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N° 3552

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 novembre 2020.

PROPOSITION DE LOI

pour une reconnaissance de l’activité des intermittents du travail de la restauration, de l’hôtellerie et de l’évènementiel,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Jean François MBAYE, Damien ADAM, Saïd AHAMADA, Éric ALAUZET, Christophe AREND, Julien AUBERT, Laetitia AVIA, Delphine BAGARRY, Erwan BALANANT, Françoise BALLETBLU, Xavier BATUT, Sophie BEAUDOUINHUBIÈRE, Belkhir BELHADDAD, Barbara BESSOT BALLOT, Christophe BLANCHET, Ian BOUCARD, Sylvie BOUCHET BELLECOURT, Bertrand BOUYX, Pascale BOYER, Guy BRICOUT, Anne BRUGNERA, Fabrice BRUN, MarieGeorge BUFFET, Pierre CABARÉ, Jacques CATTIN, Lionel CAUSSE, Sylvie CHARRIÈRE, Guillaume CHICHE, Paul CHRISTOPHE, Dino CINIERI, Stéphane CLAIREAUX, Fabienne COLBOC, Éric COQUEREL, JeanPierre CUBERTAFON, Nicolas DÉMOULIN, Béatrice DESCAMPS, Stéphanie DO, Loïc DOMBREVAL, Jeanine DUBIÉ, Jacqueline DUBOIS, Stella DUPONT, M’jid EL GUERRAB, Catherine FABRE, Olivier FALORNI, Pascale FONTENELPERSONNE, Paula FORTEZA, Albane GAILLOT, Laurence GAYTE, Éric GIRARDIN, Philippe GOSSELIN, Guillaume GOUFFIERCHA, Fabien GOUTTEFARDE, Émilie GUEREL, Véronique HAMMERER, Yannick HAURY, Christine HENNION, Danièle HÉRIN, Philippe HUPPÉ, Régis JUANICO, Sébastien JUMEL, Stéphanie KERBARH, Anissa KHEDHER, Rodrigue KOKOUENDO, Jacques KRABAL, Sonia KRIMI, Aina KURIC, Bastien LACHAUD, JeanChristophe LAGARDE, FrançoisMichel LAMBERT, AnneChristine LANG, Mohamed LAQHILA, Fiona LAZAAR, Sandrine LE FEUR, Marc LE FUR, Didier LE GAC, Patricia LEMOINE, Marion LENNE, Brigitte LISO, MarieFrance LORHO, Alexandra LOUIS, MarieAnge MAGNE, Lise MAGNIER, Jacques MARILOSSIAN, Sandra MARSAUD, Didier MARTIN, Sereine MAUBORGNE, Philippe MEYER, Marjolaine MEYNIERMILLEFERT, Monica MICHEL, Patricia MIRALLÈS, JeanMichel MIS, Paul MOLAC, Sandrine MÖRCH, Danièle OBONO, Bertrand PANCHER, Sophie PANONACLE, Mathilde PANOT, JeanFrançois PARIGI, Zivka PARK, Pierre PERSON, Michèle PEYRON, Claire PITOLLAT, Bérengère POLETTI, Benoit POTTERIE, Florence PROVENDIER, François PUPPONI, Bruno QUESTEL, Rémy REBEYROTTE, Hugues RENSON, Cécile RILHAC, Véronique RIOTTON, Laurianne ROSSI, Cédric ROUSSEL, François RUFFIN, Pacôme RUPIN, Maina SAGE, JeanBernard SEMPASTOUS, JeanMarie SERMIER, Valérie SIX, Denis SOMMER, Sira SYLLA, Michèle TABAROT, Aurélien TACHÉ, Buon TAN, Stéphane TESTÉ, Agnès THILL, Laurence TRASTOURISNART, Stéphane TRAVERT, Stéphane TROMPILLE, Pierre VENTEAU, MarieChristine VERDIERJOUCLAS, Annie VIDAL, Patrick VIGNAL, Hubert WULFRANC, Souad ZITOUNI, JeanMarc ZULESI, Michel ZUMKELLER,

députés.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La pandémie de covid‑19 constitue un événement sans précédent dans l’histoire récente de notre pays.

Face à l’urgence sanitaire, le Gouvernement, en responsabilité, a pris des décisions difficiles et à la mesure de la gravité de la situation. Ainsi, et contre toute attente, un confinement généralisé de la population française a été mis en place au printemps dernier.

Longue de plusieurs mois, cette mise entre parenthèse de nos libertés individuelles a permis d’éviter la survenance d’une catastrophe sanitaire et de limiter les conséquences de l’épidémie. Néanmoins, elle a également eu pour effet de ralentir sensiblement, voire de mettre à l’arrêt, de nombreux secteurs de la vie économique de notre pays.

Ici encore, le Gouvernement, avec l’appui du Parlement, a rapidement déployé des dispositifs de soutien à destination des entreprises et des ménages afin de pallier l’impact des mesures d’urgence sanitaire sur les trésoreries et les revenus, qu’il s’agisse de la création d’un fonds de soutien au entreprise, le renforcement du dispositif dit de « l’activité partielle » ou encore la prolongation des droits à l’assurance‑chômage.

En dépit de leur efficacité, certains professionnels se sont néanmoins retrouvés dans l’impossibilité de bénéficier de ces mesures de soutien, et ce en raison de la nature même de leur activité.

Parmi eux, de nombreux intermittents travaillant au sein du secteur de l’hôtellerie, restauration, événementiel (RHE), plus connus sous l’appellation « extras ».

En pratique, ces professionnels sont employés à l’aide de contrats à durée déterminée d’usage (CDDU), qui leur permettent de passer rapidement d’un employeur à un autre, leurs services étant le plus souvent requis pour des périodes n’excédant pas une ou deux journées. Aussi, et à l’instar des autres intermittents, leurs périodes d’activité sont entrecoupées de périodes où ces extras font valoir leurs droits auprès de l’assurance‑chômage afin de percevoir un revenu.

Avec le confinement, et la cessation de toute activité susceptible de requérir leur embauche, ces précaires du secteur RHE se sont vus contraints, comme d’autres Français, de percevoir une allocation de la part de l’assurance‑chômage. Néanmoins, tous n’ont pas pu bénéficier des mesures évoquées plus tôt, car seuls ceux d’entre eux ayant atteint les seuils requis afin de pouvoir liquider leurs droits ont pu jouir du maintien de ces derniers durant la période de confinement, tout en étant dans l’incapacité de travailler afin de pallier cette insuffisance.

Dans un second temps, au sortir du confinement, l’activité du secteur RHE, du fait non seulement de la persistance de la pandémie mais encore de celles des mesures de sécurité sanitaire, n’a pu reprendre avec une intensité semblable à celle qu’elle revêtait avant mars 2020. Pour les extras, cela a concrètement signifié une diminution sensible des offres d’emploi, et donc l’incapacité soit de percevoir des revenus, soit d’atteindre les seuils horaires requis afin de percevoir une allocation de la part de l’assurance‑chômage.

Ainsi, si la situation des professionnels ayant perçu une allocation chômage pendant le confinement s’est aggravée pour ceux arrivant en fin de droits, celle des extras laissés sans ressources durant cette période est devenue critique. Cette dégradation a eu des conséquences concrètes : certains perçoivent désormais le RSA, d’autres ont dû se salarier – renonçant ainsi à la nature même de leur métier – tandis que d’autres encore n’ont pas même pu recourir à ces possibilités, et se trouvent encore aujourd’hui sans ressources.

À plusieurs reprises, et partout en France, les intermittents du secteur RHE ont crié leur détresse, soulignant à juste titre le risque de disparition d’un métier requérant expertise, mobilité et polyvalence ; et dont l’apprentissage dépend exclusivement de la pratique.

Afin de répondre à leur appel, les auteurs de cette proposition de loi, déposée à la fois à l’Assemblée nationale et au Sénat, ont procédé à une série d’auditions, lesquelles ont permis de dégager des moyens d’action permettant de sauvegarder non seulement la profession, mais encore la dignité des femmes et des hommes qui l’exercent.

Parmi ces vecteurs, le rétablissement du statut particulier dont ces intermittents bénéficiaient avant une réforme de l’assurance chômage adoptée en 2014. En effet, et à l’instar des intermittents du spectacle, ces professionnels disposaient d’un régime dérogatoire tenant compte des particularités de leur métier, qui se traduisait en droit par l’existence d’une annexe au règlement d’assurance chômage.

Indifféremment des circonstances dans lesquelles la suppression de ce statut a été décidée, les conséquences de la crise sanitaire ont mis en lumière la nécessité de raisonner en tenant compte non seulement de leurs particularités, mais surtout de l’impact de cette épidémie à moyen et long termes sur leur activité.

Ce faisant, il ne s’agit pas de maintenir ces professionnels dans une précarité qui n’est jamais qu’une conséquence inévitable de la nature de leur métier, mais bien de prendre en considération l’interaction imposée entre cette particularité et la crise sanitaire et économique actuelle – voire celles à venir.

Pour ces raisons, et afin de répondre rapidement et efficacement à la détresse économique dans laquelle se trouvent de nombreux intermittents de l’emploi, l’article 1er de la présente proposition de loi prévoit la mise en place d’un dispositif d’aide à destination des professionnels employés à l’aide de contrats à durée déterminée d’usage. Sous réserve du respect des conditions prévues par cet article, cette aide pourra atteindre jusqu’à 84% de la différence entre le revenu imposable moyen des dernières années et le revenu imposable moyen perçu en 2020.

Afin de s’inscrire dans une perspective à long‑terme, les article 2, 3 et 4 de cette proposition de loi visent à aménager les dispositions du code du travail afin de mettre en place un régime d’assurance‑chômage particulier pour les intermittents du secteur RHE, à l’image de celui dont bénéficient les intermittents du spectacle.


proposition de loi

Article 1er

I. Sont éligibles à une aide de l’État les personnes ayant leur domicile fiscal en France qui réunissent les conditions suivantes :

1° Au cours des années 2017, 2018 et 2019, elles ont été employées dans les secteurs d’activité, régis par le 3° de l’article L. 1251‑6 du code du travail, pour lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée, en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois ;

2° Leur revenu imposable à l’impôt sur le revenu au titre de l’année 2020, calculé selon les modalités prévues à la section II du chapitre premier du titre premier de la première partie du code général des impôts, est inférieur à la moyenne du même revenu au cours des années 2017, 2018 et 2019.

Les personnes qui n’ont été employées dans les secteurs mentionnés au 1° qu’au cours des années 2018 et 2019 ou seulement au cours de l’année 2019 sont également éligibles à cette aide si leur revenu imposable à l’impôt sur le revenu au titre de l’année 2020 est inférieur, selon le cas, à la moyenne du même revenu au cours des années 2018 et 2019 ou au montant de ce revenu au cours de la seule année 2019.

II. Le montant de l’aide de l’État est, pour chaque personne éligible, calculée à partir de la différence entre :

1° d’une part, son revenu imposable moyen au cours des années 2017, 2018 et 2019 ou, si la personne relève du dernier alinéa du I, soit de la moyenne de son revenu imposable au cours des années 2018 et 2019, soit du montant de son revenu imposable au cours de la seule année 2019 ;

2° et, d’autre part, son revenu imposable au titre de l’année 2020.

Sous réserve des dispositions du III, l’aide accordée correspond à 84 % de cette différence. Elle est intégrée dans le revenu imposable de la personne au titre de l’année 2020.

Le cas échéant, le montant correspondant à l’augmentation de la somme dont la personne est redevable au titre de l’impôt sur le revenu au titre de l’année 2020 par rapport à la somme qui aurait été due sans la perception de l’aide est retranché du montant versé au bénéficiaire.

III. Le total du revenu imposable de la personne après intégration de l’aide en application des quatre premiers alinéas du II ne peut excéder 4,5 fois le taux horaire du salaire minimum interprofessionnel de croissance. Le cas échéant, le montant de l’aide est réduit en conséquence.

Article 2

« Après la section 4 du chapitre IV du titre II du livre IV du code du travail, il est inséré une section 5 ainsi rédigée :

« Section 5

« Intermittents de la restauration, de l’hôtellerie et de l’événementiel

« Art. L. 542429. – I. Pour tenir compte des modalités particulières d’exercice des professions de la restauration, de l’hôtellerie et de l’événementiel, les accords relatifs au régime d’assurance chômage mentionnés à l’article L. 5422‑20 comportent des règles spécifiques d’indemnisation des intermittents de ces secteurs, annexées au règlement général annexé à la convention relative à l’indemnisation du chômage.

« Sont considérés comme des intermittents, au sens du premier alinéa, les salariés recrutés sur la base de contrats mentionnés par le 3° de l’article L. 1251‑6, conclus en vertu d’un usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée, en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de emplois concernés.

« II. – Les organisations d’employeurs et de salariés représentatives de l’ensemble des professions mentionnées au I négocient entre elles les règles spécifiques définies au même I. À cette fin, dans le cadre de la négociation des accords relatifs au régime d’assurance chômage mentionnés à l’article L. 5422‑20, les organisations professionnelles d’employeurs et les organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel leur transmettent en temps utile un document de cadrage.

« Ce document précise les objectifs de la négociation en ce qui concerne la trajectoire financière et le respect de principes généraux applicables à l’ensemble du régime d’assurance chômage, en respectant les objectifs et la trajectoire financière définis dans le document de cadrage mentionné à l’article L. 5422‑20‑1. Il fixe le délai dans lequel cette négociation doit aboutir.

« Les règles spécifiques prévues par un accord respectant les objectifs définis par le document de cadrage et conclu dans le délai fixé par le même document sont reprises dans les accords relatifs au régime d’assurance chômage mentionnés à l’article L. 5422‑20. À défaut de conclusion d’un tel accord, les organisations professionnelles d’employeurs et les organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel fixent les règles d’indemnisation du chômage applicables aux intermittents du secteur concerné, dans le respect des conditions définies au second alinéa de l’article L. 5422‑22.

« Art. L. 542430. – Les dispositions de l’article L. 5424‑21 sont applicables aux travailleurs privés d’emploi et qui ont épuisé leurs droits à l’assurance chômage au titre des dispositions spécifiques relatives aux intermittents mentionnés à l’article L. 5424‑31.

« Art. L. 542431. – Du fait de l’aménagement de leurs conditions d’indemnisation, l’allocation d’assurance versée aux travailleurs privés d’emploi relevant des professions mentionnées à l’article L. 5424‑29 peut, en sus de la contribution des employeurs prévue au 1° de l’article L. 5422‑9, être financée par une contribution spécifique à la charge des employeurs, y compris ceux mentionnés à l’article L. 5424‑3 et des salariés relevant de ces professions, assise sur la rémunération brute dans la limite d’un plafond, dans des conditions fixées par l’accord prévu à l’article L. 5422‑20.

« La contribution spécifique est recouvrée et contrôlée par les organismes chargés du recouvrement mentionnés à l’article L. 5427‑1 selon les règles applicables aux contributions mentionnées aux 1° à 3° de l’article L. 5422‑9. Les différends relatifs au recouvrement de cette contribution suivent les règles de compétence prévues à l’article L. 5422‑16.

« Les fins de contrat de travail des travailleurs relevant de la contribution spécifique prévue au présent article ne sont pas prises en compte au titre du 1° de l’article L. 5422‑12 et la majoration ou la minoration de contributions qui résulte de l’application du même 1° n’est pas applicable à ces contrats.

« Art. L. 542432. – Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application de la présente section. »

Article 3

À l’article L. 5424‑3 du code du travail, après le mot : « spectacle », sont insérés les mots : « ou de l’une des professions mentionnées à l’article L. 5424‑29 ».

Article 4

Les règles spécifiques d’indemnisation des travailleurs privés d’emploi prévues par l’article L. 5424‑29 du code du travail dans sa rédaction issue de la présente loi doivent être annexées au règlement général annexé à la première convention relative à l’indemnisation du chômage prenant effet à compter du premier jour du sixième mois suivant la publication de la présente loi.

Article 5

La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.