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N° 3689

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 décembre 2020.

PROPOSITION DE LOI

visant à simplifier les démarches des parents d’enfants d’âge scolaire
en situation de handicap,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles et de l’éducation, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Laure de LA RAUDIÈRE, Christophe EUZET, Vincent LEDOUX, Patricia LEMOINE, Lise MAGNIER,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L’accueil des élèves en situation de handicap au sein des établissements scolaires relevant de l’éducation nationale doit être une priorité. Malheureusement, force est de constater que de nombreux blocages administratifs demeurent autant d’obstacles que ces enfants et leurs parents doivent franchir, en plus des difficultés quotidiennes qu’ils rencontrent.

Cela n’est pas acceptable.

Dans un avis remarquable du 10 avril 2019 ([1]), publié à l’occasion de son audition par les membres de la commission d’enquête sur l’inclusion des élèves handicapés dans l’école et l’université de la République, le Défenseur des Droits Jacques Toubon a dressé une liste des problématiques récurrentes qui se posaient aux enfants en situation de handicap et à leur famille, dans le cadre scolaire.

Il relève à cette occasion qu’à la rentrée scolaire 2005‑2006, 151 500 enfants et adolescents handicapés étaient scolarisés en milieu ordinaire. Ils étaient environ 340 000 à la rentrée 2017‑2018 (élémentaire et secondaire), soit 20 000 (6 %) de plus que l’année précédente, à être scolarisés dans les établissements publics et privés de l’éducation nationale. Parallèlement, selon les statistiques officielles publiées en 2016, 79 714 enfants étaient scolarisés en établissement spécialisé, dont 71 574 en établissement médico‑social et 8 140 en établissement hospitalier. Pour autant, plusieurs milliers d’enfants en situation de handicap ne sont pas scolarisés, ou bien le sont dans des établissements hors contrats ou à domicile, d’autres ne le sont qu’à temps partiel. Il convient, sur ce point, de souligner que leur nombre exact reste à ce jour inconnu.

Il faut reconnaître que beaucoup de mesures en faveur de l’accueil des enfants en situation de handicap a été fait depuis 2017. Pour ne citer que celle‑là, la loi de Finances pour 2020 avait prévu la création de 4 000 équivalents temps plein d’AESH pour la rentrée 2020‑2021. Finalement, 8 000 ont été créés, pour répondre aux besoins constatés.

Mais malheureusement les difficultés persistent, et les démarches administratives imposées aux parents d’enfants en situation de handicap sont très lourdes et compliquées à suivre, notamment dans les territoires défavorisés en termes de présence de professionnels médicaux ou paramédicaux.

Cette proposition de loi a pour ambition de reprendre un certain nombre des propositions formulées dans l’avis du Défenseur des Droits Jacques Toubon, ainsi que d’autres. L’objectif est ainsi de faciliter l’insertion de ces enfants au sein de l’école, et d’aider leurs parents à ne pas subir des blocages administratifs, en plus des difficultés liées au handicap de leur enfant.

Ce texte a également pour but de permettre au parlement d’avoir une vision éclairée, chiffrée, de la situation des enfants en situation de handicap au sein de l’école. Ceci afin de permettre la mise en œuvre de politiques publiques plus efficaces et mieux ciblées.

L’article 1er propose de s’attaquer aux dysfonctionnements de certaines MDPH. Une enquête menée en 2016 par un regroupement associatif (Autisme France, Dysnosdroits, Toupi, Egalited) est tout à fait révélatrice des difficultés auxquelles se heurtent les parents d’enfants en situation de handicap, qui doivent faire face à une administration complexe ([2]).

Les décisions de la MDPH ne sont pas soumises à la règle selon laquelle le silence gardé pendant deux mois par l’administration sur une demande ou une démarche vaut accord. Elles ne sont pas soumises au délai de deux mois. En effet, selon l’article R. 241‑33 du code de l’action sociale et des familles (CASF) « le silence gardé pendant plus de quatre mois par la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées vaut décision de rejet ».

Or, dans les faits, ce délai de quatre mois est rarement respecté par les MDPH. Certes, les Maisons départementales des personnes handicapées croulent sous les dossiers, en forte croissance depuis quelques années. Elles n’ont pas forcément les moyens matériels de pouvoir y répondre dans ce délai. Néanmoins, des solutions permettant un traitement plus efficace pourraient être proposées, et certaines MDPH parviennent à remplir leurs obligations.

Ces délais trop longs posent des difficultés aux enfants en situation de handicap, notamment dans le cadre de la scolarité. Quand une décision intervient au bout de six ou huit mois, cela représente quasiment une année scolaire… L’absence de reconnaissance de handicap, et d’aide compensatoire afférente, peut amener des parents à reporter des soins pourtant nécessaires ou encore des achats d’équipement indispensables au bon déroulement des apprentissages (exemple : un ordinateur pour un enfant dysorthographique). Mais cela reporte également d’autant la mise en œuvre d’un Projet personnalisé de scolarisation (PPS) qui s’impose aux équipes éducatives, contrairement au PAP – Plan d’accompagnement personnalisé qui n’a pas de force obligatoire.

Il est à noter que le dépôt d’un dossier auprès d’une MDPH s’inscrit dans un parcours déjà particulièrement long et complexe, où des bilans ont dû être réalisés sur plusieurs mois pour établir un diagnostic.

Outre les difficultés liées au délai de réponse, plusieurs obligations légales ne sont pas suffisamment respectées. C’est la raison pour laquelle ce rapport devra étudier :

– le respect de l’obligation de transmission du Plan personnalisé de compensation ;

– le respect de l’obligation de motivation des décisions de refus ;

– le respect de l’obligation d’entendre les parties qui le souhaitent lors de la réunion de la commission d’attribution que les concerne.

Il apparaît indispensable de réaliser un rapport détaillé afin de faire l’état des lieux du respect de leurs obligations légales par les MDPH. Ce rapport proposera des solutions concrètes pour permettre aux MDPH de remplir correctement leur mission. Il pourra orienter et servir de point de référence au programme Ma MDPH 2022 actuellement en cours, qui vise justement à améliorer et simplifier l’accès au droit de tous les citoyens qui font appel à cette administration.

Charge ensuite au Gouvernement de mettre en œuvre les mesures préconisées.

L’article 2 a pour but d’éclairer la représentation nationale sur la réalité de la scolarisation des enfants en situation de handicap grâce à des données statistiques fiables. Aujourd’hui, il n’existe pas de données statistiques sur la mise en œuvre effective des décisions des MDPH concernant l’accompagnement des élèves en situation de handicap. En outre, la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) ne comptabilise pas les élèves qui n’ont pas de reconnaissance de handicap de la MDPH. C’est le cas par exemple des élèves qui bénéficient d’un projet d’accompagnement personnalisé (PAP). Ainsi, un grand nombre d’élèves souffrant de troubles cognitifs spécifiques (communément appelés Troubles « dys ») ([3]) qui entrent dans ce dispositif, sans avoir obtenu ou demandé de reconnaissance de handicap par la MDPH, ne sont pas recensés. Enfin, pour la Direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO), seule la reconnaissance d’un handicap par la MDPH peut conduire l’éducation nationale à recenser un élève à ce titre.

Lors de la discussion du projet de loi pour une école de la confiance, le député Patrick Hetzel avait déposé un amendement visant à instaurer le recueil et la publication de données statistiques. Il fut adopté en première lecture à l’Assemblée nationale, puis malheureusement supprimé par le Sénat au motif « qu’il y avait peu de chance que les trois rapports prévus par cet article soient effectivement remis ».

L’article 2 tient compte des remarques du Sénat et demande, par ailleurs, à ce que les données statistiques relatives aux temps de la pause méridienne et périscolaire, y soient ajoutées. Il est indispensable de pouvoir bénéficier de données pour évaluer l’impact des politiques publiques engagées dans l’accueil des enfants en situation de handicap à l’école.

L’article 3 vise à supprimer la différence de traitement entre les enfants handicapés scolarisés au sein des établissements du réseau des établissements français à l’étranger, géré par l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE), et les enfants scolarisés en France. Une circulaire n° 2017‑137 du 4 août 2017 relative aux élèves en situation de handicap scolarisés dans un établissement d’enseignement français à l’étranger est venue préciser les procédures qui leur sont applicables, notamment quant à leur droit à bénéficier d’un accompagnant à la scolarité d’élève en situation de handicap (AESH). Une décision d’attribution d’AESH faite par la MDPH du lieu de vie précédant l’expatriation ; ou de n’importe quelle autre MDPH si la demande est intervenue après, est nécessaire pour l’attribution d’une aide scolaire. En revanche, il appartient aux parents de l’embaucher, avec un contrat de travail local. Des bourses peuvent être attribuées, mais sont très souvent refusées car elles prennent en compte le patrimoine des parents. Cela génère une inégalité de traitement, pour laquelle le Défenseur des droits dit être régulièrement saisi. Cet article préconise la remise d’un rapport avec des propositions pour résoudre ce problème.

L’article 4 vient apporter une réponse aux enfants qui sont en situation de handicap, empêchés de partir en voyage scolaire du fait d’un défaut d’accompagnement. Les AESH peuvent faire cet accompagnement dans le cadre de la durée règlementaire du temps de travail, mais ne le peuvent ou le souhaitent pas toujours. Dans les faits, les situations sont souvent complexes et de trop nombreux enfants sont contraints de ne pas participer à leur voyage de classe. Par ailleurs, il en est de même avec des sorties scolaires plus courtes, où les équipes pédagogiques ne sont pas forcément formées au déplacement d’élèves en situation de handicap.

Aussi, l’article 4 propose que lorsqu’un projet pédagogique prévoyant un déplacement, avec ou sans nuitée, est organisé, une déclaration en ligne soit systématiquement remplie dès la validation du projet, afin d’anticiper les besoins des élèves en situation de handicap. Lors de sa validation, le rectorat en aura connaissance. L’établissement concerné et le rectorat devront mettre en œuvre les moyens nécessaires à l’accompagnement de l’enfant en situation de handicap. Par ailleurs, en cas de situation de handicap reconnu par la MDPH, l’enfant pourra être, de droit, accompagné par l’un de ses parents ou grands‑parents.

L’article 5 vient poser le principe selon lequel les prises en charge médicales ou paramédicales peuvent être réalisées sur le temps scolaire. Si dans la majeure partie des cas, les chefs d’établissement se montrent conciliants, des situations conflictuelles demeurent, notamment si l’enfant ne bénéficie pas d’une reconnaissance de handicap par la MDPH, mais simplement d’un PAP ou d’un PPRE. Cette situation se heurte à plusieurs difficultés majeures :

Le manque de professionnels qui accompagnent ces enfants dans leurs soins (orthophonistes, psychomotriciens, ergothérapeutes, neuropsychologues…) ne permet pas d’obtenir des suivis en dehors des heures d’école pour tous les enfants.

Par ailleurs, ces enfants sont bien souvent plus fatigables que les autres, et la réalisation de soins en fin de journée n’est pas forcément bénéfique.

Plusieurs raisons sont régulièrement invoquées pour refuser que ce suivi ait lieu sur le temps scolaire : le fait que l’enfant devra rattraper ce qu’il n’a pas vu en classe ; l’impossibilité de venir ouvrir la porte pour permettre aux parents de récupérer leur enfant à l’école ; le manque d’espace au sein de l’établissement ; les risques pris en termes de responsabilité si l’enfant quitte l’école.

Pourtant, le Bulletin officiel n° 6 du 7 février 2002 relatif à la mise en œuvre d’un plan d’action pour les enfants atteints d’un trouble spécifique du langage oral ou écrit ([4]) dispose qu’« il n’y a pas lieu de s’opposer à des soins ou à des rééducations extérieurs à l’école pendant le temps scolaire. En effet, il peut être nécessaire d’aménager, selon les besoins, les horaires scolaires pour concilier, dans l’intérêt de l’enfant, scolarisation et interventions spécialisées. »

Si l’on peut concevoir des difficultés liées à l’organisation du service, qui empêcherait un directeur d’établissement enseignant d’interrompre sa classe pour venir ouvrir la porte, il convient de clarifier les règles afin que cela ne soit plus sujet à débat (attestation du professionnel ; délégation de responsabilité ; …).

Cet article vient donc ajouter un nouvel article 111‑1‑3 au code de l’éducation pour acter la possibilité d’un suivi médical sur le temps scolaire, en respectant les modalités du service. Cette disposition vient simplifier la vie des parents d’enfants atteints d’un handicap dans leur relation avec l’éducation nationale

Tels sont, Mesdames et Messieurs les Députés, les motifs de la présente proposition de loi que nous vous proposons d’adopter.


proposition de loi

Article 1er

Dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport détaillant :

– les délais d’instruction des dossiers, notamment ceux concernant les enfants et jeunes adultes de mois de 21 ans dans chaque maison départementale des personnes handicapés ;

– le respect de l’obligation de transmission du plan personnalisé de compensation ;

– le respect de l’obligation de motivation des décisions de refus ;

– le respect de l’obligation d’entendre les parties qui le souhaitent lors de la réunion de la commission d’attribution que les concerne.

Ce rapport doit également faire des propositions pour réduire le délai d’instruction et permettre la mise en œuvre effective des obligations légales imposées aux maisons départementales des personnes handicapées.

Article 2

Un rapport détaillant l’évolution des demandes, le nombre d’élèves accompagnés, les moyens mobilisés dans chaque département, les carences éventuelles et un état statistique complet de la scolarisation des élèves en situation de handicap tel que défini à l’article L. 114 du code de l’action sociale et des familles, est remis par le Gouvernement au Parlement chaque année avant le 31 octobre. Ce rapport doit également inclure les données concernant les orientations préconisées et non effectives, ou aménagées ; ainsi que celles relatives à l’accueil des enfants en situation de handicap sur le temps méridien et le temps périscolaire.

Article 3

Un rapport établissant des propositions pour que les élèves de nationalité française scolarisés dans un établissement français à l’étranger, et titulaires d’un droit à bénéficier d’un accompagnant à la scolarité d’élève en situation de handicap puissent en bénéficier gratuitement,  est remis par le Gouvernement au Parlement au plus tard six mois après l’adoption de la présente loi.

Article 4

Lors de la validation d’un projet pédagogique incluant un déplacement avec ou sans nuitée, l’établissement scolaire est tenu de réaliser une déclaration en ligne sur le site du rectorat, afin de signaler l’éventuellement participation d’élèves en situation de handicap nécessitant un accompagnement spécifique. Si cet accompagnement ne pouvait pas être pourvu, le rectorat, en lien avec l’établissement scolaire, est tenu de mettre à disposition un accompagnant dédié permettant ce déplacement. Un enfant en situation de handicap reconnu par la maison départementale des personnes handicapées peut, de droit, être accompagné par l’un de ses parents ou grands‑parents.

Article 5

Après l’article L. 111‑1‑3 du code de l’éducation, il est inséré un article L. 111‑1‑4 ainsi rédigé.

« Art. L. 11114.  Dans le cadre de l’école inclusive, les suivis médicaux et paramédicaux des enfants en situation de handicap, atteints d’un trouble spécifique du langage oral ou écrit, sont autorisés sur le temps scolaire.

« Un décret détermine les modalités de mise en œuvre de cet article. »


([1])  https://www.defenseurdesdroits.fr/fr/actualites/2019/04/avis-19-06-du-10-avril-2019-relatif-a-linclusion-des-eleves-handicapes-dans

([2])  https://toupi.fr/wp-content/uploads/2016/03/Synth%C3%A8se-enqu%C3%AAte-MDPH-2016-vdef.pdf

([3])  https://www.ffdys.com/troubles-dys

([4])  https ://www.education.gouv.fr/bo/2002/6/encart.htm