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N° 3803

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 26 janvier 2021.

PROPOSITION DE LOI

visant à renforcer le droit des familles endeuillées confrontées
à l’autopsie judiciaire de leur proche,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Éric CIOTTI,

député.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La médecine légale est nécessaire au bon fonctionnement du service public de la justice et à la manifestation de la vérité. Elle joue un rôle majeur pour éclairer la justice sur les causes et les circonstances d’une violence ayant ou non entraîné la mort. Elle revêt également un caractère sensible auprès des familles confrontées au décès d’un proche.

Les pouvoirs publics, conscients du caractère sensible des problèmes soulevés par les autopsies judiciaires, ont récemment renforcé leur encadrement juridique et clarifier le droit des victimes et de leurs familles, à travers des évolutions d’ordre réglementaire et législatif indéniables.

Ainsi en est‑il de la question posée de l’information des familles endeuillées et de la destination des prélèvements de fragments humains au cours d’une autopsie judiciaire.

Il importe, en préalable, de souligner la qualité remarquable du travail accompli par la très grande majorité des médecins légistes et des personnels hospitaliers, ainsi que les efforts déployés par les parquets pour apporter toutes les explications nécessaires aux proches des défunts.

En dépit de cela, et notamment à la suite des attentats terroristes et des tueries de masse, les familles des victimes décédées ont été très souvent laissées dans l’ignorance des autopsies pratiquées ou des prélèvements humains effectués au cours de celles‑ci.

Le code de procédure pénale n’établit pas de délais pour l’information des proches du défunt lorsqu’une autopsie judiciaire est pratiquée. En effet, l’article 230‑28 du code de procédure pénale prévoit une information « dans les meilleurs délais ».

Aussi l’article 1er de la proposition de loi propose d’imposer un délai de 72 heures pour que l’autorité judiciaire informe les proches d’une victime décédée de ce qu’une autopsie a été ordonnée et que des prélèvements biologiques et humains ont été effectués. Il est également proposé que ces derniers soient énumérés de manière exhaustive.

Une autre difficulté s’est faite jour lors de la remise des corps.

Des prélèvements humains ont parfois été conservés par les instituts médico‑légaux alors qu’ils ne semblaient plus utiles à la manifestation de la vérité, constituant, dans des circonstances déjà dramatiques, une épreuve supplémentaire pour les familles qui ont inhumé un proche dépourvu de ses principaux organes.

Pour les familles des défunts, la présence de ces fragments et organes humains dans la dépouille de leur proche lors d’une inhumation ou d’une crémation se justifie au regard de la dignité de la personne décédée et du respect du cadavre.

L’article 2 de la proposition de loi propose d’imposer un délai d’un mois à compter de la date de l’autopsie à l’issue duquel la restitution aux proches du corps et des organes prélevés sur le défunt est ordonnée par le procureur de la République ou le juge d’instruction, sauf décision écrite contraire et motivée, établie dans un délai de quinze jours.

Le code de procédure pénal impose aujourd’hui aux familles endeuillées de réclamer au magistrat la restitution des prélèvements humains réalisés au cours de l’autopsie judiciaire qui, sans cette intervention, font l’objet d’une destruction ordonnée par l’autorité judiciaire, en tant que « déchets anatomiques », lorsqu’ils ne sont plus nécessaires à la manifestation de la vérité.

Au demeurant, l’autorité compétente peut autoriser cette restitution en vue d’une inhumation et d’une crémation pour les prélèvements ayant permis l’identification du défunt. La loi ne règle donc pas la question du devenir des prélèvements voire des fragments humains qui n’ont pas été nécessaires pour identifier les défunts.

L’article 3 de la proposition de loi propose d’imposer la restitution des prélèvements humains et de faire de la destruction l’exception à la règle. Dans cette perspective, l’autorité judiciaire compétente informe la famille de ce que les prélèvements humains effectués ne sont plus nécessaires à la manifestation de la vérité et qu’elle ordonne leur restitution, si matériellement elle est possible et peut être effectuée dans des conditions d’hygiène adaptées.

En cas de refus de la famille de se voir restituer lesdits prélèvements humains, l’autorité judiciaire compétente ordonne la destruction de ces derniers placés sous main de justice.

L’article 3 propose également d’abolir la distinction entre les prélèvements constituant les seuls éléments ayant permis l’identification du défunt et les autres.

proposition de loi

Article 1er

L’alinéa 4 de l’article 230‑28 du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Au dernier alinéa, les mots : « meilleurs délais » sont remplacés par les mots : « 72 heures » ;

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« La nature des prélèvements humains pratiqués au cours de l’autopsie, s’agissant notamment des organes, est indiquée exhaustivement. »

Article 2

Le dernier alinéa de l’article 230‑29 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« À l’issue d’un délai d’un mois à compter de la date de l’autopsie, le procureur de la République ou le juge d’instruction ordonne la restitution aux proches ayant qualité pour pourvoir aux funérailles, du corps du défunt et des organes prélevés au cours de l’autopsie, sauf décision écrite contraire et motivée établie dans un délai de quinze jours. »

Article 3

L’article 230‑30 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« Art. 23030. – Lorsque les prélèvements biologiques et humains réalisés au cours d’une autopsie judiciaire ne sont plus nécessaires à la manifestation de la vérité, l’autorité judiciaire compétente ordonne leur restitution aux proches du défunt ayant qualité pour pourvoir aux funérailles lorsque cette restitution est matériellement possible et peut être effectuée dans des conditions d’hygiène adaptées.

« Toutefois, en raison de contraintes de santé publique ou lorsque les proches du défunt ne souhaitent pas cette restitution, l’autorité judiciaire compétente peut ordonner leur destruction.

« La destruction s’effectue selon les modalités prévues par l’article R. 1335‑11 du code de la santé publique. »