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N° 4580

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 octobre 2021.

PROPOSITION DE LOI

visant à encadrer le démarchage commercial et les mesures d’offre
des fournisseurs d’énergie et à protéger le consommateur,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Pierre MORELÀL’HUISSIER, JeanChristophe LAGARDE, Christophe NAEGELEN, Valérie SIX, Nicole SANQUER, Thierry BENOIT, Meyer HABIB, Guy BRICOUT, Pascal BRINDEAU, Sophie MÉTADIER, Michel ZUMKELLER, Fabrice BRUN, Annie CHAPELIER, Emmanuelle ANTHOINE, Isabelle VALENTIN, Yves DANIEL, Olivier FALORNI, Philippe GOSSELIN, Philippe BENASSAYA, Bruno BILDE, JeanClaude BOUCHET, Yves HEMEDINGER, Benoit SIMIAN, Nicolas DUPONTAIGNAN, Hélène ZANNIER, Jennifer DE TEMMERMAN, Françoise BALLETBLU, MarieFrance LORHO, Bernard PERRUT, Typhanie DEGOIS, Martine WONNER, Luc LAMIRAULT, JeanLuc BOURGEAUX, Victor HABERTDASSAULT, Robert THERRY, Valérie BEAUVAIS, MarieNoëlle BATTISTEL, JeanLuc REITZER,

députés.


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Alors que les démarches et offres commerciales croissent du côté des fournisseurs d’énergie pour développer leur réseau de clientèle, les formalités à suivre pour les consommateurs afin de pouvoir avoir accès au gaz ou à l’électricité se complexifient.

Ainsi, le Médiateur national de l’énergie a été saisi de 27 203 dépôts de plainte en 2020. Il s’agit d’une augmentation constante depuis 2015 où 12 319 plaintes avaient été reçues, 16 934 en 2018 et à 22 807 en 2019.

Le médiateur national de l’énergie, interlocuteur indépendant, spécialiste sur ces questions et dont la première des missions est de défendre chacun des différents partis lors des litiges entourant les problématiques liées à l’énergie, formule un certain nombre de propositions pour faire avancer la loi sur ce sujet et mieux protéger les consommateurs.

L’égal accès à l’énergie est un droit relevant de la dignité de chacun d’entre nous. Ce sujet ne saurait être délaissé ou oublié. La présente proposition de loi est une réponse pragmatique à de nombreux problèmes auxquels nos concitoyens sont confrontés.

À ce titre, la récente augmentation brusque des prix de l’électricité et du gaz qui fragilise un peu plus encore le pouvoir d’achat de nombreux ménages, risque de conduire à une relance des pratiques abusives. Il convient de l’anticiper et de protéger nos concitoyens de mauvaises offres.

En 2019, 61 % des ménages déclaraient avoir été sollicités pour la souscription d’une offre de fourniture d’électricité ou de gaz naturel (56 % en 2018 et 36 % en 2017) ([1]).

Parallèlement, le médiateur national de l’énergie a constaté une augmentation du nombre de litiges relatif à des souscriptions non souhaitées. De manière récurrente, les consommateurs invoquent l’absence d’accord réellement exprimé, ou même un accord obtenu de manière forcée ou tronquée.

Les fournisseurs refusent trop souvent de résilier le contrat ainsi conclu ; ou encore incitent les consommateurs à demander le commencement de l’exécution du contrat avant la fin du délai de rétractation (et le changement de fournisseur se fait sans délai).

Alors que l’ouverture des marchés de l’électricité et du gaz est prévue d’ici le 1er juillet 2023, les associations de consommateurs, ainsi que le médiateur national de l’énergie, s’inquiètent de ces pratiques.

Aussi, et afin de ne pas jeter le discrédit sur ce secteur et pour ne pas que l’ouverture des marchés soit source de contentieux et de mise en difficulté de nombreux consommateurs, souvent les plus vulnérables, les parlementaires doivent s’emparer de ce sujet et poser des règles afin d’assainir les pratiques de démarchage de ce secteur.

Lors de son rapport d’activité pour l’année 2020, le Médiateur évoque donc seize propositions qui nécessitent une intervention du législateur pour faciliter son action et renforcer la défense des droits du consommateur et à sa liberté d’action économique.

Certaines d’entre elles avaient déjà été relevées par notre ancienne collègue Laure de La Raudière dans sa proposition de loi n° 3691. Ces propositions visent à encadrer le démarchage commercial pour la fourniture de gaz et d’électricité.

L’article 1er prévoit l’interdiction de commencer l’exécution du nouveau contrat de fourniture d’énergie avant l’expiration du délai de rétractation du consommateur, excepté en cas d’emménagement de ce dernier.

L’article 2 prévoit l’encadrement des signatures de contrat de manière à éviter toute forme de suspicion ou d’acte d’escroquerie, du fournisseur au consommateur, professionnel ou privé.

L’article 3 engage le consommateur dans une démarche de dialogue et de transmission des informations avec son fournisseur d’énergie.

Le sens premier de la présente proposition de loi est d’éviter, le plus possible, le recours au médiateur national de l’énergie. Tout est donc mis en œuvre afin que le consommateur soit protégé, et que le fournisseur puisse exercer sa fonction sans complication. Tel est l’objet de l’article 4.

Les articles 5 à 7 visent à mieux encadrer le démarchage commercial pour la fourniture de gaz et d’électricité.

L’article 8 vise à proscrire les offres à tarification dynamique effectuées en amont auprès de lui. Le relais de l’information étant primordial afin que le consommateur puisse être en pleine mesure de faire le meilleur choix en termes d’offre qui lui est proposé, le consommateur se retrouve souvent trompé par les démarchages qui étaient effectués en amont auprès de lui.

L’article 9 vise à garantir une fourniture d’énergie aux consommateurs, notamment aux plus précaires à des tarifs plus justes en rapport avec leur consommation.

L’article 10 vise à augmenter la somme versée par le chèque énergie passant de 150 à 300 euros. Les besoins réels des consommateurs ayant augmenté, une action pour la défense du pouvoir d’achat doit être rapidement mise en œuvre. Cette augmentation bénéficierait au plus grand nombre et assurerait la décence et la dignité de chacun devant l’accès au gaz, à l’électricité ou plus généralement, à la chaleur.

L’article 11 permet au Parlement, à l’instar de ce qui existe pour le réseau télécom, de nommer au sein d’une commission indépendante un fournisseur universel d’énergie. Cela permettra de garantir l’égalité de traitement entre les consommateurs et d’éviter une ascendance du fournisseur litigieux à l’encontre du client préjudicié.

Les articles 12 et 13 visent à faciliter et à rendre moins éprouvante la gestion des différents approvisionnements en énergie pour les consommateurs. Certaines compétences peuvent être déplacées vers des instances communes.

L’article 14 est le gage de cette loi.

Tel est l’objet de la présente loi.

 


proposition de loi

Article 1er

Après l’article L. 224‑6 du code de la consommation, il est inséré un article L. 224‑6‑1 ainsi rédigé :

« Art. L. 224‑6‑1. – Lorsqu’il change de fournisseur d’électricité ou de gaz naturel, le consommateur ne peut en aucun cas renoncer à son droit de rétractation prévu à l’article L. 221‑18, qui est alors d’ordre public. Le changement de fournisseur n’est applicable qu’à compter de l’expiration de ce délai de rétractation.

« Le délai de rétractation court à compter de la date de réception du contrat.

« Cet article ne s’applique pas lorsque le changement de fournisseur est réalisé dans le cadre d’un emménagement. »

Article 2

Après l’article L. 224‑6‑1 du code de la consommation, dans sa rédaction résultant de l’article 1er de la présente loi, il est inséré un article L. 224‑6‑2 ainsi rédigé :

« Art. L. 22462. – Les fournisseurs doivent s’assurer que les clients professionnels avec lesquels ils souscrivent un contrat ont bien une connaissance précise et complète des pénalités auxquelles ils s’exposent en cas de résiliation anticipée de leur contrat précédent. Pour toute nouvelle souscription, les fournisseurs recueillent une mention manuscrite de leur client à ce sujet. En complément de toutes les informations permettant au client professionnel de parfaitement comprendre l’offre qui lui est proposée, les démarcheurs et fournisseurs doivent systématiquement donner la valeur en euros, à la date de signature du contrat, du tarif d’acheminement. »

Article 3

Après l’article L. 224‑6‑2 du code de la consommation, dans sa rédaction résultant de l’article 2 de la présente loi, il est inséré un article L. 224‑6‑3 ainsi rédigé :

« Art. L. 22463.  Les fournisseurs disposent d’un relevé de l’index de consommation du compteur avant toute résiliation ou mise en service d’un contrat. Il est donné par le consommateur qui peut subir une surfacturation en cas d’incohérences dans le relevé. »

Article 4

Après l’article L. 224‑6‑3 du code de la consommation, dans sa rédaction résultant de l’article 3 de la présente loi, il est inséré un article L. 224‑6‑4 ainsi rédigé :

« Art. L. 22464.  Toute détection d’un risque d’inversion de compteur d’énergie bloque instantanément toute souscription de contrat. »

Article 5

Après l’article L. 224‑6‑4 du code de la consommation, dans sa rédaction résultant de l’article 4 de la présente loi, il est inséré un article L. 224‑6‑5 ainsi rédigé :

« Art. L. 22465.  Tout contrat de fourniture d’électricité ou de gaz naturel passé sans respecter les dispositions de l’article L. 224‑6‑1 du code de la consommation est entaché de nullité absolue. Le contrat de fourniture d’énergie liant le consommateur en cause à son fournisseur antérieur est réputé être toujours en vigueur. S’il a été procédé à la résiliation de ce contrat antérieur de fourniture d’énergie, celui‑ci doit être rétabli sans délai. Les frais éventuels seront à la charge du fournisseur n’ayant pas respecté les dispositions de l’article L. 224‑6‑1. »

Article 6

Après l’article L. 333‑3‑1 du code de l’énergie, il est inséré un article L. 333‑3‑2 ainsi rédigé :

« Art. L 333‑3‑2. – L’autorisation de fourniture prévue à l’article L. 333‑1 peut, après mise en demeure, être retirée provisoirement par l’autorité administrative compétente en cas de pratiques frauduleuses du fournisseur d’énergie. L’autorisation peut, après mise en demeure, être retirée définitivement en cas de pratiques frauduleuses systématiques ou répétitives. »

Article 7

Après l’article L. 443‑6 du code de l’énergie, il est inséré un article L. 443‑6‑1 ainsi rédigé :

« Art. L. 443‑6‑1. – L’autorisation de fourniture prévue à l’article L. 443‑2 peut, après mise en demeure, être retirée provisoirement par l’autorité administrative compétente en cas de pratiques frauduleuses du fournisseur d’énergie. L’autorisation peut, après mise en demeure, être retirée définitivement en cas de pratiques frauduleuses systématiques ou répétitives. »

Article 8

Le chapitre II du titre III du livre III du code de l’énergie est complété par un article L. 332‑7‑6 ainsi rédigé :

« Art. L. 33276.  Le démarchage, quel qu’il soit, concernant les offres à tarification dynamique est proscrit. »

Article 9

Le chapitre II du titre IV du livre IV du code de l’énergie est complété par un article L. 442‑4 ainsi rédigé :

« Art. L. 4424. – Les fournisseurs d’énergie s’engagent à proposer systématiquement aux consommateurs équipés de compteurs communicants, au moins une offre avec une facturation établie chaque mois sur la base des consommations réelles. »

Article 10

L’article 6 de la loi n° 90‑449 du 31 mai 1990 sur la mise en œuvre du droit au logement est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le fonds de solidarité est versé par l’État aux départements, proportionnellement au nombre de ménages bénéficiant du chèque énergie. Le montant du chèque énergie est fixé à 300 euros. »

Article 11

Le chapitre Ier du titre III du livre III du code de l’énergie est complété par un article L. 331‑5 ainsi rédigé :

« Art. L. 3315.  Est désigné par une commission composée de cinq députés et de cinq sénateurs un fournisseur universel d’électricité de dernier recours pour dix ans révocable à tout moment. ».

Article 12

À la fin du second alinéa de l’article L. 224‑14 du code de la consommation, les mots : « et, au plus tard, trente jours à compter de la notification de la résiliation au fournisseur » sont supprimés.

Article 13

Le chapitre VI du titre IV du livre III du code de l’énergie est complété par un article L. 346‑6 ainsi rédigé :

« Art. L. 3466.  Les colonnes montantes d’électricité intégrées au réseau public de distribution en application des articles L. 346‑2 et L. 346‑3 constituent des éléments de ce réseau et ne sont plus, dès cette intégration, des branchements collectifs. Les travaux nécessaires à leur renouvellement ou à leur renforcement sont à la charge du gestionnaire du réseau concerné. »

Article 14

La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.


([1]) https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/docs/PIONANR5L15B3691.raw#_ftn1