ASSEMBLÉE NATIONALE

24 novembre 2023

 

 

MOTION DE CENSURE

présentée par Mme Mathilde Panot et 77 de ses collègues

 

(déposée en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution)

Après le projet de loi de programmation des finances publiques, la première partie du projet de loi de finances, la deuxième partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale consacrée aux recettes, la deuxième partie du projet de loi de finances, et enfin, la troisième partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale relative aux dépenses, la Première Ministre déclenche à nouveau l’article 49 alinéa 3 sur les recettes du budget de la Sécurité sociale. Depuis le début de la XVIe législature, il s’agit du dix-huitième recours à cet outil autoritaire en l’espace de dix-huit mois. Le Gouvernement témoigne de son mépris pour la démocratie parlementaire qu’il fragilise toujours plus. La Sécurité sociale est le plus important budget de dépenses publiques du pays. Nous pourrions attendre que le droit des parlementaires de se prononcer sur ses ressources soit respecté : il n’en sera rien.

Budget de renoncement porté par un Gouvernement minoritaire, le projet de loi de financement a été rejeté par les parlementaires en commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale le 20 octobre dernier, ce qui constituait une première historique. Le Gouvernement balaye d’un revers de main les modifications signicatives du texte votées au Sénat, qui a supprimé la réforme du prélèvement social des micro-entrepreneurs et des plateformes (article 6), limité la contribution de l’Agirc-Arrco au régime général à la stricte compensation des régimes spéciaux (article 9), supprimé la possibilité de réduire par arrêté, dès 2023 et sans plafonnement, limité la compensation à l’Unédic du dispositif de réduction dégressive des contributions patronales d’assurance chômage (article 10), rejeté l’objectif national des dépenses d’assurance maladie pour 2024.

Au-delà du Parlement, l’ensemble des acteurs institutionnels de la protection sociale, des fédérations de soignants, d’associations de patients et de la mutualité a fait savoir son opposition au texte, dénonçant des hypothèses budgétaires insuffisantes et une gestion de court terme.

L’obstination du Gouvernement à ne pas compenser le coût de l’inflation met en péril les établissements de santé et les Ehpads. La gestion par la pénurie dégrade les prises en charge, met en danger les patients et les soignants, à l’hôpital comme en ville. Plus d’un Français sur trois a déjà renoncé à des soins. Une politique raisonnable et responsable voudrait que le financement de la Sécurité sociale soit établi pour répondre aux besoins. Ce texte de rigueur fait exactement l’inverse. Il opère d’abord une sélection à la baisse des besoins qui pourront être satisfaits. Il organise aussi la dégradation de l’offre de soins. En cela il est fondamentalement déraisonnable et irresponsable.

La présidence de la Caisse nationale d’assurance maladie a déploré « l’absence d’association de la démocratie sociale ». En ignorant les instances de la démocratie sociale et en contournant le Parlement, le Gouvernement trahit la raison d’être de notre modèle de protection sociale. Pour toutes ces raisons, face à ce Gouvernement irresponsable, et conformément à l’article 49 alinéa 3 de la Constitution et aux articles 153 et suivants du règlement de l’Assemblée nationale, nous, députées et députés, déposons la présente motion de censure.