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N° 4468

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 septembre 2021.

PROPOSITION DE LOI

visant à la création de délégations parlementaires aux droits de l’enfant,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Florence PROVENDIER, Perrine GOULET, MarieGeorge BUFFET, Bruno STUDER, Yaël BRAUNPIVET, Fadila KHATTABI, Maud PETIT, Alexandra LOUIS, Souad ZITOUNI, Gaël LE BOHEC, Sandrine MÖRCH, Guillaume GOUFFIERCHA, Isabelle SANTIAGO, Alain RAMADIER, Albane GAILLOT, Fabien GOUTTEFARDE, Marie TAMARELLEVERHAEGUE, Carole BUREAUBONNARD, Cathy RACONBOUZON, Bénédicte PÉTELLE, Françoise BALLETBLU, Jean LASSALLE, Béatrice DESCAMPS, PierreYves BOURNAZEL, M’jid EL GUERRAB, Annie CHAPELIER, Stéphane CLAIREAUX, Yves DANIEL, Sylvie CHARRIÈRE, Anissa KHEDHER, Benoit POTTERIE, Anne BRUGNERA, Cécile RILHAC, Jacqueline DUBOIS, Béatrice PIRON, Danièle CAZARIAN, MariePierre RIXAIN, Bertrand SORRE, Luc LAMIRAULT, Loïc DOMBREVAL, Sonia KRIMI, Patrice ANATO, Thomas GASSILLOUD, Pierre DHARRÉVILLE, Patricia LEMOINE, Michèle PEYRON, Céline CALVEZ, Valérie THOMAS, Mireille ROBERT, Hervé PELLOIS, Ramlati ALI, Pascale BOYER, Samantha CAZEBONNE, Stéphanie KERBARH, Alain DAVID, David HABIB, Michèle VICTORY, Sylvie TOLMONT, MarieNoëlle BATTISTEL, Claudia ROUAUX, Marietta KARAMANLI, Yolaine de COURSON, Frédérique TUFFNELL, Michèle CROUZET, Nadia ESSAYAN, Pascale FONTENELPERSONNE, Luc GEISMAR, Cyrille ISAACSIBILLE, Patrick LOISEAU, Sandrine JOSSO, Marguerite DEPREZAUDEBERT, Maud GATEL,

députés.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La France, patrie des Droits de l’Homme, porte au cœur de ses valeurs le respect des droits de l’enfant.

Son engagement prend racine dans le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, en son onzième alinéa, qui dispose que « la Nation garantit à tous, notamment à l’enfant [...] la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. ».

Il se prolonge au plan international avec comme boussole la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies, il y a plus de 30 ans, le 20 novembre 1989.

Par cette convention, la France reconnaît que l’enfant est un être à protéger qui dispose de droits fondamentaux. Les droits qui lui sont reconnus considèrent l’enfant dans sa globalité : il s’agit de droits d’ordre civil, politique, économique, social et culturel. À ce titre, l’article 4 stipule que « Les États signataires s’engagent à prendre toutes les mesures législatives, administratives et autres qui sont nécessaires pour mettre en œuvre les droits reconnus par la présente convention ».

C’est dans cet esprit que le 20 novembre 2019, pour les trente ans de la ratification de la Convention internationale des droits de l’enfant, le Président de la République prononçait à l’UNESCO un discours majeur, témoignant de sa volonté d’agir plus avant sur le sujet des droits de l’enfant. Emmanuel Macron y rappelait que malgré la mobilisation de nombreux acteurs, il y avait en France d’importants manquements et qu’il fallait « protéger nos enfants face à de nouvelles menaces ». Ces propos faisaient écho à l’interpellation du Défenseur des droits, qui alertait sur l’émergence de nouveaux sujets de préoccupation quant au respect de l’intégrité physique et morale de nombreux enfants.

Depuis le 25 septembre 2015, la France est signataire des 17 objectifs de développement durable tels que définis par les Nations unies à échéance 2030, qui l’engage à tout mettre en œuvre pour un monde plus juste et plus durable. Notre feuille de route fixe le cap pour une France entreprenante, solidaire et écologique qui ne vit pas au crédit de ses enfants, ni de leur environnement. Les manifestations de la jeunesse pour la préservation du climat nous rappellent son droit à vivre dans un environnement sain et à faire entendre sa voix dans le champ public.

En France, les chiffres des violences faites aux enfants sont inquiétants :

– 1 enfant est tué dans le cercle intrafamilial tous les cinq jours ;

– 73 000 cas de maltraitances sont signalés chaque année à la police nationale et à la gendarmerie ;

– 70 000 enfants restent handicapés à la suite de ces violences chaque année ;

– 53 % des décès pour maltraitance interviennent entre 0 et 4 ans ;

– 1 enfant est violé toutes les heures.

Le Comité des droits de l’enfant des Nations unies, qui évalue tous les cinq ans la bonne application de la CIDE par la France, a notamment dénoncé, en 2016, ces chiffres alarmants et a recommandé une meilleure coordination des acteurs pour l’application de la CIDE.

Conscient de ces enjeux, le Gouvernement a nommé, le 28 janvier 2019, un secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé chargé de la protection de l’enfance. L’un des trois piliers de sa feuille de route est la lutte contre toutes les formes de violences.

À la suite d’une large concertation inédite de l’ensemble des acteurs concernés, il a présenté une stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance de 2020 à 2022 qui vise à garantir à chaque enfant les mêmes chances et les mêmes droits. Elle repose sur quatre engagements :

– agir plus précocement pour répondre aux besoins des enfants et de leurs familles ;

– sécuriser les parcours des enfants protégés et prévenir les ruptures ;

– donner aux enfants les moyens d’agir et garantir leurs droits ;

– préparer leur avenir et sécuriser leur vie d’adultes.

Un autre fléau, renforcé par la crise sanitaire, touche encore trop d’enfants dans notre pays : la précarité. En effet, un enfant sur cinq vit sous le seuil de pauvreté, soit trois millions d’enfants concernés. Cette précarité qui exclut les enfants de notre société n’est pas seulement économique, elle est aussi sanitaire, alimentaire, éducative ou encore culturelle. Un enfant est davantage victime de la pauvreté qu’un adulte dans la mesure où les premières années de sa vie sont déterminantes pour son développement. On ne peut plus accepter ce cycle qui consiste à faire d’un enfant pauvre, un adulte qui vivra toute sa vie dans la pauvreté. C’est l’objectif du plan pauvreté doté de 8,5 milliards d’euros, présenté en septembre 2018 par le Gouvernement pour contrer les inégalités de destin dès le plus jeune âge et également des mesures de l’agenda en faveur de l’égalité des chances, lancé début 2021.

La représentation nationale abonde, par ses travaux, l’action du Gouvernement en se saisissant régulièrement de la question des droits de l’enfant. L’année dernière, une commission d’enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du covid‑19 sur les enfants et la jeunesse a été mise en place et a permis de mettre en lumière la grande vulnérabilité des enfants, particulièrement en période de crise. En avril 2021, le Parlement a adopté la loi visant à protéger les jeunes mineurs des crimes sexuels rappelant la nécessité de mieux protéger tous les mineurs.

Depuis le début du quinquennat, de nombreux travaux ont été menés comme l’adoption d’une réforme majeure pour garantir le droit à l’éducation au travers du projet de loi pour une école de la confiance ou la réalisation d’une mission d’information sur l’aide sociale à l’enfance (ASE).

Pourtant, actuellement, le Parlement ne dispose pas d’organe unique sur lequel s’appuyer pour avoir une vision globale et contribuer aux politiques publiques menées. De nombreuses commissions sont saisies sur des sujets liés aux droits de l’enfant et des avancées sont faites par les commissions des lois, des affaires sociales ou encore des affaires culturelles et de l’éducation qui sont les principales garantes de la prise en compte de l’enfant à l’Assemblée nationale. Cependant, ces travaux dépendent d’initiatives individuelles et mériteraient d’être menés de façon concertée et systématique car l’enfant est un individu à part entière.

À l’heure de la libération de la parole des victimes d’inceste, d’une prise de conscience du mal‑être étudiant, de la publication de nombreux rapports qui nous alertent (Cour des comptes, IGAS sur l’ASE, etc.), à l’heure où un enfant décède tous les cinq jours sous les coups de ses proches, où un enfant sur dix est victime de violences à l’école, où leur vulnérabilité augmente du fait de l’actuelle crise sanitaire, la création d’une délégation parlementaire permanente aux droits de l’enfant est nécessaire.

Le combat pour les droits de l’enfant est un combat toujours inachevé dont nous, députés, devons être collectivement les fantassins. Par cette proposition de loi, nous venons réaffirmer notre volonté de préparer un avenir plus juste et durable pour tous les enfants dans le respect de leurs droits.


proposition de loi

Article unique

Après l’article 6 decies de l’ordonnance n° 58‑1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, il est inséré un article 6 undecies ainsi rédigé :

« Art 6 undecies. – I. – Il est constitué, dans chacune des deux assemblées du Parlement, une délégation parlementaire aux droits de l’enfant. Chacune de ces délégations compte trente‑six membres.

« II. – Les membres des délégations sont désignés en leur sein par chacune des deux assemblées de manière à assurer une représentation proportionnelle des groupes parlementaires et équilibrée des  hommes et des femmes ainsi que des commissions permanentes.

« La délégation de l’Assemblée nationale est désignée au début de la législature pour la durée de celle‑ci.

« La délégation du Sénat est désignée après chaque renouvellement partiel de cette assemblée.

« III. – Sans préjudice des compétences des commissions permanentes ou spéciales ni de celles des commissions chargées des affaires européennes, les délégations parlementaires aux droits de l’enfant ont pour mission d’informer les assemblées de la politique suivie par le Gouvernement au regard de ses conséquences sur les droits de l’enfant. En ce domaine, elles assurent le suivi de l’application des lois.

« En outre, les délégations parlementaires aux droits de l’enfants peuvent être saisies sur les projets ou propositions de loi par :

« 1° Le bureau de l’une ou l’autre assemblée, soit à son initiative, soit à la demande d’un président de groupe ;

« 2° Une commission permanente ou spéciale, à son initiative ou sur demande de la délégation.

« Enfin, les délégations peuvent être saisies par la commission chargée des affaires européennes sur les textes soumis aux assemblées en application de l’article 88‑4 de la Constitution.

« Elles demandent à entendre les ministres. Le Gouvernement leur communique les informations utiles et les documents nécessaires à l’accomplissement de leurs missions.

« IV. – Les délégations établissent, sur les questions dont elles sont saisies, des rapports comportant des recommandations qui sont déposés sur le bureau de l’assemblée dont elles relèvent et transmis aux commissions parlementaires compétentes, ainsi qu’aux commissions chargées des affaires européennes. Ces rapports sont rendus publics.

« Elles établissent en outre, chaque année, un rapport public dressant le bilan de leur activité et comportant, le cas échéant, des propositions d’amélioration de la législation et de la réglementation  dans leurs domaines de compétences.

« V. – Chaque délégation organise la publicité de ses travaux dans les conditions définies par le règlement de chaque assemblée.

« La délégation de l’Assemblée nationale et celle du Sénat peuvent décider de tenir des réunions conjointes.

« VI. – Les délégations établissent leur règlement intérieur. »