N° 4290
_____
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUINZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 29 juin 2021.
PROPOSITION DE LOI
visant à mieux protéger les forces de l’ordre en définissant des peines minimales de privation de liberté,
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par Mesdames et Messieurs
Édith AUDIBERT, Valérie BEAUVAIS, Philippe BENASSAYA, Jean‑Claude BOUCHET, Bernard BOULEY, Bernard BROCHAND, Fabrice BRUN, Dino CINIERI, Bernard DEFLESSELLES, Fabien DI FILIPPO, Claude de GANAY, Yves HEMEDINGER, Michel HERBILLON, Brigitte KUSTER, Constance LE GRIP, Véronique LOUWAGIE, Emmanuel MAQUET, Éric PAUGET, Bernard PERRUT, Didier QUENTIN, Jean‑Luc REITZER, Bernard REYNÈS, Laurence TRASTOUR‑ISNART, Pierre VATIN, Michel VIALAY, Stéphane VIRY,
députés.
– 1 –
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Au cours des dernières années, force est de constater que la multiplication des agressions à l’encontre des forces de l’ordre s’est aggravée.
Les statistiques de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) sont là pour en témoigner.
Selon cet organisme, 10 790 agents ont subi une blessure au cours d’une opération en 2018, dont 6 002 policiers et 4 788 gendarmes. Parmi eux, près de 60 % ont été victimes d’une agression : sur les 6 227 membres des forces de l’ordre blessés après avoir été pris pour cible par un tiers, le rapport de l’ONDRP dénombre 3 921 policiers, dont 666 ont été attaqués avec une arme.
Côté gendarmerie, les chiffres de l’observatoire montrent une forte hausse du nombre de blessés après une agression : + 71 % depuis 2012, année lors de laquelle 1 342 de ces militaires avaient été attaqués.
Une nette augmentation est également perceptible quant aux policiers blessés par arme, dont le nombre a plus que doublé depuis 2012, passant de 276 à 666 en 2018. Cette croissance n’a toutefois pas été linéaire : ce chiffre a atteint un pic en 2016 avec 687 blessés, avant de reculer l’année suivante et de remonter en 2018. L’évolution du nombre de policiers victimes d’agresseurs non‑armés n’est en revanche pas disponible, cette statistique n’étant recueillie que depuis 2018. Sur l’ensemble des indicateurs accessibles, on constate donc une hausse assez importante et régulière.
Au cours des derniers mois, l’actualité n’a fait que renforcer l’impression donnée par les chiffres.
En 2007, le Gouvernement avait introduit dans le code pénal un système encadrant l’appréciation des juges dans la fixation du quantum des peines d’emprisonnement ou de réclusion pour les crimes ou délits commis en état de récidive légale. Le dispositif adopté permettait au juge, en fixant une peine inférieure à certains seuils, établis par la loi et proportionnels au maximum encouru, de ne pouvoir prononcer de peine en‑dessous de ces seuils. La juridiction gardait toutefois la possibilité de déroger à ces seuils, par une motivation spéciale détaillant les garanties de réinsertion du condamné. C’est ce qu’on a appelé dans le langage courant les « peines plancher ».
Critiqué par certains, ce système de peines incompressibles a finalement été supprimé en 2014 par le Gouvernement au prétexte que le système remettait en cause le principe de la personnalisation judiciaire de la peine. Il n’en est rien puisque précisément, pour éviter cet écueil, le texte prévoyait des possibilités de dérogations aux seuils établis.
Force est de constater que la violence persiste à l’égard des forces de l’ordre et qu’un message de fermeté est plus que nécessaire pour y faire face. Il s’agit de donner dans la loi des indications claires quant à la volonté du législateur de ne plus la tolérer.
En cohérence avec cet objectif, il est donc proposé par les articles 1er et 2 du texte de rétablir les peines minimales de privation de liberté pour l’ensemble des crimes et pour les délits commis à l’encontre des forces de l’ordre punis d’au moins trois ans d’emprisonnement. La possibilité de dérogation est, par contre, supprimée afin de renforcer l’efficience du dispositif. De même, ces seuils sont applicables dès la première comparution et non plus seulement en cas de récidive.
Ces peines minimales sont fixées selon une gradation claire et cohérente, proportionnée à la peine prévue pour l’infraction et donc à la gravité qu’elle revêt aux yeux du législateur. Conformément aux exigences constitutionnelles, l’ensemble de ces seuils revêt donc un caractère proportionné à la gravité des infractions en cause.
L’efficacité du projet de loi adopté en 2007 reposait avant tout sur son caractère dissuasif et il n’a pas donné les résultats escomptés. C’est pourquoi il est urgent de passer de la dissuasion à la répression. C’est ce qu’exige la situation et ce que demandent nos concitoyens. C’est ce qu’espèrent ces femmes et ces hommes entièrement dévoués à la sécurité des Français qui ne doivent plus être impunément la cible des délinquants.
C’est pourquoi il vous est proposé, Mesdames, Messieurs, d’adopter la présente proposition de loi.
proposition de loi
Article 1er
Après l’article 132‑18 du code pénal, il est inséré un article 132‑18‑1 ainsi rédigé :
« Art. 132‑18‑1. – Pour les crimes commis contre un militaire de la gendarmerie nationale, un fonctionnaire de la police nationale, un sapeur‑pompier professionnel ou volontaire ou toute autre personne dépositaire de l’autorité publique, la peine d’emprisonnement, de réclusion ou de détention ne peut être inférieure aux seuils suivants :
« 1° Cinq ans, si le crime est puni de quinze ans de réclusion ou de détention ;
« 2° Sept ans, si le crime est puni de vingt ans de réclusion ou de détention ;
« 3° Dix ans, si le crime est puni de trente ans de réclusion ou de détention ;
« 4° Quinze ans, si le crime est puni de la réclusion ou de la détention à perpétuité.
« Lorsqu’un crime est commis une nouvelle fois en état de récidive légale, la juridiction ne peut prononcer une peine inférieure à ces seuils que si l’accusé présente des garanties exceptionnelles d’insertion ou de réinsertion. »
Après l’article 132‑19 du même code, il est inséré un article 132‑19‑1 ainsi rédigé :
« Art. 132‑19‑1. – Pour les délits commis contre un militaire de la gendarmerie nationale, un fonctionnaire de la police nationale, un sapeur‑pompier professionnel ou volontaire ou toute autre personne dépositaire de l’autorité publique, la peine d’emprisonnement ne peut être inférieure aux seuils suivants :
« 1° Un an, si le délit est puni de trois ans d’emprisonnement ;
« 2° Deux ans, si le délit est puni de cinq ans d’emprisonnement ;
« 3° Trois ans, si le délit est puni de sept ans d’emprisonnement ;
« 4° Quatre ans, si le délit est puni de dix ans d’emprisonnement.
« La juridiction ne peut prononcer une peine autre que l’emprisonnement lorsqu’est commis une nouvelle fois en état de récidive légale l’un des délits suivants :
« 1° Violences volontaires ;
« 2° Délit commis avec la circonstance aggravante de violences ;
« 3° Agression ou atteinte sexuelle ;
« 4° Délit puni de dix ans d’emprisonnement.
« Les dispositions du présent article ne sont pas exclusives d’une peine d’amende et d’une ou plusieurs peines complémentaires. »