Compte rendu
Commission
des lois constitutionnelles,
de la législation
et de l’administration
générale de la République
– Suite de l’examen pour avis et vote des crédits de la mission « Justice » (Mme Gabrielle Cathala, rapporteure pour avis sur les crédits de la justice et de l’accès au droit, et M. Romain Baubry, rapporteur pour avis sur les crédits de l’administration pénitentiaire et de la protection judiciaire de la jeunesse) 2
– Examen pour avis et vote des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » (Mme Blandine Brocard, rapporteure pour avis) 10
Mercredi
29 octobre 2025
Séance de 15 heures
Compte rendu n° 12
session ordinaire de 2025-2026
Présidence
de Mme Pascale Bordes,
vice-présidente
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La séance est ouverte à 15 heures
Présidence de Mme Pascale Bordes, vice-présidente.
La Commission poursuit l’examen pour avis et le vote des crédits de la mission
« Justice » (Mme Gabrielle Cathala, rapporteure pour avis sur les crédits de la justice et de l’accès au droit, et M. Romain Baubry, rapporteur pour avis sur les crédits de l’administration pénitentiaire et de la protection judiciaire de la jeunesse).
Article 49 et état B : Crédits du budget général (suite)
Amendement II-CL125 de M. Jean-François Coulomme
M. Andy Kerbrat (LFI-NFP). On parle souvent de la délinquance de la jeunesse, mais à bien y regarder, on constate surtout son abandon : celui de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), le parent pauvre de ce budget ; celui de ses personnels surtout, qui sont en première ligne pour accompagner les mineurs en difficulté ; ils se sont fortement mobilisés à l’automne 2024.
La précarité est organisée, faute de moyens structurels. La direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ) multiplie les contrats précaires pour boucher les trous. Les éducateurs, essentiels à la mission, sont trop souvent titulaires de contrats temporaires ; ce sont des variables d’ajustement. Cette logique purement gestionnaire est indigne lorsqu’il s’agit d’accompagner des jeunes vulnérables.
Le résultat est catastrophique. Le recrutement en 2025 a été un échec total : moins de 147 ETP (équivalents temps plein) ont été recrutés dans les métiers éducatifs. En conséquence, des centaines de mesures demeurent en attente, des placements ne sont pas exécutés, les délais d’investigation explosent – un an et demi au lieu de six mois. En d’autres termes, la jeunesse est sacrifiée. Comment voulez-vous recruter dans ces conditions ? Pour 2026, on nous promet un rattrapage qui n’est qu’un trompe-l’œil : à peine trente postes nets créés, sans contrat stable, sans titularisation et sans attractivité ; cela aboutira au même fiasco.
L’accompagnement de ces jeunes exige des personnels qualifiés et stables, des professionnels engagés à long terme, ce que seul le statut de fonctionnaire peut garantir. Ce ne sont pas que les syndicats qui le disent, mais aussi les magistrats et les avocats ; ils savent que sans PJJ stable, c’est toute la justice des mineurs qui s’effondre. La titularisation est une garantie de qualité et une protection contre les décisions purement comptables.
Suivant l’avis du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement.
Amendement II-CL126 de M. Jean-François Coulomme
M. Andy Kerbrat (LFI-NFP). Un article du Parisien est paru aujourd’hui sur les modalités de radicalisation des adolescents et des mineurs. Il est intitulé « Les ados terroristes made in France : plongée dans une mouvance "hyperconnectée et ultra-violente." »
Je pense à la mouvance masculiniste incel, à l’origine d’un passage à l’acte l’année dernière à l’établissement Notre-Dame-de-Toutes-Aides, dans ma circonscription ; les portiques n’empêchent pas la radicalisation. Voilà la réalité à laquelle nous faisons face : la délinquance se complexifie, se radicalise et plonge ses racines dans des failles psychologiques profondes, dans le complotisme et dans la haine.
Face à cette réalité, la réponse budgétaire n’est pas à la hauteur. L’enfermement dans les CEF (centres éducatifs fermés) n’est pas la solution ; il est même souvent un facteur aggravant, criminogène. Face à des jeunes embrigadés, endoctrinés et perdus, soigner est fondamental. Les syndicats de la PJJ nous alertent depuis des mois sur l’effondrement de l’accompagnement psychologique des mineurs. Le psychologue est pourtant essentiel pour évaluer le jeune, comprendre son vécu et l’accompagner dans sa reconstruction, mais aussi pour orienter la justice.
Nous demandons un plan d’urgence de 7 millions d’euros pour recruter massivement des psychologues à la PJJ. Le choix est limpide : préférez-vous financer deux ou trois murs pour cacher les problèmes ou recruter des dizaines de psychologues pour commencer à soigner ?
M. Romain Baubry, rapporteur pour avis. En défense du précédent amendement, vous étiez opposés au recrutement de contractuels ; en défense de celui-ci, vous proposez d’en recruter massivement – les psychologues recrutés dans ces conditions exerceraient sous ce statut. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements II-CL346 de M. Romain Baubry et II-CL215 de Mme Pascale Bordes (discussion commune)
M. Romain Baubry, rapporteur pour avis. Mon amendement vise à redéployer les crédits alloués au plan relatif au sport en détention, qui prévoit notamment le renouvellement du parc des matériels et des machines de sport dans les établissements pénitentiaires. Cette dépense n’étant absolument pas prioritaire, je propose de redéployer ces crédits au profit des services de la PJJ, afin de renforcer la prise en charge et l’accompagnement des mineurs délinquants.
Par ailleurs, avis favorable sur l’amendement II-CL215.
La commission adopte l’amendement II-CL346.
En conséquence, l’amendement II-CL215 tombe.
Amendement II-CL334 de M. Romain Baubry
M. Romain Baubry, rapporteur pour avis. Il vise à faire des économies sur le budget consacré aux activités culturelles et sportives de la PJJ, puisque les écoles de la République elles-mêmes ne permettent pas toujours à leurs élèves d’accéder à des activités culturelles.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CL127 de M. Jean-François Coulomme
M. Jean-François Coulomme (LFI-NFP). J’ai récemment visité les établissements pour mineurs de La Valentine et de Meyzieu. J’ai été frappé par l’indigence des activités proposées aux mineurs ; ils sont pratiquement maintenus en cage – je l’ai dit au ministre.
Nous avons un problème avec la formation de ces jeunes : ils devraient profiter de leur temps d’emprisonnement pour suivre une formation professionnelle ou une période d’éducation scolaire. Les centres éducatifs fermés ne nous satisfont pas : ils n’offrent qu’une demi-solution. Nous lui préférons le modèle plus vertueux des centres éducatifs ouverts (CEO) : l’ouverture sur le monde extérieur, accompagnée par des adultes référents, nous semble plus adaptée pour aider ces jeunes à sortir de la spirale dans laquelle ils ont été entraînés.
Suivant l’avis du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement.
Amendements II-CL273 et II-CL271 de Mme Gabrielle Cathala, II-CL220 de M. Pouria Amirshahi, II-CL261, II-CL272, II-CL282 et II-CL281 de Mme Gabrielle Cathala (discussion commune)
Mme Gabrielle Cathala, rapporteure pour avis. Les amendements II-CL273, II-CL271 et II-CL261 visent à revaloriser l’unité de valeur de l’aide juridictionnelle, respectivement à 60 euros, 46 euros et 40 euros.
Cette unité de valeur s’établit à 36 euros, un montant largement insuffisant, dénoncé par les avocats. En 2019, le rapport Perben préconisait déjà de le porter à 40 euros ; en tenant compte de l’inflation depuis lors, ce montant serait aujourd’hui de 42,2 euros. L’année dernière, mon amendement visant à fixer ce montant à 60 euros avait été adopté en commission.
Avis favorable sur l’amendement II-CL220, mais je vous invite à voter l’amendement II-CL273.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements II-CL209 de Mme Colette Capdevielle, II-CL270 et II-CL119 de Mme Gabrielle Cathala, et II-CL227 de Pouria Amirshahi (discussion commune)
Mme Céline Thiébault-Martinez (SOC). L’amendement de Colette Capdevielle vise à ouvrir le débat sur les moyens que nous consacrons aux dispositifs de justice restaurative.
La justice restaurative est une autre manière d’aborder le traitement des crimes et des délits après que l’auteur a été condamné et d’empêcher la récidive – les résultats sont très probants. Concrètement, l’auteur d’un crime ou d’un délit est mis en contact avec des victimes : ses propres victimes si elles le souhaitent ou des victimes ayant subi le même préjudice.
Cet amendement a pour objectif d’aller plus loin que ce qui figure dans le projet annuel de performances, c’est-à-dire plus loin que l’expérimentation et les discours, en donnant de véritables moyens à la justice restaurative.
Mme Gabrielle Cathala, rapporteure pour avis. Je suis favorable à ces amendements, mais le montant de 100 millions proposé par Mme Capdevielle me semble un peu démesuré. Celui proposé par M. Amirshahi, de 1,5 million, me semble plus raisonnable.
Cependant, je vous invite à voter l’amendement II-CL119, qui propose un montant issu de mes échanges avec l’Institut français pour la justice restaurative et correspondant aux besoins réels. Quant à l’amendement II-CL270, il a pour objectif le financement de 303 ETP au bénéfice de l’Institut français pour la justice restaurative, afin d’assurer son bon fonctionnement.
M. Pouria Amirshahi (EcoS). La justice restauration est une pratique innovante, même si elle a déjà fait l’objet de plusieurs expérimentations – un joli film en témoigne, dont nous avions parlé l’an dernier.
Victor Hugo avait eu ces mots, chers à Robert Badinter : « Le droit qu’on ne peut retirer à personne, c’est le droit de devenir meilleur. » La justice restaurative est l’un des moyens d’exercer ce droit. Elle consiste à faire dialoguer, avec l’aide d’un médiateur neutre et formé, une victime et l’auteur d’une infraction, ainsi que toute personne concernée, afin qu’ils cherchent, ensemble, à comprendre, à réparer et à prévenir la récidive.
Alors que les conciliateurs de justice, dont j’ai parlé ce matin, interviennent en amont pour éviter que le différend ne se transforme en procédure, la justice restaurative intervient après que le délit ou le crime a été commis. Elle s’inscrit dans une démarche de compréhension et d’empathie, tant pour l’auteur, qui est amené à comprendre la gravité de ses actes, que pour la victime, qui peut dépasser le traumatisme subi.
La justice restaurative existe depuis 2014 ; elle est plus développée dans d’autres pays, en Grande-Bretagne notamment. Plus de 80 % des victimes passées par ce dispositif s’en disent satisfaites, parce qu’elles ont été entendues et reconnues comme victimes ; le dialogue restaure une forme de paix que la sanction seule ne permet pas toujours de trouver.
L’amendement II-CL227 vise à renforcer les moyens de la justice restaurative à hauteur de 1,5 million.
Mme Gabrielle Cathala, rapporteure pour avis. Demande de retrait des amendements au profit des miens.
La commission rejette successivement les amendements II-CL209, II-CL270 et II-CL119 et adopte l’amendement II-CL227.
Amendements II-CL263 de Mme Gabrielle Cathala et II-CL217 de Mme Pascale Bordes (discussion commune)
Mme Gabrielle Cathala, rapporteure pour avis. L’amendement II-CL263 vise à financer l’élargissement de la prime Ségur aux salariés du secteur social et médico-social privé à but non lucratif, décidé en août 2024, avec un effet rétroactif pour l’exercice 2024.
Les associations ont reçu un versement permettant de financer cette prime, tant de la part du ministère de la justice – et les crédits du programme Accès au droit et à la justice – que de la part du ministère de l’égalité entre les femmes et les hommes. Mais ce versement ne concerne que l’année 2025.
Il s’agit donc de financer rétroactivement cette prime au titre de l’année 2024, soulageant ainsi les nombreuses associations dont les comptes sont dans le rouge. Je pense en particulier aux CIDFF (centres d’information sur les droits des femmes et des familles) qui sont en grande difficulté depuis l’été 2024.
Avis défavorable sur l’amendement II-CL217.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements II-CL4 de Mme Sandrine Josso, II-CL284 et II-CL283 de Mme Gabrielle Cathala, II-CL241 de M. Pouria Amirshahi et II-CL274 de Mme Gabrielle Cathala (discussion commune)
M. Éric Martineau (Dem). L’amendement de ma collègue Sandrine Josso vise à octroyer 15 millions d’euros aux associations d’aide aux victimes ; en réalité, il faudrait 15 millions pour répondre aux ambitions du ministre de la justice et 5 millions au minimum pour freiner les fermetures de permanences.
Plus de la moitié de ces associations ont supprimé des postes et des permanences, faute de budget, alors même que le soutien psychologique est indispensable. Grâce aux 350 psychologues qu’elles emploient, ces associations aident concrètement les victimes à surmonter leurs traumatismes. Une victime sur dix seulement bénéficie d’un accompagnement, qui ne coûte pourtant que 10 euros par personne en moyenne.
En contrepartie de cet abondement de 15 millions à l’aide aux victimes, nous proposons de diminuer d’autant l’action informatique ministérielle.
Mme Gabrielle Cathala, rapporteure pour avis. Je souscris au constat de ma collègue Sandrine Josso : augmenter le nombre de téléphone grand danger (TGD) implique d’augmenter le budget des associations accompagnant les femmes qui en sont équipées. En revanche, je déplore que les crédits visant à financer son amendement soient retirés du programme Conduite et pilotage de la politique de la justice.
Plusieurs de mes amendements portent sur le déploiement de téléphones grave danger (TGD) : l’amendement II-CL283 vise à en créer 2 000 de plus, afin d’en porter le nombre à 8 500 ; l’amendement II-CL274 vise à en créer 1 000 de plus ; l’amendement II-CL284 vise à augmenter à la fois le nombre de TGD et le budget des associations qui accompagnent les femmes qui en sont équipées, pour un montant total de 11,2 millions, ce qui correspond aux objectifs visés par Mme Josso. Pour financer ces actions en faveur du déploiement des TGD, ils ponctionnent les crédits de l’administration pénitentiaire.
M. Pouria Amirshahi (EcoS). Je ne reviendrai pas sur le fond, qui a été très bien défendu par les deux précédents orateurs. S’agissant des moyens, je suis favorable aux amendements de Mme la rapporteure, qui me semblent mieux gagés. Néanmoins, je les voterai tous.
Mme Gabrielle Cathala, rapporteure pour avis. À défaut de voter mes amendements, j’invite les députés du socle commun à voter celui de Mme Josso ; contrairement à ce qui s’est passé ce matin, lorsqu’un de nos amendements visant à augmenter les crédits des unités médicales, conformément aux préconisations de sa mission sur la soumission chimique, a été rejeté.
Mme Céline Thiébault-Martinez (SOC). Permettez-moi d’insister sur l’importance de ces amendements.
Il y a un an, toutes les associations féministes françaises se sont réunies pour proposer une loi visant à lutter contre les violences sexuelles faites aux femmes et aux enfants. Ce texte a ensuite fait l’objet de nombreuses modifications ; à l’Assemblée, un groupe transpartisan travaille à son amélioration – je l’en remercie.
Depuis ce matin, alors que nous examinons les crédits de la mission Justice, pas un euro supplémentaire n’a été voté en ce sens, en dépit des enjeux considérables de l’accompagnement des femmes dans la lutte contre les violences qui leur sont faites. À mes yeux, cela va à l’encontre des attentes de la société, cela ne correspond pas à ce qui se passe dans les commissariats et les gendarmeries et cela ne résoudra pas les problèmes évoqués chaque année le 25 novembre et le 8 mars. J’espère donc que l’un de ces amendements sera adopté.
La commission adopte l’amendement II-CL4.
En conséquence, les autres amendements tombent.
Amendement II-CL262 de Mme Gabrielle Cathala
Mme Gabrielle Cathala, rapporteure pour avis. Il vise à augmenter les budgets des CIDFF. Ces associations accueillent un nombre croissant de femmes victimes, mais leurs budgets stagnent. Leurs besoins en matière de recrutement sont immenses : juristes, psychologues, assistantes sociales.
Tout au long de l’année, nous avons été alertés, tant par la Fédération nationale des CIDFF que par le Planning familial, sur les graves difficultés financières des associations d’aide aux victimes et des associations féministes. La plupart d’entre elles ont dû licencier ou fermer des dispositifs d’écoute ; à tout le moins, elles ont été obligées de réduire leurs activités.
Je vous invite donc à voter au moins cet amendement, qui représente 10 millions en AE et en CP.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CL267 de Mme Gabrielle Cathala
Mme Gabrielle Cathala, rapporteure pour avis. Plutôt que de défendre cet amendement, permettez-moi de revenir sur celui qui vient d’être rejeté.
Mme Thiébault-Martinez a entièrement raison : je m’étonne que les députés souhaitant octroyer 10 millions de plus aux CIDFF soient minoritaires. Ces associations féministes, qui accueillent des femmes et des enfants victimes de violences, sont financées et agréées par le ministère de la justice.
Comment peut-on voter contre l’augmentation de l’unité de valeur de l’aide juridictionnelle pour la fixer au niveau recommandé par le rapport Perben, alors que ce montant ne tient même pas compte de l’inflation ?
J’observe une opposition caricaturale, qui rejette systématiquement les amendements de la gauche – en particulier les miens –, alors même qu’ils correspondent aux demandes des professionnels. Il en est allé ainsi des amendements visant les magistrats, qui reprenaient les demandes des syndicats ; des amendements concernant l’administration pénitentiaire, qui reprenaient les demandes du Contrôleur général des lieux de privation de liberté et du Conseil de l’Europe ; des amendements visant à soutenir la lutte contre les violences faites aux femmes, qui reprenaient les demandes des experts, des écrivains et des associations féministes, voire du ministère lui-même.
Mme Céline Thiébault-Martinez (SOC). Nous reprendrons ces débats en séance publique, mais j’espère que nos collègues ont conscience de ce qu’ils votent, et de ce qu’ils ne votent pas.
Au-delà de la somme visée par l’amendement II-CL262 et au-delà des personnes accompagnées par les CIDFF, l’essentiel de l’action publique ciblant les femmes et visant à lutter contre les violences – faut-il le rappeler ? – est menée par des associations, qui fonctionnent notamment grâce au bénévolat.
À n’importe quelle heure du jour ou de la nuit, une femme victime de violences peut se retrouver dehors, avec ses enfants et, éventuellement, un animal domestique, sans savoir où dormir le soir même ni les suivants ; elle peut appeler un service d’urgence. À n’importe quelle heure du jour ou de la nuit, les associations se démènent pour que ces femmes ne restent pas à la rue avec leurs enfants.
Peut-être faisons-nous un peu trop de politique, dans cette commission. Je reste malgré tout optimiste sur la nature des débats que nous aurons dans l’hémicycle.
La commission rejette l’amendement.
Amendements II-CL286 de Mme Gabrielle Cathala et II-CL216 de Mme Pascale Bordes (discussion commune)
Mme Gabrielle Cathala, rapporteure pour avis. Afin d’améliorer l’accès au droit, il vise à développer le réseau judiciaire de proximité à hauteur de 2,4 millions.
Avis défavorable sur l’amendement II-CL216.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement II-CL287 de Mme Gabrielle Cathala
Mme Gabrielle Cathala, rapporteure pour avis. De nombreux logiciels et outils du ministère de la justice ne fonctionnent pas : Portalis, PPN (procédure pénale numérique), etc. Les professionnels s’en plaignent lorsque nous visitons des juridictions.
L’amendement vise à augmenter de 40 millions les crédits consacrés aux projets informatiques du ministère. L’année dernière, les crédits informatiques avaient été largement ponctionnés, ce qui ne permet pas aux agents de travailler dans de bonnes conditions.
La commission rejette l’amendement.
Elle émet un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission Justice modifiés.
Article 78
Amendement II-CL268 de Mme Gabrielle Cathala
Mme Gabrielle Cathala, rapporteure pour avis. Il vise à supprimer cet article non rattaché qui réduit le recours aux expertises psychiatriques et aux enquêtes sociales rapides pour des raisons strictement budgétaires.
Il s’inscrit dans la même logique que le budget tout entier, qui rend la justice payante en créant un droit de timbre de 50 euros pour la justice civile et prud’homale ; en augmentant le droit de timbre de 200 euros pour les personnes demandant la nationalité française ; en augmentant de 100 euros le droit de timbre pour les personnes demandant des titres de séjour.
Ce sont des économies de bouts de chandelle au regard de l’argent perdu à cause de la politique d’injustice fiscale du gouvernement. Il est question de faire rentrer 45 millions dans les caisses de l’État, mais cette somme est totalement dérisoire par rapport à ce que nous ont fait perdre plusieurs mesures : 4,5 milliards par an à cause de la suppression de l’ISF (impôt de solidarité sur la fortune), 20 milliards en raison du rejet depuis trois ans de la taxe Zucman ; et des milliards à cause de la suppression progressive de la CVAE (cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises).
Il n’est pas question de faire peser ce type d’économies sur le service public de la justice.
M. Pouria Amirshahi (EcoS). Le parallèle entre l’article 78 et l’état d’esprit général qui a présidé à la construction de ce budget est pertinent. Si l’on tient compte des 2 % d’augmentation, il a consisté au mieux en une stabilisation minimale, qui sera vite rattrapée par l’inflation des moyens et des crédits donnés à la justice. Au pire, je crains la victoire d’une philosophie qui considère comme secondaire tout ce qui est fondamental et essentiel pour l’insertion, l’accompagnement des personnes et la réparation.
En matière de lutte contre les violences sexistes et sexuelles, vous êtes passés à côté de quelque chose de très important, qui ne coûtait pas si cher et qui fait consensus dans la société.
Des restrictions de droits découlent de toute une série de baisses de crédits dans certaines missions. Elles sont très problématiques, parce qu’il n’y a pas plus urgent que de renforcer le rapport de confiance entre les citoyens et les processus permettant, par l’application du droit, de réparer ce que d’autres mécanismes de la société et le modèle économique à l’œuvre, ont abîmé.
Je souscris pleinement à la suppression de cet article, autant pour ce qu’il est que pour le symbole qu’il représente par rapport à l’ensemble du budget.
Mme Céline Thiébault-Martinez (SOC). Le groupe Socialistes et apparentés est également favorable à la suppression de l’article. Nos craintes portent plus loin que la seule réduction mécanique des moyens de la justice. On a du mal à imaginer comment toutes les affaires bénéficiant de ces expertises psychiatriques et de ces enquêtes sociales pourraient se dérouler. Il y a fort à parier que tôt ou tard, certains justiciables paieront ces enquêtes sociales et ces expertises psychiatriques avec leurs propres deniers. C’est une forme de privatisation de la justice.
Mme Gabrielle Cathala, rapporteure pour avis. Plusieurs d’entre nous ont évoqué le droit de timbre, qui ne concerne pas directement cet article. Permettez-moi néanmoins de rappeler ce qui était mentionné dans l’évaluation préalable de l’article de la loi de finances pour 2014 qui le supprimait : « Tout en portant atteinte au principe de gratuité des actes de justice, la contribution pour l’aide juridique est de nature à limiter l’accès à la justice des citoyens modestes dont les revenus excèdent de peu les plafonds de l’aide juridictionnelle partielle. Elle constitue un frein à la reconnaissance de certains droits, notamment dans les contentieux du travail, de la consommation ou de la famille. Une diminution des saisines de l’ordre de 13 % entre le premier semestre de l’année 2011 et le premier semestre de l’année 2012 a été constatée dans les contentieux de faible montant tels que les injonctions de payer. »
Cette contribution est donc un nouvel obstacle pour les citoyens dans leur accès à un juge. Une enquête, menée par le cabinet Odoxa pour le Conseil national des barreaux, montre que le coût de la justice pour les justiciables est perçu comme le deuxième obstacle le plus grave en matière d’accès à la justice.
Je vous invite donc à voter la suppression de cet article et à voter en séance la suppression des articles concernant le reste des dispositions de la partie recettes du projet de loi de finances.
La commission adopte l’amendement.
En conséquence, l’article 78 est supprimé.
La réunion, suspendue à quinze heures quarante, est reprise à quinze heures cinquante.
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Puis la Commission procède à l’examen pour avis et au vote des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » (Mme Blandine Brocard, rapporteure pour avis)
Mme Blandine Brocard, rapporteure pour avis. Pour les besoins de mon rapport, j’ai procédé à de nombreuses auditions très enrichissantes qui m’ont permis d’avoir un dialogue franc avec des maires, des préfets, des représentants d’administrations et d’associations d’élus ainsi qu’avec des dirigeants d’agences de l’État. Je me présente devant vous avec quelques certitudes, mais aussi beaucoup de doutes. Ainsi, mon rapport n’a rien de manichéen ; il me serait difficile de vous dire ce qui me semble absolument bon et absolument mauvais. Les attentes des uns se heurtent souvent aux réalités des autres.
Quoi qu’il en soit, la mission Relations avec les collectivités territoriales revêt, cette année, une importance toute particulière. En effet, les milliers de candidats aux élections municipales à venir, qui planchent actuellement sur ce qu’ils proposeront à leurs concitoyens dans quelques mois, auront à cœur, lorsqu’ils seront élus, d’appliquer leur programme et ils devront, à cet effet, gravir le mur des plans de financement. C’est pourquoi j’ai choisi de consacrer la partie thématique de mon rapport au parcours du combattant qu’est, pour une équipe municipale, la recherche de financements, qu’il s’agisse de la DSIL (dotation de soutien à l’investissement local) et de la DETR (dotation d’équipement des territoires ruraux), lesquelles relèvent de cette mission, du fonds vert, dont beaucoup vantent les mérites, ou des subventions proposées par les multiples agences et les collectivités elles-mêmes.
Les crédits inscrits dans la mission Relations avec les collectivités territoriales sont en légère baisse pour ce qui est des autorisations d’engagement – qui s’établissent à 3,76 milliards, soit une baisse de 4 % –, mais restent stables s’agissant des crédits de paiement, qui s’élèvent à 3,93 milliards. L’État ne se désengage donc pas des dotations d’investissement allouées aux collectivités territoriales ni des dotations générales de décentralisation. En revanche, les crédits alloués au fonds vert, qui sont rattachés à la mission Écologie mais financent en grande partie les projets des collectivités, diminuent à nouveau, passant de 1 milliard à 650 millions en autorisations d’engagement.
Parce que la situation du déficit et de l’endettement publics est de plus en plus préoccupante, le gouvernement demande aux collectivités territoriales de consentir un nouvel effort, estimé à 4,7 milliards. Je précise, à ce propos, que tous les acteurs que nous avons rencontrés nous ont dit être conscients de la nécessité de contribuer à l’effort de redressement des comptes publics.
Le dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités territoriales (Dilico), créé l’an dernier, est reconduit cette année et prévoit un prélèvement de 2 milliards d’euros sur ces recettes. Plusieurs éléments du mécanisme sont modifiés : le nombre des collectivités contributrices augmente ; le reversement des recettes se fera sur cinq ans au lieu de trois ans ; enfin, 20 % des sommes, et non plus 10 %, seront retenues pour être affectées à la péréquation horizontale, le reversement des 80 % restants étant conditionné au respect de l’évolution des dépenses par rapport au taux de croissance du PIB.
Par ailleurs, le projet de loi de finances (PLF) prévoit la création d’une dotation unique d’investissement, appelée fonds d’investissement pour dans les territoires (FIT), qui doit remplacer trois des dotations dont peuvent bénéficier les communes et des EPCI (établissements publics de coopération intercommunale), à savoir la dotation d’équipement des territoires ruraux, la dotation politique de la ville (DPV) et la dotation de soutien à l’investissement local. Ce fonds serait géré par les préfets de département et essentiellement attribué aux communes et EPCI ruraux. Les autorisations d’engagement prévues pour 2026 au titre de cette nouvelle dotation, soit 1,4 milliard, sont légèrement inférieures au montant des trois dotations cumulées inscrit dans la loi de finances pour 2025, soit 1,6 milliard.
La fusion des dotations est un projet qui fait débat depuis plusieurs années. Son aboutissement est une bonne chose, même si je peux comprendre les inquiétudes qu’il peut susciter. Il s’agit d’un incontestable progrès en matière de simplification, tant pour les collectivités que pour les services de l’État, et de rationalisation de la politique de soutien de l’État aux dépenses d’investissement des collectivités locales.
Le FIT présente la particularité d’être piloté par la commission qui avait été créée pour la DETR. Les parlementaires et les maires sont largement représentés au sein de cette commission qui, d’une part, définit en amont le périmètre et les taux de subventionnement souhaités pour l’année en cours, d’autre part, émet un avis sur toutes les subventions supérieures à 100 000 euros.
Je signale par ailleurs la réintroduction d’une dotation globale de fonctionnement pour les régions, qui met fin au transfert d’une fraction de TVA.
Dans la partie thématique de mon rapport, j’ai fait le choix de me concentrer sur l’accessibilité des différentes dotations de la mission Relations avec les collectivités territoriales et, plus globalement, de l’ensemble des subventions accordées par l’État et ses opérateurs, ainsi que sur les dispositifs de coordination entre les administrations et les opérateurs au niveau local.
Des progrès ont été réalisés pour centraliser les demandes, donc le dépôt des dossiers dans lesquels les collectivités présentent les projets qu’elles veulent voir financer. La plateforme Démarches simplifiées, qui a été généralisée, permet désormais le dépôt de dossiers pour différentes dotations : DETR, DSIL, fonds vert, fonds national d’aménagement et de développement du territoire (FNADT) et dotation de soutien à l’investissement des départements (DSID). Il paraît nécessaire de communiquer davantage sur l’existence de cette plateforme et ses modalités d’utilisation, notamment à l’intention des nouveaux élus, qui ne peuvent pas tous, en particulier dans les petites communes, s’appuyer sur des services souvent très réduits.
D’autres procédures permettent d’obtenir des subventions de la part des opérateurs de l’État, agences ou établissements publics, qui interviennent dans des domaines spécifiques et peuvent cofinancer des projets divers. Je pense notamment à l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru), à l’Ademe (Agence de la transition écologique), à l’Office français de la biodiversité (OFB), à l’Agence nationale du sport ou aux agences de l’eau. Si je me suis intéressée aux financements issus du budget de l’État, il ne faut pas oublier les subventions que peuvent accorder les conseils régionaux et départementaux ni les aides provenant des fonds européens.
Les collectivités territoriales font donc souvent face à un maquis d’aides et doivent se soumettre à des procédures complexes, chaque fonds ou programme ayant son propre calendrier et son propre chantier de procédure. L’information sur l’ensemble des aides et programmes existants ainsi que leur centralisation constituent des éléments cruciaux pour améliorer l’accessibilité aux financements. C’est l’un des objectifs de la plateforme internet Aides territoires, animée par plusieurs directions ministérielles et l’ANCT, l’Agence nationale de la cohésion des territoires. Mais l’on peut et l’on doit faire mieux. Il est encore fréquent que la réponse à une sollicitation pourtant précise renvoie vers plus d’une cinquantaine d’interlocuteurs ; l’exhaustivité peut nuire à la pertinence et à l’action.
C’est pourquoi nous proposons de renforcer cette plateforme et de la rapprocher du site « Mon espace collectivité » afin qu’une recherche sur les programmes existants et les subventions appropriées permette à une collectivité d’être conseillée, branche par branche, dans la préparation et la réalisation de son projet par les bons interlocuteurs au sein des administrations de l’État et des différents opérateurs. On pourrait même imaginer, à terme, un unique système d’information et de gestion intégrée des différentes subventions à destination de la collectivité demandeuse.
Ces propositions viendraient renforcer le paysage existant, dans lequel des efforts ont été réalisés, notamment par l’ANCT, pour structurer les acteurs publics de l’ingénierie territoriale et aider les collectivités territoriales à s’appuyer sur des personnes et des structures spécialisées pour la conception de leurs projets et la présentation de leurs dossiers. Les guichets uniques de l’ingénierie se développent auprès des préfectures, mais il me paraît indispensable d’aider encore davantage les petites communes rurales et de permettre à celles d’entre elles qui sont regroupées dans des EPCI de mobiliser les ressources de ce dernier en manière d’ingénierie.
Qu’en est-il du côté des administrations de l’État ? Le nombre des opérateurs publics pouvant accorder des subventions et accompagner les collectivités territoriales est élevé. Ainsi, le sous-préfet de Villefranche-sur-Saône m’a confié avoir répertorié et réuni dix-sept organismes financeurs des projets de collectivité dans son territoire essentiellement rural.
Les préfets de région et de département, qui sont garants de la cohérence de l’action territoriale de l’État et responsables des dotations de différents programmes budgétaires, n’ont ni la maîtrise ni une vision d’ensemble des subventions accordées par d’autres opérateurs aux collectivités. C’est le cas, par exemple, de celles qui sont accordées par les agences de l’eau, lesquelles sont maîtresses de leur budget, décidé pour une période de six ans.
Pour certains opérateurs, comme l’Ademe, l’agence nationale du sport ou l’Anah (Agence nationale de l’habitat), des circuits spécifiques existent ; cela dépend du rôle conféré au préfet de département ou de région. Dans trois décrets publiés le 20 juillet 2025, le gouvernement précise justement leur rôle de délégué territorial auprès des différents établissements publics nationaux et des opérateurs dotés de directions territoriales. Les préfets pourront, à ce titre, représenter l’établissement territorial, être informés régulièrement des actions engagées par l’opérateur dans le département ou la région et demander la révision de décisions d’attribution de subventions s’ils s’y opposent. Ils devront également être consultés avant toute décision d’intervention financière significative auprès d’un acteur local.
La réforme de l’administration territoriale de l’État se poursuit donc par un renforcement des pouvoirs des préfets, afin de garantir la plus grande cohérence possible dans l’action des différentes administrations et une meilleure coordination des financements alloués.
La création du FIT devrait renforcer le rôle des préfets de département et des commissions départementales chargées de déterminer les priorités locales en matière d’investissement. Corrélativement, les préfets de région vont perdre la maîtrise de la DSIL, qui disparaît. Cette nouvelle disposition pose à nouveau la question délicate du meilleur échelon pour agir et répartir les moyens de l’État. En effet, s’il est certainement pertinent de regrouper les actions au niveau départemental pour de vastes régions comme l’Occitanie ou Auvergne‑Rhône-Alpes, on peut regretter que l’enveloppe ne soit plus aux mains du préfet de région pour des collectivités moins étendues, comme la Bretagne, l’Île-de-France ou la Normandie. On nous a cité l’exemple d’une action régionale en faveur de la revalorisation des criées en Bretagne, financée principalement par la DSIL. Je suis toutefois convaincue que tous les acteurs parviendront à s’accorder pour que le pilotage du FIT soit réellement bénéfique pour l’ensemble du territoire.
En définitive, la mission Relations avec les collectivités territoriales témoigne, cette année encore, d’une double préoccupation : la volonté de l’État de mieux accompagner les élus locaux dans leurs projets d’investissement et la nécessaire rationalisation de l’action publique dans un contexte budgétaire contraint. Les auditions ont révélé la richesse et la diversité des points de vue mais aussi la complexité du système de financement local. La création du fonds d’investissement pour les territoires marque, à cet égard, un progrès incontestable vers une simplification attendue, pourvu que sa mise en œuvre reste guidée par la souplesse, la concertation et la confiance dans les acteurs de terrain. À travers les dispositifs de coordination renforcée, la réaffirmation du rôle du préfet et les efforts d’ingénierie territoriale entrepris, c’est bien l’idée d’un État partenaire et non surplombant qui se dessine enfin peu à peu.
Au-delà des chiffres, des dispositifs et des nombreux acronymes, il s’agit avant tout de redonner de la lisibilité et de la cohérence à l’action publique locale afin que chaque maire, chaque conseil municipal puisse se consacrer pleinement à ce qui fonde son mandat : la volonté de répondre concrètement aux besoins de ses administrés. Peut-être est-ce là le véritable défi des prochaines années : réinventer le pacte de confiance entre l’État et les collectivités dans une logique, non pas de tutelle ou de simple transfert de compétences, mais de coresponsabilité éclairée, où l’État fixe un cap et les territoires tracent les voies pour l’atteindre, dans le cadre d’une nouvelle culture de la décentralisation, une décentralisation qui soit celle de la confiance plutôt que celle des moyens.
Mme Pascale Bordes, présidente. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
Mme Sophie Blanc (RN). Le budget pour 2026 de la mission Relations avec les collectivités territoriales est présenté comme un instrument de consolidation du lien entre l’État et les collectivités territoriales. L’intention est louable puisqu’il s’agit de renforcer l’investissement local, de simplifier les outils de financement et de soutenir l’action publique de proximité. Toutefois, plusieurs éléments suscitent des réserves quant à sa capacité réelle à répondre aux besoins du terrain.
D’abord, le montant des économies demandées aux collectivités s’élève à 5,3 milliards d’euros, soit une contribution significative à l’effort national. Cet objectif n’est pas contesté en tant que tel – nous partageons l’exigence de responsabilité budgétaire –, mais il doit être mis en regard de l’évolution des dotations. Or, en autorisations d’engagement, les crédits d’investissement territorial reculent d’environ 1,1 milliard dans le cadre de la fusion de la DSIL, de la DETR et de la DPV au sein du fonds d’investissement pour les territoires. Cette simplification affichée peut se comprendre, mais elle concentre mécaniquement les financements vers les territoires les mieux armés pour répondre aux appels à projets, c’est-à-dire, souvent, les grandes métropoles.
Parallèlement, la dotation globale de fonctionnement demeure gelée tandis que l’inflation, le coût des matériaux, de l’énergie et de la masse salariale continue de progresser de 4 % à 6 % par an. Ce décalage fragilise progressivement les capacités d’action des maires, qui doivent arbitrer toujours plus finement entre entretien du patrimoine, services publics et investissements nouveaux. Certes, l’augmentation d’environ 290 millions de la péréquation verticale via la DSU (dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale) et la DSR (dotation de solidarité rurale) est un signal positif. Cependant, elle demeure insuffisante pour compenser l’érosion du pouvoir d’achat des communes depuis 2020. Les collectivités rurales, industrielles ou éloignées des grands pôles, qui ont le sentiment de ne pas bénéficier équitablement de la redistribution, nous alertent sur le risque de voir apparaître un pays à deux vitesses dans lequel les territoires dotés d’ingénierie administrative seraient avantagés par rapport aux petites communes qui peinent à accéder au financement.
Dans ce contexte, notre groupe défend une approche équilibrée. Nous ne remettons pas en cause le principe de maîtrise des dépenses locales ni les objectifs affichés par cette mission. En revanche, nous estimons que l’État doit accompagner davantage le tissu territorial dans ses transitions. Cela passe par une réallocation plus lisible des crédits d’investissement, par la consolidation des dotations de base et par une meilleure prise en compte des spécificités rurales et ultramarines. Le Rassemblement national propose ainsi, dans son contre-budget, de rediriger une partie des économies nationales vers l’investissement de proximité, d’indexer la DGF sur l’inflation pour en préserver la valeur réelle, de créer un fonds de sauvegarde pour les communes fragiles et de simplifier les dispositifs afin de rendre la dépense publique plus efficace. Nous proposons également de soutenir la réindustrialisation locale par des allégements de fiscalité de production et de doter l’outre-mer de moyens d’infrastructure adaptés.
La décentralisation n’a de sens que si les marges de manœuvre sont réelles. Les maires doivent pouvoir décider et non simplement appliquer. L’action publique ne se construit pas uniquement à Paris ; elle se vit dans nos villages, dans nos quartiers, au contact direct des habitants.
Notre vote sera donc guidé par trois principes : la soutenabilité financière, l’équité territoriale et la confiance envers les élus locaux. Nous appelons à un ajustement de cette mission afin qu’elle ne soit pas seulement un outil de rationalisation mais aussi un levier concret de vitalité pour nos communes. Car la République commence au seuil des mairies : c’est là que se mesure chaque jour la crédibilité de la puissance publique.
M. Guillaume Gouffier Valente (EPR). La mission Relations avec les collectivités territoriales regroupe les concours de l’État financés sur dotation budgétaire pour un total de 3,76 milliards en autorisations d’engagement et de 3,93 milliards en crédits de paiement. Ces crédits se caractérisent par leur relative stabilité, le montant des dotations d’investissement et de décentralisation étant globalement maintenu. Il convient de le souligner car, contrairement à ce que certains disent à longueur de journée, l’État maintient le soutien qu’il apporte aux collectivités territoriales, auquel concourent d’autres outils, notamment la DGF.
Dans le contexte actuel, il est naturel que ces dernières participent à l’effort budgétaire auquel l’ensemble des acteurs doivent prendre part. Dans votre rapport, vous détaillez la contribution de 4,7 milliards qui leur est demandée. Aux termes de l’article 32, relatif au fonds de compensation pour la TVA (FCTVA), les dépenses de fonctionnement des collectivités ne sont plus éligibles à la compensation, mais de nouveaux types de dépenses d’investissement le deviennent ; l’ensemble de ces mesures se traduit par une baisse de 735 millions. L’article 33 applique un écrêtement à la dynamique des fractions de TVA transférées aux collectivités territoriales. Cette dynamique des recettes sera diminuée du taux de l’inflation, ce qui représente 0,7 milliard d’économies au titre de la fiscalité transférée.
Enfin, l’article 76 prolonge le fonds de réserve créé en 2025, qui est alimenté par un prélèvement sur les recettes fiscales de 450 collectivités dont les dépenses réelles de fonctionnement sont supérieures à 40 millions. Trois mesures complémentaires sont à relever : le nombre des collectivités qui contribueront est plus élevé ; le reversement des recettes se fera sur cinq ans et non plus sur trois ; enfin, 20 %, et non plus 10 %, des sommes seront retenues pour être affectés à la péréquation horizontale. Bien entendu, le groupe EPR soutient ces mesures.
Au-delà de la participation des collectivités à l’effort de maîtrise des dépenses, nous devons reprendre les travaux sur l’approfondissement de la décentralisation, afin de clarifier les compétences – qui fait quoi – et de renforcer l’autonomie budgétaire et fiscale – qui finance quoi – ainsi que notre démocratie locale : la séparation des pouvoirs doit être davantage marquée, la représentativité améliorée et les droits de l’opposition renforcés.
Vous insistez sur la nécessité d’améliorer l’accompagnement des collectivités territoriales dans l’accès aux dotations et aux subventions, qui est souvent un parcours du combattant. Toutefois, vous n’avez pas mentionné les fonds européens. Les avez-vous bien pris en compte dans vos réflexions ?
Mme Élisa Martin (LFI-NFP). S’agissant des collectivités territoriales, qui assurent le maillage démocratique de la République, deux principes constitutionnels doivent conduire notre réflexion : l’autonomie fiscale et la libre administration.
En ce qui concerne l’autonomie fiscale, la disparition de la taxe d’habitation et de la CVAE (cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises) prive entièrement, ou presque, les communes de la possibilité de construire leur budget à partir de l’impôt. Il leur reste, certes, la part communale de la taxe foncière, qui présente l’inconvénient d’être particulièrement injuste puisqu’il ne repose pas sur les revenus des personnes. Aussi les élus n’ont-ils souvent d’autre choix que celui d’augmenter cet impôt – augmentation qui a concerné environ 7 % de la population en 2025 –, ce qui les place, comme c’est bien souvent le cas, en première ligne face au mécontentement.
Quant au principe de libre administration, il est mis à mal par le nouveau tour de vis terrible imposé aux collectivités par l’État, qui leur demande un effort de 7,2 milliards, selon M. Laignel premier vice-président de l’Association des maires de France, ou de 8 milliards, selon le Comité des finances locales. C’est, incontestablement, beaucoup. Comment mettre en œuvre des projets dans de telles conditions, ne serait-ce que pour maintenir les services publics ?
Prenons l’exemple de l’accueil public de la petite enfance. Mme la ministre des comptes publics nous fait doucement sourire quand elle évoque hypocritement la participation de la CAF (caisse d’allocations familiales) à la création de places de crèche supplémentaires. Elle sait en effet parfaitement que cette participation ne couvre pas tous les coûts, notamment celui du fonctionnement des établissements, qui est assumé pour moitié par les communes ou les intercommunalités.
La DGF baisse, de même que les crédits d’investissement et le fonds vert. Les collectivités locales devraient investir 12 milliards pour atteindre les objectifs fixés par la stratégie nationale bas-carbone pour 2030. Soyons clairs, cela n’est pas possible : le fonds vert a baissé de 68 % en trois ans ! Nous sommes donc dans une logique anti-écologique, une logique récessive, car moins d’argent, moins d’investissements – faut-il rappeler que les collectivités assurent 58 % de l’investissement public –, cela signifie moins de projets, moins de chantiers et moins de travail.
Qui plus est, on utilise, pour justifier ces baisses, des arguments mensongers en prétendant que les collectivités locales seraient responsables d’une partie importante du déficit public. Or elles n’y contribuent qu’à hauteur d’environ 8 % et leurs crédits sont réduits de 15 % dans le budget de l’État.
Nous sommes, en définitive, confrontés à une logique autoritaire qui contrevient au principe de la libre administration des collectivités, si bien que le dialogue est tout à fait rompu.
Mme Marie-José Allemand (SOC). Comme l’an passé, les collectivités territoriales sont fortement mises à contribution, puisqu’il leur est demandé de consentir un effort estimé à 4,6 milliards par le gouvernement et à 8 milliards selon les projections du Comité des finances locales. Or cet effort apparaît comme totalement décorrélé de la responsabilité des collectivités dans le déficit public. Pour rappel, leur dette ne représente que 8 % de la dette publique totale alors que l’effort qui leur est demandé par le gouvernement représente, selon l’hypothèse retenue, 15 % à 25 % de l’effort global de 30 milliards d’euros inscrits dans le PLF.
Ces mesures risquent d’affaiblir les finances locales, de freiner les investissements publics, notamment dans la transition écologique et les services essentiels, et de restreindre l’autonomie financière des collectivités. Elles risquent également d’amplifier le ralentissement de l’économie au regard du poids des collectivités dans l’investissement public. C’est pourquoi le groupe Socialistes et apparentés défendra plusieurs amendements pour alléger d’effort demandé aux collectivités territoriales.
S’agissant de la mission Relations avec les collectivités territoriales et des articles qui y sont rattachés, je mettrai l’accent sur deux points particuliers. En premier lieu, nous souhaitons préserver la capacité d’investissement des collectivités, qui représente près des deux tiers de l’investissement public. Nous nous opposerons donc à la refonte des dotations d’investissement du bloc communal, proposée à l’article 74, qui fusionne la DETR, la DSIL et la DPV dans un nouveau fonds d’investissement pour les territoires.
On devine en effet que cette réforme créera une concurrence entre les territoires, essentiellement au détriment des territoires ruraux, dépourvus de capacités d’ingénierie. De fait, les travaux que notre collègue Pirès Beaune a consacrés à la DETR dans le cadre de la commission des finances ont permis de faire la démonstration que lorsque des communes urbaines et rurales relevaient du même dispositif, les premières absorbaient une part excessive des dotations au détriment des secondes.
Par ailleurs, cette fusion se traduit par une diminution de l’enveloppe globale allouée. En 2025, les autorisations d’engagement au titre de la DETR, de la DSIL et de la DPV se sont élevées à 1,6 milliard, ce qui représentait déjà une baisse de 150 millions par rapport à 2024. Pour 2026, le PLF prévoit un montant d’ouverture de 1,4 milliard, soit une nouvelle diminution de 200 millions. Si l’on y ajoute la baisse de 500 millions du fonds vert, comptabilisé en dehors du périmètre de cette mission, ce sont 700 millions qui manqueraient l’an prochain pour l’investissement des collectivités. Nos amendements viseront donc à augmenter ce soutien afin de préserver leurs capacités d’investissement.
Enfin, nous nous opposerons au dispositif de lissage des recettes fiscales des collectivités territoriales, le Dilico, que le gouvernement souhaite reconduire pour la deuxième année consécutive, à hauteur de 2 milliards, contre 1 milliard l’an dernier. Ce dispositif porte manifestement atteinte à la libre administration et à l’autonomie financière et fiscale des collectivités territoriales. Cet outil de pilotage ne nous semble pas adapté et contribuera à fragiliser davantage les collectivités territoriales.
M. Philippe Gosselin (DR). Alors que les élections municipales approchent, l’heure est au bilan des mandats qui s’achèvent. Si, l’année dernière, les élus locaux ont dû se serrer la ceinture, ils risquent de devoir la resserrer d’un cran cette année. Or, les collectivités locales apportent, en tant que premier investisseur public, un soutien important à l’économie, donc aux entreprises locales. Il importe donc de veiller à ce que leurs investissements, comme le fonctionnement des services publics, puissent se poursuivre.
Le contexte politique est ainsi marqué par une tension entre, d’une part, la nécessité de soutenir les collectivités face à la hausse des coûts – inflation, transition écologique, revalorisation salariale – et, d’autre part, l’impératif de maîtriser la dépense publique, que personne ne nie, et le souci que les dotations de l’État soient bien employées et produisent un véritable effet de levier.
Le PLF pour 2026 tend à créer un fonds d’investissement pour les territoires, qui réunirait DETR, DSIL et DPV. Pourquoi pas ? Encore faudrait-il que la création de ce dispositif ne soit pas l’occasion de diminuer le montant global de ces dotations et que ses critères d’attribution soient objectifs et opérationnels. Or, on peut avoir quelques inquiétudes à cet égard. On constate en effet une baisse de 4,1 % des autorisations d’engagement, qui se traduira par une réduction de l’investissement local, en particulier des petites communes rurales et des plus petites intercommunalités.
L’augmentation de la péréquation, à hauteur de 290 millions, correspond aux attentes d’un certain nombre de maires. De fait, il n’est pas illogique que des recettes puissent être partagées, dès lors qu’elles sont plus importantes. Mais ce refinancement est opéré par un redéploiement au sein de la DGF ; on prend donc aux uns pour donner aux autres. En outre, un certain nombre des plus petites collectivités continuent de percevoir une DGF très largement inférieure à celle des villes de moyenne importance ou des villes centres. Je ne conteste pas que les niveaux de service puissent y être différents, mais l’écart est trop important.
Comme d’habitude, donc, nous tirons la sonnette d’alarme. Les départements sont inquiets. Les DMTO (droits de mutation à titre onéreux) ne sont pas leur seule source de recettes mais deviennent la variable d’ajustement. En fin de compte, c’est la libre administration des collectivités territoriales qui est en jeu. Quant à leur autonomie financière, elle apparaît de plus en plus comme un principe dépourvu de réalité. Tout cela plaide en faveur d’un nouvel acte de la décentralisation ; il s’agit, non pas de tout chambouler, mais de rationaliser en clarifiant les compétences, en renforçant l’efficacité et en évitant les doublons avec l’État.
Pour conclure, je vous laisse méditer cette citation de Tocqueville : « C’est […] dans la commune que réside la force des peuples libres. »
M. Emmanuel Duplessy (EcoS). Si le budget qui nous est soumis était voté sans modification, il aurait des conséquences terribles pour nos collectivités. L’effort demandé à ces dernières est en effet estimé à 4,6 milliards d’euros par le gouvernement mais à 8 milliards par le Comité des finances locales, auquel je fais davantage confiance.
Leur contribution dépasse ainsi 15 % de l’effort global demandé alors qu’elles ne sont responsables que de 8 % de la dette publique. Depuis 2017, l’endettement local n’a augmenté que de 10 milliards tandis que celui de l’État a explosé de plus de 880 milliards, alors même que des transferts de compétence, légaux ou de fait, sont intervenus. Je pense notamment aux dépenses de santé des collectivités qui ont explosé pour faire face au désengagement de l’État et remédier aux problèmes d’accès à la santé, notamment dans les territoires ruraux.
Il est donc injuste, eu égard à ces indicateurs, non seulement qu’on leur demande, une fois de plus, de réparer les erreurs politiques et de gestion des prétendus Mozart de la finance qui sont à Bercy depuis 2017 mais qu’elles contribuent au-delà de leur poids dans les dépenses publiques.
Nous sommes nombreux à craindre que ce nouveau PLF et la rigueur qui l’accompagne viennent percuter les investissements et la capacité des collectivités à lancer des travaux, qu’ils concernent le quotidien ou soient plus structurants et stratégiques. Après une dizaine d’années de contraction des dépenses de fonctionnement, je crois que nous arrivons au terme des efforts qui peuvent être consentis par les collectivités. Le budget présenté emporte un grave risque récessif, car les investissements des collectivités territoriales, nous l’avons dit, représentent près de 60 % des investissements civils dans notre pays, et même près de 80 % des investissements liés à la transition écologique, défi majeur de notre société avant même la réduction du déficit public. La logique court-termiste de ce budget risque de nous faire perdre encore plus d’argent, d’amputer le développement économique et, finalement, de nous conduire à creuser toujours plus le déficit – tout l’inverse des objectifs affichés.
L’essoufflement de nos collectivités et des élus qui les portent est partout, et les quelques avancées contenues dans la proposition de loi portant création d’un statut de l’élu local, dont nous débattrons à nouveau prochainement, ne compenseront pas les horreurs du budget qui nous est présenté, ni les contraintes qu’elles feront peser sur les collectivités demain.
Enfin, à l’échelle locale, nous attendons l’alignement des discours du gouvernement avec les actes. Lors de sa déclaration de politique générale, la plus courte de l’histoire, le premier ministre a tout de même trouvé le temps d’annoncer un nouvel acte de décentralisation. Pourtant, le budget auquel s’adosse à cette annonce sans grand contenu ne fait que restreindre un peu plus encore l’autonomie et la libre administration des collectivités territoriales – là encore, c’est contradictoire avec les annonces faites par le gouvernement, dont la parole est déjà peu crédible. Nous attendons que les discours se traduisent dans le budget : c’est loin d’être le cas.
M. Éric Martineau (Dem). Le budget de la mission Relations avec les collectivités territoriales s’élève à 3,93 milliards d’euros en crédits de paiement pour 2026, soit quasiment le même montant qu’en 2025. Doté de 3,68 milliards d’euros en crédits de paiement, le programme 119, Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements, en constitue la plus grosse part.
La principale innovation de la mission en 2026 est la création du fonds d’investissement pour les territoires, qui fusionne trois anciennes dotations – la DETR, la DSIL et la DPV – dans l’objectif de simplifier les procédures et de renforcer la cohérence et la lisibilité. Ce fonds, doté de 1,4 milliard en autorisations d’engagement et 1,5 milliard en crédits de paiement, sera géré par les préfets de département et une commission d’élus, qui seront chargés de prioriser les projets.
La seconde partie du rapport porte sur les différents dispositifs de financement de l’État pour les collectivités territoriales. La multiplication des dotations, fonds d’aide et opérateurs rend leur mobilisation complexe et inégale selon les territoires. Si des progrès ont été réalisés en matière d’information et d’accompagnement des collectivités, grâce au portail Démarches simplifiées, à la plateforme Aides-territoires ou le renforcement du soutien de certaines préfectures, l’offre reste encore trop fragmentée. Au-delà de la DTER, de la DSIL, de la DPV et de la DSID, les collectivités sollicitent des financements d’agences ou opérateurs de l’État tels l’Ademe, l’Anah, l’ANCT, les agences de l’eau, l’OFB, la Banque des territoires ou encore le fonds vert : il est difficile pour les communes et intercommunalités – en particulier les plus petites d’entre elles – d’avoir une vision claire et globale de l’ensemble des aides et subventions disponibles, d’autant plus que les règles d’éligibilité, le calendrier et les modalités de gestion diffèrent. La fusion des trois plus importantes dotations au sein d’un fonds commun répond donc à cette volonté de simplification et de rationalisation. Elle apportera également davantage de cohérence et de souplesse dans la sélection et le financement des projets en fonction des priorités locales. Surtout, parallèlement à cette dotation, les collectivités pourront toujours recourir à d’autres dispositifs accessibles aux communes et aux EPCI, notamment le fonds vert.
Par ailleurs, le rapport insiste sur plusieurs points, notamment le renforcement du rôle des préfectures dans la coordination territoriale des aides, la stabilisation des financements à travers une contractualisation pluriannuelle, afin d’offrir davantage de visibilité aux porteurs de projets, et le développement de l’ingénierie territoriale, notamment à travers la mutualisation des compétences au sein des EPCI ou des appuis de l’État, en particulier de l’ANCT. Madame la rapporteure pour avis, vous évoquez également la création d’une plateforme unique dédiée au plan de financement des collectivités et intégrée pour la gestion budgétaire. Pourriez-vous nous en dire davantage sur le fonctionnement de cette plateforme ?
Les crédits de la mission restent stables par rapport à 2025 et apportent de la simplification pour nos collectivités : le groupe Les Démocrates les soutiendra.
Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). La France traverse une situation budgétaire alarmante et chacun doit prendre part aux efforts nécessaires pour rétablir l’équilibre budgétaire, notamment les collectivités locales. Mais à quel niveau devront-elles y contribuer ? Indépendamment de leurs budgets respectifs, elles participeront à l’effort budgétaire, d’après le budget qui nous est présenté, à travers la baisse des concours financiers de l’État : la mission Relations avec les collectivités territoriales est en effet dotée de 3,76 milliards en autorisations d’engagement et 3,93 milliards en crédits de paiement, des montants respectivement en baisse de 3,89 % et 0,78 %.
Par ailleurs, après trois années successives d’augmentation, le montant de la DGF est gelé : il sera donc reconduit à son niveau de 2025, soit 32,6 milliards. Le groupe Horizons & indépendants a pleinement conscience de l’importance des efforts demandés cette année aux collectivités territoriales. Il convient d’ailleurs de rappeler que la majorité d’entre elles font preuve d’une gestion efficace de leurs finances, et qu’elles ne sont pas responsables du déficit public. C’est pourquoi nous appelons à un effort proportionnel et proportionné à leur poids dans la dépense publique.
Malgré la baisse globale des crédits de la mission, le soutien à l’investissement public local est maintenu – signe, s’il en fallait, de la confiance de l’État dans les élus locaux. C’est une bonne chose, car nous savons tous que les collectivités territoriales sont les premiers investisseurs. Le fonds d’investissement pour les territoires serait ainsi doté de 1,4 milliard en autorisations d’engagement et 1,5 milliard en crédits de paiement. La dotation de soutien aux communes pour les aménités rurales, la dotation d’insularité ou encore le plan Marseille en grand seraient également maintenus. Par ailleurs, le PLF maintient des moyens importants pour la péréquation. Les dotations créées à cet effet progressent à nouveau de 390 millions d’euros – 290 millions pour la dotation communale, 90 millions pour la dotation intercommunale et 10 millions pour la dotation départementale.
Mais au-delà de ces ajustements budgétaires, des réformes structurelles restent nécessaires pour diminuer, à terme, les concours financiers de l’État. En effet, seules une clarification des compétences conférées à chaque niveau de collectivité et une simplification des normes permettront de rendre les dépenses des collectivités plus efficaces. Le groupe Horizons & indépendants tient ainsi à valoriser la création du fonds d’investissement pour les territoires, issu de la fusion de la DETR, de la DSIL et de la DPV, même s’il faudra veiller à ce que son montant ne soit pas inférieur à celui des trois dotations réunies. Ce fonds unique permettra de simplifier l’accès aux dotations de l’État en unifiant le cadre juridique et en simplifiant la tâche des usagers et, à terme, celle des services déconcentrés.
M. Paul Molac (LIOT). Ce budget, marqué par les choix du précédent premier ministre, est évidemment un peu décevant, surtout compte tenu de l’ambition d’une nouvelle loi de décentralisation. Depuis les grandes lois de décentralisation des années 1980, nous assistons en effet à une recentralisation de fait, non seulement parce que l’autonomie fiscale des collectivités se réduit comme peau de chagrin – au-delà de la suppression de la taxe d’habitation, on peut mentionner la baisse de la taxe professionnelle et la suppression progressive de la CVAE –, mais aussi en raison d’une réglementation de plus en plus fournie, donc de plus en plus chère et difficile à appliquer. Voilà comment on corsète les collectivités locales. Et voilà qu’on nous propose une coupe de 5 milliards : si j’étais un peu taquin, je ferais remarquer que le budget des ministères, lui, augmente d’autant – de là à penser qu’on prend dans les poches des uns pour remplir celles des autres, il n’y a qu’un pas.
Contrairement à l’État, les collectivités locales sont obligées d’être à l’équilibre : elles ne peuvent pas vivre au-dessus de leurs moyens. Elles ne sont donc pas responsables du déficit. Elles acceptent tout de même de participer à l’effort pour le résorber, mais évidemment, pas à n’importe quel niveau : la présidente de Régions de France, Carole Delga, a bien insisté sur le fait que les efforts devaient être proportionnés.
Plusieurs points me tracassent.
Tout d’abord, la fusion de la DETR, de la DPV et de la DSIL au sein d’un fonds unique risque fort de déplaire aux élus ruraux, qui craindront que certains territoires – en général, les plus proches de la préfecture – siphonnent une aide censée leur revenir. Je note au passage que le montant alloué au FIT serait inférieur de 200 millions au total des trois dotations qu’il remplace.
Ensuite, je crains que les collectivités locales ne se voient priver du Dilico au motif qu’elles n’auraient pas respecté leurs engagements en telle ou telle matière – parce que l’État leur aura transféré quelques nouvelles obligations, comme il sait si bien le faire – et que son montant ne serve finalement qu’à combler le trou du budget de l’État.
Enfin, l’histoire de la TVA est scandaleuse. En 2016, en réponse aux régions qui réclamaient 800 millions pour compenser les transferts de charges, Manuel Valls, alors premier ministre, leur avait octroyé 600 millions, assortis de la promesse qu’elles bénéficieraient en outre de la dynamique de la TVA. Aujourd’hui, vous leur supprimez cette dynamique : c’est la double peine. Vous vous moquez du monde.
Un certain nombre de dispositions de cette mission nous agacent. Faisons bien attention, parce que ce sont les collectivités locales qui investissent, soutenant par-là les entreprises, notamment celles du BTP (bâtiment et travaux publics), qui commencent à être en difficulté.
Mme Émeline K/Bidi (GDR). Les collectivités territoriales sont le premier maillon démocratique dans notre République. Elles sont les plus proches de nos concitoyens et assurent tous les services publics de proximité. Or, le discours des élus locaux est quasi unanime : tous ont l’impression de devoir pallier le désengagement persistant de l’État et d’être contraints de faire toujours plus avec toujours moins. Leurs budgets s’amenuisent et leur autonomie fiscale est désormais réduite à presque rien, mais leurs obligations, elles, vont toujours croissant, et elles doivent s’efforcer de respecter toujours plus de seuils et d’obligations décidées à l’échelle européenne.
La démocratie locale est malade, les collectivités sont en difficulté – j’en veux pour preuve l’aggravation de la crise de confiance entre la population et ses élus, et le nombre de démissions, sans précédent, notamment chez les maires. Un tel constat aurait dû conduire a minima à sacraliser – à « geler », pour reprendre un terme que le gouvernement affectionne – le budget des collectivités locales. Las, il accuse une baisse de 4,7 milliards selon le gouvernement, plutôt évaluée à 8 à 10 milliards par le Comité des finances locales, qui est dirigé par le vice-président de l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité – c’est un peu comme le nombre de manifestants, qui varie selon qu’il est évalué par la police ou par les syndicats. Toujours est-il que cette baisse va priver nos concitoyens de services particulièrement cruciaux et réduire la capacité d’investissement des collectivités. Ce sont pourtant elles qui font vivre l’économie, à travers les grands chantiers d’aménagement du territoire, et qui redistribuent une partie de leurs fonds par le biais des marchés publics, faisant vivre le tissu économique. À La Réunion comme dans le reste des outre-mer, le BTP, par exemple, est particulièrement exsangue : le nombre de liquidations d’entreprises est alarmant, notamment parce que les collectivités sont à la peine pour investir. Par exemple, 50 000 nouveaux logements sociaux seraient nécessaires, mais seuls 1 600 sont construits chaque année faute de moyens.
Toucher au budget des collectivités, c’est porter atteinte au tissu économique, à l’emploi, au logement. Pourtant, il n’échappe pas au coût de rabot général. Deux cents millions en moins pour les infrastructures, les projets de développement et la protection de l’environnement, nous ne pouvons le supporter : nous soutiendrons donc des amendements pour augmenter ce budget. Tout le monde doit certes faire des efforts, mais ces crédits en particulier auraient pu être épargnés.
Mme Blandine Brocard, rapporteure pour avis. Tous les groupes ont unanimement salué l’engagement des élus locaux, en particulier dans les petites communes rurales, rappelant que les maires géraient efficacement les communes et faisaient vivre notre économie et les emplois locaux. Je ne peux que m’associer à ces remarques.
Je ne rentrerai pas dans une bataille de chiffres sur l’effort nécessaire. Celui-ci doit évidemment être raisonnable, et je pense sincèrement que c’est le cas avec le budget présenté. Mais au-delà des dotations de l’État, les élus ont surtout besoin d’aides en matière d’ingénierie, en particulier dans les communes rurales. Le besoin de lisibilité, de simplification et de visibilité se fait plus pressant encore cette année, et cela passe par plusieurs évolutions.
J’en viens au FIT. Comme toute nouveauté, il provoque quelques inquiétudes. Certaines sont légitimes : nous devrons être très attentifs à ce que la DETR ne soit pas diluée dans le nouveau fonds et que son montant continue d’être sanctuarisé au profit des communes rurales. C’est à nous d’être vigilants aux modalités de mise en œuvre : je compte sur vous.
Vous avez également tous appelé à davantage de liberté et de confiance envers les élus locaux. Je souscris naturellement à ce constat.
Un mot enfin du nouvel acte de décentralisation : chaque fois que nous essayons de décentraliser davantage, les choses n’avancent pas aussi bien que nous le souhaiterions. Nous devons continuer de travailler pour que les élus locaux puissent exercer leur mandat sereinement, pour nos concitoyens.
Article 49 et état B : Crédits du budget général
Amendement II-CL195 de M. Yoann Gillet
Mme Sophie Blanc (RN). Face à l’urgence que représente la situation des finances publiques, cet amendement d’appel vise à mettre fin à la gabegie produite par le millefeuille administratif, un fardeau qui, selon le rapport de Boris Ravignon sur les coûts des normes et de l’enchevêtrement des compétences entre l’État et les collectivités, nous coûte chaque année 7,5 milliards d’euros, dont 17 millions pour les seules régions. La réforme de 2016 a en réalité entraîné une augmentation significative des dépenses de fonctionnement de ces dernières et éloigné les Français de leurs élus, accentuant le sentiment de fracture territoriale et de déconnexion, notamment en Occitanie. Nous proposons donc de diminuer de 10 % les crédits de la dotation générale de décentralisation des régions.
Mme Blandine Brocard, rapporteure pour avis. J’entends qu’il s’agit d’un amendement d’appel, mais je ne peux qu’y être défavorable, car les régions sont un échelon indispensable, auquel de plus en plus de compétences sont transférées. Il n’en reste pas moins nécessaire de rationaliser le « millefeuille » – même si ce n’est pas le terme le plus adéquat – en supprimant notamment les doublons, particulièrement nocifs pour la dépense publique.
M. Paul Molac (LIOT). Je m’opposerai à cet amendement. Thierry Benoit soulignait hier lors des questions au gouvernement que le nombre de hauts fonctionnaires n’avait pas diminué malgré la décentralisation. En réalité, les ministères continuent de lancer des appels d’offres sur tel ou tel sujet qui relève pourtant d’une compétence transférée à la région, sans consulter cette dernière, ni prévenir le préfet, généralement au courant de rien. Et après, on s’étonne que ce soit le bordel !
Il faut faire confiance aux collectivités, qui discutent avec les acteurs de terrain et mettent en place un certain nombre de politiques publiques, au lieu de leur imposer des appels d’offres qui tombent du ciel simplement parce que le ministère a des crédits à dépenser – et vite, par-dessus le marché. C’est souvent totalement incohérent ; heureusement que les régions sont là pour être sur le terrain, sinon je ne sais pas ce qu’il se passerait.
Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Pourquoi rendre les collectivités responsables du déficit public ? Elles ne le sont pas, nous venons de le prouver par a + b. Les grandes régions étaient condamnées d’avance, car elles correspondent à une logique non pas démocratique, mais technocratique, qui tend à éloigner les citoyens des décisions – nous nous étions d’ailleurs opposés à cette réforme.
S’il devait y avoir un nouvel acte de décentralisation – tout dépendra du temps de vie du gouvernement, et je l’espère fort court –, il faudrait engager une concertation avec les élus, soumettre la réforme au vote – notamment des citoyens. Surtout, il serait hors de question de donner tous pouvoirs aux préfets, on a vu ce que ça avait donné avec le continuum de sécurité. Il est hors de question qu’ils puissent avoir plus de pouvoir que des élus. Il faudrait que les compétences soient clairement réparties, ce qui n’empêche pas la coopération entre les collectivités, souvent nécessaire. Et, en tout état de cause, il faudrait que les collectivités aient les moyens d’exercer leurs compétences. Voilà à quoi devrait ressembler un bel acte de décentralisation, républicain et démocratique.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CL314 de Mme Élisa Martin
Mme Élisa Martin (LFI-NFP). La diminution de 68 % du fonds vert au cours des trois dernières années empêche les collectivités de participer à la transition écologique. C’est pourtant une nécessité absolue, car sept des neuf limites planétaires ont désormais été franchies : si nous continuons ainsi, nous perdrons l’unique écosystème dans lequel l’être humain peut vivre.
Les collectivités sont souvent en première ligne en matière de transition écologique. Par exemple, elles assurent l’isolation des bâtiments et préservent les terres de l’artificialisation afin de permettre l’infiltration des eaux. Il faut leur en donner les moyens. Mais il faut arrêter de multiplier les fonds, souvent gérés par le préfet, ou en changer la nature en concertation avec les élus locaux, car ils contraignent trop souvent les politiques des collectivités. Nous défendons le principe républicain et démocratique de libre administration des collectivités, qui doivent pouvoir développer les projets qu’elles souhaitent sans être toujours les sous-fifres de l’État.
Mme Blandine Brocard, rapporteure pour avis. Effectivement, le fonds vert est très apprécié par les élus locaux, justement parce qu’il est très lisible et facile à mobiliser – les élus savent exactement quelle part de leur projet entre dans le cadre de ce fonds. C’est un modèle dont nous pourrions utilement nous inspirer pour d’autres dotations, et qu’il convient de préserver. Je ne peux que comprendre votre volonté d’en augmenter l’enveloppe. Néanmoins, les crédits du fonds vert sont inscrits au programme 380 de la mission Écologie, développement et mobilité durables. Partant, avis défavorable.
Mme Élisa Martin (LFI-NFP). J’aurais sans doute dû commencer par préciser qu’il s’agissait d’un amendement d’appel – il ne s’agit pas de vider réellement les enveloppes.
Cet amendement soulève deux questions : comment les collectivités peuvent-elles s’engager en faveur de la transition écologique sans moyens ? Plus largement, comment veut-on organiser le financement des collectivités ? Souhaite-t-on respecter le principe de libre administration, donc privilégier des dispositifs du type DGF et permettre aux collectivités de lever l’impôt dans des proportions significatives, ou les corseter et contraindre leurs politiques par une multitude de fonds dont les enveloppes s’amenuisent peu à peu et dont il faut aller mendier les quelques crédits auprès du préfet, comme c’est le cas, par exemple, pour le fonds interministériel de prévention de la délinquance ?
Mme Blandine Brocard, rapporteure pour avis. Il n’y a pas que le fonds vert qui permette de financer les travaux à vocation écologique des collectivités ; les élus ne l’ont d’ailleurs pas attendu pour engager des travaux de rénovation thermique des bâtiments publics.
Quant à offrir davantage de liberté aux collectivités, j’y suis évidemment favorable, et toute disposée à avancer dans cette direction, mais ce n’est pas par le truchement de lignes budgétaires que nous y parviendrons. Ce problème dépasse largement le cadre de la mission.
M. Emmanuel Duplessy (EcoS). J’entends votre argument, madame la rapporteure ; la répartition des crédits entre plusieurs lignes est d’ailleurs l’une des difficultés du budget. En réalité, les coupes dans le budget des collectivités sont bien plus importantes que ce que prétend le gouvernement et que nous percevons dans cette seule mission. Je n’ai pas compris si vous parliez à titre de rapporteure ou au nom de votre groupe. Les Démocrates s’opposeront-ils à la baisse de 500 millions du fonds vert en soutenant les amendements tendant à le rétablir à son niveau de l’an dernier, qui était déjà réduit de moitié par rapport à l’année précédente ?
Mme Élisa Martin (LFI-NFP). C’était un amendement d’appel, je le retire.
L’amendement est retiré.
Amendement II-CL311 de Mme Mathilde Feld
Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). D’année en année, on prive les collectivités territoriales de recettes, ce qui obère de plus en plus leur autonomie fiscale, donc leur développement. La non-compensation du RSA est l’un des problèmes les plus complexes et dramatiques, car elle met en très grande difficulté de nombreux départements, en particulier celui de la Gironde, qui a adopté cette année un budget déficitaire de 98 millions. Ce département dynamique accueille environ 20 000 habitants supplémentaires chaque année et, malheureusement, les problèmes sociaux augmentent avec la population.
Pour rétablir un peu l’équilibre, cet amendement vise à compenser enfin l’ensemble des dépenses imposées aux collectivités territoriales par l’État.
Mme Blandine Brocard, rapporteure pour avis. Dans mon rapport, je plaide pour davantage de simplicité, de lisibilité et de visibilité, car c’est ce que demandent les élus. Par principe, je suis donc défavorable à la création de nouvelles lignes budgétaires.
Nous connaissons tous les grandes difficultés des départements, mais abonder une nouvelle ligne pour compenser spécifiquement cet échelon ne me semble pas une solution. Le RSA n’est d’ailleurs pas la seule prestation que le département peine à financer. Nous devons mener une réflexion plus large sur la répartition des compétences et des responsabilités de chaque niveau de collectivité, pour éviter que certaines se retrouvent dans la situation que vous décrivez. J’espère que nous parviendrons à avancer de manière transpartisane sur ce sujet.
M. Hervé Saulignac (SOC). C’est un amendement à 1,6 milliard : ce n’est pas rien ; cela mérite quelques explications sur notre position. Si nous souscrivons au diagnostic, nous ne résoudrons pas le problème de la non-compensation de certaines obligations imposées aux collectivités, singulièrement aux départements, par un amendement au PLF. Au reste, vous avez mentionné le RSA, mais il en va de même de l’APA (allocation personnalisée d’autonomie), dont le financement peut être lourd pour les départements où la population est plus âgée qu’ailleurs. Nous devons mener une réflexion beaucoup plus globale, pour que les collectivités – en l’espèce, les départements – ne soient pas tenues de mettre la main au portefeuille pour financer des politiques publiques qui relèvent de la solidarité nationale.
Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Je ne comprends pas votre argumentaire, madame la rapporteure. Le RSA comme l’APA sont des prestations relevant clairement de compétences transférées par l’État aux départements, sans être compensées : il n’y a rien de plus clair ni de plus lisible ! Dans le département de la Gironde, les dépenses liées au RSA augmentent chaque année, et elles ne sont pas compensées. C’est un problème purement comptable : si ce n’est pas dans le cadre d’un débat budgétaire que nous pouvons le résoudre, monsieur Saulignac, où alors ? Les réponses qui consistent à renvoyer à une réflexion globale ou à un autre véhicule ne sont pas satisfaisantes : concrètement, où et quand pourrons-nous résoudre ce problème ? La Gironde vient d’adopter un budget déficitaire d’emblée, et ce n’est probablement pas le seul département de France à être en très grande difficulté.
M. Hervé Saulignac (SOC). Il est évident qu’il ne s’agit pas d’un problème comptable : si cet amendement était adopté, les pertes des collectivités seraient compensées, mais elles en créeraient à nouveau l’année d’après et les suivantes. C’est un problème de fond : le dispositif a été mal pensé, il faut le corriger pour que la solidarité nationale s’exerce à plein.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CL322 de Mme Élisa Martin
Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Cet amendement propose de tirer les conséquences budgétaires des dispositions en faveur des élus en situation de handicap adoptées par notre assemblée lors de l’examen de la proposition portant création d’un statut de l’élu local.
Selon nous, ce texte a pour enjeu de démocratiser cette fonction. Cela signifie qu’il faut donner les moyens à n’importe quel citoyen d’être élu, en couvrant certains frais que cela implique – par exemple de garde d’enfants ou de transport. Il faut aussi se préoccuper de l’adaptation des postes de travail lorsque l’élu est handicapé.
La ministre avait pris des engagements à cet égard lors des débats. Or, nous n’en avons vu aucune traduction dans les documents budgétaires. Si rien n’est prévu pour compenser les frais liés au handicap, la proposition n’aura aucun effet.
Mme Blandine Brocard, rapporteure pour avis. Je vous remercie d’évoquer le sujet important des élus en situation de handicap, mais je n’arrive pas à la même conclusion. Il faut que la discussion de la proposition de loi portant création d’un statut de l’élu local arrive à son terme.
Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Les élections municipales auront lieu en mars !
Mme Blandine Brocard, rapporteure pour avis. Certes, mais vous savez aussi bien que moi que les débats parlementaires doivent se dérouler, même si cela prend du temps.
La deuxième lecture de ce texte devrait intervenir au mois de décembre. Le gouvernement a promis de lever le gage et nous devons être vigilants ensemble. Mais laissons à cette proposition le temps de cheminer.
Avis défavorable.
M. Emmanuel Duplessy (EcoS). C’est un vrai sujet.
J’entends qu’il serait possible d’envisager un mécanisme de compensation dans le cadre de cette proposition de loi, mais le Sénat l’a purgée des quelques avancées que nous avions obtenues pour les personnes en situation de handicap, qu’elles soient élues ou candidates. Nous avions notamment proposé qu’elles n’aient pas à avancer un certain nombre de frais liés à du matériel adapté.
Vous voulez ouvrir une porte qui me semble déjà fermée à double tour.
Mme Blandine Brocard, rapporteure pour avis. J’allais vous dire « faites confiance au gouvernement », mais je me suis rendue compte de l’incongruité du propos !
Malgré tout, j’attends vraiment qu’il tienne les engagements qu’il a pris en première lecture.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CL313 de Mme Mathilde Feld
Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). On sait que de moins en moins de personnes sont motivées pour prendre des responsabilités d’élu, en particulier de maire. Ce n’est pas seulement dû à un problème de statut ou de rémunération. Il faut y voir l’effet de l’état des budgets. Être maire, c’est désormais se contenter de gérer les insuffisances.
Nous proposons donc de revaloriser la DGF du bloc communal à hauteur de l’inflation prévisionnelle pour 2026. Vous ne cessez de dire que vous ne baissez pas les crédits destinés aux collectivités, mais tout le monde sait que cela ne correspond pas à la réalité.
Mme Blandine Brocard, rapporteure pour avis. Je n’ai jamais entendu un élu dire qu’il renonçait à s’engager parce que les collectivités rencontrent des problèmes de financement. En revanche, les élus mettent en avant la perte de motivation qui découle de la complexité et des lenteurs administratives. Bien entendu, les élus râlent parce qu’ils voudraient avoir plus de subventions, mais ce n’est pas cela qui les décourage.
Sur le fond, j’ai beaucoup de mal à comprendre ce que l’augmentation de la DGF vient faire dans l’examen des crédits de la mission Relations avec les collectivités territoriales. Le montant de ce prélèvement sur recettes est discuté dans le cadre de la première partie du PLF. Votre amendement prévoit en réalité de créer un nouveau programme pour compenser des charges.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement II-CL309 de Mme Mathilde Feld.
Amendement II-CL315 de Mme Élisa Martin
Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Les départements rencontrent de graves difficultés. S’ils ne vont pas cesser de verser le RSA à ceux qui en bénéficient, ils ne pourront cependant pas financer les dispositifs destinés à accompagner ces derniers. Je pourrais aussi évoquer la crise terrible de la protection de l’enfance.
Les départements ont des dépenses obligatoires – en particulier le RSA –, mais les charges qui leur sont imposées ne sont pas compensées à hauteur de ce qui conviendrait. En outre, comme les communes, ils ne peuvent actionner aucun levier en matière fiscale.
L’amendement propose donc d’abonder le fonds de sauvegarde des départements afin de permettre aux collectivités d’assurer leurs missions essentielles, particulièrement en matière sociale.
Mme Blandine Brocard, rapporteure pour avis. Le fonds de sauvegarde des départements a fonctionné en 2024 et quatorze départements considérés comme les plus en difficulté ont pu en bénéficier.
Ce fonds est alimenté par une fraction de la TVA et par un versement du budget de l’État. Ce mode de financement ne changerait pas en 2026.
Nous sommes tous conscients des difficultés financières des départements et le gouvernement s’est engagé à compléter les moyens du fonds si celui-ci n’atteignait pas 300 millions en 2026.
Enfin, il n’appartient pas au programme 119 d’alimenter ce fonds.
Avis défavorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendements II-CL320 et II-CL321 de M. Romain Eskenazi (discussion commune)
M. Romain Eskenazi (SOC). J’aurais préféré que mes amendements ne soient pas en discussion commune, car ils concernent deux catégories différentes de collectivités.
À la suite à l’accord du « Ségur pour tous » du 26 juin 2024, l’État a décidé – et c’est très bien – d’étendre la prime qui n’avait été initialement accordée qu’aux soignants à l’ensemble des travailleurs des établissements et services sociaux et médico-sociaux privés à but non lucratif. Pour les départements, cela comprend l’ensemble du champ de la protection de l’enfance et des foyers et associations qui prennent en charge les personnes handicapées. Pour les régions, ce sont essentiellement les instituts de formation dans le domaine du travail social qui sont concernés.
Cette prime, qui équivaut à peu près à 200 euros de plus sur les fiches de paie, n’est pas financée par l’État. Je rappelle qu’elle concerne des métiers en tension : on compte 70 000 postes vacants pour les seuls instituts de formation.
Certains départements ont choisi de financer ces primes, d’autres non. Dans ce dernier cas, il revient aux associations à but non lucratif de le faire sur leurs fonds propres, ce qui les met en grande difficulté. Dans ma circonscription, plusieurs d’entre elles ont dû mettre la clé sous la porte.
Le premier amendement propose donc de compenser intégralement le financement du « Ségur pour tous » par les départements, ce qui représente 85 millions. Le second propose la même chose pour l’ensemble des régions, pour un montant de 22 millions.
Mme Blandine Brocard, rapporteure pour avis. L’intervention des départements a des effets importants sur le quotidien de nos concitoyens dans de nombreux domaines. J’ai d’ailleurs été surprise de ne voir apparaître aucun amendement visant à accroître le financement des Sdis (services départementaux d’incendie et de secours), qui souffrent également beaucoup. Nos pompiers auraient eux aussi besoin de soutien.
Certains d’entre vous ont mis en avant les besoins liés au RSA. M. Eskenazi a quant à lui choisi de souligner ceux qui découlent de l’application du Ségur de la santé. Tous ces sujets sont primordiaux, mais il y en a bien d’autres. Si l’on ne veut pas se contenter de mettre des sparadraps, il va falloir s’atteler à résoudre les problèmes de fond.
Avis défavorable.
M. Romain Eskenazi (SOC). On parle en effet souvent du secteur de la protection de l’enfance, car il est en crise. Les éducateurs spécialisés sont recrutés à bac + 3 et ne touchent même pas le smic en début de carrière. Il est donc indispensable de leur donner un coup de pouce, car ils assurent également des missions essentielles de prévention de la délinquance et d’accompagnement.
Il aurait été juste de doter les départements et les régions des moyens qui leurs permettent de compenser les conséquences d’une décision prise au sommet de l’État.
Mme Pascale Bordes, présidente. L’adoption de l’amendement II-CL320 ferait tomber les trois amendements qui suivent, car les crédits de l’action 01 Aides exceptionnelles aux collectivités territoriales du programme 122 Concours spécifiques et administration ne seraient plus suffisants.
La commission adopte l’amendement II-CL320.
En conséquence, l’amendement II-CL321 et les amendements II-CL293 de Mme Marie-José Allemand, II-CL312 de Mme Mathilde Feld et II-CL298 de M. Emmanuel Duplessy tombent.
Amendement II-CL98 de Mme Lisette Pollet
Mme Lisette Pollet (RN). Cet amendement vise à transférer 5 millions au profit de la DSID, afin de soutenir les projets d’investissement des collectivités.
Les crédits du programme 122 financent surtout des études et des démarches administratives, sans effets tangibles sur le terrain. Nous proposons de les réaffecter à des projets concrets qui contribuent à une écologie d’action plutôt que de procédure.
Tous les élus disent qu’ils manquent moins de discours que de moyens pour entretenir les infrastructures. Cet amendement redonne du sens à la dépense publique, en soutenant ceux qui agissent vraiment pour leur territoire.
Mme Blandine Brocard, rapporteure pour avis. Je ne suis vraiment pas d’accord avec l’exposé sommaire de votre amendement, où l’on peut lire que « […] des millions d’euros sont engloutis dans des études, chartes et plans de “transition écologique” sans portée réelle ». Ces études, ces chartes et ces plans sont vraiment utiles pour tous, et pas seulement pour les élus.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CL297 de Mme Marie-José Allemand
Mme Marie-José Allemand (SOC). Cet amendement vise à revaloriser la DSID à hauteur de l’évolution prévisionnelle de l’indice des prix à la consommation, soit 1,3 %. Cette dotation ne doit pas stagner si l’on veut permettre aux départements d’accompagner les habitants tout en préservant le financement des investissements locaux.
Mme Blandine Brocard, rapporteure pour avis. L’amendement prévoit d’augmenter la DSID de 2,7 millions pour prendre en compte l’inflation.
Comme je l’ai déjà dit, il y a beaucoup de très bonnes causes mais nous devons faire preuve de responsabilité.
Avis défavorable.
Mme Pascale Bordes, présidente. L’adoption de cet amendement ferait tomber l’amendement suivant, car les crédits de l’action 01 Aides exceptionnelles aux collectivités territoriales du programme 122 Concours spécifiques et administration ne seraient plus suffisants.
La commission adopte l’amendement.
En conséquence, l’amendement II-CL303 de M. Hervé Saulignac tombe.
Amendement II-CL302 de Mme Catherine Hervieu
M. Emmanuel Duplessy (EcoS). Cet amendement, qui a été travaillé avec Départements de France, vise à corriger les effets de la réforme mal préparée de la taxe d’aménagement.
Le gouvernement avait assuré que les collectivités ne subiraient aucun impact financier, mais tel n’a pas été le cas. La perte subie par les départements l’an dernier est évaluée à environ 500 millions. Nous proposons de la compenser à hauteur de 270 millions, ce qui semble assez modeste.
J’ai bien entendu vos arguments précédents sur l’état des finances, madame la rapporteure pour avis, mais vous aurez compris qu’une large majorité des groupes conteste le budget alloué aux collectivités territoriales, estimant que les départements sont dans une situation très compliquée.
Un certain nombre de dépenses sont dynamiques et ne peuvent être maîtrisées directement par les exécutifs locaux. C’est le cas par exemple de l’augmentation des versements de prestations liées au vieillissement, au handicap et à l’aide sociale à l’enfance. Le nombre des enfants placés et des violences intrafamiliales explose, et pourtant les budgets sont gelés.
Il est donc nécessaire d’abonder les budgets des départements et que l’État tienne sa parole plus de deux ans.
Mme Blandine Brocard, rapporteure pour avis. Les CAUE (conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement) sont vraiment essentiels, notamment parce que leur travail en amont limite les risques de recours en aval.
La dynamique des taxes liées à la construction est en berne. Même si nous pouvons le déplorer, c’est un fait. Leurs modalités de recouvrement ont également été modifiées : on paie désormais la taxe d’aménagement lorsque les travaux sont finis, ce qui relève du bon sens. Si un projet est abandonné, la taxe n’est plus due.
Ces deux changements font craindre aux CAUE de subir une perte. Cependant, il est difficile d’estimer le montant d’une perte de rendement sur plusieurs années et la question de l’évolution du produit de la taxe constitue un autre sujet plus général, lié à celle du produit de certains impôts.
Ce débat nous ramène une nouvelle fois à celui sur les compétences croisées, qui sous-tend un certain nombre d’interventions.
Avis défavorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CL304 de Mme Mélanie Thomin
Mme Mélanie Thomin (SOC). L’amendement propose de compenser la suppression du fonds d’intervention maritime (FIM), essentiel pour les communes littorales. Le même avait été adopté lors de la discussion du PLF pour 2024, mais n’avait pas été retenu par le gouvernement dans le texte sur lequel il avait engagé sa responsabilité.
Nous proposons de recréer un fonds de soutien aux communes, EPCI et groupements afin de financer des investissements destinés à lutter contre les conséquences du changement climatique. Celui-ci se manifeste par des tempêtes et par un risque accru de submersion. Ces investissements concernent en particulier les cales et les digues, dont la réhabilitation peut coûter 2 millions, voire davantage.
L’État transfère progressivement la gestion de ces infrastructures à des communes ou intercommunalités de petite taille, dans un contexte de coupes budgétaires et de réduction des dotations aux collectivités et alors que les risques liés aux aléas climatiques augmentent. Résultat : ces infrastructures maritimes se détériorent plus vite, ce qui peut avoir des conséquences sur la sécurité des biens et des personnes.
Nous proposons donc de créer un fonds de soutien additionnel pour permettre aux communes littorales de réaliser les investissements nécessaires à l’entretien des infrastructures et des bâtiments en première ligne face à la mer. Les attentes sur le terrain sont grandes.
Mme Blandine Brocard, rapporteure pour avis. Je vous remercie d’avoir mis en avant les spécificités des communes littorales, qui doivent faire face au risque de moins en moins hypothétique de submersion marine.
Cela étant dit, ce sujet relève davantage de la mission Écologie, développement et mobilités durables et du fonds Barnier.
Dans le cadre de la préparation de mon rapport, j’ai auditionné des préfets de région, y compris de région littorale. Il est nécessaire qu’ils gardent la main sur certaines dotations, dont la DSIL, parce qu’ils inscrivent leur action dans une réflexion d’ensemble sur l’aménagement de la région. Encore une fois, ajouter une ligne budgétaire ou un fonds supplémentaires risque de rendre les choses encore moins lisibles pour les élus, alors qu’il faudrait plutôt simplifier.
Avis défavorable.
Mme Mélanie Thomin (SOC). Le FIM était lui aussi à la main des préfets. Les collectivités devaient les solliciter pour obtenir des fonds destinés à entretenir des infrastructures en péril ou à en reconstruire. Cet amendement a donc parfaitement sa place dans la discussion des crédits de la mission Relations avec les collectivités territoriales.
Une réflexion a été engagée par la commission du développement durable au sujet d’autres enveloppes, qui pourraient être utilisées directement par les collectivités concernées.
Mais, en l’occurrence, nous devons faire face à l’urgence. Des crédits sont déjà disponibles pour lutter contre l’érosion du trait de côte, mais l’amendement concerne spécifiquement les infrastructures et les bâtiments.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CL291 de M. Paul Christophle
M. Paul Christophle (SOC). Cet amendement prévoit d’ouvrir 10 millions en faveur des départements pour soutenir les centres de santé sexuelle (CSS).
Lieux d’écoute, d’information, de prévention et d’accompagnement en accès libre pour tout public et tous âges et qui garantissent l’anonymat, les CSS jouent un rôle indispensable. Leur organisation assure un maillage territorial qui permet à chacun d’y avoir accès.
Nombre de ces centres rencontrent des difficultés en raison de la baisse progressive des financements publics. C’est le cas dans la Drôme, où le conseil départemental a décidé en avril dernier de fermer les sept CSS dont il assurait jusque-là la gestion et de diminuer les subventions au planning familial. Ce désengagement a des conséquences préoccupantes en matière d’accès aux droits et aux soins, mais aussi d’accès à l’IVG et d’éducation à la vie affective et sexuelle. Cela fait craindre un recul de la prévention des violences sexuelles et de la prise en charge des victimes.
Mme Blandine Brocard, rapporteure pour avis. On ne peut évidemment pas prendre ce sujet à la légère. Mais nous ne pouvons pas dépenser l’argent que nous n’avons pas. Votre amendement conduirait à ôter 10 millions au programme qui permet d’apporter des concours financiers aux collectivités et à leurs groupements. Ce n’est pas possible.
Le sujet que vous soulevez est important, comme le sont ceux évoqués à l’occasion des amendements précédents. Mais nous devons à nos concitoyens d’agir de manière responsable en matière budgétaire. Certains ont loué à juste titre les élus locaux qui gèrent correctement leur budget ; je n’ai pas l’impression que l’on suive leur exemple à l’occasion de l’examen des crédits de cette mission.
Avis défavorable.
La commission adopte l’amendement.
La commission émet un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission Relations avec les collectivités territoriales, modifiés.
Article 72
Amendement II-CL305 de M. Hervé Saulignac
M. Hervé Saulignac (SOC). Cet amendement vise à supprimer les alinéas 69 et 75 de l’article 72 et donc le rétablissement de la DGF des régions. Il fonctionne en miroir de l’amendement déposé en première partie du PLF qui vise, lui, à conserver le reversement d’une fraction de TVA.
Si le retour à la DGF apporte aux régions une meilleure visibilité sur leurs recettes, il leur enlève les bénéfices de la dynamique tendancielle de la TVA que nous constatons depuis la création des fractions de TVA.
Afin de conserver ce bénéfice, et en l’absence de leviers fiscaux significatifs à la main des régions, il est préférable de revenir sur cette réforme.
Mme Blandine Brocard, rapporteure pour avis. Ce transfert de TVA est très intéressant quand les recettes sont dynamiques comme vous l’exposez. Mais, dans le cas contraire, cela poserait problème et obligerait les régions à faire appel à l’État.
Comme je ne cesse de le démontrer, la DGF constitue une ressource stable qui assure aux collectivités une meilleure visibilité de leurs financements et de leurs budgets d’une année sur l’autre. En cela, elle répond à une attente forte des élus. Avis défavorable.
La commission adopte l’amendement.
Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 72 modifié.
Après l’article 72
Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement II-CL307 de Mme Lisa Belluco.
Amendement II-CL308 de Mme Lisa Belluco
M. Emmanuel Duplessy (EcoS). Pendant le débat sur la proposition de loi ZAN (zéro artificialisation nette des sols), nous avions réfléchi aux moyens de récompenser les communes vertueuses. Cet amendement entend créer un fonds de soutien pour les communes qui préservent les espaces naturels, agricoles et forestiers – une mesure proposée par la mission d’information de Mmes Sandrine Le Feur et Constance de Pélichy sur l’artificialisation des sols.
Mme Blandine Brocard, rapporteure pour avis. La consommation d’espaces naturels, agricoles ou forestiers est parfois justifiée. En outre, cette dotation serait créée au sein de la DGF dans le cadre d’une enveloppe constante, ce qui réduirait nécessairement les autres composantes de la DGF des communes. Mon avis est donc défavorable.
La commission rejette l’amendement.
La commission émet un avis défavorable à l’adoption de l’article 73 non modifié.
Article 74
Amendement de suppression II-CL306 de M. Hervé Saulignac
M. Hervé Saulignac (SOC). Cet amendement vise à supprimer la réforme des dotations d’investissement qui fusionne la DSIL, la DETR et la DPV.
C’est un mauvais tour de passe-passe pour de nombreux territoires, car ces dotations permettaient de flécher les moyens vers les territoires ruraux pour la DETR, urbains pour la DPV. Or, le FIT sera vampirisé par les centres urbains et les grandes agglomérations au détriment des territoires ruraux qui ont moins d’ingénierie et de capacités à obtenir des subventions.
Cette fusion rend en outre plus facile la régulation budgétaire, autrement dit les économies, puisqu’il est plus facile de réduire une enveloppe globale que plusieurs dotations. Le FIT ressemble en cela au dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités territoriales (Dilico), autre moyen cynique de réduire les dépenses.
Enfin, rien n’est plus efficace que ce qui est géré, en proximité, par le préfet de département. Or le FIT sera aux mains des préfets de région, alors même que la préfecture de région, c’est parfois presque l’étranger – par exemple Lyon pour le Sud de la Drôme ou de l’Ardèche. Cela conduit à un centralisme régional qui ne vaut pas mieux que le centralisme national.
Mme Blandine Brocard, rapporteure pour avis. Je comprends vos questionnements sur ce nouveau fonds. Cela dit, aucune des personnes que j’ai auditionnées n’a exprimé de vraie crainte. Sans doute faut-il, comme le disait M. Gosselin, laisser sa chance au produit et surveiller ce qu’il en adviendra. Le FIT pourrait permettre de répondre à l’attente principale des élus, la lisibilité.
Vous craignez que les grandes agglomérations ne vampirisent le FIT au détriment des communes rurales. Nous y serons très attentifs, ainsi qu’aux élus de ces dernières. Le FIT recouvre aussi la DPV : il ne faut pas non plus que les territoires urbains soient oubliés.
Enfin, ce n’est pas le préfet de région mais bien le préfet de département qui a la main sur le FIT. La gestion locale que vous appelez de vos vœux est donc préservée, sans oublier les commissions départementales comptant des élus locaux et des parlementaires. À nous d’être très vigilants.
La commission rejette l’amendement.
Elle émet un avis défavorable à l’adoption de l’article 74 non modifié.
Article 75
Amendement de suppression II-CL319 de Mme Catherine Hervieu
M. Emmanuel Duplessy (EcoS). Cet amendement vise à supprimer le Dilico, ce système de prêts forcés de 2 milliards d’euros – qui seront peut-être remboursés partiellement, peut-être pas du tout, sans qu’on ne sache vraiment comment. Nous contestons donc ce dispositif tant sur le fond que sur la forme. S’il n’était pas supprimé ici, nous contesterions sa légalité et sa constitutionnalité devant le juge. L’effort demandé aux collectivités est disproportionné au regard de leurs ressources et de leur poids dans la dépense publique et l’économie ainsi que des services rendus à une population qui a des besoins grandissants.
Mme Blandine Brocard, rapporteure pour avis. En supprimant l’article 75, vous ne supprimez pas le dispositif du Dilico lui-même, entré en vigueur avec la loi de finances de 2025. L’article 75 ne fait qu’apporter des modifications attendues à ce dispositif. Avis défavorable.
Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Indépendamment de cet aspect technique, le groupe LFI-NFP est opposé à ce dispositif. L’État demande aux collectivités locales d’assurer sa trésorerie : on ponctionne une part de leurs recettes fiscales, qui sera remboursée, peut-être, sur trois ans, et au passage on en prélève une part pour la péréquation horizontale.
Nous ne sommes naturellement pas opposés à la solidarité entre des collectivités qui ne sont pas aussi riches les unes que les autres, mais cela suppose d’avoir un regard global, et pas seulement local, sur la fiscalité. Au-delà des doutes sur son caractère constitutionnel, le dispositif bricolé du Dilico pousse à s’interroger sur les responsabilités de chacun, en particulier quand les leviers fiscaux des collectivités ont quasiment disparu.
Enfin, ce dispositif n’a jamais été discuté avec les élus locaux. Cette méthode donne le sentiment que les collectivités sont méprisées par un gouvernement qui a, par ailleurs, renforcé le pouvoir des préfets. C’est un vrai problème : il ne peut y avoir de République sans un minimum de connivence entre les collectivités et le gouvernement.
M. Emmanuel Duplessy (EcoS). Je vous concède que la suppression de l’article ne supprime pas le Dilico. Il supprime en revanche le passage au Dilico 2, encore moins bien conçu que le premier. Nous choisissons donc le moins pire.
Nous ne sommes pas opposés à des modèles de péréquation et de solidarité entre les collectivités. Toutefois, d’autres méthodes de calcul de l’effort auraient été possibles. Dans le Dilico 2, celui-ci repose à 75 % sur les rentrées fiscales et à 25 % sur la richesse de la population. Or, une collectivité peut paraître riche parce qu’elle a d’importantes recettes fiscales, alors qu’en réalité sa population a de grands besoins – en l’occurrence de nombreux travailleurs qui ne sont pas forcément bien rémunérés. Il s’opère un transfert de charges. À l’inverse, les collectivités qui ont le moins de recettes fiscales ne sont pas forcément les plus pauvres, puisque leur population est parfois riche.
Mme Blandine Brocard, rapporteure pour avis. Le débat sur le Dilico 2 arrive dans un instant. Mon avis se rapprochera du vôtre à ce moment-là. Concernant le Dilico 1, il est important de le maintenir. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Elle émet un avis défavorable à l’adoption de l’article 75 non modifié.
Article 76
Amendements de suppression II-CL258 de M. Emmanuel Duplessy, II-CL310 de Mme Marie-José Allemand et II-CL316 de Mme Élisa Martin
M. Emmanuel Duplessy (EcoS). Nous voulons supprimer le Dilico.
Mme Marie-José Allemand (SOC). Le groupe Socialistes est lui aussi totalement opposé à ce dispositif.
Mme Élisa Martin (LFI-NFP). J’insiste sur le fait que l’absence de concertation avec les élus locaux, qui plus est pour imposer un dispositif qui pique une partie des recettes des collectivités, est un véritable problème, d’autant que l’avenir du dispositif est incertain. Les collectivités ne sont pas là pour assurer la trésorerie de l’État.
D’autre part, la péréquation ne peut pas fonctionner de manière exclusivement horizontale, entre collectivités. Il faut donc revoir la fiscalité, certains aspects de l’organisation territoriale et les relations des collectivités avec l’État pour ensuite définir les modalités de la péréquation.
Mme Blandine Brocard, rapporteure pour avis. Je suis convaincue que le Dilico 1 permet, comme il est nécessaire de le faire, de maîtriser les dépenses de fonctionnement des collectivités et que le reversement en trois ans de 90 % des dépenses prélevées est vertueux, comme la péréquation horizontale que j’entends avec surprise la gauche critiquer.
En revanche, les modalités de fonctionnement du Dilico 2 sont contestables. Ce dispositif risque de contraindre les dépenses d’investissement des collectivités en dispensant une injonction contradictoire : d’un côté, à relancer l’activité par l’investissement, de l’autre, à ne pas investir plus que l’année précédente sous peine d’être pénalisées.
Je m’en remets donc à la sagesse de la commission sur ces amendements de suppression et j’ai hâte d’entendre en séance les explications du gouvernement sur ce nouveau mécanisme.
La commission adopte les amendements, exprimant ainsi un avis favorable à la suppression de l’article 76.
La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 77 non modifié.
La séance est levée à 18 heures 10.
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Membres présents ou excusés
Présents. - Mme Marie-José Allemand, M. Pouria Amirshahi, M. Romain Baubry, Mme Sophie Blanc, Mme Pascale Bordes, Mme Blandine Brocard, Mme Colette Capdevielle, Mme Gabrielle Cathala, M. Vincent Caure, M. Paul Christophle, M. Jean-François Coulomme, M. Emmanuel Duplessy, M. Olivier Falorni, Mme Agnès Firmin Le Bodo, M. Jonathan Gery, M. Yoann Gillet, M. Philippe Gosselin, M. Guillaume Gouffier Valente, Mme Monique Griseti, M. Jordan Guitton, Mme Marietta Karamanli, Mme Émeline K/Bidi, M. Andy Kerbrat, Mme Marie-France Lorho, M. Éric Martineau, Mme Élisa Martin, M. Paul Molac, Mme Lisette Pollet, Mme Sandra Regol, M. Hervé Saulignac, M. Michaël Taverne, Mme Céline Thiébault-Martinez, M. Roger Vicot
Excusés. - Mme Émilie Bonnivard, M. Roland Lescure, M. Nicolas Metzdorf, Mme Naïma Moutchou, Mme Sophie Ricourt Vaginay, Mme Andrée Taurinya, M. Antoine Villedieu, M. Jiovanny William
Assistaient également à la réunion. - M. Romain Eskenazi, Mme Mathilde Feld, Mme Mélanie Thomin