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N° 4672

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 novembre 2021.

PROPOSITION DE LOI

relative à l’accès aux bénéfices extrasalariaux pour tous les salariés
sans distinction de la taille de l’entreprise,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.),

présentée par Mesdames et Messieurs,

Mohamed LAQHILA, Géraldine BANNIER, JeanPierre CUBERTAFON, Nadia ESSAYAN, Pascale FONTENELPERSONNE, Maud GATEL, Brahim HAMMOUCHE, Fabien LAINÉ, Philippe LATOMBE, Philippe MICHELKLEISBAUER, Jimmy PAHUN, Maud PETIT, François PUPPONI, Richard RAMOS, Michèle de VAUCOULEURS, Philippe VIGIER,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les bénéfices extra‑salariaux destinés aux salariés du secteur privé et du secteur public résultent historiquement des attributions dévolues par la loi aux comités d’entreprises. En conséquence, seuls les salariés des entreprises dotées d’un comité social et économique (CES) à ce jour, bénéficient chacun, systématiquement et directement, d’avantages extra‑salariaux.

En revanche, la majorité des salariés des entreprises dont l’effectif est inférieur à 50 salariés en sont exclus, la très grande majorité des salariés des entreprises de moins de 11 salariés en sont exclus, et ce sans aucune justification ni fiscale, ni sociale.

Cet état de fait historique trouve son explication par le fait qu’avant la révolution numérique, la négociation d’achats groupés et de remises quantitatives ne pouvaient se transformer en bénéfice réel pour les salariés que lorsque celles‑ci relevaient d’un effet de masse et s’appuyaient donc sur des effectifs importants.

En outre, pour que ces avantages puissent être distribués aux bénéficiaires dans des conditions administrativement acceptables pour les opérateurs, chaque contrat devait concerner un lot conséquent de salariés. Le comité d’entreprise était l’interlocuteur privilégié de la vingtaine d’entreprises offrant ce type de services en France.

Les conditions économiques et réglementaires de cette activité excluaient donc de fait les petits effectifs, et donc les salariés des très petites entreprises (TPE) et de la grande majorité des petites et moyennes entreprises (PME) ([1]).

Selon une étude de 2020 menée par la SOFRES, les bénéfices extra‑salariaux distribués aux salariés représentent un potentiel de pouvoir d’achat additionnel de 2 140 €/an/ménage, soit presque exactement un mois du salaire net moyen du secteur privé ([2]).

Il résulte de ces éléments qu’une population de plus de plusieurs millions de salariés, et notamment les plus faibles salaires dans les entreprises les plus petites, les TPE, a été privée de bénéfices extra‑salariaux depuis des décennies. Ceci constitue une inégalité sociale et fiscale de fait qui sévit au détriment de plus de 4 millions des salariés les moins bien payés, employés dans les TPE et les PME, entreprises les plus fragiles. Si l’on compte, par ruissellement, les ayant‑droits des salariés en question, on parle là de plus de 8 millions de personnes majeures et de plus de 10 millions de citoyens.

Depuis l’arrivée d’internet, parmi la vingtaine d’entreprises spécialisées dans ces services, certains des opérateurs de prestations aux Comités d’Entreprises ont réussi à réduire leurs coûts administratifs et sont en mesure de distribuer des avantages extra‑salariaux à toute entreprise à partir du premier salarié dans les mêmes conditions de bénéfices reçus pour les salariés des TPE, par rapport à leurs collègues des grandes entreprises. Ils ont de surcroît introduit des innovations très utiles, notamment par la géolocalisation des offres partout où les bénéficiaires se déplacent.

Pour autant, les salariés de TPE et des PME n’ont bénéficié de bénéfices extra‑salariaux que de façon très minoritaire car malgré l’offre dite « dès le premier salarié », la majorité des patrons de TPE et des PME qui souscrivent à ce type de service n’en font pas profiter leurs salariés car ce n’est pas obligatoire.

C’est pourquoi il convient de mettre fin à une inégalité d’ampleur nationale qui dure depuis des décennies et qui n’a aucune raison de perdurer, en créant une obligation pour l’employeur qui remettra les salariés des TPE et des PME à égalité avec leurs collègues des entreprises plus grosses.

Plusieurs millions de salariés de grandes entreprises, d’entreprise de taille intermédiaire (ETI) et de grosses PME et des dizaines de milliers de TPE ayant des patrons responsables utilisent déjà ce type de services innovants et géolocalisés. L’argument d’ordre social qui voudrait laisser croire que cette mesure nouvelle créerait une « usine à gaz » inexploitable par les bénéficiaires est nul.

Pour empêcher toute forme d’obstruction, faciliter les contrôles et garantir aux salariés la mise à disposition permanente et immédiate de leurs droits d’accès aux bénéfices extra‑salariaux sans création d’un processus opaque et supplémentaire de gestion sociale, des mécanismes simples, tels que la mention obligatoire sur les bulletins de paie par exemple, avec mise à jour automatique et disponible pour le salarié aussi longtemps que la durée de son contrat de travail serait une solution.

Une telle mesure de justice sociale et fiscale ne va à l’encontre d’aucune règle d’intérêt général et recèle par ailleurs d’éléments très positifs de dynamisation de l’économie locale et de lutte contre le réchauffement climatique :

 égalité entre les entreprises : Le financement des CES est assuré par un prélèvement de 0,20 de la masse salariale, ces montants sont plus que suffisants pour permettre aux TPE de souscrire à un opérateur de bénéfices extra‑salariaux. (0,2 % du SMIC = 3 €). Ils sont conformes au principe d’égalité des entreprises en matière de concurrence.

 zéro coût pour les finances publiques : La mesure proposée ne nécessite l’emploi d’aucun fonds public pour sa mise en œuvre.

 extrême simplicité de gestion : Chaque employeur peut choisir son prestataire et inscrire son entreprise en quelques clics, après quoi, il n’a plus rien à faire si ce n’est assumer quelques Euros de frais de service par mois et par salarié.

 extrême simplicité d’usage : La technologie permet aux salariés d’accéder à leurs droits en un clic, via smartphone, laptop ou tablettes.

 protection des données : La technologie permet de garantir aux salariés et leurs ayant‑droits, la confidentialité des données d’usage de leurs bénéfices extra‑salariaux.

 dynamisation de l’économie locale : La géolocalisation des offres permet de privilégier les fournisseurs locaux alors que les centrales d’achats classiques privilégient les grandes structures.

Réduction des émissions de gaz à effet de serre : Les services géolocalisés des prestataires les plus innovants permettent de réduire le recours aux grandes plateformes type Amazon et de réduire les émissions de CO2.


proposition de loi

TITRE I

Bénéfices Extra‑Salariaux pour Tous

Section unique

Généralités

Article 1er

I. – Il est créé, pour les employeurs dépourvus de comité social et économique et dont les effectifs sont inférieurs à 50 salariés au sens de la loi n° 2019‑486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, une obligation de faire bénéficier leurs salariés d’un dispositif de bénéfices extra‑salariaux dès le premier salarié.

II. – Le rattachement à un dispositif de bénéfices extra‑salariaux est fait par l’employeur seul quand son entreprise ne comporte pas de représentant du personnel. Il est fait en concertation avec la représentation du personnel quand celle‑ci existe. En cas de divergence d’avis, le choix définitif est laissé à l’employeur.

III. – La matérialisation de l’adhésion de l’entreprise à un dispositif de bénéfices extra‑salariaux est obligatoirement réalisée sous la forme d’une information sécurisée et qui permet au salarié d’accéder librement et directement au dispositif de bénéfices extra‑salariaux sans autorisation ni contrôle de son employeur.

Sous‑section 1

Définitions

Article 2

I. – Un dispositif de bénéfices extra‑salariaux est un service constitué a minima par :

1° Une plateforme donnant accès à son utilisateur à des remises et avantages qu’il ne pourrait négocier seul ; portant sur l’ensemble des domaines de la vie des ménages ainsi que, le cas échéant, sur les besoins professionnels ;

2° Une fonctionnalité de géolocalisation permettant à l’utilisateur de profiter des offres de proximité, quel que soit l’endroit où il se trouve sur le territoire.

3° Une fonctionnalité qui émet, sur chaque fiche de paie, une information sécurisée qui matérialise pour le mois à venir le bénéfice du dispositif de bénéfices extra‑salariaux et contient les données nécessaires à l’exécution et à l’administration du dispositif de bénéfices extra‑salariaux.

II. – Est considéré comme salarié au sens de la présente loi :

1° Toute personne disposant d’un contrat de travail en vigueur ;

2° Tout dirigeant de droit, régulièrement enregistré.

III. – Est considéré comme Ayant‑droit au sens de la présente loi :

1° Toute personne, résidant sur le territoire national, descendant ou ascendant direct du salarié jusqu’à deux niveaux générationnels ;

2° Épouse, époux, ou compagnon pacsé résidant sur le territoire national ;

IV. – Est appelé fournisseur au sens de la présente loi : Toute entité juridique de droit français qui recueille, administre et archive les données du salarié et ses ayant‑droits relatives au dispositif de bénéfices extra‑salariaux, émet et met à jour l’information sécurisée.

V. – L’information sécurisée au sens du présent texte consiste en un ou plusieurs fichiers de données générés selon un code graphique bidimensionnel d’une norme publiée, au droit d’usage accessible, et d’usage courant, accessible sans artifice depuis l’immense majorité des mobiles multifonction.

Sous‑Section 2

Conditions et limitations de l’usage au dispositif de bénéfices extra‑salariaux

Article 3

Le salarié est inscrit au bénéfice du dispositif de bénéfices extra‑salariaux par son employeur. Il est totalement libre de se servir ou non du dispositif de bénéfices extra‑salariaux et de désigner ses ayant‑droits.

Dans la limite de sept ayant‑droits, le salarié n’est tenu de fournir que les nom, prénom, et numéros de cellulaire desdits ayant‑droits. Au‑delà de sept ayant‑droits, le salarié est tenu de renseigner le lien avec tous les ayant‑droits et les certifie exacts sur l’honneur.

Le nombre maximal des ayant‑droits est librement déterminé par le fournisseur, dans la limite de quinze personnes simultanément.

Le salarié est seul administrateur de son compte « dispositif de bénéfices extra‑salariaux », il est le seul à pouvoir en modifier le contenu.

Lors de chaque mise à jour ou modification, il reçoit un courriel ou un message cellulaire de confirmation et de vérification des données modifiées. Il est seul responsable de leur communication à ses ayant‑droits.

Lors de l’initialisation du service, l’employeur fournit obligatoirement au dispositif de bénéfices extra‑salariaux les nom, prénom, adresse, numéro de cellulaire et courriel du salarié. Celui‑ci est libre de modifier par la suite ces données comme il l’entend.

Les données sur le salarié et ses ayant‑droits sont protégées par les textes législatifs et réglementaires en vigueur.

Ni l’’employeur ni aucun tiers n’a accès aux données relatives à l’identité et à l’usage personnel du dispositif de bénéfices extra‑salariaux par le salarié et ses ayant‑droits.

L’employeur n’a pas accès aux données des ayant‑droits.

Les ayant‑droits n’ont pas accès aux données salariales du salarié.

Le commerçant qui vérifie la validité de l’information sécurisée n’a pas accès aux données du salarié ni à celles de ses ayant‑droits.

L’information sécurisée relative à chaque salarié est mise à jour en permanence par le fournisseur et renouvelée chaque mois aussi longtemps que dure le contrat de travail. Elle comporte notamment les informations nécessaires pour permettre au salarié et aux ayant‑droits de se connecter au fournisseur autrement que par l’usage d’un téléphone cellulaire ainsi que de permettre la réalisation sécurisée de toute opération commerciale avec tout commerçant enregistré dans le dispositif de bénéfices extra‑salariaux sans diffusion de données.

La rupture du contrat de travail entre l’entreprise et le salarié entraîne la cessation du bénéfice du dispositif de bénéfices extra‑salariaux. La cessation du bénéfice du dispositif de bénéfices extra‑salariaux est organisée comme suit :

Le fournisseur qui constate que l’employeur n’émet pas de fiche salaire pour le mois, adresse une requête à l’employeur afin d’obtenir la confirmation ou l’infirmation de l’arrêt du bénéfice du dispositif de bénéfices extra‑salariaux. En cas de confirmation de la rupture du contrat de travail, le compte dispositif de bénéfices extra‑salariaux du salarié est désactivé 30 jours après la réception de la réponse de l’employeur.

En cas d’absence de réponse, le compte dispositif de bénéfices extra‑salariaux du salarié est laissé en fonctionnement et l’employeur reste redevable envers le dispositif de bénéfices extra‑salariaux.

Tout fournisseur est tenu au respect des lois et règlements en vigueur relatifs à la protection et à la sécurisation des données personnelles. Plus spécifiquement :

1° Il doit être une entreprise française, enregistrée sur le territoire national ;

2° Les données recueillies doivent être hébergées auprès d’une entreprise située sur le territoire national.

Sous‑Section 3

Limites de responsabilités

Article 4

L’employeur n’est pas responsable de l’usage du dispositif de bénéfices extra‑salariaux par ses salariés et ayant‑droits ni des éventuels abus commis par eux, notamment en cas de fausse déclaration relative à un ou des ayant‑droits ou tentative d’utilisation sans droit ou d’une information sécurisée non valide.

Le salarié et ses ayant‑droits sont seuls décisionnaires quant au choix des commerçants qu’ils décident de contacter en vue de bénéficier des remises négociées par le fournisseur. Ils ne peuvent en aucun cas invoquer la responsabilité de l’employeur en cas de litige avec un commerçant auquel ils ont eu accès par le fournisseur.

L’information sécurisée doit permettre au commerçant enregistré dans le dispositif de bénéfices extra‑salariaux de vérifier la validité de tout information sécurisée qui lui est présenté avant de valider une opération commerciale. En cas de non‑validation, le commerçant est seul responsable de la décision d’octroyer ou non la remise conventionnelle à laquelle il est tenu par le règlement du dispositif de bénéfices extra‑salariaux.

Sous‑Section 4

Contrôles

Article 5

La souscription d’un contrat d’accès à un dispositif de bénéfices extra‑salariaux étant une obligation de l’employeur liée à un contrat de travail, l’inexécution de ladite obligation est une faute de l’employeur passible de contrôles et de sanctions.

Les modalités de mise en œuvre du précédent alinéa sont précisées par un décret.

TITRE II

DÉductibilitÉ et coÛts pour l’employeur

Article 6

I. – Le principe d’égalité en matière de concurrence impose que les dépenses de l’employeur relatives au dispositif de bénéfices extra‑salariaux ne soient déductibles fiscalement que dans la limite de 0,20 % de la masse salariale.

Un décret précise les modalités de mise en œuvre du précédent alinéa.

II. – Le prix de la prestation de dispositif de bénéfices extra‑salariaux est librement négocié entre l’employeur et le fournisseur. Il n’est déductible fiscalement que dans les limites ci‑dessus fixées.

TITRE III

Article 7

La présente loi entre en vigueur au plus tard trois mois après sa publication.

Article 8

I. – La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

II. – La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.


([1])  Chiffres INSEE pour 2015 : 3,67 millions de TPE + 140.000 PME emploient 5,1 millions de salariés en EQTP. Dans les PME, 54% ont moins de 20 salariés.

([2]) Chiffre INSEE 2019 : 2 424 €.