ASSEMBLÉE NATIONALE

25 octobre 2023

(18 heures 34)

 

 

MOTION DE CENSURE

présentée par Mmes Mathilde PANOT et
Cyrielle CHATELAIN, M. André CHASSAIGNE

et 111 de leurs collègues

 

(déposée en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution)

 

 

Après l’utilisation de l’article 49 alinéa 3 sur la première partie du projet de loi de finances le mercredi 18 octobre, la Première Ministre le déclenche à nouveau sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Pour la deuxième année consécutive, le Gouvernement prive le Législateur de débat sur le budget social. Par là même, il ampute les parlementaires de leur droit imprescriptible de voter le plus important budget de dépense publique du pays.

 

Ce projet de financement de la sécurité sociale est à l’image du Gouvernement qui le porte : minoritaire.

 

Le 5 octobre, il a été rejeté par le conseil de la Caisse nationale de l’assurance maladie et par le conseil de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie. Les organisations syndicales de salariés interprofessionnelles représentatives, la Fédération nationale de la mutualité française, l’Union nationale des associations familiales, la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés, France Assos Santé se sont prononcées contre.

 

Le 16 octobre, il a été dénoncé par les cinq fédérations hospitalières du pays dans une lettre ouverte adressée à la Première Ministre.

 

Le 20 octobre, il a été rejeté par les parlementaires en commission des affaires sociales, qui ont supprimé l’objectif national de dépenses d’assurance maladie et les objectifs de dépense des branches de la sécurité sociale : une première depuis l’institution des lois de financement de la sécurité sociale en 1996.


Nous avons contraint le Gouvernement à reculer sur la hausse des franchises médicales, sur la ponction du régime des retraites complémentaires Agirc-Arrco, sur la casse du modèle d’indemnisation des victimes d’accidents du travail. Mis en échec et isolé, il recourt donc une fois de plus aux dispositions de l’article 49 alinéa 3 pour imposer des hypothèses budgétaires insuffisantes et une gestion de court terme, dénoncées par les oppositions politiques, les professionnels et les usagers.

 

Le manque d’ambition de ce Gouvernement compromet la soutenabilité de notre modèle de protection sociale, qui faisait hier encore, la fierté de la Nation. Désormais, 8 Français sur 10 se déclarent inquiets de l’avenir de la protection sociale. Et pour cause : alors que le système social et de santé est à bout de souffle, le Gouvernement nourrit un climat anxiogène fait de hausse du reste à charge sur les soins dentaires, d’augmentation du prix des médicaments essentiels, de culpabilisation sur les arrêts de travail.

 

Le refus de compenser le coût de l’inflation met en péril les établissements : le déficit structurel des hôpitaux a plus que doublé et cette situation va s’aggraver en 2023. 85 % des Ehpads publics étaient en déficit fin 2022, compromettant l’accueil des résidents cette année. La gestion par la pénurie (pénurie de soignants, pénurie de lits, pénurie de médicaments) dégrade l’accès aux soins et les prises en charge, met en danger les patients et les soignants, à l’hôpital comme en ville. Plus d’un Français sur trois a déjà renoncé à des soins ou équipements médicaux, dentaires ou optiques alors qu’il en avait besoin au cours des quatre dernières années. 45 % d’entre eux assurent s’être retrouvés dans l’incapacité, absolue ou partielle, de payer certains actes médicaux.

 

Les revalorisations des prestations sociales sont insuffisantes et tardives alors que les situations de privation matérielle et sociale explosent. Selon l’Union nationale des associations familiales, 45 % des parents déclarent ne pas avoir les moyens de préparer l’avenir de leur enfant. La perte de pouvoir d’achat des allocataires de minima sociaux devrait entraîner 200 000 personnes supplémentaires sous le seuil de pauvreté officiel et 160 000 sous le seuil de grande pauvreté.

La présidence de la Caisse nationale d’assurance maladie a déploré « l’absence d’association de la démocratie sociale ». Nous, parlementaires, déplorons le déni pur et simple de démocratie dont fait preuve ce Gouvernement. La protection sociale est consubstantielle à la démocratie, la démocratie est consubstantielle à la protection sociale. C’est avec cette conviction et sur ce socle que ses fondateurs ont rebâti le pays au sortir de la guerre. En ignorant les instances de la démocratie sociale et en contournant le Parlement, le Gouvernement trahit la raison d’être de notre modèle de protection sociale et trahit la démocratie.

Face à ce Gouvernement irresponsable, et conformément à l’article 49 alinéa 3 de la Constitution et aux articles 153 et suivants du règlement de l’Assemblée nationale, nous, députées et députés, déposons la présente motion de censure.


Les signataires :

 

Mme Mathilde Panot, Mme Cyrielle Chatelain, M. André Chassaigne, Mme Nadège Abomangoli, M. Laurent Alexandre, M. Gabriel Amard, Mme Ségolène Amiot, Mme Farida Amrani, M. Rodrigo Arenas, Mme Clémentine Autain, M. Ugo Bernalicis, M. Christophe Bex, M. Carlos Martens Bilongo, M. Manuel Bompard, M. Idir Boumertit, M. Louis Boyard, M. Aymeric Caron, M. Sylvain Carrière, M. Florian Chauche, Mme Sophia Chikirou, M. Hadrien Clouet, M. Éric Coquerel, M. Alexis Corbière, M. Jean-François Coulomme, Mme Catherine Couturier, M. Hendrik Davi, M. Sébastien Delogu, Mme Alma Dufour, Mme Karen Erodi, Mme Martine Etienne, M. Emmanuel Fernandes, Mme Sylvie Ferrer, Mme Caroline Fiat, M. Perceval Gaillard, Mme Raquel Garrido, Mme Clémence Guetté, M. David Guiraud, Mme Mathilde Hignet, Mme Rachel Keke, M. Andy Kerbrat, M. Bastien Lachaud, M. Maxime Laisney, M. Arnaud Le Gall, M. Antoine Léaument, Mme Élise Leboucher, Mme Charlotte Leduc, M. Jérôme Legavre, Mme Sarah Legrain, Mme Murielle Lepvraud, Mme Élisa Martin, Mme Pascale Martin, M. William Martinet, M. Frédéric Mathieu, M. Damien Maudet, Mme Marianne Maximi, Mme Manon Meunier, M. JeanPhilippe Nilor, Mme Danièle Obono, Mme Nathalie Oziol, M. René Pilato, M. François Piquemal, M. Thomas Portes, M. Loïc Prud’homme, M. Adrien Quatennens, M. Jean-Hugues Ratenon, M. Sébastien Rome, M. François Ruffin, M. Aurélien Saintoul, M. Michel Sala, Mme Danielle Simonnet, Mme Ersilia Soudais, Mme Anne StambachTerrenoir, Mme Andrée Taurinya, M. Matthias Tavel, Mme Aurélie Trouvé, M. Paul Vannier, M. Léo Walter, Mme Christine Arrighi, M. Julien Bayou, Mme Lisa Belluco, M. Karim Ben Cheikh, M. Charles Fournier, Mme MarieCharlotte Garin, Mme Julie Laernoes, M. Benjamin Lucas, Mme Francesca Pasquini, M. Sébastien Peytavie, Mme Marie Pochon, M. Jean-Claude Raux, Mme Sandra Regol, Mme Sandrine Rousseau, Mme Eva Sas, Mme Sabrina Sebaihi, M. Aurélien Taché, Mme Sophie TailléPolian, M. Nicolas Thierry, Mme Soumya Bourouaha, M. Jean-Victor Castor, M. Steve Chailloux, M. Pierre Dharréville, Mme Elsa Faucillon, M. Sébastien Jumel, Mme Emeline K/Bidi, M. Tematai Le Gayic, Mme Karine Lebon, M. Jean-Paul Lecoq, M. Frédéric Maillot, M. Marcellin Nadeau, M. Stéphane Peu, Mme Mereana Reid Arbelot, M. Davy Rimane, M. Nicolas Sansu, M. Jiovanny William, M. Hubert Wulfranc.