ASSEMBLÉE NATIONALE
1er décembre 2023
(18 heures 05)
MOTION DE CENSURE
présentée par Mme Mathilde PANOT, M. André CHASSAIGNE, Mme Cyrielle CHATELAIN, M. Boris VALLAUD et 143 de leurs collègues
(déposée en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution)
Ce vendredi 1er décembre, le gouvernement a eu recours au 49.3 pour la 20ème fois en moins de deux ans. C’est le 5ème sur le budget de la Sécurité sociale pour 2024. Les représentants de la Nation ont donc été systématiquement empêché de débattre du budget social. Ce mépris pour les formes du débat parlementaire est d’autant plus révoltant qu’il acte le passage en force sur un texte qui, au fond, détricote la Sécurité sociale et brutalise notre hôpital public et ses soignants.
La Sécurité sociale est délibérément privée de précieuses recettes. Les exonérations de cotisations sociales pèsent de tout le poids de leurs 80 milliards d’euros. Ce PLFSS aurait pu être l’occasion de supprimer les exonérations de cotisations familiales sur les salaires, le « bandeau famille ». Pourtant, le gouvernement a fait le choix de les conserver jusqu’à un niveau de deux SMIC pour pouvoir les augmenter à l’avenir sur les bas salaires. Les cadeaux faits au patronat ne s’arrêtent pas là car, face au refus du gouvernement d’interroger les causes de la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles, c’est la branche maladie de la Sécurité sociale, donc la collectivité, qui paie la lourde facture des atteintes à la santé causées par le travail.
À ces cadeaux au patronat s’ajoutent ceux aux industriels du secteur pharmaceutique. Il s’agit du relèvement du seuil de déclenchement du versement de leur contribution à l’assurance maladie et la révision de son mode de calcul qui provoqueront une diminution de son montant. Traitant la santé comme un marché, le gouvernement souhaite absolument que la production de médicaments reste entre les mains des laboratoires privés. C’est ainsi qu’il a refusé de conserver dans ce texte l’obligation d’informer les établissements pharmaceutiques publics lorsqu’un médicament cesse d’être produit afin qu’ils puissent se préparer à en assurer la production.
L’inaction est aussi la norme en matière d’investissement. Une maigre rallonge de 200 millions d’euros à l’objectif national de dépenses d’assurance maladie disparaît ainsi dans le texte retenu par 49.3. La dotation forfaitaire devrait être la norme, tant les conséquences de la tarification à l’activité sont désastreuses. Le gouvernement choisit de l’ignorer et la T2A conservera une place prépondérante dans le financement de l’hôpital public.
Il faudrait 80 milliards d’euros d’investissement immédiat pour les métiers du soin et du lien selon l’Institut de recherches économiques et sociales. Atteindre un ratio de soignants permettant un traitement digne et la préservation de la santé des résidents en Ehpad supposerait 6 à 8 milliards d’euros supplémentaires par an. Ce PLFSS propose une hausse des dépenses de la branche Autonomie de 2,1 milliards. Les 50 000 postes supplémentaires en Ehpad, promis pour 2027 puis repoussés à 2030, restent en l’état un mirage.
Plutôt que d’agir pour un meilleur accès aux soins, aujourd’hui dégradé et inégal, le gouvernement mène une politique de suspicion envers les assurés sociaux. Après les restrictions aux arrêts maladies, la hausse des franchises médicales, la « lutte » contre une « fraude sociale » fantasmée, il est maintenant question du transfert d’informations entre les organismes de Sécurité sociale et l’État afin d’aligner le domicile « social » sur le domicile fiscal, l’objectif étant de renforcer les contrôles en dépit de la réalité du non-recours massif aux prestations sociales. Cette mesure risque de priver des milliers d’étudiants d’aides au logement.
À l’encontre du modèle historique de financement par les cotisations, la fiscalisation de la Sécurité sociale se poursuit par l’attribution d’une clé de TVA au régime général de retraite qui était jusque-alors épargné par cette dérive.
La collecte des cotisations sociales des travailleurs « ubérisés » des plateformes consiste en un contournement durable du salariat. Les protections offertes par le droit du travail sont prises pour cible.
Idéologie néolibérale et intérêts bien compris se rejoignent dans cet instrument qu’est la caisse d’amortissement de la dette sociale. La Sécurité sociale est en bonne santé financière. Pourtant, elle est mise en déficit par l’affectation de 16 milliards d’euros à la CADES. Cet instrument de la financiarisation de la dette sociale n’a pas d’autre utilité que de procurer des intérêts aux créanciers sur les marchés.
Le gouvernement trahit l’ambition de la Sécurité sociale qui, en ajustant les financements à hauteur des besoins, avait permis le développement d’un système de soin parmi les plus efficaces et égalitaires. C’est pourquoi, conformément à l’article 49 alinéa 3 de la Constitution et aux articles 153 et suivants du règlement de l’Assemblee nationale, nous, députées et députés, déposons la présente motion de censure.
Les signataires :
Mme Mathilde Panot, M. André Chassaigne, Mme Cyrielle Chatelain, M. Boris Vallaud, Mme Nadège Abomangoli, M. Laurent Alexandre, M. Gabriel Amard, Mme Ségolène Amiot, Mme Farida Amrani, M. Rodrigo Arenas, Mme Clémentine Autain, M. Ugo Bernalicis, M. Christophe Bex, M. Carlos Martens Bilongo, M. Manuel Bompard, M. Idir Boumertit, M. Louis Boyard, M. Aymeric Caron, M. Sylvain Carrière, M. Florian Chauche, Mme Sophia Chikirou, M. Hadrien Clouet, M. Éric Coquerel, M. Alexis Corbière, M. Jean-François Coulomme, Mme Catherine Couturier, M. Hendrik Davi, M. Sébastien Delogu, Mme Alma Dufour, Mme Karen Erodi, Mme Martine Etienne, M. Emmanuel Fernandes, Mme Sylvie Ferrer, Mme Caroline Fiat, M. Perceval Gaillard, Mme Raquel Garrido, Mme Clémence Guetté, M. David Guiraud, Mme Mathilde Hignet, Mme Rachel Keke, M. Andy Kerbrat, M. Bastien Lachaud, M. Maxime Laisney, M. Arnaud Le Gall, M. Antoine Léaument, Mme Élise Leboucher, Mme Charlotte Leduc, M. Jérôme Legavre, Mme Sarah Legrain, Mme Murielle Lepvraud, Mme Élisa Martin, Mme Pascale Martin, M. William Martinet, M. Frédéric Mathieu, M. Damien Maudet, Mme Marianne Maximi, Mme Manon Meunier, M. Jean-Philippe Nilor, Mme Danièle Obono, Mme Nathalie Oziol, M. René Pilato, M. François Piquemal, M. Thomas Portes, M. Loïc Prud'homme, M. Adrien Quatennens, M. Jean-Hugues Ratenon, M. Sébastien Rome, M. François Ruffin, M. Aurélien Saintoul, M. Michel Sala, Mme Danielle Simonnet, Mme Ersilia Soudais, Mme Anne Stambach-Terrenoir, Mme Andrée Taurinya, M. Matthias Tavel, Mme Aurélie Trouvé, M. Paul Vannier, M. Léo Walter, Mme Soumya Bourouaha, M. Jean-Victor Castor, M. Steve Chailloux, M. Pierre Dharréville, Mme Elsa Faucillon, M. Sébastien Jumel, Mme Emeline K/Bidi, M. Tematai Le Gayic, Mme Karine Lebon, M. Jean-Paul Lecoq, M. Frédéric Maillot, M. Yannick Monnet, M. Marcellin Nadeau, M. Stéphane Peu, Mme Mereana Reid Arbelot, M. Davy Rimane, M. Fabien Roussel, M. Nicolas Sansu, M. Jean-Marc Tellier, M. Jiovanny William, M. Hubert Wulfranc, Mme Christine Arrighi, M. Julien Bayou, Mme Lisa Belluco, M. Karim Ben Cheikh, M. Charles Fournier, Mme Marie-Charlotte Garin,
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