Compte rendu

Commission d’enquête sur les liens existants entre les représentants de mouvements politiques et des organisations et réseaux soutenant l’action terroriste ou propageant l’idéologie islamiste

– Audition, à huis clos, de M. Nicolas Roche, secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) 2

– Présences en réunion................................14

 


Jeudi
6 novembre 2025

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 26

session ordinaire 2025-2026

Présidence de
Mme Caroline Yadan,
Vice-présidente de la commission

 


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La séance est ouverte à dix-sept heures.

Mme la présidente Caroline Yadan. Monsieur Roche, vous avez eu une carrière très riche : vous avez notamment été premier conseiller à l’ambassade de France en Israël, directeur des affaires stratégiques, de sécurité et du désarmement au ministère des affaires étrangères, directeur de cabinet du ministre, puis ambassadeur en Iran. Depuis le 26 mars 2025, vous dirigez le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) qui, placé auprès du premier ministre, assure la coordination interministérielle sur l’ensemble des questions stratégiques de défense et de sécurité nationale, comme la lutte contre le terrorisme et contre les ingérences numériques étrangères. Vous assurez également le secrétariat du Conseil de défense et de sécurité nationale (CDSN) présidé par le chef de l’État.

Je rappelle qu’à la suite du CDSN du 7 juillet 2025, le président a estimé que certains dispositifs de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République étaient insuffisants et qu’il convenait de prendre des mesures supplémentaires d’entrave, telle la dévolution des biens des associations dissoutes.

Comme vous le savez, nos travaux portent sur les mouvements islamistes en France et leur stratégie pour nouer des liens avec les élus nationaux ou locaux. Or lors de nos auditions, il a été souligné que les attaques terroristes du 7 octobre 2023 avaient marqué un tournant en matière d’entrisme islamiste, en permettant notamment la convergence de certaines revendications entre les mouvements propageant cette idéologie et des représentants de partis d’extrême gauche. Faites-vous également ce constat ?

Viginum, le service de vigilance et de protection contre les ingérences numériques étrangères, est rattaché au SGDSN. Quelles ingérences numériques étrangères influencent le débat public ? Quelles sont leurs cibles ? Quelles mesures sont prises pour lutter contre ce phénomène, notamment dans la perspective des prochaines échéances électorales ?

L’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d’enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

(M. Nicolas Roche prête serment.)

M. Nicolas Roche, secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale. Je vous suis très reconnaissant d’avoir bien voulu accepter le huis clos : d’abord parce qu’en tant que représentant de l’institution dépositaire de la réglementation du secret de la défense nationale, mes missions requièrent de la discrétion et du secret ; ensuite parce qu’exprimer des propos mal maîtrisés sur ces sujets dans une circonstance aussi officielle peut avoir des conséquences néfastes et gêner notre pays.

J’ai pris connaissance de la résolution qui a débouché sur la création de cette commission d’enquête. Vos travaux portent notamment sur le soutien de mouvements politiques à des réseaux soutenant l’action terroriste, la participation d’élus à des événements liés à de tels réseaux, le recours à des pratiques clientélistes par des mouvements politiques, le risque d’entrisme lors de prochaines échéances électorales.

Les missions du SGDSN et de son secrétaire général sont fixées dans des articles du code de la défense qui ne me donnent pas de compétence, ou bien des compétences marginales, sur les quatre champs que votre commission étudie. En revanche, la question des prochaines échéances électorales me permettra de revenir sur la nature de Viginum et sur celle des travaux du SGDSN dans le domaine de la lutte contre les manipulations de l’information.

Je vais présenter de façon très générale mes missions de secrétaire général et celles du SGDSN de façon à ce que vous puissiez porter votre propre jugement sur les compétences qui sont les nôtres et qui peuvent être utiles ou non à cette commission d’enquête.

Le secrétaire général est placé auprès du premier ministre dans l’exercice de ses responsabilités en matière de défense et de sécurité nationale. À ce titre, il coordonne les travaux interministériels relatifs à la politique de défense et de sécurité nationale ; il suit l’évolution des crises et des conflits internationaux qui peuvent affecter les intérêts de la France en matière de défense et de sécurité ; il est responsable de la politique de protection du secret de la défense nationale ; il concourt à l’adaptation du cadre juridique dans lequel s’inscrit l’action des services de renseignement, à la planification de leurs moyens et à l’organisation des groupes interministériels d’analyse et de synthèse en matière de renseignement ; il est responsable de la planification interministérielle de défense et de sécurité nationale.

Il s’assure en tout temps que le président de la République et le gouvernement disposent des moyens de commandement et de communication électronique nécessaires en matière de défense et de sécurité nationale, dont il fait assurer le fonctionnement au quotidien. Il propose et applique la politique du gouvernement en matière de sécurité des systèmes d’information via l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi). Il veille à la cohérence de la politique de recherche scientifique et de projets technologiques intéressant la défense et la sécurité nationale.

Il identifie également les opérations impliquant de manière directe ou indirecte un état étranger ou une entité non-étatique étrangère, qui visent à la diffusion artificielle ou automatisée, massive et délibérée, par le biais d’un service de communication au public en ligne, d’allégations ou imputations de faits manifestement inexacts ou trompeurs et de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation. C’est la définition de Viginum. Il anime et coordonne les travaux interministériels en matière de protection contre ces mêmes opérations d’ingérence numérique étrangère.

Dans le champ civil qui ne concerne pas les travaux de votre commission, nous assurons également le secrétariat du conseil de politique nucléaire avec l’assistance du haut‑commissaire à l’énergie atomique. Cette énumération de nos missions est un peu sèche mais cette précision sur l’organisation de l’institution que j’ai l’honneur de diriger depuis six mois vise à permettre de répondre au mieux à l’ensemble des questions.

Le cœur historique de la mission du secrétariat, depuis 1906, est l’instruction des dossiers militaires. À l’époque, ils étaient soumis à l’arbitrage du président du Conseil par les trois ministères compétents en matière de défense, soit le ministère de la guerre, le ministère de la marine et le ministère des colonies. Aujourd’hui, les dossiers sont soumis à l’arbitrage du président de la République et nous assurons le secrétariat des travaux préparatoires menés avec les ministères pour la préparation des conseils restreints de défense et de sécurité nationale, ainsi que des travaux interministériels en matière de défense et de sécurité nationale.

Le secrétariat a évolué au fil du temps : il est devenu permanent à partir de 1921 et il a oscillé entre un simple rôle de secrétariat du président de la République ou du président du Conseil et un rôle d’état-major avec des compétences beaucoup plus opérationnelles, qui ont conduit à la création de l’état-major des armées en 1962. Nous avons donc perdu cette partie opérationnelle pour nous concentrer à nouveau sur notre mission permanente et première, celle du secrétariat du conseil de défense, devenu Conseil de défense et de sécurité nationale en 2010 ; au même moment, le secrétariat général est devenu le SGDSN.

Ce rôle en matière de sécurité nationale, défini de façon très large dans les textes, est un élément essentiel de notre mission : il repose sur un continuum entre la défense, les questions de sécurité intérieure et militaires, celles liées aux menaces extérieures et celles de sécurité nationale. C’est la particularité la plus notable du SGDSN, institution civile qui concentre en son sein de nombreuses compétences interministérielles, des personnels militaires, mais aussi des ingénieurs civils, des scientifiques et des représentants des corps techniques de l’État. Il s’agit donc d’un outil interministériel qui bénéficie en son sein d’un certain nombre de compétences techniques pour assurer les missions que j’ai mentionnées.

Le SGDSN est un service du premier ministre, mais il travaille pour le compte du président de la République au titre de ses responsabilités de secrétariat du CDSN. J’en suis le secrétaire et le chef de l’État en est le président. Notre rôle consiste à préparer les conseils et à y assister, à réunir les contributions des différents ministères, à diffuser les relevés de décisions tels qu’ils sont arrêtés et signés par le président de la République, et à nous assurer de l’exécution des décisions prises par le CDSN.

Le SGDSN compte deux directions centrales. La première est la direction de la protection et de la sécurité de l’État qui planifie, forme et entraîne les acteurs de la gestion de crise. Dans ce contexte, nous avons des compétences en matière de lutte contre le terrorisme puisque cette direction, sous mon autorité, rédige et met à jour les plans antiterroristes de la famille Pirate dans son ensemble, Vigipirate étant le plus connu, mais également d’autres plans en matière de lutte NRBC (nucléaire, radiologique, biologique et chimique), sanitaire ou de réaction aux accidents industriels. Il s’agit du cœur de sa mission de planification de la défense et de la sécurité nationale.

Le SGDSN comporte également la direction des affaires internationales, stratégiques et technologiques qui suit les crises internationales, comme celle du 7 octobre 2023 à laquelle vous avez fait référence. Elle mène des travaux d’anticipation sur des thèmes prioritaires comme la lutte contre la prolifération nucléaire, la protection du patrimoine scientifique et technologique de la nation et de nos entreprises, ainsi que sur des questions spatiales, d’exportation et d’armement par délégation du premier ministre.

Le SGDSN compte également trois grands services à compétence nationale qui ont une vocation opérationnelle. L’Anssi est le bouclier cybersécuritaire de la France, l’institution chargée de protéger le cœur régalien de l’État contre les attaques cyber, quelle que soit leur provenance. L’Anssi est aussi un régulateur national et une autorité de police administrative dans le domaine du cyberespace contre toute attaque qui pèse sur les systèmes d’information de l’État ou des grands opérateurs d’importance vitale de la nation.

Le deuxième grand service est l’opérateur des systèmes d’information interministériels classifiés (OSIIC), épine dorsale de la capacité de l’État à gérer les questions de secret de la défense nationale dans un environnement communicant dûment sécurisé.

Le troisième grand service est Viginum, dont la mission centrale est de détecter les manipulations de l’information menées en France par des entités ou des États étrangers. Il a été créé en 2021 par deux décrets après les campagnes étrangères qui ont visé notre pays, faisant suite à l’assassinat de Samuel Paty et de la vague de manipulation de l’information parfois extrêmement violente qui a déferlé sur la France et sur l’ensemble des intérêts français dans le monde, en particulier dans le Golfe et au Pakistan.

Viginum a un rôle dans la protection des élections face aux attaques d’origine étrangère. Il crée et met des outils technologiques et techniques à disposition de ceux qui s’intéressent aux ingérences numériques étrangères et qui veulent les détecter. Au-dessus de Viginum, le SGDSN assure le secrétariat du comité interministériel de lutte contre les manipulations de l’information (Colmi) que je préside au nom du premier ministre.

Pour répondre à vos questions, madame la présidente, penchons-nous de façon plus précise sur les attaques informationnelles qui polluent désormais chaque grande échéance électorale en Europe. Nous avons vu ces dernières années une multiplication et une densification des ingérences numériques étrangères qui pèsent sur les processus électoraux, en particulier dans des pays européens proches de nous. La Roumanie a dû annuler puis réorganiser une élection présidentielle à l’issue de la détection de manipulation de l’information. L’Allemagne et la Moldavie ont également constaté de graves anomalies et ont largement communiqué sur le sujet.

Le champ d’action de Viginum est défini dans les textes de manière précise. Son décret de fondation du 7 décembre 2021, validé en Conseil d’État après l’avis de la Cnil (Commission nationale de l’informatique et des libertés), autorise Viginum à bénéficier d’un traitement de données selon quatre critères cumulatifs qui bornent son champ de compétences.

Le premier critère est l’origine étrangère des ingérences numériques, qu’elles proviennent d’États, de puissances étatiques ou d’entités non-étatiques. Le deuxième est une diffusion artificielle ou automatisée : Viginum détecte des comportements numériques ou technologiques d’amplification d’éléments artificiels, inauthentiques et automatisés sur l’ensemble des plateformes et des réseaux sociaux, donc dans le débat numérique national. Le troisième critère implique que ces diffusions artificielles automatisées aient un caractère massif et délibéré, à partir d’un certain niveau qui n’est pas quantifié. Le quatrième critère est la détection d’allégations ou d’imputations de faits manifestement inexacts ou trompeurs de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation.

Le cumul de ces quatre critères, voulu par le pouvoir réglementaire, définit un domaine de compétences qui exclut du périmètre d’action de Viginum le champ du débat politique national. Sa méthode n’est pas le traitement du fond, de la substance, ni du contenu des messages, mais la caractérisation technique de la nature artificielle de la diffusion au moyen de méthodologies technologiques inauthentiques.

Je peux présenter des exemples concrets si vous le souhaitez : nous avons rendu publics de nombreux documents et Viginum publie régulièrement des rapports qui dévoilent des opérations adverses auxquelles nous sommes confrontés de façon croissante. Ces rapports présentent des éléments techniques de caractérisation, notamment des listes de faux comptes, d’adresses IP ou de modes opératoires informationnels qui sont objectivables et vérifiables par tout un chacun. Viginum existe depuis quatre ans, et ce double choix de l’approche technique et de la publication d’éléments objectifs et vérifiables s’avère payant en termes de crédibilité technique vis-à-vis de la population française, de nos partenaires étrangers et des professionnels de l’information.

Le SGDSN comporte un dernier service à compétence nationale : le GIC (groupement interministériel de contrôle), qui met en œuvre les techniques de renseignement pour le compte des services de renseignements dits du premier cercle. Je n’ai pas d’autorité opérationnelle sur ce service qui dépend opérationnellement du premier ministre et de son cabinet. Je n’en suis que l’autorité organique : je m’occupe des budgets et des ressources humaines sans avoir de droit de regard sur ses opérations ni de droit d’accès au contenu des techniques de renseignement.

Le SGDSN est composé d’environ mille six cents agents civils et militaires très qualifiés et notre fonction centrale est de s’assurer que les politiques publiques de sécurité nationale et de défense protègent l’ensemble de la nation.

Nous avons animé, pour l’ensemble de l’interministériel, la revue nationale stratégique (RNS) que le président de la République a commandée aux services de l’État dans ses vœux aux armées en janvier 2025, ce qui nous a permis d’avoir des consultations approfondies avec les assemblées, notamment avec la commission de la défense de l’Assemblée nationale et la commission de la défense et des affaires étrangères du Sénat. Dans cette RNS se trouve un scénario central, dans lequel se trouve l’ensemble des menaces hybrides et parmi ces menaces hybrides se trouvent les ingérences numériques étrangères et les manipulations de l’information que nous voyons croître, se massifier et se densifier.

Concernant l’évolution de la menace, nous constatons depuis la création de Viginum une diversification, une spécialisation technologique et une sophistication croissante des moyens technologiques utilisés par nos adversaires, principalement étatiques, contre le débat numérique national. Nous anticipons pour les années à venir une massification encore plus importante, en particulier dans le cadre des élections municipales en mars 2026 et de l’élection présidentielle en mai 2027. Nous menons donc des réflexions sur les modalités d’un durcissement de notre disposition de détection et de caractérisation des ingérences numériques étrangères, dans sa définition fixée en 2021.

Vous avez auditionné la DGSI (direction générale de la sécurité intérieure) et le DNRT (direction nationale du renseignement territorial) qui ont des compétences séparées, portant spécifiquement sur le débat national et qui ne relèvent pas de Viginum. Cependant, nos travaux interministériels respectifs font le constat d’un durcissement, d’une massification et d’une sophistication croissante de la menace sur notre débat numérique national que représentent en matière d’ingérence numérique plusieurs acteurs étrangers. Nous sommes donc en train de proposer à nos autorités politiques des options de renforcement de nos dispositifs de réponse une fois l’ingérence détectée.

Je suis à votre disposition pour répondre à vos questions et pour revenir plus en détail sur les outils judiciaires, administratifs et réglementaires, en particulier au titre de la réglementation européenne et du DSA (règlement sur les services numériques), qui nous donnent des outils puissants pour lutter contre ces ingérences numériques étrangères.

Mme la présidente Caroline Yadan. Merci beaucoup pour ces propos introductifs qui nous éclairent sur la mission du SGDSN.

Concernant la spécialisation, la massification et la sophistication croissante des ingérences numériques étrangères, avez-vous constaté une différence notable après le 7 octobre 2023 ? L’approche de nos prochaines élections pourrait-elle marquer un autre tournant ?

M. Nicolas Roche. Non, Viginum n’a pas détecté de différence en termes de sophistication technologique entre avant et après le 7 octobre 2023.

La plupart des manipulations de l’information ou des ingérences numériques étrangères que Viginum détecte sans prétendre à l’exhaustivité ne visent pas la promotion dans le débat public national d’une idéologie spécifique, qu’elle soit islamiste ou non. En revanche, plusieurs thèmes faisant partie de sujets clivants comme l’antisémitisme, l’immigration ou encore les accusations de néocolonialisme ou de séparatisme islamiste sont mobilisés par les acteurs étrangers de la menace informationnelle mais sans que ceux-ci soient nécessairement animés d’une motivation d’ordre idéologique de nature religieuse.

Ce que cherchent nos adversaires dans les ingérences numériques étrangères est moins une capacité à générer de puissants mouvements d’opinion qu’à instrumentaliser des thématiques de façon opportuniste afin de créer ou d’amplifier des tensions dans la population, pour mener à la confusion puis à des troubles à l’ordre public. Il existe une différence entre l’instrumentalisation de la substance de thèmes et le sous-jacent technologique par lequel des États étrangers cherchent à s’ingérer dans notre débat numérique : leur objectif stratégique est de semer la confusion, le trouble et la division, et pour ce faire, ils promeuvent parfois des thèmes contraires à leur idéologie.

Depuis la création de Viginum, nous avons constaté de façon continue une sophistication croissante de la menace des ingérences numériques étrangères sur un plan technologique dont le critère principal est l’évolution technologique elle-même, à la fois stratégique et systémique. Les acteurs étrangers deviennent de plus en plus experts dans l’usage d’outils technologiques qui leur permettent de se cacher : ils utilisent des réseaux de faux comptes et de bots, des trolls, et de l’intelligence artificielle pour massifier la diffusion automatique. Nous sommes donc confrontés à l’accélération des évolutions technologiques numériques qui servent à des attaques de plus en plus sophistiquées de nos adversaires.

Nous constatons aussi une évolution de nature systémique, en raison de l’évolution des modes de fonctionnement des réseaux sociaux et des plateformes internationales, pour la plupart américaines : leur complexification croissante avec l’injection d’intelligence artificielle qui massifie leur emploi, et surtout leur évolution profonde due à la suppression ou la quasi-suppression des outils de modération. Non modérées, ces plateformes deviennent de façon systémique des chambres d’écho beaucoup plus importantes. Ces deux critères expliquent à la fois la massification et la sophistication croissantes de nature technologique des actions adverses et néfastes que nous détectons.

Par ailleurs, la période électorale est particulièrement favorable à une ingérence de nos adversaires, notamment étatiques : nous le constatons par le biais de ce qui se passe chez nos principaux partenaires, et par ce que nous avons observé nous-mêmes dans le débat national au moment des élections européennes, puis des élections législatives anticipées de l’année dernière.

J’insiste : l’objectif est de semer la confusion et de créer le trouble, plus que de promouvoir une ligne narrative spécifique. Cet élément central est d’ailleurs la définition de la « menace hybride » évoquée dans la revue nationale stratégique. Par exemple, nous avons pu constater des convergences objectives de narratifs entre des acteurs qui se trouvent pourtant à des antipodes idéologiques. Encore une fois, l’objectif n’est pas de convaincre mais de semer la confusion.

Mme la présidente Caroline Yadan. Avez-vous identifié les pays à l’origine de ces ingérences ?

M. Nicolas Roche. Parmi les grands acteurs des ingérences numériques étrangères, Viginum a été amené à publier des rapports sur la Russie. Le service a également publié un rapport mentionnant l’Azerbaïdjan, avec un objectif spécifique qui vise nos départements et régions d’outre-mer (Drom). Des actions ont été conduites par le BIG (Bakou initiative group), qui a instrumentalisé des thèmes liés aux accusations de colonialisme pour mener des manœuvres d’ingérence numérique étrangère dans les Drom.

Cette liste d’acteurs, qui n’est pas exhaustive mais qui représente l’essentiel des opérations de détection en cours, est partagée avec nos partenaires européens qui font face à peu près à la même menace et avec lesquels nous avons des actions de coopération et des échanges réguliers. Il existe néanmoins une particularité de la France concernant les Drom, liée à la fois à notre positionnement diplomatique et à la spécificité de nos outre-mer que d’autres pays européens n’ont pas.

Mme la présidente Caroline Yadan. Menez-vous des actions de coopération avec des partenaires non-européens également ?

M. Nicolas Roche. Oui, mais pour des échanges moins opérationnels.

Sans vouloir être immodeste, d’autant que je ne suis dans mes fonctions que depuis six mois, je peux dire que la France est en avance en termes de capacité de détection des ingérences numériques étrangères : Viginum a été créé assez tôt dans la prise de conscience collective de la montée en puissance de cette menace. Nous avons développé une approche technique et technologique spécifique et tous nos partenaires ne sont pas arrivés au niveau de maturité que nous avons atteint. Certains, historiquement très proches de nous, ont néanmoins déployé des capacités très tôt. C’est le cas des Suédois.

En dehors de l’Europe, Singapour est en avance par rapport à beaucoup de nos partenaires européens. Nous avons également des échanges stratégiques avec le Canada et l’Australie.

Mme la présidente Caroline Yadan. L’objectif des ingérences est certes de semer la confusion et de créer du trouble ainsi que de la division. Mais avez-vous détecté une volonté de faire monter un parti politique plutôt qu’un autre ?

M. Nicolas Roche. Pas à ce jour, mais nous serons attentifs à ce sujet lors du cycle électoral à venir.

Ce que nous détectons, ce sont des acteurs avec une démarche opportuniste qui cherchent à repérer les lignes de fracture au sein de notre société pour ensuite les exploiter. Nous avons été frappés par ce qui se trouve au cœur des rapports de Viginum, à savoir que beaucoup de ces manœuvres informationnelles présentent un écart important entre l’idéologie telle que nous la supposons du commanditaire et la réalité du thème effectivement exploité, ce qui renforce le caractère opportuniste de l’utilisation de certains sujets.

Viginum n’a donc pas distingué de différenciations spécifiques liées aux partis politiques, mais notre angle d’attaque porte sur les acteurs étatiques étrangers, pas sur la surveillance du débat national ni sur les positions des partis français, qui sont totalement en-dehors de notre champ de compétence.

M. Matthieu Bloch, rapporteur.  Nous avons accepté bien volontiers votre demande de huis clos pour échanger en toute confiance, il s’agit d’un outil précieux compte tenu de la sensibilité des sujets évoqués dans le cadre de cette commission d’enquête. Je tiens également à vous remercier pour le travail important que vous et vos 1 600 agents effectuez au service de la sécurité des Français.

Le rapport sur les Frères musulmans publié par le ministère de l’intérieur en mai 2025 souligne que l’influence de l’islam politique sur le terrain est amplifiée dans le monde virtuel, notamment à travers de nombreux prédicateurs actifs sur internet et sur les réseaux sociaux. Pouvez-vous revenir sur ce phénomène et sur la menace qu’il constitue ? Quel rôle jouent vos services pour prévenir cette influence en ligne ? Quels sont les principaux comptes identifiés et les principaux réseaux sociaux utilisés ? De quel suivi font-ils l’objet ?

M. Nicolas Roche. Les acteurs français du débat numérique en France ne relèvent pas du champ de compétences de Viginum et du SGDSN, qui sont tournés vers les acteurs étrangers, étatiques ou non-étatiques, venant s’ingérer dans le débat numérique. Les prédicateurs islamistes qui diffusent des messages islamistes, fréristes, entristes ou séparatistes sur les réseaux sociaux exclusivement dans le débat numérique national ne relèvent pas du SGDSN.

Sur le thème de l’islamisme, nous avons détecté un dispositif russe nommé Storm‑1516, un mode opératoire informationnel qui a utilisé ce thème pendant les jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 en diffusant une vidéo qui présentait de faux membres du Hamas menaçant la France d’attentats avec des photos de la Tour Eiffel en feu. Il n’est pas sans lien avec des acteurs qui savent basculer du monde virtuel au monde réel dans l’objectif d’utiliser l’islamisme ou l’antisémitisme comme des thèmes de fracture de la société française : je pense à la séquence des étoiles de David, des mains rouges et des têtes de cochon.

Nous détectons donc ces ingérences étrangères qui peuvent instrumentaliser certains thèmes, mais nous ne sommes pas en charge de la surveillance des réseaux sociaux sur le territoire national dans le débat politique français.

M. Matthieu Bloch, rapporteur. Quel risque d’ingérence ou d’attaque en ligne identifiez-vous pour les prochaines échéances électorales, que ce soit pour les élections municipales de 2026 ou pour l’élection présidentielle de 2027 ?

M. Nicolas Roche. Le cœur de la valeur ajoutée technique et technologique de Viginum est de détecter des modes opératoires informationnels persistants. Nous constatons la mise en place d’infrastructures sophistiquées qui cherchent à se fondre dans l’environnement numérique normal d’un débat. Ces infrastructures sont prépositionnées pour pouvoir être activées, ce qui arrive parfois, puis deviennent dormantes avant d’être ensuite réactivées.

Ces modes opératoires informationnels persistants représentent aujourd’hui la menace la plus importante et ils sont liés, en tout cas pour ceux que nous avons pu détecter à ce jour, aux acteurs étatiques que j’ai mentionnés. L’utilisation ou le réveil de ces infrastructures numériques dans la période 2026-2027 est au centre de nos préoccupations.

M. Matthieu Bloch, rapporteur. La publication du rapport sur les Frères musulmans a donné lieu à plusieurs conseils de défense et de sécurité nationale relatifs au séparatisme et à l’entrisme. Un CDSN s’était-il déjà réuni sur ces thématiques par le passé ? L’affirmation d’une doctrine autour du séparatisme a-t-elle conduit le SGDSN à adapter son action ?

M. Nicolas Roche. Plusieurs discussions interministérielles se sont tenues dans l’histoire récente et ont abouti à la loi sur le séparatisme. Depuis, des discussions interministérielles portant sur le séparatisme et l’entrisme ont eu lieu, au-delà du rapport sur les Frères musulmans : la vague de haine en ligne après l’assassinat de Samuel Paty a été l’un des déclencheurs de la prise de conscience des ingérences numériques étrangères.

La chronologie était la suivante : assassinat de Samuel Paty, discours du président de la République à la Sorbonne, et déclenchement d’une vague massive de haine en ligne provenant de Turquie et passant par le Golfe et le Pakistan, avant de revenir sur le territoire national. Cette séquence a abouti à la prise de conscience collective que nous avions besoin de nous doter d’un outil de détection des ingérences numériques étrangères et cette réflexion interministérielle a abouti à la création de Viginum avec les deux décrets de 2021.

Le SGDSN remplit toujours sa fonction de secrétariat des conseils de défense et de sécurité nationale : l’animation de la réflexion interministérielle, la coordination interministérielle, la préparation du dossier à instruire et ensuite la diffusion du relevé de décision et la vérification que celui-ci est bien exécuté par l’ensemble des ministères.

Dans les domaines qui ne sont pas au cœur de nos missions, nous avons un rôle de secrétariat mais pas de mise en œuvre concrète et opérationnelle, qui relève des principaux ministères qui ont la charge et la compétence de substance des politiques publiques décidées en conseil.

M. Matthieu Bloch, rapporteur. Je ne sais si vous pourrez répondre à cette question : pourriez-vous présenter les principales mesures décidées lors des CDSN relatifs au séparatisme et à l’entrisme ? Disposez-vous d’éléments sur le projet de loi relatif à l’entrisme qui avait été annoncé par le président de la République ?

M. Nicolas Roche. Vous avez raison, je ne peux pas répondre.

Cependant, je me permets de partager mon expérience de ces six derniers mois ainsi que de mes vingt-cinq dernières années de carrière où, dans différentes fonctions, j’ai eu à participer ou à préparer des conseils restreints de défense et de sécurité nationale.

Un caractère de secret, particulier dans le monde du secret de la défense nationale, s’attache à ces conseils. Dans l’ensemble de la réglementation, il existe des niveaux de protection : diffusion restreinte, secret et très secret. Dans le domaine des conseils, vous devez être habilité nominativement ès qualités avec une mention « conseil » particulière qui vous permet d’avoir accès aux documents, aux dossiers et aux relevés de décision. La liste de ces personnes est limitée.

Le secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale a la responsabilité de la protection du secret de la défense nationale. Le monde étant ce qu’il est, nous constatons souvent des fuites, y compris d’éléments de dossiers du conseil, ce qui est particulièrement regrettable et de surcroît pénalement répréhensible. Cependant, la protection spécifique qui s’attache à l’ensemble des délibérations des CDSN va au-delà de la réponse négative que je suis obligé de vous opposer : ces questions sont couvertes non pas simplement par le secret de la défense nationale, mais par une mention spéciale en son sein.

M. Matthieu Bloch, rapporteur. Revenons au cœur du sujet de notre commission. Quels liens identifiez-vous entre des mouvances islamistes et des mouvements politiques français ? Ces liens sont-ils particulièrement marqués dans certains mouvements ou partis politiques ? Quelle attention le SGDSN porte-t-il à ces liens ?

M. Nicolas Roche. Je n’ai aucune compétence sur le sujet.

M. Matthieu Bloch, rapporteur. Quel bilan faites-vous du fonctionnement de Viginum ? Les pouvoirs publics sont-ils désormais outillés pour prévenir des dérives sur les réseaux sociaux, telles que celles qui ont contribué à l’assassinat de Samuel Paty en octobre 2020 ? D’autres outils de régulation des plateformes vous semblent-ils nécessaires ?

M. Nicolas Roche. Sur ce qui relève de la capacité des services de l’État à détecter et à caractériser des ingérences numériques étrangères, nous avons un dispositif opérationnel, efficace et reconnu. Après quatre ans d’existence, Viginum est un succès qui est dû à la décision, à sa création, de se centrer sur les questions techniques et technologiques ainsi que sur la détection et la caractérisation des infrastructures numériques utilisées par nos adversaires pour peser sur notre débat national.

Pour le dire différemment, le choix qui a été fait par les autorités politiques françaises a consisté à spécialiser un service sur des bases technologiques, objectivables et objectives, et à ne pas transformer Viginum en un service chargé de dire ce qui est vrai ou ce qui est faux.

Le succès fondamental de Viginum repose également sur la transparence qui s’attache à la fois à son régime juridique et à la publication d’un rapport annuel et de rapports sur des détections d’opérations numériques étrangères. Par ailleurs, le décret de création de Viginum a été validé par le Conseil d’État et par la Cnil au titre de la protection des données personnelles qu’il peut collecter sur les réseaux sociaux en source ouverte.

En termes de caractérisation et de détection des ingérences numériques étrangères qui regroupent infrastructures numériques, modes opératoires, techniques tactiques et protocoles d’attaque contre nous, la réponse est objectivement oui : les pouvoirs publics sont outillés efficacement.

Cependant, nous pouvons faire mieux. Nous avons entre nos mains des instruments comme la dénonciation publique, la publication de rapports et la prise de sanction à titre national ou européen contre des acteurs étrangers. Nous avons également des outils judiciaires et réglementaires entre les mains de l’Arcom (Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique) et de la Commission européenne, au titre du DSA. Ce panel d’instruments est efficace, mais nous devons l’utiliser de façon plus offensive pour mieux nous protéger et mieux protéger la nation.

Nous avons un effort supplémentaire à faire en ce qui concerne la sensibilisation, l’éducation et l’explication de ce que sont les ingérences numériques étrangères auprès du grand public. L’une des missions de Viginum est de mettre à disposition des ressources documentaires ou techniques pour que nos compatriotes, les médias et les associations aient la capacité de comprendre les infrastructures numériques et les technologies qui sont utilisées contre nous.

Je vous donne deux exemples. Viginum a créé, en lien avec le Clemi (Centre de liaison de l’enseignement et des médias d’information), des modules de sensibilisation à la nature d’une ingérence numérique étrangère et d’une manipulation de l’information pour informer dès le plus jeune âge sur ce qui se passe sur les réseaux sociaux en termes techniques et technologiques.

Viginum a aussi développé des outils technologiques très simples à partir de codes en open source pour par exemple détecter l’utilisation de l’intelligence artificielle à des fins de copypasta, soit la réplication automatique du même texte légèrement modifié et massivement diffusé sur les réseaux sociaux. Nous avons présenté cet outil au sommet pour l’intelligence artificielle début 2025 et il a été mis à disposition du public. Il a été repris et enrichi par des médias et des associations particulièrement actives dans la lutte contre les manipulations de l’information.

Nous pouvons donc faire plus en termes de mobilisation des instruments à notre disposition et nous pouvons faire plus également en matière de sensibilisation et d’éducation à ces infrastructures numériques utilisées contre nous par nos adversaires.

Mme la présidente Caroline Yadan. Vous avez cité plusieurs pays dans la liste des grands acteurs des ingérences numériques étrangères, mais pas la Turquie que vous avez mentionnée plus tard. En fait-elle partie ?

M. Nicolas Roche. La Turquie est un acteur variable dans le temps. Elle a été très active à l’époque de la création de Viginum, donc cela dépend de l’environnement et de la relation bilatérale.

Mme Constance Le Grip (EPR). Je vous remercie pour l’excellence du travail effectué par l’Anssi et Viginum. Beaucoup de travaux parlementaires se consacrent aux ingérences numériques étrangères, ce qui témoigne d’un début de prise de conscience et de missions d’information. D’ailleurs, les commissions de la défense nationale et des affaires étrangères ont récemment émis un certain nombre de préconisations.

La délégation parlementaire au renseignement dont j’ai été membre avait consacré son rapport 2022-2023 à la lutte contre les ingérences étrangères, pour aboutir ensuite à une loi qui a fourni plusieurs instruments souhaités par nos services de renseignement.

Concernant les marges de progrès que nous pouvons avoir, je me suis rendue à Taïwan, et je me suis souvent entretenue avec des représentants de la société civile ou des parlementaires des trois États baltes qui ont des compétences très orientées dans la riposte aux ingérences russes de toute nature.

Nous pourrions nous inspirer de l’organisation horizontale et transversale de leurs sociétés civiles et de l’implication d’acteurs non-étatiques, qui ne sont d’ailleurs pas forcément des ingénieurs, ni des informaticiens. Cette solution a été abordée par le chef de l’État lorsqu’il a annoncé qu’il présiderait une réunion sur « la démocratie à l’épreuve des réseaux et des algorithmes ».

Vous avez esquissé d’éventuelles avancées réglementaires ou législatives lorsque vous avez évoqué nos marges de progrès. Il se trouve que quelques parlementaires essayent de travailler sur ce sujet, malgré la difficulté due aux contraintes que représentent les conventions et la jurisprudence. Êtes-vous en mesure de nous en dire plus ?

M. Nicolas Roche. Je transmettrai vos propos élogieux aux personnels de Viginum et de l’ANSSI, ils y seront très sensibles. Je ne suis pas en mesure de vous dire quelles modifications législatives nous pourrions souhaiter : le travail est en cours et nous n’avons pas forgé notre conviction sur ce point.

Nous réfléchissons au temps numérique, qui est extraordinairement rapide, surtout en période d’élections : le tempo des ingérences numériques étrangères peut venir percuter un débat électoral. Le juge des référés peut agir en quarante-huit heures dans une logique judiciaire efficace et rapide, mais ce dispositif est-il adapté au tempo de la menace en période électorale ? Je n’ai pas de réponse pour le moment. Nos discussions en interne sur ces questions sont extraordinairement complexes, y compris en termes juridiques, et nous n’avons pas encore finalisé de solution. En tout cas l’ajustement de notre dispositif au tempo spécifique des opérations d’ingérences numériques étrangères en période électorale est un vrai sujet.

Mme Constance Le Grip (EPR). Merci pour votre franchise.

Nous sommes assez bons en matière de détection, de prévention et de retrait, avec ce bémol fort sur la temporalité en période électorale où tout va très vite avec des dégâts potentiellement considérables. Mais ne faudrait-il pas que nous soyons non plus seulement sur la défensive, mais également à l’offensive : vous avez abordé l’élaboration de notre propre récit, pour ne pas se contenter d’un contre-narratif et proposer notre propre narratif.

Sur X, le Quai d’Orsay a tenté, avec un bonheur inégalé, des ripostes et des propositions de narratifs pour aller au-devant de ceux, toxiques et malveillants, intentés contre nous par les puissances étrangères que l’on devine. Quel est votre point de vue à ce sujet ?

M. Nicolas Roche. Je vais répondre à votre question comme secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale mais aussi en tant qu’ancien directeur de cabinet d’un ministre des affaires étrangères au moment de la création de Viginum et de transformation la direction de la communication et de la presse du Quai d’Orsay pour reprendre l’offensive.

Nous avons fait des progrès considérables du côté d’une part de la détection et de la caractérisation, d’autre part de la réaction, y compris technique, à des opérations d’ingérences numériques étrangères. Viginum, le SGDSN et d’autres services sont amenés à signaler des milliers de faux comptes qui sont ensuite fermés parce qu’ils violent les conditions générales d’utilisation : les plateformes interdisent leur existence, ainsi que celle des trolls et des bots. Cette partie est opérationnelle, technique et technologique.

Le Quai d’Orsay, parce que c’est son cœur de métier et sa vocation, a fait beaucoup de progrès aussi. L’action successive des ministres a massifié cette logique que vous mentionnez et qui était au cœur de la réforme que Jean-Yves Le Drian avait souhaitée. Elle passe désormais à l’échelle supérieure grâce à l’action de Jean-Noël Barrot : elle consiste à reprendre l’offensive dans une logique de communication stratégique non pas simplement pour réagir à des campagnes d’ingérences numériques étrangères, mais aussi pour créer un environnement informationnel favorable aux intérêts fondamentaux de la France.

Cette intégration dans une manœuvre coordonnée entre le secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale, le ministère de l’Europe et des affaires étrangères, le ministère des armées et le ministère de l’intérieur est aujourd’hui effective.

Vous posez ensuite la question de l’impact et de la manière d’être plus efficace. Je fais partie de ceux qui pensent qu’il restera une asymétrie fondamentale entre nous et nos adversaires, due à la nature de notre modèle démocratique et républicain. Nous avons néanmoins fait d’énormes progrès en termes d’intégration d’une manœuvre coordonnée, de détection, de riposte, et d’une promotion plus offensive de notre narratif.

Mme la présidente Caroline Yadan. Je vous remercie pour ces éléments extrêmement intéressants. Je vous propose de répondre par écrit au questionnaire qui vous a été envoyé par le rapporteur pour préparer cette audition, et éventuellement d’apporter des réponses additionnelles aux questions nées de nos échanges.

La séance s’achève à dix-huit heures cinq.

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Membres présents ou excusés

Présents. – M. Matthieu Bloch, M. Xavier Breton, Mme Constance Le Grip et Mme Caroline Yadan.