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N° 2500

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 décembre 2019.

PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE

visant à permettre linscription doffice sur la liste électorale spéciale
à la consultation sur laccession à la pleine souveraineté
de la NouvelleCalédonie,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Messieurs

Philippe GOMÈS, Philippe DUNOYER, JeanChristophe LAGARDE, Sophie AUCONIE, Thierry BENOIT, Guy BRICOUT, Pascal BRINDEAU, Paul CHRISTOPHE, Béatrice DESCAMPS, Meyer HABIB, Antoine HERTH, Vincent LEDOUX, Patricia LEMOINE, Lise MAGNIER, Christophe NAEGELEN, Laure de LA RAUDIÈRE, Nicole SANQUER, Francis VERCAMER, Michel ZUMKELLER, Agnès FIRMIN LE BODO, Olivier BECHT,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La Nouvelle‑Calédonie se singularise, au sein de la République française, par la coexistence de trois listes électorales : la liste électorale générale (LEG), pour les élections nationales ; la liste électorale spéciale à l’élection du congrès et des assemblées de province (LESP) et la liste électorale spéciale à la consultation sur l’accession à la pleine souveraineté (LESC).

Le contenu de ces listes est précisé par la loi organique n° 99‑209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle‑Calédonie, récemment modifiée sur ces points en 2015 et en 2018.

1. La constitution de la liste électorale spéciale pour la consultation dautodétermination

Si l’inscription sur les listes électorales doit relever, selon le droit commun, d’une démarche volontaire des citoyens, le contexte propre à la Nouvelle‑Calédonie et l’enjeu que représente la consultation sur l’accès à la pleine souveraineté ont justifié l’inscription d’office de certaines catégories d’électeurs sur la liste électorale générale et sur la liste électorale spéciale à la consultation, afin de garantir la légitimité et la sincérité du scrutin en permettant ainsi au peuple calédonien d’exprimer son choix pour l’avenir institutionnel du pays.

Cette procédure constitue le prolongement juridique du préambule de l’accord de Nouméa qui a créé la citoyenneté calédonienne permettant « au peuple dorigine de constituer avec les hommes et femmes qui y vivent une communauté humaine affirmant son destin commun. »

Gérard Larcher, président du sénat, dans son intervention du 23 février 2016 devant le congrès de la Nouvelle‑Calédonie, en se référant au « miracle » des accords de Matignon affirmait d’ailleurs que « lunité du peuple calédonien a prévalu et sincarne dans la citoyenneté inscrite dans la loi organique du 19 mars 1999. »

Le Premier ministre Édouard Philippe, dans son discours du 5 décembre 2017, devant le congrès, a également tenu à rappeler que « le peuple calédonien tel quil a été constitué selon laccord de Nouméa doit se prononcer sur lavenir politique de la NouvelleCalédonie (...) Ce sera le peuple calédonien qui se prononcera souverainement. »

Dans ce cadre, la loi organique n° 2015‑987 du 5 août 2015 relative à la consultation sur l’accession de la Nouvelle‑Calédonie à la pleine souveraineté a permis l’inscription d’office sur la liste électorale spéciale à la consultation des électeurs ayant été admis à participer à la consultation du 8 novembre 1998 approuvant l’accord de Nouméa, ayant ou ayant eu le statut civil coutumier relevant du d du même article 218 ou nés en Nouvelle‑Calédonie et présumés y détenir le centre de leurs intérêts matériels et moraux (CIMM) en raison de leur qualité d’électeur aux élections provinciales. Cette mesure a permis de constituer l’essentiel de la liste électorale spéciale à la consultation. 

En 2017, le FLNKS a exigé qu’un dispositif d’inscription d’office soit également instauré sur la liste électorale générale à l’attention uniquement des personnes de statut coutumier dont plusieurs milliers n’avaient pas encore déposé de demande d’inscription. La formation politique non indépendantiste Calédonie Ensemble s’y est opposé au motif que ce mécanisme aurait instauré une différence de traitement inacceptable, fondée sur le critère du statut civil des électeurs, aboutissant in fine à l’inscription d’office sur la LESC des seules personnes de statut civil coutumier. Afin d’éviter cette discrimination, Calédonie Ensemble a proposé de créer un nouveau dispositif d’inscription d’office sur la LESC au bénéfice des personnes nées en Nouvelle‑Calédonie présumées y détenir le centre de leurs intérêts matériels et moraux (CIMM).

Ces modifications ont fait l’objet d’un accord politique unanime lors du XVIe Comité des signataires de l’Accord de Nouméa, réuni à Matignon le 2 novembre 2017 au cours duquel les partenaires ont convenu de la nécessité de « régler la problématique de labsence de Calédoniens relevant du corps référendaire sur la liste électorale spéciale pour la consultation (LESC) » et « de procéder, de manière exceptionnelle et en raison de la consultation, à linscription doffice des personnes résidant en NouvelleCalédonie sur la LEG, préalable nécessaire à leur inscription sur la LESC. Dans le strict respect du corps électoral déterminé au point 2.2.1 de lAccord de Nouméa, cette démarche permettra aux commissions administratives spéciales de procéder à linscription doffice sur la LESC, des personnes de statut civil coutumier, et, dès lors quils ont une résidence de trois ans attestée par linscription sur les fichiers dassurés sociaux, des natifs de statut civil de droit commun. Cette durée de résidence, associée au fait dêtre né en NouvelleCalédonie, constitue une présomption simple de détention du centre des intérêts matériels et moraux ; linscription doffice na donc pas de caractère automatique et devra faire lobjet dun examen par les commissions administratives spéciales sur la base des éléments fournis par lÉtat. ([1]) »

2. La procédure dinscription doffice sur la liste électorale référendaire instaurée par la loi organique du 19 avril 2018

La traduction juridique de cet accord a été consacrée par la loi organique n° 2018‑280 du 19 avril 2018 relative à l’organisation de la consultation sur l’accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle‑Calédonie qui a permis, d’une part, l’inscription d’office sur la liste électorale générale, condition sine qua none à l’inscription sur la liste électorale spéciale, de tous les électeurs non‑inscrits ayant leur domicile réel dans une commune de Nouvelle‑Calédonie ou y résidant depuis plus de six mois et d’autre part, l’inscription d’office sur la liste électorale spéciale à la consultation des électeurs nés sur le territoire et présumés y détenir le centre de leurs intérêts matériels et moraux (CIMM), dès lors qu’ils y ont été domiciliés de manière continue durant trois ans.

Grâce à ces dispositifs, 14 816 personnes ont pu bénéficier en 2018 d’une inscription d’office sur la LEG et 11 222 sur la LESC, dont 3 764 sur la base du double critère d’être natifs de Nouvelle‑Calédonie et présumés y détenir leur CIMM.

Dans son avis sur le projet de loi organique relatif à l’organisation de la consultation sur l’accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle‑Calédonie, le Conseil d’État avait validé ce dispositif en précisant  qu’ « [i]l résulte des textes et de la jurisprudence constitutionnelle […] que laccord de Nouméa ne fait pas obstacle à ce que le législateur organique détermine, en vue de linscription doffice délecteurs appelés à prendre part à la consultation sur laccession à la pleine souveraineté de la NouvelleCalédonie, des cas dans lesquels les intéressés sont présumés y détenir le centre de leurs intérêts matériels et moraux au sens de cet accord, dès lors que le critère quil retient est en rapport direct avec cette condition ([2])».

La décision prise lors du comité des signataires du 2 novembre 2017 consacrait surtout une égalité de traitement entre les électeurs satisfaisant aux conditions posées par la loi organique, tant sur la liste électorale générale (LEG) que sur la liste électorale spéciale pour la consultation (LESC), quel que soit le statut civil dont ils relèvent : de droit commun ou de droit coutumier.

Cette égalité de traitement n’est pas étrangère à la réussite de l’organisation du référendum du 4 novembre 2018 dont la sincérité du scrutin a été reconnue par tous et dont le résultat n’a fait l’objet d’aucune contestation. Les experts de l’ONU présents en Nouvelle‑Calédonie en qualité d’observateurs l’ont expressément relevé dans leur rapport.

Lors du référendum du 4 novembre 2018, la majorité des suffrages exprimés a conclu au rejet de l’accession à la pleine souveraineté. Ainsi que le permet la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle‑Calédonie, une deuxième consultation aura lieu le 6 septembre 2020.

3. Le comité des signataires de laccord de Nouméa du 10 octobre 2019 entérine une rupture dégalité de traitement entre calédoniens de statut coutumier et calédoniens de statut de droit commun pour le second référendum

Le XIXème Comité des signataires réuni à Matignon le 10 octobre 2019 a pourtant fixé des modalités de préparation de cette seconde consultation en rupture avec l’équilibre issu de l’accord politique entre indépendantistes et non‑indépendantistes.

S’il a confirmé « le principe que les électeurs nés en NouvelleCalédonie et y résidant depuis au moins 3 ans sont présumés y détenir les intérêts matériels et moraux, ouvrant droit à leur inscription sur la LESC ([3])», la procédure d’inscription d’office des natifs ayant une durée de résidence de trois ans n’a pas fait l’objet d’une reconduction pour cette deuxième consultation.

D’une part, le Gouvernement ne s’est pas exprimé sur le sujet. D’autre part, les indépendantistes ont affirmé leur opposition au renouvellement de ce dispositif. Enfin, une partie des non indépendantistes a décidé d’abandonner la défense de la procédure d’inscription d’office des natifs de droit commun contre un deuxième référendum avancé de quelques semaines (6 septembre 2020 au lieu du 3 novembre 2020), eu égard aux engagements qu’ils avaient pris sur le sujet lors de la campagne électorale provinciale.

Il résulte de cette non reconduction que les électeurs de statut coutumier continuent de pouvoir bénéficier d’une inscription d’office sur la LESC en vertu des dispositions de l’article 218‑2‑II‑2° alors que les électeurs relevant du droit commun en sont dorénavant privés. Ils devront effectuer une démarche d’inscription volontaire sur cette liste avant le 31 décembre 2019.

Si le relevé de conclusions du XIXème Comité des signataires a prévu la mise en place d’« un dispositif de détection exhaustive des électeurs concernés, associé à une démarche incitative de lÉtat à leur endroit, qui puisse venir produire les mêmes effets que ceux impliquant une inscription doffice ([4])», celle‑ci se résume à l’envoi d’un courrier aux 4 500 natifs de Nouvelle‑Calédonie, de droit commun, non encore inscrits sur la LESC. Début décembre, lors d’une réunion du groupe de travail « listes électorales » conduit sous la présidence du haut‑commissariat de la République en Nouvelle‑Calédonie, l’État a d’ores et déjà indiqué que plusieurs centaines de courriers adressés en accusé réception n’avaient pas été retirés et que plusieurs centaines d’adresses se révélaient inexploitables.

Comme on pouvait le craindre, il est clair que l’information sur les modalités de ce vote et l’accompagnement des électeurs de droit commun dans leur démarche d’inscription volontaire ne sauraient remplacer une inscription d’office.

Le refus d’inscrire d’office cette catégorie d’électeurs consacre une inacceptable discrimination entre les personnes relevant du statut coutumier et les personnes de droit commun, le principe de présomption simple ne suffisant pas à garantir l’inscription des natifs ayant été domiciliés en Nouvelle‑Calédonie pendant une durée continue de trois ans.

Il convient donc de prévoir cette inscription d’office pour la deuxième et éventuellement la troisième consultation sur l’accession à la pleine souveraineté, en supprimant le caractère exceptionnel de l’inscription d’office prévue par l’article 218‑3 de la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle‑Calédonie comme le prévoit déjà la loi organique en son article 219‑II ter pour l’inscription d’office sur la LEG.

Larticle unique modifie l’article 218‑3 de la loi organique n° 99‑209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle‑Calédonie afin de prévoir, l’année du scrutin pour reprendre une formule identique à l’article 219‑II ter, l’inscription d’office des électeurs nés en Nouvelle‑Calédonie et présumés y détenir le centre leurs intérêts matériels et moraux (CIMM), dès lors qu’ils y ont été domiciliés de manière continue durant trois ans.

Comme cela était prévu pour la première consultation, la durée de domiciliation constituera une présomption simple du fait qu’un électeur y détient le centre de ses intérêts matériels et moraux (CIMM). Il reviendra toujours aux commissions administratives spéciales de se prononcer sur chaque cas sur la base des informations à leur disposition. L’inscription d’office sera donc dépourvue de caractère automatique.


proposition de loi ORGANIQUE

Article unique

Le début du premier alinéa de l’article 218‑3 de la loi organique n° 99‑209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle‑Calédonie, est ainsi rédigé :

« Art. 2183. – L’année du scrutin et sans préjudice… (le reste sans changement) ».


([1]) Relevé des conclusions du XVIe comité des signataires de l’Accord de Nouméa, réuni à Matignon le 2 novembre 2017, point V.

([2]) Avis du Conseil d’État n° 393830 portant sur un projet de loi organique relatif à l’organisation de la consultation sur l’accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle‑Calédonie, Séance du jeudi 30 novembre 2017

([3]) Relevé des conclusions du XIXe comité des signataires de l’Accord de Nouméa, réuni à Matignon le 10 octobre 2019, point III.

([4]) Relevé des conclusions du XIXe comité des signataires de l’Accord de Nouméa, réuni à Matignon le 10 octobre 2019, point III.