ASSEMBLÉE NATIONALE

26 novembre 2023

(21 heures 01)

 

 

MOTION DE CENSURE

présentée par Mme Mathilde PANOT et 74 députés

 

(déposée en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution)

 

 

Le Gouvernement est une nouvelle fois incapable de réunir une majorité parlementaire sur ce PLFSS pour 2024. Tout comme il n’a pas su le faire adopter par aucun acteur de la protection sociale ou de la société civile. Plutôt que d’entendre les propositions qui lui sont faites, ce Gouvernement minoritaire violente à nouveau la République sociale et démocratique par le recours à cet archaïsme constitutionnel qu’est le 49.3 sur la 3ème partie du PLFSS pour 2024. C’est donc la 19ème fois que la Première ministre y a recours. Cette triste banalisation s’opère sans considération aucune pour sa conséquence à long-terme, la fragilisation de la démocratie elle-même.

 

Le budget social pour 2024 que propose le Gouvernement est un budget d’austérité. Derrière les mots répétés de « maîtrise » et de « pertinence » des dépenses ou de « responsabilité » des acteurs se cache un projet méthodique de déstabilisation du système de santé. La boussole gouvernementale est celle d’une réduction à tout prix du déficit public et de la dette ainsi qu’il s’y est engagé dans sa loi de programmation des finances publiques, elle aussi adoptée au moyen du 49.3. Cela signifie la baisse des dépenses sociales, la compression de la demande de santé par la dissuasion et la réduction de l’accès aux soins, ainsi que la réduction du périmètre de la Sécurité sociale.

 

L’objectif national d’assurance maladie pour 2024 est en hausse de 3,2%, ce qui ne permet ni de rattraper le retard accumulé dû à l’inflation des dernières années ni de compenser la hausse des dépenses hospitalières estimée par l’OFCE à 3,6%. Cette situation est dramatique pour l’hôpital public : il lui manquera entre 1,5 et 2,5 milliards d’euros pour fonctionner à activité égale. Le déficit des établissements de santé doublera pour atteindre 1 milliard d’euros, les poussant à l’endettement sans pouvoir remédier au problème d’une vétusté croissante de leurs équipements.

 

Les soignants à qui l’on demande de faire toujours plus avec moins ne connaîtront pas de recrutements alors qu’il y a 60 000 postes d’infirmiers vacants à l’hôpital. Ils ne verront pas leurs conditions de travail s’améliorer et leurs salaires ne seront pas revalorisés.

 

L’accès aux soins est inégalitaire et dégradé, si bien que l’UFC-Que Choisir a attaqué l’État en justice pour inaction. Cette année encore, les services et urgences des hôpitaux seront contraints de fermer leurs portes en laissant des dizaines de milliers de patients sur le bord de la route. La désertification médicale ne reculera pas. C’est tout cela que signifie la « maîtrise des dépenses ».

 

Les usagers du système de santé seront moins protégés. Ils devront aussi contribuer davantage. Alors que le Gouvernement souhaite réaliser 1,5 milliards d’euros d’économie par la hausse des franchises médicales, cette mesure ne figure pas dans ce PLFSS et n’a donc donné lieu à aucun débat.

 

Plutôt que de prendre à bras-le-corps le sujet de la dégradation des conditions de travail qui rend les travailleurs malades, le Gouvernement fait la chasse aux arrêts maladies. Il se refuse à contraindre les industriels ou à assurer une production publique du médicament et se contente d’inciter à rechercher des repreneurs lorsqu’une production cesse. La création d’un service public de la dépendance est une urgence absolue et pourtant ce qui est proposé s’apparente à une réforme cosmétique sans réels moyens supplémentaires.

 

Le choix du Gouvernement est celui d’une individualisation de la prise en charge des risques sociaux. L’hôpital public, accessible et égalitaire, souffre et les patients se tournent vers les cliniques privées. Les transferts vers les assurances privées et les mutuelles se multiplient avec pour effet systématique une hausse des coûts et la hausse des inégalités en santé.

 

La Sécurité sociale, acquise de haute lutte, est un modèle qui fait la fierté de notre pays. Elle permet à chacun d’être protégé face aux aléas de la vie et de pouvoir se soigner peu importe ses moyens. L’exigence de progrès voudrait que davantage de besoins sociaux et de santé soient pris en charge de façon plus égalitaire. Ce texte se place à contre-sens de l’histoire et marque une nouvelle étape de régression sociale. Il est de notre responsabilité de nous y opposer.

En conséquence, et conformément à l’article 49 alinéa 3 de la Constitution et aux articles 153 et suivants du règlement de l’Assemblée nationale, nous, députées et députés, déposons la présente motion de censure.


Les signataires :

 

Mme Mathilde Panot, Mme Nadège Abomangoli, M. Laurent Alexandre, M. Gabriel Amard, Mme Ségolène Amiot, Mme Farida Amrani, M. Rodrigo Arenas, Mme Clémentine Autain, M. Ugo Bernalicis, M. Christophe Bex, M. Carlos Martens Bilongo, M. Manuel Bompard, M. Idir Boumertit, M. Louis Boyard, M. Aymeric Caron, M. Sylvain Carrière, M. Florian Chauche, Mme Sophia Chikirou, M. Hadrien Clouet, M. Éric Coquerel, M. Alexis Corbière, M. Jean-François Coulomme, Mme Catherine Couturier, M. Hendrik Davi, M. Sébastien Delogu, Mme Alma Dufour, Mme Karen Erodi, Mme Martine Etienne, M. Emmanuel Fernandes, Mme Sylvie Ferrer, Mme Caroline Fiat, M. Perceval Gaillard, Mme Raquel Garrido, Mme Clémence Guetté, M. David Guiraud, Mme Mathilde Hignet, Mme Rachel Keke, M. Andy Kerbrat, M. Bastien Lachaud, M. Maxime Laisney, M. Arnaud Le Gall, M. Antoine Léaument, Mme Élise Leboucher, Mme Charlotte Leduc, M. Jérôme Legavre, Mme Sarah Legrain, Mme Murielle Lepvraud, Mme Élisa Martin, Mme Pascale Martin, M. William Martinet, M. Frédéric Mathieu, M. Damien Maudet, Mme Marianne Maximi, Mme Manon Meunier, M. Jean‑Philippe Nilor, Mme Danièle Obono, Mme Nathalie Oziol, M. René Pilato, M. François Piquemal, M. Thomas Portes, M. Loïc Prud'homme, M. Adrien Quatennens, M. Jean-Hugues Ratenon, M. Sébastien Rome, M. François Ruffin, M. Aurélien Saintoul, M. Michel Sala, Mme Danielle Simonnet, Mme Ersilia Soudais, Mme Anne Stambach‑Terrenoir, Mme Andrée Taurinya, M. Matthias Tavel, Mme Aurélie Trouvé, M. Paul Vannier, M. Léo Walter.

 

 

 

[Copier les signataires à partir de la motion en ligne sur le dossier législatif, onglet « engagement de responsabilité. Sinon copier/coller à partir des listes des groupes : 2/3/2/2/1]

 

[Mettre les noms des présidents de groupe en premier]