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N° 4642

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 3 novembre 2021.

PROPOSITION DE LOI

visant à améliorer l’adaptation des commissions départementales
de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers
aux réalités agricoles des Outremer,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.),

présentée par Mesdames et Messieurs

Karine LEBON, Moetai BROTHERSON, Alain BRUNEEL, MarieGeorge BUFFET, André CHASSAIGNE, Pierre DHARRÉVILLE, JeanPaul DUFRÈGNE, Sébastien JUMEL, Manuéla KÉCLARD–MONDÉSIR, JeanPaul LECOQ, JeanPhilippe NILOR, Stéphane PEU, Fabien ROUSSEL, Hubert WULFRANC, JeanHugues RATENON,

Député‑e‑s.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La préservation du foncier agricole est une préoccupation largement partagée. Elle est devenue l’une des priorités des pouvoirs publics et du monde agricole. Elle est également indissociable des enjeux environnementaux et la préservation de la biodiversité en dépend. Tous les acteurs concernés sont convaincus que la pérennité de l’agriculture dans nos territoires est corrélée à la sauvegarde significative des terres agricoles. Il n’est pas excessif de considérer que l’espace agricole constitue désormais la clé de voûte de l’objectif de souveraineté alimentaire remis à l’agenda des priorités.

Durant ces dernières décennies, la superficie des terres agricoles n’a cessé de diminuer à un rythme soutenu. On estime qu’au niveau national, pas moins de 200 hectares de terres disparaissent chaque jour. Artificialisation des sols, étalement urbain, changement d’affectation des espaces, spéculation foncière : les causes en sont multiples et largement documentées. Ce phénomène général n’épargne pas les Outre‑mer où, à l’exception de la Guyane, la diminution du foncier agricole est unanimement déplorée. La Martinique est particulièrement concernée puisqu’en 20 ans la surface agricole utile (SAU) a perdu près de 1000 hectares par an et a diminué de près de 30 % tandis qu’à La Réunion, la stabilisation de la SAU aux alentours de 42 000 hectares reste en deçà des objectifs fixés par le SAR.

Pour inverser cette tendance inquiétante, de nombreux dispositifs ont été mis en place. Aux outils classiques prévus notamment par les documents d’urbanisme que sont le plan local d’urbanisme (PLU) et le schéma de cohérence territorial (SCOT), s’ajoutent des outils plus spécifiques créés à l’occasion du vote des différentes lois relatives à l’agriculture, lesquelles comprennent désormais systématiquement un volet visant à sauvegarder le foncier agricole.

Parmi les outils spécifiques créés ces dernières années, figurent deux institutions prévues par la loi n° 2010‑874 de modernisation de l’agriculture et de la pêche du 27 juillet 2010. Il s’agit d’une part, à l’échelle nationale, de l’observatoire de consommation des espaces agricoles et d’autre part, au niveau local, des commissions départementales de la consommation agricole (CDCA). Définies à l’article L. 112‑1‑1 du code rural et de la pêche maritime, ces commissions, regroupant l’État, les élus, des représentants du monde agricole et des associations de protection de l’environnement, émettent des avis sur les projets d’urbanisme et d’aménagement au regard de la consommation foncière agricole. Cet avis est obligatoire.

La loi d’Avenir pour l’agriculture, l’agroalimentaire et la forêt (LAAAF) du 13 octobre 2014 a renforcé leur rôle et élargi leurs missions. Leur périmètre de consultation ne concerne plus les seuls espaces agricoles et a été étendu aux espaces naturels et forestiers. Elle peut être consultée sur toute question relative à la réduction desdits espaces. Tout comme leur composition, leur dénomination porte la marque de ces changements puisqu’elles s’intitulent désormais commissions départementales de la préservation des espaces agricoles, naturels et forestiers (CDPENAF). Se voulant un lieu de dialogue avec les porteurs de projets, la CDPENAF est ainsi appelé à émettre un avis sur l’opportunité des projets et de certaines procédures d’urbanisme au regard de l’objectif de préservation des terres naturelles, agricoles et forestières. Son avis demeure obligatoire.

Après plusieurs années, des évaluations partielles se multiplient ainsi que les propositions d’ajustement que l’expérience suggère. C’est le cas à La Réunion où pour l’année 2018, 80 % des dossiers présentés par les agriculteurs à la CDNEPAF ont été jugés irrecevables alors même qu’ils sont, la grande majorité des cas, en lien direct avec leur activité agricole. Ce taux record ne manque pas d’interroger et alimente une incompréhension réciproque qui vient de franchir une étape supplémentaire avec la décision de la Chambre d’agriculture de ne plus siéger à la Commission.

Les principales difficultés trouvent leur origine dans les adaptations apportées –il faut le souligner- par voie d’ordonnance ([1]), au dispositif de préservation des terres agricoles pour tenir compte des spécificités des régions d’outre‑mer. Selon les responsables de cette chambre consulaire, il y d’abord la sous‑représentation du monde agricole au sein même de cette commission présidée par le Préfet. Sont en effet présents le Président de la chambre d’agriculture, le Président de la SAFER et un représentant des propriétaires agricoles qui siègent aux côtés du directeur et d’un autre représentant de la direction de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt, du directeur de l’environnement, de l’aménagement et du logement, d’un maire désigné par l’association des maires, du président du conseil régional et du président du conseil départemental[2] et de trois présidents d’associations agréées de protection de l’environnement. La chambre d’agriculture de La Réunion estime qu’avec seulement trois représentants sur douze, les enjeux agricoles ne sont pas pleinement appréhendés et les besoins des agriculteurs insuffisamment pris en compte. Les projets liés non seulement à la diversification, fortement encouragée d’ailleurs par les pouvoirs publics, mais aussi à la mise aux normes ou aux agrandissements des exploitations mériteraient sans aucun doute un examen plus attentif de leur caractère structurel et de leur objectif visant à consolider les activités agricoles.

Ensuite, contrairement aux départements de la France continentale où les CDPENAF émettent des avis simples, dans les Outre‑mer, comme dans certains territoires placés sous AOC, l’avis conforme de la Commission est obligatoire pour la délivrance du permis de construire, ainsi que le prévoit l’article L. 181‑12 du code rural et de la pêche maritime. Rappelons que selon une jurisprudence constante, un avis conforme s’impose à l’autorité compétente - en l’occurrence le Préfet - devant statuer sur la demande d’autorisation et ne constitue pas en elle‑même une décision susceptible de recours. Considérée comme source de blocages, l’avis préalable conforme de la CDPENAF dans les outre‑mer fait l’objet de critiques récurrentes. Elle a d’ailleurs été remise en cause lorsqu’il s’agit de la construction de logements sociaux où l’avis simple est désormais requis.

Enfin, le délai d’un mois prévu pour les traitements des demandes d’autorisation de construction et d’installation nécessaires à l’exploitation agricole est jugé trop court et expliquerait en bonne part les refus puisque si l’avis n’est pas rendu dans un délai d’un mois à compter de la date de notification à la CDPENAF du projet, l’accord est réputé acquis. Autrement dit, la règle selon laquelle le « silence vaut accord » a eu comme effet pervers de ne pas permettre une instruction approfondie des demandes d’autorisation.

L’article 1 propose d’ouvrir la possibilité de renforcer la représentation du monde agricole au sein des CDPENAF Outre‑mer.

L’article 2 prévoit d’une part de subordonner l’approbation d’un projet à l’obtention d’un avis simple de la CDPENAF et d’autre part d’allonger le temps d’instruction des dossiers en portant le délai de réponse de la Commission à deux mois.

 

 


proposition de loi

Article 1er

À la fin du deuxième alinéa de l’article L. 181‑10 du code rural et de la pêche maritime, les mots : « en proportion égale » sont supprimés.

Article 2

L’article L. 181‑12 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, le mot : « favorable » est supprimé.

2° Au début de la première phrase du deuxième alinéa, sont ajoutés les mots : « Dans un délai de deux mois à compter de la notification du projet à la commission mentionnée à l’article L. 181‑10 et dans les conditions définies au code de l’urbanisme,… (le reste sans changement) ».


([1])  Ordonnance n°2011-864 du 24 juillet 2011 relative à la protection et à la mise en valeur des terres agricoles dans les départements d’outre-mer, dans le Département de Mayotte et à Saint-Martin.

([2])  Pour la Guyane et la Martinique, il s’agit respectivement du président et du président du conseil exécutif + un autre membre de l'assemblée. À Mayotte, siègent le président du conseil départemental + un autre représentant du conseil départemental.