voisins italiens ont compris que l’aide peut servir leurs intérêts. Ils conditionnent leur soutien à des engagements concrets en matière de migration, imposant un contrôle strict des départs et des procédures de réadmission, mais aussi en matière de coopération économique : même si l’aide n’est pas formellement liée, ils s’arrangent pour que les entreprises italiennes en bénéficient à plein. Même le directeur général de l’AFD, Rémy Rioux, insiste sur la nécessité d’utiliser l’aide au développement comme un outil de régulation des flux migratoires. Le gouvernement continue pourtant de faire de cette préoccupation la dernière roue du carrosse.
Quatrième problème structurel : le manque de pilotage et de transparence. Si les crédits baissent, les orientations politiques restent floues. Le Conseil présidentiel du développement a été remplacé par un Conseil présidentiel pour les partenariats internationaux (CPPI) mais ce changement sémantique ne marque pas un changement de méthode. Ce conseil créé sans aucune base juridique concentre l’essentiel des décisions : le comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) ne s’est pas réuni depuis 2023, le Parlement n’a pas été consulté depuis 2021 et l’Agence française de développement elle-même se plaint des objectifs trop nombreux qui lui sont assignés. Leur nombre est passé de vingt-quatre à dix mais, de l’aveu même de M. Rioux, ce chiffre reste trop élevé, d’autant qu’ils sont mal hiérarchisés.
L’administration, faute de pilotage politique, décide donc elle-même. Le ministre des affaires étrangères a demandé pour la première fois, en 2025, à être informé des projets validés par son administration. Il était temps ! Le Parlement, lui, n’a toujours pas reçu le contrat d’objectifs et de moyens (COM) de l’AFD pour la période 2022-2025, alors qu’il lui était promis depuis 2022. On nous l’annonçait imminent au printemps, brûlant à l’été, bientôt pour la rentrée ; il ne viendra jamais ! Cette attitude contrevient aux règles de droit et au principe du consentement à l’impôt. Nous ne devons pas nous laisser faire.
Enfin, il ne saurait y avoir de pilotage sans évaluation. Ces évaluations existent mais elles sont presque trop nombreuses : trop de reporting tue le reporting, les fonctionnaires interrogés en conviennent. La plupart du temps, leur travail consiste d’ailleurs à mesurer ce qu’ils n’ont pas le temps de faire, dans une véritable quantophrénie : ils recueillent des dizaines d’indicateurs mais s’attardent rarement sur l’impact réel des actions conduites – et, quand ils le font, c’est pour conclure qu’il peut difficilement être mesuré. Même lorsqu’une évaluation montre l’inefficacité d’un projet, rien ne change : il y a une véritable inertie, une hystérèse. La France a par exemple dépensé 39 millions d’euros pour soutenir un programme d’inclusion financière numérique des femmes en Afrique, en partenariat avec la Fondation Bill et Melinda Gates. Malgré un rapport concluant à son absence total d’effets, 2 millions d’euros supplémentaires seront alloués en 2026 à cette opération de dame patronnesse. Je rappelle que l’entreprise Microsoft a dégagé 88 milliards de dollars de bénéfices en 2024. Là aussi, le contribuable français appréciera.
Je place peu d’espoirs dans la nouvelle commission d’évaluation de l’APD, dont la composition ne me semble pas vraiment une marque d’impartialité, mais nous jugerons sur pièces. Ses rapports auront au moins le mérite d’être transmis au Parlement.
Tous les défauts que j’ai évoqués s’additionnent et se renforcent les uns les autres, alors même que la contrainte budgétaire s’accentue. Il est urgent de réformer en profondeur la politique d’aide publique au développement, qui est effectivement très importante pour la France comme pour les pays aidés, et d’adopter une nouvelle loi de programmation. Mon groupe appelle depuis longtemps, non pas à réduire notre solidarité internationale, mais à la rendre plus efficace, plus lisible et plus conforme à l’intérêt de la France. Si la baisse des crédits traduit un effort de rationalisation, elle ne règle nullement les problèmes structurels. Tant que l’architecture restera en place, l’argent public sera mal orienté et le Parlement mal informé.
M. le président Bruno Fuchs. Nous entendons maintenant les orateurs des groupes politiques.
M. Jean-Paul Lecoq (GDR). Contrairement à ce que pense le gouvernement et à ce que suggère le rapporteur pour avis, l’aide publique au développement n’est pas un investissement sur lequel nous devrions espérer un retour – en tout cas, pas au sens où ils l’entendent. Cette aide, que le président de la République veut renommer par la grâce d’un énième coup de communication, à défaut de défendre des projets innovants et foncièrement bons pour la société et l’égalité, n’est pas un produit financier. Elle est un outil de justice et d’égalité, une politique publique visant à promouvoir des valeurs et des droits que la France juge universels : la santé, l’éducation, l’accès à l’électricité, à l’eau potable, à un emploi digne et à de la nourriture en quantité et qualité suffisantes, l’égalité des genres.
Les effets d’affichage ne suffisent pas : il faut se donner les moyens de son ambition. Nous regrettons les baisses drastiques des budgets consacrés aux actions multilatérales, alors que les instances concernées sont garantes du respect du droit international.
L’aide publique au développement permet de financer des actions préventives primordiales, voire vitales. En finançant des services minimums de santé et d’éducation, on renforce toute la chaîne de sécurité, donc la stabilité des pays aidés, ce qui permet d’éviter certains conflits et des violences à grande échelle. Le financement de l’éducation dans le monde peut ainsi réduire de 70 % les risques d’attaques terroristes entre pays, tandis que les actions en faveur de la santé ont permis de faire reculer des maladies, voire d’en éradiquer certaines.
L’aide publique au développement française favorise aussi l’emploi : toutes les associations dépendant de ces fonds seront contraintes d’interrompre leurs projets ou de les revoir à la baisse, donc de supprimer des emplois. La révision ou l’arrêt de quelque 600 projets entraînera ainsi la suppression de près de 5 000 emplois et affectera plus de 7 millions de bénéficiaires.
Ne faisant pas partie des députés récemment invités par le ministère à échanger sur l’aide publique au développement, je m’en tiens là. Je m’interroge cependant : comment les participants à cette réunion ont-ils été choisis ? Cette décision vous est-elle revenue, monsieur le président ?
M. le président Bruno Fuchs. Elle n’était évidemment pas de mon fait.
Mme Nadège Abomangoli (LFI-NFP). On trie donc les députés selon leur étiquette.
M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Oui, exactement.
M. le président Bruno Fuchs. Je vous propose de discuter de cette question en marge de nos débats du jour.
M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Il est effectivement étrange que notre ancienne collègue Eléonore Caroit, récemment nommée ministre déléguée chargée de la francophonie, des partenariats internationaux et des Français de l’étranger, ait décidé de réunir des députés pour parler d’aide au développement sans convier les principaux concernés : moi-même mais aussi les collègues qui siègent au conseil d’administration de l’AFD, par exemple. Il s’agissait visiblement d’une petite réunion entre amis. Tout cela n’est pas très respectueux du Parlement ni des oppositions.
J’estime en effet que l’aide au développement doit se traduire par un retour sur investissement ; contrairement à vous, je considère que ce dernier ne doit pas exclure l’intérêt des Français. Nous serons au moins d’accord sur un point : ce retour sur investissement doit avant tout profiter aux populations aidées. Or ce n’est bien souvent pas le cas car l’aide s’adresse à des gouvernements défaillants, ou elle se perd dans les méandres d’une bureaucratie internationale qui consomme énormément d’argent. C’est pour cette raison que nous privilégions une approche bilatérale.
Il nous semble, comme à vous, que l’accès à l’eau, à l’énergie, au transport et à des services de santé minimum devrait être la base de notre action : sans cela, il n’y a pas de développement. Pourtant, dans de nombreux cas, on préfère payer très cher des cabinets de bobos parisiens pour qu’ils créent des workshops et aillent expliquer aux femmes africaines ce qu’est l’égalité de genre vue depuis la Rive gauche. On rêve ! Le temps des colonies, c’est fini ! Les femmes africaines sont de grandes personnes, qui méritent d’être respectées.
Mme Dieynaba Diop (SOC). Les femmes africaines n’ont pas besoin de vous.
M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. De vous non plus.
M. le président Bruno Fuchs. De tels cabinets de conseil existent peut-être mais on ne peut pas dire qu’ils représentent la majorité des acteurs impliqués dans l’aide publique au développement !
M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Je retire le terme « bobos », qui est trop polémique. Disons que ce sont des cabinets spécialisés dans des thématiques très à la mode.
M. Michel Guiniot (RN). L’aide publique au développement est un outil économique puissant pour assurer notre présence à l’étranger, nous faire connaître et permettre à l’excellence française de s’exprimer. Toutefois, cette belle mission est totalement dévoyée lorsqu’elle se traduit par des financements hautement discutables qui nuisent à l’image de notre pays à l’étranger. Un chiffre de votre rapport pour avis m’a particulièrement marqué : en 2024, la France versait 141 millions d’euros de dons à l’Algérie, pour le résultat que nous connaissons. La majorité de l’Assemblée nationale s’est pourtant accordée sur la nécessité de faire cesser les largesses françaises envers l’Algérie et de revenir sur l’accord de 1968.
Je m’interroge aussi sur le Conseil présidentiel pour les partenariats internationaux. Le dernier relevé de décision qu’il a produit, daté du 6 avril 2025, ne fait que réaffirmer les décisions de 2023. Au-delà du fait que cet organisme ne repose sur aucune base juridique, il semble ne rendre de comptes qu’au président de la République, ce qui peut paraître surprenant dès lors que celui-ci en nomme manifestement les membres ! Le document de politique transversale consacrée à la politique française en faveur du développement se contente de préciser que le CPPI « a réaffirmé le virage pris en 2023 » mais à quel titre le fait-il ? Pourquoi l’orange budgétaire comporte-t-il un objectif DPT-2684 intitulé « part des crédits bilatéraux du programme dédiés aux priorités du CPPI », alors que ces priorités devraient être définies dans la loi ?
Il est aussi particulièrement surprenant de constater, à la lecture des différents rapports ministériels consacrés à l’aide publique au développement, que ces derniers recommandent de cesser de gérer nos finances de façon aussi dispendieuse. Nous aurons l’occasion d’y revenir avec nos amendements.
Enfin, comme vous le notez dans votre rapport pour avis, les gouvernements successifs s’obstinent depuis 2021 à ne pas respecter la loi qui leur impose de consacrer 65 % de l’aide publique au développement à sa composante bilatérale. Avant l’adoption de la loi de programmation, ce taux était la norme. Depuis, il est en chute libre ; il s’établira à 56 % en 2026. Comment la représentation nationale peut-elle contraindre l’Exécutif à respecter ses objectifs en la matière, en attendant que nous puissions nous en charger directement ?
M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. L’article 53 de la Constitution dispose en effet que les traités et accords internationaux engageant les finances de l’État ne peuvent être approuvés qu’en vertu d’une loi. Le principe du consentement à l’impôt doit également être respecté.
Ce que vous dites sur le plan institutionnel est d’autant plus vrai que le chef de l’État – dont j’entends bien qu’il dispose, conformément à la tradition non écrite de la Ve République, d’un domaine réservé – peut, en marge de sommets internationaux, choisir seul de verser plusieurs milliards d’euros à des fonds verticaux ; après quoi, ses décisions, qui lient l’administration, nous sont présentées en projet de loi de finances sans avoir été contrôlées par personne. L’administration fait très bien son travail mais il s’agit, précisément, d’un travail administratif, consistant à vérifier le respect des procédures et des règles applicables en matière de lutte contre la corruption et de contrôle prudentiel : par définition, elle n’a pas à juger de l’opportunité politique des décisions. Les engagements pris par le président de la République, généralement pour promouvoir les thématiques à la mode mises en avant dans les ODD – dont certaines sont importantes, je le reconnais – s’appliquent donc sans aucun contrôle politique. Le gouvernement ne fait qu’entériner les choix ; l’AFD fait ce qu’on lui demande de faire, en regrettant souvent que son activité soit insuffisamment cadrée ; et le contrôle parlementaire est totalement défaillant.
M. Vincent Ledoux (EPR). Je tiens à rappeler l’importance stratégique de l’aide publique au développement : ce n’est pas un luxe, et encore moins une marque de naïveté, mais un instrument de paix, de stabilité et d’influence, un levier concret pour défendre nos intérêts et nos valeurs dans un monde en recomposition. Le rapport pour avis qui nous est présenté contient beaucoup d’éléments à charge, dont l’agrégation pourrait nous faire hurler de douleur et de colère.
Je ne dis pas qu’il ne faut rien changer, bien au contraire ; c’était tout l’objet du travail que nous avions conduit avec Hervé Berville. Il nous faut repenser nos modes d’action, revoir un logiciel qui est parfois dépassé et mettre fin à des habitudes qui ont pu diluer notre efficacité. Nous devons désormais privilégier une logique de partenariat gagnant-gagnant, où l’aide crée des chaînes de valeur ici et là-bas, au bénéfice des populations locales et de notre économie nationale.
Les crédits de la mission budgétaire reculent certes de près de 16 % mais nous saluons la sanctuarisation du Fonds de solidarité pour le développement, la préservation et la capacité d’action de l’AFD et de l’aide humanitaire, ainsi que le ciblage renforcé en faveur des pays les plus vulnérables. C’est un budget de rigueur et de responsabilité qui nous est présenté. La rigueur ne doit cependant pas étouffer l’action sur le terrain. D’après le réseau Lianes Coopération, actif chez moi, dans les Hauts-de-France, la baisse du soutien à la coopération décentralisée et au volontariat fragilise les dynamiques locales qui sont pourtant le cœur battant de la diplomatie de proximité. Les territoires, les associations, les universités, les collectivités incarnent la France au quotidien ; elles tissent la confiance et font vivre nos engagements.
Au-delà des chiffres, il y a des valeurs. La France n’a pas à rougir des siennes : elles ont inspiré bien des peuples. Mais nous ne devons pas les imposer. Nous devons les partager avec humilité, dans le respect des cultures et des souverainetés, tout en restant fermes sur ce qui doit constituer des standards mondiaux : les droits humains, la dignité, l’égalité entre les femmes et les hommes, la liberté de conscience et d’expression. Sur ces fondamentaux, nous ne devons pas fléchir.
Entre ceux qui veulent tout couper et ceux qui veulent tout dépenser, notre cap reste le même : dépenser mieux, agir plus efficacement et faire de la solidarité un moteur de réciprocité et de progrès partagé. C’est dans cet esprit de soutien lucide, de vigilance constructive, que notre groupe votera les crédits de la mission Aide publique au développement, tout en saluant le travail du rapporteur pour avis, qui nous a éclairés, même si c’était le plus souvent en creux.
M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. La colère est mauvaise conseillère. Quant à la douleur, elle peut faire réfléchir. Comme disaient les Grecs, pathemata mathemata : la douleur est mon école.
Nous n’avons pas de conflit de valeurs avec la politique qui est conduite : nous sommes attachés à l’aide au développement. Nous avons, en revanche, un conflit technique né de la nécessité, dans cette période de contrainte budgétaire extrême et d’envolée des taux d’intérêt, d’économiser chaque dernier des Français. Il est de notre responsabilité de nous assurer que notre argent aide réellement les populations visées.
Il ne s’agit pas de jeter l’opprobre sur les grands fonds, dont certains sont utiles et efficaces. Seulement, les abonder sans contrôle réel, comme nous le faisons – ce sont le Trésor et la Cour des comptes qui le disent – n’est plus acceptable. Cette inertie, cette habitude de remettre toujours une pièce dans le jukebox doivent être dénoncées, d’autant qu’il existe des canaux d’aide bilatérale qui permettent un meilleur contrôle et des frais de structure moindres. Je prône donc à la fois une réallocation de l’aide et une véritable reprise en main politique, qui nous permettraient, grâce à une action plus efficace, d’améliorer le sort des populations tout en dépensant moins d’argent. Nombre des fonctionnaires que j’ai interrogés partagent ce constat.
M. Pierre-Yves Cadalen (LFI-NFP). Le gouvernement veut sabrer brutalement dans l’aide publique au développement : après 1,5 milliard d’euros de coupes budgétaires l’an dernier, voici plus de 700 millions supplémentaires de coupes prévues par Lecornu, Macron et leurs troupes. Alors que les États-Unis d’Amérique attaquent frontalement l’Organisation des Nations unies et les acteurs de la solidarité internationale, la France doit refuser de suivre la même pente. La solidarité internationale ne se paye pas de mots : elle se paye en finançant des actions concrètes pour la santé, avec des campagnes de vaccination et des programmes d’accès aux soins, pour les droits sexuels et reproductifs afin que les femmes disposent librement de leur corps et pour l’égalité de genre, pour l’éducation en favorisant l’achat de matériel là où il manque, pour les droits des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres (LGBT) en protégeant les individus exposés à des violences en raison de leur orientation sexuelle, pour l’alimentation et la lutte contre la famine en finançant l’aide alimentaire et des projets d’agriculture vivrière, pour la bifurcation écologique afin de suivre la trajectoire mondiale de décarbonation.
Toutes ces initiatives ont un but concret : la contribution de la France à la défense des droits universels. Je trouve particulièrement choquant que le rapporteur pour avis de cette mission soit un ennemi avoué des droits humains. Voici ce que Guillaume Bigot disait jeudi dernier dans l’hémicycle : « Nous ne connaissons qu’une seule différence, celle qui existe entre les citoyens et les non-citoyens, c’est-à-dire entre les citoyens français et les étrangers. Les citoyens français, quelles que soient leurs origines, sont nos frères et nos égaux. ». Et les étrangers, alors ? Ne sont-ils pas nos frères et nos égaux ? Le rapporteur pour avis serait bien inspiré de relire l’article 1er de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune. ». Quelle utilité commune y a-t-il à ce que des êtres humains meurent de faim sans que la solidarité internationale s’organise ? Quelle utilité commune y a-t-il à laisser mourir des malades du syndrome d’immunodéficience active (SIDA) qui pouvaient jusqu’à présent compter sur l’aide internationale pour accéder aux médicaments ?
Les mêmes forces qui s’en prennent à la solidarité nationale s’opposent à la solidarité internationale, en adversaires résolus de l’égalité humaine. Il faut d’urgence augmenter les crédits dévolus à la solidarité internationale. La France ne peut, certes, pas compenser à elle seule l’égoïsme des États-Unis d’Amérique et leur retrait inadmissible mais elle doit prendre sa part. Avec le budget qui nous est proposé, elle ne le fait absolument pas : elle emprunte la voie tracée par le chef d’État nord-américain.
Nous nous opposons donc à ce budget particulièrement violent pour les personnes qui bénéficient de l’aide publique au développement ainsi que pour celles et ceux qui la mettent en œuvre.
M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Je regrette que vous déplaciez le problème sur le terrain des principes et de la morale. Vous cherchez systématiquement des conflits de valeurs. Quand je dis qu’il y a une différence, en République, entre ceux qui sont citoyens et ceux qui ne le sont pas, je ne nie pas l’égalité de principe entre tous les hommes et femmes – quelle que soit leur origine, qu’ils soient citoyens ou non – proclamée par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Simplement, ne vous en déplaise, dans toute République, une distinction s’opère entre ceux qui ont des droits politiques parce qu’ils sont des nationaux et les autres. Peut-être que cela vous défrise ; peut-être voulez-vous une République mondiale ? Ce n’est pas notre cas. Les débats auxquels vous faites référence portaient sur le droit des étrangers. Or il ne vous aura pas échappé que les étrangers et les citoyens n’ont pas les mêmes droits sur un territoire national, y compris pour en franchir les frontières. C’est une évidence qui vaut d’ailleurs pour tous les pays du monde mais l’universalité est visiblement un concept qui vous fait un peu « bugger ».
Vous vous livrez aussi à une sorte de chantage moral : si on diminue des crédits pour les rebasculer vers des opérations mieux contrôlées et plus efficaces pour les populations aidées, c’est qu’on veut laisser les gens mourir de faim ou de maladie. Vous êtes dans l’excès au point de desservir votre propos.
M. Pierre-Yves Cadalen (LFI-NFP). Lisez The Lancet !
M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Je comprends que vous m’opposiez des arguments, dont certains sont d’ailleurs valables – je ne détiens pas la vérité et nous sommes au Parlement pour débattre –, mais ce genre de propos est tout simplement grotesque.
Je ne sais pas si vous êtes le représentant de Chávez mais, en tout cas, je ne suis nullement le représentant de Trump.
M. Pierre-Yves Cadalen (LFI-NFP). Vous vous félicitez de sa politique dans votre rapport pour avis.
M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. M. Rioux lui-même explique très clairement que la politique d’aide au développement n’est pas majoritairement une politique humanitaire visant à aider des gens confrontés à des situations de détresse, de famine ou de maladie. Ayant muté à la faveur de la mondialisation, elle consiste désormais, pour l’essentiel, à aider le secteur privé dans des pays qui sont eux-mêmes en plein décollage économique. On nous explique d’ailleurs qu’elle rapporte de l’argent. Je crois que nous pouvons nous rejoindre pour nous demander s’il est réellement intéressant, pour la France, d’aider ses concurrents économiques. M. Rioux vous dira que c’est formidable car cela nous permet de rayonner et de nous faire des alliés. Pour ma part, je crois que nous sommes plutôt d’accord pour dire que l’aide au développement devrait d’abord être ciblée vers les pays les plus pauvres, ce qui ne me semble pas être tout à fait le cas.
Mme Dieynaba Diop (SOC). Je suis estomaquée par vos contradictions. Vous reconnaissez l’utilité de certaines actions et vous vous présentez comme l’ardent défenseur du rayonnement de la France dans le monde mais vous vous félicitez de la baisse des crédits.
L’aide publique au développement, ce n’est pas de la charité. C’est un outil de stabilité et de développement. L’Assemblée nationale a décidé en 2021 d’y consacrer 0,7 % du RNB.
En coupant drastiquement les crédits de l’APD, la France prend le chemin d’un double renoncement : elle affaiblit la société civile et elle tourne le dos à ses engagements internationaux. Pour mémoire, ce ne sont pas moins de cinq baisses successives qui ont frappé l’APD, cinq reculs qui obéissent à une même logique : faire de la solidarité internationale une simple variable d’ajustement budgétaire.
Le programme 209, doté de 1,5 milliard d’euros en crédits de paiement, baisse de 22 % par rapport à 2025 et de 54 % par rapport à 2024. Quant aux autorisations d’engagement, qui s’élèvent à 1,1 milliard d’euros, elles sont en diminution respectivement de 35 % et 65,6 %. Le programme n’a jamais atteint un niveau aussi bas depuis sa création en 2006.
L’APD n’est pas qu’une ligne comptable ou, pire, un devoir de charité à l’égard des pays les plus pauvres. Des millions de vies en dépendent : pour beaucoup, enfants, femmes, hommes, elle est déterminante, voire vitale.
Elle est utile à la prévention des crises, à la lutte contre la pauvreté et contre le changement climatique. Elle permet de développer l’accès à l’eau potable, de soutenir l’éducation des filles, ou encore de renforcer les systèmes de santé face aux pandémies. Contrairement aux allégations de l’extrême droite, chaque euro versé ne disparaît pas.
Je le dis avec gravité, affaiblir l’aide publique au développement, c’est renier le principe même d’une humanité commune.
M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. La part de l’APD au profit des populations dont les besoins basiques – accès à l’eau, à la nourriture, aux médicaments – ne sont pas pourvus est de plus en plus réduite, nous le regrettons. L’AFD est de moins en moins un acteur de l’aide humanitaire et de l’aide aux pays les plus pauvres ; elle agit de plus en plus comme une banque publique d’investissement, qui accompagne le développement.
Je ne vois pas de contradiction dans la position que je défends : en quoi le fait de dépenser de l’argent pour des études sur la fiscalité et le genre va aider les gens qui ont des problèmes d’accès à l’eau potable ? Expliquez-moi. Je pense à ces cabinets où travaillent, si ce n’est des bobos, des gens convaincus par cette idéologie : ils organisent des ateliers avec des employés des ministères locaux – pas la population –, qui viennent écouter la bonne parole, comme autrefois celle des missionnaires. Une fois l’atelier terminé, ces gens repartent satisfaits d’avoir rempli les ODD. En quoi cela a-t-il aidé les populations dans la difficulté ?
M. Pierre-Yves Cadalen (LFI-NFP). On va vous expliquer.
M. le président Bruno Fuchs. Ce que vous évoquez ne représente pas une large part des dépenses au titre de l’APD.
M. Michel Herbillon (DR). La mission Aide publique au développement est particulièrement touchée par les coupes budgétaires.
L’adoption sans opposition de la loi de programmation en 2021 témoigne de l’attachement de la représentation nationale à l’APD.
En 2026, 60 % des crédits seront consacrés aux pays les plus vulnérables, dont les pays les moins avancés (PMA) et ceux particulièrement vulnérables au changement climatique ou en situation de grande fragilité financière, en s’appuyant notamment sur l’indice de vulnérabilité multidimensionnelle de l’ONU. Sur le plan bilatéral, des projets concrets seront lancés ou se poursuivront, tel que le soutien à l’Ukraine. L’aide en faveur des PMA passera par des aides budgétaires globales. Une dotation de 100 millions d’euros est prévue pour renforcer les fonds propres de l’AFD. Enfin, la mission budgétaire finance la contribution de la France à la reconstitution des fonds généralistes et verticaux en matière de santé ou d’environnement.
J’ai fait un rapide calcul à partir des soixante-quinze amendements déposés sur le bureau de notre commission : en enlevant les doublons, si tous les amendements demandant une levée de gage étaient adoptés, la dépense supplémentaire s’élèverait à plus de 8 milliards d’euros, ce qui est problématique eu égard à la situation budgétaire de notre pays.
Le groupe Droite républicaine prend acte de la baisse des crédits et votera en leur faveur, tout en regrettant que les efforts, certes modestes, engagés ces dernières années ne soient pas poursuivis. En cette période où il est beaucoup demandé aux Français, il est logique que le budget de l’APD soit aussi mis à contribution. Les crédits permettent néanmoins à la France de maintenir ses engagements internationaux.
Les députés du groupe Droite républicaine demanderont le renforcement de la transparence et l’évaluation de l’aide, qu’ils voudraient voir conditionnée à la délivrance des laissez-passer consulaires afin de permettre le renvoi dans leur pays d’origine des individus sous obligation de quitter le territoire français (OQTF).
M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Vous soulignez, à juste titre, la situation budgétaire très tendue de notre pays, dont nous devrons tenir compte lors de l’examen des amendements.
Prétendre que mon groupe est inféodé à Donald Trump est absolument risible. Il n’est pas question pour nous de supprimer l’intégralité de l’APD mais simplement d’intégrer la contrainte budgétaire, au demeurant très forte.
L’objectif de 0,7 % du RNB n’a jamais été atteint. États-Unis mis à part – ils s’inscrivent dans une autre logique –, la plupart des pays de l’OCDE ont revu à la baisse le budget consacré à l’APD : au Royaume-Uni, il est ainsi passé de 0,5 % à 0,3 % de son RNB et en Allemagne, de 0,67 % à 0,5 %.
Mme Clémentine Autain (EcoS). Je ne comprends pas bien le choix de notre commission de confier un tel rapport à un représentant du Rassemblement national. Chacun en voit ce matin le résultat en entendant la lecture que vous en faites et votre mépris pour la solidarité.
Le budget 2026 est marqué par un effondrement inédit de notre effort de solidarité internationale, et vous vous en félicitez. Par rapport à 2025, la baisse des moyens est de 16 % ; sur deux ans, elle atteint 2,3 milliards d’euros. Il s’agit pourtant de notre contribution pour soutenir les droits humains, la justice climatique, la santé mondiale ou encore l’éducation pour toutes et tous. Notre pays compte parmi les principaux contributeurs à la sécurité sanitaire mondiale. Parmi les objectifs qui sont assignés à l’APD figure l’égalité entre les hommes et les femmes, que vous contestez avec un mépris vraiment effrayant. Vous la qualifiez de sujet à la mode, tout à votre obsession à l’égard du genre, alors que ce terme ne recouvre rien d’autre que la compréhension des inégalités entre les hommes et les femmes.
Au moment où Donald Trump se désengage massivement de la solidarité internationale, ce serait une honte et un affaiblissement de notre influence à travers le monde que de voter ce budget.
En 2021, par la voix d’Emmanuel Macron, la France s’était solennellement engagée à consacrer 0,7 % de son RNB à l’APD d’ici 2025, conformément à l’objectif des Nations unies. Si nous votions ce budget, nous reviendrions à 0,38 %, soit le niveau de 2016. Dix ans de recul en deux exercices budgétaires, voilà le résultat du pilotage de cette mission budgétaire. Franchement, c’est un désastre. Et vous n’avez que des mots creux pour critiquer tous azimuts la ventilation de ce budget dont l’efficacité manquerait de clarté.
J’ai de très nombreuses critiques à émettre sur l’évolution de l’APD – je l’ai déjà dit au sein de cette commission – mais, de votre côté, vous êtes plutôt fidèle au dicton « Qui veut tuer son chien l’accuse de la rage ».
Mon collègue disait tout à l’heure que nous ne devons pas attendre de retour sur investissement – évidemment, il s’agit de droits humains – mais il y en a bien un : l’APD comme la diplomatie sont indispensables pour parvenir à la paix et à des relations plus apaisées à travers le monde.
M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Je ne manifeste aucun mépris vis-à-vis de l’égalité entre les hommes et les femmes. Le respect de tous, partout dans le monde, est un sujet crucial mais il faut faire avec la complexité du monde.
Pardon de revenir à l’exemple des Comores. Je me doute bien que la situation des femmes y est très difficile. J’ai visité un dispensaire dans lequel était installé un bureau réservé à l’accueil des femmes victimes de violences. L’ordinateur n’était pas branché, les dossiers étaient vides et on m’a expliqué que les chances d’y voir des femmes étaient minces tant le contrôle social exercé était dissuasif. Il est de notre responsabilité politique de s’assurer que les décisions que nous prenons s’inscrivent dans la réalité et que l’aide que nous apportons est efficace et pertinente.
Oui, il y a une baisse des crédits. Arrêtez de nous parler de Donald Trump, nous ne sommes pas de ses partisans. La France reste le cinquième donateur mondial alors qu’elle occupe désormais, en raison de la gestion calamiteuse des dernières années, le septième rang de l’économie mondiale. L’Union européenne ne pèse plus que 15 % du revenu mondial mais elle verse 40 % de l’APD mondiale. Vous ne pouvez donc pas accuser notre pays de ne pas agir et de ne pas aider. La France aide à la hauteur de ses moyens, qui sont aujourd’hui limités, raison de plus pour être très attentifs à l’utilisation efficace des deniers publics. Si cela vous pose problème, tant pis.
M. Frédéric Petit (Dem). Monsieur le rapporteur pour avis, je vous adresserai une lettre pour mettre en exergue les contradictions dont votre rapport est truffé. Je n’en donnerai que quelques exemples : vous confondez « éclaté » et transversal ; votre présentation portait sur l’AFD – vous avez abondamment cité M. Rioux – et non sur l’APD, alors que 80 % des financements de l’AFD ne proviennent pas de fonds publics. On vous a demandé de rapporter sur une mission budgétaire financée par le contribuable, pas sur l’AFD, ni sur 18 milliards d’euros d’APD.
En ce qui concerne l’exemple que vous avez mentionné sur le genre, non seulement l’aide s’adresse aux ministères qui veulent développer l’emploi des femmes mais elle n’est pas financée par de l’argent public. Aux Comores, ce ne sont pas des fonctionnaires venus de France qui gèrent le fameux bureau, c’est un ministère et le projet est financé par des prêts.
Vous faites une énorme confusion s’agissant du rôle du Parlement. L’un de vos collègues a prononcé cette phrase extraordinaire : par quels moyens le Parlement peut-il contraindre l’Exécutif ? Mais contraindre, ce n’est pas le rôle du Parlement !
Vous dites que le Parlement n’a aucun moyen ; c’est faux. Vous communiquez à tort et à travers. Vous saisissez toutes les opportunités de faire le buzz. Mais le politique n’est pas désarmé puisque depuis la loi de 2021, huit parlementaires siègent au conseil d’administration de l’AFD, qui compte quatorze membres. Nous passons tout en revue. C’est ainsi que le contrôle s’exerce.
Vous dites qu’on ne contrôle pas ces 18 milliards d’euros : évidemment, puisqu’ils ne viennent pas seulement de l’État ! Les collectivités territoriales financent aussi, donc elles contrôlent aussi. Il est normal que les sommes soient contrôlées par ceux qui les versent. Vous confondez effet de levier et colonialisme.
Vous écrivez que la Mission des Nations unies au Soudan du Sud (MINUSS) « ne peut pas imposer la paix » : vous confondez l’échec évident du maintien de la paix et le retrait de l’aide humanitaire.
Le vote du groupe Les Démocrates sur les crédits est conditionné à l’adoption du seul amendement qu’il a déposé et qui vise à aider la société civile, la plus menacée d’effondrement.
M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Dans l’introduction, je m’interroge sur le périmètre de la mission budgétaire et sur sa pertinence pour apprécier l’efficacité de nos actions en termes d’APD. Le reste de mon rapport est entièrement consacré à la mission stricto sensu.
L’Exécutif n’a pas à être contraint mais il doit être contrôlé. Vous me faites le reproche de confondre APD et AFD mais je peux vous le retourner puisque, pour preuve de l’effectivité du contrôle, vous mettez en avant la présence des parlementaires au conseil d’administration de l’AFD. Je ne confonds pas APD et AFD ; je reconnais les effets de levier et les résultats positifs de cette banque publique de développement à l’échelle mondiale qu’est devenue l’AFD mais, puisqu’elle prétend faire des bénéfices, pourquoi faudrait-il sans cesse lui verser de l’argent public ? Nous devons pouvoir l’expliquer aux contribuables.
M. Frédéric Petit (Dem). Il faut le faire parce que l’AFD nous appartient.
M. Bertrand Bouyx (HOR). Le groupe Horizons et indépendants salue l’effort budgétaire que représente cette mission. Malgré le contexte de redressement des finances publiques, la France assume une politique de solidarité internationale responsable. Préserver notre crédibilité financière, c’est aussi garantir la soutenabilité de notre aide et la confiance de nos partenaires. En conciliant maîtrise de la dépense et priorités stratégiques, il est possible d’être à la fois rigoureux sur les comptes publics et ambitieux sur la scène internationale.
Nous saluons la modernisation et la cohérence d’ensemble de la politique d’aide au développement. La transformation du Fonds de solidarité pour le développement, la restitution des biens mal acquis et la consolidation des fonds propres de l’AFD renforcent la lisibilité, la transparence et la crédibilité de notre action internationale. Nous avons ainsi la garantie que chaque euro d’aide est traçable, efficace et aligné sur les priorités françaises.
Nous saluons également les orientations fixées par le Conseil présidentiel des partenariats internationaux et le CICID : accélérer la sortie du charbon, protéger les forêts et la biodiversité, investir dans la jeunesse, l’éducation, la santé et les infrastructures durables, soutenir l’entrepreneuriat africain, défendre les droits humains et l’égalité entre hommes et femmes, lutter contre l’immigration irrégulière. Ces dix priorités définissent une politique à la fois solidaire et stratégique au service du développement durable et de la stabilité mondiale. Pour toutes ces raisons, le groupe Horizons et indépendants votera en faveur des crédits de la mission budgétaire.
M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Je prends acte de vos propos.
Je précise que, alors que monsieur Petit a affirmé que le conseil d’administration de l’AFD compte huit parlementaires membres, évidemment, c’est faux : il y a quatre titulaires et quatre suppléants.
M. Frédéric Petit (Dem). Ils peuvent tous assister aux réunions.
Mme Marine Hamelet (RN). Mais les suppléants ne votent pas !
M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Fabriquer une fausse complexité et des vérités approximatives, c’est vraiment la marque de fabrique du macronisme !
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires reconnaît évidemment la nécessité de l’APD mais s’interroge sur certains projets et s’abstiendra sur le vote des crédits.
Je souhaite revenir sur les incohérences de notre politique d’aide publique au développement aux Comores. En novembre 2024, j’avais déjà, ici, dénoncé son inefficacité. Vous aviez affirmé, monsieur le rapporteur pour avis, avoir établi que cette aide était inefficace et, pire, qu’elle se retournerait contre nous, les autorités comoriennes nous menaçant de lâcher la bride sur les départs vers Mayotte si nous retirions l’aide française.
Comme vous l’aviez prédit, les Comores exercent toujours sans vergogne leur chantage migratoire. Profitant de la destruction de nos moyens de surveillance, Moroni a accentué la pression en organisant un trafic humain pour déstabiliser Mayotte. Nous n’avons jamais reçu à Mayotte autant de migrants comoriens et africains que depuis le passage du cyclone Chido ; l’île n’a jamais vu autant de bidonvilles qui occupent de plus en plus d’espace.
Pendant ce temps, l’AFD continue de verser des millions d’euros aux Comores sans transparence, ni évaluation sérieuse.
En juillet dernier, alors que Mayotte était en train de se relever de Chido, l’AFD a signé avec les Comores, pour 14,2 millions d’euros, trois nouveaux accords de financement en faveur de l’éducation, de l’emploi et de la jeunesse. Comment justifier à Mayotte que la France finance avec nos impôts quarante-six infrastructures scolaires et la création de 1 200 emplois aux Comores alors que le flux d’élèves comoriens continue d’augmenter quotidiennement dans nos écoles, qui sont toujours sous des bâches et sans eau ?
Il y a quelques jours, un projet pharaonique de modernisation portuaire et maritime a officiellement été lancé aux Comores, encore une fois avec le soutien de l’AFD et de l’Union européenne, pour un budget de 247 millions de dollars. Il s’agit de faire des Comores « un carrefour logistique entre l’Afrique et l’Asie », avec des milliers d’emplois à la clé dans la pêche et l’agriculture. Vous imaginez le choc pour Mayotte : la France finance un port concurrent à 70 kilomètres seulement alors que le port de Longoni, détruit à 70 %, n’a pas été reconstruit.
Pour la reconstruction de toute l’île, Mayotte ne peut compter à ce jour que sur 360 millions d’euros tandis que l’AFD débloque 247 millions pour financer un port hypermoderne aux Comores.
M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Votre intervention est accablante. Je ne peux que saluer votre intégrité intellectuelle. Pour défendre nos compatriotes mahorais, vous dites des vérités difficiles à entendre mais incontestables.
Je tiens à votre disposition la réaction de l’AFD après la visite de contrôle, qui s’est curieusement déroulée au même moment que ma venue. De mon côté, j’ai rapporté à l’ambassadeur et aux équipes de l’AFD tout ce qui m’avait semblé inapproprié – et qu’on a d’ailleurs soigneusement cherché à me cacher sur place. Dans les deux cas, aucune leçon n’a été tirée. La réponse que m’a adressée M. Rioux au dernier moment est édifiante : une simple liste de ce qui est fait sur place, sans aucun autre commentaire. On a beau appeler leur attention sur des dysfonctionnements, ils ne réagissent pas.
Je note, en effet, une attitude un peu masochiste consistant à préférer un étranger qui nous est hostile à l’un de nos compatriotes. Certains feront valoir l’exigence de solidarité internationale. Certes, mais charité bien ordonnée commence par soi-même. Les uns sont nos compatriotes, les autres pas – l’origine n’est pas en cause puisque les populations sont issues de la même région du monde. La République s’honore à s’occuper d’abord de ses citoyens.
M. le président Bruno Fuchs. Nous en venons à présent aux interventions formulées à titre individuel.
M. Jean-Louis Roumégas (EcoS). Outre qu’ils remettent en cause des principes que je croyais acquis, le débat et les interventions du rapporteur pour avis mettent en lumière des visions très différentes du rôle de la France dans le monde. La France ne sera pas grande en suivant l’exemple de Trump. Elle rayonne quand elle est capable de défendre les droits humains, ainsi qu’un ordre international fondé sur le droit et la justice.
Je suis étonné que ceux qui s’inquiètent des méfaits de l’immigration ne comprennent pas que l’aide au développement peut être une solution pour endiguer une immigration que rendent nécessaires les inégalités et les drames vécus dans certains pays.
M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. L’immigration et l’aide publique au développement ne sont hélas pas suffisamment liées aujourd’hui.
*
Article 49 et état B : Crédits du budget général
Amendement II-AE150 de Mme Dieynaba Diop
Mme Dieynaba Diop (SOC). Il s’agit, par cet amendement, de rétablir la contribution française au Fonds pour l’environnement mondial (FEM).
De manière plus générale, s’il est impossible de compenser toutes les coupes qui ont été opérées, nous proposons d’augmenter les crédits, selon les besoins des acteurs de terrain, afin de conserver une capacité d’action minimale dans la lutte contre la pauvreté et les inégalités mondiales ainsi que dans la réponse aux crises.
M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Avis défavorable : ce fonds est typique de ces fonds multilatéraux aux ambitions louables mais aux résultats incertains et aux coûts de fonctionnement très élevés.
La contribution française pour la période 2022-2026 avait déjà augmenté de manière disproportionnée – 40 % – en 2022. Compte tenu de l’état de nos finances publiques, il faut revenir à un montant bien plus raisonnable.
M. Frédéric Petit (Dem). Je suis opposé à l’amendement.
Je reviens sur un sujet précédent : je doute que les Comores bénéficient de nombreux dons financés par le programme 209. Par ailleurs, si l’AFD est présente aux Comores, c’est qu’elle en a reçu le mandat. Un éventuel retrait de celui-ci pourrait être débattu au sein du conseil d’administration. L’outil de contrôle est là.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE145 de M. Pierre-Yves Cadalen
M. Pierre-Yves Cadalen (LFI-NFP). En signe de solidarité avec le peuple ukrainien, cet amendement vise à porter à 200 millions d’euros – son montant en 2024 – le fonds qui a vocation à soutenir la reconstruction et la restauration des infrastructures de l’Ukraine.
M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. L’intention est louable mais les 200 millions d’euros engagés en 2024 avaient vocation à financer des projets sur trois années. Le gouvernement a décidé d’une enveloppe supplémentaire de 50 millions d’euros pour soutenir des projets sur la période 2027-2029, auxquels s’ajouteront 21 millions financés par le programme 209. Le resserrement des crédits s’explique sans doute par la baisse du nombre de nouveaux projets à financer : avis défavorable.
Par ailleurs, l’aide à la reconstruction de l’Ukraine doit-elle vraiment relever de l’aide publique au développement ?
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE152 de Mme Dieynaba Diop
Mme Dieynaba Diop (SOC). Nous proposons, nous aussi, de rétablir l’enveloppe allouée au Fonds de soutien aux infrastructures civiles ukrainiennes. Il importe de prolonger notre aide aux Ukrainiens dans une période qui demeure difficile.
M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Compte tenu de l’agression russe et des besoins de l’Ukraine, notre soutien est nécessaire mais doit-il relever de l’APD ? Je ne le pense pas, d’autant que nous apportons déjà un soutien financier aux infrastructures civiles ukrainiennes. Dans le contexte actuel de tensions financières, on ne peut pas faire davantage.
M. Frédéric Petit (Dem). Je voterai contre cet amendement mais permettez-moi de revenir sur le financement et le contrôle de l’AFD. Un euro versé à l’AFD équivaut à 12 euros d’actions de développement sur le terrain. Cette banque est vertueuse ; elle appartient à 100 % à l’État et exerce correctement son métier, dans les domaines où nous voulons que l’État intervienne.
Sur le terrain, soit on laisse faire les Chinois et le monde deviendra chinois, soit on développe des projets et, pour ça, on a besoin d’argent, qui n’est pas de l’argent public.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE147 de M. Pierre-Yves Cadalen
M. Pierre-Yves Cadalen (LFI-NFP). La lutte contre le changement climatique et contre la sixième extinction de masse demande une ferme résolution et doit s’appuyer sur des structures multilatérales de coopération. Cet amendement a pour objectif d’abonder le Fonds pour l’environnement mondial, conformément aux engagements pris par la France.
M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Je suis favorable à la diminution de la contribution de la France au FEM, dont l’action est redondante. De plus, comme je le montre dans mon rapport, cette structure assez bureaucratique est très peu efficace en matière de réduction des émissions de CO2. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE97 de Mme Dominique Voynet
Mme Dominique Voynet (EcoS). Cet amendement, un peu moins ambitieux que celui de monsieur Cadalen, vise à rétablir la contribution de la France au Fonds pour l’environnement mondial.
Je ne partage pas les critiques du rapporteur pour avis quant à l’efficacité de ce fonds, qui est sans doute notre bras armé le plus important pour respecter nos engagements, notamment l’accord de Paris, et qui mobilise des financements publics et privés pour mener des actions très concrètes. Réduire notre contribution de 67 % alors que des négociations sont en cours en vue du prochain cycle de reconstitution du FEM, de 2026 à 2030, serait un très mauvais signal.
M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Même avis que sur l’amendement de monsieur Cadalen, bien que le vôtre ne vise à augmenter la contribution de la France au FEM que de 54 millions d’euros. J’ajoute que vous proposez, pour ce faire, de ponctionner le programme 384, qui alimente également des contributions volontaires pour le climat, notamment au Fonds vert, qui me semble plus efficace. Ce choix est pour le moins contradictoire.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE140 de M. Laurent Mazaury
M. Laurent Mazaury (LIOT). Cet amendement vise à abonder de 10 millions d’euros l’action 02, Aide économique et financière bilatérale, du programme 110, action dont les autorisations d’engagement diminuent de 29 %. Ces crédits supplémentaires serviraient à abonder le Fonds de soutien aux infrastructures civiles ukrainiennes, qui figure déjà dans l’action 02.
Par ailleurs, j’en profite pour demander au rapporteur qu’à l’occasion de nos débats il ne soit pas fait preuve d’une certaine forme d’ostracisme anti-parisien insupportable ; si je comprends le message sous-jacent, j’estime que nos compatriotes franciliens ne doivent pas se trouver ainsi caricaturés par le reste de la France.
M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Je m’y engage, cher collègue.
La France a déjà consacré 200 millions d’euros au Fonds de soutien aux infrastructures civiles ukrainiennes. Je m’en remets à la sagesse de la commission concernant cet abondement de 10 millions, à condition que vous ne demandiez pas la levée du gage pour ne pas créer une dépense supplémentaire.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-AE95 de M. Hervé Berville
M. Hervé Berville (EPR). Il s’agit ici d’abonder le Fonds d’innovation pour le développement (FID), afin de compenser la diminution de notre contribution l’année dernière. Créé en 2021 et présidé par Esther Duflo, lauréate du prix Nobel d’économie, ce fonds a pour but de mener des actions d’aide publique au développement et d’en évaluer l’impact, dans les domaines de la santé, de l’éducation et de la lutte contre le dérèglement climatique. Ayant fait la preuve de son efficacité, il est également un outil d’influence auprès de la Banque mondiale et de plusieurs fonds multilatéraux.
M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Même si le montant visé est raisonnable, un euro d’argent public reste un euro d’argent public. Vous demandez la levée du gage, ce qui est un argument suffisant pour motiver un avis défavorable. De plus, bien que je réclame davantage d’évaluations, cet instrument d’évaluation me semble trop théorique et assez éloigné du terrain.
M. Hervé Berville (EPR). Le FID n’est pas du tout un instrument d’évaluation : il finance des projets qui intègrent l’évaluation de leur impact dès leur conception, grâce notamment à des études économétriques. De plus, les projets concernés sont nécessairement menés avec les acteurs locaux, au plus près du terrain. S’il y a un organisme efficace, proche du terrain et dont l’impact est réel, c’est bien ce fonds !
M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. J’entends votre argument mais les actions de ce fonds relèvent davantage de la création de connaissances que de l’aide concrète. De plus, cette ligne est déjà financée à hauteur de 25 millions d’euros. Cet amendement ne me semble donc pas pertinent.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-AE86 de M. Hervé Berville
M. Hervé Berville (EPR). Cet amendement vise à augmenter de 1 million d’euros les dotations dédiées au Fonds pour l’environnement mondial.
Nous faisons face à une triple crise : du climat, de la biodiversité et de la pollution. Le FEM finance des projets régionaux. Un projet de restauration du littoral dans les Caraïbes – à la Jamaïque, à Sainte-Lucie ou à Cuba – aura aussi un effet sur nos territoires ultramarins, puisqu’il contribuera à protéger la Martinique ou la Guadeloupe de la pollution plastique et de la dégradation de la biodiversité marine. À la veille du dixième anniversaire de l’accord de Paris, le Fonds pour l’environnement mondial est un organisme essentiel.
M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Je connais votre attachement, justifié, à la préservation de la biodiversité marine. Néanmoins, votre amendement me rappelle cette vieille publicité pour les biscuits Finger de Cadbury dans laquelle un enfant demande : « vous pourriez les faire un petit peu plus longs ? » Nous finançons déjà ce fonds à hauteur de 100 millions d’euros. Vous pourriez arguer que, 1 million d’euros de plus, ce n’est pas grand-chose mais, par les temps qui courent, c’est tout de même quelque chose. Nous devons faire attention à nos deniers publics. Avis défavorable.
M. Jean-Louis Roumégas (EcoS). Même si la proposition de monsieur Berville est un peu dérisoire par rapport aux baisses de plus de 50 millions d’euros constatées ces dernières années, nous voterons l’amendement.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-AE123 de M. Guillaume Bigot
M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Cet amendement a pour objectif de diminuer de 60 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et de 20 millions d’euros en crédits de paiement (CP) les contributions au Fonds pour l’environnement mondial.
Les évaluations menées par la direction générale du Trésor montrent que 79 % des projets multilatéraux produisent un résultat satisfaisant. Cela signifie que 21 % des moyens affectés, soit 313 millions d’euros, ont financé des projets dont les résultats sont insatisfaisants. Le FEM est un parfait exemple de cette inefficacité.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE124 de M. Guillaume Bigot
M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Je propose de diminuer de 50 millions d’euros la contribution du programme 110 au Fonds vert pour le climat ; ce montant pourrait être réorienté vers des actions climatiques bilatérales concrètes et plus efficaces.
Pour la période 2024-2027, la France s’est engagée à verser 1,1 milliard d’euros au Fonds vert, soit 250 millions chaque année, ce qui est absolument démesuré par rapport aux résultats concrets obtenus. De plus, le pilotage de cette contribution n’est pas satisfaisant : différents montants sont versés dans le cadre des programmes 110 et 384, ce qui éparpille le suivi.
Mme Clémentine Autain (EcoS). Là encore, vous soutenez que Donald Trump n’est pas votre modèle ? Diminuer ces fonds, dans un domaine aussi essentiel et vital pour l’avenir de l’humanité, vous place pourtant dans la même posture climato-négationniste.
M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Vous confondez l’intention et les moyens : nous devons lutter pour préserver le climat et réduire les émissions de CO2 mais nous considérons que les moyens mobilisés sont peu efficaces. Il y a d’autres façons de préserver la biodiversité et de ralentir le réchauffement climatique que de financer des fonds verticaux très bureaucratiques.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE133 de M. Michel Guiniot
M. Michel Guiniot (RN). Il s’agit ici de réaliser une économie de 50 millions d’euros en CP en revenant sur une partie des fonds concessionnels des banques multilatérales de développement accordés à l’Association internationale de développement (AID).
Il ne s’agit pas de revenir sur les engagements internationaux de la France mais de respecter l’échéancier proposé. La contribution de la France pour la dernière reconstitution de l’AID s’est élevée à 1,4 milliard d’euros ; le solde restant s’élève à 94,21 millions d’euros. En conséquence, cet amendement vise à ramener la contribution à l’AID de 144,3 millions à 94,3 millions d’euros. En appliquant une simple logique mathématique, il serait ainsi possible de réaliser une économie non négligeable tout en respectant nos engagements.
M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Le montant de 144 millions d’euros correspond au cumul de la fin de la contribution pour la vingtième reconstitution du Fonds pour l’AID et du début de la contribution pour la vingt et unième reconstitution. Le montant total est considérable, puisque nous atteindrions 1,2 milliard d’euros en neuf ans, après avoir versé 1,4 milliard au cours de la période précédente. Ces engagements excessifs risquent de nous bloquer pendant des années ; les réduire de 50 millions d’euros enverrait un bon signal. Avis favorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE122 de M. Michel Guiniot
M. Michel Guiniot (RN). Cet amendement vise à diminuer de 40 millions d’euros les AE dédiées au Fonds africain de développement (FAD). Là encore, il ne s’agit pas de revenir sur les engagements internationaux de la France mais d’obtenir une négociation du montant total de la contribution française.
En modifiant le calendrier de paiement, la contribution de la France à la dernière reconstitution du FAD a été diminuée de 582,6 millions à 546,3 millions d’euros. Il semble donc possible de la faire diminuer de 40 millions supplémentaires.
M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. La France s’est réengagée à verser 275 millions d’euros au FAD, soit à peu près 90 millions par an. Il me semble judicieux de réduire cette contribution, de façon progressive pour que le Fonds puisse s’adapter, en commençant cette année par un montant de 40 millions d’euros. Avis favorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE84 de Mme Christine Engrand
Mme Christine Engrand (NI). Je propose de réduire de 30 millions d’euros les crédits alloués dans le programme 110 à une nébuleuse d’organismes internationaux dont l’efficacité et la transparence sont souvent contestées. Une fois versées, les contributions françaises se perdent dans des circuits budgétaires que nous ne maîtrisons plus.
Pendant que nous multiplions les financements extérieurs, nos hôpitaux, nos médecins et nos collectivités peinent à faire face. Adopter cet amendement serait un geste responsable permettant de recentrer nos efforts, de garantir la clarté de notre action et de rappeler que l’usage de chaque euro public doit être utile et contrôlé.
M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Les fonds multilatéraux du programme 110 illustrent parfaitement ce que je dénonce dans mon rapport pour avis : la multiplication des structures, la démultiplication des coûts administratifs et l’absence de traçabilité. Une réduction de 30 millions d’euros me semble assez proportionnée. Avis favorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE113 de Mme Marine Hamelet
Mme Marine Hamelet (RN). Cet amendement a pour objectif de réduire de 10 % les sous-actions Fonds concessionnels des banques multilatérales de développement et Entrepreneuriat, création de valeur de l’action 01, afin d’économiser près de 30 millions d’euros.
Par ailleurs, permettez-moi de revenir sur la gouvernance de l’AFD. Huit députés participent au conseil d’administration mais quatre seulement ont un droit de vote : les titulaires. De plus, tous sont soumis à une clause de confidentialité, ce qui complexifie notre travail.
M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Compte tenu de notre situation budgétaire, cet amendement me semble à la fois proportionné et utile. Il ne s’agit pas de sortir de ces accords mais de revoir à la baisse nos contributions.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE128 de M. Guillaume Bigot
M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Cet amendement a pour but de supprimer les bonifications du prêt accordé par l’AFD à l’AID ; l’économie s’élèverait à 14,2 millions d’euros. Nous payons deux fois : le versement des contributions et la bonification de prêts que nous leur octroyons ! Cela me paraît tout à fait déraisonnable dans la situation de contrainte budgétaire extrême de la France.
M. Frédéric Petit (Dem). Tout d’abord, ces organismes n’octroient pas des prêts avec de l’argent public français ; c’est la bonification qui permet de les octroyer. Ensuite, le conseil d’administration de l’AFD n’accueille pas huit députés mais huit parlementaires : chaque assemblée du Parlement est représentée par deux titulaires et deux suppléants, soit quatre voix au total. Ce chiffre me semble adéquat puisque, à titre de comparaison, le personnel dispose de deux voix, les personnes qualifiées de quatre voix et les autorités de tutelle de quatre voix également.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE109 de Mme Laurence Robert-Dehault
Mme Laurence Robert-Dehault (RN). Je propose de réduire de 10 % le financement dédié aux fonds internationaux environnementaux.
Le programme 110 est censé viser la réduction de la pauvreté et des inégalités dans les pays en développement. Or, sur dix objectifs prioritaires, deux seulement concernent l’accès aux soins et à la nourriture, les huit restants portant sur l’environnement, les droits de l’homme et l’égalité de genre, sans qu’il soit tenu compte des réalités et des diversités culturelles locales.
La sous-action 04 concernant l’environnement prévoit d’allouer plus de 120 millions d’euros à plusieurs fonds internationaux dédiés à l’environnement : le Fonds pour l’environnement mondial, le Fonds dédié au cadre mondial pour la biodiversité, le Fonds pour les pays les moins avancés, le Fonds multilatéral pour la mise en œuvre du protocole de Montréal, la direction de la coopération pour le développement de l’OCDE, le pacte pour la prospérité, les peuples et la planète, le Fonds vert pour le climat…
Le président Macron s’obstine à vouloir placer la France dans le top 5 des plus gros contributeurs mondiaux de ce Fonds vert, oubliant sans doute que depuis son arrivée aux affaires, la France a été déclassée de la cinquième à la septième place des puissances économiques mondiales. Il faudrait revenir à la réalité et tirer les conséquences de ce déclassement économique.
M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Non seulement il existe déjà un fonds français dédié à ces questions mais nous menons des actions bilatérales en ce domaine ; non seulement elles sont plus efficaces et produisent moins de bureaucratie mais nous les contrôlons mieux, sans parler de l’effet de saupoudrage et des contraintes budgétaires dont nous devons tenir compte. Avis favorable.
M. Frédéric Petit (Dem). On voit ici l’une des contradictions de votre rapport pour avis : vous déplorez qu’on ait trop souvent recours au multilatéral, tout en l’appelant parfois de vos vœux. L’aide bilatérale a augmenté, d’ailleurs ; vous avez fait une erreur de calcul.
Le multilatéral, ici, c’est l’aide octroyée à des banques régionales. Vous déplorez les décisions « bobos » de leur octroyer des prêts, au motif que ces décisions sont prises à Paris, et donc trop loin du terrain, alors que ces banques régionales sont les seuls partenaires avec lesquels nous pouvons œuvrer efficacement, sans agir en colonialistes tout-puissants, compte tenu à la fois de leur sérieux et de leur proximité avec le terrain.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE125 de M. Guillaume Bigot
M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Cher collègue, je fais bien la distinction entre les banques régionales et les fonds concessionnels dans le rapport. Je vous invite à le relire.
Cet amendement vise à supprimer les bonifications de prêts au Fonds vert pour le climat. Pourquoi l’État français bonifie-t-il des prêts octroyés par des organismes multilatéraux qu’il finance déjà par ailleurs et qui disposent de capacités de financement supérieures aux siennes ?
M. Hervé Berville (EPR). Vous faites plusieurs confusions, monsieur le rapporteur pour avis.
Vous venez de dire que vous faites bien la distinction entre les banques régionales et les fonds concessionnels. Or une banque régionale peut octroyer des prêts concessionnels, c’est-à-dire des prêts bonifiés. Ce ne sont pas deux choses différentes.
De plus, les 290 millions d’euros que nous versons à l’AID correspondent au guichet concessionnel de la Banque mondiale et servent à bonifier les prêts. Vous faites donc une erreur lorsque vous dites que la France verse 290 millions d’euros à l’AID et qu’elle bonifie les prêts par ailleurs ; c’est précisément la somme versée à l’AID qui permet la bonification des prêts. Donner de l’argent aux banques multilatérales et régionales permet de bonifier les prêts, et donc d’en réduire le coût.
M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Il n’y a pas de confusion dans mon esprit. Les banques régionales ont une activité bancaire, à laquelle nous participons en les recapitalisant régulièrement, qui consiste notamment à octroyer des prêts concessionnels. Il existe aussi des fonds concessionnels qui financent exclusivement des dons et des prêts bonifiés et que nous reconstituons lorsque leurs moyens sont épuisés ; il faut apprendre à compter jusqu’à deux.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE116 de M. Michel Guiniot
M. Michel Guiniot (RN). Nous proposons ici d’économiser 4 millions d’euros en AE et 2 millions d’euros en CP sur un projet international mené depuis 2019 : un engagement de 25 millions de dollars avait alors été pris par Bercy en faveur de l’inclusion numérique financière en Afrique.
Selon le PLF pour 2026, nous avons déjà versé 39 millions d’euros, soit plus de 50 % supplémentaires par rapport à notre engagement. Pour quel motif ? Cette question est rhétorique, même pour le ministère, puisque la direction générale du Trésor avait commandé une étude sur ce projet en 2024, cinq ans après son lancement. Cette étude indique que « les disparités de genre s’expliquent notamment par le fait de ne pas posséder de téléphone portable, de ne pas connaître l’existence du mobile money ou son utilité, le manque d’alphabétisation et l’absence de compétences numériques et financières ».
À quoi vont donc servir les 4 millions d’euros nouvellement sollicités ? À payer les téléphones portables pour que l’action que nous finançons depuis 2019 soit enfin utile ?
M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. L’exemple de ce projet d’équipement de femmes en téléphones portables pour favoriser leur inclusion financière est archétypal. Le rapport du Trésor établit que les 39 millions d’euros dépensés entre 2020 et 2025 ont été très inefficaces. Malheureusement, le gouvernement n’en tient pas compte et propose de verser 2 millions supplémentaires en CP. Comment justifier auprès des contribuables cette logique de dames patronnesses ?
Au XIXe siècle, les grands capitalistes faisaient travailler les enfants de nuit ; le matin, leurs épouses leur distribuaient des morceaux de brioche et tout le monde trouvait cela formidable. Selon la même logique, M. et Mme Gates ont lancé ce projet d’inclusion numérique financière, alors que Microsoft dégage 88 milliards de dollars de bénéfice. Ils en ont tout à fait le droit mais pourquoi les contribuables français devraient-ils participer à un projet que nos propres organismes de contrôle considèrent comme inefficace ?
M. Frédéric Petit (Dem). Il serait judicieux d’éviter le terme « dames patronnesses » pour qualifier les actions d’aide au développement.
Vous reconnaissez de facto qu’une évaluation sérieuse a été effectuée et que vous y avez accès. Encore une de vos contradictions ! Vous ne pouvez pas vous plaindre à la fois de l’absence d’évaluation et de la non-prise en compte de ces évaluations ; dans ce cas de figure, elle a été prise en compte puisque le montant a été nettement réduit.
Par ailleurs, une évaluation doit être menée avec circonspection plutôt qu’avec colère. Quand je perdais un match le dimanche, je ne décidais pas de changer de sport. Dans l’aide au développement en général et dans l’inclusion financière en particulier, personne ne détient la vérité. On cherche à faire au mieux et tout ne fonctionne pas toujours comme on l’avait prévu. Le Soudan du Sud n’est pas un paradis mais nous ne devons pas cesser notre aide pour autant ! Nous devons évaluer et vous venez de reconnaître que nous le faisons, et même que nous le faisons bien. Nous devons amender nos pratiques et chercher à les améliorer, certainement pas tout arrêter.
M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Je ne dis pas qu’il n’y a pas de contrôle ; j’ai d’ailleurs évoqué le contrôle administratif, le contrôle de la conformité, le contrôle en matière de lutte contre la corruption et le blanchiment. J’ai même dit que les indicateurs étaient trop nombreux, ce qui fait perdre du temps aux fonctionnaires.
Je déplore l’absence de contrôles, en quantité et en qualité, opérés par des organismes extérieurs au système de l’aide publique au développement. On ne se contrôle pas soi-même, or c’est là un univers très resserré, au sein duquel les gens circulent.
Je n’ai trouvé qu’un seul rapport de ce type par an sur le site de l’unité d’évaluation des activités de développement, rattachée à Bercy, et basta così. Il contient des éléments intéressants, ce qui montre que, dès que des gens extérieurs au système se penchent sur son fonctionnement, ils trouvent des choses. C’est cela qui est problématique.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE126 de M. Guillaume Bigot
M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à supprimer la contribution volontaire à l’OCDE pour la création d’un outil statistique, le soutien public total au développement durable (TOSSD), qui s’élève à 800 000 euros en AE et 450 000 euros en CP. Cette contribution a pour but d’élaborer des indicateurs statistiques plus pertinents et plus fiables pour la comptabilisation par l’OCDE des actions des pays membres au titre de l’aide au développement.
Plutôt que d’agir, il s’agit de se regarder agir et de comptabiliser notre action pour la valoriser et communiquer ; ça n’aide pas les populations.
M. Frédéric Petit (Dem). Une meilleure évaluation, c’est précisément ce que vous demandez au début de votre rapport pour avis. L’aide au développement est un métier compliqué et vous devez dépasser le « y a qu’à, faut qu’on ». De plus, vous confondez indicateurs et évaluations, qui sont deux choses très différentes.
Vous déplorez l’absence de contrôles extérieurs mais c’est pourtant ce que pratique l’OCDE !
Quant à l’AFD, elle doit respecter des règles bancaires prévoyant des contrôles extérieurs permanents qui s’étendent aux membres du conseil d’administration. Mes collègues parlementaires et moi-même faisons l’objet d’un contrôle prévu dans les accords de Bâle III.
M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. De minimis non curat prætor : il est normal que l’OCDE ne soit pas en mesure de contrôler ce qui se passe au plus près du terrain ; ses contrôles s’effectuent au niveau macro, ils ne portent pas sur le détail des projets. Je plaide en effet pour un arrêt du reporting macro, loin du terrain et portant uniquement sur de grands ODD. Je souhaite davantage de contrôle mais au niveau micro : un contrôle de proximité doit être confié aux ambassades, afin que les informations remontent du terrain.
M. Frédéric Petit (Dem). Vous proposez pourtant de supprimer ce qui permettrait cette évolution !
M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Oui, au niveau macro.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques II-AE129 de M. Guillaume Bigot et II-AE118 de M. Michel Guiniot
M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Il s’agit de supprimer la bonification de 600 000 euros du prêt que l’AFD accorde au Fonds international de développement agricole (FIDA).
M. Michel Guiniot (RN). Dans le cadre du programme 110, 600 000 euros sont accordés à la bonification du prêt de l’AFD au FIDA. La France a en effet accordé un prêt à taux zéro de 50 millions d’euros par le biais de l’AFD, ce qui devrait coûter à cette dernière 14,3 millions sur quarante ans. Cette bonification au profit de l’AFD semble inopportune.
La commission rejette les amendements.
Amendement II-AE120 de M. Michel Guiniot
M. Michel Guiniot (RN). La mesure que je vous soumets permettrait d’économiser 575 000 euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. Il s’agit de mettre fin aux contributions volontaires de la France, quelles qu’en soient les bonnes intentions. La France doit respecter ses engagements internationaux – c’est une évidence – tant que ses relations diplomatiques sont bonnes mais elle ne doit pas faire la charité avec de l’argent qu’elle n’a pas. C’est immoral pour nos concitoyens qui paient toujours plus d’impôts alors que les services publics reculent. C’est, en outre, matériellement compliqué. La France emprunte à 3,5 % sur dix ans pour réaliser des contributions volontaires. Pour nous, ce sera non.
M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. J’ignore si, dans vos circonscriptions, vos concitoyens roulent sur l’or ; c’est n’est pas le cas chez moi, dans le Territoire de Belfort, où les gens ont beaucoup de mal à boucler leurs fins de mois. Avec l’impôt, quelle qu’en soit la forme, tout le monde est mis à contribution dans une situation de tension des finances publiques. Comme vous le savez, le financement des intérêts de la dette va devenir le premier poste de dépense de l’État.
Dans ces conditions, n’y a-t-il pas mieux à faire que de donner 575 000 euros aux bureaucrates internationaux de l’OCDE du château de la Muette ? Rappelons qu’il s’agit d’une contribution volontaire, alors que nous contribuons déjà au financement de l’OCDE. Comment l’expliquer ? Idéologie ? Sectarisme ? Je ne comprends pas.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE98 de M. Boris Tavernier
M. Boris Tavernier (EcoS). En 2025, l’aide publique au développement a perdu la moitié de ses ressources au niveau mondial. Face à ce véritable démantèlement budgétaire, les crédits alloués à l’Agence française de développement n’ont rien de dépenses hasardeuses et lointaines. L’aide au développement dispensée par le biais de l’AFD, c’est la préservation d’intérêts sanitaires et sécuritaires communs : surveillance épidémiologique à travers le monde, réponse aux crises climatiques, protection de la biodiversité et du climat à long terme. C’est aussi la protection des personnes dans de nombreux pays, ainsi qu’outre-mer, grâce à des missions de terrain de qualité : accès à l’éducation et à la santé, protection contre les violences, expertise d’ingénierie dans les domaines du transport et de l’énergie. C’est enfin la lutte pratique et concrète en faveur de la dignité humaine. Près de 300 millions de personnes dans le monde ont besoin d’une aide d’urgence. La misère est un fléau et ce n’est pas en réduisant les crédits des agences qui la combattent sur le terrain que nous évincerons le désespoir, la colère et les conflits. Le soutien aux politiques de développement est un enjeu national fondamental ; nos compatriotes le savent. Restituer ses crédits à l’Agence française de développement, c’est décider du lien que nous voulons entretenir avec le reste du monde.
M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. L’excellent M. Rioux a manifestement de nombreux relais ! Dans un monde démocratique idéal, c’est plutôt à nous qu’il reviendrait de contrôler ce qui se passe à l’AFD.
Le transfert de 45 millions d’euros que vous préconisez pour recapitaliser l’AFD me paraît inutile. Le PLF prévoit déjà une recapitalisation de l’agence à hauteur de 100 millions d’euros afin de répondre aux normes prudentielles européennes. Il n’y a aucune nécessité d’en rajouter.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE130 M. Guillaume Bigot
M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Il s’agit ici de supprimer la dotation de 100 millions d’euros destinée à renforcer les fonds propres de l’AFD. Celle-ci doit réformer profondément son fonctionnement avant de solliciter des moyens supplémentaires. Nous aimerions d’ailleurs qu’elle soit soumise à un contrat d’objectifs et de moyens, ce qui ne relève pas de son directeur général mais du gouvernement ; cela nous aiderait à la contrôler.
M. Frédéric Petit (Dem). Cette reconstitution des fonds de l’AFD est neutre sur le plan financier ; vous l’indiquez d’ailleurs dans votre rapport, monsieur le rapporteur pour avis.
Je vous rejoins sur les COM et les contrats d’objectifs et de performances (COP). J’invite la commission à se saisir de ce sujet, non pas en procédant au cas par cas – nous n’en avons pas les moyens et cela nous affaiblirait – mais en exigeant une synchronisation des COM et des COP de tous les opérateurs projetés dans le monde, y compris France Médias Monde. Nous obtiendrions alors l’équivalent d’une loi de programmation renforcée.
La commission rejette l’amendement.
L’amendement II-AE85 de Mme Christine Engrand est retiré.
Amendement II-AE142 de M. Pierre-Yves Cadalen
M. Aurélien Taché (LFI-NFP). Nous souhaitons augmenter les crédits du programme 209 pour qu’ils retrouvent au moins leur niveau de 2024. Vous l’avez dit, monsieur le rapporteur pour avis : le fonctionnement de l’AFD ne dépend pas de M. Rioux ; il relève de décisions politiques. Pour ma part, je préférerais que l’aide au développement dépende directement du ministère de l’Europe et des affaires étrangères plutôt que d’une banque.
En attendant, l’AFD doit disposer de crédits suffisants. Vous n’avez cessé de dire que vous n’étiez pas favorable à un recul de la solidarité internationale en soi mais qu’il fallait revoir son architecture d’ensemble. Prouvez-le et rétablissons les crédits. Sinon, je finirai par penser que, comme votre amie Mme Knafo, vous voulez couper toute aide publique au développement.
M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Vous ne proposez aucune compensation pour cette dépense supplémentaire, dans une situation budgétaire déjà extrêmement tendue : la réponse est évidemment non. Pour autant, nous sommes d’accord sur le fond : il faut privilégier davantage le bilatéral à travers le programme 209. Malheureusement, nous n’en avons pas les moyens.
Alors que le programme se monte à 1,5 milliard d’euros en CP, vous proposez de l’abonder de 1,7 milliard, c’est-à-dire de multiplier ses crédits par 2,1. Ce n’est pas très respectueux pour le ministère de l’Europe et des affaires étrangères, qui pilote les ambassades et Expertise France : ce réseau ne peut pas absorber un doublement de budget en une seule année. Votre proposition est démagogique et, je le répète, nous n’en avons pas les moyens.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE134 Mme Dieynaba Diop
Mme Dieynaba Diop (SOC). Nous vous alertons sur la trajectoire de la mission Aide publique au développement, dont les crédits sont en chute libre depuis 2024. La moindre des choses, pour tenir les engagements que nous avons pris en 2021, serait de leur faire retrouver leur niveau de l’année dernière.
M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Je l’ai dit, il y a là un contresens budgétaire et nous n’en avons pas les moyens. Et, surtout, l’administration n’est pas en mesure d’absorber une telle hausse.
Mme Dieynaba Diop (SOC). L’amendement est gagé.
M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Dans ce cas, je m’en remets à la sagesse de la commission.
M. Frédéric Petit (Dem). Je reviens sur le débat de tout à l’heure : le fait que l’aide publique au développement passe par une banque – dont nous sommes à 100 % propriétaires – est intéressant car cela a un effet démultiplicateur. L’aide publique au développement que nous votons aujourd’hui passe très minoritairement par l’AFD. En revanche, chaque fois que nous mettons 1 euro, il est multiplié par douze grâce à l’expertise des intervenants et à la synchronisation. Je rappelle que le ministère siège au conseil d’administration de l’AFD et que le Fonds Équipe France (FEF) est managé par les ambassadeurs. Or ces derniers ne connaissent pas le métier de la banque. Ils doivent devenir des coordinateurs.
Enfin, les COM doivent être synchronisés pour que l’ensemble des opérateurs de terrain soient coordonnés et que l’action soit démultipliée par des professionnels.
La commission adopte l’amendement.
M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Je tiens à préciser, s’agissant d’un amendement procédant à un transfert de crédits de 1 milliard d’euros, que – notre collègue appelant le gouvernement dans l’exposé des motifs de son amendement à lever le gage – mon avis initial aurait dû être défavorable et non de sagesse.
Amendement II-AE70 de Mme Sabrina Sebaihi
M. Jean-Louis Roumégas (EcoS). Le PLF pour 2026 ampute la mission Aide publique au développement de 700 millions d’euros : cette baisse de 16 % est la quatrième plus forte en volume et la troisième en proportion. Les crédits de la mission ont chuté de 46 % depuis 2021. Ils ne représentent plus que 0,38 % du RNB alors que la France s’est engagée à ce qu’ils atteignent 0,7 %. Nous sommes donc très loin du compte. La ligne Action humanitaire s’établit à 294 millions d’euros bien que la France se soit engagée à passer la barre de 1 milliard. Plusieurs parlementaires en ont alerté le ministère par des questions écrites, et l’ensemble des ONG sont vent debout contre cette baisse qui condamne des millions de personnes à la famine, à l’abandon et aux maladies, en particulier depuis les coupes de l’USAID, l’Agence des États-Unis pour le développement international.
M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Vous voulez augmenter les crédits de l’APD de 700 millions d’euros et effectuer une réallocation qui constitue un contresens budgétaire et opérationnel. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE135 de Mme Dieynaba Diop
Mme Dieynaba Diop (SOC). À titre de repli, nous souhaitons rétablir les crédits alloués à la provision pour crises majeures en les abondant de 270 millions d’euros.
M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Après l’amendement à 1 milliard que vous venez de faire adopter, c’est toujours non, pour les mêmes raisons : la mesure n’est pas financée et les canaux sont saturés.
La commission rejette l’amendement.
M. le président Bruno Fuchs. Si l’amendement avait été adopté, les crédits de l’action Fonds de solidarité pour le développement auraient été ramenés à zéro.
L’amendement II-AE139 de M. Laurent Mazaury et les amendements II-AE146 et II-AE144 de Mme Dieynaba Diop sont successivement retirés.
Amendement II-AE162 de M. Bruno Fuchs
M. le président Bruno Fuchs. Par cet amendement que j’ai travaillé avec Frédéric Petit, je propose de redéployer 200 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 100 millions de crédits de paiement du programme 384 vers deux dispositifs ayant un très fort impact sur le terrain : le volet ONG de l’opération budgétaire Aide-projet AFD, à hauteur de 100 millions d’euros, et le Fonds Équipe France pour le même montant.
M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. J’aurais aimé voter cet amendement mais, après celui qu’a fait adopter madame Diop, cela ne me paraît plus possible.
M. Frédéric (Dem). Il s’agit du seul amendement déposé par le groupes Les Démocrates sur cette mission budgétaire. Nous l’avons élaboré après en avoir discuté avec des collègues de tous les bancs, en visant la position de sagesse et d’équilibre qui nous est chère.
Les organisations de la société civile (OSC) sont la seule catégorie qui risque l’effondrement. Il y a là un vrai danger. Leur financement passe de 200 millions d’euros à moins de 60 millions, ce qui implique 5 000 licenciements parmi les personnes les plus engagées au plus près du terrain ; dans quelques années, elles seront à notre place, je l’espère.
Il faut par ailleurs renforcer le Fonds Équipe France, grâce auquel le pilotage des moyens du programme 209 est confié aux ambassades, et non plus à des organismes centralisés. Conçu comme un projet pilote du Fonds de solidarité pour les projets innovants (FSPI), le FEF a prouvé sa pertinence. Nous ne devons pas le laisser stagner à 30 millions d’euros.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE143 de M. Pierre-Yves Cadalen
Mme Nathalie Oziol (LFI-NFP). Le gouvernement s’entête à détruire l’aide publique au développement et l’influence de la France. Le groupe La France insoumise propose de rétablir les contributions volontaires versées par la France aux Nations unies : de 150 millions d’euros dans le PLF pour 2025, elles tombent à 50 millions dans le PLF pour 2026. Ces contributions traduisent notre engagement en faveur d’un multilatéralisme efficace. À l’heure où les crises internationales se multiplient, le gouvernement envoie un très mauvais signal en se permettant de les réduire encore, après des années de recul : il abandonne complètement le multilatéralisme qui nous définit et le rend inefficace, tout en expliquant que « les crédits humanitaires sont indispensables pour la défense de nos intérêts dans des zones géographiques prioritaires ».
M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Cet amendement reproduit les défauts idéologiques que j’ai déjà pointés : il vise à transférer des crédits d’une aide bilatérale que nous contrôlons vers du multilatéral onusien inefficace. J’y suis évidemment défavorable, sans parler des effets que cela aurait sur les finances publiques.
Sous votre contrôle, monsieur le président et chers collègues, je souhaite vous proposer de réexaminer l’amendement de madame Diop car il me semble qu’il y a eu une confusion : elle a demandé la levée du gage mais son montant est tel que cela bloque maintenant le débat.
M. le président Bruno Fuchs. Nous ne pouvons pas revoter sur l’amendement en question alors que nous venons d’en examiner plusieurs autres depuis.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE87 de M. Hervé Berville
M. Hervé Berville (EPR). Il s’agit ici d’abonder de 100 millions d’euros les fonds dédiés à l’aide humanitaire – songez aux crises qui se déroulent au Soudan et dans les Grands Lacs – pour respecter l’objectif de la loi de programmation de 2021, ainsi que l’objectif de 500 millions d’euros fixé par le président de la République dans le cadre du comité interministériel de la coopération internationale et du développement. Rappelons que la France a présidé plusieurs conférences humanitaires ces dernières années.
M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Cet amendement va dans le bon sens mais j’y suis défavorable car il n’identifie pas les économies qui devront être réalisées en compensation des 100 millions d’euros.
La commission adopte l’amendement.
L’amendement II-AE90 de M. Hervé Berville ainsi que les amendements II-AE136 et II-AE148 de Mme Dieynaba Diop sont retirés.
Amendement II-AE151 de M. Pierre-Yves Cadalen
Mme Nathalie Oziol (LFI-NFP). Nous souhaitons augmenter de 20 millions d’euros la contribution de la France à l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA). Cet office contribue au bien-être et au développement humain de plusieurs générations de réfugiés palestiniens. Il dispense des services d’éducation, de santé, de secours ainsi que des services sociaux, gère les infrastructures des camps et les améliore, propose des microcrédits et une assistance d’urgence, notamment dans les périodes de conflit.
L’UNRWA ne rend compte de ses activités qu’à l’assemblée générale de l’ONU. Le génocide perpétré par l’armée de Netanyahu à Gaza depuis octobre 2023 rend son activité encore plus indispensable. Je rappelle que, depuis le début de la guerre à Gaza, l’armée israélienne a mené des attaques contre les installations de l’UNRWA : 220 de ses membres ont été tués et plus de cent-quarante de ses centres, dont de nombreuses écoles, ont été bombardés. Nous proposons de renforcer le soutien à cette agence dont les missions sont salutaires.
M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Je suis fermement opposé à cet amendement. En effet, l’UNRWA reste accusé de liens avec les terroristes. Certains de ses membres ont participé directement au massacre du 7 octobre 2023. Des accusations parfaitement documentées ont conduit plusieurs pays à suspendre leur contribution à cette agence. Il serait raisonnable de faire de même.
M. Jean-Louis Roumégas (EcoS). On ne peut pas laisser propager de tels mensonges. Une mission dirigée par Catherine Colonna, ancienne ministre de l’Europe et des affaires étrangères française, a expertisé l’action de l’UNRWA et démenti formellement ces accusations, qui ne sont que propagande.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE156 de Mme Nadège Abomangoli
Mme Nadège Abomangoli (LFI-NFP). Il s’agit ici d’apporter un soutien financier aux Emergency Response Rooms au Soudan, où l’ONU considère que se déroule la pire crise humanitaire au monde. Ce réseau communautaire d’intervention d’urgence a dispensé de l’aide à près de 12 millions de Soudanaises et de Soudanais depuis le début du conflit, au plus près du terrain, sur un théâtre de guerre mouvant, au gré des massacres et des déplacements de population, dont sont victimes deux tiers des habitants. Il avait été pressenti pour recevoir le prix Nobel de la paix en 2025. Nous enverrions un signal très fort en le soutenant, après les événements d’El-Fasher au Darfour. Rappelons que sur les quelque 1 milliard d’euros d’aide européenne annoncés lors de la conférence humanitaire pour le Soudan et les pays voisins, un tiers seulement ont été mobilisés.
M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Je partage votre préoccupation quant à la tragédie terrifiante qui frappe le Soudan et le Darfour. Vous proposez d’affecter 20 millions d’euros aux Emergency Response Rooms mais ce serait difficile à contrôler tant cet acteur est informel. Surtout, 1 milliard d’euros ont déjà été transférés vers les actions bilatérales : il y aura largement de quoi faire. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE157 de M. Aurélien Taché
M. Aurélien Taché (LFI-NFP). Je propose modestement d’accorder 10 millions d’euros supplémentaires aux opérateurs de la francophonie – en particulier à l’Agence universitaire de la francophonie (AUF) –, dont le budget passe de 50 à 30 millions d’euros. Pour rappel, l’AUF a subi des coupes brutales. Il était prévu d’amputer son budget de 75 % ; le recul a finalement été moindre mais reste important. L’AUF déploie pourtant des projets extrêmement intéressants, comme l’Erasmus francophone, qui favorisera les échanges entre les étudiants québécois, français, d’Afrique du Nord et d’Afrique de l’Ouest.
M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. En dépit de sa mission louable, l’Agence universitaire de la francophonie souffre des défauts que j’ai déjà pointés : bureaucratie, résultats concrets difficilement mesurables, efficacité contestable, etc. Dans le contexte budgétaire actuel, nous ne saurions augmenter notre contribution à une structure multilatérale, même francophone, sans mesure compensatoire.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE141 de M. Stéphane Rambaud
M. Stéphane Rambaud (RN). Il est regrettable que le programme 209, Solidarité à l’égard des pays en développement, dont le budget se monte à 2,1 milliards d’euros, n’affecte que 1,5 million au soutien aux Chrétiens d’Orient. Nous proposons d’abonder de 10 millions d’euros – montant raisonnable – l’action 02 Coopération bilatérale de ce programme.
Au début du XXe siècle, les chrétiens représentaient 25 % de la population au Proche-Orient et au Moyen-Orient ; ils ne seraient plus désormais que 3 %, alors qu’ils constituent, comme au Liban, le ciment d’une société multiculturelle. Cette communauté francophile, placée sous la protection historique de la France, est totalement mise de côté alors qu’elle subit de plein fouet les conflits régionaux. De plus, les écoles d’Orient sont le vecteur principal de la francophonie dans la région.
M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Je partage votre préoccupation. Ces communautés millénaires subissent depuis des décennies des persécutions et des massacres dans l’indifférence quasi générale. Vous avez raison de rappeler le rôle historique de la France dans la protection des Chrétiens d’Orient. Je vous propose néanmoins de retirer votre amendement car 1 milliard d’euros ont déjà été affectés à la coopération bilatérale : il y aura de quoi faire.
L’amendement est retiré.
Amendement II-AE28 de Mme Amélia Lakrafi
Mme Amélia Lakrafi (EPR). Nous devons préserver le volontariat de solidarité internationale, reconnu comme un pilier de notre diplomatie de terrain par la loi de programmation de 2021. Le PLF prévoit d’amputer son budget de 10 millions d’euros au profit des collectivités territoriales censées gérer des actions de volontariat. Soyons lucides : la grande majorité d’entre elles n’en ont ni les outils ni l’expérience, et recourent d’ailleurs à la plateforme France volontaires. Pourquoi affaiblir les acteurs qui savent faire – associations spécialisées, structures d’envoi, réseaux de terrain – et transférer leurs moyens à ceux qui devront tout apprendre ? Cette décision ne crée aucune économie réelle ; elle désorganise un modèle qui fonctionne et met en péril plus de 400 missions prévues en 2026.
Soutenir cet amendement, c’est reconnaître l’expertise de ceux qui agissent depuis des années sur le terrain ; c’est rappeler que la solidarité internationale ne s’improvise pas mais constitue un savoir-faire français qu’il faut absolument protéger. De plus, cet amendement ne coûte rien.
M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Le volontariat de terrain est un vecteur efficace de notre influence. Avis favorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-AE138 de Mme Dieynaba Diop
Mme Dieynaba Diop (SOC). Il s’agit ici de rétablir le budget de Canal France international en lui allouant 1,7 million d’euros en crédits de paiement et 3,9 millions d’euros en autorisations d’engagement.
M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Cet opérateur, qui est censé lutter contre la désinformation dans les pays francophones, en particulier en Afrique, ne sert pas à grand-chose. Il suffit d’observer la désinformation répandue par la Russie sur le continent africain pour constater que les résultats de cette structure sont contestables, sans compter qu’elle nous coûte un argent que nous n’avons plus. Avis défavorable.
M. Frédéric Petit (Dem). Canal France international vient d’aider Radio France internationale (RFI) et apporte un soutien déterminant à France Médias Monde. À titre d’exemple, RFI donne accès sur son site au flux en direct de la principale radio ukrainienne et met des journalistes à l’abri. Votre argument est le parfait contresens des positions que vous défendez par ailleurs.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE99 de Mme Lakrafi
Mme Amélia Lakrafi (EPR). Je propose d’abonder de 2 millions d’euros les crédits alloués à l’AUF. Notre pays en est le principal financeur mais il a sensiblement réduit sa dotation en 2025, fragilisant ainsi un acteur central des institutions de la francophonie.
L’AUF porte notamment un projet issu du sommet de Villers-Cotterêts, le programme international mobilité et employabilité francophone (PIMEF), dont l’objectif est de favoriser la mobilité académique et professionnelle entre les universités francophones, de soutenir l’insertion des jeunes et de renforcer les liens au sein de la communauté francophone.
En adoptant l’amendement, nous affirmerions que la francophonie n’est pas un héritage du passé mais un levier concret tourné vers la jeunesse. Nous rêvons depuis des années d’un Erasmus francophone : le PIMEF vient concrétiser cet espoir. Et surtout, la France présidant toujours le Sommet de la francophonie jusqu’à la prochaine rencontre au Cambodge, il serait regrettable de ne pas soutenir davantage l’AUF.
M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Ce type de programme organise la fuite des cerveaux et des talents : il prive les pays en développement de compétences essentielles en ingénierie, en santé et en gestion. Trop souvent, ces étudiants restent chez nous, au détriment de leur pays d’origine. L’avis est défavorable.
Mme Amélia Lakrafi (EPR). C’est inexact. Les premiers pilotes du programme ont montré une mobilité entre pays du Sud ou des pays du Nord vers ceux du Sud. Il est très intéressant pour des universitaires occidentaux et européens de travailler dans des établissements dont la qualité ne cesse de progresser et qui proposent de nombreux doubles diplômes avec les universités françaises. C’est comme cela que l’on crée des liens et que l’on tord le cou aux idées reçues.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-AE137 de Mme Dieynaba Diop
Mme Dieynaba Diop (SOC). Il s’agit ici de rétablir les crédits alloués aux « couloirs universitaires », à hauteur de 160 000 euros, afin de soutenir la capacité de l’administration centrale à répondre rapidement à des situations de crise qui affectent les étudiants et les chercheurs internationaux.
M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Avec le transfert de dotations que vous avez proposé précédemment, il sera possible d’abonder les crédits de cette action du programme 209. Des coupes ont déjà été opérées car les couloirs universitaires ciblent les situations d’extrême urgence. Si des feux s’allument, d’autres se sont fort heureusement éteints, notamment en Syrie. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE94 de M. Hervé Berville
M. Hervé Berville (EPR). Cet amendement tend à transférer 1 euro symbolique du programme 365 vers le programme 209, afin de rappeler la nécessité de tenir l’objectif de consacrer 0,7 % du revenu national brut à l’aide publique du développement. C’est la loi de programmation, votée à l’unanimité dans notre assemblée – 502 voix pour, aucune contre – qui a fixé cette cible.
Chaque loi de finances doit intégrer cet engagement. Or nous ne consacrons actuellement que 0,43 % du RNB à l’APD, sans compter les coupes à venir : nous sommes donc loin du compte. Je ne vois pas pourquoi cette loi de programmation serait la seule à ne pas être respectée quand celles relatives à la défense et à la sécurité intérieure le sont.
M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. La situation critique des finances publiques : voilà la raison ! Votre amendement d’appel s’adresse davantage au gouvernement : comme vous le soutenez, discutez-en avec lui.
M. Hervé Berville (EPR). On a quand même le droit d’être en désaccord sur quelques sujets avec le gouvernement, surtout dans le contexte actuel. Le budget de l’APD subit, en proportion, la plus forte amputation de crédits, alors que son poids est très faible dans le total des dépenses de l’État. Cette orientation a des effets négatifs en termes d’influence et de réduction de la pauvreté. Le gouvernement suit les autres lois de programmation à l’euro près, contrairement à celle relative au développement solidaire.
M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Le groupe Rassemblement national préconise des réductions drastiques de dépenses dans de très nombreux domaines, pourtant au moins aussi importants que l’APD.
M. Frédéric Petit (Dem). Le groupe Les Démocrates souhaite que les membres de la commission travaillent ensemble. Le désordre et les contradictions de nos amendements affaiblissent notre commission. J’ai cherché la voie d’un travail commun mais je n’ai pas été suivi, alors que c’était possible.
M. Michel Herbillon (DR). Cher collègue Hervé Berville, je me souviens de votre rôle et de celui de l’ensemble de notre commission dans l’élaboration de la loi de programmation mais votre message doit être adressé au gouvernement, au premier ministre et au président de la République, non à notre commission. En tant qu’ancien membre du gouvernement, vous avez les moyens de vous faire entendre.
M. Hervé Berville (EPR). Je n’ai pas caché mon opinion au ministre la semaine dernière : s’il était là, je dirais la même chose, comme je le ferai dans l’hémicycle. Nous sommes ici pour amender la copie du gouvernement, donc il est normal que je propose des modifications.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE30 de M. Vincent Ledoux
M. Vincent Ledoux (EPR). Je m’inscris dans les pas de monsieur Berville et de madame Lakrafi pour vous alerter sur la baisse très importante – de 28 millions à 18 millions d’euros – des crédits dédiés au volontariat international d’échange et de solidarité.
Tout le monde sait le rôle que jouent les volontaires internationaux. Ces Français, jeunes ou moins jeunes, s’engagent pour accompagner, partout dans le monde, en Afrique, en Asie ou en Amérique latine, des projets de développement local, d’accès à l’eau, d’éducation, de santé ou de formation professionnelle. Ils sont les visages concrets de la solidarité française et de notre diplomatie de terrain.
Ces missions sont reconnues par la loi du 4 août 2021 et mobilisent chaque année plusieurs milliers de citoyens, en partenariat avec les collectivités locales, les ONG et les acteurs du développement. Elles font émerger une génération très engagée, responsable et ouverte à l’international. La réduction des crédits affaiblira l’écosystème associatif et freinera la dynamique d’engagement, qui fait la force de la France à l’étranger.
L’amendement est lui aussi symbolique puisqu’il vise à transférer 1 euro du programme 110 au programme 209. L’objectif est d’ouvrir le débat et d’inviter le gouvernement à examiner à nouveau cette coupe budgétaire et à maintenir une enveloppe plus équilibrée, autour de 23 millions d’euros, pour que le volontariat continue de rayonner au service de la France et de ses valeurs.
M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Je reconnais totalement l’utilité du volontariat mais l’amendement de notre collègue Lakrafi a déjà été adopté, donc je suis défavorable à celui-ci, dont la portée est uniquement symbolique.
M. Frédéric Petit (Dem). Je tiens à préciser ma précédente intervention : ouvrir une enveloppe de 1 milliard d’euros sans en préciser la ventilation revient à donner un blanc-seing au gouvernement, qui pourra très bien n’affecter aucun crédit supplémentaire aux volontaires.
Notre commission ne travaille pas comme elle devrait le faire. Nous aurions dû retenir des amendements plus sages et moins symboliques, et mener un travail d’analyse comme celui que vous proposez. Hélas, ce n’est plus possible car nous avons dépensé 1 milliard d’euros dans un paquet dont les actions ne sont pas déclinées, pas plus que ne l’est l’adoption de dotations supplémentaires de plusieurs millions d’euros pour corriger l’oubli de tel ou tel acteur. J’ai tenté de déminer l’examen de ces crédits avant cette réunion : ma méthode n’a pas été suivie, nous en payons maintenant le prix.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE131 de M. Kévin Pfeffer
M. Nicolas Dragon (RN). Cet amendement vise à supprimer près de 125 millions d’euros de crédits destinés à la coopération européenne via le reliquat du Fonds européen de développement (FED).
Créé en 1957, le FED a été intégré en 2021 dans l’Instrument de voisinage, de coopération au développement et de coopération internationale (IVCDI). Toutefois, la pluri-annualité de la programmation impose aux États membres de maintenir leur contribution jusqu’en 2027.
Ce mécanisme pose plusieurs problèmes structurels. Il s’apparente à un trou noir budgétaire échappant au contrôle démocratique car la visibilité de la France sur l’emploi de ces fonds est très faible. Cette opacité est d’autant plus problématique que le FED a historiquement souffert de graves défaillances de gestion, documentées par la Cour des comptes européenne. Celle-ci a recensé des projets inutiles, qui sont comptabilisés plusieurs fois, qui sont destinés à des bénéficiaires fantômes ou qui visent à construire des infrastructures inutilisées. Tout cela n’a suscité aucune réaction de la Commission européenne.
Le groupe Rassemblement national demande la suppression de l’enveloppe de 124 millions d’euros allouée au FED : une goutte d’eau dans les près de 10 milliards d’APD distribués par l’Union européenne chaque année.
M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Je soutiens totalement l’amendement. La politique de voisinage s’élèvera à 2 milliards d’euros en 2026 et le FED est en voie d’extinction : la dépense prévue dans le PLF correspond à un reliquat. En outre, les passionnants rapports de la Cour des comptes européenne consacrés à l’aide au développement européenne montrent que celle-ci dilue l’APD française et que ses effets sont cataclysmiques sur le terrain.
Le groupe Rassemblement national souhaite maîtriser les flux migratoires mais ne veut pas confier de braves gens à des dictatures qui enferment des femmes et des enfants dans des conditions inhumaines, uniquement parce qu’ils ont voulu passer des frontières. Nous refusons à la fois qu’ils viennent chez nous et qu’ils soient maltraités mais quand c’est la sainte Union européenne qui le permet, alors les critiques se taisent. Cette approche pavlovienne doit cesser.
La commission rejette l’amendement.
Contre l’avis du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement II-AE132 de M. Michel Guiniot.
Amendement II-AE114 de Mme Marine Hamelet
Mme Marine Hamelet (RN). Dans le même objectif de rationalisation des dépenses publiques, cet amendement propose de supprimer les contributions volontaires de l’État en matière de coopération multilatérale. Ces crédits entièrement pilotables doublent – voire triplent – d’autres programmes de la mission budgétaire. Je propose toutefois de conserver le financement alloué au programme des Jeunes experts associés auprès des Nations unies ou de la Banque mondiale car il s’agit d’un bon outil d’influence française au sein de ces institutions.
L’amendement vise à dégager 26 millions d’euros d’économies sans revenir sur les engagements internationaux de la France.
M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Je suis favorable à cet amendement, qui poursuit un double objectif de clarté et de rationalisation de nos contributions multilatérales en supprimant des doublons entre les programmes 209, 110 et 384. C’est un effort indispensable dans cette période de contrainte budgétaire.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE111 de Mme Marine Hamelet
Mme Marine Hamelet (RN). Le volume des dons octroyés aux ONG au titre de notre APD s’élève à 65 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 107 millions d’euros en crédits de paiement. Le projet annuel de performances (PAP) indique que le suivi du bon déploiement des orientations est assuré par l’inclusion de cibles chiffrées dans le COM de l’AFD. Le COM est porté disparu depuis 2023, au mépris de la loi du 4 août 2021. En outre, si certaines ONG sont formidables, d’autres sont dangereuses : je pense notamment au Secours islamique.
L’amendement vise, pour ces raisons, à réduire de 20 %, soit de 13 millions d’euros, les crédits alloués au financement des ONG opaques, voire dangereuses.
M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Cette diminution de crédits semble proportionnée aux 777 millions d’euros dont bénéficie l’AFD pour aider des projets. Le COM n’a jamais été transmis à la représentation nationale, pas plus que la documentation que nous avions demandée sur les projets qui ont peu réussi. Nous devons donc envoyer un signal et diminuer les crédits.
M. Frédéric Petit (Dem). Le rapporteur pour avis, membre du Rassemblement national, a soutenu une proposition visant à abonder un programme de 1 milliard d’euros et il souhaite désormais l’amputer. Pour un groupe qui prétend éclairer le citoyen, il s’agit d’une démarche bien peu cohérente.
M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. J’espère que vos électeurs comprendront votre propre position. Quant à nous, nous sommes opposés à ce transfert de crédits mais nous soutenons le passage du multilatéral au bilatéral.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE101 de M. Jean-Louis Roumégas
M. Jean-Louis Roumégas (EcoS). Cet amendement vise à rétablir la contribution de la France à l’effort multilatéral en faveur de la sécurité sanitaire mondiale.
Les États-Unis se sont retirés de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Dans le même temps, le gouvernement américain a réduit à peau de chagrin l’USAID. En outre, les attaques contre la science minent la confiance dans la vaccination. La situation est préoccupante car ces reculs fragilisent des programmes essentiels et efficaces qui protègent des millions de vies, comme l’Alliance mondiale pour les vaccins et l’immunisation (Gavi), Covax et le Fonds mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme. N’oublions pas que les épidémies ne s’arrêtent pas aux frontières.
M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. L’avis est défavorable car l’amendement commet un contresens en transférant 186 millions d’euros de l’aide bilatérale, que nous contrôlons directement, vers l’aide multilatérale, qui est bureaucratique et qui échappe à notre contrôle. Il serait préférable de consacrer ces 186 millions au financement de nos ambassades et de nos ONG.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-AE153 de M. Pierre-Yves Cadalen
Mme Nadège Abomangoli (LFI-NFP). Cet amendement vise à augmenter les financements alloués aux droits et santé sexuels et reproductifs. L’approche de l’APD française, traditionnellement de nature démographique, est désormais centrée sur les droits.
Les crises telles que la pandémie du Covid-19, l’inflation, les conflits et les impacts du dérèglement climatique, combinées à la montée des mouvements opposés aux droits et aux choix, menacent de remettre en cause les droits fondamentaux.
L’amendement, précisément chiffré, reprend une proposition du collectif Générations féministes émise en 2021.
M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. L’avis est défavorable. Nous n’avons pas les moyens de décupler les moyens consacrés à ces programmes, actuellement de l’ordre de 20 millions d’euros. Enfin, l’amendement vise à imposer une idéologie occidentale à des pays qui ont d’autres priorités.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE93 de M. Hervé Berville
M. Hervé Berville (EPR). Cet amendement porte sur l’affectation de la taxe sur les transactions financières (TTF) au Fonds de solidarité pour le développement. Comme vous le savez, nous avons récemment supprimé le caractère extrabudgétaire de la TTF. Celle-ci était auparavant directement affectée à l’APD : le gouvernement l’a intégrée au budget général tout en continuant à allouer son produit à l’APD.
La précédente loi de finances a augmenté de 0,3 % à 0,4 % le taux de cette taxe mais l’APD n’a pas bénéficié de cette hausse, estimée à 176 millions d’euros. L’amendement vise à corriger ce manque.
M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. La budgétisation de la TTF s’est accompagnée d’une décorrélation entre le produit de la taxe et les crédits du FSD, qui demeurent donc au même niveau. En outre, le FSD finance déjà trop de contributions volontaires multilatérales, donc l’avis est défavorable.
M. Hervé Berville (EPR). Certes mais ce n’est pas un plafond. La loi de programmation prévoit uniquement un plancher.
La commission adopte l’amendement.
L’amendement II-AE10 de Mme Virginie Duby-Muller n’est pas défendu.
Amendement II-AE155 de Mme Nadège Abomangoli
Mme Nadège Abomangoli (LFI-NFP). Il s’agit ici de doubler les crédits alloués au Fonds français Muskoka.
M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Comme vous demandez une levée de gage, j’y suis défavorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-AE154 de Mme Dieynaba Diop
Mme Dieynaba Diop (SOC). Amendement symbolique à 1 euro : il vise à vous alerter du risque d’un désengagement de la France dans le domaine de la santé mondiale, en raison de la nouvelle coupe de 700 millions d’euros dans les crédits alloués à la solidarité internationale. Il importe que nous restions mobilisés dans le domaine de la santé, notamment pour lutter contre la malnutrition et pour faciliter l’accès à l’eau et à la vaccination.
M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Avis défavorable. Un amendement à 1 euro est une gesticulation rhétorique. Si vos objectifs sont louables, le niveau élevé des coûts administratifs et la multiplication des intermédiaires grèvent l’efficacité des actions.
Mme Dieynaba Diop (SOC). Monsieur le rapporteur, pourriez-vous cesser vos jugements de valeur sur les amendements ? Il est méprisant de parler de « gesticulation rhétorique ».
M. Frédéric Petit (Dem). Vous avez défendu l’amendement II-AE141 de notre collègue Stéphane Rambaud, lequel allait dans le même sens qu’une proposition de madame Diop. Ensuite, vous avez soutenu un amendement de madame Hamelet, dont l’objet était exactement inverse. Vous irez expliquer à vos électeurs qu’il faut transférer 10 millions d’euros d’une action à l’autre pour voter quelques minutes plus tard un transfert de 13 millions dans le sens opposé. Vous contribuez à rendre le travail de notre commission incompréhensible.
M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Madame Diop, je ne vous visais pas et n’ai fait preuve d’aucun mépris. Nous menons un débat d’idées : je redis que je trouve votre mesure quelque peu rhétorique et gesticulatoire.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-AE127 de Mme Marine Hamelet.
M. le président Bruno Fuchs. Faute de crédits, l’amendement II-AE127 de Mme Marine Hamelet tombe.
Amendements identiques II-AE107 de M. Jorys Bovet et II-AE117 de M. Michel Guiniot.
M. Jérôme Buisson (RN). L’amendement II-AE107 vise à supprimer la contribution française au Fonds vert pour le climat, fixée en 2026 à 135,12 millions d’euros. Outre le fait qu’il s’agit d’un engagement volontaire, la France finance déjà largement le Fonds vert dans le programme 110, Aide économique et financière au développement. Cette double contribution crée de la dispersion et un manque de transparence sur l’usage de l’argent public.
Dans le contexte budgétaire actuel, les immenses besoins de financement de la transition énergétique en France doivent nous conduire à concentrer nos moyens sur des actions dont l’efficacité est clairement établie pour nos concitoyens. Comme la pertinence et les retombées de cette contribution au Fonds vert ne sont pas manifestes, nous proposons de l’interrompre.
M. Michel Guiniot (RN). Nous voulons économiser ce montant de 135,12 millions d’euros. En 2023, la direction générale du Trésor a commandé à un cabinet de conseil une étude dont les conclusions sont accablantes : l’efficience et la gouvernance du fonds sont jugées plus faibles que celles des autres structures comparables. Ces profondes lacunes conduisaient les auteurs de cet état des lieux à s’interroger sur la pertinence du maintien de notre contribution tant que des progrès n’auraient pas été accomplis. Ils relevaient par ailleurs un écart important entre les engagements des États et les décaissements du fonds. En somme, celui-ci stocke les deniers publics d’une multitude d’États.
L’amendement n’a pas pour but de revenir sur nos engagements mais de suivre les recommandations du rapport : pas de nouvel investissement tant que les objectifs d’amélioration du fonctionnement du fonds ne sont pas atteints.
Contre l’avis du rapporteur pour avis, la commission rejette les amendements.
L’amendement II-AE103 de M. Jorys Bovet est retiré.
Amendement II AE108 de M. Jorys Bovet
M. Jérôme Buisson (RN). Cet amendement d’appel vise à réduire de moitié la contribution française au Fonds vert pour le climat en 2026, soit une économie de 67,56 millions d’euros. Je rappelle que cette contribution est facultative et que la France finance déjà généreusement le fonds dans un autre programme budgétaire.
Contre l’avis du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE83 de Mme Christine Engrand.
Mme Christine Engrand (NI). Cet amendement propose de retrancher 50 millions d’euros au programme 384, qui participe au financement de fonds internationaux. Les contributions françaises s’y diluent sans que nous puissions en mesurer les effets. Notre aide serait plus utile si elle passait davantage par des actions bilatérales, visibles et concrètes, menées directement par la France.
Contre l’avis du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE102 de M. Jorys Bovet
M. Jérôme Buisson (RN). Cet amendement vise à supprimer les 20 millions d’euros alloués au financement d’actions internationales liées à ce que le gouvernement nomme la « diplomatie féministe, égalité de genre et droits sexuels et reproductifs ». Le PAP indique que la France ambitionne d’être un pays chef de file dans ces domaines. Toutefois, dans le contexte budgétaire que nous connaissons et alors que le pays fait face à des défis majeurs, il n’est pas prioritaire de consacrer nos ressources financières dans des dispositifs à l’efficacité au mieux incertaine.
M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. L’avis est favorable. Le concept de diplomatie féministe a été imposé sans débat démocratique. Il ne répond pas aux besoins réels des populations, centrés sur l’eau potable et les infrastructures.
M. Frédéric Petit (Dem). Cela revient à considérer que l’Afrique n’a pas besoin de la moitié de sa population pour se développer ! Tous les projets visent à accroître l’égalité entre les hommes et les femmes ainsi que l’accession à la formation, à l’école et au travail. Il faut passer par les ministères, comme le rapporteur l’a indiqué pour s’en moquer, parce que les actions doivent prendre la forme de politiques publiques locales. Vous vous trompez de combat.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE104 de M. Jorys Bovet
M. Jérôme Buisson (RN). Depuis 2020, notre pays a fortement augmenté ses versements, au point d’en devenir l’un des tout premiers contributeurs volontaires. Pourtant, l’OMS bénéficie déjà d’un financement mondial important. Il n’appartient pas à la France de consentir un tel effort financier quand son propre système de santé est à bout de souffle. Il est de notre devoir d’agir et de hiérarchiser nos investissements publics. Avons-nous vraiment vocation à assumer un effort mondial particulièrement élevé quand d’autres puissances comme l’Allemagne, le Royaume-Uni et les États-Unis contribuent beaucoup moins que nous ?
C’est pourquoi je vous invite à adopter cet amendement de bon sens qui vise à réduire de moitié la contribution volontaire de la France à l’OMS, fixée dans le PLF à 22 millions d’euros, tout en préservant notre engagement international : un investissement de 11 millions est déjà généreux.
M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. L’avis est favorable. Nous avons constaté plusieurs dysfonctionnements de l’OMS pendant la pandémie du Covid. L’Organisation est très dépendante de certains États contributeurs et elle souffre d’une lourde bureaucratie. Les actions sanitaires bilatérales et le système de santé national sont prioritaires.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE105 de M. Jorys Bovet
M. Jérôme Buisson (RN). Cet amendement vise à supprimer la contribution française de 3 millions d’euros à l’initiative multi-bailleurs de renforcement des services d’alerte précoce des risques climatiques (Crews). La France finance déjà de nombreux dispositifs poursuivant les mêmes objectifs, notamment le Fonds vert pour le climat ou l’aide bilatérale climatique de l’AFD. Ce que finance ce programme existe ailleurs avec des budgets bien plus élevés et une gouvernance mieux structurée. Depuis 2015, notre pays a engagé plus de 30 millions d’euros dans cette initiative : il s’agit d’un effort financier élevé et redondant. Nous refusons cette dépense volontaire dont l’intérêt stratégique reste à clarifier.
M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. L’existence d’autres programmes rend l’initiative Crews inutile, donc l’avis est tout à fait favorable.
M. Frédéric Petit (Dem). Ces fonds sont peu dotés en autorisations d’engagement mais ils financent des innovations multilatérales. Ils ouvrent des négociations sur les contours de l’aide publique au développement du XXIe siècle. Leur réussite n’est pas assurée mais il est utile de développer des plateformes centrées sur les nouveaux modes de surveillance des risques. Cette démarche semble plus opportune que celle consistant à continuer de financer des instruments qui n’apportent pas toutes les réponses souhaitées : elle est en réalité économe des deniers publics.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE149 de M. Pierre-Yves Cadalen
M. Aurélien Taché (LFI-NFP). Cet amendement vise à créer un nouveau programme destiné impulser l’annulation de la dette des pays en développement. Ces derniers ont souvent contracté une dette auprès des pays occidentaux, ceux-ci ayant parfois agi dans une logique néocoloniale. L’annulation de ces dettes nous dispenserait de déployer de tels dispositifs à l’avenir.
À cause de leur dette, les pays en développement ont recours à des organismes financiers internationaux comme le Fonds monétaire international. Le Sénégal, par exemple, se trouve dans une situation compliquée car le précédent président a laissé les comptes du pays dans un état catastrophique.
M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Comment pouvez-vous justifier que nous empruntions à des taux élevés de l’argent que nous n’avons plus pour annuler la dette de pays à qui nous avons prêté de l’argent ? Il y a là un problème de logique. Le PLF consacre 93 millions d’euros au traitement de la dette des pays pauvres : vous demandez 300 millions d’euros supplémentaires, à dépenser sans condition. C’est du tiers-mondisme en pattes d’eph’ des années soixante-dix.
Qui annulera notre dette ? Il est envisageable d’annuler une dette dans des cas extrêmes, comme la fin d’une guerre civile. Si nous annulions la dette de pays ne connaissant pas de telles situations, nous perdrions toute crédibilité sur les marchés internationaux. Ce serait absurde !
M. Aurélien Taché (LFI-NFP). Sur un sujet aussi sérieux, vos propos sont étonnants. Vous avez avancé une kyrielle d’arguments pour refuser tout soutien à l’APD : soit le dispositif n’a pas la bonne forme, soit il coûte trop cher, soit il faut le réformer, etc. Il y a des raisons pour lesquelles nous avons prêté de l’argent à ces pays, qui furent sous la coupe du nôtre, mais vous repoussez toute idée de dépenser de l’argent pour s’attaquer aux causes structurelles du retard de développement. Rien ne vous convient pour l’APD, pas même la résolution d’un problème structurel comme celui de la dette.
La conclusion de cette matinée est que vous ne voulez pas consacrer le moindre euro à la solidarité internationale, sous quelque forme que ce soit. Au moins, les choses sont claires pour ceux qui suivent nos débats.
M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. C’est totalement faux. Nous refusons simplement de dépenser davantage l’argent que nous n’avons plus.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE159 de M. Pierre-Yves Cadalen
M. Jean-Paul Lecoq (GDR). Il s’agit d’un amendement transpartisan dont l’objet est de créer un nouveau programme visant à financer l’implantation en France de l’Institut Océan de l’université des Nations unies. Notre collègue Pierre-Yves Cadalen, le maire de Brest et l’ancien ministre chargé de la mer, Hervé Berville, œuvrent pour faire aboutir ce projet. Ils répondent à l’appel de Jean-Yves Le Drian, qui avait affirmé, dans cette même salle, que la France accusait un retard dans l’accueil d’institutions internationales. L’aboutissement de ce projet très crédible comblerait une partie de ce retard. La ville de Brest accueillerait cet institut, dont une antenne pourrait se situer en Polynésie : son président et notre collègue Mereana Reid Arbelot ont pris position en faveur de ce projet.
Il s’agit donc d’un amendement transpartisan et transocéan ! L’implantation de cet organisme consacrerait la crédibilité de la France en tant que puissance maritime : sous cet angle, cet amendement pourrait rassembler tout le monde.
M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Il s’agit d’un cadeau pour Brest, ville socialiste où se situe la circonscription de notre collègue Pierre-Yves Cadalen. Au-delà, cette implantation ne serait pas inintéressante pour notre pays, d’autant que le domaine est important. Je pourrais être favorable à l’amendement mais, comme il est accompagné d’une demande de levée de gage, je m’en remets à la sagesse de la commission.
La commission adopte l’amendement.
M. le président Bruno Fuchs. Nous en venons aux explications de vote sur les crédits de la mission APD inscrits dans le PLF.
Mme Dieynaba Diop (SOC). Nous nous abstiendrons sur l’adoption des crédits de la mission budgétaire car, si notre amendement II-AE134 a été adopté, les fonds ainsi transférés au programme 209 proviennent d’autres enveloppes que nous ne souhaitons pas vider. Plus généralement, de nombreux éléments sont insuffisants pour tenir les engagements que le Parlement a pris à l’unanimité en 2021.
M. Frédéric Petit (Dem). Nous nous abstiendrons également, pour les raisons que j’ai évoquées précédemment. Si nous sommes parvenus à mettre en évidence certaines contradictions, nous n’avons pas travaillé de manière équilibrée. Dieynaba Diop l’a dit elle-même.
M. Jean-Louis Roumégas (EcoS). Certains groupes seront défavorables à l’adoption des crédits alloués à l’APD car ils les estiment trop élevés ; en ce qui nous concerne, c’est parce que nous les jugeons trop faibles que nous voterons contre. Je tenais à faire cette distinction.
La commission émet un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission Aide publique au développement modifiés.
Avant l’article 66 :
Les amendements II-AE91 et II-AE92 de M. Hervé Berville ne sont pas défendus.
Amendement II-AE100 de Mme Amélia Lakrafi
Mme Amélia Lakrafi (EPR). Cet amendement vise à obtenir du gouvernement un rapport sur l’opportunité de conclure des conventions d’objectifs et de moyens entre l’État et les principaux opérateurs de la francophonie. Nous en sommes les principaux financeurs mais nos relations reposent sur une logique budgétaire annuelle, donc sans visibilité pluriannuelle ni véritable cohérence stratégique. Ce fonctionnement fragilise les actions des opérateurs et empêche la France de piloter efficacement sa politique en ce domaine.
M. Guillaume Bigot, rappporteur pour avis. Dans la mesure où il n’y a pas de coût associé, avis favorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-AE121 de M. Michel Guiniot
M. Michel Guiniot (RN). Il s’agit par cet amendement de demander un rapport sur les contreparties accordées par les pays étrangers qui bénéficient des bonifications d’intérêts versées par la France, lesquelles permettent d’abaisser le taux d’intérêt des prêts octroyés par l’Agence française de développement.
Parce qu’il y a des intérêts en jeu, vous avez refusé nos amendements qui visaient à supprimer ces bonifications. Cet amendement serait sans conséquences financières mais nous permettrait d’y voir plus clair sur les contreparties que nous recevons en échange des largesses du contribuable français. Il s’agit simplement d’obtenir des informations qui seront utiles à tous lors des prochains PLF.
M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Avis très favorable.
La commission rejette l’amendement.
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Information relative à la commission
En introduction de sa réunion, la commission désigne :
– M. Emmanuel Maurel, rapporteur pour avis sur la proposition de résolution européenne visant à rejeter le projet d’accord sur les droits de douane et le commerce du 27 juillet 2025 entre l’Union européenne et les États-Unis (n° 1966) ;
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La séance est levée à 13 h 25.
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Membres présents ou excusés
Présents. - Mme Nadège Abomangoli, M. Pieyre-Alexandre Anglade, Mme Clémentine Autain, M. Michel Barnier, M. Hervé Berville, Mme Véronique Besse, M. Guillaume Bigot, M. Bertrand Bouyx, M. Jorys Bovet, M. Jérôme Buisson, M. Pierre Cordier, Mme Christelle D'Intorni, M. Alain David, Mme Dieynaba Diop, M. Nicolas Dragon, Mme Christine Engrand, M. Olivier Faure, M. Marc de Fleurian, M. Bruno Fuchs, M. Julien Gokel, Mme Pascale Got, Mme Clémence Guetté, M. Michel Guiniot, M. Stéphane Hablot, Mme Marine Hamelet, M. Michel Herbillon, M. François Hollande, Mme Amélia Lakrafi, M. Jean-Paul Lecoq, M. Vincent Ledoux, Mme Gisèle Lelouis, M. Emmanuel Maurel, M. Laurent Mazaury, Mme Nathalie Oziol, M. Frédéric Petit, Mme Maud Petit, M. Kévin Pfeffer, M. Pierre Pribetich, M. Stéphane Rambaud, M. Franck Riester, Mme Laurence Robert-Dehault, M. Jean-Louis Roumégas, Mme Laetitia Saint-Paul, M. Aurélien Taché, Mme Dominique Voynet, M. Lionel Vuibert, Mme Estelle Youssouffa
Excusés. - Mme Eléonore Caroit, M. Sébastien Chenu, M. Marc Fesneau, M. Alexis Jolly, Mme Brigitte Klinkert, M. Arnaud Le Gall, Mme Marine Le Pen, M. Christophe Naegelen, Mme Mathilde Panot, M. Jean-François Portarrieu, Mme Sabrina Sebaihi, Mme Michèle Tabarot, M. Vincent Trébuchet, M. Laurent Wauquiez, Mme Caroline Yadan
Assistaient également à la réunion. - M. Pierre-Yves Cadalen, Mme Sophia Chikirou, Mme Sophie Mette, M. Boris Tavernier