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N° 4293

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 juin 2021.

PROPOSITION DE LOI

visant à lutter contre la disparition des insectes pollinisateurs,
et notamment les abeilles, en développant les terres en fleurs mellifères pour les nourrir,

(Renvoyée à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Michel VIALAY, Mansour KAMARDINE, JeanLuc BOURGEAUX, Édith AUDIBERT, Robin REDA, Alain RAMADIER, Émilie BONNIVARD, Laurence TRASTOURISNART, Maxime MINOT, Frédéric REISS, Julien DIVE, Fabrice BRUN, Bernard BROCHAND, Vincent ROLLAND, Brigitte KUSTER, Marc LE FUR, Bernard PERRUT, Bérengère POLETTI, Pierre CORDIER, Dino CINIERI, Véronique LOUWAGIE, JeanFrançois PARIGI, Martial SADDIER, Thibault BAZIN, JeanLuc REITZER, Michel HERBILLON, Stéphane VIRY, Yves HEMEDINGER, Ian BOUCARD, Éric PAUGET, Nathalie SERRE,

députés.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Afin d’améliorer notre environnement et notre santé, les lois dites « Grenelle°1 » et « Grenelle°2 » visaient, entre autres, à stopper la perte de la biodiversité et à s’assurer du bon fonctionnement des écosystèmes en protégeant les espèces et les habitats.

Dans cette logique, et face à l’alarmante disparition des insectes pollinisateurs en France et dans le monde entier, et des abeilles en particulier, il est vital de réagir car, si cette situation persistait et s’aggravait, ses effets conduiraient inévitablement à faire disparaître également les espèces végétales, animales et, in fine, l’espèce humaine.

Et si les abeilles et autres insectes pollinisateurs, victimes de nombreux maux, souffraient aussi de la pénurie de fleurs dans les zones de monoculture ?

Les pollinisateurs sauvages jouent un rôle essentiel dans les écosystèmes. En contribuant à la reproduction sexuée de la majorité des plantes à fleurs sauvages et cultivées (principalement les cultures maraîchères et fruitières en Europe), les pollinisateurs assurent une fonction essentielle à la bonne santé de nos écosystèmes et rendent un service important à notre économie. Les études scientifiques montrent que ces insectes pollinisateurs (papillons de jour, abeilles et syrphes) sont tous en déclin et il est essentiel d’agir rapidement pour assurer leur conservation. Pour assurer la préservation de ces pollinisateurs sauvages, ainsi que le maintien des services écosystémiques qu’ils nous rendent, il faut donc agir dès aujourd’hui.

Les enjeux sont considérables, et quelques chiffres le montrent :

– un tiers des cultures destinées à notre alimentation est pollinisé par les insectes ;

– sur les 100 espèces végétales qui fournissent 90 % de la nourriture dans le monde, 71 dépendent des abeilles et de leur pollinisation ;

– la perte de nombreux insectes pollinisateurs est très importante, notamment les abeilles, dont la mortalité s’élève en moyenne à 30 % par an, contre 5 % il y a vingt ans ;

– l’an dernier, moins de 10°000 tonnes de miel ont été produites dans l’hexagone, contre 40°000 il y a 20 ans.

Tous les scientifiques s’accordent à dire que des abeilles bien alimentées sont plus robustes et que leur nutrition est une des deux priorités sur lesquelles nous devons concentrer nos actions.

Les apiculteurs, quant à eux, appellent à encourager le développement des cultures agricoles mellifères en donnant aux agriculteurs tous les moyens techniques nécessaires, ainsi qu’à prendre des mesures incitatives en faveur des mesures agro‑environnementales contribuant directement à améliorer le bol alimentaire des abeilles, comme les jachères mellifères.

« Si l’abeille disparaissait de la surface du globe, il ne resterait plus que quatre ans à l’homme. Plus d’abeilles, plus de pollinisation, plus de plantes, plus d’animaux, plus d’homme ». Certains attribuent cette citation à Albert Einstein, d’autres à l’Union Nationale de l’Apiculture Française, mais, en tout état de cause, elle montre bien que leur survie est capitale.

Aussi, pour rompre le cercle vicieux du déclin des pollinisateurs et s’inscrire dans un cercle vertueux de conservation de ces derniers, il nous faut :

– préserver et restaurer les communautés d’insectes pollinisateurs ;

– préserver et restaurer les habitats qui les accueillent ;

– préserver, restaurer voire renforcer les continuités et les échanges entre les différentes populations ;

– maintenir et restaurer le service écosystémique et agronomique.

Des pays voisins, à l’image du Danemark, ont déjà engagé des actions visant à la plantation de fleurs pour les abeilles.

En France, aussi, on plante des fleurs pour les abeilles, et plus généralement pour les insectes, appelées bandes fleuries, entre les vignes, les arbres, les cultures, ou jachères fleuries quand la surface est plus grande. Cette pratique est saluée par les scientifiques et les apiculteurs, mais elle reste insuffisamment développée pour enrayer la disparition des insectes pollinisateurs, et elle nécessite donc d’être incitée pour être fortement développée.

Cela étant, si une telle politique de développement des terres fleuries concourra indéniablement à l’indispensable croissance des insectes pollinisateurs au bénéfice de l’intérêt général, elle représente un coût pour ceux qui auront à en assumer les charges, tant pour la plantation, la gestion, voire le manque à gagner en termes de production sur les espaces concernés.

Il est donc logique que la charge financière de cette politique favorable à la biodiversité soit portée collectivement, et donc par le budget de l’Etat.

Dans ce contexte, la présente proposition de loi vise à définir plusieurs espaces qui pourraient ainsi être ciblés pour y accueillir des plantes mellifères, et à préciser les modalités de prise en charge de cette politique par le budget de l’État :

– Les délaissés qui longent les autoroutes : les relations contractuelles avec les concessionnaires pourraient ainsi en prévoir l’obligation pour une part des surfaces concernées, à déterminer par décret.

– Les délaissés qui s’y prêtent le long des routes nationales et départementales : Ceux‑ci seraient déterminés par décret et, s’agissant des routes départementales, l’État prendrait en charge les coûts inhérents aux semis, à leur plantation et à la gestion des terres ainsi fleuries.

– Les délaissés qui longent les voies de la SNCF : propriété de l’État, celui‑ci réserve une part du foncier considéré à la plantation de plantes mellifères.

– Différentes surfaces agricoles selon leur destination :

– Les terres où la jachère viendrait à être imposée par l’Union Européenne dans le cadre des Politiques Agricoles Communes successives. Dans cette situation, la prise en charge concernerait les coûts inhérents aux semis, à leur plantation et à la gestion des terres ainsi fleuries.

‑ Les terres où les agriculteurs seraient volontaires pour y substituer des espaces fleuries à leur production habituelle. Dans cette situation, et dans la limite d’un pourcentage des exploitations concernées à définir par décret, la prise en charge par l’État concernerait les coûts inhérents aux semis, à leur plantation et à la gestion des terres ainsi fleuries, et compenserait aussi la perte de production qui aurait pu y être réalisée. Cette perspective s’inscrivant dans le cadre d’une politique nationale française de développement de la Biodiversité et donc d’intérêt général, les financements afférents devront être exclus du calcul des quotas européens qui prévoient des plafonds des aides versées.

Par ailleurs, un label « Biodiversité » pourrait être créé par décret. Ce label viserait à favoriser l’émergence de projets favorables au développement de la Biodiversité sur le territoire Français, et plus particulièrement ceux qui auront pour objectif d’accroître les espaces composés de plantes mellifères au bénéfice de l’alimentation des abeilles.

À l’image du label « Bas carbone », ce label pourrait notamment permettre la création d’un marché privé où des porteurs de projets pourront ainsi se faire rémunérer par des partenaires volontaires, publics ou privés

Tel est l’objet de la présente proposition de loi

 

 

 


proposition de loi

Article 1er

Après la section 1 du chapitre Ier du titre Ier du livre IV du code de l’environnement, il est inséré une section 1 bis ainsi rédigée :

« Section 1 bis

« Lutte contre la disparition des insectes pollinisateurs

« Art. L. 41131. – L’État oblige les concessionnaires autoroutiers à planter une part des surfaces des délaissés d’autoroutes de plantes mellifères. Cette part des surfaces est prévue dans le cadre des contrats de concessions.

« Art. L. 41132. – L’État réserve une part du foncier des surfaces des délaissés de routes nationales à la plantation de plantes mellifères.

« Art. L. 41133. – L’État oblige les départements à réserver une part du foncier des surfaces des délaissés de routes départementales à la plantation de plantes mellifères. L’État prend en charge les coûts inhérents aux semis, à leur plantation et à la gestion des terres ainsi fleuries.

« Art. L. 41134. – L’État réserve une part du foncier des surfaces longeant les voies de chemins de fer à la plantation de plantes mellifères.

« Art. L. 41135. – L’État prend en charge le coût de la plantation de plantes mellifères, par les agriculteurs qui le souhaitent, à la place de leur production habituelle. Les financements afférents sont exclus du calcul des quotas européens qui prévoient des plafonds des aides versées.

« Art. L. 41136.  L’État prend en charge les coûts inhérents aux semis, à leur plantation et à la gestion des terres ainsi fleuries. Les financements afférents sont exclus du calcul des quotas européens qui prévoient des plafonds des aides versées. Cette prise en charge peut se faire par une indemnisation financière ou une exonération d’impôts. »

Article 2

La mise en œuvre des dispositions de la présente loi est déterminée par décret en Conseil d’État.

Article 3

Il est créé un label « Biodiversité », défini par décret en Conseil d’État, visant à favoriser l’émergence de projets favorables au développement de la biodiversité sur le territoire français, et plus particulièrement ceux qui ont pour objectif d’accroître les espaces composés de plantes mellifères au bénéfice de l’alimentation des abeilles.

Article 4

La charge et la perte de recettes pour l’État sont compensées, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.