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ETUDE D’IMPACT

 

 

PROJET DE LOI ORGANIQUE

 

pour un renouveau de la vie démocratique

 

NOR : INTX1915527L/Bleue-1

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

28 mai 2019



Sommaire

 

INTRODUCTION GENERALE

 

Tableau synoptique des consultations

Tableau synoptique des mesures d’application

 

Chapitre Ier – Dispositions relatives à la réduction du nombre de parlementaires et à la réforme de l’élection des députés

ARTICLE 1er – FIXATION DU NOMBRE DE DEPUTES ET DE SENATEURS

1. ETAT DES LIEUX

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

3. OPTIONS ENVISAGEES

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGEES

5. CONSULTATIONS ET MODALITES D’APPLICATION

ARTICLE 2 – EXPIRATION DES POUVOIRS DE L’ASSEMBLEE

1. ÉTAT DES LIEUX

2. NECESSITE DE LEGIFERER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

3. OPTIONS ENVISAGEES ET DISPOSITIF RETENU

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGEES

5. MODALITES D’APPLICATION

ARTICLE 3 – CONDITIONS D’ELIGIBILITE ET INELIGIBILITES

1. ETAT DES LIEUX

2. NECESSITE DE LEGIFERER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

3. OPTIONS ENVISAGEES MAIS NON RETENUES

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

5. MODALITES D’APPLICATION

ARTICLE 4 – INCOMPATIBILITES (Extension du régime des incompatibilités parlementaires aux conseillers métropolitains de Lyon, aux présidents et vice-présidents de la métropole de Lyon et de l’assemblée de Corse)

1. ETAT DES LIEUX

2. NECESSITE DE LEGIFERER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

3. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGEES

4. MODALITES D’APPLICATION

ARTICLE 5 – DECLARATIONS DE CANDIDATURE

1. ÉTAT DES LIEUX

2. NECESSITE DE LEGIFERER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

3. OPTIONS ENVISAGEES ET DISPOSITIF RETENU

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGEES

5. CONSULTATIONS

6. MODALITES D’APPLICATION

ARTICLE 6 – REMPLACEMENT DES DEPUTES

1. ÉTAT DES LIEUX

2. NECESSITE DE LEGIFERER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

3. OPTIONS ENVISAGEES ET DISPOSITIF RETENU

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGEES

5. MODALITES D’APPLICATION

ARTICLE 7 – CONTENTIEUX EN CAS D’INELIGIBILITE D’UN CANDIDAT AU SCRUTIN DE LISTE

1. ETAT DES LIEUX

2. NECESSITE DE LEGIFERER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

3. OPTIONS ENVISAGEES ET DISPOSITIF RETENU

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGEES

5. MODALITES D’APPLICATION

ARTICLE 8 – INELIGIBILITES DES DIPLOMATES

1. ETAT DES LIEUX

2. NECESSITE DE LEGIFERER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

3. OPTIONS ENVISAGEES ET DISPOSITIF RETENU

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGEES

ARTICLE 9 – DISPOSITIONS APPLICABLES OUTRE-MER

1. ÉTAT DES LIEUX

2. NECESSITE DE LEGIFERER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

3. OPTIONS ENVISAGEES ET DISPOSITIF RETENU

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGEES

5. MODALITES D’APPLICATION

ARTICLE 10 – PARRAINAGE DES CANDIDATS A L’ELECTION PRESIDENTIELLE

1. ETAT DES LIEUX

2. NECESSITE DE LEGIFERER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

3. OPTIONS ENVISAGEES ET DISPOSITIF RETENU

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGEES

5. MODALITES D’APPLICATION

 

Chapitre II – De la limitation dans le temps de l’exercice des mandats parlementaires et des fonctions exécutives locales

ARTICLE 11 – NON CUMUL DANS LE TEMPS DES MANDATS PARLEMENTAIRES

1. ÉTAT DES LIEUX

2. NECESSITE DE LEGIFERER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

3. OPTIONS ENVISAGEES ET DISPOSITIF RETENU

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGEES

5. MODALITES D’APPLICATION

ARTICLE 12 – NON CUMUL DES FONCTIONS EXECUTIVES LOCALES DANS EN OUTRE-MER

1. ETAT DES LIEUX

2. OBJECTIFS POURSUIVIS

3. OPTIONS ENVISAGEES ET DISPOSITIF RETENU

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGEES

5. MODALITES D’APPLICATION

 

CHAPITRE III – Dispositions relatives au Conseil constitutionnel

ARTICLE 13 – ENCADREMENT DE LA PROCEDURE DE REFERENDUM D’INITIATIVE PARTAGEE

1. ETAT DES LIEUX

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

3. OPTIONS ENVISAGEES

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGEES

5. MODALITES D’APPLICATION

 


INTRODUCTION GENERALE

Dans son discours devant le Parlement réuni en Congrès le 3 juillet 2017, le Président de la République a annoncé sa double volonté de réduire le nombre de parlementaires et d’introduire une dose de proportionnelle dans le cadre des élections législatives :

« Je n’ignore rien des contraintes qui pèsent sur vous, le manque de moyens, le manque d’équipes, le manque d’espace contrarient en partie les impératifs d’efficacité que je vous soumets. Pour cela, il est une mesure depuis longtemps souhaitée par nos compatriotes qu’il me semble indispensable de mettre en œuvre, la réduction du nombre de parlementaires. Un Parlement moins nombreux mais renforcé dans ses moyens c’est un Parlement où le travail devient plus fluide, où les parlementaires peuvent s’entourer de collaborateurs mieux formés et plus nombreux, c’est un Parlement qui travaille mieux. […]

ça n’est pas céder à l’antiparlementarisme ambiant, bien au contraire, car les Français pour leur majeure partie en sont également certains, cette réforme est indispensable. Cette réforme qui devra être conduite en veillant à la juste représentation de tous les territoires de la République, hexagonaux et ultramarins, n’a pas pour but de nourrir cet antiparlementarisme ambiant, elle vise à donner aux élus de la République plus de moyens et plus de poids. […]

La représentativité reste toutefois un combat inachevé dans notre pays. Je souhaite le mener avec vous résolument. Je proposerai ainsi que le Parlement soit élu avec une dose de proportionnelle, pour que toutes les sensibilités y soient justement représentées. »

A l’issue du grand débat national ouvert le 15 janvier 2019, ces objectifs ont été réaffirmés par le Président de la République lors de la conférence de presse qu’il a tenue le 25 avril 2019 indiquant son souhait de « rendre le Parlement plus représentatif avec une part significative de proportionnelle pour que toutes les familles politiques soient représentées, toutes les sensibilités en limitant aussi le nombre des mandats dans le temps ».

Le présent projet de loi organique traduit juridiquement ces objectifs.

 


Tableau synoptique des consultations

Article

Objet de l’article

Consultations obligatoires

5

Modification des procédures de recours contre un refus d’enregistrement de candidatures

Conseil supérieur des tribunaux administratifs et cours administratives d’appel

9

Abrogation / modification de dispositions spécifiques aux collectivités de l’article 74 et de Nouvelle-Calédonie, ainsi qu’à Mayotte

Congrès de Nouvelle-Calédonie

Assemblée de Polynésie française

Assemblée territoriale des îles Wallis et Futuna

Conseil départemental de Mayotte

Conseil territorial de Saint-Barthélemy

Conseil territorial de Saint-Martin

Conseil territorial de Saint-Pierre-et-Miquelon

12

Application de la règle de limitation dans le temps de l’exercice des mandats parlementaires et des fonctions exécutives locales aux collectivités de l’article 74 et en Nouvelle-Calédonie

Conseil territorial de Saint-Barthélemy

Conseil territorial de Saint-Martin

Conseil territorial de Saint-Pierre-et-Miquelon

Congrès de Nouvelle-Calédonie

Assemblée de Polynésie française

Assemblée territoriale des îles Wallis et Futuna

 

 

 


Tableau synoptique des mesures d’application

Article

Objet de l’article

Textes d’application

Administration compétente

1er

Réduction des effectifs parlementaires

Néant mis à part, le cas échéant et à son appréciation, une mise à jour par l’Assemblée nationale et le Sénat de leur règlement intérieur

 

2

Prolongation des pouvoirs de l’Assemblée nationale

Néant mis à part, le cas échéant et à son appréciation, une mise à jour par l’Assemblée nationale et le Sénat de leur règlement intérieur

 

7

Effet des décisions du Conseil constitutionnel constatant l’inéligibilité d’un candidat élu

Néant mis à part, le cas échéant et à son appréciation, une mise à jour par le Conseil constitutionnel de son règlement relatif à l’élection des députés et des sénateurs.

Conseil constitutionnel

11

Non-cumul dans le temps des mandats parlementaires

Décret en Conseil d’Etat portant dispositions relatives au rôle du remplaçant, aux modalités de décompte des mandats, et à des cas spécifiques

Ministère de l’intérieur

12

Application de la règle de limitation dans le temps de l’exercice des mandats parlementaires et des fonctions exécutives locales aux collectivités de l’article 74 et en Nouvelle-Calédonie

Décret en Conseil d’Etat

Ministère de l’intérieur

Ministère de l’outre-mer

13

Application dans l’espace

Décret en Conseil d’Etat

Ministère de l’intérieur

Ministère de l’outre-mer

14

Application dans le temps

Décret en Conseil d’Etat

Ministère de l’intérieur

Ministère de l’outre-mer

 


Chapitre Ier – Dispositions relatives à la réduction du nombre de parlementaires et à la réforme de l’élection des députés

ARTICLE 1er – FIXATION DU NOMBRE DE DEPUTES ET DE SENATEURS

1.  ETAT DES LIEUX

1.1.  Cadre général

Les débuts de la Cinquième République se caractérisèrent par une diminution des effectifs de l’Assemblée nationale à la suite des suppressions de sièges résultant des déclarations d’indépendance successives, en Afrique équatoriale et occidentale en 1960, en Algérie en 1962 (où 74 députés élus dans les départements algériens et sahariens virent leur mandat expirer)[1] et, dans une moindre mesure, avec les indépendances reconnues aux Comores en 1975 et à Djibouti en 1975. Ainsi, le nombre de députés passa de 579 en 1959, à 482 en 1962, à 490 en 1973, à 491 en 1978.

La première augmentation significative du nombre de membres de l’Assemblée nationale résulta de la loi organique n° 85-688 du 10 juillet 1985 qui porta à 577 le nombre de députés élus dans les départements (555 en métropole, soit 95 de plus qu’en 1958[2]). L’augmentation des effectifs s’expliquait notamment par le souci, en assurant une répartition équitable des sièges entre les départements, de ne diminuer le contingent que d’un seul département, celui de Paris.

Le nombre de sénateurs a quant à lui varié de 307 en 1959 à 348 aujourd'hui. Il a augmenté lors de la réorganisation de la région parisienne en 1964 (porté de 255 à 264 en métropole), en 1976 pour tenir compte de l'évolution démographique de la France, et par une dernière augmentation de 32 sièges progressivement réalisée lors des élections de 2004, 2008 et 2011, faisant passer le nombre de sénateurs de 316 à 348.              

A l’initiative de la commission des lois de l’Assemblée nationale, la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a, tout en renvoyant à la loi organique la fixation du nombre de députés et de sénateurs, inscrit dans la Constitution, au troisième alinéa de son article 24, un plafonnement du nombre de parlementaires, pour éviter une tendance à l’augmentation, soumise aux aléas politiques et non souhaitée par les Français : le nombre maximal de députés (577) correspondait à l’effectif de l’Assemblée nationale en 2008 ; le plafond du nombre de membres du Sénat (348) correspondait quant à lui à l’effectif de cette institution atteint en 2011 à l’issue de la réforme entreprise depuis les lois du 30 juillet 2003[3], et compte tenu de la création de deux sièges de sénateurs (élus pour la première fois en 2008) dans les collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin (loi organique n°2007-223 du 21 février 2007).

En 2009, l’actualisation des circonscriptions législatives a donc été mise en œuvre à effectifs constants.

 

 

Source : Ministère de l’intérieur

1.2.  Cadre constitutionnel

Aucune révision constitutionnelle n’est nécessaire pour diminuer le nombre de députés et de sénateurs. L’article 24 de la Constitution ne fixe en effet qu’un plafond (577 députés et 348 sénateurs), ce qui permet à la loi organique de fixer ce nombre dans cette limite.

1.3.  Éléments de droit comparé

La France compte un député pour 114 000 habitants (et, avec les sénateurs, 14 parlementaires par million d’habitants, contre 1.7 aux Etats-Unis). Elle se positionne dans la moyenne des démocraties européennes de taille comparable. Le tableau 1 présente la population et le nombre de députés de différents pays européens.

 

Dans de nombreuses Constitutions étrangères, le nombre de parlementaires est plafonné. A titre d’exemple, en Espagne, l’article 68 de la Constitution dispose que « le Congrès des Députés se compose au minimum de trois cents et au maximum de quatre cents députés », tandis que la Constitution belge précise que la Chambre des Représentants compte 150 membres (article 63) et le Sénat 71 membres (article 67). La Constitution italienne fixe quant à elle le nombre des membres de la Chambre des députés à 630. Enfin, la Constitution polonaise détermine précisément le nombre des députés (460, article 96) et celui des sénateurs (100, article 97).

De même, plusieurs Etats se sont engagés dans une baisse du nombre de parlementaires. Au Royaume-Uni, un projet de réduction du nombre de membres des Communes de 650 à 600 soit 8% des effectifs est prévu pour septembre 2018. En Italie, deux projets gouvernementaux visaient à réduire le nombre de députés (de 18% en 2006, et de près de deux tiers en 2016), mais ont été rejetés par référendum.

2.  Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.  Nécessité de légiférer

Une loi organique est nécessaire pour modifier le nombre de parlementaires en application du premier alinéa de l’article 25 de la Constitution.

Le nombre total de parlementaires est ainsi fixé, à l’article 1er du projet de loi, par les articles L.O. 119 du code électoral pour les députés et L.O. 274 pour les sénateurs.

2.2.  Objectifs poursuivis

La réduction des effectifs parlementaires s’inscrit dans une dynamique générale de renforcement des moyens mis à disposition du système représentatif. Un effectif concentré et dont les moyens auront été maintenus, permettra de fluidifier le travail législatif et d’améliorer les missions d’évaluation des politiques publiques et de contrôle de l’action du Gouvernement par le Parlement.

Le dispositif envisagé permet également de mettre les parlementaires en mesure de s’investir pleinement dans leur mission, en tirant parti de l’entrée en vigueur, depuis les renouvellements de l’Assemblée nationale et du Sénat en 2017, de l’interdiction de cumul entre fonctions exécutives locales et mandats parlementaires[4].

Les parlementaires seront ainsi moins nombreux, donc mieux identifiés et disposeront grâce à l’efficacité accrue du travail législatif d’une capacité d’action renforcée.

La réduction du nombre de parlementaires, accompagnée de la réforme du mode de scrutin et de la limitation du cumul des mandats dans le temps, contribuera à revaloriser l’action du Parlement en le rendant plus efficace, plus représentatif et plus responsable.

3.  OPTIONS ENVISAGEES

3.1.  Option 1 : Maintenir l’effectif actuel du Parlement

Le nombre de parlementaires n’est pas le seul critère d’ajustement pour améliorer l’efficacité du Parlement, d’autres facteurs étant également importants. Néanmoins, il s’agit de l’un des principaux paramètres permettant d’atteindre de manière significative cet objectif. Par ailleurs les deux assemblées ont engagé des modifications de leur règlement pour chercher à apporter d’autres améliorations.

3.2.  Option 2 : Réduire l’effectif d’une seule assemblée

La réduction de l’effectif d’une seule assemblée aurait pu être envisagée. Néanmoins, il a paru nécessaire de faire porter la diminution dans les mêmes proportions à l’Assemblée nationale et au Sénat pour deux motifs.

D’une part, l’objectif de renforcement de la qualité du travail législatif implique chacune des deux assemblées. D’autre part, il est préférable de conserver l’équilibre actuel des effectifs entre l’Assemblée nationale (62%) et le Sénat (38%), qui, s’il n’est fixé par aucun texte, correspond à un rapport relativement constant sous la Cinquième République et qu’il n’est pas pertinent de remettre en cause compte tenu de son importance à l’occasion des votes conjoints (notamment l’adoption d’un projet de révision constitutionnelle en vertu de l’article 89 de la Constitution qui nécessite une majorité des trois cinquièmes au Parlement convoqué en Congrès).

3.3.  Option 3 : Réduire l’effectif parlementaire d’un pourcentage différent de celui retenu

Plusieurs options ont été envisagées : une réduction de 20, 25, 30 et 33% de l’effectif de chaque assemblée.

En vertu du principe d’égalité devant le suffrage « l'Assemblée nationale, désignée au suffrage universel direct, doit être élue sur des bases essentiellement démographiques selon une répartition des sièges de députés et une délimitation des circonscriptions législatives respectant au mieux l'égalité devant le suffrage ; [et] si le législateur peut tenir compte d'impératifs d'intérêt général susceptibles d'atténuer la portée de cette règle fondamentale, il ne saurait le faire que dans une mesure limitée »[5].

-          Sénateurs

Pour les sièges de sénateurs, les dispositions d’habilitation du projet de loi ordinaire garantiront l’existence d’un sénateur au moins par département ou collectivité.

Si, eu égard à la nature particulière du Sénat chambre élue au suffrage indirect qui assure, en vertu de l’article 24 de la Constitution, la représentation des collectivités territoriales, les impératifs d’égalité devant le suffrage et de répartition selon des bases essentiellement démographiques ne trouvent pas à s’appliquer dans les mêmes termes que pour l’Assemblée nationale, la nouvelle répartition des sièges devra naturellement « tenir compte des évolutions de la population des collectivités dont le Sénat assure la représentation » (décision n°2000-431 DC du 6 juillet 2000) .

-          Députés

La réduction d’un tiers (33 %) des effectifs de l’Assemblée nationale n’autoriserait qu’une faible dose de proportionnelle. En effet, dans une telle hypothèse, il est difficile de dégager un nombre de députés suffisant pour pourvoir une circonscription d’élection à la proportionnelle tout en maintenant un nombre approprié de circonscriptions pourvues au scrutin majoritaire. Pour limiter les écarts de population entre les circonscriptions, il convient de ne pas combiner une réduction importante du nombre de députés et une dose élevée de ceux élus au scrutin proportionnel.

3.4.  Option retenue : réduire de 25 % le nombre de parlementaires

L’hypothèse de réduction de 25% présente deux avantages majeurs :

-          le nombre de sièges à répartir étant plus important qu’avec une réduction de 33 %, les écarts de représentation entre départements sont réduits ;

-          un nombre significatif de sièges peut être affecté à la proportionnelle sans peser excessivement sur les écarts de population entre les circonscriptions.

4.  ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGEES

Les articles L.O. 119 (nombre de députés) et L.O. 274 (nombre de sénateurs) du code électoral sont modifiés par la présente disposition.

5.  CONSULTATIONS ET MODALITES D’APPLICATION

Le Premier ministre a engagé des consultations avec le Président du Sénat et le Président de l’Assemblée nationale, ainsi qu’au printemps 2018 avec les responsables de l’ensemble des partis et mouvements politiques nationaux représentés au Parlement, pour les consulter sur le projet de réduction du nombre de parlementaires.

Le présent projet d’article s’appliquera de manière uniforme sur l'ensemble du territoire à compter du prochain renouvellement de l’Assemblée nationale pour les députés, et de septembre 2021 pour le Sénat.

L’entrée en vigueur de la réduction du nombre de sénateurs peut théoriquement prendre deux formes :

-          une entrée en vigueur progressive, à chaque renouvellement partiel des séries sénatoriales ;

-          une entrée en vigueur uniforme, par la détermination d’une « année zéro ».

Cependant, au contraire de l’augmentation des effectifs sénatoriaux entre 2004 et 2011, la diminution de 25% du nombre de sénateurs nécessite une entrée en vigueur concomitante pour les deux séries. En effet, cette opération d’ampleur affectant la totalité des départements oblige à une nouvelle répartition des sièges entre ces derniers. La diminution du nombre de sénateurs porte cette fois sur deux séries. Une entrée en vigueur en deux étapes augmenterait l’écart entre les deux séries (et partant, l’écart de représentativité entre les sénateurs selon leur série) pendant la durée de trois ans entre deux renouvellements. Elle se heurterait au principe constitutionnel d’égalité des suffrages. En outre, une entrée en vigueur concomitante permet de réaffecter des départements entre séries de manière plus simple qu’une entrée en vigueur échelonnée et de pleinement respecter « l’importance approximativement égale » mentionnée à l’article L.O 275.

Par conséquent, il convient de prévoir une entrée en vigueur concomitante pour ces deux séries.

L’année 2021a paru la date la plus appropriée pour opérer le renouvellement intégral du Sénat sur la base des nouveaux effectifs : à cette date, le collège électoral sénatorial tiendra compte du résultat des différents scrutins locaux (renouvellement général des conseils municipaux de 2020, élections départementales et régionales de mars 2021). En outre, cette date permet une entrée en vigueur de la réduction du nombre des parlementaires quasiment concomitante pour les deux assemblées, la durée pendant laquelle est modifié le rapport entre le nombre de députés et celui de sénateurs étant très limitée (de juin à septembre 2021). Enfin, les modifications de la durée des mandats sont ainsi moins substantielles. Dans cette perspective, la série 2 élue en septembre 2014 verra son mandat prolongé d’une année, tandis que la série 1 élue en septembre 2017 verra son mandat raccourci de deux années. Afin de conserver le caractère triennal du renouvellement du Sénat en deux séries, l’article 15 prévoit qu’en 2021, les sénateurs de la série 2 seront élus pour trois ans. Ainsi, ils seront réélus pour une durée normale de six ans en 2024.

 


ARTICLE 2 – EXPIRATION DES POUVOIRS DE L’ASSEMBLEE

1.  État des lieux

Avant la loi organique n° 2001-419 du 15 mai 2001, l'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale était fixée au premier mardi d'avril de la cinquième année suivant les élections législatives, lesquelles, hors cas de dissolution de l’Assemblée nationale, se déroulaient au mois de mars.

L'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale est depuis 2001 fixée par l’article L.O. 121 du code électoral au « troisième mardi de juin la cinquième année qui suit son élection ».

La réforme de 2001 a eu pour objet d’harmoniser les échéances des mandats présidentiel et législatif : en l’absence de réforme, les élections législatives de 2002 auraient eu lieu juste avant l’élection présidentielle.

Le rétablissement du calendrier électoral a donc mécaniquement conduit à définir les opérations électorales législatives en fonction du calendrier électoral de l’élection du Président de la République, lui-même subordonné à la détermination du terme du mandat présidentiel.

Celui-ci est fixé par les articles 5 et 7 de la Constitution qui disposent que : « Le Président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel direct » et que son élection a lieu « vingt jours au moins et trente-cinq jours au plus avant l’expiration des pouvoirs du Président de la République ». A défaut de toute autre précision juridique, la succession présidentielle s’effectue de l’une des deux manières suivantes : lorsque le président sortant est réélu, le Conseil constitutionnel fixe la date de début du nouveau mandat, qui coïncide avec le terme des cinq années du mandat présidentiel, dans sa décision de proclamation des résultats ; dans les autres cas, la même décision fixe la date à laquelle, au plus tard, la passation des pouvoirs, qui marque le début du nouveau mandat, devra avoir eu lieu.

De ces précédents, on peut déduire que la date du second tour de l’élection présidentielle a lieu ordinairement le dimanche qui précède la mi-mai. Ce point de départ détermine le calendrier particulièrement contraint des opérations électorales législatives qui doivent se tenir entre le début du mois de mai et le troisième mardi de juin.

2.  NECESSITE DE LEGIFERER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1.  Nécessité de légiférer

Le premier alinéa de l’article 25 de la Constitution dispose qu’une loi organique « fixe la durée des pouvoirs de chaque assemblée ». Un vecteur organique est donc nécessaire. Par le passé, la durée des pouvoirs de l’Assemblée a fait l’objet de modifications à deux reprises. Outre la loi organique précitée du 15 mai 2001, la loi organique n° 95-1292 du 16 décembre 1995 avait adapté cette échéance pour tenir compte de l’instauration de la « session unique ».

2.2.  Objectifs poursuivis

La présente disposition reporte d’une semaine la date d’échéance des pouvoirs de l’Assemblée nationale. Ce report est la conséquence nécessaire du calendrier retenu pour les déclarations de candidature des listes qui se portent candidates au scrutin proportionnel.

En effet, la réforme du mode de scrutin (à la fois uninominal et de liste) conduit à prévoir un double calendrier de limites de dépôt des candidatures : le terme actuellement fixé pour les candidats en circonscription reste celui fixé par l’article L. 157 du code électoral. En revanche, le dépôt des candidatures pour la circonscription unique a lieu nécessairement la semaine précédente[6].

Ce chaînage s'impose dès lors que l'accès à la campagne audiovisuelle et plus largement aux modalités de propagande pour le scrutin de liste national est limité aux listes soutenues par des candidats ou des listes (de candidats pour les Français établis hors de France) issus de quarante-quatre circonscriptions. Le soutien devant être formulé au moment de la prise des candidatures pour le scrutin majoritaire et celui des Français établis hors de France pour ne pas multiplier les formalités, et ne pouvant l'être que sur la base de listes régulièrement enregistrées et stabilisées, il faut nécessairement que la phase de dépôt des candidatures pour le scrutin de liste national ait lieu en amont, ce qui allonge d'une huitaine de jours le calendrier.

En tout état de cause, la période, déjà courte, qui sépare le second tour de l’élection présidentielle de l’expiration des pouvoirs de l’Assemblée nationale ne permet pas, en l’état du droit, d’assurer dans de bonnes conditions l’organisation d’un second scrutin dans les conditions prévues par le projet de loi.

Il faut donc laisser une semaine supplémentaire entre l’élection présidentielle et les élections législatives pour la présentation des candidatures et pour le rattachement des candidats des circonscriptions aux listes nationales qui seront présentées pour l’élection au scrutin proportionnel.

3.  OPTIONS ENVISAGEES ET DISPOSITIF RETENU

L’absence de modification à l’article L.O. 121 aurait conduit à établir une date limite de dépôt des candidatures immédiatement postérieure au second tour de l’élection présidentielle.

Afin de garantir la clarté du débat électoral, et de laisser un temps suffisant aux partis et groupements politiques pour tirer les conséquences du résultat de l’élection présidentielle sur leur stratégie en vue des élections législatives, il est apparu légitime de ménager une durée intermédiaire d’une semaine environ. Ce délai doit permettre aux formations politiques ayant vocation à soutenir des candidatures de disposer d’un temps suffisant pour préparer ou confirmer leurs investitures, notamment en vue de la constitution de listes dans la circonscription nationale unique, mais également d’affiner leurs éventuelles stratégies d’alliance.

Pour les raisons indiquées supra, l’option retenue est la seule à permettre d’assurer une cohérence les deux phases précitées du calendrier des prises de candidature sans interférer avec les échéances du mandat présidentiel fixées par la Constitution.

4.  ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGEES

La disposition envisagée par le Gouvernement a principalement pour conséquence de décaler d’une semaine les procédures d’organisation interne de l’Assemblée nationale (élection du président, du bureau, des présidents de groupes etc.), sans pour autant en modifier ni la teneur, ni la portée. Elle se traduira par une modification de la rédaction de l’article L.O. 121 du code électoral.

5.  MODALITES D’APPLICATION

La mesure envisagée ne modifie pas les particularités de calendrier et de procédure actuellement en vigueur et propres aux élections législatives en Polynésie française.

A la différence d’autres dispositions du présent projet de loi qui prendront effet au prochain renouvellement général de l’Assemblée nationale soit à compter de juin 2022, cette disposition a vocation à s’appliquer à l’actuelle législature pour pouvoir être effective : le mandat des députés actuellement en fonctions à l’Assemblée nationale sera par conséquent prolongé d’une semaine.


ARTICLE 3 – CONDITIONS D’ELIGIBILITE ET INELIGIBILITES

1.  ETAT DES LIEUX

1.1.  Cadre général

Les règles d’éligibilité et d’inéligibilité des candidats aux élections législatives et des députés résultent des dispositions des articles L.O. 127 à L.O. 136-4 du code électoral. Sous réserve de l’âge d’éligibilité, ces dispositions sont rendues automatiquement applicables aux sénateurs par l’article L.O. 296 du même code. Elles sont également applicables aux députés élus par les Français établis hors de France par le renvoi de l’article L.O. 328, à l’exception des fonctions dont la détention rend leur titulaire inéligible. Celles-ci font l’objet d’une disposition particulière énoncée à l’article L.O. 329. Ces règles sont également applicables aux sénateurs représentant les Français établis hors de France[7].

Les inéligibilités sont de deux sortes, attachées à la personne (être majeur, jouir de ses droits civils et politiques, ne pas avoir été condamné à une peine d’inéligibilité) ou bien fonctionnelles. L’exercice de certaines fonctions empêche en effet leurs titulaires de présenter leurs candidatures et d’être élus en tant que députés en raison de l’avantage que ces fonctions pourraient leur conférer. La loi désigne précisément à l’article L.O. 132 les fonctions visées, leur ressort géographique et la durée de ces inéligibilités. C’est ainsi que les préfets sont inéligibles dans les circonscriptions comprises dans le ressort dans lequel ils exercent ou ont exercé leurs fonctions depuis moins de trois ans.

Ce délai n’est que d’un an pour les autres fonctions, notamment celles de sous-préfet, secrétaire général de préfecture, directeur de cabinet de préfet, directeur des services de cabinet de préfet, magistrat, officier et sous-officier exerçant un commandement territorial.

L’article L.O. 130 du code électoral prévoit, en outre, l’inéligibilité sur tout le territoire, pendant la durée de leurs fonctions, du Défenseur des droits et de ses adjoints ainsi que du Contrôleur général des lieux de privation de liberté.

1.2.  Cadre constitutionnel

Le premier alinéa de l’article 25 de la Constitution dispose qu’une « loi organique fixe la durée des pouvoirs de chaque assemblée, le nombre de ses membres, leur indemnité, les conditions d'éligibilité, le régime des inéligibilités et des incompatibilités ».

Dans sa décision n° 2011-628 DC du 12 avril 2011 sur la loi organique relative à l’élection des députés et des sénateurs, le Conseil constitutionnel a jugé conformes à la Constitution, les articles L.O. 127 à L. O. 132 modifiés, les articles L. O. 135-1 et L.O. 136-1 modifiés, et les articles L.O. 135-3, L.O. 136-2 et L.O. 136-3 ajoutés du code électoral, relatifs aux règles d’éligibilité et aux cas d’inéligibilité.

Le Conseil constitutionnel reconnaît une grande marge de manœuvre au législateur organique pour définir des inéligibilités en application de l’article 25 de la Constitution. Il n’exerce qu’un contrôle restreint (n° 2011-628 DC du 12 avril 2011). Le législateur organique doit veiller à subordonner cette interdiction à un objectif d’intérêt général et prévoir un dispositif strictement proportionné au but poursuivi.

1.3.  Éléments de droit comparé

De nombreux Etats ont mis en place des mesures encadrant les conditions d’éligibilité des fonctionnaires. Ces mesures ont pour objectif de garantir la neutralité du service public et de limiter la surreprésentation du secteur public dans les assemblées représentatives. Elles s’inscrivent également dans une démarche de transparence, en visant à éviter tout soupçon et risque de collusion entre pouvoir administratif et pouvoir politique.

Au Royaume-Uni, avant de faire acte de candidature, tout fonctionnaire britannique doit présenter sa démission du service public. En outre, sont inéligibles en application de la loi sur l'inéligibilité à la chambre des Communes de 1975, les hauts fonctionnaires, les juges, les ambassadeurs, les membres des forces armées et des forces de police, les membres rémunérés des conseils d'administration d'entreprises nationales, les membres des conseils d'administration d'entreprises privées nommés par le gouvernement, ainsi que les membres du conseil de la Banque d'Angleterre. Ces règles d’inéligibilité ne s'appliquent qu'aux fonctionnaires du niveau national, services centraux et extérieurs, les agents des administrations locales ne bénéficiant pas du statut d'agent public mais étant soumis au droit commun des salariés et considérés comme des fonctionnaires « politiquement libres »[8].

En Italie, en vertu de l’article 7 du Texte unique des lois pour l’élection à la Chambre, également applicable aux sénateurs, ne sont pas éligibles au mandat de parlementaire en particulier les préfets, les sous-préfets et les fonctionnaires de sécurité publique. Les différentes inéligibilités énumérées à cet article sont également applicables en cas de fonctions analogues exercées dans les organismes correspondants dans des Etats étrangers. Ces cas d’inéligibilité s’appliquent lorsque les fonctions ont été exercées depuis moins de 180 jours précédant la date de fin du quinquennat à la Chambre des députés. En cas de dissolution, ces fonctions ne doivent pas avoir été exercées dans les 7 jours qui suivent la publication à la « Gazzetta Ufficiale della Repubblica italiana », équivalent du Journal officiel de la République française, du décret portant dissolution de la Chambre des députés. L'article 9 du Texte unique des lois pour l’élection à la Chambre prévoit quant à lui que les diplomates, consuls et consuls adjoints rattachés aux ambassades, légations et consulats à l'étranger, qu'ils soient résidents en Italie ou à l'étranger ne peuvent être élus députés. Il en est de même pour tous ceux qui sont employés par des gouvernements étrangers.

En Grèce[9], le droit à candidature, l'éligibilité et l'exercice de mandats électifs par les fonctionnaires sont strictement encadrés et limités. Ainsi les fonctionnaires nationaux et territoriaux, le personnel des établissements et institutions publics et ceux qui travaillent dans un secteur d’intérêt public ne peuvent être nommés ou élus dans un district où ils ont travaillé pendant trois mois au moins au cours des trois ans qui ont précédé leur désignation. Ce principe d’inéligibilité s’applique aussi aux secrétaires généraux de ministères qui ont exercé cette fonction pendant quatre mois au moins au cours des quatre ans de leur mandat. Le principe d’inéligibilité s’impose aussi aux militaires professionnels et aux fonctionnaires de police. Pour toute élection nationale grecque, un fonctionnaire doit avoir présenté sa démission écrite avant de faire acte de candidature. Les délais sont également très longs : ne peuvent se présenter à une élection les fonctionnaires d'autorité ayant exercé un emploi dans le ressort de la circonscription dans laquelle ils souhaitent être candidats pendant dix-huit mois au cours des quatre années qui précèdent. Pour les postes les plus importants, ce délai est porté à quatre ans.

Au Portugal[10], les fonctionnaires d'autorité ne peuvent pas se présenter dans leur ressort territorial.

En Belgique, au cas où ils sont élus, les titulaires d’une fonction publique doivent choisir entre celle-ci et leur mandat parlementaire.

2.  NECESSITE DE LEGIFERER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1.  Nécessité de légiférer

Toutes les règles d’éligibilité et d’inéligibilité ayant fait l’objet d’une actualisation par le Parlement dans le cadre de l’adoption de la loi organique n° 2011-410 du 14 avril 2011 relative à l'élection des députés et des sénateurs, leur substance n’a pas besoin d’être revue en profondeur. Les mesures proposées par le présent article du projet de loi organique se bornent donc à tirer les conséquences liées à l’élection de quatre-vingt-sept députés à la représentation proportionnelle, disposition introduite par le projet de loi ordinaire présenté simultanément à l’examen du Parlement.

L’élection d’une partie des députés au scrutin de liste national nécessite en effet a minima d’adapter le périmètre des inéligibilités fonctionnelles[11] au nouveau scrutin. Ne pas adapter ce périmètre aurait rendu les préfets, par exemple, éligibles à ce scrutin. Or, s’agissant d’un représentant du gouvernement, il ne peut être envisageable qu’un préfet soit également député de la nation élu dans une circonscription nationale et figurant sur une liste ayant mené une campagne sur tout le territoire, incluant le ressort dans lequel il exerce.

Ce nouveau mode de scrutin pour une partie des députés nécessite également de préciser le lieu de consultation des déclarations de situation patrimoniale des élus au scrutin de liste[12]. Pour les députés élus au scrutin majoritaire, le lieu de consultation des déclarations de situation patrimoniale s’effectue à la préfecture du département de leur circonscription. Les députés élus au scrutin de liste étant élus dans une circonscription unique, cette règle doit être précisée afin de garantir l’effectivité du droit à la consultation de ces documents par les citoyens, qui participe à la transparence de la vie publique.

Il justifie enfin, s’agissant du régime des inéligibilités, de procéder à l’ajustement de la rédaction de l’article L.O. 136-1 relatif aux inéligibilités liées au compte de campagne des candidats. Il est modifié afin de préciser que pour le scrutin de liste, à l’instar des autres scrutins de liste, c’est le candidat tête de liste qui est assujetti aux obligations. Ces ajustements rédactionnels sont nécessaires pour la bonne application des dispositions relatives aux inéligibilités liées au scrutin de liste.

2.2.  Objectifs poursuivis

Concernant les inéligibilités des personnes titulaires des fonctions énumérées aux articles L.O. 132 et L.O. 329 du code électoral, l’objectif poursuivi par le Gouvernement est de trouver un équilibre entre la nécessité de définir le régime d’inéligibilité applicable sur l’ensemble du territoire pour le scrutin de liste national et de veiller à préserver la liberté de candidature en n’imposant pas une inéligibilité trop étendue.

Le choix a été fait par le Gouvernement de créer une inéligibilité relativement étendue en rendant l’ensemble des titulaires des fonctions énumérées aux articles L.O. 132 et L.O. 329 du code électoral inéligibles au scrutin de liste national créé par le projet de loi ordinaire, pour les préfets et les chefs de mission diplomatique s’ils exercent ou ont exercé depuis moins de trois ans leurs fonctions à la date du scrutin et, pour les autres fonctions, si les personnes exercent ou ont exercé leurs fonctions depuis moins d’un an à la date du scrutin.

La consultation des déclarations de situation patrimoniale des élus au scrutin de liste doit par ailleurs préserver le droit de consultation des citoyens sans faire peser sur les services administratifs de l’Etat une charge trop importante.

Dans ce cas également, les objectifs de moralisation de la vie publique et de transparence ont guidé le choix de rendre consultables les déclarations de situation patrimoniale des quatre-vingt-sept députés élus au scrutin de liste dans chaque préfecture et service des représentants de l’Etat.

3.  OPTIONS ENVISAGEES MAIS NON RETENUES

3.1.  Inéligibilités fonctionnelles

L’option consistant à rendre inéligibles au scrutin de liste national uniquement les préfets et chefs de mission diplomatique, en permettant aux titulaires des autres fonctions énumérées aux articles L.O. 132 et L.O. 329 de se porter candidats à ce nouveau scrutin, a été envisagée, de même que l’option de rendre l’ensemble des fonctions énumérées inéligibles au scrutin de liste national mais pour une période plus courte que celle imposée pour le scrutin majoritaire dans la circonscription dans le ressort de laquelle la fonction est exercée. Ces options faisaient le choix d’une inéligibilité moins étendue.

Cependant, l’option qui a finalement été retenue permet aux titulaires des fonctions concernées de mieux se prémunir de tout risque de conflit d’intérêts. Par ailleurs, l’option retenue répond mieux à l’objectif d’intelligibilité de la loi puisque l’inéligibilité créée est la même pour tous et respecte les périodes d’inéligibilités déjà prévues pour le scrutin majoritaire. Elle n’introduit pas de différences au cas par cas, sources de complexité.

3.2.  Consultation des déclarations de situation patrimoniale

Une option consistait à rendre les déclarations de situation patrimoniale des élus au scrutin de liste national uniquement consultables au ministère de l’intérieur. Cependant cette option risquait de limiter le droit de consultation des citoyens de province, d’outre-mer et établis hors de France.

La consultation en ligne des situations patrimoniales des élus sur le site internet de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, comme pour les déclarations d’intérêts et d’activités, n’a pu être retenue car elle remettrait en cause de manière trop importante la vie privée des élus.

4.  Analyse des impacts des dispositions envisagées

4.1.  Impacts juridiques

L’impact juridique de la présente disposition du projet de loi organique tient en la création d’une nouvelle inéligibilité s’agissant des députés qui seront élus au scrutin de liste. Elle ne vient pas restreindre le droit de candidater existant des personnes titulaires des fonctions concernées puisqu’elle découle de la création d’un nouveau mode de désignation d’une partie des députés. Les conditions d’éligibilité des sénateurs ne se voient pas impactées.

Les Français établis hors de France pourront consulter les déclarations de situation patrimoniale des députés élus par eux au scrutin de liste à la préfecture de Paris. C’est d’ailleurs déjà le cas pour les députés élus dans les circonscriptions des Français établis hors de France.

4.2.  Impacts sur les services

La nouvelle inéligibilité imposera aux services du ministère de l’intérieur désignés pour recueillir les candidatures des listes de vérifier que les candidats n’exercent pas ou n’ont pas exercé depuis moins de trois ans (ou un an selon la fonction) les fonctions énumérées aux articles L.O. 132 et L.O. 329 du code électoral.

La consultation des déclarations de situation patrimoniale des élus au scrutin de liste imposera à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique de transmettre à l’ensemble des préfectures et services des représentants de l’Etat en Outre-mer les quatre-vingt-sept déclarations concernées. Cette nouvelle disposition nécessitera une amélioration des processus de transmission de ces documents entre la Haute autorité et les services de l’Etat. En conséquence, les services de l’Etat devront être en capacité de présenter à tout électeur qui le demandera la déclaration de situation patrimoniale de chacun des élus au scrutin de liste. Le nombre de députés concernés, le nombre de consultations annuelles ainsi que la dématérialisation des déclarations permettent d’envisager une augmentation limitée de la charge de travail pour les services préfectoraux.

 

5.  MODALITES D’APPLICATION

L’article final du présent projet de loi organique dispose que les dispositions de l’article 3 entrent en vigueur lors du prochain renouvellement de l’Assemblée nationale, c’est-à-dire en 2022 s’il n’y a pas de dissolution au titre de l’article 12 de la Constitution d’ici cette date. Les titulaires des fonctions énumérées aux articles L.O. 132 et L.O. 329 ne pourront pas candidater pour l’élection au scrutin de liste dès le prochain renouvellement général de l’Assemblée nationale, s’ils exercent ou ont exercé leurs fonctions depuis moins de trois ans (ou un an selon la fonction) à la date du scrutin.

L’inéligibilité créée à l’article L.O. 132 est applicable sur tout le territoire de la République et donc également aux titulaires des fonctions énumérées à cet article en Outre-mer.

La consultation des déclarations de situation patrimoniale des élus au scrutin de liste sera effective également dès 2022 et dans les services du représentant de l’Etat en Outre-mer.

Les présentes dispositions ne nécessiteront aucune mesure d’application réglementaire.


ARTICLE 4 – INCOMPATIBILITES (Extension du régime des incompatibilités parlementaires aux conseillers métropolitains de Lyon, aux présidents et vice-présidents de la métropole de Lyon et de l’assemblée de Corse)

1.  ETAT DES LIEUX

1.1.  Cadre général

Si l’interdiction du cumul des mandats de député et de sénateur date de 1946[13], le régime des incompatibilités relatives au mandat de député et de sénateur s’est progressivement développé au fil de la Vème République.

La loi organique n° 85-1405 du 30 décembre 1985 tendant à la limitation du cumul des mandats électoraux et des fonctions électives par les parlementaires a créé, dans le code électoral, un article LO. 141 qui prévoyait l’incompatibilité entre le mandat de député et l’exercice de plus d’un des mandats suivants : mandat de conseiller régional, de conseiller général (aujourd’hui, conseiller départemental) et de conseiller de Paris. De plus, elle a posé le principe de l’incompatibilité entre le mandat de député et celui de représentant au Parlement européen.

La loi organique n° 2000-294 du 5 avril 2000 relative aux incompatibilités entre mandats électoraux a modifié la rédaction de l’article LO. 141 du code électoral en étendant le champ des incompatibilités avec des mandats locaux pour intégrer les mandats de conseiller à l’Assemblée de Corse.

La loi organique n° 2013-402 du 17 mai 2013 relative à l'élection des conseillers municipaux, des conseillers communautaires et des conseillers départementaux a étendu cette incompatibilité aux mandats de conseiller municipal d’une commune de 1 000 habitants et plus.

La loi organique n° 2014-125 du 14 février 2014 interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur a inséré un article L.O. 141-1 dans le code électoral pour interdire le cumul d’une fonction exécutive locale avec le mandat de député.

Différentes dispositions organiques particulières ont décliné le même principe pour les collectivités d’outre-mer. Tel est par exemple le cas des articles L.O. 493, L .O. 520 et L.O. 548 du code électoral qui énumèrent les fonctions avec lesquelles est incompatible le mandat de conseiller territorial, respectivement de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Par renvoi, l’article LO. 297 du code électoral dispose que les dispositions relatives au régime des incompatibilités du mandat de député sont applicables au mandat de sénateur.

1.2.  Cadre constitutionnel

Le constituant de 1958 n’a prévu que l’incompatibilité entre le mandat de parlementaire et la fonction de membre du Gouvernement. Celle-ci figure à l’article 23 de la Constitution.

Il a renvoyé au législateur organique, par l’intermédiaire de l’article 25 de la Constitution, le soin de déterminer les autres incompatibilités applicables aux parlementaires de chacune des assemblées.

Dans ce domaine, le Conseil constitutionnel s’attache à faire respecter le principe d’égalité devant la loi relative à l’interdiction ou la limitation de cumul de fonctions.

Au regard de ce principe, si le mandat de député est incompatible avec l'exercice de plus d'un des mandats énumérés à l’article LO. 141, dont le mandat de conseiller départemental ou de conseiller municipal (dans les communes de plus de 1000 habitants), alors rien ne justifie que le mandat de conseiller métropolitain de Lyon ne soit pas concerné par cette limitation de cumul. De même, si le mandat de député est incompatible avec les fonctions énumérées à l’article L.O. 141-1 du code électoral, dont celles de président ou de vice-président de conseil départemental ou d’établissement public de coopération intercommunal, alors rien ne justifie que le mandat de député soit compatible avec les fonctions de président ou de vice-président du conseil métropolitain de Lyon. En effet, le Conseil constitutionnel ayant reconnu, dans sa décision n°2013-687 du 23 janvier 2014 relative à la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, que la fonction de président du conseil de la métropole de Lyon ne pouvait se cumuler avec celle de maire, il est permis de considérer que cette fonction ne peut également se cumuler avec le mandat de député.

Pour les mêmes raisons, dans sa décision n° 2014-689 DC du 13 février 2014, le Conseil constitutionnel juge que le législateur ne saurait, sans méconnaître le principe d'égalité devant la loi, permettre le cumul du mandat de député ou de sénateur avec les fonctions de vice-président élu par l'Assemblée de Corse.

1.3.  Éléments de droit comparé

Malgré les limitations posées en matière au cumul ces dernières années, la France se distingue encore par l’importance du cumul des mandats et des fonctions de ses élus. Dans la plupart des autres Etats membres de l’Union européenne, le cumul des mandats et des fonctions par les élus est plus faible : en Italie, 16 % des parlementaires exercent au moins un autre mandat, 15 % en Espagne, 13 % en Grande-Bretagne et 10% en Allemagne. En 2012, 82% des députés et 77% des sénateurs exerçaient au moins un autre mandat électif alors que la proportion d'élus en situation de cumul ne dépassait pas 20 % dans les grandes démocraties[14].

Cette faible proportion n’est pas particulièrement liée à une culture politique différente ou à une décentralisation ou régionalisation plus forte, mais à un fort ancrage juridique. La plupart des démocraties qui connaissent de faibles taux de cumul disposent en effet de normes qui interdisent ou limitent fortement la pratique du cumul des mandats.

En Allemagne, un parlementaire ne peut cumuler son mandat avec celui de membre de l’assemblée d’un Land. Cette interdiction est prévue dans certaines constitutions de Länder et a également été confirmée par la Cour constitutionnelle de Karlsruhe en 1976. Elle a en effet reconnu que, même si la Loi fondamentale, le droit fédéral, voire celui des Länder n'abordaient pas la question du cumul des mandats, cette interdiction des cumuls relevait de l'évidence.

En Italie, la Constitution interdit de cumuler un mandat de conseiller régional avec un mandat de parlementaire ou d’un autre conseil régional. Un parlementaire ne peut être maire d'une ville de plus de 20 000 habitants ou président d'une junte provinciale.

En Espagne, l’article 67 de la Constitution du 29 septembre 1978 interdit de cumuler le mandat de député et celui de membre d'une assemblée de communauté autonome[15]. Cependant, il n'existe aucune autre interdiction de cumul pour les députés, ces derniers pouvant exercer un mandat de maire, de conseiller municipal ou provincial. Néanmoins, lorsque ces derniers cumulent leur mandat avec les foncions précitées, ils ne perçoivent alors qu'une seule indemnité.

2.  NECESSITE DE LEGIFERER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1.  Nécessité de légiférer

En l’état actuel du droit, les articles L.O. 141 et L.O. 141-1 du code électoral, qui fixent les règles de limitation et d’interdiction de cumul de fonction et de mandat avec celui de député, et par renvoi celui de sénateur, n’incluent pas le mandat de conseiller métropolitain de Lyon ni les fonctions de président et de vice-président du conseil de la métropole de Lyon. Plus précisément :

-          l’article L.O. 141 du code électoral interdit la détention d’un mandat parlementaire avec plus d’un des mandats locaux énumérés par l’article ; le mandat de conseiller métropolitain de Lyon n’y figure actuellement pas ;

-          l’article L.O. 141-1 du code électoral interdit le cumul du mandat parlementaire avec l’exercice d’une fonction exécutive locale (maire, président et vice-président d’un conseil régional ou d’un conseil départemental). Les mandats de président et de vice-président du conseil de la métropole de Lyon n’y figurent pas.

De même, actuellement, l’article L.O. 141-1 ne prévoit aucune incompatibilité entre le mandat de député, et par renvoi celui de sénateur, avec la fonction de vice-président de l’Assemblée de Corse.

Or, la métropole de Lyon et la Corse étant des collectivités à statut particulier dotées des compétences ailleurs reconnues aux assemblées départementales, au regard du principe constitutionnel d’égalité devant la loi les conseillers métropolitains de Lyon, les présidents et vice-présidents du conseil de la métropole de Lyon et de l’Assemblée de Corse doivent être soumis aux mêmes règles d’incompatibilité que les élus des autres collectivités, telles que les départements.

Si le Conseil constitutionnel interprète déjà le droit existant en matière d’incompatibilités, même lacunaire, comme incluant les fonctions de vice-présidents de l’assemblée de Corse (« les dispositions du 6° de l'article L.O. 141-1 ne sauraient, sans méconnaître le principe d'égalité devant la loi, être interprétées comme permettant le cumul du mandat de député ou de sénateur avec les fonctions de vice-président élu par l'assemblée de Corse »), il est néanmoins nécessaire de compléter par un vecteur législatif organique les articles L.O. 141 et L.O. 141-1 du code électoral qui ne l’ont pas été lors de la précédente réforme.

2.2.  Objectifs poursuivis

Le présent projet de loi organique est l’occasion de compléter les articles L.O. 141 et L.O. 141-1 du code électoral. L’article 4 permet donc de compléter ces articles par, d’une part, à l’article L.O. 141, la mention de « conseiller métropolitain de Lyon ». Ainsi, le mandat de député, et par renvoi celui de sénateur, sera incompatible avec l’exercice de plus d’un des mandats suivants : conseiller régional, conseiller à l'Assemblée de Corse, conseiller départemental, conseiller métropolitain de Lyon, conseiller de Paris, conseiller à l'assemblée de Guyane, conseiller à l'assemblée de Martinique, conseiller municipal d'une commune soumise au mode de scrutin prévu au chapitre III du titre IV du livre Ier du code électoral.

D’autre part, la présente disposition complète la rédaction de l’article L.O. 141-1 du code électoral par les mentions de président et vice-président « du conseil de la métropole de Lyon » et « de vice-président » de l’Assemblée de Corse. L’incompatibilité des mandats de député et de sénateur avec ces fonctions sera désormais clairement inscrite dans la loi.

Si cette disposition n’est pas directement liée à l’objectif de la réforme, elle permet de mettre sur un pied d’égalité l’ensemble des mandats et fonctions électives en matière d’incompatibilité avec les mandats parlementaires et de répondre ainsi aux exigences constitutionnelles.

3.  ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGEES

3.1.  Impacts juridiques

L’introduction de deux nouvelles incompatibilités renforce les règles de non-cumul pour les élus concernés et met en cohérence le droit en la matière avec l’évolution du statut de certaines collectivités territoriales (collectivité de Corse et métropole de Lyon). Cela se traduira par une modification de la rédaction du chapitre IV du titre II du livre premier du code électoral.

3.2.  Impacts sur les services

Les dispositions envisagées imposeront aux services chargés de veiller au respect des règles d’incompatibilité, en l’occurrence les services du ministère de l’intérieur et du Bureau de l’Assemblée nationale et du Sénat, de prendre en compte les nouvelles incompatibilités dans leurs attributions de contrôle.

4.  MODALITES D’APPLICATION

Les dispositions proposées à l’article 4 ne nécessitent aucune mesure réglementaire d’application.

S’agissant de l’entrée en vigueur des dispositions relatives aux mandats de conseillers métropolitains de Lyon et aux fonctions exécutives (président et vice-président de la métropole, vice-président de l’Assemblée de Corse), deux dates différentes d’entrée en vigueur sont proposées :

-          la modification de l’article L.O. 141-1 du code électoral interdisant le cumul d’un mandat parlementaire avec la fonction de président ou de vice-président de la métropole et de vice-président de l’Assemblée de Corse entre en vigueur de manière immédiate. En effet, les fonctions de président ou de vice-président de la métropole de Lyon et de vice-président de l’Assemblée de Corse doivent être regardées comme d’ores et déjà incompatibles avec le mandat de député en application de l’article L.O. 141-1 dont le 12° couvre déjà ces fonctions, ce que paraît confirmer le considérant 12 de la décision 2014-689 DC du Conseil constitutionnel. L’entrée en vigueur immédiate des dispositions de l’article 4 complétant l’article LO 141-1 ne pose donc pas de difficulté ;

-          en revanche, la modification de l’article L.O. 141 pour y inclure le mandat de conseiller de la métropole de Lyon entrera en vigueur lors du prochain renouvellement des conseils municipaux. Les actuels conseillers métropolitains ont en effet été élus en 2014 selon un mode de scrutin fléché et ne seront élus au suffrage universel direct et distinct qu’en mars 2020 (prévu par les dispositions de l’ordonnance n° 2014-1539 du 19 décembre 2014), ce qui justifie de n’appliquer ces incompatibilités qu’à compter de cette date. La même logique a conduit le législateur à ne faire entrer la modification de l’article L. 46-1 (interdiction de cumul de plus de deux mandats locaux), pour intégrer le mandat de conseiller métropolitain, qu’à compter « du prochain renouvellement général des conseillers municipaux » (V de l’article unique de la loi n° 2015-816 du 6 juillet 2015). A cette date, l’article L. 46-1 disposera que : « Nul ne peut cumuler plus de deux des mandats électoraux énumérés ci-après : conseiller régional, conseiller à l'Assemblée de Corse, conseiller départemental, conseiller de Paris, conseiller métropolitain de Lyon, conseiller à l'assemblée de Guyane, conseiller à l'assemblée de Martinique, conseiller municipal. ».

A compter de ces échéances, les députés, comme les sénateurs, concernés par ces incompatibilités (par renvoi de l’article L.O. 297) devront les faire cesser dans les conditions prévues par les dispositions de l’article L.O. 151.

Les députés élus dans la circonscription des Français établis hors de France (II de l’article L. 123 tel qu’issu du projet de loi), par renvoi de l’article L.O. 328 au titre II du livre Ier du code électoral, seront également concernés par ces nouvelles incompatibilités.

Il en va de même des sénateurs représentant les Français établis hors de France par le renvoi auquel procède l’article 3 de la loi organique n° 83-499 du 17 juin 1983.


ARTICLE 5 – DECLARATIONS DE CANDIDATURE

1.  État des lieux

1.1.  Cadre général : procédure de refus d’enregistrement d’une candidature et délais

Les modalités de déclaration de candidature pour l’élection des députés au scrutin uninominal majoritaire à deux tours sont prévues par les articles L. 154 à L. 163 du code électoral. La déclaration de candidature est obligatoire pour chaque tour de scrutin et doit contenir des mentions obligatoires (nom, prénom…).

Le code électoral prévoit deux procédures distinctes selon que le préfet constate le non-respect des conditions spécifiques prévues pour les prises de candidature ou relève un cas d’inéligibilité :

- dans l’hypothèse où la candidature ne respecte pas les conditions dites de forme prévues aux articles L. 154 et suivants (dossier complet, acceptation écrite du remplaçant etc…), l’article L.O. 159 prévoit que « le préfet saisit dans les vingt-quatre heures le tribunal administratif qui statue dans les trois jours. »

- en revanche, dans l’hypothèse où la candidature fait apparaître un risque d’inéligibilité, l’article L.O. 160, modifié par la loi organique du 14 avril 2011 susmentionnée, prévoit que le candidat dont la candidature est rejetée par le préfet peut saisir le tribunal administratif dans les vingt-quatre heures, ce dernier ayant trois jours pour se prononcer sur la requête, faute de quoi la candidature est obligatoirement enregistrée.

Enfin, l’actuel article L. 156 (nouvel article L. 153-1) impose au préfet de ne pas procéder à l’enregistrement en cas de candidatures multiples.

1.2.  Cadre constitutionnel

Concernant les délais des voies de recours, la jurisprudence du Conseil constitutionnel[16] conduit à interpréter strictement les termes de la loi, s’agissant notamment de l’application des délais :

-          soit de vingt-quatre heures dans lequel intervient la saisine du tribunal administratif ;

-          soit des trois jours laissés au tribunal administratif pour délibérer.

Toutefois, ces considérations de délai ne sont pas opposables en cas de candidatures multiples[17].

A titre d’exemple, on peut citer une décision du Conseil constitutionnel rendue dans le sens de la décision du tribunal administratif et qui en reprend tous les éléments d’appréciation[18]. Dans l’hypothèse d’une annulation de la décision du tribunal administratif, le Conseil constitutionnel se réserve le soin d’apprécier la portée de cette irrégularité sur les résultats de l’élection[19].

2.  NECESSITE DE LEGIFERER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

La coexistence de deux procédures différentes conduisant selon les cas à ce que le préfet accepte l’enregistrement de la candidature puis saisisse le tribunal administratif ou refuse l’enregistrement de la candidature laissant le candidat saisir le tribunal administratif est source d’erreur et ne paraît pas adaptée à des délais contraints.

Il s’agit donc d’harmoniser la procédure en instaurant le principe que, quel que soit le motif, le préfet refuse l’enregistrement et informe le candidat concerné des délais et voies de recours s’il souhaite contester cette décision.

En effet, la procédure prévue à l’article L.O. 160 du code électoral a pour objet d’offrir une garantie réelle au candidat non enregistré, garantie conciliée avec une durée d’application nécessairement restreinte. Dans les cas les plus ordinaires, la décision du tribunal administratif suffit à trancher le conflit susceptible d’éclater entre le candidat potentiel et l’administration.

La rédaction actuelle de l’article L.O 160 du code électoral doit par ailleurs être modifiée pour tenir compte du nouveau calendrier des opérations pré-électorales, ce qui nécessite de réduire à 48h le délai dans lequel le tribunal administratif doit rendre sa décision.

L'institution d'un scrutin de liste pour les élections législatives implique l'allongement de la phase de prise des candidatures, ce que prévoit le projet de loi ordinaire qui accompagne le présent projet de loi organique. Cette phase doit être organisée en deux temps en distinguant prise de candidatures pour les listes nationales (3 jours) et prise de candidatures pour le scrutin majoritaire (5 jours). En effet, l’accès à la propagande des listes nationales étant conditionné au soutien par des candidats au scrutin majoritaire dans au moins 44 circonscriptions, il est impératif que les candidatures pour le scrutin de liste soient arrêtées au plus tard lorsque débute la prise de candidature pour les circonscriptions.

Dans ce contexte, il est nécessaire de réduire à 48 heures le délai laissé au juge pour rendre sa décision.

Par ailleurs, il est nécessaire d'adapter cette procédure au refus d'enregistrement des candidatures de liste et de prévoir la transposition de cette règle pour les sénateurs.

3.  OPTIONS ENVISAGEES ET DISPOSITIF RETENU

Le dispositif actuel de l’article L.O. 160 est conforme aux règles applicables à la plupart des scrutins, comme l’indique le tableau ci-après.

 

 

 

 

Élections

Saisissant

Texte

Délai

Juridiction

Délai

Législatives (inéligibilité)

Candidat

Article L.O. 160

24 heures

Tribunal administratif

3 jours

Législatives

(au 1e tour)

Préfet

Article L. 159

24 heures

Tribunal administratif

3 jours

Législatives

(au 2e tour)

Préfet

Article L. 162

24 heures

Tribunal administratif

24 heures

Sénatoriales

(inéligibilité)

Candidat

Article L.O. 304

24 heures

Tribunal administratif

3 jours

Sénatoriales (autres motifs)

Préfet

Article L. 303

24 heures

Tribunal administratif

3 jours

Cantonales

Candidat

Article L. 210-1

24 heures

Tribunal administratif

3 jours

Municipales

Candidat

Article L. 265

24 heures

Tribunal administratif

3 jours

Régionales

(au 1e tour)

Candidat

Article L. 351

48 heures

Tribunal administratif

3 jours

Régionales

(au 2e tour)

Candidat

Article L. 351

24 heures

Tribunal administratif

24 heures

Européennes

Ministre de l’intérieur

Loi n° 77-29 du 7 juillet 1977, art. 12

24 heures

Conseil d’Etat

3 jours

Il est donc proposé d’abroger l’article L.159 et de modifier la procédure de l’article L.O. 160 du code électoral.

La mesure envisagée consiste plus exactement à :

-          harmoniser la procédure applicable pour la prise de candidature des candidats au scrutin majoritaire en prenant pour référence celle de l’actuel l’article L.O. 160,

-          instaurer une procédure similaire pour la prise de candidatures des listes en insérant un article L.O. 163-1-C et prévoir les modalités offertes aux listes pour se compléter en cas d’un refus d'enregistrement motivé par l'inéligibilité d'un ou plusieurs de leurs candidats, ou en cas de confirmation par le juge du refus d’enregistrement du préfet,

-          diminuer le délai durant lequel le juge administratif peut statuer afin de répondre aux impératifs du calendrier des opérations pré-électorales.

4.  ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGEES

4.1.  Impacts juridiques

La présente mesure conduira à modifier la rédaction de l'article L.O. 160 du code électoral et à insérer un article L.O. 163-1-C pour adapter la procédure de refus d'enregistrement des candidatures des listes.

Il s’agit également de modifier l’article L.O. 304 pour rendre ces dispositions applicables aux sénateurs.

4.2.  Impacts sur les services

L’harmonisation des deux procédures est une source de simplification pour les services des préfectures en charge de l’enregistrement des candidatures.

La réduction à 48 heures du délai imparti aux tribunaux administratifs pour statuer devrait être compensée par les nouvelles modalités d’échanges de mémoires par télécopie ou mail qui facilitent le travail du tribunal administratif et lui permettront de statuer dans les 48 heures.

5.  CONSULTATIONS

Sur la saisine du ministère de l’intérieur, le Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel a rendu le 16 mai 2018 un avis favorable sur le présent article.

6.  MODALITES D’APPLICATION

La disposition proposée sera applicable lors du prochain renouvellement de l’Assemblée nationale et sur tout le territoire de la République française.

Ces mesures ne nécessitent aucune disposition règlementaire d’application.


ARTICLE 6 – REMPLACEMENT DES DEPUTES

1.  État des lieux

1.1.  Cadre général

Afin de limiter les élections partielles, le droit électoral prévoit le remplacement des députés par leurs suppléants élus en même temps qu’eux à cet effet.

Depuis la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, les députés nommés membres du Gouvernement peuvent, à l’expiration d'un délai d'un mois suivant la cessation de leurs fonctions ministérielles, retrouver leur siège de député (article 25 de la Constitution et article L.O. 176 du code électoral).

Le remplacement des députés pour incompatibilité entre les mandats électoraux a par ailleurs été récemment modifié par la loi organique n° 2014-125 du 14 février 2014 interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur.

L’article L.O. 176 du code électoral modifié par la loi susvisée prévoit ainsi qu’un député démissionnaire pour incompatibilité entre ses mandats peut être remplacé par son suppléant.

Dans d'autres cas de vacance de siège prévus par l’article L.O. 178 modifié du code électoral, tels que l’annulation de l’élection, la vacance causée par la démission d’office en cas de non-respect des règles de financement de la campagne électorale et prononcée par le Conseil constitutionnel, la démission pour convenance personnelle ou bien la déchéance du mandat à la suite d'une inéligibilité, des élections partielles sont organisées.

Toutefois, il ne peut être procédé à aucune élection partielle dans les douze mois qui précèdent l’expiration des pouvoirs de l’Assemblée nationale (L.O. 178 du code électoral).

 

Article du code électoral

Motif

Remplacement/partielle

L.O. 176

Décès du député

Remplacement par son suppléant

L.O. 176

Nomination à des fonctions gouvernementales

Remplacement par son suppléant

L.O. 176

Annulation de l’élection

Election partielle

L.O. 176

Démission d’office prononcée par le Conseil Constitutionnel

Election partielle

L.O. 176 et L.O. 178

Démission volontaire (pour autre motif qu’une incompatibilité prévue par les articles L.O. 137, L.O.137-1, L.O.141 et L.O. 141-1)

Election partielle

L.O. 176

Démission pour incompatibilité au titre des articles L.O. 141 et L.O. 141-1

Il convient de distinguer deux situations :

1) Un député qui, en cours de mandat, acquiert une fonction exécutive locale et qui démissionne de son mandat de député pour incompatibilité est remplacé par son suppléant à l’Assemblée nationale.

2) A l’inverse, si un député nouvellement élu et détenant simultanément un mandat exécutif local démissionne de ce mandat parlementaire, il ne pourra pas être remplacé par son suppléant et des élections partielles devront être organisées. En effet, les nouvelles dispositions relatives au cumul obligent désormais un député nouvellement élu de démissionner des fonctions exécutives locales qu’il détenait antérieurement (article L.O. 151), si tel était le cas. Ainsi, si ce dernier décide de démissionner de son mandat de député, une telle démission ne doit pas être analysée comme une démission pour incompatibilité mais comme une démission volontaire provoquant de ce fait une élection partielle.

1.2.  Cadre constitutionnel

L’article 25 de la Constitution dispose qu’une « loi organique fixe la durée des pouvoirs de chaque assemblée, le nombre de ses membres, leur indemnité, les conditions d'éligibilité, le régime des inéligibilités et des incompatibilités.

« Elle fixe également les conditions dans lesquelles sont élues les personnes appelées à assurer, en cas de vacance du siège, le remplacement des députés ou des sénateurs jusqu'au renouvellement général ou partiel de l'assemblée à laquelle ils appartenaient ou leur remplacement temporaire en cas d'acceptation par eux de fonctions gouvernementales ».

Dans sa décision n° 2014-689 DC du 13 février 2014 relative à la loi organique interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur, le Conseil constitutionnel a jugé conforme à la Constitution les articles L.O. 176 à L.O. 178 modifiés du code électoral sur le remplacement des parlementaires.

Par ailleurs, dans sa décision n° 2008-572 DC du 8 janvier 2008 relative à la loi organique portant application de l’article 25 de la Constitution, le Conseil Constitutionnel a jugé, dans son considérant 6, que « le premier alinéa des articles LO 176 et LO 319 fixe les règles de remplacement des parlementaires élus au scrutin majoritaire en cas de décès, d'acceptation des fonctions de membre du Conseil constitutionnel ou de prolongation au-delà du délai de six mois d'une mission temporaire confiée par le Gouvernement ; que le premier alinéa de l'article LO 320 fait de même pour les sénateurs élus au scrutin de liste dont le siège devient vacant pour toute autre cause que l'acceptation de fonctions gouvernementales ; que la première phrase du second alinéa des articles LO 176 et LO 319 et le deuxième alinéa de l'article LO 320 fixent les règles de remplacement temporaire des députés et sénateurs en cas d'acceptation de fonctions gouvernementales en précisant que le remplacement temporaire prend fin à l'expiration d'un délai d'un mois suivant la cessation des fonctions ministérielles ; que ces dispositions ne sont pas contraires à la Constitution ».

2.  NECESSITE DE LEGIFERER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1.  Nécessité de légiférer

Une loi organique est nécessaire pour modifier les conditions de remplacement des parlementaires en application du premier alinéa de l’article 25 de la Constitution. Les règles de remplacement applicables aux élections législatives résultent des dispositions des articles L.O. 176 à L.O. 178-1 du code électoral.

Par renvoi de l’article L.O. 328 du code électoral, ces dispositions sont applicables aux députés élus par les Français établis hors de France.

Contrairement aux dispositions relatives aux inéligibilités et aux incompatibilités, celles relatives au remplacement des sénateurs ne sont pas fixées par renvoi aux dispositions applicables aux députés (excepté l’article L.O. 321 qui renvoie à l’article L.O. 177) mais sont exposées aux articles L.O. 319 à L. 324 du code électoral.

Prévoir le remplacement des députés élus au scrutin de liste est absolument nécessaire, sans quoi les sièges devenus vacants le demeureraient, au risque de priver l’Assemblée nationale de plusieurs élus.

Par ailleurs, il convient de prévoir le cas d’une annulation par le Conseil constitutionnel des opérations électorales dans la circonscription unique ou bien dans la circonscription des Français établis hors de France. Une telle annulation aurait pour effet d’annuler l’élection des quatre-vingt-sept députés élus au scrutin de liste ou bien des députés élus par les Français établis hors de France. Dans ce cas, le remplacement par les suivants de liste n’est pas envisageable et un nouveau scrutin doit être organisé. Cependant les dispositions actuelles de l’article L.O. 178 relatives à l’organisation d’élections partielles sont spécifiques au scrutin majoritaire et ne peuvent pas être étendues au scrutin de liste. Une disposition spécifique doit donc prévoir ce cas de figure.

2.2.  Objectifs poursuivis

Le présent article entend adapter les modalités de remplacement des députés selon qu’ils sont élus au scrutin majoritaire, en conservant les principes actuels établis par la loi n° 2014-125 du 14 février 2014, ou selon qu’ils sont élus au scrutin proportionnel. Dans ce second cas, l’objectif est de limiter le recours aux élections partielles dans la circonscription unique et de prévoir un remplacement par le suivant de liste quelle que soit la cause de la vacance du siège de député, sauf en cas d’annulation des opérations électorales dans l’ensemble de la circonscription.

Un nouvel article L.O. 176-1 régit spécifiquement le remplacement des députés élus au scrutin de liste et notamment (quatrième alinéa) lorsqu’ils acceptent des fonctions gouvernementales.

A l’article L.O 178, un nouvel alinéa prévoit le cas de l’annulation par le Conseil constitutionnel des opérations électorales dans la circonscription unique ou dans la circonscription des Français établis hors de France. L’article 6 entend ainsi apporter de la clarté et de la lisibilité dans le processus de remplacement des députés.

3.  OPTIONS ENVISAGEES ET DISPOSITIF RETENU

L’option retenue maintient, pour les parlementaires élus au scrutin majoritaire à deux tours, le dispositif de l’article L.O. 176 mis en place par la loi organique de 2014 susmentionnée qui a modifié les règles de remplacement des parlementaires en cas de cumul de mandat selon les modalités décrites plus haut. L’article 6 du projet de loi organique vient cependant préciser à l’article L.O. 176 que les députés ayant accepté des fonctions gouvernementales reprennent l’exercice de leur mandat à l’expiration d’un délai d’un mois suivant la cessation de leurs fonctions.

Par ailleurs, les parlementaires élus au scrutin de liste sont remplacés, quelle que soit la cause de la vacance, par la première personne non élue dans l’ordre de la liste des candidats dont ils sont issus (nouvel article L.O. 176-1). Ce mode de remplacement est inspiré des autres scrutins de listes telles que les élections municipales et régionales (articles L. 270 et L. 360 relatifs au remplacement des conseillers municipaux et régionaux). Cette disposition s’applique aux députés élus au scrutin de liste national mais également aux députés élus au scrutin de liste par les Français établis hors de France.

L’article 25 de la Constitution ne limite aucunement les cas dans lesquels un député peut être remplacé par son suppléant. Au contraire, en indiquant qu’une loi organique doit prévoir « les conditions » dans lesquelles les suppléants sont amenés à remplacer les députés, cet article admet une large application du remplacement du député par son suppléant, d’autant plus que ce dernier est élu en même temps que le député en toute connaissance de cause par l’électeur.

En outre, en cas d’annulation des opérations électorales dans la circonscription unique, il est procédé à une élection dans les trois mois. Cette élection n’est pas qualifiée « d’élection partielle » car il s’agit d’une élection sur l’ensemble de la circonscription unique de l’ensemble des députés élus au scrutin de liste. Cette disposition introduite à l’article L.O. 178 du code électoral inclut également les députés élus au scrutin de liste par les Français établis hors de France. Ces derniers étant dorénavant élus au scrutin de liste à la représentation proportionnelle dans une circonscription fusionnant les circonscriptions actuelles des Français de l’étranger, il est nécessaire de prévoir également le cas de l’annulation par le Conseil constitutionnel des opérations électorales dans cette dernière. Ainsi, en cas d’annulation des opérations électorales dans la circonscription des Français établis hors de France, il est également procédé à une élection dans les trois mois.

Enfin, à la différence des dispositions de l’article L.O. 178 qui prévoient, pour certains cas définis, le remplacement des députés élus au scrutin majoritaire en procédant à une élection partielle, le projet de loi organique ne prévoit aucune élection partielle pour le remplacement de députés élus au scrutin proportionnel. En effet, eu égard au fait que le remplacement par le suivant de liste est prévu quelle que soit la cause de la vacance et que les listes de candidats comptent plusieurs dizaines de personnes, le risque qu’un siège demeure vacant, sans remplacement possible, est quasiment nul. Par ailleurs, si ce cas exceptionnel se présente, organiser une élection partielle dans la circonscription unique pour une seule personne apparaît disproportionné. Dans ce cas, le siège demeurerait vacant. Pour les mêmes raisons, et parce que les listes de candidats doivent comporter quatre noms supplémentaires, aucune élection partielle n’est prévue dans la circonscription des Français établis hors de France.

 

4.  ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGEES

Les impacts de la présente disposition sont essentiellement de nature juridique et limités dans la mesure où l’essentiel des modifications reprennent en les adaptant les dispositifs actuels de remplacement des députés élus au scrutin majoritaire. Cette mesure se traduira par la modification de la rédaction des articles L.O. 176, L.O. 176-1 et L.O. 178 du code électoral.

5.  MODALITES D’APPLICATION

Aucune disposition réglementaire ne sera nécessaire pour l’application des nouvelles dispositions du chapitre IX du titre II du livre Ier du code électoral.

La disposition proposée sera applicable lors du prochain renouvellement de l’Assemblée nationale et sur tout le territoire de la République française.


ARTICLE 7 – CONTENTIEUX EN CAS D’INELIGIBILITE D’UN CANDIDAT AU SCRUTIN DE LISTE

1.  ETAT DES LIEUX

1.1.  Cadre général

Le chapitre VI de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel détermine les règles de procédure applicables au contentieux de l’élection des députés et des sénateurs. L’ensemble de ces dispositions est codifié pour les députés au chapitre X du titre II du livre Ier du code électoral (articles L.O. 179 à L.O. 189). Par renvoi, l’article L.O. 325 du code électoral rend applicable ces dispositions à l’élection des sénateurs.

Ces dispositions déterminent notamment les modalités de saisine du Conseil constitutionnel, les délais de recours, la qualité pour agir des requérants, le contenu des requêtes ainsi que les pouvoirs du Conseil constitutionnel. L’article 45 de l’ordonnance précitée (auquel l’article L.O. 189 du code électoral renvoie) dispose notamment que : « sous réserve d'un cas d'inéligibilité du titulaire ou du remplaçant qui se révélerait ultérieurement, le Conseil constitutionnel statue sur la régularité de l'élection tant du titulaire que du remplaçant. ». La jurisprudence du Conseil précise que l’inéligibilité de l’un, le titulaire ou le remplaçant, entraîne l’annulation de l’élection des deux personnes, le titulaire et le remplaçant[20]. La régularité de l’élection d’un député dans une circonscription s’apprécie donc globalement pour le titulaire et son remplaçant.

1.2.  Cadre constitutionnel

Le contentieux relatif à l’élection des députés et des sénateurs relève de la compétence du Conseil constitutionnel en application de l’article 59 de la Constitution qui dispose que : « Le Conseil constitutionnel statue, en cas de contestation, sur la régularité de l'élection des députés et des sénateurs ». Ses décisions ne sont susceptibles d’aucun recours. L’article 63 de la Constitution dispose qu’une loi organique détermine « la procédure qui est suivie devant lui ».

2.  NECESSITE DE LEGIFERER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1.  Nécessité de légiférer

Le dispositif prévu à l’article L.O. 189 du code électoral ne permet pas de traiter la situation du député élu au scrutin de liste mentionné au III de l’article L. 123 du code électoral tel qu’institué par le projet de loi ordinaire. Dans le cas d’une élection au scrutin de liste le remplaçant de chaque député élu est la première personne non élue dans l’ordre de la liste des candidats dont le député est issu. De ce fait, le remplaçant ne peut être connu avant la proclamation des résultats. De même, la notion de remplaçant dans le cadre d’un tel mode de scrutin n’est pas attachée à une personne en particulier mais à l’ordre de la liste qui est modifié au gré des remplacements. Ainsi, la disposition de l’article L.O. 189 du code électoral ne peut pas être transposée aux quatre-vingt-sept députés et à leurs remplaçants élus au scrutin de liste, faute de quoi l’inéligibilité d’une seule personne élue sur une liste de candidats entraînerait l’annulation de l’élection de l’ensemble des personnes élues sur cette liste et donc d’une partie substantielle de la part des députés élus au scrutin de liste national. Cette annulation générale de tous les élus de la même liste apparaît disproportionnée. Le présent article ne traite pas non plus du cas d’un suivant de liste non élu, potentiellement remplaçant, dont le Conseil constitutionnel constaterait l’inéligibilité. Il semble donc nécessaire de préciser à l’article 45 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 les conséquences de l’inéligibilité d’un élu ou d’un candidat au scrutin de liste sur la régularité de l’élection des quatre-vingt-sept députés élus selon ce nouveau mode de scrutin.

2.2.  Objectifs poursuivis

La présente disposition vise à adapter le contentieux du Conseil constitutionnel à l’élection d’une partie des députés au scrutin de liste tel que proposé par le projet de loi ordinaire en leur déclinant les règles déjà applicables aux autres élus au scrutin de liste, à savoir les conseillers régionaux et les conseillers municipaux. Il s'agit de prévoir le remplacement par le suivant de liste du député dont l'élection aura été invalidée par le juge électoral afin d'assurer à l'Assemblée nationale une stabilité en cas de contentieux. L’article 7 prévoit également la suppression du candidat suivant de liste non élu de la liste des candidats ayant vocation à remplacer les élus de la même liste si le Conseil constitutionnel constate son inéligibilité.

3.  OPTIONS ENVISAGEES ET DISPOSITIF RETENU

3.1.  Option retenue

Le présent article propose d’ajouter un alinéa à l’article 45 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel en précisant que l’inéligibilité d’un élu au scrutin de liste n’entraîne l’annulation de l’élection que de ce seul élu et non de l’ensemble des élus de sa liste. Le Conseil constitutionnel proclame dans ce cas l’élection du suivant de la liste.

Cette proposition s’inspire des dispositions applicables à l’annulation de l’élection des élus au scrutin régional. En effet le dernier alinéa de l’article L.361 du code électoral dispose que : « La constatation par le Conseil d'Etat de l'inéligibilité d'un ou plusieurs candidats n'entraîne l'annulation de l'élection que du ou des élus inéligibles. Le Conseil d'Etat proclame en conséquence l'élection du ou des suivants de liste. ». De même pour les conseillers municipaux, l’article L. 270 du code électoral dispose que : « La constatation, par la juridiction administrative, de l'inéligibilité d'un ou plusieurs candidats n'entraîne l'annulation de l'élection que du ou des élus inéligibles. La juridiction saisie proclame en conséquence l'élection du ou des suivants de liste. ».

Il est proposé de ne pas introduire de précisions supplémentaires concernant le contentieux relatif aux députés élus scrutin de liste étant donné que l’ensemble des autres dispositions prévues par l’ordonnance du 7 novembre 1958 et par le code électoral peuvent s’appliquer sans que des ajustements supplémentaires soient nécessaires.

L’article 7 modifie également l’article L.O. 189 du code électoral afin de renvoyer à l’article 45 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 conformément aux recommandations de la Commission supérieure de codification qui préconise d’éviter la technique de rédaction consistant à maintenir deux textes de même contenu dont l’un se contente de recopier l’autre.

La loi organique n° 2011-410 du 14 février 2011 a ainsi modifié la rédaction des articles L.O. 179, L.O. 180 et L.O. 181 du code électoral pour substituer à la rédaction « code suiveur » une rédaction qui renvoie simplement à l’ordonnance de 1958.

3.2.  Options non retenues

L’autre option aurait été de déclarer inéligibles tous les candidats d'une même liste, puisqu'ils sont juridiquement solidaires. Cependant cette option risque de créer des vacances nombreuses au sein de l’Assemblée nationale et de déstabiliser les équilibres politiques.

Il aurait également pu être envisagé de ne pas traiter du cas d’un candidat non élu. Cependant, lors de la prise de candidature, si un candidat d’une liste n’est pas éligible, la candidature de cette dernière ne peut être enregistrée. Ainsi, un candidat non élu qui n’était pas éligible lors du scrutin ne peut valablement prétendre à demeurer sur une liste et être appelé à remplacer un siège vacant de député. Il est donc logique de prévoir de le supprimer de la liste des candidats ayant vocation à remplacer les élus de la même liste.

4.  ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGEES

4.1.  Impacts juridiques

Etant donné que la disposition envisagée découle du nouveau mode de scrutin, elle n’a aucun impact sur le droit existant en matière du contentieux de l’élection des députés élus au scrutin majoritaire. La rédaction proposée visant l’élection au scrutin de liste et non spécifiquement le scrutin mentionné au III de l’article L. 123, elle est applicable par renvoi aux sénateurs élus au scrutin de liste.

4.2.  Impacts sur les services

L’élection de quatre-vingt-sept députés au scrutin de liste nécessitera pour les services du Conseil constitutionnel ainsi que pour les services du ministère de l’intérieur d’appréhender un contentieux d’un type nouveau concernant les députés. Cependant, le contentieux relatif au scrutin de liste existant déjà pour l’élection d’une partie des sénateurs, ces impacts devraient être réduits.

5.  MODALITES D’APPLICATION

La disposition proposée sera applicable à l’élection des sénateurs lors du renouvellement des séries du Sénat en septembre 2021 et à l’élection des députés lors du prochain renouvellement de l’Assemblée nationale. Elle sera applicable sur tout le territoire de la République française.

Cette disposition ne nécessite aucune mesure d’application réglementaire, mise à part, le cas échéant et à son appréciation, une mise à jour par le Conseil constitutionnel de son règlement relatif à l’élection des députés et des sénateurs.


ARTICLE 8 – INELIGIBILITES DES DIPLOMATES

1.  ETAT DES LIEUX

L’article L.O. 328 du code électoral prévoit l’application de l’ensemble des dispositions organiques du titre II du livre Ier de ce dernier (relatif à l’élection des députés) à l’élection des députés des Français établis hors de France, à la seule exception de celles de l’article L.O. 132 relatives aux inéligibilités des membres du corps préfectoral et de divers fonctionnaires. Ce renvoi était ainsi facilité par le fait qu’en l’état actuel du droit, les députés des Français établis hors de France partagent avec leurs homologues élus en métropole et en outre-mer le même mode de scrutin uninominal majoritaire à deux tours.

Le même type de renvoi est opéré s’agissant des sénateurs représentant les Français établis hors de France, l’article 2 de la loi organique n° 83-499 du 17 juin 1983 relative à la représentation au Sénat des Français établis hors de France rendant applicables à leur élection les conditions d’éligibilité et d’inéligibilité des députés par renvoi à l’article L.O. 296.

L’article L.O. 329 du même code construit quant à lui le régime d’inéligibilité des membres du corps diplomatique en miroir de celui applicable en vertu de l’article L.O. 132 précité.

D’une part, il rend inéligibles les chefs de mission diplomatique et de poste consulaire à l’élection des députés des Français de l’étranger dans toute circonscription dans laquelle ils exercent ou ont exercé depuis moins de trois ans à la date du scrutin, de même que les préfets sont inéligibles dans toute circonscription comprise dans le ressort dans lequel ils accomplissent ou ont accompli leur mission avec le même délai.

D’autre part, il pose la même interdiction pour d’autres fonctionnaires exerçant à l’étranger (adjoints des chefs de mission diplomatique et consulaire, chefs de missions militaires et des services civils et leurs adjoints, fonctionnaires consulaires honoraires, officiers exerçant un commandement dans la circonscription) mais avec un délai différent (une année au moins doit séparer l’exercice des fonctions précitées de la date du scrutin pour permettre l’éligibilité).

2.  NECESSITE DE LEGIFERER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1.  Nécessité de légiférer

Une loi organique est nécessaire pour adapter le régime des renvois aux dispositions ayant valeur organique prévu par l’article L.O. 328 du code électoral et le régime d’inéligibilités des fonctionnaires exerçant à l’étranger prévu à l’article L.O. 329.

2.2.  Objectifs poursuivis

Par souci de sécurité juridique, il est d’abord nécessaire de tirer les conséquences du passage au scrutin de liste à la représentation proportionnelle pour l’élection des députés des Français établis hors de France, et de l’introduction d’un scrutin national de liste pour quatre-vingt-sept députés. Il convient donc d’exclure du renvoi aux dispositions organiques du titre II du livre Ier du code relatives à l’élection des députés celles spécifiques aux députés élus au scrutin majoritaire.

En outre, dans le cadre des élections législatives, les ambassadeurs et chefs de postes diplomatiques doivent être inéligibles non seulement dans les circonscriptions des Français de l’étranger mais également dans la circonscription unique dans laquelle seront élus les députés élus au scrutin de liste par l’ensemble des Français, comme les préfets en poste territorial.

3.  OPTIONS ENVISAGEES ET DISPOSITIF RETENU

3.1.  Option écartée : Rendre les ambassadeurs éligibles au scrutin national de liste

Cette option aurait été délicate à justifier pour les ambassadeurs qui représentent l’Etat au même titre que le font les préfets dont le projet de loi prévoit qu’ils sont eux aussi inéligibles à l’élection des quatre-vingt-sept députés au scrutin de liste lorsqu’ils sont en poste territoriaux. Ces députés sont élus par l’ensemble des Français, qu’ils résident en France ou qu’ils soient établis à l’étranger.

3.2.  Option retenue : Rendre les ambassadeurs inéligibles aux scrutins de liste dans la circonscription nationale unique comme dans la circonscription des Français établis hors de France

Cette option permet d’aligner le régime d’inéligibilité des ambassadeurs sur celui des préfets en poste territorial et permet également de les protéger de tout risque de conflit d’intérêts entre l’exercice de leurs fonctions et d’éventuels desseins électoraux.

4.  ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGEES

4.1.  Impacts juridiques

La rédaction des articles L.O. 328 et L.O. 329 du code électoral sera modifiée par la présente disposition.

Les dispositions spécifiques de l’article 2 de la loi organique n° 83-499 du 17 juin 1983 ne seront quant à elles pas modifiées.

Enfin, la question de l’organisation d’une élection partielle dans la circonscription des Français établis hors de France n’est pas réglée par la présente disposition mais par le 3° de l’article 6 du présent projet de loi organique relatif au remplacement des députés, qui modifie l’article L.O. 178 du code électoral.

4.2.  Impacts sur les services

Les agents du ministère de l’intérieur, en charge de la prise de candidatures pour l’élection des députés de la circonscription unique, devront vérifier le respect de la présente disposition avant de délivrer un récépissé définitif de candidature.

4.3.  MODALITES D’APPLICATION

Le présent article s’applique à l’occasion du prochain renouvellement général de l’Assemblée nationale s’agissant de l’élection des députés, et lors du renouvellement des séries du Sénat en septembre 2021 s’agissant de l’élection des sénateurs.


ARTICLE 9 – DISPOSITIONS APPLICABLES OUTRE-MER

1.  État des lieux

1.1.  Cadre général

Le nombre de sénateurs élus en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Wallis-et-Futuna, Mayotte, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon, est actuellement déterminé par des dispositions organiques spécifiques (soit respectivement les articles L.O. 438-1, L.O. 473, L.O. 500, L.O. 527 et L.O. 555 du code électoral). Il en va de même de l’effectif de sénateurs (douze au total, renouvelés par moitié tous les trois ans) élu par les Français établis hors de France, fixé à l’article 1er de la loi organique n° 83-499 du 17 juin 1983 modifiée relative à la représentation au Sénat des Français établis hors de France.

1.2.  Cadre constitutionnel

En vertu de l’article 24 de la Constitution, seule la détermination de l’effectif national des sénateurs et des députés est de rang organique. Par ailleurs, pour les collectivités régies par l’article 74 de la Constitution, le nombre de sénateurs qu’elles désignent ne ressortit pas des matières statutaires devant nécessairement être déterminées par une loi organique en vertu de ce même article.

Il en allait de même avant 2009 de la détermination des effectifs des députés dans ces mêmes collectivités, qui étaient fixés par des dispositions organiques particulières que le législateur a abrogées (I de l’article 8 de la loi organique n° 2009-38 du 13 janvier 2009 portant application de l'article 25 de la Constitution : « Les articles LO 176-1, LO 393-1, LO 455, LO 479, LO 506 et LO 533 du code électoral sont abrogés. »).

Le Conseil constitutionnel a validé ces dispositions[21] et les commentaires de la décision aux Cahiers indiquent : « Seules des raisons historiques expliquaient que le nombre de députés de ces collectivités figurât dans la loi organique. Dès lors que le constituant a plafonné le nombre de députés à cinq cent soixante-dix-sept, le Conseil constitutionnel a jugé, dans sa décision du 8 janvier 2009, que le législateur organique, en choisissant de fixer à ce niveau, dans l’article L.O. 119 du code électoral, le nombre total de députés et d’abroger, en conséquence, les dispositions organiques de ce code fixant le nombre de députés élus dans les collectivités d’outre-mer et en Nouvelle-Calédonie, n’avait pas méconnu la Constitution. »

2.  NECESSITE DE LEGIFERER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1.  Nécessité de légiférer

Le présent article propose de reproduire le dispositif adopté en 2009 pour les députés par la loi organique n° 2009-38 du 13 janvier 2009 relative à la commission prévue à l'article 25 de la Constitution et à l'élection des députés en l’adaptant aux sénateurs de Nouvelle-Calédonie, de Polynésie française, Wallis-et-Futuna, Mayotte, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon et à ceux représentant les Français établis hors de France.

2.2.  Objectifs poursuivis

Cet article poursuit essentiellement un objectif de simplification et d’amélioration de l’intelligibilité du droit électoral. Il est en effet paradoxal que l’effectif national des sénateurs, ne figure pas explicitement dans un article unique dans le code électoral, l’article 24 de la Constitution n’établissant que le nombre maximal de ses membres. S’agissant de l’une des deux assemblées parlementaires (article 24 de la Constitution), il paraît opportun que son effectif figure dans un article unique, aisément accessible.

Cet article adapte également la loi organique n°83-499 du 17 juin 1983 modifiée relative à la représentation au Sénat des Français établis hors de France aux dispositions introduites ou modifiées par la présente loi organique, car cette loi renvoie aux dispositions du code électoral relatives aux députés concernant les incompatibilités et l’enregistrement des candidatures et à celles relatives aux sénateurs concernant les remplacements.

3.  OPTIONS ENVISAGEES ET DISPOSITIF RETENU

3.1.  Option 1 (écartée : le statu quo)

La première option consistait à laisser subsister, dans le code électoral, des dispositions organiques spécifiques aux départements/collectivités énumérés fixant l'effectif respectif de leurs sénateurs.

3.2.  Option 2 (retenue) : l’abrogation ou la modification de ces dispositions

L’option de l’abrogation ou de la modification des dispositions organiques précitées a été privilégiée par le Gouvernement pour deux raisons :

-          le précédent de 2009 pour les députés a vu le législateur organique déterminer l’effectif total de députés élus par une unique disposition organique (art. L.O. 119 du code électoral) ;

-          la volonté de simplifier et de rendre plus intelligibles ces dispositions fondamentales du code électoral.

4.  ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGEES

Les articles L.O. 438-1 et L.O. 473 du code électoral sont abrogés. Il en va de même pour l’article 1er de la loi organique n° 83-499 du 17 juin 1983 modifiée relative à la représentation au Sénat des Français établis hors de France, qui fixe le nombre de sénateurs représentant ces derniers.

Les articles L.O. 500, L.O. 527 et L.O. 555 du code électoral sont modifiés afin de supprimer toute mention du nombre de sénateurs élu dans les collectivités de Saint-Barthélemy (L.O. 500), Saint-Martin (L.O 527) et Saint-Pierre-et-Miquelon (L.O. 555).

L’article 3 de la loi organique n° 83-499 du 17 juin 1983 est également modifié afin de remplacer la référence à l’article L.O. 160 du code électoral par la référence à l’article L.O. 163-1-C nouveau relatif au refus d’enregistrement des candidatures au scrutin de liste (les sénateurs des Français établis hors de France étant élus au scrutin de liste). Son article 4 est également modifié afin de rendre applicable l’article L.O. 189 aux sénateurs élus par les Français établis hors de France.

5.  MODALITES D’APPLICATION

Cet article est applicable sur l’ensemble du territoire de la République. Il entrera en vigueur à l’occasion du renouvellement des séries du Sénat en septembre 2021.


ARTICLE 10 – PARRAINAGE DES CANDIDATS A L’ELECTION PRESIDENTIELLE

1.  ETAT DES LIEUX

1.1.  Cadre général

Deux dispositions de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel nécessitent d’être modifiées, en conséquence directe de l’adoption du présent projet de loi organique :

-          la détermination du « département de rattachement » des députés élus au scrutin de liste présentant une candidature ;

-          l’actualisation du « compteur ».

1.2.  Cadre constitutionnel

La loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel ne peut être modifiée que par une loi organique, conformément au troisième alinéa de l’article 6 de la Constitution, ainsi rédigé : « Les modalités d'application du présent article sont fixées par une loi organique. »

2.  NECESSITE DE LEGIFERER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1.  Nécessité de légiférer

2.1.1.               La détermination du « département » des députés élus au scrutin de liste

Les candidatures à l’élection présidentielle obéissent à des règles particulières largement dérogatoires au droit commun. En particulier, il n’existe pas de dépôt matériel des candidatures devant un service de l’Etat chargé de vérifier le respect des prescriptions légales tenant à la composition de la déclaration de candidature, à l’existence d’une circonscription électorale, etc. La règle prévue par la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel repose essentiellement sur un dispositif de présentation des candidatures, communément appelées « parrainages ».

Pour voir son nom inscrit valablement sur la liste établie par le Conseil constitutionnel, le candidat à cette élection doit, non seulement respecter un certain nombre de prescriptions auxquelles le Conseil constitutionnel est chargé de veiller par ailleurs, mais surtout au préalable, à titre principal même, être présenté par au moins 500 élus titulaires d’un des mandats que le I de l’article 3 de la loi précitée du 6 novembre 1962 énumère. Pour souligner le caractère à la fois représentatif et national de cette candidature, les présentations doivent émaner d’au moins 30 départements différents.

2.1.2.               La notion de département « virtuel »

La loi susmentionnée comporte en conséquence autant d’adaptations qu’il existe de situations particulières, soit pour assimiler une collectivité ou un territoire géographique à un département, soit pour en créer virtuellement un de référence.

Entre dans le champ de la première catégorie de départements celui regroupant l’ensemble des territoires situés hors de France susceptibles de constituer l’assise des personnes élues à l’étranger ou représentant les Français établis hors de France, à savoir :

-          les sénateurs représentant les Français établis hors de France ;

-          les députés élus par les Français établis hors de France ;

-          les membres de l’Assemblée des Français de l’étranger.

 

Dans le même registre, la Nouvelle-Calédonie est assimilée à un département, même si elle comprend aussi trois autres collectivités territoriales, à savoir les provinces Nord, Sud et celle des Îles. Y sont donc réputés élus les maires, les parlementaires de Nouvelle-Calédonie, les membres tant du congrès que des assemblées de province, ainsi que le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.

Entrent dans la deuxième catégorie de départements le regroupement de certains élus dont le rattachement territorial risquerait de poser question : les représentants français au Parlement européen élus en France. La loi organique n° 2001-100 du 5 février 2001 modifiant la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel a ajouté ces élus à la liste de ceux dotés du droit de présenter un candidat.

Le même texte a précisé que : « les ressortissants français membres du Parlement européen élus en France sont réputés être les élus d'un même département ». L’assimilation de ces élus à un département virtuel séparé date du temps où l’élection se déroulait dans une circonscription unique. La création de huit circonscriptions particulières par la loi n° 2003-327 du 11 avril 2003 relative à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques n’a pas changé cette règle. Pas davantage le retour à la circonscription unique.

2.1.3.               L’actualisation du « compteur »

Le projet de loi organique met à jour le « compteur » mentionné à l’article 4 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel.

On sait que les dispositions d’une loi organique renvoyant à des dispositions de niveau ordinaire confèrent à celles-ci pleine valeur organique. Mais c’est à la condition expresse que le texte de loi ordinaire soit appliqué dans la version en vigueur à la date de promulgation de la loi organique, ou, si cette précision est apportée expressément, de la dernière loi organique qui l’a modifiée.

Or la loi précitée du 6 novembre 1962 renvoie largement à la partie législative du code électoral, notamment pour les opérations de vote qui sont, pour l’essentiel, communes à la plupart des scrutins. C’est aussi le cas de certaines dispositions, notamment de prohibition, relatives à la campagne électorale.

2.2.  Objectifs poursuivis

2.2.1.               La notion de département « virtuel »

L’objectif essentiel poursuivi par cette mesure d’adaptation consiste à permettre aux députés élus au scrutin de liste d’exercer le droit de présenter un candidat à l’élection présidentielle dans les mêmes conditions de droit que les autres parlementaires et, d’une manière générale, des autres élus dotés du même droit.

2.2.2.               L’actualisation du « compteur »

Depuis l’élection présidentielle intervenue en 2012, l’article 4 de la loi susmentionnée a expressément fait l’objet d’actualisations successives par les dispositions suivantes :

-          l’article 10 de la loi organique n° 2013-906 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique ;

-          l’article 12 de la loi organique n° 2016-506 du 25 avril 2016 de modernisation des règles applicables à l'élection présidentielle ;

-          l’article 3 de la loi organique n° 2016-1047 du 1er août 2016 rénovant les modalités d'inscription sur les listes électorales des Français établis hors de France ;

-          le 2° du I de l’article1er de la loi organique n° 2017-1338 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique.

C’est donc une procédure de renvoi fréquente, opérée pour éviter que toute réforme récente portant sur l’organisation des élections ne puisse s’appliquer à l’élection présidentielle pour une raison purement formelle. Sous réserve des spécificités de cette élection, c’est une garantie tendant à ce que celle-ci se déroule dans les dispositions communes à l’ensemble des scrutins, en particulier les opérations de vote.

3.  OPTIONS ENVISAGEES ET DISPOSITIF RETENU

3.1.  Option écartée : les députés élus au scrutin de liste national choisissent le département au titre duquel ils souhaitent parrainer un candidat à l’élection présidentielle

La seule règle alternative invocable dans ce contexte très particulier serait celle prévue pour les élus à l’Assemblée de Corse : ceux-ci doivent se répartir entre les deux départements de Corse-du-Sud et de Haute-Corse dans les conditions prévues aux articles L. 293-1 et L. 293-2 du code électoral. Ces derniers déterminent les modalités de la procédure de répartition des membres de cette assemblée entre les deux collèges départementaux réunis pour l’élection des sénateurs.

L’équivalent pour les députés élus au scrutin de liste supposerait de déterminer pour chacun d’entre eux un département de rattachement lié à une caractéristique du mandat, laquelle n’apparaît pas. Certes, on pourrait penser aux départements dans lesquels ils sont électeurs : le département de rattachement serait alors celui de la commune d’inscription sur la liste électorale de laquelle ils figurent, le cas échéant, le département virtuel « hors de France » pour les candidats inscrits sur une liste électorale consulaire.

Mais le lien issu de l’appartenance à une liste électorale et celui issu du suffrage universel ne revêtent pas du tout le même aspect de légitimité. C’est pourquoi cette option a été écartée.

3.2.  Option retenue : les députés élus au scrutin de liste sont réputés être les élus d’un même département « virtuel »

Il est proposé de retenir une règle équivalente à celle des parlementaires européens pour les députés élus au scrutin de liste. En effet, le précédent constitué par la situation des représentants au Parlement européen invite à retenir une solution de simplicité déjà éprouvée dans le passé sans jamais, semble-t-il, n’avoir suscité la moindre difficulté d’interprétation. Ainsi, pour le calcul du nombre de départements ou collectivités dont doivent provenir les personnes habilités à parrainer un candidat, les députés élus au scrutin de liste national seront réputés être les élus d’un même département.

C’est d’ailleurs le cas dans le droit actuel pour les députés des Français de l’étranger qui sont réputés être les élus d’un même département, alors même qu’ils sont actuellement élus au sein de 11 circonscriptions législatives différentes.

4.  ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGEES

La présente disposition conduira à la modification de la rédaction de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel.

5.  MODALITES D’APPLICATION

Ces dispositions sont applicables sur l’ensemble du territoire de la République et prennent effet à l’occasion du prochain renouvellement de l’Assemblée nationale.

 


Chapitre II – De la limitation dans le temps de l’exercice des mandats parlementaires et des fonctions exécutives locales

ARTICLE 11 – NON CUMUL DANS LE TEMPS DES MANDATS PARLEMENTAIRES

1.  État des lieux

1.1.  Cadre général

Dans le passé, l’Assemblée constituante de la Révolution française avait décidé (décret du 16 mai 1791) de rendre inéligibles à la prochaine élection législative les députés sortant de la Constituante. Ainsi, l’Assemblée nationale législative élue entre le 29 août et le 5 septembre 1791 fut entièrement constituée de nouveaux élus.

Depuis, les situations de cumul de mandats, à la fois simultanés (entre mandats de niveaux différents) ou consécutifs se sont répandues, de sorte que le législateur est intervenu afin d’encadrer ces pratiques avec les lois organiques et ordinaires des 30 décembre 1985, 5 avril 2000, 17 mai 2013 et 14 février 2014. Cette dernière a considérablement renforcé l’interdiction de cumul d’un mandat parlementaire avec des fonctions exécutives locales. Toutefois, aucune limitation du cumul dans le temps n’existe actuellement s’agissant des parlementaires comme des détenteurs de fonctions exécutives locales.

Dès lors, le présent article, qui vise à introduire un dispositif inédit, s’inscrit directement dans la démarche de revitalisation de la démocratie.

1.2.  Cadre constitutionnel

L’article 25 de la Constitution dispose qu’une « loi organique fixe la durée des pouvoirs de chaque assemblée, le nombre de ses membres, leur indemnité, les conditions d'éligibilité, le régime des inéligibilités et des incompatibilités ».

Une loi organique est ainsi nécessaire pour limiter le cumul des mandats dans le temps, en créant une nouvelle inéligibilité liée à la limitation du nombre de mandats successifs pour les parlementaires nationaux. Le législateur organique doit, en introduisant une telle limitation de la liberté de candidater, poursuivre un impératif d’intérêt général et prévoir un dispositif proportionné au but poursuivi.

En l’espèce, l’interdiction du cumul dans le temps des mandats constitue un cas d’inéligibilité. Elle répond à un intérêt général afin de permettre le renouvellement du personnel politique et est proportionnée à cet objectif.

Le Conseil constitutionnel reconnaît une grande marge de manœuvre au législateur organique pour définir les cas d’inéligibilités en application de l’article 25 de la Constitution, sur laquelle il n’exerce qu’un contrôle restreint. Dans sa décision n° 2011-628 DC du 12 avril 2011 il juge « que, si le législateur organique est compétent, en vertu du premier alinéa de l’article 25 de la Constitution, pour fixer les conditions d’éligibilité aux assemblées parlementaires, il ne saurait priver un citoyen du droit d’éligibilité dont il jouit en vertu de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 que dans la mesure nécessaire au respect du principe d’égalité devant le suffrage et à la préservation de la liberté de l’électeur ».

D’une part la limitation du nombre de mandats dans le temps est nécessaire afin de permettre le renouvellement du personnel politique. Cet objectif de renouvellement du personnel politique participe tant du « respect du principe d’égalité devant le suffrage » que de la « préservation de la liberté de l’électeur ». La mesure contribuera à favoriser la liberté de l’électeur en écartant les candidats qui exercent leurs fonctions depuis longtemps, qui bénéficient d’un avantage structurel par rapport à ceux qui se présentent pour la première fois au suffrage des électeurs. Elle contribuera également à la diversité des profils, des expériences et des générations.

D’autre part, l’atteinte portée au droit d’éligibilité par la présente disposition est très limitée. En premier lieu, l’interdiction ne concerne que le mandat identique et n’empêche pas, par exemple, le député sortant de se présenter aux élections sénatoriales ni à des élections locales avec lesquelles son mandat de député était incompatible. En deuxième lieu, l’interdiction vise trois mandats complets et successifs. Ainsi, une personne peut accomplir deux mandats de député puis un autre mandat politique, puis trois nouveaux mandats de députés. Elle peut aussi démissionner un an et demi avant la fin de son troisième mandat et alors se représenter. En troisième lieu, la mesure ne prend pas effet immédiatement. Seul le mandat en cours lors de l’entrée en vigueur de la loi organique est pris en compte dans le calcul des trois mandats complets et consécutifs. Toutes ces modalités retenues par le projet de loi organique assurent la conformité à la Constitution de la disposition sur la limitation du cumul dans le temps.

1.3.  Éléments de droit comparé

La limitation des mandats des parlementaires dans le temps est moins répandue à l’étranger que la limitation du cumul des mandats, mais certains systèmes juridiques la prévoient.

La Constitution mexicaine prévoit que « les sénateurs et les députés du congrès de l'Union ne pourront pas être réélus pour la période électorale qui suit immédiatement leur mandat », sauf s'ils n'ont pas exercé leur fonction (art. 59).

Au Portugal, la Constitution consacre « le principe du renouvellement » (art. 118) qui implique que « nul ne peut exercer à vie une fonction politique nationale, régionale ou locale. »

2.  NECESSITE DE LEGIFERER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1.  Nécessité de légiférer

Limiter le cumul des mandats des parlementaires dans le temps répond à l’engagement du Président de la République d’encourager la diversité et le pluralisme politique, de renouveler la classe politique et de rapprocher les élus des citoyens.

Limiter le cumul dans le temps des mandats des parlementaires revient à créer une nouvelle condition d’inéligibilité de ces derniers qui ne pourraient plus faire acte de candidature après avoir exercé plus de trois mandats consécutifs. Or, une loi organique est nécessaire pour modifier les conditions d’éligibilité et d’inéligibilité des parlementaires, en application du premier alinéa de l’article 25 de la Constitution.

Les règles d’éligibilité et d’inéligibilité applicables aux élections législatives résultent des dispositions des articles L.O. 127 à L.O. 136-4 du code électoral. Sous réserve de celles qui concernent l’âge d’éligibilité, ces dispositions sont rendues automatiquement applicables aux sénateurs par l’article L.O. 296 du même code. Par renvoi de l’article L.O. 328 du code électoral, elles le sont également aux députés élus par les Français établis hors de France.

2.2.  Objectifs poursuivis

Le non cumul des mandats parlementaires dans le temps répond à plusieurs objectifs :

-          favoriser le renouvellement des élus parlementaires en évitant une trop forte professionnalisation de la politique ;

-          encourager la diversité des parcours des parlementaires élus ;

-          revitaliser le lien représentatif ;

-          encourager la parité au Parlement ;

-          répondre aux attentes de la population française de moderniser les institutions.

3.  OPTIONS ENVISAGEES ET DISPOSITIF RETENU

3.1.  Option 1 : Fixer une inéligibilité absolue au-delà d’un nombre maximal de mandats par citoyen

Le non cumul des mandats pourrait aller jusqu’à limiter le nombre de mandats électoraux d’un citoyen français à un nombre défini de mandats, quels qu’ils soient. Une telle disposition lui interdirait d’être candidat à toute élection dès lors qu’il a déjà rempli le nombre maximum de mandats prévu par la loi. Ces restrictions limiteraient ainsi le cumul des mandats en continu dans le temps. Cette option prohibe à la fois le cumul de mandats simultanés et le cumul de mandat dans le temps long, l’ancien élu ne pouvant plus se représenter même après l’intervalle d’un mandat. Cette option va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi.

3.2.  Option 2 : Fixer une inéligibilité à vie par type de mandat, non consécutifs

Moins drastique, le non cumul des mandats peut être limité à des mandats identiques. Il s’agirait de fixer pour chaque type de mandat un nombre maximal à ne pas dépasser, exercé de manière consécutive ou non. Si ce nombre est limité à trois, cela signifie qu’une même personne ne pourra pas exercer plus de trois mandats de député, mais pourra par la suite exercer, au plus, par exemple trois mandats de sénateur.

Cette solution répond aux objectifs fixés par la loi de renouvellement des élus et de revitalisation du lien représentatif. Elle est toutefois d’une grande force.

3.3.  Option 3: Décompter les mandats qu’ils soient complets ou non

Le décompte des mandats nécessite de poser la question de la complétude ou non du mandat. D’une part il pourrait être proposé que tout mandat entamé est réputé entier et compte donc pour un mandat. Cependant ce mode de décompte, qui limite les possibilités de contournement de la règle, peut apparaître excessif car dans ce cas un élu qui verrait son élection annulée au bout de seulement quelques mois, quelle qu’en soit la raison, se verrait décompter un mandat, sans avoir véritablement pu l’exercer effectivement.

D’autre part, à l’inverse, il pourrait être envisagé de ne décompter que les mandats entiers et complets. Cependant cette option apparaît au contraire trop souple et risque d’entraîner de nombreux phénomènes de contournement tel que le fait pour un élu de démissionner quelques mois avant le terme de son mandat pour que ce dernier ne soit pas décompté. Cette option rendrait ainsi la mesure inopérante et ne répondrait pas aux objectifs fixés par la loi.

3.4.  Option retenue : inéligibilité, avec délai de viduité, au bout de trois mandats identiques consécutifs de député ou de sénateur, mandats incomplets de 365 jours pris en compte

L’option proposée par le présent article du projet de loi organique apparaît particulièrement équilibrée au regard des exigences constitutionnelles et des objectifs fixés par le gouvernement de moralisation de la vie publique. Concernant les députés, il est proposé de créer dans le code électoral, à l’article L.O. 127-1, une nouvelle inéligibilité qui empêche une personne de faire acte de candidature si elle a déjà exercé trois mandats consécutifs de député. Cette inéligibilité n’est pas à vie, mais n’est valable que pour l’élection qui suit le terme du troisième mandat. Est décompté tout mandat entier mais également tout mandat incomplet dès lors que la durée cumulée pendant laquelle il n’a pas été exercé est inférieure à 365 jours. Le mandat d’un député, nommé pour exercer des fonctions gouvernementales, sera pris en compte si ses fonctions gouvernementales sont exercées moins d’une année. Ce dispositif laisse une certaine liberté à l’élu car il ne s’applique pas au cumul de mandats différents. Un candidat peut ainsi être élu successivement député puis sénateur.

Ce système s’inscrit donc dans la continuité de la loi n° 2014-125 du 14 février 2014 susmentionnée interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur car il permet à un élu de se représenter ultérieurement après avoir atteint la limite fixée par la loi ou de se présenter à un mandat différent dans l’intervalle. Tout comme la loi organique susvisée, l’élu est contraint d’opérer un choix dans ses différents mandats.

Enfin, ce nouveau dispositif paraît proportionné à l’objectif recherché de renouvellement de la classe politique et de revitalisation de la démocratie locale. Le décompte des mandats apparaît également équilibré, ni trop restrictif, ni trop souple. Seuls les mandats complets ou incomplets de moins d’un an sont décomptés.

4.  ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGEES

4.1.  Impacts juridiques

La présente disposition se traduira par l’insertion d’un article L.O. 127-1 au sein du code électoral qui visera à renforcer le régime des inéligibilités des parlementaires.

Par renvoi, les dispositions de l’article L.O. 127-1 créé par le projet de loi organique seront applicables après leur entrée en vigueur aux députés élus dans la circonscription des Français établis hors de France et aux sénateurs. Cette nouvelle disposition sera applicable aux députés qu’ils soient élus au scrutin majoritaire ou bien au scrutin de liste.

4.2.  Impacts sur les services

Lors des prochaines élections législatives, les services préfectoraux et du ministère de l’intérieur chargés d’enregistrer les candidatures devront prendre en compte cette nouvelle inéligibilité. Elle sera mise en place sous le contrôle du juge de l’élection.

5.  MODALITES D’APPLICATION

Cette nouvelle disposition suppose de déterminer les modalités d’entrée en vigueur du dispositif.

Le projet de loi propose que le mandat en cours lors de son entrée en vigueur soit décompté. Ainsi, le mandat des parlementaires de la XVème législature sera compté pour un.


ARTICLE 12 – NON CUMUL DES FONCTIONS EXECUTIVES LOCALES DANS EN OUTRE-MER

1.  ETAT DES LIEUX

Les articles 74 et 77 de la Constitution confient à des lois organiques le soin de fixer, pour les collectivités de l’article 74 et la Nouvelle-Calédonie les règles d’organisation et de fonctionnement de leurs institutions.

Par conséquent, l'institution de nouvelles règles interdisant le cumul dans le temps des fonctions exécutives énumérées au chapitre II du projet de loi ordinaire portant réduction du nombre de parlementaires et réforme de l'élection des députés, qui relève de la compétence du législateur ordinaire, ne peut être appliquée dans les collectivités régies par l’article 74 de la Constitution et en Nouvelle-Calédonie que par des dispositions organiques.

L’article 74 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française limite d’ores et déjà le cumul du mandat de président de la Polynésie française à deux mandats successifs, disposition que le Conseil constitutionnel a jugée conforme à la Constitution (décision n° 2011-637 DC du 28 juillet 2011).

2.  OBJECTIFS POURSUIVIS

En cohérence avec le chapitre II du projet de loi ordinaire qui institue une limitation dans le temps du cumul des fonctions exécutives locales en métropole et dans les collectivités de l’article 73 de la Constitution, il est nécessaire d’organiser des règles similaires pour les collectivités de l’article 74 de la Constitution et la Nouvelle-Calédonie afin de respecter le principe constitutionnel d’égalité devant la loi ; principe rappelé par le Conseil Constitutionnel dans sa décision n° 2014-689 du 13 février 2014 relative à l’interdiction du cumul du mandat de parlementaire avec les fonctions de vice-président de l’assemblée de Corse.

3.  OPTIONS ENVISAGEES ET DISPOSITIF RETENU

L’interdiction de cumuler plus de trois fois consécutivement les fonctions de chef d’exécutif ou de président d’assemblée est rendue applicable dans les collectivités régies par l’article 74 de la Constitution et en Nouvelle-Calédonie, pour les fonctions suivantes :

-          Présidents des conseils territoriaux de Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre et Miquelon ;

-          La disposition de l’article 74 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 qui limite le cumul du mandat de Président de la Polynésie française à deux mandats successifs est abrogée afin de l’aligner sur celle l’interdiction envisagée dans le présent projet de loi ;

-          Président de l’assemblée territoriale de Wallis-et-Futuna ;

-          Président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et président du Congrès de la Nouvelle-Calédonie ainsi que présidents des assemblées de provinces.

Les règles de décompte des périodes d’exercice des fonctions énumérées ci-dessus sont identiques, pour ces collectivités, aux règles retenues pour le droit commun.

 

4.  ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGEES

La présente disposition conduira à modifier les livres II, III et IV de la sixième partie du code général des collectivités territoriales, la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française, la loi n° 61-814 du 29 juillet 1961 conférant aux îles Wallis et Futuna le statut de territoire d'outre-mer et la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie.

 

5.  MODALITES D’APPLICATION

Le décompte d’exercices consécutifs de la même fonction intègre la fonction en cours au moment de l’entrée en vigueur de l’article 11 du présent projet de loi organique.


CHAPITRE III – Dispositions relatives au Conseil constitutionnel

ARTICLE 13 – ENCADREMENT DE LA PROCEDURE DE REFERENDUM D’INITIATIVE PARTAGEE

1.  ETAT DES LIEUX

La loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Vème République a modifié l’article 11 de la Constitution afin de permettre la tenue d’un référendum portant sur un objet mentionné à l’alinéa premier de cet article, à l’initiative d’un cinquième des membres du Parlement soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales. L’initiative de ce référendum est dite « partagée », donnant la priorité à une initiative parlementaire, laquelle doit être soutenue ensuite par les citoyens.

 

L’initiative prend la forme d’une proposition de loi et ne peut concerner que les matières mentionnées au premier alinéa de l’article 11 de la Constitution[22]. Elle ne peut avoir pour objet l’abrogation d’une disposition législative promulguée depuis moins d’un an. Ce faisant, le constituant a entendu, en 2008, écarter l’idée que la nouvelle procédure puisse conduire à opposer le vote du peuple par référendum et celui de ses représentants au Parlement.

 

Ainsi, dans son rapport n° 1009 du 2 juillet 2008 sur le projet de loi constitutionnelle, M. Jean-Luc Warsmann, écrivait-il : « Le sous-amendement [introduisant cette disposition] a également permis de prévoir que la proposition de loi ne doit pas avoir pour objet l’abrogation d’une disposition législative promulguée depuis moins d’un an, cela afin d’éviter que ce référendum ne devienne une arme de contestation d’une nouvelle législation et pour ainsi dire d’obstruction du travail du législateur ». Les débats en séance publique dans les deux assemblées ont confirmé cette intention.

 

Par ailleurs, dans l’économie de la procédure prévue aux troisième à septième alinéas de l’article 11 de la Constitution, le recours au référendum n’est prévu que dans l’hypothèse où les deux assemblées n’ont pas examiné la proposition de loi dans un délai déterminé.

 

Le constituant a confié au Conseil constitutionnel la mission de contrôle de ces conditions et opérations. A cette fin, il a, d’une part, modifié l’article 61 de la Constitution pour y faire figurer les propositions de loi mentionnées à l’article 11 parmi les actes qui lui sont soumis de plein droit ; il a, d’autre part, inséré au quatrième alinéa de l’article 11 une disposition renvoyant à la loi organique le soin de déterminer les conditions dans lesquelles le Conseil constitutionnel contrôle le respect des conditions fixées au troisième alinéa, relatives au nombre des soutiens et à l’intangibilité des dispositions législatives promulguées depuis moins d’un an.

 

Sur ce fondement, la loi organique n° 2013-1114 du 6 décembre 2013, complétée par la loi n° 2013-1116 du 6 décembre 2013 portant application de l’article 11 de la Constitution, a opéré un certain nombre de choix.

 

Elle dispose que le Conseil constitutionnel est saisi dès le dépôt d’une proposition de loi sur le bureau de l’une ou l’autre des assemblées. Ainsi saisi, le Conseil constitutionnel est tenu d’en aviser immédiatement le président de la République, le Premier ministre ainsi que le président de l’autre assemblée.

 

Elle précise que le Conseil constitutionnel vérifie à ce stade, et dans un délai d’un mois à compter de la transmission de la proposition de loi :

-         que celle-ci est présentée par au moins un cinquième des membres du Parlement, ce cinquième étant calculé sur le nombre des sièges effectivement pourvus à la date d'enregistrement de la saisine par le Conseil constitutionnel, arrondi au chiffre immédiatement supérieur en cas de fraction[23] ;

-          que son objet respecte les conditions posées aux troisième et sixième alinéas de l'article 11 de la Constitution, les délais qui y sont mentionnés étant, selon les prévisions expresses de cette loi organique, calculés à la date d'enregistrement de la saisine par le Conseil constitutionnel[24] ;

-          et qu'aucune disposition de la proposition de loi n'est contraire à la Constitution, étant entendu que toute inconstitutionnalité interrompt la procédure.

 

A l’issue de cet examen, le Conseil constitutionnel statue par une décision motivée et publiée au Journal officiel. L’ouverture de la période de recueil des soutiens citoyens doit alors intervenir dans le mois suivant cette publication.

 

Il appartient enfin au seul Conseil constitutionnel de déclarer si la proposition de loi a obtenu le soutien d'au moins un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales et d’examiner toutes réclamations relatives à la régularité des opérations de recueil des soutiens. Sa décision est alors également publiée au Journal officiel.

 

Les assemblées disposent, à ce stade de la procédure – et dans un délai de six mois à compter de la publication au Journal officiel de cette dernière décision – de la possibilité d’examiner les dispositions de la proposition de loi. Un tel examen a pour effet de mettre fin à toute poursuite de la procédure, confiant ainsi au Parlement une réelle priorité d’examen. Ce n’est qu’à défaut d’examen par les deux assemblées dans le délai imparti que le chef de l’État est tenu d’organiser un référendum portant sur la proposition de loi.

2.  Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.  Nécessité de légiférer

La procédure de référendum d’initiative partagée a initialement été conçue comme un moyen de porter devant la représentation nationale un sujet, sous la forme d’une proposition de loi. Faute d’être examinée par les deux assemblées, la proposition de loi est alors portée devant le peuple par la voie du référendum, mais uniquement dans cette hypothèse. De la sorte, la procédure instituée en 2008 n’entendait pas introduire une concurrence des légitimités démocratiques, directe ou représentative.

 

C’est pourtant une telle mise en concurrence qui a été opérée à l’issue de l’examen puis du vote du projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises (PACTE). En effet, alors que le V de l’article 135 de ce projet de loi, qui autorise le transfert au secteur privé de la majorité du capital de la société Aéroports de Paris, a été définitivement adopté par le Parlement par un vote intervenu à l’Assemblée nationale le 11 avril 2019, une proposition de loi, présentée en application de l’alinéa 3 de l’article 11 de la Constitution, a été déposée le 10 avril 2019, soit la veille de l’adoption définitive de la loi PACTE.

 

Cette proposition de loi avait pour objet de prévoir que l'aménagement, l'exploitation et le développement des aérodromes de Paris-Charles-de-Gaulle, Paris-Orly et de Paris-Le Bourget revêtent le caractère d'un service public national au sens du neuvième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et rendre ainsi impossible toute privatisation de la société Aéroports de Paris. Cette proposition entrait dès lors en opposition directe avec les dispositions du V de l’article 135 de la loi PACTE tel qu’il a été adopté définitivement le 11 avril 2019.

 

Par une décision n° 2019-1 RIP du 9 mai 2019, le Conseil constitutionnel, saisi pour la première fois dans le cadre de cette procédure, a jugé remplies, à la date d’enregistrement de la saisine à laquelle la loi organique en vigueur lui impose de procéder à cette vérification, les exigences constitutionnelles et organiques préalables au recueil des soutiens des électeurs à cette proposition de loi. Une semaine après, par une décision n° 2019-781 du 16 mai 2019, le Conseil constitutionnel a déclaré les dispositions de la loi PACTE relatives à Aéroports de Paris – y compris le V de l’article 135 – conformes à la Constitution.

 

En conséquence, une proposition de loi présentée en application de l’alinéa 3 de l’article 11 de la Constitution a, conformément au texte actuel des dispositions organiques prises en application de l’alinéa 4 de cet article, été validée par le Conseil constitutionnel alors qu’elle a un objet contraire à une disposition législative définitivement adoptée par le Parlement le lendemain et promulguée quelques semaines plus tard.

 

Ce précédent met en lumière les conséquences qui s’attachent au choix fait par le législateur organique en 2013 de ne permettre le contrôle des conditions prévues aux troisième et sixième alinéas de l’article 11 qu’au stade et à la date de dépôt de la proposition de loi. Cet encadrement insuffisant s’est révélé avoir pour conséquence d’opposer les expressions de la souveraineté nationale par les représentants du peuple, d’une part, et par la voie référendaire, d’autre part.

 

Alors que le référendum d’initiative partagée devrait justement permettre d’allier ces deux modes d’expression, il peut conduire, en l’état de la loi organique, à les mettre en concurrence, voire les opposer, à rebours des intentions du constituant.

 

Il est donc nécessaire de préciser les dispositions organiques afin d’encadrer le dispositif pour que celui-ci ne puisse constituer un outil de contestation systématique du travail du législateur, dévoyant ainsi la réforme constitutionnelle voulue en 2008.

2.2.  Objectif poursuivi

La volonté du Gouvernement est d’éviter toute utilisation de l’initiative référendaire prévue par le troisième alinéa de l’article 11 qui conduirait à une concurrence entre les deux modalités d’expression de la souveraineté nationale.

3.  OPTIONS ENVISAGEES

3.1.  Option non retenue

La première option envisagée consistait à ne prévoir aucune modification de la procédure de référendum d’initiative partagée et ainsi ne tirer aucune conséquence des deux décisions du Conseil constitutionnel respectivement rendues les 9 et 16 mai 2019.

 

Il appartiendrait alors au Parlement, comme le prévoit le cinquième alinéa de cet article, de se saisir, dès lors que les seuils de parlementaires et de soutiens citoyens auraient été franchis, de toute proposition de loi référendaire ayant un objet contraire à celui de dispositions qu’il a régulièrement adoptées, afin d’écarter une telle initiative dans le délai de six mois fixé par l’article 9 de la loi organique n° 2013-1114. Seul l’examen par le Parlement d’une proposition de loi déposée sur le fondement du troisième alinéa de l’article 11 de la Constitution s’opposerait en effet à la poursuite d’une telle procédure et donc à la tenue d’un référendum[25].

 

Toutefois, cette solution présente l’inconvénient d’imposer au Parlement l’examen d’un texte sur lequel il a pris position explicitement quelques mois auparavant, réduisant par là-même le temps disponible pour l’examen d’autres textes. Par ailleurs, elle ne ferait pas obstacle à la mise en œuvre d’une procédure de recueil de soutiens citoyens s’apparentant à une forme d’appel des délibérations parlementaires, conduisant ainsi à une concurrence des légitimités.

3.2.  Option retenue

Le Gouvernement a retenu l’option consistant à introduire dans l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel un nouvel article 45-5-1 permettant au Conseil constitutionnel, saisi sur le fondement de l’article 61 de la Constitution d’une loi adoptée par le Parlement ayant le même objet ou un objet contraire à une proposition de loi déposée en application de l’alinéa 3 de l’article 11 de la Constitution, de constater que la procédure référendaire est caduque à compter de la promulgation de ce texte.

 

 

Ce choix s’inscrit dans le renvoi opéré par l’alinéa 4 de l’article 11 de la Constitution. Il s’agit, comme l’a voulu le constituant en 2008 sans que le législateur organique de 2013 ait correctement atteint ce but, de faire prévaloir la priorité d’examen dévolue au Parlement par rapport à l’issue référendaire de la procédure. Dans l’économie de la procédure prévue aux troisième à septième alinéas de l’article 11 de la Constitution, le recours au référendum n’est en effet prévu que dans l’hypothèse où le Parlement ne s’est pas préalablement saisi du sujet. Il doit pouvoir en aller ainsi à tout moment de la procédure, y compris avant l’engagement de l’éventuelle procédure de recueil des soutiens citoyens.

 

La disposition offre ainsi au Conseil constitutionnel, au titre de sa « mission générale de contrôle de la régularité des opérations référendaires qui lui est conférée par l’article 60 de la Constitution »[26], la possibilité de veiller au respect de la condition tirée de l’absence de remise en cause d’une disposition récemment promulguée au stade non plus seulement du dépôt de la proposition de loi dont l’initiative a pris la forme, mais aussi du contrôle ultérieur d’une loi adoptée par le Parlement ayant un objet contraire.

 

Il appartiendra ainsi au Conseil constitutionnel, dans cette hypothèse, de constater, compte tenu de la promulgation de la loi, la caducité de la procédure de référendum d’initiative partagée. L’article 45-6 de l’ordonnance n° 58-1067 est également modifié afin de prévoir que ce n’est qu’en l’absence de constat de caducité de la procédure que le Conseil constitutionnel aura matière à constater que la proposition de loi a obtenu ou non le soutien nécessaire des électeurs.

 

Ce nouvel mode de contrôle constitue donc un moyen de restituer à la procédure de référendum d’initiative partagée sa finalité première tout en respectant l’intention du pouvoir constituant.

4.  ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGEES

Les nouvelles dispositions modifient l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel par l’ajout d’un article 45-5-1 et la modification de l’article 45-6.

 

Ces modifications n’ont pas pour autant pour effet de priver d’utilité le mécanisme de référendum d’initiative partagée et tendent même à le renforcer en évitant qu’il en soit fait une utilisation détournée de son objet réel.

5.  MODALITES D’APPLICATION

L’article final du présent projet de loi organique ne prévoit pas de modalités d’application différée de cette disposition qui s’appliquera à l’ensemble du territoire de la République.

1

 


[1] Ordonnance n°62-737 du 3 juillet 1962.

[2] Ordonnance n°58-1065 du 7 novembre 1958

[3] Lois n°2003-696 et 2003-697 du 30 juillet 2003. Ces lois ont créé 25 nouveaux sièges de sénateurs.

[4] Loi  014-125 du 14 févr. 2014 interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur (art. 6) ; Loi n° 2014-126 du 14 févr. 2014 interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de représentant au Parlement européen (art. 1).

[5] V. Cons. Const., 8 janvier 2009, n° 2008-573 DC, loi relative à la commission prévue à l'article 25 de la Constitution et à l'élection des députés (cons. 21).

[6] cf. étude d’impact du projet de loi pour un renouveau de la vie démocratique.

[7] Cf. Loi organique n° 83-499 du 17 juin 1983, art. 2.

[8] Etudes de législation comparée, Fonction publique et mandats électifs dans l'Union européenne, Assemblée nationale, mai 2006.

[9] Rapport sur la démocratie, la limitation des mandats et l'incompatibilité de fonctions politiques, Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise), 17 décembre 2012.

 

[11] Articles L.O. 132 et L.O. 329 du code électoral.

[12] Article L.O. 135-2 du code électoral, le non dépôt d’une déclaration de situation patrimoniale peut être sanctionné d’une inéligibilité.

[13] L’interdiction de cumul de fonctions ou mandats identiques date de 1955.

[14] Rapport d'information n° 365 (2011-2012) de MM. François-Noël BUFFET et Georges LABAZÉE, fait au nom de la délégation aux collectivités territoriales, déposé le 14 février 2012 et http://www.vie-publique.fr/actualite/dossier/cumul-mandats-2017/cumul-mandats-pratique-restreinte-compter-2017.html.

[15] Cette interdiction a été inscrite dans la Constitution dès 1978.

[16] Cons. Const.  77-825 du 23 novembre 1977, Sénat, Yvelines

[17] Cons. Const. n° 86-986/1006/1015 du 8 juillet 1986, A.N., Haute-Garonne

[18] Cons. Const. n° 2002-2662 du 24 octobre 2002, A.N., Côte d'Or, 5ème circ

[19] Cons. Const. n° 78-858/885 du 17 mai 1978, A.N., Puy-de-Dôme, 1ère circ.

[20] Cons. Const, 5 juillet 1973, AN Landes, 1ère circ, n°73-686.

[21] Décision n° 2008-573 DC du 8 janvier 2009.

[22] Article 11 de la Constitution : « (…) soumettre au référendum tout projet de loi portant sur l'organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification d'un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions ».

[23]Cf. 1° de l’article 45-2 de l’ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958

[24] Cf. 2° de l’article 45-2 de l’ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958

[25] Alinéa 5 - Art. 11 : « Si la proposition de loi n'a pas été examinée par les deux assemblées dans un délai fixé par la loi organique, le Président de la République la soumet au référendum ”.

[26] décisions n° 2000-21 REF du 25 juillet 2000, Hauchemaille, cons. 5, n° 2000-23 REF du 23 août 2000, Larrouturou, cons. 3 et n° 2000-24 REF du 23 août 2000, Hauchemaille, cons. 2